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Invité Afrique

French, Political, 1 season, 527 episodes, 2 days, 14 hours, 55 minutes
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Du lundi au vendredi, Christophe Boisbouvier reçoit un acteur de l'actualité africaine, chef d'Etat ou rebelle, footballeur ou avocate... L'invité Afrique, c'est parfois polémique, mais ce n'est jamais langue de bois.
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Abderaman Koulamallah, MAE tchadien: «Le Tchad n'a aucun intérêt à amplifier la guerre au Soudan»

« Non, le Tchad ne soutient aucun belligérant dans la guerre civile au Soudan ». C'est la réponse ce jeudi matin du ministre tchadien des Affaires étrangères au dirigeant soudanais Minni Arcou Minnawi, qui, hier matin à la même heure sur RFI, accusait le Tchad d'être une plateforme de transit pour les armes et les munitions expédiées par les Émirats arabes unis aux Forces de Soutien Rapide du général Hemedti. En ligne de Ndjamena, Abderaman Koulamallah, qui est à la fois le chef de la diplomatie et le porte-parole du gouvernement tchadien, répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Monsieur le ministre, bonjour.Abderaman Koulamallah : Bonjour.Dans une interview lors de son passage à Paris, le chef de l'Armée de libération du Soudan, Minni Arcou Minnawi, a accusé le Tchad de servir de pays de transit aux armes et munitions que les Émirats arabes unis envoient aux Forces de soutien rapide (FSR) du général Hemedti. Qu'est-ce que vous répondez ?Bon, tout d'abord, ce sont des informations fantaisistes. Le Tchad n'a aucun intérêt à amplifier la guerre au Soudan en fournissant des armes. Et d'ailleurs nous sommes l'un des rares pays où la guerre du Soudan a des répercussions importantes sur notre territoire. Monsieur Minni est un personnage assez connu, assez controversé, qui quelquefois ne maîtrise pas tout ce qu'il dit, et n'a pas les bonnes informations. Ce qu'on peut dire de ce qui se passe au Soudan, ce sont les généraux qui n'ont pas écouté la voix de leur peuple, qui ont amplifié cette guerre en refusant qu'un gouvernement civil dirige le pays et ils portent à eux seuls la responsabilité de cette guerre. C'est eux qui refusent un cessez le feu. C'est eux qui refusent de mettre en place un couloir humanitaire pour leur peuple. C'est trop facile de jeter leur propre responsabilité sur les pays voisins. Nous n'avons aucun intérêt à ce que la guerre au Soudan perdure. Nous sommes le principal pays qui soutient le poids de cette guerre. Nous ne soutenons aucune des factions qui se battent sur le territoire soudanais. Nous sommes pour la paix. Nous réaffirmons notre position qui est une position cohérente. Nous sommes pour qu'il y ait un cessez-le-feu, qu'il y ait des négociations. Et que la paix revienne dans ce grand pays qui est un pays frère. Monsieur Minnawi raconte des choses qui n'ont rien à voir avec la réalité. Les allégations mensongères de certains dirigeants soudanais auraient pu ne même pas être démenties par nous, si elles n'avaient pas une répercussion grave sur l'opinion nationale tchadienne et internationale, qui doit se dire que le Tchad est un pays qui souffre de cette guerre-là. Et j'en appelle aux organisations internationales. J'en appelle au Conseil de sécurité, pour qu’eux-mêmes prennent leurs responsabilités pour mettre fin à cette guerre.Il y a quelques mois, dans un rapport, un groupe d'experts de l'ONU a affirmé avoir observé une forte rotation d'avions cargos, en provenance de l'aéroport d'Abu Dhabi à destination de l'aéroport d'Amdjarass au Tchad, et ensuite avoir observé que des caisses d'armes et de munitions étaient déchargées de ces avions cargos à destination des Forces de soutien rapide au Darfour. Comment vous réagissez ?D'abord, aujourd'hui, nous sommes à l'ère des nouvelles technologies et il faut qu'on fournisse des images. Puisqu’ils ont observé, ça veut dire qu'ils ont des images. Ils n'ont qu'à mettre ces images à la disposition du public ! Non, ce sont des allégations complètement mensongères. Et nous n'avons même pas jugé utile de répondre à ces allégations. Nous avons des bonnes relations avec les Émirats arabes unis, qui sont des relations économiques, des relations bilatérales, qui sont solides depuis longtemps. Mais en aucun cas, cette relation ne revêt un caractère militaire en fournissant des armes à quelque faction. Aucune preuve n'est apportée, aucune image satellite n’a été apportée. Comment voulez-vous qu'on prenne au sérieux ce genre d'allégations qui sont faites par des fonctionnaires, certainement qui ont d'autres intérêts que celui de dire la vérité ?Dans cette interview, Minni Arcou Minnawi ne nie pas que l'armée soudanaise reçoit des armes et des munitions de l'extérieur, mais il affirme qu'on ne peut pas comparer cette institution nationale, l'armée soudanaise, avec les Forces de soutien rapide, qui sont, dit-il, un groupe tribal qui a été créé sur une base raciale et qui, sous le nom des Janjawid, a commis en 2003 un génocide au Darfour ?Alors, quand les militaires soudanais ont fait du général Hemedti le vice-président de la République du Soudan, ils n'avaient pas ces informations et ils viendraient seulement de les obtenir ? Je crois qu'il faut être un peu sérieux. Quand ils disent qu'ils reconnaissent recevoir d'autres armes, c'est déjà quelque chose de très grave, que des pays fournissent des armes pour perpétuer la guerre au Soudan ! Nous, nous ne le faisons pas. Monsieur Hemedti a été vice-président du Soudan, je ne vois pas comment il a atterri à ce poste, alors qu'on l'accuse de choses aussi graves ! Ils n'ont qu'à se pencher sur leur propre responsabilité au lieu de chercher à mettre la responsabilité de cette guerre sur le Tchad qui n'a rien, absolument rien, à voir avec ces allégations, que je nie de toutes mes forces. Parce que je sais que le gouvernement tchadien est un gouvernement qui ne s'occupe pas des problèmes internes des pays voisins. C'est une philosophie développée par notre chef de l’Etat, le président Mahamat Idriss Deby, qui, depuis toujours, refuse de s'ingérer dans les affaires intérieures des pays voisins.À lire aussiMinni Minnawi, gouverneur du Darfour: «Il n’y a pas de solution militaire à la crise au Soudan»
10/24/20248 minutes, 2 seconds
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Minni Minnawi, gouverneur du Darfour: «Il n’y a pas de solution militaire à la crise au Soudan»

Le gouverneur du Darfour et chef du mouvement de libération du Soudan, faction Minni Arcou Minnawi (ALS-MM) était à Paris où il a échangé des points de vue sur la guerre au Soudan avec des responsables français. Son mouvement a rejoint en mars dernier le camp de l'armée soudanaise qui combat les Forces de soutien rapide (FSR)... RFI l'a rencontré à l'occasion de son passage à Paris. Il évoque au micro de Houda Ibrahim les derniers développements de 18 mois de guerre au Soudan. RFI : Lors de la visite que vous effectuez actuellement en France, vous avez rencontré des responsables au ministère français des Affaires étrangères qui s’occupent du dossier soudanais, quelle discussion avez-vous eue ?Minni Arcou Minnawi : La France, s’intéresse beaucoup, en réalité, aux conséquences de la guerre et aux questions humanitaires au Soudan. Durant nos rencontres nous avons évoqué ces points ainsi que celui des pays voisins du Soudan. Nous avons discuté ensemble des possibilités de mettre fin définitivement à la guerre et des possibilités de travailler ensemble pour faire parvenir les aides humanitaires à tous les Soudanais et surtout dans la ville d’al-Facher encerclée par les forces de soutien rapide. Il y a eu la proposition de larguer de l’aide humanitaire au-dessus de la ville…En réalité, nous avons demandé aux Français d’intervenir pour combler le fossé entre le gouvernement soudanais et le gouvernement tchadien, et surtout pour enrayer le rôle du gouvernement tchadien dans le transit à travers son territoire des aides non-humanitaires - des matériaux militaires - vers les zones sous contrôle des FSR au Soudan.Le pouvoir soudanais a à plusieurs reprises accusé le Tchad de faciliter le transfert d’armes aux FSR, ce que confirment les rapports des experts des Nations unies, mais que Ndjamena a toujours nié. Quelles sont vos informations sur cette question ?Il y a toujours, de très importantes quantités de matériels militaires qui traversent le Tchad vers le Soudan. Jusqu’à il y a cinq mois cela se faisait via l’aéroport d’Amdjarass. Actuellement, d’autres aéroports à l’intérieur du pays sont utilisés. Mais nous savons ce qui se passe et nous savons aussi que des armes sont également transportées à travers l’Atlantique vers le port de Douala, puis elles passent à travers la république du Cameroun pour arriver à Ndjamena avant d’emprunter le passage d’Adré, ce chemin que le gouvernement soudanais a rouvert pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire. Mais actuellement ils profitent de la situation et il y a davantage d’aide militaire que d’aide humanitaire acheminée par ce point de passage.Les Émirats arabes unis ont été accusé à de multiples reprises d’ingérence dans les affaires soudanaises, y-a-t-il un nouvel appel que vous souhaitez adresser à ce pays aujourd’hui en ce qui concerne son appui militaire et financier aux FSR ?Nous l’avons rappelé à plusieurs reprises et nous le referons maintenant. Nous appelons les Émirats arabes unis à cesser de soutenir une telle milice, cette machine de tuerie et de destruction, de génocide et d’épuration raciale… Cette milice raciste n’est pas le groupe qui pourrait bâtir l’État, elle peut, au contraire, détruire l’État, les infrastructures, elle peut piller et produire tout ce qu’une catastrophe naturelle pourrait produire. C’est comme un tremblement de terre ou un volcan destructeur… Elle ne construit pas. C’est pour cela que nous disons aux Émirats qu’il faut soutenir le peuple soudanais pour pouvoir reprendre les bonnes relations qui prévalaient entre les deux peuples.Les deux généraux qui s’opposent, al-Burhan et Hemedti ne semblent pas résolus à vouloir résoudre la crise pacifiquement, pourtant la communauté internationale ne cesse de rappeler qu’il n’y a pas une solution militaire possible à cette guerre, qu’en pensez-vous ?Nous sommes tous entièrement convaincus qu’il n’y a pas de solution militaire à la crise au Soudan y compris Hemedti lui-même, comme il l’a précisé dans son discours d’il y a une semaine où il a considéré que des pays étrangers ont mis le feu au Soudan. Mais il est lui-même, en ce moment, aux mains de ces forces étrangères. En arrachant les soudanais, aux mains des forces étrangères, ces agents qui sont payés, qui sont employés par ces forces étrangères, si on arrive à réaliser cela, à ce moment-là, la solution pacifique sera la meilleure sortie de crise.L’armée soudanaise est également accusée d’acquérir des armes et des drones auprès de l’Iran et de la Turquie…Il n’est pas possible de comparer l’armée soudanaise à un groupe dirigé par Hemedti, un groupe tribal qui a été créé sur une base raciale, qui a commis un génocide en 2003, puis qui a continué à commettre des crimes sous le nom de Janjawid, puis sous le nom de gardiens des frontières puis en tant que Forces de soutien rapide…Tous ces noms ne sont qu’une tentative de cacher les crimes de cette milice et de redorer son blason. Jusqu’à maintenant Hemedti ne fait que conduire une milice tribale et familiale. Son frère est son vice-président, leur autre frère est le responsable financier, leur troisième frère est le responsable médiatique et ainsi de suite… L’armée est une institution nationale, et c’est le ministère de la Défense qui conclue tout naturellement des contrats avec d’autres pays pour acheter des armes. C’est une institution nationale, le ministère, qui achète des armes. C’est officiel et ce ne sont pas des armes qui sont acheminées clandestinement pour une milice familiale soutenue par les Émirats.Quand est-ce que cette guerre pourrait s’arrêter alors ?Quand les interventions étrangères cesseront, et quand on cessera d’utiliser des Soudanais payés par des capitaux étrangers pour désintégrer le Soudan… et tuer les Soudanais avec de l’argent étranger comme le font actuellement certains pays. Quand les ingérences s’arrêteront, la guerre s’arrêtera.Pensez-vous que les avancées réalisées par l'armée ces dernières semaines permettront de revenir aux négociations pour un cessez-le-feu ? Est-ce qu'il y a actuellement des contacts dans les coulisses pour retourner à la table des discussions ?Bien sûr, mais les négociations seront différentes. La forme est dépassée par les développements qui ont eu lieu en mai 2023. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts… Il y a eu la résistance populaire, les forces communes… La population soudanaise s’est reconstruite pour défendre ses communautés, ses biens, son honneur et son argent… Les prochains pourparlers de paix seront donc un peu différents et nécessitent une grande préparation. Mais nous disons toujours que toutes les discussions sur le Soudan devraient être basées sur la déclaration de Djeddah.Minni Arko Minnawi, vous vous êtes pourtant vous-même rendu au Tchad, plus d’une fois avant de rallier l’armée soudanaise !A l’époque, nous cherchions la paix. Nous cherchions à garder une bonne relation entre le Tchad et le Soudan. La dernière visite date du juin 2023. J’y ai rencontré, par hasard, Abderrahim Daglo, le frère de Hemedti. Nous sommes restés à discuter durant trois jours. Il voulait mon accord pour séparer le Darfour du Soudan, et pour l’arracher aux mains de l’armée. J’avais posé des questions sur le pourquoi, sur le but d’une telle manœuvre. Je n’ai jamais réussi à obtenir de réponses claires.Le tchadien Ousman Dillo est au Soudan. Depuis la mort de son frère, l’opposant Yaya Dillo. Il est accusé par le pouvoir tchadien de vouloir s’opposer à lui depuis le Darfour, votre réaction ?Ousman est avec nous. Il est de la même tribu et du même groupe social. Quand il est arrivé pour protéger les gens du Darfour, son frère était encore vivant. Il a annoncé sa volonté de nous rejoindre depuis le Tchad. Tous les cercles du pouvoir tchadien savaient qu’il allait au Darfour pour soutenir ses gens, compte tenu qu’il s’agit de la même communauté qui s’étend au Tchad comme au Darfour. Après l'assassinat de son frère, ils ont commencé à l’accuser d'être un opposant. Comment peut-il être un opposant ? Ils ont tué son frère et il est jusqu’à maintenant avec nous sans qu’il soit un opposant. Il est avec moi. Il fait partie de mes hommes. Il n’est pas de l’opposition tchadienne mais c’est l’un de ces volontaires venus protéger les habitants du Darfour. Il est à al-Facher. Il est arrivé au Soudan cinq mois avant la mort de son frère. Et cela est connu par le président Mahamat Kaka et par la sécurité tchadienne. D’ailleurs, Ousman n’est pas le seul, ils sont nombreux les tchadiens avec nous, certains rentrent puis reviennent. C'est comme ça…. Maintenant, parce qu’ils ont tué son frère et parce qu’ils ont peur qu’il se venge, ils disent qu’il est opposant. Jusqu’à maintenant il ne s’oppose pas au gouvernement mais à ceux qui ont tué son frère.Justement, on dit qu’Ousman Dillo est en train de préparer des forces au Soudan pour se venger de ceux qui ont tué son frère ?Ousman n'est pas seul. Il n'est pas seul à avoir ce ressentiment actuellement. Il y a beaucoup de gens qui sont déçus de l'attitude officielle tchadienne qui soutient les Janjawid et qui tuent leurs familles. Actuellement, il y a beaucoup d'enfants de réfugiés soudanais qui travaillent au Tchad. Ils sont en bon nombre dans l’armée tchadienne et au palais présidentiel. Ils ont aussi une position.Que voulez-vous dire par cela ?Il y a beaucoup d’enfants de réfugiés soudanais qui sont entrés au Tchad en 2003, qui sont dans l’armée tchadienne et dans la garde républicaine. Ils sont des officiers de l’armée tchadienne. Il y a plus de 20 tribus communes qui s’étendent au Tchad comme au Soudan. La géographie ne t’empêche pas d’avoir de la compassion pour tes frères. La position officielle en ce qui concerne le Soudan est refusée par un grand nombre d’officiers tchadiens.
10/23/20249 minutes, 58 seconds
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Sommet des Brics: «Créer des monnaies alternatives au dollar prendra du temps»

C'est aujourd'hui, mardi 22 octobre, à Kazan, en Russie, que s'ouvre le sommet 2024 des Brics, ce club des pays qui veulent faire contrepoids à l'Occident, et mettre fin à l'hégémonie du dollar dans le commerce international. Outre les présidents chinois et indien, Vladimir Poutine attend sur place trois personnalités africaines : les chefs d'État sud-africain et égyptien, ainsi que le Premier ministre éthiopien. Quel est l'enjeu de ce sommet ? Ahmedou Ould Abdallah, l'ancien ministre mauritanien des Affaires étrangères, préside aujourd'hui une société de conseil, le Centre 4S : Stratégie, Sécurité, Sahel et Sahara. RFI : Vu d'Afrique, est-ce que l'avenir est avec l'Occident ou avec les Brics ?Ahmedou Ould Abdallah : L'avenir est avec les libertés, les libertés politiques à l'intérieur des pays, liberté d'expression, de gestion, mais aussi les libertés de mouvement dans l'espace. Alors les Africains, comme le dit l'expression populaire, « ils votent avec leurs pieds ». Ils émigrent où ? Ils émigrent la plupart du temps en Amérique ou en Europe. Même si cette migration est de plus en plus rejetée en Europe, je pense que le sentiment des Africains est pour la liberté de mouvement, de commerce, donc pour les pays où cela est possible, et ça se trouve en Occident, effectivement.La grande ambition des Brics, c'est de mettre fin à l'hégémonie occidentale sur les marchés financiers et de trouver une alternative au dollar. Est-ce que vous pensez qu'ils vont y arriver ?D'abord, aujourd'hui, la puissance du dollar, c'est surtout l'économie américaine et la plupart des grandes économies, de l'Arabie saoudite à la Chine, ont leurs réserves en dollar, à la Federal Reserve Board. Quand on regarde le commerce, le dollar doit être à 60 % des échanges et des réserves. Mais si on ajoute les monnaies alliées, l'euro, le sterling et le yen, c'est très probablement proche de 80 % des échanges mondiaux qui s'effectuent dans ces devises. L'idée de créer des monnaies alternatives, je pense que ça prendra du temps.Alors la nouveauté cette année à Kazan, c'est notamment l'arrivée dans les Brics de deux nouveaux pays africains : l'Égypte et l'Éthiopie. Pourquoi ces deux pays ? Et pourquoi pas tous les autres pays du continent qui se sont portés candidats ?L’Egypte et l’Ethiopie, ce sont des pays voisins qui ne sont pas souvent amis à propos du Nil. Est-ce que le but est de les aider à se réconcilier ? Ces deux pays très peuplés, même si le Nigeria est beaucoup plus peuplé, ont leur place dans cette institution. Et ils ont des régimes aussi qui vont beaucoup plus avec les régimes russes et chinois dans la gestion de l'économie, c'est-à-dire l'économie nationale, beaucoup moins libérale.Certains pensent que l'Éthiopie a été préférée au Nigeria parce que le Nigeria abriterait une branche du système de commandement américain et parce que le Nigeria est en compétition économique avec l'Afrique du Sud…C'est très possible. Mais pour ce que je connais du Nigeria, ils sont autosuffisants sur le plan politique et diplomatique. Je pense que le Nigeria est très introverti.Il y a deux ans, le président Abdelmadjid Tebboune a annoncé l'entrée prochaine de l'Algérie dans les Brics. Mais rien n'est venu. Et aujourd'hui, le chef d'État algérien déclare que son pays ne souhaite pas intégrer un groupe dans lequel il n'est pas désiré. « C'est vrai », dit-il, « on a déposé notre candidature il y a deux ans, mais avec la tournure que prend cette organisation, notre volonté a changé ». Peut-on parler d'un revers diplomatique pour l'Algérie ?Si l'Algérie l'a vu comme une continuation du G77, c’est-à-dire du groupe des non-alignés où elle a joué un rôle important, effectivement, cet objectif n'a pas été atteint.Est-ce le signe que l'Algérie pèse moins qu'avant dans les relations internationales ?Depuis la guerre civile [des années 1990], l'Algérie a eu à se pencher beaucoup plus sur des problèmes internes. Mais la plupart des pays de ma région ont des préoccupations plus internes qu'externes.En coulisses, à Alger, on accuse un pays des Brics d'avoir mis son veto à l'entrée de l'Algérie dans ce club, et cela sous les ordres « d'un modeste émirat du Golfe », précise le journal El Moudjahid. Quels sont ces deux pays ?Alors, sur le fond du problème, je ne suis pas au courant d'un malentendu entre l'Algérie et l'un de ces pays, en l'occurrence le Qatar ou les Émirats Arabes Unis.Vu les bons rapports entre le Maroc et les Émirats, n'est-ce pas justement ce pays, les Émirats, qui est visé par l'article d'El Moudjahid ?Je crois que ce qui est important, c'est d'être dans les Brics. Ils peuvent ouvrir des perspectives à tous nos pays, y compris pour les productions énergétiques d'Algérie et pour les productions agricoles et de phosphate du Maroc. Et je pense que le mérite du Maroc et de l'Algérie, c'est ne pas s'entendre, mais, Dieu merci, ils se refusent à faire une guerre ouverte, comme leurs frères et cousins du Moyen-Orient. Je pense que cet aspect doit continuer, quels que soient les appuis financiers, militaires, diplomatiques qu'ils entretiennent, et j'espère bientôt qu'ils ouvriront leur frontière. Les populations qui sont très liées pourront aller rapidement d'un endroit à l'autre, comme elles le faisaient au cours des siècles et des dernières décennies.
10/22/20249 minutes, 49 seconds
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Hallal Bilal: «la Côte d'Ivoire a vu près de 80% de son couvert forestier et faunique disparaître»

Comment protéger les animaux sauvages dans un monde où le couvert forestier ne cesse de diminuer ? C’est l’un des principaux enjeux de la COP16, la conférence mondiale pour la biodiversité, qui s’ouvre ce lundi à Cali, en Colombie. En Afrique de l’Ouest, certaines espèces emblématiques comme l’éléphant sont même en voie d’extinction ! Depuis deux ans, Hallal Bilal préside la Roots Wild Foundation, basée en Côte d’Ivoire. En ligne d’Abidjan, il pousse un cri d’alarme. RFI : Qu'est-ce que vous attendez de cette COP16 pour la biodiversité ?Hallal Bilal : Que des mesures concrètes mais surtout obligatoires soient prises envers les différents gouvernements pour les obliger à s'investir beaucoup plus dans la protection de la biodiversité.Et des animaux sauvages ?Bien sûr.Quels sont à vos yeux les pays africains où la situation est la plus catastrophique ?Ecoutez, je vais déjà parler de mon propre pays. Donc la Côte d'Ivoire a vu près de 80 % de son couvert forestier et faunique disparaître. D'ailleurs, le gouvernement et les membres de la société civile mettent vraiment la main à la pâte et les choses sont en train de changer. Donc oui, déjà la Côte d'Ivoire et puis toute la zone ouest-africaine.À cause de quoi ? À cause de l'urbanisation ou à cause du développement de l'agriculture ?Donc l'urbanisation, bien évidemment, joue un rôle. Le chômage joue un rôle, un rôle très important. L'agriculture bien évidemment aussi, la culture du cacao, la culture du palmier, la culture de l'hévéa, toutes les cultures sont un facteur de déforestation.En Côte d'Ivoire, l'animal emblématique, c'est l'éléphant… Les footballeurs ivoiriens sont bien placés pour le savoir, mais est-ce que ce pachyderme n'est pas en voie d'extinction ?Je peux vous garantir que nous avons vu la quantité de spécimens d'éléphants chuter énormément chez nous en Côte d'Ivoire. Voilà pourquoi d'ailleurs le gouvernement a pris des mesures importantes. Donc, il y a un projet de loi qui a été voté il y a quelques mois par l'Assemblée nationale concernant la création de deux sanctuaires d'éléphants : un sanctuaire dans la zone sud, un sanctuaire dans la zone nord.Est-ce qu'on a des chiffres sur la diminution de la population des éléphants en Côte d'Ivoire ?Ecoutez, pour ma part, oui, je pense qu’actuellement, nous avons une population comprise entre 200 et 500 éléphants maximum.Il y en avait combien il y a 20 ans ?Oh, il y en avait plus de 1000.Donc si on est à 200 éléphants, on peut dire que l'espèce est en voie d'extinction ?Entre 200 et 500 éléphants, je dirais oui, c'est que l'éléphant est pratiquement en voie d'extinction en Côte d'Ivoire. C'est pour ça que, justement, il est primordial et vital de mener des actions en faveur de la reproduction et de leur protection. La déforestation, malheureusement, est un gros facteur de la disparition des éléphants. Les éléphants font des transhumances à travers les couloirs de forêt. Voilà pourquoi nous avons des éléphants qui se retrouvent dans des villages en divagation parce qu'ils sont complètement désorientés puisqu'il n'y a plus de forêt. Donc c'est catastrophique.Et ces éléphants qui divaguent, ils sont tués par les villageois ?Non, alors tout de suite, dès que le ministère des Eaux et Forêts a une information, tout de suite on dépêche une équipe pour protéger cet éléphant, pour sensibiliser la population. Les populations sont plutôt émerveillées de voir l'éléphant. Mais c'est de l'inconscience ou de l'ignorance, donc ils vont s'approcher de l'animal, donc ça peut être risqué. L'éléphant peut être paniqué, mais sinon non, non, non, les populations ne tuent pas l'animal. Et d'ailleurs nous avons soutenu le ministère des Eaux et Forêts afin de déplacer deux éléphants il n'y a pas très longtemps pour les mettre en sécurité.Est-ce qu'il reste du braconnage ?Oui, il reste du braconnage.Pour l'ivoire ?Pour l'ivoire, pour la peau, pour la viande, pour tout. Vous savez, n'oubliez pas qu’en Afrique, nous avons quand même la culture de la consommation de la viande de brousse, tout simplement.Et vous ne craignez pas que, derrière les discours officiels, la déforestation continue et un certain nombre d'espèces disparaissent ?On ne laissera pas faire parce que nous sommes des personnes assez engagées, assez passionnées. Donc nous avons dédié notre vie à la protection de la nature, donc on ne laissera pas faire.Oui, mais si les gens sont d'accord avec cette évolution, vous ne pourrez rien faire ?Alors, en toute sincérité, nous menons énormément de campagnes de sensibilisation aujourd'hui dans chacun de nos communiqués. C'est pour ça que nous en appelons à l'esprit de conservation qui anime chaque Ivoirienne et chaque Ivoirien, parce que c'est notre héritage. Et les populations comprennent, parce que ne serait-ce que depuis 2023, depuis l'année passée, nous avons récupéré énormément d'animaux. Jusqu'aujourd'hui, nous récupérons tous les jours des animaux à notre refuge. Donc c'est un refuge de transition où nous récupérons tous les animaux, victimes du braconnage et du trafic d'espèces. Ils sont mis à disposition par la population en vue de les préparer et de les soigner, en vue de leur future réintroduction dans la nature dans des zones surtout sécurisées. Donc moi, je peux vous garantir qu'une grande partie de la population aujourd'hui est très engagée dans la protection de la faune ivoirienne. Et on continue de mener nos actions de sensibilisation, même dans les écoles. Pas plus loin que hier, le vice-président de la Fondation a eu un entretien avec Adrienne Soundele, la présidente de la Fondation Soundele Konan qui lutte contre la déforestation, et avec une dame du ministère de l'Education nationale, afin de pouvoir inclure cette matière-là dans le programme scolaire.
10/21/20247 minutes, 2 seconds
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Inondations en RDC: «Nous ne pouvons plus nous projeter dans la résilience, nous nous projetons dans l'adaptation»

Il y a près d'un an, fin 2023, début 2024, le Congo-Brazzaville a connu des inondations historiques, d'une ampleur inédite : 1,79 million d'habitants ont eu besoin d'une assistance humanitaire. Plus de 43 000 élèves ont vu leur scolarité interrompue. Selon le XIXe forum des prévisions climatiques d'Afrique centrale (à Douala au Cameroun en septembre), les pluies seront cette année encore supérieure à la normale saisonnière. À Brazzaville, les autorités annoncent un plan d'action face au risque réel de nouvelles inondations. En septembre, Amélie Tulet et Cyril Étienne de RFI sont allés jusque dans la Likouala dans le nord du pays, rencontrer des sinistrés et voir comment ils se préparent à la nouvelle saison des pluies qui commence. Au retour à Brazzaville, ils ont rencontré la ministre des Affaires sociales, de la Solidarité et de l'Action humanitaire de la République du Congo, Irène Marie-Cécile Mboukou Kimbatsa. 
10/19/20244 minutes, 34 seconds
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RDC: au Parc national des Virunga «ceux qui tuent les animaux, ce sont les groupes armés»

Comment protéger les animaux contre la furie des hommes ? C’est la bataille que mène le Congolais Bantu Lukambo pour sauvegarder les animaux sauvages dans le Parc national des Virunga, à l’Est de la République démocratique du Congo. Hier à Londres, ce militant environnementaliste de 51 ans a reçu le prix prestigieux du Fonds International pour la Protection des Animaux, le prix IFAW. En ligne de la capitale britannique, il raconte son combat au micro de Christophe. Boisbouvier. RFI : Bantu Lukambo, vous êtes né dans un village de pêcheurs au cœur du parc des Virunga, pourquoi vous êtes-vous engagé très jeune dans ce combat pour la défense des animaux ? Bantu Lukambo : En fait, il y avait du désordre, il y avait du braconnage, il y avait tout. Alors mon papa était pêcheur et papa surtout faisait allusion aux hippopotames. Il nous disait que c'est grâce aux hippopotames qu'il y a des poissons.Et pourquoi est-ce grâce aux hippopotames qu'il y a du poisson ?En fait, avec la bouse des hippopotames, les poissons trouvent de quoi manger. Donc, il ne fallait pas décimer les écosystèmes. En les décimant, on serait, nous aussi, candidats à la mort.Est-ce que, dans votre village, les gens se moquaient de votre papa et de vous en vous disant que vous feriez mieux de défendre les humains que les animaux ?Oui, oui, oui ! Même aujourd'hui, il y a des moments où on nous dit cela. Parfois, il y a ceux-là qui nous comparent à des fous. Ils disent, non, les gens sont en train de mourir, mais vous, vous défendez les animaux ! Bon, petit à petit, nous arrivons à convaincre les autres, puisque aujourd'hui, au moins 75% des communautés ont compris que nous avons l'obligation de protéger les écosystèmes, puisque sans les écosystèmes, on ne peut pas vivre.Alors, vous dites qu'au village, aujourd'hui, les gens comprennent mieux le sens de votre combat, mais ça ne les empêche pas de continuer à chasser ces animaux, non ?Bon, en fait, ceux qui tirent les animaux ne sont pas les communautés locales. Ce sont les groupes armés. Parce que tu vois, la plupart des groupes armés, ils se servent des animaux, les abattent pour avoir de quoi acheter les munitions, les uniformes et à manger. Mais les communautés, vraiment, non ! Et si nous réussissons le combat sur le terrain, c'est grâce à ces communautés-là.Et quand vous parlez des groupes armés, il s'agit de qui ?Il s'agit du M 23 par exemple, il y a les Wazalendos, il y a même les militaires de nos forces armées : les FARDC [NDLR : Les Forces armées de la République démocratique du Congo] qui abattent les animaux. C'est pourquoi j'ai dit : les porteurs d'armes.Alors, face à ces porteurs d'armes, il y a quand même les écogardes, qu'est-ce-que ceux-ci peuvent faire pour protéger le parc ?Bon, ces gens-là, vraiment, sont dans des difficultés totales, comme nous les défenseurs de l'environnement. Ils sont malmenés par les M 23, aussi par les FARDC. Aussi par les groupes Maï Maï, les Wazalendos-là. C'est pourquoi, aujourd'hui, le trafic illicite est vraiment visible, surtout à la frontière entre le Congo et l'Ouganda. C'est facilité par ces porteurs d'armes.Et quels sont les animaux qu'ils abattent ?Les éléphants pour leur ivoire, les hippopotames pour la viande et les gorilles pour leurs bébés.Pour les revendre à des trafiquants ?Oui, pour avoir un bébé gorille, il faut décimer soit la famille tout entière, ou bien la moitié de la famille.  D'ailleurs, récemment, nous avons écrit une lettre aux trois présidents du Rwanda, de l'Ouganda et du Congo, pour qu'ils puissent voir comment plaider pour cet espace et le laisser aux écogardes du Congo, du Rwanda et de l'Ouganda. Jusque-là, nous n'avons pas eu des réponses. Mais pour le moment, les gorilles sont en difficulté puisque la zone est occupée par les militaires du M 23.Donc votre combat, c'est aussi pour que les montagnes des Virunga deviennent une zone démilitarisée ?Oui ! Nous voulons vraiment que la zone où habitent les gorilles de la partie congolaise, la partie rwandaise et la partie ougandaise soit une zone neutre. No war. Qu'on la laisse entre les mains des écogardes de ces trois pays.Une zone no war ? Une zone sans guerre ? Une zone démilitarisée ?Oui. C'est ça notre combat !Alors, il y a les groupes armés, il y a les trafiquants, est-ce qu'il n'y a pas aussi la surpopulation qui menace le Parc national des Virunga ?Bon, au Congo, nous n'avons pas un problème de l'explosion démographique, surtout que nous avons beaucoup de terres qui sont vacantes. Mais, aujourd'hui, avec la présence des rescapés qui fuyaient les zones sous contrôle rebelle, ils ont quand même essayé de détruire une grande partie du Parc national des Virunga à la recherche du bois de chauffe. Bon, c'est ça !Oui, il y a quand même des villageois qui s'installent dans le Parc des Virunga pour défricher, pour cultiver la terre ou pour chercher du bois de chauffe ?Oui, oui, ça, c'est vrai. Il y a une partie qui est vraiment polluée et ça, c'est avec la bénédiction des groupes armés encore.Et comment empêcher les populations de s'installer dans ce parc ?Pour le moment, avec la guerre, ce n'est pas facile. Puisque tu vois, lorsque vous arrivez à Goma, vous pouvez pleurer. La population est, je peux dire, abandonnée. Les rescapés sont presque abandonnés et c'est ce qui pousse une partie des rescapés à aller dans le parc pour se débrouiller. Pour chercher comment trouver les bois de chauffe. Mais aussi, il y a une partie qui est détruite par nos militaires, qui ont placé des tronçonneuses pour fabriquer des planches là-bas.Des planches de bois ?Oui.Pour la construction des maisons, c'est ça ?Oui.À lire aussiSabrina Krief (vétérinaire): les gorilles sont «la seule population de grands singes en augmentation aujourd'hui»
10/18/20248 minutes, 47 seconds
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Alexandre Didier Amani: «Il y a un véritable recul de la démocratie» en Afrique «mais nous avons de l'espoir»

Cette semaine, l'ONG Tournons la page célèbre ses dix ans de lutte pour la démocratie et les droits de l'Homme en Afrique. Ses militants sont lucides : le bilan est sombre, au vu des coups d'État militaires de ces quatre dernières années en Afrique de l'Ouest. Alors dix ans pour rien ? L'Ivoirien Alexandre Didier Amani n'est pas d'accord. Depuis un an, il préside l'ONG et de passage à Paris, il explique au micro de Christophe Boisbouvier que le combat de Tournons la page est toujours nécessaire. Non seulement au Sahel et en Guinée, mais aussi au Togo, en Côte d'Ivoire et au Tchad.  RFI : Alexandre Didier Amani, voilà 10 ans que vous vous battez pour l'alternance démocratique et les droits de l'homme en Afrique, mais au vu des coups d'État militaires au Sahel, en Guinée, est ce que vous n'êtes pas saisi tout de même par un sentiment de désespoir ?Alexandre Didier Amani : Le désespoir, c’est un peu trop dire. Il y a un doute, mais c'est normal parce que la lutte pour la démocratie est un processus. Il y a naturellement des moments de pics avec le Sénégal qui est une lueur d'espoir, mais aussi des moments de doute, lorsque nous avons les crises, les coups d’État militaires. Et surtout les coups d'État constitutionnels. On n'en parle pas beaucoup, mais ils participent à bâillonner la démocratie.Et vous pensez à quel pays ?Naturellement, le Togo et la Côte d'Ivoire.La Côte d'Ivoire qui est votre propre pays. Des 3 pays de l'AES, l'Alliance des États du Sahel, quel est le pays qui vous paraît le plus dangereux aujourd'hui, pour les défenseurs des droits de l'homme et de la démocratie ?On pourrait dire le Burkina Faso avec les enlèvements des militants pro-démocratie. C'est l'occasion d'adresser un message de soutien à Maître Kam qui a été enlevé.Maître Guy Hervé Kam.Oui, à Maître Guy Hervé Kam et à tous nos camarades militants du Balai citoyen qui aujourd'hui ont des difficultés à s'exprimer.Parce que le droit est encore moins respecté dans ce pays ?EffectivementQu’au Niger et qu’au Mali ?Oui, on peut le dire, parce que les enlèvements sont légion avec les forces parallèles et les VDP qui, eux aussi, contribuent à cela.En Guinée-Conakry, l'une des deux grandes figures de la société civile qui a disparu depuis 3 mois, Mamadou Billo Bah, n'est autre que le coordinateur de votre organisation « Tournons La Page » dans le pays. Qu'est-ce que vous faites pour lui depuis 3 mois ?C’est pour nous la note noire de ces 10 ans. On ne peut pas parler d'un mouvement pro- démocratie et constater que son coordinateur pour la Guinée a été enlevé. Ça fait 100 jours qu'on n'a pas de nouvelles. Nous avons essayé de mobiliser aussi bien les bailleurs, les partenaires et même certaines chancelleries, et bien sûr les Nations-Unies pour avoir un positionnement clair, afin qu'on libère nos camarades. Aujourd'hui, on n'a pas de nouvelles. Un enlèvement dans un État actuellement au 21e siècle, ça nous fait peur. Et plus les jours passent, plus nous devenons de plus en plus inquiets par rapport à la situation de nos camarades.Dans un an, Alexandre Didier Amani, vos compatriotes ivoiriens vont élire leur président. Au regard de la démocratie et des droits de l'homme, est-ce-que vous êtes optimiste ou inquiet pour l'année prochaine ?Nous demeurons inquiets en Côte d'Ivoire. Parce que ces temps-ci, il y a eu une loi, l'ordonnance sur les organisations de la société civile, qui nous montre un bâillonnement. Il y a aussi l'appel de l'opposition au dialogue, pour que l’on puisse aller au consensus au niveau de la Commission électorale indépendante et aussi du code électoral. Pour le moment, il n'y a pas un retour favorable des autorités en place et, si ça continue ainsi, ça risque d'aller à l’embrasement.Et par rapport au Togo qui vient d'instaurer un régime parlementaire, quel est votre point de vue ?L’inquiétude au Togo est de plus en plus forte. Parce qu’il y a un coup d'État constitutionnel qui a été opéré, mais surtout la fermeture de l'espace civique. Nos militants sont menacés, pourchassés, bâillonnés. On a constaté que Guy Marius Sagna, député CEDEAO, a été bastonné en pleine conférence de presse.À Lomé ?Oui à Lomé. Ça montre combien de fois on atteint un pic, un pic de violence, mais aussi un pic de bâillonnement de toutes voix discordantes, de la part des pouvoirs en place. Surtout le pouvoir togolais.Alors, l'un des pays où vous êtes le plus actif, c'est le Tchad ? Quel est votre regard sur la situation d'aujourd’hui ?La situation demeure tendue. Parce que, aux dernières élections, « Tournons La Page » a déployé 1000 observateurs pour observer l'élection. Mais les retours n'ont pas été aussi favorables. Au Tchad, la répression des militants continu À lire aussiGuinée: L'ONU exhorte la libération de Foniké Mengué et de Billo Bah
10/17/202410 minutes, 6 seconds
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Amadou Ba (Pastef): «L’électeur sénégalais ne va pas se laisser tromper par une opposition en quête de rédemption et d'impunité»

Au Sénégal, la bataille électorale est lancée, en vue des législatives du 17 novembre. Hier, à la même heure, vous avez pu entendre un porte-parole de l'ancien président Macky Sall, qui affirmait que « les Sénégalais commencent à regretter l'ancien régime, car le nouveau pouvoir ne fait rien ». Aujourd'hui, voici la réponse de ce nouveau régime, par la voix d'Amadou Ba, qui est député du Pastef. Combien de députés espère-t-il pour son parti dans la future Assemblée ? Quel risque prendrait Macky Sall s'il rentrait faire campagne au Sénégal ?  RFI : Monsieur Amadou Ba, le mois dernier, le chef de l'État a dissous l'Assemblée nationale, afin que les Sénégalais élisent une nouvelle Assemblée qui lui donnera les moyens d'agir, mais est-ce que vous ne craignez pas qu'un certain nombre de vos compatriotes, qui sont impatients de voir du changement, ne renoncent à voter pour le Pastef le mois prochain ?Amadou Ba : Mais ils n'ont aucune raison de renoncer à voter pour le Pastef.  Ils savent tous que le changement ne peut pas être immédiat. Après l'audit et la présentation catastrophique de nos fondamentaux économiques et sociaux, je pense que les Sénégalais comprennent enfin que cette exigence de vérité qui a été faite par les autorités montre une volonté de transformation radicale du système économique et social. Ça prendra le temps nécessaire. Mais dans l'immédiat, ce que je peux dire aux Sénégalais, c'est qu'il n'y aura pas, comme cela a été annoncé, il n'y aura aucune rupture, le paiement des salaires sera garanti et assuré, et les autorités s'engagent dans un délai très court à réduire la facture d’électricité et les prix des denrées de première nécessité ! Et ça, je parle du court terme. Bientôt, ça va baisser, parce que le gouvernement a trouvé une nouvelle stratégie, qui est de lui-même s'impliquer dans la chaîne de commande des denrées que les Sénégalais consomment et qui sont majoritairement importées. Déjà, nous allons encourager l'agriculture à fournir nos besoins primaires. Mais surtout, l'État va s'impliquer dans la chaîne de commande de ces denrées pour essayer de contenir les prix et empêcher les spéculateurs de s’engraisser sur le dos des Sénégalais. Donc à court terme, que ce soit dans l'électricité et les denrées de première nécessité, je pense que, si les Sénégalais donnent une majorité suffisante au Pastef pour supporter le gouvernement dans ses actions, ils verront les fruits de la nouvelle politique économique et sociale.Le 17 novembre, est-ce que vous visez la majorité simple ou la majorité qualifiée ?Nous avons besoin d'une majorité qualifiée, mais au-delà, je pense qu'il y a un exercice de cohérence qui est nécessaire et que l'électeur sénégalais, qui a porté le président Bassirou Diomaye Faye dès le premier tour avec 54%, ne va pas se laisser tromper par les chimères d'une opposition en quête de rédemption et d'impunité !Donc, vous espérez la majorité des députés, voire la majorité qualifiée, c'est ça ?Nous cherchons entre 110 et 115 députés minimum. Je pense que c'est un exercice de cohérence nécessaire. L'électeur sénégalais quand même ne va pas être amené par l'opposition à conférer, à ceux qui ont détourné les deniers publics pendant une dizaine d'années, le confort de l'immunité parlementaire et de l'impunité.La majorité qualifiée, c'est combien de députés ?C'est 99 députés et je pense que l'électeur sénégalais a la lourde responsabilité d'assainir l'espace politique et de plonger le Sénégal vers l'avenir.Alors en face de vous, à ces législatives, il y a notamment 2 coalitions de l'opposition. Il y a « Jam Ak Njariñe » qui est conduit par l'ancien Premier ministre Amadou Ba, votre homonyme, et il y a « Takku Wallu Sénégal » qui est conduit notamment par Macky Sall et Karim Wade, est-ce que vous êtes sûr de battre des forces d'opposition représentées par des personnalités aussi fortes ?Oui, des personnalités aussi fortes, mais qui ont les mains tachées de sang ou qui sont impliquées fortement dans des scandales financiers. Ces gens-là ne cherchent pas le suffrage pour représenter le peuple. Ils cherchent juste une immunité qui les protégera des poursuites qui certainement vont venir à la suite de leur gestion. Je pense que nous ne pouvons pas avoir peur de cette opposition-là, qui ne vise pas l'intérêt général, mais qui cherche à se protéger contre sûrement les poursuites judiciaires à venir. Ce qu'il faut savoir, c'est que l'électeur sénégalais ne va pas élire le Président Diomaye Faye au premier tour, et ne pas lui donner les moyens de concrétiser son projet. Ça n'a pas de sens et ce qui est important pour le Sénégal, c'est la stabilité retrouvée.L'ancien président Macky Sall ne peut pas être arrêté avant une éventuelle mise en accusation par une future Assemblée nationale. Donc a priori aujourd'hui, il ne risque rien. Mais s'il rentre demain au pays, est-ce qu'il risque tout de même de perdre son passeport et de se voir interdit de sortie du territoire ?Cette histoire de sortie de territoire a été réglée. Il n’y a plus d'interdiction de sortie de territoire. Le gouvernement a décidé de laisser la justice indépendante. C'est la justice qui avait décidé de lancer des interdictions de sortie. Mais il n'y a pas la main de l'exécutif derrière et ils le savent. Donc, le président Macky Sall ne risque rien. Aujourd'hui, il n'y a même pas de Haute Cour de justice installée à l'Assemblée nationale, elle ne peut pas se réunir, donc il peut venir battre campagne. Maintenant, justice se fera certainement après les élections législatives et il est présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit impliqué ou mis en accusation par la Haute Cour de justice. Donc, je pense que, dans le Sénégal de demain, la rupture aussi, c'est de respecter les droits des opposants et les droits de l'opposition.
10/16/202410 minutes, 16 seconds
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Législatives au Sénégal: «Le Président Macky Sall n'a peur de rien», dit l'ex-ministre Amadou Sall

Au Sénégal, les législatives, c'est dans un mois, le 17 novembre. Pour le PASTEF, qui a gagné la présidentielle de mars dernier, c'est une étape décisive, car le Premier ministre Ousmane Sonko a besoin d'une Assemblée nationale qui lui donne les moyens d'agir. Mais l'ancien président Macky Sall vient de prendre la tête d'une coalition, Takku Wallu Sénégal, qui cherche au contraire à imposer au PASTEF une cohabitation. L'avocat Amadou Sall a été ministre d'État, ministre de la Justice. Aujourd'hui, il est l'un des porte-parole de cette coalition anti-PASTEF. Il dévoile sa stratégie au micro de Christophe Boisbouvier. RFI : Maître Amadou Sall, sur le plan économique, quel est le point fort de la campagne que vous allez mener ?Maître Amadou Sall : Vous savez, nous avons été au pouvoir pendant 12 ans, le projet que nous avons présenté aux Sénégalais a vu ses résultats, le bilan du président Macky Sall est un bilan que tous les Sénégalais approuvent, en termes en tout cas, d'infrastructures, en termes de projets, et en termes de perspectives. Malheureusement, sur la gouvernance, nous avons eu quelques petits soucis, mais ça, c'est un autre débat. Donc, nous n'avons pas d’autre projet que le projet qui était là, et sur lequel on s'était tous entendus. Bon, maintenant, il est évident qu’à l'aune de nos nouvelles orientations, il y a une autre réécriture qu'il faudra faire. Mais d'une manière générale, le PSE est le fondement sociétal, dans notre offre politique, de notre projet.Le PSE, c'est donc le Plan Sénégal Emergent, mais aujourd'hui, les nouvelles autorités présentent le Plan Sénégal 2050, qui est très ambitieux, avec un taux de croissance moyen de 6% par an, est ce que vous approuvez ce programme ?Vous savez, pour ce qui nous concerne, tout ce qui permet au Sénégal d'aller de l'avant, nous applaudissons. Mais nous avons ce projet qui n'est même pas leur projet. Pendant très longtemps, pendant des années et des années, le Pastef nous avait dit qu'il avait un projet, un projet cohérent. Il y avait même un livre qui avait été sorti, qui s'appelait « La solution ». Il s'est avéré 6 mois après qu’ils se sont adressés à un cabinet privé pour écrire un projet. Un projet politique, une perspective pour une nation, pour un peuple, ce n'est pas un cabinet qui fait cela, ça ne fait pas sérieux.Alors, vous dites que les Sénégalais ont approuvé ce que vous avez fait pendant 12 ans. Mais en mars dernier, votre courant politique a essuyé une lourde défaite électorale, face au candidat du Pastef. Est-ce que vous ne craignez pas que les électeurs sénégalais revotent aujourd'hui pour le Pastef ?Oui, c'est possible. Mais sur le contexte de l'époque, il faut ouvrir les yeux, ne pas faire dans la langue de bois. Il y a eu à la fois l'usure du pouvoir, il y a eu la volatilité de l'engagement de nos cadres envers un candidat [l’ancien Premier ministre Amadou Ba, NDLR]. Donc, on soutenait du bout des lèvres, c’était un soutien défectueux. C'est la vérité. Dans cette ambiance-là, il est vrai qu'il n'était pas possible de faire des résultats probants. Mais aujourd'hui, 6 mois après, les gens commencent à regretter déjà en se disant : « Ceux qui étaient là ont fait du bon travail, du bon boulot, et ceux qui sont là aujourd'hui ne font absolument rien. » Vous imaginez, entre le moment où ils sont venus et aujourd'hui, il y a encore plus de personnes qui sont au fond de l'Atlantique, parce que le désir de changement n'a pas de réponse de leur part. Et les gens n'ont qu'une seule perspective, aller au-delà de la Méditerranée.Oui, mais vous le dites-vous même, Maître Amadou Sall, il y a eu quelques petits soucis sur la gouvernance sous la présidence Macky Sall.Mais les soucis sur la gouvernance Macky Sall, ce sont des soucis politiques. Vous avez suivi avec nous, vous étiez là au Sénégal en ce moment-là, les péripéties des relations avec le Conseil constitutionnel, c'est de la gouvernance qui a été sanctionnée à la fois par le Conseil constitutionnel et par les Sénégalais. Oui, nous avons eu ce souci, nous l'acceptons. Il faut avoir le courage de dire la vérité aux Sénégalais et de reconnaître un peu les errements de sa gouvernance. Nous reconnaissons quelques errements, nous en sommes conscients, mais ce n'est pas ça le problème. Le problème aujourd'hui, en parlant d'approximation au niveau de nos chiffres, le résultat est que la perception que les investisseurs et les institutions financières ont de notre pays s'est effondrée totalement. Nous sommes, comme disent les Anglais, « down on the floor ». Nous sommes à terre, à cause des déclarations irresponsables d'un Premier ministre. Un Premier ministre, comme disait l'autre, « ne devrait pas parler comme ça ».L’une des grandes surprises de ces législatives, c'est la décision de l'ancien président Macky Sall d'être tête de liste. Alors l'ancien président, pour l'instant, il n'est pas au Sénégal, il séjourne au Maroc, est-ce qu'il va revenir dans l'arène politique, sur le terrain à Dakar ?Ça, je ne saurais le dire. Ça dépend à la fois de lui-même et de nous. Bon, il nous a déjà assez aidés et assez accompagnés en acceptant d'être tête de liste. Le reste du travail, c'est notre travail. Pour le moment on lui demande de faire une campagne au moins au niveau de la diaspora, ce qu'il est en train de faire dans une certaine mesure. Pour le reste, on verra bien si on lui demandera de venir ou pas. On verra, on appréciera.Mais vous savez ce que vont dire beaucoup de Sénégalais : « S'il ne vient pas, c'est parce qu'il aura peur de venir et d'avoir des ennuis judiciaires ».Mais quels ennuis judiciaires ? Il ne peut pas être interpellé par la police. On ne peut rien contre lui. Sauf à ce qu'une Assemblée le mette en accusation. Quelle est l'Assemblée qui le mettra en accusation ? Tant qu'il n'y a pas une Assemblée, on ne peut pas le mettre en accusation. De quoi aurait-il peur ?On peut lui retirer son passeport et l'empêcher de quitter le territoire une fois qu'il est rentré.Et pourquoi ? Ils n'ont pas le droit de le faire. Il n'y a pas de procédure contre lui. Le Président Macky Sall n'a peur de rien. Sa venue dépend à la fois de lui et de nous. Et seulement de lui et de nous.À lire aussiLégislatives au Sénégal: 41 listes de candidats validées par la direction générale des élections
10/15/202410 minutes, 53 seconds
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Adlene Mohammedi: «Les relations franco-algériennes sont utilisées à des fins de politique intérieure»

Fin juillet 2024, la France reconnaissait la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Un changement de pied pour la diplomatie française dans la région. Paris avait jusque-là privilégié sa relation avec Alger plutôt qu’avec Rabat. Mais depuis cette annonce, les rapports entre la France et l’Algérie se sont considérablement dégradés. Abdelmadjid Tebboune a écarté l’idée, il y a huit jours, d’un prochain voyage en France. Annoncée depuis de longs mois, une visite du président algérien avait été repoussée à plusieurs reprises. Comment analyser cette nouvelle crise entre la France et l’Algérie ? Adlene Mohammedi, chercheur et enseignant en géopolitique, spécialiste notamment des relations franco-algériennes, est l’invité de Pierre Firtion. RFI :  Adlene Mohammedi , la France a reconnu en juillet dernier la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Ne craignez-vous pas une dégradation durable des relations entre Paris et Alger suite à ce revirement français ? Adlene Mohammedi : Effectivement, on voit déjà à l'œuvre cette dégradation dans les relations franco-algériennes puisqu'il y a eu un rappel de l'ambassadeur. Paradoxalement, je ne pense pas que la position française soit une vraie rupture dans l'histoire récente de la politique étrangère de la France vis-à-vis de cette région, puisque le soutien apporté par la France au Maroc sur le dossier du Sahara occidental était déjà là. On va dire qu'on sort un peu cette fois définitivement de l'ambiguïté. Mais effectivement, les dirigeants algériens l'ont mal pris et ça affecte les relations franco-algériennes.Il y a huit jours, Abdelmadjid Tebboune s'en est pris assez directement à la France, l'accusant notamment de génocide pendant la colonisation. Comment est-ce qu'on peut analyser ses propos ? Est-ce qu'on peut parler d'instrumentalisation de la mémoire ? On peut parler d'escalade dans les discours. Le problème des relations franco-algériennes, c'est que dans les deux pays, elles sont utilisées à des fins de politique intérieure. En France, on l'a très clairement vu et d'ailleurs y compris avec cette histoire de reconnaissance du plan marocain et de la souveraineté marocaine. C'est un clin d'œil évidemment à un camp politique en particulier, c'est-à-dire une certaine droite, voire une extrême droite. Et souvent, l'instrumentalisation des relations franco-algériennes en France vise à séduire l'extrême droite, il n'y a pas de doute là-dessus. En Algérie, on a un mouvement analogue, c'est flatter un petit peu certains instincts de l'opinion publique algérienne en montrant systématiquement du doigt la France. Et c'est commode malheureusement dans les deux pays, et ça se fait au détriment de relations diplomatiques normales.Mais au-delà des questions mémorielles, est-ce que le vrai sujet qui fâche, ce n'est pas l'accord franco-algérien de 1968, accord que Bruno Retailleau, le ministre français de l'Intérieur, a dit vouloir remettre en question ?Ça doit jouer un petit peu, bien sûr. Le problème de cet accord, en fait, c'est que c'est devenu le totem de l'extrême droite française. Certains électeurs, je pense, de bonne foi, sont persuadés que l'accord de 1968 donne une espèce de privilège aux ressortissants algériens en France. L'évolution du droit des étrangers ayant été ce qu'il a été ces dernières années, cet accord, en fait, a tendance le plus souvent à desservir les Algériens. Pour prendre un exemple tout simple, les étudiants algériens sont beaucoup moins bien lotis que d'autres étudiants étrangers en France. Par exemple, ils n'ont pas le droit à des cartes de séjour pluriannuelle comme d'autres, la carte talent, etc, le passeport talent, des choses comme ça, justement à cause de cet accord bilatéral. Donc, on sacralise cet accord bilatéral, on en fait une espèce d'instrument qui fait des Algériens une espèce de catégorie privilégiée, mais dans les faits, non. En fait, les étrangers algériens ne sont pas privilégiés en France, ça se saurait. Mais bien sûr, là encore, ça permet de flatter un certain électorat.La nouvelle position de la France sur le Sahara occidental a pu surprendre. Emmanuel Macron avait jusque-là beaucoup plus investi la relation avec Alger, en ouvrant notamment la question mémorielle…Effectivement, il y a quelques temps, on avait une vraie tension entre la France et le Maroc. On avait dans les médias marocains par exemple, une vraie propagande anti-française. Et puis là, on donne l'impression en fait de passer à une relation beaucoup plus douce et beaucoup plus fluide avec le Maroc, avec évidemment cet argument qui revient souvent, qui consiste à dire « de toutes les façons, avec les dirigeants algériens, on a tout essayé, autant maintenant privilégier la relation avec le Maroc ». Le problème, c'est que ça donne quand même l'impression de concevoir la diplomatie d'une manière assez particulière puisqu’on n'est pas obligé de choisir. La diplomatie américaine a de bonnes relations avec Alger et avec Rabat. La Russie a de bonnes relations avec l'Algérie et avec le Maroc. Il n'est pas besoin de choisir.Mais à partir du moment où on se positionne sur le Sahara occidental, on a vu le cas de l'Espagne par exemple…Non, non, bien sûr. Effectivement. Le fait de déclarer qu'on préfère le plan proposé par Rabat au détriment du processus onusien, c'est effectivement choisir le Maroc et déranger la diplomatie algérienne. Il n'y a pas de doute là-dessus. Pourquoi évoquer à un moment d'ailleurs où il n'y avait même pas de gouvernement, on était dans un gouvernement d'affaires courantes, pourquoi parler de ça ? On savait très bien que le risque allait être une crise diplomatique avec l'Algérie. Alors vous avez raison en fait d'un côté, parce que les deux pays, le Maroc et l'Algérie, ont tendance à faire du Sahara occidental une boussole dans leur diplomatie. Il n'empêche qu’on n'est pas obligé de choisir et il est toujours possible de faire des efforts pour avoir finalement de bonnes relations avec les deux et essayer même de faciliter le dialogue entre les deux. Parce que finalement, c'est dans l'intérêt de tout le monde.
10/14/20244 minutes, 34 seconds
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Howard French: «L’esclavage a été la base de l'essor européen et de la création de l'Occident»

C'est l'un des essais historiques en lien avec l’Afrique les plus attendus de cette rentrée. Les éditions Calmann-Lévy publient la traduction en français de l'ouvrage d'Howard French Born in Blackness. L'universitaire et journaliste américain y décrit, au travers d’une fresque de plusieurs siècles, le rôle - selon lui - central de la traite négrière dans la naissance du monde moderne. Un rôle qui dit-il a souvent été sous-estimé, voire invisibilisé. La traduction française de ce livre est intitulée Noires origines. Howard French est notre invité pour en parler. RFI : Dans Noires Origines, vous nous invitez à nous débarrasser d'un certain nombre d'œillères historiques sur la place de l'Afrique dans l'histoire mondiale et sur le rôle essentiel qu'elle a joué dans la construction de l'Occident tel qu'on le connaît aujourd'hui. Vous nous expliquez que l'essor européen a reposé en grande partie sur ses relations avec le continent africain avant même la colonisation...Howard French : Effectivement, l'histoire de mon livre commence au XIVᵉ siècle, au début de ce siècle, quand les Africains, notamment dans l'empire du Mali, réalisent des contacts avec le Moyen-Orient. Ce faisant, l'Europe découvre l'existence d'une grande quantité d'or dans le Sahel, ce qu'on appelle le Sahel aujourd'hui. Et cela lance l'ère de l'exploration, des découvertes… et la traite des esclaves. L'année 1326, un empereur du Mali du nom de Mansa Moussa a fait un pèlerinage à La Mecque en passant par Le Caire. Il transportait avec lui un grand cortège de plus de 10 000 hommes et femmes… et aussi quelques tonnes d'or - la quantité exacte n'est pas connue, mais les historiens disent souvent à peu près 17 ou 18 tonnes d'or -. Il a distribué tout cet or sur son passage, à tel point qu'il a dû emprunter de l'argent pour retourner au Mali. Et cela a créé une vague de curiosité non seulement dans le Moyen-Orient, où le prix de l'or a chuté, mais aussi loin aussi que l'Espagne et le Portugal. Et cela les a encouragés, surtout les Portugais, à commencer à construire des navires pour essayer de découvrir le point d'origine de ces métaux.  Vous nous livrez des pages fascinantes sur la façon dont l'Europe a fantasmé cet or africain, à partir d'ailleurs d'une représentation du monde : l'atlas catalan de 1375. Comment est-ce que cet atlas a été l'un des points de départ de l'histoire tragique qui va suivre ? Au centre de cette carte, de cet atlas catalan, figure le personnage de l'empereur Mansa Moussa. Il est assis sur un trône d'or avec un sceptre d'or. C'est la première fois que les Européens prennent connaissance de l'existence de grands empereurs en Afrique subsaharienne, des empereurs de la même sorte que ceux qu'ils ont chez eux. Cela crée toute une industrie de créateurs d'atlas et de cartes. Ça lance à côté une industrie de géographes pour savoir ce qui existe au sud du Sahara. Les Européens, pour la première fois, sont motivés à un degré extrême à découvrir le chemin de l'or en Afrique et à prendre contact avec les royaumes africains pour savoir d'où vient cet or. C'est l'un des points importants de votre ouvrage, Howard French : Vous soutenez la thèse, dans ce livre, que la recherche avide de cet or africain par les Portugais a été l'un des moteurs des grandes explorations portugaises… et que ce moteur a été complètement oublié de l'histoire. Effectivement, le Portugal avait une rivalité avec l'Espagne… et le Portugal avait pris les devants dans l'exploration du Nouveau Monde. À l'époque, le Nouveau monde n'était pas l'Amérique. Les Européens disaient de l'Afrique subsaharienne qu’elle était le nouveau monde. La dynastie Aviz au Portugal a donc donné l'autorité à un prince, Henri, dit « le navigateur », de prendre en charge l'exploration de l'Afrique subsaharienne. C'est lui qui montait les expéditions maritimes pour chercher à savoir d'où vient l’or du Mali. Avec les moyens de l'époque, les Portugais ne pouvaient avancer en une année typique que de 100 kilomètres ou 200 kilomètres vers le sud en suivant la côte africaine. En 1471, ils sont arrivés par hasard au pays qu'on appelle aujourd'hui le Ghana. Ils ne ciblaient pas le Ghana, mais il y avait une baie naturelle où ils se sont arrêtés pour ravitailler leurs navires en eau et en nourriture. Et en arrivant là, ils ont découvert que tous les habitants de ce lieu portaient des bijoux en or. Ils n'étaient pas arrivés au Mali, mais ils ont réalisé leur but un peu par accident, si vous voulez. Donc ils ont établi des relations de commerce au début avec les Ghanéens pour avoir accès à l'or du Ghana, pour établir un commerce entre l'Europe et l'Afrique. Ce commerce a permis d'apporter d'abondantes quantités d'or dans les cours européennes et notamment au Portugal. Quelle a été l'importance de cet or obtenu en Afrique pour les économies européennes, à la charnière du Moyen Âge et de l'époque moderne? Parlons d'abord du Portugal. Les quantités d'or étaient si importantes pour le Portugal, qui était un royaume pauvre à l'époque, qu’ils ont renommé leur Trésor « maison de l'Afrique ». Le Trésor public portugais a été renommé « la Maison de l'Afrique », Vu l'importance de l'or africain dans ces caisses portugaises de l'époque ? Oui, à l'époque, après la découverte de l'or au Ghana, à peu près un tiers, jusqu'à la moitié des recettes de ce royaume venaient désormais du Ghana. Et donc, les Espagnols, en voyant le succès des Portugais, ont à leur tour décidé d'investir dans la création de navires et le financement de gens comme Christophe Colomb pour « découvrir les Amériques » tel qu’on le dit maintenant. Mais ce n'est qu'en voyant la réussite des Portugais, avec la découverte de l'or en Afrique, que les Européens ont eu le courage d'essayer de découvrir de l'or ailleurs. Ça, c'était le premier but. Ce n'était pas de découvrir d'autres civilisations ou la richesse de l'Est en tant que telle, il s’agissait de rivaliser avec le Portugal pour le contrôle de l'or dans le monde. Quels liens est-ce que vous établissez entre cette exploitation de l'or et le commerce terrible qui va commencer à se développer rapidement ensuite, à savoir la traite esclavagiste ? Les racines de la traite esclavagiste sont très intéressantes. Au début, ce n'était pas le but des Européens et précisément des Portugais. Le Portugal était un royaume assez pauvre, qui n'avait pas beaucoup de ressources. Et donc, pour financer la recherche de l'or et la construction des bateaux nécessaires à cette recherche, Henri le navigateur et ses hommes ont commencé à faire, petit à petit, le commerce d'esclaves sur les côtes de l'Afrique : dans la Mauritanie d'aujourd'hui, au Sénégal, en Guinée, etc. Au fur et à mesure qu'ils descendaient vers le sud en suivant les côtes de l'Afrique jusqu'à ce qu'ils trouvent de l'or au Ghana. Et donc dans un premier lieu, ils ont fait le commerce d'hommes, d'esclaves vers l'Europe pour financer cet effort de découverte de l'or. l'Europe était en phase de reprise économique avec la catastrophe de la peste du Moyen âge… et donc la démographie européenne était écrasée par ces épidémies. Les Portugais ont découvert qu'ils pouvaient faire beaucoup d'argent en fournissant de la main d'œuvre africaine dans les marchés européens pour finalement financer leur effort de découverte de la source de l'or en Afrique de l'Ouest. Au XVIᵉ siècle, 10 à 15 % de la population de Lisbonne était africaine à cause de cette traite esclavagiste. Bien avant la soi-disant « découverte » des Amériques. On parle du Portugal, mais en fait toutes les puissances européennes à l'époque sont associées à ce commerce... Exactement. Ayant vu le succès des Portugais, les autres pays européens se sont rués sur ce commerce avec l'Afrique pour l'or. En faisant cela, ils ont découvert à leur tour qu'on pouvait faire beaucoup d'argent en se livrant à la traite des esclaves. Par accident aussi, par la suite, les Portugais ont découvert le Brésil. Ils ne cherchaient pas à traverser l'Atlantique. Ils cherchaient à mettre au point des méthodes de navigation plus efficaces, plus rapides, pour descendre vers le sud de l'Afrique et finalement entrer dans l’océan Indien. En faisant cela, ils sont « entrés en collision », si on peut dire, avec le Brésil. Ils ont découvert tout un continent. Les Portugais ont commencé à transférer les esclaves au Brésil, où s'est établie la première grande industrie de la canne à sucre. Cette industrie, découvre-t-on dans votre livre, trouve une de ses formes les plus abominables dans le système des plantations sucrières, à Sao Tomé dans un premier temps, puis dans les Caraïbes… et également au Brésil peut-être ? Oui. Les premières expérimentations ont effectivement été réalisées à Sao Tomé. Les Portugais, à la fin de ce XVᵉ siècle, explorant l'Afrique à la recherche d'autres sources d'or, ont découvert l'île de Sao Tomé, qui n'avait pas d'habitants et avait un climat parfait pour la culture de la canne à sucre. Et donc ils ont commencé à cultiver la canne à sucre, et toute une industrie est née de cela. Avec la naissance de cette industrie est aussi née une forme d'exploitation humaine qui n'avait jamais existé auparavant, qu'on appelle en anglais chattel slavery - Je pense que ce terme n'existe pas en français -. Chattel slavery, c'est une forme d'esclavage où les esclaves sont identifiés. Cette pratique est légitimée sur la base de la race et pérennisée à travers les générations : c'est-à-dire que non seulement vous êtes esclaves vous-même, mais vos enfants aussi seront esclaves, et ainsi de suite pour l’éternité.  Les formes de travail qui sont mises en place dans ces plantations sucrières sont par ailleurs extrêmement brutales pour les esclaves… Extrêmement brutales. L'espérance de vie d'un esclave mis au travail sur ces plantations à l'époque, et aussi par la suite au Brésil et dans les Caraïbes, était à peu près de cinq ans.  Après la production du sucre, c'est celle du coton qui a été développée par le commerce des esclaves. Au total, Howard French, vous décrivez une mécanique qui convertit des vies prises en Afrique, en richesses consommées en Europe. Vous montrez finalement comment l'Afrique a joué un rôle essentiel dans la construction du monde atlantique... Oui, j’irais encore plus loin : le travail qui a été extrait des Africains sur les plantations, sous cette forme d'esclavage qu'on appelle chattel slavery, a réellement été la base de l'essor européen et de la création, je dirais, de l'Occident, une sorte de condominium entre l'Europe de l'Ouest et les continents qui existent de l'autre côté de l'Atlantique. C'est le travail des Africains, sous forme d'esclavage, qui a rendu possible la rentabilité des colonies qui ont été fondées dans le Nouveau Monde et donc la fondation même de l'Occident.De quelle manière est-ce que les pouvoirs africains de ces différentes époques ont réagi à ces appétits européens ? Les Africains, les chefs des sociétés africaines, les petits rois et même les empereurs qui existaient par-ci par-là dans les grands États de l'Afrique de l'Ouest et de l’Afrique centrale, n'avaient aucune idée des activités qui existaient de l'autre côté de l'Atlantique, où les Africains extraits du continent étaient mis au service des Européens. Ils n'avaient aucune image du monde des plantations. Ils n'avaient aucune image de l'existence d'une institution comme le chattel slavery dont j'ai parlé tout à l'heure. L'esclavage a existé depuis toujours chez les Africains, entre les Africains, mais ce n'est pas ce genre d'esclavage, où de génération en génération les gens sont toujours soumis à l'esclavage. Les Africains mariaient leurs esclaves… Sous les institutions de l'esclavage africain comme elles existaient, le but, la plupart du temps, était d'assimiler les esclaves, les vaincus, dans la société des vainqueurs. C'est tout à fait différent de l'esclavage pratiqué par l'Europe sur les Africains, cet esclavage que j'ai appelé chattel slavery. Donc il est bien vrai que les Africains participaient aussi à ce commerce des esclaves. Ils sont aussi responsables de ce commerce d'esclaves, mais ils n'avaient pas une information très complète sur ce qui se tramait. Il y avait un déséquilibre total entre les Européens et les Africains sur ce qu'est l'esclavage. On sent bien tout au long de votre ouvrage quelle est son ambition : contribuer à un autre récit sur l'histoire du décollage de l'Occident, dans lequel le rôle de la traite négrière cesserait d'être invisibilisé. Comment expliquez-vous d'ailleurs cette invisibilisation du rôle de l'Afrique dans la naissance du monde moderne ? Pourquoi ? Je pense que tout d'abord, toutes les civilisations cherchent à trouver leur propre mérite. Elles cherchent à mettre en exergue leurs propres qualités et donc, pour faire cela, elles créent leurs propres mythes. Que ce soit les Chinois, les Américains, les Français, les Brésiliens, les Russes, tout le monde fait ça... Mais si vous admettez que votre civilisation est montée en grande partie par une exploitation aussi grave et d'une aussi grande envergure que la traite des esclaves, le monde des plantations, la création d'une institution comme le chattel slavery, il est très difficile de maintenir ses propres qualités. Une dernière question, justement, à propos des enjeux de cette histoire. Pourquoi est-il important pour un citoyen du XXIᵉ siècle de remonter le temps et de réétudier ce qui s'est joué le long des côtes africaines à partir du XVᵉ siècle ? Il faut savoir d'où nous sommes venus pour savoir où nous allons aller. Au moment où l'Afrique prend une place différente dans le monde contemporain, il est important qu'on sache que l'Afrique a toujours contribué à la race humaine de façon importante. Il est important de remettre l'Afrique à sa propre place dans l'histoire de l'humanité. 
10/12/202414 minutes, 57 seconds
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Sommet de l'OIF: «La RDC ne pouvait pas être omise dans la prise de parole du président Macron», estime Patrick Muyaya

À Kinshasa, les autorités confirment que le président congolais Félix Tshisekedi a boycotté, samedi dernier, le deuxième jour du sommet de la Francophonie. Et elles précisent que c'est en réaction au discours où le président français Emmanuel Macron avait oublié de mentionner la guerre dans l'Est du Congo. C'était une « omission coupable », déclare aujourd'hui, sur RFI, le ministre congolais de la Communication et des Médias, qui est aussi porte-parole du gouvernement. Patrick Muyaya répond aux questions de Christophe Boisbouvier. À lire aussiFrancophonie: l'organisation s'agrandit, Tshisekedi boude la fin du sommet
10/11/202414 minutes, 32 seconds
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Îles Chagos: «C'est une avancée, mais il est exagéré de parler de grande victoire»

C'est un petit « tsunami » politique qui s'est produit, la semaine dernière, dans l'océan Indien. Le 3 octobre, la Grande-Bretagne a reconnu la souveraineté de l'île Maurice sur l'archipel des Chagos. Mais les Britanniques garderont pendant 99 ans la base militaire de Diego Garcia qu'ils partagent actuellement avec les Américains. Quelle est la portée de cet accord entre la Grande-Bretagne et Maurice ? Est-ce qu'il peut résonner jusqu'aux Comores et jusqu'à Madagascar ? À deux reprises, Jean-Claude de l'Estrac a été le ministre des Affaires étrangères de l'île Maurice. En ligne de Port-Louis, il répond à Christophe Boisbouvier. À lire aussiLe Royaume-Uni trouve un accord avec Maurice sur la souveraineté des îles Chagos et conserve sa base militaire
10/10/20247 minutes, 8 seconds
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Côte d'Ivoire: «On est encore dans l’omerta» dans l'affaire du bombardement de Bouaké, affirme Thomas Hofnung

En Côte d'Ivoire, qui a commandité le bombardement du camp militaire français de Bouaké, le 6 novembre 2004 ? Vingt ans après, le mystère demeure sur cette frappe qui a causé la mort de 10 personnes, dont 9 soldats français. En France comme en Côte d'Ivoire, les principaux protagonistes sont toujours vivants, mais c'est l'omerta. Aujourd'hui, le journaliste-enquêteur Thomas Hofnung émet tout de même une hypothèse. Chef du service international au journal La Croix, il publie ce mercredi, chez Fayard, Bouaké, le dernier cold case de la Françafrique.  À lire aussiLe procès du bombardement de Bouaké en Côte d'Ivoire s’ouvre aux assises de Paris
10/9/202412 minutes, 46 seconds
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Législatives au Tchad: Succès Masra demande «de les différer et dialoguer» avec le président Deby

Au Tchad, les Transformateurs de l'opposant Succès Masra ne boycotteront pas les prochaines législatives du 29 décembre, mais à certaines conditions. C'est ce qu'ils ont décidé lors de la convention de leur parti, samedi dernier à Ndjamena. Selon les chiffres officiels, Succès Masra est arrivé deuxième à la présidentielle du 6 mai dernier, loin derrière le président Mahamat Idriss Déby. Mais l'ancien Premier ministre continue de crier à la fraude et veut croire que les législatives à venir pourront être plus transparentes. Il s'en explique au micro de Christophe Boisbouvier. À lire aussiTchad: le parti les Transformateurs demande un report des élections locales
10/8/20248 minutes, 16 seconds
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Angélique Kidjo: «Ce qui me fait vibrer est l'authenticité et l'originalité de l'artiste»

La diva béninoise Angélique Kidjo se produit samedi 5 octobre au soir à Paris, dans la cadre du festival de la francophonie. Un concert que vous pourrez écouter sur nos antennes. Angélique Kidjo, qui vient d'accepter de parrainer le prochain prix Découvertes RFI, est ce matin notre grande invitée internationale au micro d'Olivier Rogez.
10/5/20244 minutes, 59 seconds
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Bruno Fuchs: «Il est temps pour la France de changer de position et de solder la page post-coloniale»

C'est ce vendredi matin que s'ouvre le XIXe sommet de la francophonie, à Villers-Cotterêts, près de Paris. Au menu, la guerre au Liban, bien sûr, mais aussi le conflit entre la RDC et le Rwanda, ainsi que les relations houleuses entre l'OIF et trois pays sahéliens, le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Pourquoi ces pays restent suspendus de l'organisation alors que la Guinée qui a connu, elle aussi, un coup d'État, vient d'être réintégrée ? Le député centriste français Bruno Fuchs vient de présenter un plan stratégique pour le développement de la francophonie. De retour de Conakry, il répond à Christophe Boisbouvier.
10/4/20249 minutes, 41 seconds
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«La démocratie est en danger partout dans le Sahel» selon le philosophe Souleymane Bachir Diagne

En cette période de guerre au Moyen-Orient, de souverainisme en Afrique et de repli identitaire en Europe et aux États-Unis, Souleymane Bachir Diagne décide d’aller à contre-courant et publie Universaliser aux éditions Albin Michel. Le philosophe sénégalais reconnaît que la civilisation de l’universel et que la démocratie sont en danger, notamment en Afrique de l’Ouest. Mais il garde espoir. De passage à Paris, le professeur de philosophie à l’université Columbia de New York répond aux questions de Christophe Boisbouvier. 
10/3/202418 minutes, 11 seconds
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Pour l'étudiante congolaise Triphène Tamba, «la francophonie est au cœur du développement durable»

Le XIXe sommet de la Francophonie, c'est vendredi à Villers-Cotterêts, près de Paris. Grosse affluence en perspective : une cinquantaine de chefs d'État et de gouvernement y sont attendus. Mais la francophonie, ce n'est pas qu'un rendez-vous biennal entre les grands de ce monde. C'est aussi un espace de rencontres entre jeunes talents. Grâce à la plateforme France Volontaires, la jeune Congolaise Triphène Tamba a fait neuf mois d'études en France il y a trois ans. En ligne de Brazzaville, où elle est étudiante en économie du développement durable, elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : La francophonie, ça représente quoi pour vous ?Triphène Tamba : Pour moi, la francophonie, c'est d'abord des femmes et des hommes qui partagent une langue commune : le français. Une langue mondiale qui n'est peut-être pas parlée plus que l'anglais, mais qui favorise la diversité culturelle.Alors, grâce à l'Université Senghor d'Alexandrie, vous avez été l'une des 30 volontaires de l'OIF qui ont participé l'an dernier aux Jeux de la Francophonie à Kinshasa. Est-ce que cette mission a été utile ?Très utile en fait. Par exemple sur l'égalité femmes-hommes, aujourd'hui, on parle de la question de genre, parfois, il y a des hommes qui infériorisent les femmes, mais il y a un dialogue qui peut se faire entre les femmes et les hommes pour essayer de trouver un terrain d'entente. Aussi, ça m'a permis de développer des compétences dans le leadership, le travail en équipe, l'autonomie, la capacité de gérer le stress surtout, parce que je suis une personne qui stresse parfois, mais ça, ça a été vraiment cadré grâce à nos différentes formations. Donc pour moi, vraiment, à la francophonie et à l'université Senghor, ils ont joué un grand rôle dans mon développement professionnel.Alors, il y a trois ans, dans le cadre de la saison Africa 2020, vous avez étudié pendant neuf mois à l'Ecole Supérieure d'Art et Design de Saint-Étienne, en France, à l'invitation de la plateforme France Volontaires et de l'Institut Français. Et je crois comprendre que vous avez appris beaucoup de choses pendant ces neuf mois, bien au-delà de l'art et du design ?Exactement. C'était super bien. En fait, j'ai été affecté à la Cité du Design. Moi, en tant que médiatrice culturelle, le but était d'essayer d'orienter le public, partager ma culture en fait avec les Français, faire tomber les clichés qui existent entre les Français et les Africains, donc ce que les Français pensent de l'Afrique et ce que les Africains pensent de la France.À Brazzaville, vous étudiez l'économie du développement durable à l'université Marien Ngouabi. Qu'est-ce que la Francophonie vous apporte dans cet apprentissage ?Alors, par exemple, aujourd'hui, on a un projet avec l'AFD (Agence Française de Développement) sur la question de l’eau. L'eau est indispensable à notre santé. Dans les objectifs du développement durable, il y a l’eau propre, l’assainissement et tout et tout. Et moi, en tant qu’étudiante en économie du développement, je participe à ce projet en tant que chargée de communication. Pour moi, la francophonie est au cœur du développement durable.La lutte pour protéger la forêt est un grand enjeu dans votre pays, le Congo. Est-ce que la francophonie est l'un de vos outils dans cette bataille pour l'environnement ?Oui, je l'affirme, parce que je veux prendre l'exemple de la CIAR. La CIAR, c'est la Conférence Internationale sur la Forestation et le Reboisement, qui a été organisée du 2 au 5 juillet 2024, ici à Brazzaville, où on a retrouvé des jeunes venus de partout et des experts de partout aussi. Donc, il y avait ceux du Gabon et il y avait d'autres qui s'exprimaient en anglais. Mais la langue qui dominait, c'était la langue française. Et on voit que la francophonie, c'est faire en sorte que les hommes et les femmes qui partagent la même langue, la langue française, soient regroupés. On a parlé sur les questions de la protection de la forêt. On a même insisté pour que chaque jeune puisse planter au moins un arbre. Et moi, je me dis que la francophonie a son rôle.Alors, vous vous êtes posé la question « qu'est-ce que les Africains pensent de la France ? ». Pour un certain nombre de jeunes Africains, la francophonie, c’est suspect parce que c'est à leurs yeux un instrument de la France, l'ancienne puissance coloniale. Qu'est-ce que vous en pensez ?Pour moi, c'est la francophonie. On ne peut pas essayer de noircir son image. Donc, nous, en tant que jeunes, si on voit que la francophonie n'est pas bonne, moi, je pense que c'est faux. Pour moi, tant que ça booste les carrières des jeunes, c'est déjà bien en fait. Il y a des formations que l'OIF organise par exemple sur Internet en lien avec l'Université Senghor et d'autres plateformes. Si on participe à ça, ça nous permet d'avoir des certificats qui vont booster nos carrières, ça nous permet aussi de développer des compétences.Donc pour vous, ce n'est pas un instrument post-colonial ?Non, pour moi, je ne pense pas ça. On va juste prendre le mauvais côté. Pour moi, il faut positiver la chose. On peut dire qu'on ne peut pas former le présent sans le passé. Mais aussi, si dans le passé il y a les côtés sombres, s’il y a le noir, on ne va pas ramener le noir parce qu'on veut qu'il y ait de la lumière. Donc la francophonie actuelle, elle apporte la lumière, elle permet aux jeunes de se réunir. Regardez-nous, on était 30 jeunes.Aux Jeux de la Francophonie à Kinshasa, c'est ça ?Exactement. Trente jeunes venus d'Afrique centrale. Il y avait onze Camerounais, un équato-guinéen. On s'est inséré là, les Gabonais et tout, on a formé un seul homme. On a travaillé, l’union fait la force. Je pense qu’actuellement, on doit positiver les choses, se dire : en tant que jeunes, qu'est-ce qu'on propose ? Parce que je pense que la francophonie encourage aussi des formations, permet aussi à des jeunes d'aller étudier ailleurs par des bourses. Pourquoi pas ? On voit que la francophonie arrive à financer même des femmes qui veulent aller de l'avant, qui ont des entreprises, à les booster aussi, c'est déjà bien en fait.
10/2/20249 minutes, 53 seconds
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Présidentielle en Tunisie: «On peut dire que c'est joué d'avance»

En Tunisie, le président Kaïs Saïed n'aura que deux adversaires à l'élection du dimanche 6 octobre prochain, où il va briguer un second mandat. Tous les autres candidats ont été éliminés. Et parmi les deux candidats rescapés, l'un est en prison. Pourquoi les Tunisiens, qui ont renversé leur dictateur en 2011, ne protestent pas contre la vague d'arrestations qui s'abat sur les opposants, les avocats et les journalistes ? Vincent Geisser est chercheur au CNRS. À Aix-en-Provence, il dirige l'Institut de recherches et d'études sur les mondes arabes et musulmans (Iremam).  À lire aussiPrésidentielle en Tunisie: à Bizerte, des partisans en campagne pour un chef de l’État peu sur le terrain
10/1/20245 minutes, 49 seconds
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L'avocat Robert Bourgi déroule les secrets d'une «vie en Françafrique» dans ses mémoires

Qui a commandité l'assassinat de Thomas Sankara en 1987 ? Qui a donné l'ordre de bombarder le camp militaire français de Bouaké en 2004 ? Quel rôle éventuel a joué Pascaline Bongo dans le putsch qui a renversé son frère il y a un an au Gabon ? Avec l'aide du journaliste Frédéric Lejeal, Robert Bourgi publie ses mémoires sous le titre Ils savent que je sais tout, ma vie en Françafrique, aux éditos Max Milo. Au micro de RFI, Robert Bourgi témoigne d’abord sur l’attitude qu’a eu Jacques Foccart, le conseiller Afrique des dirigeants français, dans les mois qui ont précédé l’attentat contre le capitaine Sankara, mais également sur les transferts de fonds gabonais envers Jacques Chirac dont Robert Bourgi était responsable. RFI : Robert Bourgi, dans votre livre, vous racontez votre longue amitié avec Laurent Gbagbo, ancien président de Côte d’Ivoire. En novembre 2004, deux avions ivoiriens bombardent une caserne française à Bouaké, 9 soldats français sont tués, puis les 2 pilotes biélorusses essaient d'évacuer par le Togo, où ils sont interceptés. Pourquoi le président français Jacques Chirac a-t-il refusé que le chef de l’État togolais Gnassingbé Eyadema lui livre ces 2 pilotes pour la justice française ?Robert Bourgi : Vraiment, j'ignore tout de cet épisode. Mais, je me suis retrouvé avec Laurent un soir au moment de ce tragique événement. Et Dominique de Villepin [qui a été successivement ministre des Affaires étrangères, ministre de l'Intérieur et Premier ministre, sous Jacques Chirac, NDLR] m'avait dit : « Essayez de savoir s'il y a du Laurent Gbagbo dans cette affaire. » Et je lui dis : « Laurent, vraiment, es-tu mêlé de près ou de loin ? ». Il dit : « Je t’assure Robert, dis à Dominique, de ma part, que je ne suis en rien mêlé à cette affaire. » Laissant entendre à un moment donné de la conversation : « Mais, il n'est pas impossible que l'entourage de Simone [qui était alors l’épouse de Laurent Gbagbo et Première dame du pays, NDLR] soit mêlé ». Cette phrase, il me l'a prononcée.Sous-entendu les extrémistes de son camp ?Il a dit ça. Je ne sais pas à qui il faisait allusion. Est-ce que c'est l'officier Séka Séka, comme on l'appelait ? Je ne sais pas.Alors pour vous, à cette époque, entre la France et la Côte d'Ivoire, c'est très compliqué, parce que vous êtes amis à la fois avec Laurent Gbagbo et Blaise Compaoré, le président burkinabè qui soutient la rébellion pro-Alassane Ouattara, devenu président de Côte d’Ivoire depuis. Blaise Compaoré, vous l'avez rencontré dès 1986, du vivant de Thomas Sankara (président de 1983 à 1987). Pourquoi, à votre avis, a-t- il décidé d'éliminer son compagnon d'armes en 1987 ?Je ne sais pas quels sont les sentiments qui ont animé Blaise, je les ignore. Mais ce que je puis vous dire, c’est Monsieur Foccart, tout puissant conseiller Afrique de Monsieur Chirac, m'avait dit, car il me savait proche de Thomas : « Faites savoir à Thomas d'être très prudent. » Je dis : « Qu'est-ce que ça veut dire, doyen ? Il me dit : « Il est en danger et ça peut venir du plus près. » À ce moment-là, il y a eu un deuil dans ma famille. Et Thomas, l’ayant appris, m'appelle et il me présente ses condoléances. Je lui dis : « Thomas, ça tombe bien, le vieux m'a dit qu'il fallait que tu sois très prudent. Le coup peut venir du plus proche de toi. ». Il me dit : « Remercie le vieux de ma part. » C'était un nom de code pour Foccart. « Je vais être prudent. » Il est arrivé ce que vous savez [assassinat le 15 octobre 1987 à Ouagadougou, NDLR].Quel rôle a joué Félix Houphouët-Boigny, premier président de l’histoire de la Côte d’Ivoire, dans cette affaire ?Je pense qu'il a été très actif par la grâce, si je puis dire, de Chantal.L'épouse de Blaise Compaoré, qui était ivoirienne ?Exactement : elle était la fille d'un administrateur des colonies qui était très proche du président Félix Houphouët-Boigny. Et ce que n'a pas supporté Houphouët-Boigny, c'est que lorsque Thomas allait le voir, il avait toujours le pétard [un pistolet, NDLR] et il avait refusé de venir en tenue civile. Le courant ne passait pas entre eux.Donc, vous pensez que la Côte d'Ivoire est dans le complot ?J'en suis même certain.Autre pays que vous connaissez bien, c'est le Gabon. Dans votre livre, vous dites que le vrai dauphin qui était en capacité en 2009 de succéder à Omar Bongo, chef de l’État de 1967 à sa mort, ce n'était pas son fils Ali mais sa fille Pascaline. Est-ce que vous pensez que celle-ci a approuvé l'année dernière l'élimination politique de son frère Ali Bongo ?Je n'ai plus de contacts avec Pascaline depuis des années. Donc, je ne peux pas donner une réponse à cela. Mais je puis vous dire, connaissant Brice Clotaire Oligui Nguema, l’actuel président du Gabon –je connais Brice depuis 25 ans – que c'est un homme d'autorité, un homme de caractère. Je ne pense pas que quelqu'un ait pu lui susurrer à l'oreille qu'il fallait faire un coup d'État.Depuis son arrivée au pouvoir, vous avez revu Brice Clotaire Oligui Nguema. Est-ce que vous lui avez prodigué des conseils ?Nous avons passé, lui et moi, un peu plus de deux heures ensemble à Dakar. Il m'a dit : « Comment vois-tu les choses, grand frère ? » Je lui ai dit : « Écoute, fais souffler un air de démocratie dans ton pays comme tu le fais, et essaie de te dégager du reproche qu'on pourrait te faire, que c'est la famille Bongo qui continue. » Et je crois que c'est ce qu'il est en train de faire. Et il ne m'étonnerait pas qu'il soit candidat à la présidentielle si y en a une.L'année prochaine ?L'année prochaine, ou peut-être même avant.Michel Barnier, le nouveau Premier ministre français, vous l'avez évidemment connu quand il était le ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac, il y a 20 ans. Quel souvenir vous en avez gardé ?C'est un homme qui a de l’autorité, qui a un certain charisme et c'est un têtu.Dans le bon sens du terme ?Absolument, et j'espère qu'il aura son mot à dire, pour ce qui concerne la politique africaine de la France. Parce que la France a besoin d'un homme qui porte haut sa voix, dans les relations avec l'Afrique. Et surtout ne pas faire preuve d'arrogance.C'est une critique en creux du président français ?Non, pas du tout. Je fais remonter les reproches que font les Africains à notre pays.À lire aussiJacques Foccart, l’homme de l’ombre, à la lumière de ses archives   
9/30/202424 minutes, 19 seconds
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Pour le romancier Abdulrazak Gurnah, «on doit apprendre à recevoir l'autre dans nos cœurs et nos esprits»

En Afrique du Sud, la fondation Nelson Mandela a invité, à l’occasion de sa 22ème conférence annuelle, l’auteur d’origine tanzanienne Abdulrazak Gurnah, prix Nobel de littérature 2021, à venir parler des questions d’identité, de migration, et d’appartenance. L’écrivain installé au Royaume-Uni a publié dix romans, dont Près de la mer, qui a reçu le prix RFI « Témoin du monde » en 2007. Il continue toujours à écrire et un nouvel ouvrage devrait sortir en mars, en anglais. Il répond, à l’occasion de son déplacement à Johannesburg, aux questions de Claire Bargelès. RFI : Abdulrazak Gurnah, bonjour. Quel message avez-vous envie de transmettre, cette année, au travers de cette plateforme offerte par la Fondation Nelson Mandela, qui a vu défiler par le passé des figures comme Desmond Tutu et Barack Obama ?Pour être honnête, je n’ai pas écouté ce qu’ils ont dit, mais je peux très bien l’imaginer, car lorsque l’on doit connecter son discours au nom de Nelson Mandela, on va forcément parler de justice ou des ressources que l’on peut déployer face à l’oppression et la terreur.Ayant vous-même quitté Zanzibar en 1967, pour un meilleur avenir en Angleterre, vos écrits parlent beaucoup de l’exil, de l’étranger qui arrive dans un nouveau pays, pour trouver refuge. Est-ce aussi un message pour l’Afrique du Sud en proie aux tensions xénophobes ?Cette question ne concerne pas uniquement l’Afrique du Sud, ces mêmes problèmes touchent beaucoup d’autres endroits, en Europe, en Amérique du Nord. C’est un phénomène important de notre époque, car on observe de larges déplacements de populations. Ce n’est pas quelque chose de nouveau dans notre histoire humaine, mais désormais le mouvement se fait des pays du Sud vers les pays du Nord. Et cela a créé une panique. Certains y répondent de façon humaine, mais pas tous.Votre conférence s’intitule « une exploration de notre humanité partagée » : souhaitez-vous remettre l’accent sur le concept sud-africain de l’« Ubuntu », basé sur la solidarité et le fait de se reconnaître en l’autre ?Je suppose que oui. Mais ce n’est pas parce qu’on l’appelle ici « Ubuntu » que c’est une invention sud-africaine, d’autres endroits ont le même concept, sous un autre nom. Cela se résume, en fait, à la même chose, à cette idée que l’on doit apprendre à recevoir l’autre, dans nos cœurs et nos esprits, et à ne pas créer de barrières. En d’autres mots, il faut réaliser qu’il y a tant de choses que l’on a en commun. Parmi les façons d’y parvenir, on peut lire les histoires d’autres gens, pour mieux les connaître, écouter leur musique et comprendre leurs problèmes.Votre œuvre revient également sur les traces laissées par la colonisation, sur le poids du passé : diriez-vous que ces questions de mémoire continuent de travailler l’Afrique dans son ensemble ?Je ne pense pas que cela se cantonne à l’Afrique, ce sont des questions essentielles. Lorsqu’un auteur écrit sur la migration des Irlandais aux États-Unis, c’est la même démarche, pour essayer de comprendre la signification de s’établir ailleurs, et d’être un étranger dans un autre pays. Mais comme je l’ai dit tout à l’heure, cela concerne les Africains d’une façon beaucoup plus dramatique, et les habitants du Sud en général, qui partent en grand nombre, en quête d’une vie meilleure. Les Européens ont fait ça pendant des siècles, se rendant en Amérique du Nord, en Australie, en Afrique du Sud… Et ils ont forcé les personnes qu’ils ont trouvées sur place à se déplacer, ou les ont parfois tuées. Donc ce n’est pas un nouveau phénomène.Que vous a apporté votre prix Nobel, reçu il y a trois ans ? Qu’est-ce qui a changé depuis ?Cela m’a rendu très heureux. Pour beaucoup de gens dans le monde, mon travail est devenu intéressant et j’ai désormais nombre de nouveaux lecteurs, dans des langues différentes. Et puis, c’est aussi, bien sûr, une sorte d’affirmation, comme si quelqu’un vous disait « je pense que tu es un très bon écrivain », donc merci beaucoup !Vous êtes le cinquième auteur du continent africain à recevoir le prix Nobel de littérature : existe-t-il encore une sous-exposition des écrivains africains et avez-vous un souhait de voir quelqu’un, en particulier, être récompensé à votre suite le 10 octobre prochain ?Je n’aime pas vraiment ces questions qui rattachent les auteurs au pays d’où ils viennent, car cela nous ramène à des divisions continentales ou nationales. On parle de ces cinq Prix africains, mais je crois qu’il n’y a eu, par exemple, qu’un seul prix indien. Aujourd’hui, cela n’a plus vraiment à voir avec le pays d’origine, ce qui est reconnu, c'est la qualité de l’écriture, pas si cet écrivain vient d’Afrique ou d’ailleurs. Bien sûr, je souhaite que beaucoup d’autres auteurs du continent reçoivent le Prix, mais je voudrais surtout qu’ils le reçoivent parce qu’ils le méritent.En ce qui concerne la Tanzanie, êtes-vous inquiet de voir les autorités durcir leurs positions l’égard des opposants politiques ?Pour être tout à fait honnête, je ne connais pas les détails des récentes affaires. Le gouvernement est assez réticent à l’idée de tolérer l’opposition, mais il apprend peu à peu à le faire. Donc, dans un sens, il y a du progrès, puisqu’il essaye de comprendre comment laisser les partis d’opposition fonctionner. Cependant, il est vrai qu’à partir d’un certain point, il se dit qu’il doit intervenir et les arrêter. Mais, honnêtement, ce n’est pas un sujet que je connais très bien.Abdurazak Gurnah, merci beaucoup
9/28/20244 minutes, 26 seconds
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Côte d'Ivoire: «Je voudrais que les acteurs politiques soient de bonne foi», estime le président de la Commission électorale

En Côte d'Ivoire, la présidentielle doit avoir lieu en octobre 2025. Mais, déjà, le ton monte entre le pouvoir et l'opposition. Celle-ci réclame une réforme du système électoral, notamment une refonte de la Commission électorale indépendante (CEI), qu'elle juge partisane. Alors la CEI est-elle crédible ? Et que pense-t-elle de l'hypothèse d'une élection l'an prochain en l'absence de l'ancien président Laurent Gbagbo ? Le président de la CEI, le magistrat Coulibaly Kuibiert Ibrahime, répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Coulibaly Kuibiert Ibrahime, en Côte d'Ivoire, la composition de la Commission électorale indépendante (CEI) que vous présidez, fait polémique entre pouvoir et opposition. Sur le papier, tout cela paraît assez équilibré, mais le vrai point de bascule, ce sont les six représentants de la société civile. Est-ce que les représentants du Conseil national des droits de l'homme par exemple et des cinq autres ONG qui siègent à la CEI ne penchent pas un peu, beaucoup pour le pouvoir ?Coulibaly Kuibiert Ibrahime : Ah ça, je ne saurais le dire !  Pour moi, les partis politiques peuvent faire des alliances, peuvent amener à avoir des membres de la société civile à leurs profits. C'est ce qui peut justifier une certaine position. Mais moi, je ne suis pas dans le secret des dieux, je ne suis pas un initié. La loi a dit qu'il faut six membres de la société civile. Maintenant, si ces six membres de la société civile penchent à gauche ou à droite, c'est une question d'indépendance personnelle.En tout cas, la CEI n'est pas jugée crédible par l'opposition. Est-ce qu'il ne faut pas la reformer ?Pour quel objectif ?Pour qu'il y ait consensus ?Oui, mais tous sont là. Le PDCI est représenté, le PPA-CI est représenté, le FPI est représenté, les partis politiques de l'opposition par groupement sont représentés. Alors j'ai dit, qu'on nous dise ce qu'on reproche à la Commission électorale indépendante.Peut-être qu'on connaîtrait les demandes particulières de l'opposition s'il y avait un dialogue entre le pouvoir et l'opposition sur ce sujet ?Ah ben, oui ! Bon ça, ça ne relève pas de la Commission électorale indépendante !Donc vous êtes d'accord avec l'idée d'un dialogue sur ce sujet ?Oui, peut-être ! Mais, on est au 5e dialogue politique.Autre pomme de discorde, les interdictions pour Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, d'être candidats à la présidentielle de l'an prochain.Oui !Est-ce que l'exclusion est une solution ?Ben, je ne saurais présenter la chose de cette façon. La loi dit qu’il ne faut pas être condamné. Parce que la condamnation peut vous déchoir de vos droits civils et politiques. Il se trouve que les personnalités, dont vous faites état, ont été privées de leurs droits civils et politiques à la suite d'une condamnation pénale. Bon, la Commission électorale, à l'occasion de la révision, écrit au ministère de la Justice : Pouvez-vous nous donner le nom de toutes les personnes qui sont déchues de leurs droits civils et politiques ? Donc, quand on nous donne la liste, nous en tirons les conséquences. Ces personnes sont des milliers !Oui, mais-là, on parle d'un ancien président de la République.Oui !Est-ce que vous avez une opinion personnelle là-dessus ?Non pas du tout !  Parce qu’un ancien président de la République en Afrique du Sud, Monsieur Jacob Zuma, a été déchu de ses droits civils et politiques. Un ancien président en Mauritanie a été déchu de ses droits civils et politiques. Conséquences, ils ont tous été radiés de la liste électorale. Ce n'est pas propre à la Côte d'Ivoire. Moi, je n’apprécie pas s’il méritait d'être déchu de ses droits civiques ou non. Mais je dis que, dès qu’une décision de justice l'atteste, nous en tirons les conséquences.Alors vous faites une comparaison avec l'Afrique du Sud et la Mauritanie, mais là, on est en Côte d'Ivoire. Et politiquement, vous vous en souvenez, quand le candidat Alassane Ouattara a été exclu du scrutin il y a 25 ans, il y a eu beaucoup de troubles dans votre pays. Est-ce que vous ne craignez pas aujourd'hui que l'exclusion de Laurent Gbagbo ne produise les mêmes effets ?Bon, vraiment, je n'ai pas d'opinion sur la question, mais je ne sais pas si c'est la même situation qui a justifié l'exclusion du président Alassane Dramane Ouattara. Pour moi, tout ce qui peut apporter la paix, c'est ce qui serait intéressant.Qu'est-ce qui peut apporter la paix justement ?La bonne foi. Moi, je voudrais bien que les acteurs politiques soient de bonne foi. Parce que, voyez-vous, quand une institution de la République est créée pour mener une mission, il faut que les citoyens accordent tout le crédit à cette institution, jusqu'à ce qu'elle rapporte la preuve qu’elle n'est pas digne, ou bien que ses animateurs ne sont pas dignes de mener cette mission. Mais quand vous jetez le discrédit sur l'institution parce que vous êtes en difficulté, mais ce n'est pas bon, alors que vous savez bien que ce n'est pas vrai.Donc, vous en voulez à l'opposition de dire que votre Commission n'est pas crédible ?Oui, parce qu’ils n'ont pas d'éléments. Moi, je veux bien qu'on me rapporte des éléments. Mais l'élection n'est bonne que lorsqu'ils l'ont gagnée. Mais ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Donc la Commission n'a rien à voir là-dedans. Elle n'est même pas partie au procès. Nous ne faisons qu'organiser des élections. Et je vous dis, il y a des grandes personnalités de l'opposition qui ont été élues face à des grandes personnalités politiques du pouvoir, Monsieur Kafana à Yopougon.Ah, vous parlez des législatives ?Des législatives, par exemple, Monsieur Ahoussou Jeannot à Port-Bouët, le ministre Siandou Fofana. Mais, il y a bon nombre des candidats qui sont de l'opposition qui ont été élus, sur la base de cette liste électorale et par cette Commission électorale qui ne semble pas être crédible. C'est pour ça que je dis qu'ils fassent un peu preuve de bonne foi. Le problème, ce n'est pas la Commission électorale indépendante. Le problème, c'est d'aller convaincre la population de la pertinence de leur offre politique et sociale, c'est ça le plus important.À lire aussiPrésidentielle 2025 en Côte d'Ivoire: Guillaume Soro décide de saisir la main tendue par Laurent Gbagbo
9/27/20248 minutes, 18 seconds
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Bah Oury, Premier ministre guinéen: «Toute personne remplissant les critères de la Constitution pourra être candidat»

Le Premier ministre guinéen Bah Oury est actuellement à New York où il dirige la délégation de son pays à l’occasion du 79e sommet de l’Assemblée générale des Nations Unies. Il s'exprime sur RFI sur le retour de son pays au sein de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), les futures élections prévues en 2025, notamment la présidentielle et le soutien affiché de Bah Oury pour une éventuelle candidature de Mamadi Doumbouya et les questions des droits et des libertés avec la situation des deux militants du FNDC disparus depuis le mois de juillet. Bah Oury, qui indique ne pas connaitre la position précise de Foniké Menguè et de Mamadou Billo Bah, répond à Guillaume Thibault. À lire aussiGuinée: le débat sur la possible participation du général Doumbouya à la présidentielle s’installe
9/26/20249 minutes, 16 seconds
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Sadibou Marong (RSF): «Les journalistes des radios communautaires paient un lourd tribut dans la région du Sahel»

« Au Sahel, les radios communautaires et leurs journalistes sont en grand danger, il faut les défendre et les soutenir »... C'est l'appel qu'ont lancé, mardi 24 septembre, à la Maison de la Presse de Bamako, au Mali, Reporters sans frontières (RSF) et plus de 500 de ces radios de proximité. Quelles sont les menaces les plus graves contre les radios communautaires ? Que peuvent faire les autorités nationales pour mieux les protéger ? En ligne de Bamako, le directeur du bureau Afrique de RSF, Sadibou Marong, répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
9/25/20248 minutes, 11 seconds
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Antoine Glaser: «Ce n'est plus du tout la France en Afrique qui va bouger, c'est plutôt l'Afrique en France»

« Ne faites jamais preuve d'arrogance », a demandé, lundi 23 septembre, le Premier ministre français Michel Barnier à ses ministres, réunis pour la première fois en Conseil des ministres autour du président Emmanuel Macron. Mais qui va diriger désormais la politique africaine de la France ? Est-ce le président de la République, le Premier ministre ou le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot ? Antoine Glaser est un essayiste spécialiste de l'Afrique. Il y a un an, avec Pascal Airault, il a publié chez Fayard, Le piège africain de Macron. Il livre son analyse au micro de Christophe Boisbouvier.
9/24/20246 minutes, 45 seconds
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Réforme du Conseil de sécurité de l'ONU: «Sans droit de "veto", les sièges permanents africains ne sont que de la figuration»

Pendant toute cette semaine - jusqu’au 30 septembre - les dirigeants du monde sont à New York pour l’Assemblée générale des Nations unies. Parmi les grands dossiers qui ne manqueront pas d’être évoqués : celui du Proche-Orient, de l'Ukraine, mais aussi du Soudan. Il sera également question de la réforme du Conseil de sécurité. Les États-Unis viennent d'annoncer de manière tout à fait solennelle, qu’ils apportaient leur soutien à la création de deux sièges permanents pour des pays africains, mais sans droit de veto. On en parle ce matin avec le chercheur sénégalais Pape Ibrahima Kane, spécialiste des questions continentales et régionales en Afrique. Il est l’invité de Carine Frenk.
9/23/20244 minutes, 40 seconds
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Amaury Hauchard: «La ruée vers l'or change profondément la géopolitique de tout le Sahara»

« Sahara, la soif de l'or », c'est le titre d'un reportage au long cours auprès des chercheurs d'or, qui est publié sur le site d'information Les Jours, et qui vient de remporter le prestigieux Visa d'or de l'information numérique France Info, à l'occasion du festival de Perpignan. En neuf épisodes passionnants, le reporter Amaury Hauchard et le photographe Michele Cattani nous font découvrir la vie incroyable des « creuseurs », à la recherche de la pépite qui les rendra millionnaires. Écoutez Amaury Hauchard raconter cette ruée vers l'or, il est l'invité de Christophe Boisbouvier.
9/21/202410 minutes, 24 seconds
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Soudan: à El-Fasher, «Hemedti veut marquer une suprématie sur le Darfour»

Au Soudan, l'épicentre du conflit est en ce moment à El-Fasher, la capitale du Nord-Darfour, où la bataille fait rage depuis une semaine. « Des centaines de milliers de civils sont coincés dans la ville assiégée et leurs vies sont en danger », affirme la sous-secrétaire générale de l'ONU pour l'Afrique, Martha Pobee. Pourquoi les rebelles du général Hemedti veulent absolument s'emparer de cette ville ? Et pourquoi les Américains n'arrivent pas à calmer le jeu ? Peut-être à cause de la présidentielle à venir aux États-Unis, estime Roland Marchal, chercheur à Sciences Po Paris. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. À lire aussiSoudan: les FSR lancent une attaque sans précédent contre El-Fasher
9/20/20248 minutes, 47 seconds
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Vers une extradition de Claude Pivi en Guinée? «J'ai confiance en les autorités libériennes», répond le chef du CNT

Il était le fugitif le plus recherché de Guinée. Après plusieurs mois de cavale, le colonel Claude Pivi a été arrêté au Liberia. Selon une source, des négociations seraient déjà en cours entre les autorités guinéennes et libériennes concernant son éventuelle extradition, souhaitée par Conakry. Sur le sujet, le président du Conseil national de la transition, le médecin Dansa Kourouma se dit confiant au micro de Christophe Boisbouvier. Il s'exprime aussi sur le régime militaire du général Mamadi Doumbouya qui s'apprête à faire adopter une nouvelle Constitution par référendum, le fait qu'aucune date ne soit encore fixée pour ce scrutin et que personne ne sache si le général Doumbouya sera candidat ou non à la présidentielle qui suivra. À lire aussiGuinée: le colonel Claude Pivi, condamné par contumace pour le massacre du 28-Septembre, a été arrêté au LiberiaÀ lire aussiLa Guinée dévoile son projet de Constitution limitant le pouvoir du président à deux mandats
9/19/202410 minutes, 9 seconds
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Mali: «Le Jnim a démontré avoir la capacité de frapper Bamako en plein cœur»

Le Jnim a revendiqué l'attaque contre Bamako, son école de gendarmerie et l'aéroport. Pourquoi cette cible ? Quelles conséquences pour le régime militaire du colonel Assimi Goïta ? Arthur Banga est enseignant-chercheur et spécialiste des questions de défense à l'université Félix-Houphouët-Boigny d'Abidjan. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
9/18/20245 minutes, 18 seconds
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Inondations au Nigéria: «Si l'eau compromet les récoltes, on craint une saison encore plus difficile que prévue»

Près de 40 morts, 400 000 personnes déplacées. Dans le nord du Nigeria, à Maiduguri, la crise humanitaire reste majeure. Il y a 7 jours, le barrage d’Alau situé à 20 kilomètres de la capitale de l’État de Borno cédait suite à des pluies diluviennes. Une catastrophe qui s’ajoute à la crise alimentaire et sécuritaire qui frappe tout le nord du Nigeria. Situation de crise donc que tente de juguler les autorités locales avec l’appui des Nations unies. Notre grand invité Afrique ce mardi est Mohammed Malick Fall, il est sous-secrétaire général de l’ONU, coordonnateur résident au Nigéria, en charge notamment de la réponse humanitaire. À lire aussiNigeria: la ville de Maiduguri sous les eaux après la rupture d'un barrage
9/17/20244 minutes, 39 seconds
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Olivier Vallée: «Le Mali est le pays le plus exposé à des rétorsions d'un pays de la Cédéao»

En Afrique de l’Ouest, le Mali, le Burkina Faso et le Niger célèbrent, ce lundi 16 septembre, le premier anniversaire de l’AES, l’Alliance des États du Sahel, ce regroupement anti-Cédéao qui avait, au début, des objectifs essentiellement militaires, et qui nourrit aujourd’hui de grandes ambitions politiques, économiques et monétaires. Mais est-ce que tous les ponts sont coupés avec la Cédéao ? Ce n’est pas si sûr ! L’économiste français Olivier Vallée a été conseiller technique au Sahel, notamment au Niger, où il a gardé de précieux contacts. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
9/16/202417 minutes, 18 seconds
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Une histoire de l'Afrique par Karen Adédiran Nganda: «J’ai écrit cet ouvrage pour l’enfant que j’ai été»

Avec notre invitée ce samedi matin, nous allons parler d’un livre ludique et instructif sur l’histoire de l’Afrique et de ses héros. Les Icônes de Kimia – c’est le titre de cette série de livres – raconte aux plus jeunes l’histoire du continent, à travers les moments forts de son passé, et les personnalités qui l’ont incarné. Le tome III vient de paraître. Avec cette collection, Karen Adédiran Nganda (qui a écrit l’ouvrage) entend valoriser l'héritage africain pour les enfants. Elle répond aux questions de Frédéric Garat.
9/14/20244 minutes, 23 seconds
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Sénégal: «Ce n'est pas une surprise, on s'attendait bien évidemment à une dissolution»

Au Sénégal, le président Bassirou Diomaye Faye a annoncé, hier, jeudi 12 septembre au soir, la dissolution de l'Assemblée nationale, dont la majorité lui était hostile. Après la présidentielle du 24 mars dernier, les Sénégalais retourneront donc aux urnes, le 17 novembre prochain, pour élire leurs députés. Le chef de l'État était-il vraiment obligé de dissoudre ? Et son parti, le Pastef, ne prend-il pas un risque en allant à ces législatives ? Mamadou Lamine Sarr est enseignant-chercheur à l'université numérique Cheikh Amidou Kane. En ligne de Dakar, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
9/13/20244 minutes, 26 seconds
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Éthiopie: l’empereur Haïlé Sélassié «parlait» avec les grands de ce monde

On l’appelait « Roi des rois » ou « Lion conquérant de la tribu de Juda ». L’empereur éthiopien Haïlé Sélassié a été renversé par des militaires marxistes il y a exactement cinquante ans, le 12 septembre 1974. À l’époque, beaucoup ont applaudi à sa chute. Mais aujourd’hui, avec le recul, les avis sont beaucoup plus partagés, et le régime éthiopien actuel n’hésite pas à lui rendre hommage. Que reste-t-il du négus dans la mémoire collective ? Gérard Prunier, qui a connu l’Éthiopie impériale, a été chercheur au CNRS et directeur du Centre français des études éthiopiennes à Addis-Abeba. Il témoigne, au micro de Christophe Boisbouvier.
9/12/202410 minutes, 37 seconds
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Libye: la reconstruction de Derna s'opère «dans l'opacité totale sur l'origine des fonds», note Virginie Collombier

C'était il y a un an jour pour jour. Au petit matin du 11 septembre 2023, des milliers d'habitants de Derna, au nord-est de la Libye, mouraient ensevelis ou noyés à la suite d'une tempête et de la rupture de deux barrages en amont de la ville. Officiellement, il y a eu 4 000 morts, mais les experts estiment que le vrai bilan dépasse les 14 000 morts. En juillet, 12 personnes ont été condamnées à de lourdes peines de prison. Et aujourd'hui, la ville se reconstruit, mais dans la plus grande opacité financière. Virginie Collombier est docteur en sciences politiques et professeur à l'université Luiss à Rome, en Italie. Elle répond à Christophe Boisbouvier. À lire aussiLibye: un an après la catastrophe de Derna, une tragédie entourée de controversesÀ lire aussiLibye: comment Derna tente de se reconstruire neuf mois après avoir été ravagée par les flots
9/11/202410 minutes, 59 seconds
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Guinée-Bissau: «L’instabilité» vient de «l’influence des militaires sur le politique selon leurs intérêts», dit Carlos Lopes

Plus de deux tonnes de cocaïne saisies samedi 7 septembre dans un avion en provenance du Venezuela… La Guinée-Bissau se serait bien passée de cette actualité au moment où elle célèbre mardi 10 septembre les 50 ans de la reconnaissance de son indépendance. Pourquoi cette jeune nation connaît-elle une vie politique aussi mouvementée depuis 1974 ? Est-ce seulement à cause des cartels de la drogue ? Le Bissau-Guinéen Carlos Lopes a été le secrétaire exécutif de la Commission économique pour l'Afrique. Aujourd'hui, il enseigne à l'Université du Cap et à Sciences Po Paris. Il répond à Christophe Boisbouvier. À lire aussiCarlos Lopes: «Le désir de transformation égalitaire en Afrique s’est épuisé petit à petit»À lire aussiGuinée-Bissau: 2,6 tonnes de cocaïne saisies dans un aéronef en provenance du Venezuela 
9/10/20246 minutes, 49 seconds
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Contre le jihadisme, il faut «expérimenter le dialogue et la médiation», dit Bakary Sambe du Timbuktu Institute

Au nord du Bénin, le chômage n’est pas la seule cause de la radicalisation de certains jeunes qui basculent dans le jihadisme, affirme le Timbuktu Institute. Au terme d’une longue enquête dans trois départements du nord du Bénin, aux confins du Burkina Faso et du Niger, cet institut publie un rapport intitulé Au-delà de la criminalité, qui montre que l’approche criminologique ne suffit pas pour combattre le phénomène jihadiste. Professeur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal, Bakary Sambe est le directeur régional du Timbuktu Institute et le fondateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique. RFI : Dans votre enquête très fouillée – près de 300 interviews étalées sur plus d'un an – vous dites que le chômage des jeunes est un facteur essentiel de la radicalisation et un responsable associatif de Djougou vous dit : « pour avoir du travail, il faut connaître quelqu'un qui est proche du pouvoir, sinon on n'en trouve pas ».Bakary Sambe : Oui, des jeunes des communautés qui ont participé à l'étude perçoivent donc, de ce point de vue, la radicalisation et l'extrémisme violent comme un refuge pour faire face aux différents problèmes sociaux et socio-économiques. On voit, notamment dans la Donga, comment les groupes extrémistes violents arrivent à instrumentaliser ces griefs, notamment les questions d'injustice et d'inégalité. Par exemple, ce jeune qui nous aborde en disant : « est-ce qu'on pourrait m'aider à entrer dans un groupe extrémiste violent, parce que ça fait des années que j’essaie d'entrer dans l'armée, mais ne connaissant personne, appartenant à une certaine ethnie, je me sens exclu ». Et donc, il voit dans ces groupes-là un refuge pour justement lutter contre ces griefs et sortir de la marginalisation.Il voit même cela comme « une revanche sociale », vous dit ce jeune…Il voit cela comme une revanche sociale, parce que, pour lui, l'État et ses représentants locaux l'empêchent, en tant que Béninois jouissant de ses droits, d'entrer dans une fonction publique comme l'armée ou bien les forces de sécurité et de défense, pour véritablement vivre sa passion, qui est la passion des armes. Du coup, il se voit attiré par les groupes extrémistes violents qui se présentent comme des protecteurs des communautés ostracisées et jouent cette carte de la division et essaient de dire à des communautés ostracisées, marginalisées : « nous sommes vos protecteurs ».Autre facteur de radicalisation, dites-vous, dans les provinces du Nord du Bénin à majorité musulmane, la compétition religieuse entre prédicateurs, les uns salafistes, les autres de la confrérie soufie tidjaniya ?Oui, on voit bien ces rivalités internes au sein de la communauté musulmane, aussi bien dans la Donga comme à Djougou ou à Ouaké. Elles expriment le degré d'ancrage des courants wahhabites qui contestent les groupes soufis comme la tidjaniya. Là, les cheiks [wahhabites] bâtissent toute une stratégie basée sur l'humanitaire et le travail social. Et on voit que ces organisations, via des ONG qui reçoivent des financements, commencent à se substituer à l'État. Et on voit là une dynamique qu'on a connu dans le Sahel dans les années 70 et qui commence à devenir une véritable réalité dans le nord du Bénin. Et il y a ce témoignage qui nous a été fait au sujet de la stratégie de ces ONG pour combler le vide. La personne nous dit carrément que ce sont des pays du Golfe qui, à travers des projets, font des dons d'infrastructures aux villages et aux communes. Aujourd'hui, dans les départements du Nord du Bénin, nous avons des centaines de forages d’eaux, de puits, et cetera. Bref, une stratégie de remplacement de l'État et, en même temps, une stratégie double. D’une part, elle est basée sur la dawa, la prédication. Et de l'autre côté, sur la hirassa, le secours humanitaire. De sorte qu'aujourd'hui, il y a une compétition des courants religieux, une lutte entre ces courants religieux, notamment le salafisme wahhabite et la tidjanya, qui aujourd'hui est menacée par cette offensive de la dawa.Et dans certains villages, vous dites que les jihadistes n'hésitent pas à saisir les téléphones des habitants pour supprimer les vidéos qu'ils considèrent comme haram, c'est à dire impie. Est-ce à dire qu'il y a des zones où les djihadistes circulent en toute liberté et font la loi ?Nous avons été très surpris par ce témoignage à Nattitingu, dans le département de l'Atacora, où les jeunes vous disent qu'ils reçoivent des messages et qu'ils ont des nouvelles de certains jeunes qui ont été appelés par les « gens de la brousse » et qui hésitent à les rejoindre. De la même manière que l'on voit un jeune qui témoigne de l'existence de centres de formation, en disant que, lorsque les jeunes quittent ces centres de formation et reviennent dans le village, ils commencent à avoir un comportement qui inquiète la communauté.D'après votre enquête, le département le plus vulnérable aux jihadistes, c'est celui de l'Atacora, limitrophe du Burkina. Vous y racontez la stigmatisation des Peuls et aussi ce que les habitants appellent les « gens de la brousse », c'est à dire des groupes djihadistes armés qui circulent pour aller du Togo au Burkina et qui, du coup, sont en contact permanent avec la population, est ce qu'on peut parler de familiarisation ?Il y a une forme de familiarisation, il y a une forme aussi de stratégie qui fait que les populations locales sentent que ces « gens de la brousse » maintenant font partie de leur quotidien. Du coup, je pense que la bonne stratégie des autorités serait d'avoir une approche mixte. C'est à dire, autant il est important de gérer les impératifs et les urgences sécuritaires au regard de la menace, mais aussi il est important d’avoir une approche basée sur le renforcement de la résilience des communautés, de sortir du tout sécuritaire, d’expérimenter les stratégies endogènes basées sur la culture du dialogue, sur la culture de la médiation. Les jeunes que nous avons vus se déployer en médiateurs, des jeunes engagés dans leur communauté, cela montre qu'il y a encore des ressources au sein de la société béninoise qu'il faudrait explorer dans le Nord du Bénin.À lire aussiBénin: une attaque terroriste fait plusieurs morts dans le parc national W au nord du pays      
9/9/202412 minutes, 35 seconds
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Pour l'artiste marocaine Soukaïna Oufkir, «la musique a toujours été une belle évasion» de l'enfermement

C’est au Maroc que nous retrouvons notre grand invité Afrique samedi 7 septembre. Soukaïna Oufkir a 60 ans, elle est la plus jeune de filles du Général Oufkir. Après une tentative de coup d'État avorté en décembre 1972, la famille Oufkir fut enfermée pendant près de 24 ans, dont 19 ans en prison et 5 ans en résidence surveillée, sur ordre du roi Hassan II. Pour survivre la détention, pour renaitre après le départ pour la France, pour retrouver un équilibre, Soukaïna Oufkir a notamment appris à jouer de la musique. Après 30 années de travail, elle sort ce 20 septembre son premier album et elle est aujourd’hui au micro de Guillaume Thibault.  À lire aussiMaroc: les musiciens se préparent pour la 25e édition du festival Gnaoua et musiques du mondeÀ lire aussi1. Soukaïna Oufkir  
9/7/20244 minutes, 42 seconds
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Algérie: «Abdelmadjid Tebboune est très contesté au sein de l’armée»

En Algérie, la présidentielle, c'est ce samedi 7 septembre. Trois candidats sont en lice, dont le président sortant, Abdelmadjid Tebboune, qui est soutenu par l'ancien parti unique FLN. Mais quel est le poids de l'armée dans ce scrutin ? Pour Ali Bensaad, il est déterminant. Cet analyste est professeur des universités à l'Institut français de géopolitique de Paris VIII. RFI : Pourquoi dites-vous, dans une récente tribune à Mediapart, qu'Abdelmadjid Tebboune a dû se soumettre aux militaires pour pouvoir faire un deuxième mandat ? Ali Bensaad : En fait, Tebboune est très contesté justement au sein de l'armée pour sa médiocrité politique. Et il y a de la part de l'armée, si je puis dire, une quasi-obsession de contrôle des acteurs politiques. Et la candidature de Tebboune n'était absolument pas acquise. Et on a même parlé à un moment donné de la possibilité d'un candidat militaire. D'ailleurs, publiquement, les décideurs ont fait savoir pendant un bon bout de temps que les élections allaient être reportées, etc. Et en fait, Tebboune n'a été, si je puis dire, avalisé qu'après une emprise encore plus grande de l'armée sur la vie politique et institutionnelle. Ce n'est pas fortuit que, la veille de la déclaration de candidature de Tebboune, un décret a été promulgué, ce décret qui légalise de fait le passage de la haute administration civile et celle des entreprises publiques sous l'autorité de l'armée.À lire aussiAlgérie: qui sont les trois candidats à l'élection présidentielle?C'est-à-dire que, très discrètement, au mois de juin dernier, est passé un nouveau décret qui autorise les officiers supérieurs de l'armée algérienne à accéder aux plus hautes fonctions publiques tout en restant sous l'autorité de l'état-major algérien. C'est ça ? Exactement. Et de fait, on a eu plusieurs entreprises, les entreprises de téléphonie, les aéroports, les sociétés des eaux, etc, qui sont dirigées actuellement par des militaires et c'est au prix de cette dévitalisation, si je peux dire, de la fonction publique, où l'armée se réattribue ces fonctions-là, que la candidature de Tebboune est devenue acceptable pour un dernier mandat.Depuis trois ans, le discours du pouvoir algérien se durcit contre la France. Est-ce que c'est seulement à cause de la petite phrase d'Emmanuel Macron, c'était en septembre 2021, sur « le système politico-militaire algérien » ?Alors c'est un prétexte. Mais ce raidissement, en fait, il s'explique pour des raisons strictement internes. C'est lié au raidissement autoritaire du régime, à son désir de soustraire la population au monde pour mieux l'enfermer, pour mieux asseoir son autoritarisme sans risquer des parasitages extérieurs. Or, il se trouve que la France, qu'on l'aime ou pas, est de fait la fenêtre d'ouverture sur le monde la plus pratique et la plus proche pour les Algériens.À cause de la diaspora notamment ?Pas seulement à cause de la diaspora. On est à une heure de Paris. Et donc la France est devenue, pour le régime, le pays à diaboliser à tout prix. Et le régime en a perdu la mesure de ce que sont les relations internationales. Et je pense qu'un des éléments justement de l'isolement dans lequel est l'Algérie actuellement, c'est cette diplomatie de la confrontation, cette diplomatie populiste, je dirais. Et elle est quelque part suicidaire, parce que la décision de substituer brutalement l'anglais au français à l'université, c'est insensé. Et en cassant ce maigre tissu [francophone] pour une hypothétique acquisition de l'anglais, ça ne s’acquiert pas comme ça. Donc c'est un effet retour de bâton sur la société. Et moi, même si je regrette beaucoup la position de la France qui s'est départie de sa position d'équilibre entre l'Algérie et le Maroc, j'estime que ce qu'elle a fait, c'est quasiment un retour de bâton de la politique populiste algérienne. Mon interprétation du changement de la position politique de la France à l'égard de la question du Sahara, c’est lié au fait que, la France maintenait une position d'équilibre parce que l'Algérie était un pays qui comptait pour la France, pour ne pas percuter ses intérêts, etc. Mais l'Algérie ne compte plus, non seulement pour la France, pour l'Espagne qui a précédé la France, mais même pour la Russie qui se permet d'avoir des milices [Wagner] qui menacent la sécurité de l'Algérie à ses frontières. C'est un pays extrêmement affaibli et isolé.À lire aussiPrésidentielle en Algérie: la jeunesse désabusée et sans espoir pour un vrai changement  
9/6/202416 minutes, 39 seconds
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Chine-Afrique: Pékin est très prudent «pour tout ce qui est engagement dans les questions de sécurité»

Grand banquet hier soir, grand discours ce matin... Le président chinois Xi Jinping reçoit ses homologues africains en grande pompe à l'occasion du neuvième sommet Chine-Afrique, qui se tient à Pékin jusqu'au vendredi 6 septembre. Selon un décompte de l'AFP, 25 dirigeants africains sont là. Normal, la Chine est le premier partenaire commercial de l'Afrique. Mais entre la Chine et l'Afrique, tout n'est pas rose. Il y a aussi des sujets d'inquiétude. Valérie Niquet est chercheuse à la Fondation pour la recherche stratégique. Elle a publié chez Tallandier La Chine en 100 questions. RFI :  Alors, la chute spectaculaire des prêts chinois aux pays africains depuis quatre ans, est-ce le signe d'un désengagement ou d'un simple changement de stratégie ? Valérie Niquet : C'est présenté comme un changement de stratégie avec la réorientation des initiatives des routes de la soie vers des projets plus petits, moins coûteux, plus soucieux de l'environnement. Mais ça recouvre aussi une nécessité, c'est que l'économie chinoise rencontre de grandes difficultés. La Chine a besoin d'investissements, notamment pour tout ce qui concerne la prise en charge sociale sur son propre territoire. Il y a eu un gros ralentissement de la croissance chinoise qui n'est pas repartie. Elle est aujourd'hui autour de 4% à 5% par an, ce qui est très peu pour un pays comme la Chine. Et donc, il y a moins de moyens. Donc c'est un peu terminé, le temps où la Chine fournissait largement des prêts et des aides pour acheter en quelque sorte le soutien de beaucoup de pays.Depuis un an, les Chinois subissent une déconvenue en Afrique de l'Ouest. Ils ont financé pour quatre milliards de dollars un oléoduc Niger-Bénin dans lequel le pétrole ne coule pas à cause de la crise entre les deux pays. Ils se retrouvent médiateurs, bien malgré eux, d'une crise dont ils se seraient bien passés. Est-ce que cela ne risque pas de les refroidir dans leurs projets d'investissement au Sahel et en Afrique de l’Ouest ? Alors ce qui est certain, c'est que la Chine en Afrique, finalement, joue un rôle majeur d'un point de vue économique. En revanche, la Chine est très prudente pour tout ce qui est engagement dans les questions de sécurité en Afrique, et elle s'inquiète évidemment beaucoup de la situation au Sahel, en Afrique de l'Ouest. Et en même temps, elle n'est pas capable aujourd'hui, on parle beaucoup de la montée en puissance de la Chine, mais la Chine n'est pas capable aujourd'hui, en dépit de sa base navale à Djibouti par exemple, de jouer le rôle que ces puissances comme la France ou, d'une manière plus négative, certains groupes russes peuvent jouer dans la région. Et donc elle est plutôt spectatrice et inquiète, en effet, pour des investissements actuels ou futurs. La Chine a été aussi très active au Soudan et elle surveille de très près la situation dans les deux Soudan, où elle a aussi d'importants intérêts.À lire aussiForum sino-africain: l'Afrique espère rééquilibrer sa coopération avec la ChineMais quand Niamey et Cotonou demandent à la Chine de faire médiation dans leur différend pétrolier, est-ce que cette puissance chinoise n'est pas obligée de faire de la politique malgré elle ? Oui, elle le fait. Et c'est vrai aussi que ça flatte l'intérêt de la Chine qui se présente comme un médiateur, que ce soit là, mais on l'a vu dans d'autres circonstances, avec des accords signés à Pékin entre l'Iran et l'Arabie saoudite ou plus récemment entre Palestiniens. Donc, en fait, la Chine est intéressée à apparaître comme un acteur important qui peut jouer un rôle diplomatique sur la scène africaine. Il n'est pas certain qu'elle en soit tout à fait capable et surtout qu'elle ait envie de prendre parti pour l'un ou pour l'autre, puisqu'elle a des intérêts des deux côtés.Mais on peut imaginer que, pendant ce sommet de Pékin, elle essaye de rapprocher les points de vue du Niger et du Bénin ?Oui, et cinquante pays africains sont présents. Et donc Pékin, on le voit, en profite pour avoir de multiples réunions bilatérales qui permettent en effet de faire avancer des dossiers complexes.Alors, on dit que les Chinois abandonnent les méga projets d'infrastructures, mais est-ce qu'il n'y a pas une exception pour les pays très dotés en matières premières ? Je pense par exemple à la Guinée-Conakry et à ses mines de fer de Simandou et au Congo-Kinshasa et à ses mines de cobalt…Alors effectivement, la Chine a joué un rôle majeur dans le développement des infrastructures qui lui permettent d'avoir accès aux ressources. Et le Congo est notamment très important avec le cobalt en raison du rôle de ce minerai dans les nouvelles énergies pour l'adaptation climatique.En 2008, Joseph Kabila a signé avec la Chine un contrat mines contre infrastructures. Mais quinze ans plus tard, l'Inspection générale des finances du Congo-Kinshasa a dénoncé « une colonisation économique inacceptable » et Félix Tshisekedi a réclamé un dédommagement de quelque vingt milliards de dollars lors d'une visite à Pékin. Est-ce qu'il n'y a pas aussi, côté congolais, des sujets de mécontentement ? Alors du côté congolais, mais aussi dans d'autres pays où notamment la société civile et des partis d'opposition sont de plus en plus sourcilleux par rapport aux projets d'investissements chinois qui sont souvent très peu transparents. On ne sait pas très bien ce que la Chine obtient réellement en échange de ses investissements et il y a des demandes assez fortes de la part de certains secteurs, de la société civile ou de partis d'opposition pour essayer de remettre en question une relation qui est trop asymétrique entre une puissance chinoise qui fait à peu près ce qu'elle veut et des régimes qui ont parfois intérêt à coopérer avec Pékin sans poser trop de questions.À lire aussiLa Chine s'engage à allouer à l'Afrique 50 milliards de dollars en trois ans
9/5/202411 minutes, 41 seconds
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RDC: «Makala, ça reste cette antichambre de l'enfer où la survie est un miracle»

Que s'est-il réellement passé à Makala, la plus grande prison de Kinshasa, dans la nuit de dimanche à lundi dernier ? Par quel enchaînement tragique est-on arrivé à la mort de 129 détenus, selon la version officielle des autorités congolaises ? Le journaliste congolais Stanis Bujakera est le directeur de publication adjoint du site d'information actualité.cd. Il connait bien cette prison, puisque, vous vous souvenez, il y a été détenu pendant près de sept mois, jusqu'en mars dernier. Il y a gardé, bien sûr, quelques contacts. Il témoigne au micro de Christophe Boisbouvier. RFI : Tout aurait commencé dans la nuit de dimanche 1ᵉʳ septembre à lundi 2 septembre vers 2 h du matin, des détenus seraient sortis du bâtiment où ils étaient enfermés. Est-ce qu'on sait pourquoi ils ont voulu en sortir ?Stanis Bujakera : Pour le moment, il y a des évidences. Tous, et même les autorités au niveau du gouvernement, écartent de plus en plus la thèse d'une attaque extérieure. Et je parlais avec quelques prisonniers, effectivement, qui affirment que c'est quelque chose qui est parti de l'intérieur de la prison. Plusieurs de mes contacts sur place ont par exemple expliqué que les événements seraient partis du pavillon 4.Des gens qui voulaient s'évader, à votre avis ?Alors, nous sommes dans la nuit, il n'y a pas de courant, donc il n'y a pas d'électricité. Sous une petite pluie, vous avez des gens qui ont cassé les différentes portes des pavillons, parce qu'à ces heures-là, il faut dire que les pavillons sont totalement fermés. Et donc, est-ce qu'il faut parler d'une tentative d'évasion quand des détenus hommes sont allés au pavillon 9, le pavillon dédié aux femmes, et ils y ont pénétré, et ont violé des femmes, et certaines femmes ont même été ramenées dans certains pavillons d’hommes, d'après plusieurs témoignages ? Est-ce que vous avez vu des gens, qui veulent s'évader, aller mettre le feu au bâtiment administratif et détruire ou piller le dépôt de nourriture et tout ça ? Donc, je ne sais pas s'il faut vraiment parler de tentative d'évasion. Ça pourrait aussi peut-être être une sorte de révolte. C'est possible.Est-ce que le pavillon 4 dont vous parlez est connu comme abritant les prisonniers les plus dangereux ?À Makala, il y a un mélange. Ça veut dire que tous les pavillons sont des pavillons dangereux, parce que tous les prisonniers sont mélangés. Moi, j'étais au pavillon 8, mais au pavillon 8, il y avait aussi également le mélange des profils. Donc Makala, ça reste cette antichambre de l'enfer où la survie est un miracle. Et puis, il ne faut pas oublier que, dans les 15 000 détenus de Makala, seulement près de 4 000 sont condamnés. Les autres non, et les autres attendent des décisions de justice des années et des années. Heureusement, je veux aussi informer les auditeurs de RFI que Damas Ngoy Kumbu, dont le cas a été soulevé dans ma précédente interview, a réussi finalement à sortir de prison après 21 ans de détention préventive.Oui, on se rappelle, il y a six mois, vous nous aviez annoncé que vous aviez croisé à Makala Kumbu Ngoy Damas, un prisonnier jamais condamné qui était prévenu sans jugement depuis 21 ans entre les murs de Makala. Tout le monde s'était ému de son sort. Et là, vous nous apprenez qu'il a finalement été libéré il y a quelques jours. C'est sans doute grâce à vous… Le 2 septembre, les premières bousculades commencent à 2 h du matin, mais il semble que les forces de sécurité ne soient intervenues qu'à 5 h du matin. Est-ce que vous confirmez ces trois heures de flottement ?En effet, en cas de pareille circonstance, il y a toujours un renfort qui arrive. Mais ces renforts-là n'arrivent pas de sitôt. Et quand les militaires sont arrivés très tôt le matin, ils ont fait ce qu'ils appellent les ratissages. C'est la preuve également qu'il y avait beaucoup de personnes qui avaient quitté leur pavillon ou qui tentaient de quitter leur pavillon. Mais je sais par exemple que les gens du pavillon 8, leur pavillon également, était ouvert, mais ils n'en sont pas sortis, parce que sortir de son pavillon à ces heures-là, beaucoup d’entre eux savaient qu'ils s'exposeraient aux tirs de l'armée. Et voilà la situation.Le pavillon 8 dont personne n'est sorti, c'est le pavillon où vous étiez vous-même. C'est le pavillon où se trouve l'opposant politique Jean-Marc Kabund, de l’Alliance pour le Changement. Et d'après vos informations, personne n'a pris le risque de sortir de ce pavillon cette nuit-là ?Non, Kabund et tous les détenus de ces pavillons sont sains et saufs. Mais ils sont traumatisés, comme tous les autres, parce que ça tirait même jusqu'à ce mardi dans la soirée. J'ai appris la nouvelle que ça a continué de tirer parce que l'armée faisait ce qu’elles appellent un ratissage. Et donc Kabund, il est là avec tous les autres détenus. Je reçois de ses nouvelles, il reste brave, il reste debout, il tient. Il est prêt à poursuivre son combat jusqu'au bout. Il lui reste encore cinq ans à faire s'il ne bénéficie pas d'une mesure de grâce. Mais il est capable, selon son propre témoignage, à faire face à cette épreuve.Sur les 129 personnes officiellement mortes dans cette nuit tragique de dimanche à lundi, 24 seraient mortes par balles et les autres seraient mortes par étouffement ou piétinement. Est-ce que vous croyez à cette version officielle ?Il faisait noir sous une pluie. Je pense que beaucoup de gens se sont marchés dessus. Donc, je ne pense pas qu'il faille exclure le fait qu'il y ait certains morts par étouffement au regard de la surpopulation de la prison.À lire aussiLa RDC ouvre une enquête après une tentative d'évasion à la prison de Makala
9/4/20249 minutes, 41 seconds
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Laurence Ndong: «Ce qui intéresse les Gabonais aujourd'hui, c'est de sortir de l'extrême pauvreté»

Au Gabon, on en sait un peu plus, depuis le week-end dernier, sur la future Constitution qui sera soumise à référendum à la fin de l'année. À l'issue de la présidentielle de l'an prochain, à laquelle le chef de la transition, le général Brice Oligui Nguema, aura le droit de se présenter, il n'y aura plus de Premier ministre, et le pouvoir exécutif sera donc « monocéphale ». Va-t-on vers une concentration de tous les pouvoirs dans les mains d'un seul homme ? Laurence Ndong est la ministre gabonaise de la Communication et des Médias, également porte-parole du gouvernement. En ligne de Libreville, elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Que répondez-vous à l'ancien Premier ministre Bilie-By-Nze, qui affirme qu'il y a un an, le général Oligui Nguema a pris le pouvoir pour lui-même et n'avait pas de projet pour le Gabon ? Laurence Ndong : Ce sont eux qui se sont accaparé le pouvoir depuis 2009. Ils prétendaient avoir des projets, « l'avenir en confiance » en 2009, « l'égalité des chances » en 2016, ils avaient prédit un « Gabon émergent » en 2025. Quels sont les résultats de ces projets ? Si ce n'est le néant ? Ils ont servi aux Gabonais, pendant quatorze ans, l'outrecuidance, l'arrogance, le mépris, les détournements des deniers publics, la confusion, la corruption. Le général Brice Oligui Nguema arrive au pouvoir et, en un an, les réalisations sont concrètes : 193 kilomètres de routes en un an, près de 19 000 intégrations à la fonction publique, on voit bien la relance de l'économie, la dette colossale et abyssale qu'ils ont engrangée pour le pays, nous l'avons trouvée avec des arriérés d'impayés qui ont tous été régularisés en trois mois. Donc c'est pour dire dans quel état ils ont laissé le pays. Donc, ils veulent ramener le débat à un problème de personnes. Mais le problème ici, ce n'est pas la personne du général Brice Oligui Nguema, c'est l'état dans lequel était le pays et qui a fait que son arrivée au pouvoir a été plébiscitée par les Gabonais et elle est toujours plébiscitée encore aujourd'hui.  Alors, en vue du référendum de la fin de l'année, le Comité constitutionnel national a élaboré un projet de constitution, qui a été remis ce samedi au Président de transition et dont on connaît maintenant les grandes lignes. Dans le nouveau régime, il n'y aura plus de Premier ministre. À l'issue de la présidentielle de l'an prochain, le futur chef de l'État incarnera « un exécutif monocéphale » et, du coup, certains Gabonais se demandent si ce futur élu ne deviendra pas un hyper président qui cumulera tous les pouvoirs dans ses mains ? La plus grande démocratie occidentale, les États-Unis d'Amérique, a un exécutif monocéphale. Personne ne dit qu'aux États-Unis le président de la République concentre tous les pouvoirs et pourtant, c'est bien un exécutif monocéphale. Donc ça, c'est un procès d'intention, puisque le législatif est renforcé, le judiciaire est renforcé et le président de la République sera assisté d'un vice-président de la République et d'un vice-président du gouvernement.  Alors, vous parlez des États-Unis. À la différence de l'actuel président américain, le futur président gabonais aura le droit de dissoudre l'Assemblée, alors que celle-ci n'aura pas le droit de censurer le gouvernement, puisqu'il n'y aura plus de Premier ministre. Du coup, est-ce que l'équilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ne va pas être rompu au détriment du second, c'est-à-dire au détriment de l’Assemblée ?  L'Assemblée nationale aura le droit de destituer le président quand même et la dissolution du Parlement est encadrée. Le président ne se lèvera pas un beau matin pour dissoudre le Parlement pour ses propres intérêts. Donc, ce que les Gabonais voient depuis que le Président Brice Oligui Nguema est là, c'est que tout le pays est en chantier. Et là, on voit bien qu'Ali Bongo et Monsieur Alain-Claude Bilie-By-Nze n'étaient pas des hommes d'État. Ils nous ont laissé une dette colossale, mais qu'aujourd'hui, nous sommes en train de rembourser. Le Président Brice Oligui Nguema, qui se trouve actuellement en Chine, par honneur, parce qu'il a décidé de rendre au Gabon et aux Gabonais leur dignité, avant de se rendre au Focac, il a remboursé des arriérés de la dette du Gabon à la Chine pour 13 milliards de FCFA et il va en Chine la tête haute.  Alors, vous dites que, dans le nouveau régime, l'Assemblée aura, certes, le pouvoir de destituer le président de la République, mais ce ne sera que dans un cas très exceptionnel, celui de haute trahison, si, par exemple, le président veut se présenter pour un troisième mandat. Alors est-ce que, dans la vie courante, l'action du gouvernement ne va pas échapper à tout contrôle parlementaire ?  Pourquoi l'action du gouvernement échapperait-elle au Parlement ? Vous n'avez pas encore lu cette Constitution, on vous a dit qu'il y aura un vice-président du gouvernement. Il y aura certainement des dispositions qui permettront à ce vice-président du gouvernement de répondre pour le compte du gouvernement devant le Parlement.  Alors, ce vice-président du gouvernement, est-ce qu'il sera responsable devant l'Assemblée nationale et pourra éventuellement être censuré par les députés ?  Vous savez, on attend de lire toute la mouture finale. Ce qui est important pour les Gabonais, ce n'est pas le pouvoir pour le pouvoir. Ce sur quoi nous sommes en train de pinailler, c'est le pouvoir pour le pouvoir, est-ce qu'on pourrait démettre le Premier ministre ? Est-ce qu'on pourrait faire ceci ou cela ? Ce qui intéresse les Gabonais aujourd'hui, c'est de sortir de l'extrême pauvreté dans laquelle les quatorze années d'Ali Bongo les ont plongés. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui encore, nous avons célébré le 30 août, il y a quelques jours, les Gabonais étaient tous dans la rue. Ils voient les bienfaits de ce coup de libération et ils s'en réjouissent.  À lire aussiProjet de Constitution au Gabon: «Nous sommes en démocratie», clame Marc Ona Essangui
9/3/202414 minutes, 49 seconds
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Paulin Melatagia, chercheur camerounais: «L'IA est très utilisée pour les prédictions agricoles en Afrique»

Comment l’intelligence artificielle, IA, peut-elle contribuer au développement de l’Afrique ? C’est l’une des questions-clé que se posent depuis hier (dimanche), à Dakar, les quelque 700 spécialistes qui participent au « Deep Learning Indaba » 2024, le forum annuel des développeurs africains de cette technologie révolutionnaire. Dans l’agriculture, l’éducation et la santé, l’intelligence artificielle peut permettre de grandes avancées sur le continent. Mais à certaines conditions. Le chercheur camerounais Paulin Melatagia enseigne à la faculté des sciences de l’université de Yaoundé 1. RFI : en quoi l'intelligence artificielle peut-elle permettre une agriculture de précision ?Paulin Melatagia : L'intelligence artificielle, avec tout l'ensemble des outils aujourd'hui qu'elle arrive à mobiliser, est très utilisée dans l'agriculture, notamment pour tout ce qui est prédiction des invasions, par exemple la prédiction des invasions des criquets à partir d'images satellitaires. On peut également utiliser l'intelligence artificielle pour la détection des maladies des plantes. Il suffit aujourd'hui, avec certaines applications qui sont déployées sur des téléphones portables, scanner des feuilles, et à partir de ces images-là, de détecter un certain nombre de maladies sur les plantes. On peut également, grâce à l'intelligence artificielle, prédire des inondations à partir d'images satellitaires ou même d'images qui sont connectées avec des drones. Je pourrais également ajouter, comme autre exemple, l'arrosage intelligent grâce à l'internet des objets qui permet de mesurer l'humidité, la température et la luminosité dans un champ et ensuite de déclencher, voilà, le système d'arrosage.Dans le domaine de la santé maintenant, en quoi l'intelligence artificielle peut-elle aider le médecin à détecter des maladies ?Oui, l'intelligence artificielle peut être utilisée, notamment à partir de tout ce qui est imagerie médicale, pour identifier ou prédire des pathologies. À ce moment, il s'agit d'une aide au médecin ou une aide à la décision du médecin qui, à partir des IRM et des images de radiographie ou d'échographie, va les passer à une intelligence artificielle et obtiendra des résultats qu'il pourra ou non confirmer grâce à son expertise. Dans le même temps, on peut avoir des intelligences artificielles qui sont utilisées par des patients, qui vont pouvoir faire des pré diagnostics sur la base d'une collecte d'informations personnelles, par exemple la température, une image de la peau, une image des yeux, du nez, et cetera, et donc obtenir un diagnostic, un pré diagnostic pardon qui va être confirmé plus tard par un médecin expérimenté.Dans le domaine de l'éducation, pour les apprenants et les élèves qui ne parlent ni français ni anglais, qui ne parlent que leur langue locale, qu'est-ce que l'intelligence artificielle apporte de nouveau ?Ce que l'intelligence artificielle apporte de nouveau, c'est que, aujourd'hui, nous avons beaucoup de langues qui sont dites peu dotées, notamment en Afrique, peu dotées parce qu'il n'y a pas suffisamment de matière. On n'a pas suffisamment de données numériques pour pouvoir générer des intelligences artificielles du même niveau que les IA que l'on a en français et en anglais. Et donc les intelligences artificielles qui sont développées sur les langues africaines, notamment, permettent ce qu'on appelle la reconnaissance de la parole. On a donc des apprenants qui peuvent s'exprimer dans leur langue maternelle et les IA sont capables de faire de la traduction automatique ou même de comprendre ce qu'a dit l'apprenant. Un exemple, un élève dans une salle de classe peut poser une question dans sa langue maternelle sur un sujet, l’IA va traduire, ou alors va comprendre ce qui a été dit, et aller chercher une réponse, ramener la réponse à l’apprenant, qui va donc améliorer sa compréhension sur le sujet.Alors pour développer l'intelligence artificielle en Afrique, il faut des centres de données, est-ce qu'il y a beaucoup de pays africains équipés de tels centres ?Non, les centres de données pour le moment, on en retrouve très peu en Afrique malheureusement, avec des moteurs de calcul qui sont basés en Afrique. Pour le moment, la grande majorité des intelligences artificielles qui sont conçues par les Africains ou même qui sont conçues sur les données africaines le sont dans des centres de données qui sont hébergés en dehors de l'Afrique.Et quels sont les pays où commence à se développer des centres de données sur le continent ?On a par exemple le Sénégal qui a des centres de données, mais qui en plus a acquis un supercalculateur il y a quelques années. En Afrique du Sud, au Kenya, au Maroc, on retrouve également de grands centres de données qui ont déjà été mis en place. Dans les pays comme le Cameroun, on a quelques centres de données qui appartiennent à des entreprises privées, aussi on a un centre de données qui appartient à une société d'État. Mais ces centres de données-là ne sont pas encore exploités pour produire de l'intelligence artificielle.Alors l'intelligence artificielle, ça ne marche évidemment que si on est équipé d'un téléphone mobile et que si on a accès à Internet, est ce qu'il n'y a pas blocage de ce côté-là ?Oui, effectivement, il y a des blocages. Si on s'en tient au dernier rapport de l'association interprofessionnelle GSMA sur l'Afrique, le taux de pénétration de la téléphonie mobile est de l'ordre de quatre-vingt-dix-sept pour 100, soit quasiment un téléphone par personne. Cependant, on a que 70% des téléphones qui sont des smartphones et on sait bien que, pour accéder à des solutions d'intelligence artificielle, le smartphone est l'outil le plus adapté. En tout cas, sur le continent africain, on a également la problématique de la connexion internet. Le même rapport indique que l'on est aujourd'hui à 30% de la population africaine qui utilise Internet. Ces chiffres-là sont très faibles, mais ils ont doublé en 10 ans, ce qui permet de penser que, dans les années à venir, ce nombre-là va encore augmenter considérablement.À lire aussiIntelligence artificielle en Afrique: l’IA change la donne chez les communicants [2/3]
9/2/20246 minutes, 13 seconds
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Guillaume Junior Atangana: «Je veux montrer l’exemple aux non-voyants qui veulent faire du sport»

Guillaume Junior Atangana, porte-drapeau de l'équipe paralympique des réfugiés, est notre Grand invité Afrique du jour. Para-athlète âgé de 25 ans, spécialiste du 100 et du 400 m chez les déficients visuels, il entre en lice ce samedi au Stade de France. Originaire du Cameroun et installé en Grande-Bretagne depuis 2022, il avait fini au pied du podium sur le 400 m aux Jeux de Tokyo. Cette fois, il ne veut pas rater la marche. Avant d'entrer sur la piste, il nous raconte son parcours, ses choix et ses ambitions. ►Guillaume Atangana entrera en piste pour le 400 m aux alentours de 10 h 30 TUÀ lire aussiJeux paralympiques: Guillaume Junior Atangana, l'espoir d'une médaille pour les réfugiés► Le programme et le calendrier des Jeux paralympiques est à consulter ici► Tous nos articles sur les Jeux paralympiques sont à retrouver ici
8/31/20244 minutes, 4 seconds
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Alain-Claude Billie-by Nzé: «Le général Oligui Nguema a pris le pouvoir sans projet pour le Gabon»

C'était le 30 août 2023 au Gabon, il y a tout juste un an… Par un coup d'État militaire, le chef de la garde présidentielle, le général Oligui Nguema, mettait fin à la dynastie Bongo, qui était au pouvoir depuis 56 ans. Ce putsch a-t-il été longuement préparé dans le secret ? Sans doute pas. Un an après, on en sait un peu plus sur les coulisses de l'événement et sur une dispute qui aurait pu tout déclencher la veille au soir. À l'époque, Alain Claude Billie By Nzé était le Premier ministre du président Ali Bongo. Aujourd'hui, il est dans l'opposition. En ligne de Libreville, il témoigne au micro de Christophe Boisbouvier.  À lire aussiUn an de transition au Gabon: une économie en quête de confiance et de croissance
8/30/202415 minutes, 19 seconds
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Dr Jean Kaseya (Africa CDC): «Les 1ères doses de vaccins anti-Mpox arrivent la semaine prochaine»

Quinze jours après que l’OMS a déclenché son plus haut degré d’alerte face à la résurgence des cas de Mpox en Afrique, l’épidémie continue de progresser sur le continent. La RDC reste de loin le pays le plus touché, mais l’épidémie s’étend. Treize autres pays présentent désormais des cas suspects. Plusieurs États ont promis d’envoyer prochainement des doses de vaccins. Quand ces doses seront-elles livrées ? En quelles quantités ? À quand la fabrication de vaccins sur le continent ? Pierre Firtion fait le point sur l’épidémie de Mpox en Afrique avec Jean Kaseya, le directeur général d’Africa CDC, le Centre de contrôle et de prévention des maladies de l’Union africaine. Il est ce matin notre invité. À lire aussiMpox: pourquoi l'accès aux vaccins est problématique en Afrique?À lire aussiMpox: l'Institut Pasteur de Dakar mobilise ses chercheurs pour éviter la propagation de la maladie
8/29/20244 minutes, 38 seconds
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Jeux paralympiques: «L'Afrique va défendre ses chances, mais cela va être difficile»

C'est ce soir (20h heure française) que s'ouvrent les Jeux paralympiques de Paris 2024 (à suivre en édition spéciale sur RFI). 44 pays africains vont participer à ces Jeux. Le sport paralympique en Afrique est balbutiant, il y aura moins d'athlètes pour cette édition par rapport à celle de Tokyo en 2021. Mais le continent affiche de plus en plus d'ambition pour relever le niveau de ses para-athlètes, même si les défis restent nombreux, selon Étienne Songa Bidjocka, secrétaire général du Comité national paralympique camerounais et membre du Comité paralympique africain. Il répond aux questions de Sidy Yansané. ► Tous nos articles sur les Jeux paralympiques sont à retrouver ici.► Le programme et le calendrier des Jeux paralympiques est à consulter ici.
8/28/20247 minutes, 5 seconds
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Émigration clandestine: «Ces jeunes qui partent veulent être au cœur de la mondialisation, pas des victimes»

Au Sénégal, l’armée donnait le week-end dernier un premier bilan de l’opération « Djoko » lancée le 15 août, pour lutter contre l’émigration clandestine. Depuis dix jours, des forces de l’ordre patrouillent sur le littoral, pour empêcher les départs de migrants clandestins depuis les côtes sénégalaises. En tout, 453 personnes, dont plus de la moitié de nationalité sénégalaise, ont été interpellées. Et parmi elles, des membres de réseaux de passeurs. Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez commence aujourd'hui une tournée africaine, avec le Sénégal pour étape, pour évoquer l’immigration irrégulière. Y a-t-il eu un changement de politique depuis l'arrivée au pouvoir au Sénégal du duo Faye-Sonko ? Le sociologue Aly Tandian enseigne à l'université Gaston-Berger de Saint-Louis, et préside l'Observatoire sénégalais des migrations. Il est l’invité de Sidy Yansané.
8/27/20247 minutes, 15 seconds
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Algérie: «Le président Tebboune est assuré d'avoir un 2e mandat, sans même présenter un programme»

En Algérie, la présidentielle se tient dans moins de deux semaines, le 7 septembre 2024. Le chef de l'État sortant, Abdelmadjid Tebboune, qui brigue un second mandat, affrontera deux autres candidats, Abdelaali Hassani Cherif du parti islamiste MSP, et Youcef Aouchiche du parti historique FFS. Le scrutin semble tourner en faveur du président Tebboune, vu comme le grand favori de cette élection. Une analyse que partage le politologue Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen de Genève. Il répond aux questions de Sidy Yansané.
8/26/20244 minutes, 57 seconds
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Histoire de l'Afrique: «Pour François Mitterrand, indépendance était le mot ultime à ne jamais prononcer»

Nous vous proposons de replonger dans l'histoire de l'Afrique et de la France, avec cette question : l'ancien président français François Mitterrand a-t-il milité dans les années 50 pour l'indépendance des colonies françaises en Afrique ? Dans un livre qu'il vient de publier, l'éditeur et chercheur indépendant Thomas Deltombe conteste la version dominante, soutenue par M. Mitterrand lui-même, et reprise ensuite par ses biographes. L'ouvrage, intitulé L'Afrique d'abord !, soutient au contraire que François Mitterrand a misé sur la sauvegarde de l'empire français, et qu'à ce titre, il a été l'un des précurseurs du néocolonialisme français. Thomas Deltombe est notre invité ce matin, il répond aux questions de Laurent Correau.
8/24/20246 minutes, 4 seconds
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Pour la Russie, «il y a un intérêt économique d'avoir Wagner» en Afrique, explique Dimitri Zufferey

Alors que vendredi 23 août marque un an que le cofondateur du groupe de mercenaires russes Wagner Evgueni Prigojine est mort, les activités militaires russes se poursuivent en Afrique. Depuis son décès dans le crash de son avion en Russie, les activités de Wagner en Afrique ont été reprises par l'État russe sous le nom d'Africa Corps. Qu'en est-il de l'évolution du groupe paramilitaire sur le continent depuis un an ? Dimitri Zufferey, membre du collectif All Eyes On Wagner, répond à Sidy Yansané.  RFI : Dimitri Zufferey, Depuis la mort d'Evgueni Prigojine et la reprise en main des activités paramilitaires de Wagner par l'État russe, une nouvelle structure appelée Africa Corps a fait son apparition dans le Sahel. Qu'est-ce qui la distingue de Wagner ?Dimitri Zufferey : On pourrait utiliser la métaphore du réfrigérateur et du frigo. « Frigo » a été la marque qui est devenue le terme employé par tout le monde pour désigner un réfrigérateur. Aujourd'hui, Wagner est en quelque sorte un frigo puisque les paramilitaires russes sont tous désignés, peu importe où ils travaillent, sous l'appellation de Wagner, par la presse et même par les spécialistes. Dans le cas de African Initiative, c’est le secteur de la communication qui poursuit ses activités, notamment avec les fermes à trolls. Aujourd'hui, il est très difficile de déterminer à qui il appartient et qui le gère effectivement. On peut parler encore de la Fondation pour les valeurs nationales. Et tout ce secteur de propagande et d'influence qui reste très actif est très probablement piloté par les services de renseignement russes.Et de quelle manière l'appareil sécuritaire du Kremlin pilote l’entité Africa Corps ?La chaîne de commandement n'est pas si simple à comprendre. On a pu analyser et comprendre un peu ce qui se passe, notamment en prenant les photos de réunion officielle entre des Russes et des dirigeants africains du Mali, du Niger, du Burkina Faso par exemple. En regardant précisément quels sont les Russes qui sont présents, on arrive à déterminer quels sont les corps d'armée, quelles sont les unités, les services qui sont présents sur place et qui vont jouer un rôle. En l'occurrence, vous avez le général Averianov qui est un spécialiste des opérations spéciales et psychologiques, et les deux services principaux qui jouent un peu des coudes dans la région sont le SVR, le service de renseignement extérieur, et la GRU, le service des renseignements militaires.Wagner qui est également très présent en Libye depuis l'époque Prigogine, aux côtés du maréchal Khalifa Haftar, et il semblerait que le territoire libyen serve de base arrière à Wagner en Afrique.Effectivement, pour tout ce qui est de la Libye, il y a les bases aériennes du sud du pays comme Al Qaïm par exemple, qui sont toujours sous contrôle des forces du général Haftar. All Eyes On Wagner avait pu documenter en avril dernier l'arrivée notamment d'à peu près 1 800 paramilitaires russes dans cette région, avant d'être en partie dispatchés vers le Niger et le Mali. Comme Wagner est plus ou moins très proche de l'Africa Corps, on utilise aujourd'hui assez indistinctement les deux noms pour désigner des paramilitaires russes.Est ce qu'il y a un objectif militaire clair de l'État russe dans le Sahel ?Wagner et ses franchises dans la région du Sahel, et même partout où Wagner est déployé en Afrique, ma co-autrice Lou Osborne et moi avions évoqué dans notre livre Wagner, enquête au cœur du système Prigojine (Ed. du Faubourg) cette notion de « préservation de régime ». À savoir, tout faire pour apporter une certaine stabilité politique. Pour ce qui est de la lutte contre le djihadisme et les groupes armés et terroristes, il est difficile d'analyser puisqu'il y a très peu d'informations qui remontent depuis les chaînes des commandements et les communications entre l'état-major des forces armées maliennes, par exemple, et les « wagnériens ». On ne sait pas qu’elle est la stratégie exactement poursuivie, mais une volonté de préservation de régime, ça c'est sûr.Au début du mois, les renseignements militaires ukrainiens annonçaient que la défaite de Wagner dans la localité malienne de Tinzaouatène était le fruit d'une coopération avec les rebelles touareg du CSP. Y a-t-il un échange d'informations entre les rebelles et l'État ukrainien, voire même des forces ukrainiennes directement présentes au Mali ?Pour reprendre une métaphore, Vladimir Poutine avait dit à la suite d'un attentat en 1999 qu’il irait « buter les terroristes jusque dans les chiottes ». Les Ukrainiens semblent avoir repris ce même adage en allant traquer les wagnériens aux quatre coins de la planète. Et aujourd'hui, effectivement, la présence des Forces spéciales ukrainiennes au Soudan a pu être démontrée par le groupe de recherche Bellingcat. Mais pour ce qui est de la présence de Forces spéciales ukrainiennes dans le nord du Mali, cela semble peu clair et peu documenté. Ça semble très peu probable qu'il y ait vraiment eu des soldats de l’Ukraine présents sur le terrain malien. Ça ressemble plus à de la communication stratégique ou une opération d'influence, ou peut-être une tentative malheureuse de Kiev de vouloir s'attribuer quelque chose où elle n'aurait pas fait grand-chose.À lire aussiAfrica Corps, le groupe paramilitaire russe dans les pas de Wagner en Afrique?À lire aussiQuel avenir pour le groupe Wagner en Afrique après la mort d'Evgueni Prigojine?
8/23/20248 minutes, 54 seconds
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Sénégal: le lancement du satellite Gaindesat-1A est «un gain de temps, d'énergie et d'argent»

Vendredi 16 août dernier, le Sénégal a franchi une étape historique en envoyant dans l'espace son tout premier satellite conçu et fabriqué par des ingénieurs sénégalais. Le microsatellite GAINDESAT-1A ou le Gaïndé – « lion » en wolof – a été lancé à bord de la fusée Falcon 9 de SpaceX depuis la base de Vandenberg, en Californie. L'objet spatial sera capable de recueillir des informations pour la gestion des ressources en eau au Sénégal. Professeur Gayane Faye est le coordonnateur du projet spatial sénégalais SenSat et répond aux questions de RFI. À lire aussiLe Sénégal lance son premier satellite en orbite
8/22/20243 minutes, 57 seconds
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Présidence de l'Union africaine: «Raila Odinga a le profil dont la Commission a besoin»

La bataille pour la succession du Tchadien Moussa Faki Mahamat à la présidence de la Commission de l’Union africaine (UA) a déjà commencé en attendant le scrutin en février 2025. Parmi les quatre candidats en lice, l’ex-Premier ministre kényan Raïla Odinga est considéré comme le favori. Mais bien qu'il soit un poids lourd de la scène politique régionale et qu'il soit soutenu par le président kényan William Ruto, son accession à la tête de la Commission n'est pas acquise, selon Paul-Simon Handy, directeur Afrique de l'Est à l'Institut d'Études et de Sécurité (ISS). À lire aussiKenya: le président Ruto soutient son rival Odinga dans la course à la présidence de la Commission de l'Union africaine
8/21/20244 minutes, 45 seconds
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Projet de Constitution au Gabon: «Nous sommes en démocratie», clame Marc Ona Essangui

Au Gabon, la présentation du projet de la nouvelle Constitution aux députés et aux sénateurs est toujours attendue. Le dialogue national inclusif d’avril dernier a recommandé un régime présidentiel, avec suppression du poste de Premier ministre. Le futur chef de l'État et son gouvernement pourraient donc échapper à tout contrôle parlementaire. Cette forme d'« hyper-présidentialisation » soulève des inquiétudes au Gabon, à cause des risques que cette réforme comporte pour la démocratie. Marc Ona Essangui est le troisième vice-président du Sénat, mais aussi une figure de la société civile gabonaise. Il répond à RFI depuis Libreville. À lire aussiGabon: ce que contient le projet de nouvelle Constitution
8/20/20244 minutes, 18 seconds
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RDC: «Ce qui a participé à la souffrance des Congolais doit désormais participer à leur réparation»

En République démocratique du Congo, les autorités se lancent dans une démarche très ambitieuse : identifier toutes les victimes du « Genocost », c’est-à-dire des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis dans le pays depuis 30 ans, et offrir des réparations aux survivants. Par une loi de décembre 2022 a donc été créé le Fonarev, le Fonds national de réparation de toutes ces victimes. Kevin Ngunga Makiedi en est le directeur général. De passage à Paris, il explique à Christophe Boisbouvier comment et en combien de temps le Fonarev espère pouvoir identifier environ 10 millions de personnes.
8/19/20249 minutes, 37 seconds
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Virus mpox: «Tout le monde peut l'attraper, de façon active ou passive»

Va-t-on vers une nouvelle épidémie mondiale de mpox, dont l'origine est la variole du singe ? L'Organisation mondiale de la santé (OMS) vient de déclencher son plus haut niveau d'alerte mondiale. Et c'est sur les conseils d'Africa CDC, l'agence de santé publique de l'Union africaine, que l'OMS a pris cette décision. Le médecin congolais Jean Kaseya est le directeur général d'Africa CDC. Et aujourd'hui, il dit à toutes les personnes qui ont des symptômes : « Faites-vous dépister, s'il vous plaît. Il est totalement faux de dire que c'est une maladie d'homosexuels. Tout le monde peut l'attraper ». Le docteur Kaseya est l’invité de Christophe Boisbouvier.
8/17/202411 minutes, 37 seconds
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Aïssata Seck: «Sans les soldats issus des anciennes colonies, il n'y aurait pas eu de victoire des Alliés»

Il n'est pas impossible qu'Emmanuel Macron soit invité par son homologue sénégalais Bassirou Diomaye Faye à la cérémonie des 80 ans du massacre de Thiaroye, le 1er décembre 2024. Et il n'est pas impossible que le président français accepte l'invitation. C'est du moins ce qu'espère Aïssata Seck, qui préside en France l'Association pour la mémoire et l'histoire des tirailleurs sénégalais. Hier, elle assistait dans le Sud de la France à la cérémonie des 80 ans du débarquement de Provence. Et ce matin, elle témoigne au micro de Christophe Boisbouvier. 
8/16/20244 minutes, 34 seconds
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Jean-Marie Guillon: «Le débarquement de Provence n'est pas secondaire»

C’était il y a tout juste 80 ans. Les troupes américaines, françaises et coloniales débarquaient en Provence pour libérer la France et l’Europe du nazisme. Un second débarquement, deux mois après celui de Normandie. C’est sur les plages du Var, à partir du 15 août 1944, que débarquèrent 400 000 soldats, dont une majorité de troupes françaises, des soldats venant notamment d’Afrique. Des stèles rendant hommage à ces tirailleurs africains ont été érigées dans plusieurs cimetières du département du Var, et en particulier à La Farlède. C’est dans ce village que Pierre Firtion a rencontré l’historien Jean-Marie Guillon, spécialiste du débarquement de Provence.  À lire aussiLe débarquement de Provence, le deuxième acte de la libération de la France
8/15/20244 minutes, 39 seconds
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Présidentielle en Côte d'Ivoire: «Ouattara attend le meilleur moment pour donner sa position sur une éventuelle candidature»

En Côte d’Ivoire, la présidentielle d’octobre 2025 est déjà dans toutes les têtes. La semaine dernière, les déclarations d’Alassane Ouattara et de Tidjane Thiam ont été scrutées à la loupe. Depuis, le rapprochement entre Laurent Gbagbo et Guillaume Soro suscite aussi beaucoup de commentaires. Décryptage avec Ousmane Zina, agrégé de Sciences politiques et maître de conférences à l’université de Bouaké. À lire aussiPrésidentielle 2025 en Côte d'Ivoire: Guillaume Soro décide de saisir la main tendue par Laurent Gbagbo
8/14/20247 minutes, 29 seconds
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Cheick Cissé, médaillé aux JO 2024: «Tout ce que je fais, c'est pour inspirer la jeunesse»

En 2016, il était rentré de Rio avec la médaille d'or autour du cou... Cette fois-ci, le taekwondoïste ivoirien Cheick Cissé ramène le bronze des Jeux de Paris. Une médaille de la confirmation encore plus importante que la première pour l'athlète de 30 ans... Le natif de Bouaké, champion du monde en titre et numéro 1 mondial, a remporté la seule médaille de l'Afrique de l'Ouest francophone, ce samedi 10 août au Grand Palais. Lui qui a appris le taekwondo à Koumassi, l'une des communes d'Abidjan, rentre ce mercredi soir à Abidjan pour fêter sa médaille avec les Ivoiriens. Même si le poids lourd boîte après de multiples blessures durant la compétition parisienne, son envie de rentrer en Côte d'Ivoire était plus forte. À lire aussiCôte d'Ivoire: sur Instagram, le compte «Archives Ivoire» ressuscite les années 1990 et 2000
8/13/20244 minutes, 48 seconds
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JO 2024: «la médaille d'or de Letsile Tebogo est une victoire pour tout le continent africain»

Les JO 2024, c'est fini. Ce lundi 12 août, l'heure est au bilan. Pour l'Afrique, il y a eu quelques déconvenues au triple saut et dans certaines courses de fond. Mais il y a eu une victoire historique dans les épreuves de sprint. La championne camerounaise Françoise Mbango est d'autant plus enthousiaste qu'elle a été elle-même médaille d'or olympique. C'était au triple-saut, à deux reprises, en 2004 et en 2008. Pendant ces deux semaines olympiques, vous avez pu l'entendre tous les jours comme consultante sur RFI. RFI : Quelle est la plus grande satisfaction pour l'Afrique au terme de ces Jeux olympiques ? Françoise Mbango : Inévitablement, la performance de Letsile Tebogo à 21 ans, qui offre à l'Afrique sa première médaille dans l'épreuve reine des 200m aux Jeux olympiques. On se souvient de Frankie Fredericks qui avait toujours fait de grandes prouesses au milieu des Américains au 100m, mais qui n'avait pas eu la possibilité d'accéder à la plus haute marche. Donc aujourd'hui, la médaille d'or de Letsile Tebogo au 200m est une victoire pour tout le continent africain.Est-ce qu'on salue le Botswana uniquement, ou est-ce qu'on salue aussi l'Afrique du Sud ?Bien sûr que l’on salue l'Afrique du Sud, puisque c'est le lieu où il a travaillé pour venir glaner cette médaille aujourd’hui.La grande reine du fond cette année, c'est une Kényane ?Effectivement, c'est une Kényane, Beatrice Chebet, qui a gagné le 5000 et le 10000m. On peut donc dire qu’elle est la reine des courses de fond. Bravo aussi à la Kényane Faith Kipyeong pour sa médaille d'or au 1500m.Quelles sont les satisfactions du côté des hommes pour les courses de fond ?Pour les courses des hommes, on va inévitablement saluer la performance du Marocain Soufiane el-Bakkali au 3000m steeple et, bien sûr, l'Ougandais Joshua Cheptegei au 10000m et l'Éthiopien Tamirat Tola au marathon.On remarque qu’au classement final des médailles, l'Éthiopie ne remporte qu'une seule médaille d'or, celle du marathonien Tamirat Tola. Est-ce que ce n'est pas une déception pour cette grande nation de la course de fond ?Quelque part, c’en est une, parce qu'ils nous ont habitué à gagner plus de médailles que ça. Mais aujourd’hui, les autres nations ont compris qu’il y a quelque chose qui se passe du côté du Kenya, où beaucoup aujourd'hui y vont pour s'entraîner. Mais les Éthiopiens devraient reprendre la main pour gagner encore plus de médailles, comme ils l'ont fait par le passé.En dehors de la course à pied, il y a bien sûr le triple saut et là, on attendait une médaille pour le Burkinabè Hugues Fabrice Zango. Vous êtes déçue ?Un tout petit peu. Dès le premier essai, moi, je l'ai vu tout de suite crispé sur ses appuis, sur ses hanches. Il n'a pas vraiment été relâché et n’a pas pu faire ce qu'il savait faire le mieux, se concentrer sur ses sauts.Et quand vous le verrez, qu'est-ce que vous lui direz ?Je lui dirai que ce qui lui a manqué à un moment donné dans la compétition, c’est de rester concentré sur ce qu’on sait faire de mieux et non vouloir faire des performances comme les autres. Ça l'a psychologiquement perturbé. Voilà pourquoi il a deux essais qui sont mordus. Il n'avait plus de repères.Au classement des médailles, le premier pays africain, c'est le Kenya qui arrive 17e avec quatre médailles d'or. Et le second, c'est l'Algérie qui arrive 39e avec deux médailles d'or. La gymnaste Kaylia Nemour est l'une de vos coups de cœur, quels sont les autres ?Le premier coup de cœur de ces Jeux olympiques, c'est le Cubain Mijaín Lopez, qui, pour sa cinquième participation aux Jeux olympiques, gagne sa cinquième médaille d'or à 41 ans dans l’épreuve de lutte. C'est vraiment extraordinaire. Autre coup de cœur, la performance de l'équipe de basket-ball du Soudan du Sud qui a marqué tous les esprits, ici aux Jeux olympiques. Comme quoi, on peut gagner sans avoir une médaille. Et je suis sûre que, dans les années à venir, c'est une équipe qui gagnera certainement une médaille aux Jeux olympiques. Et votre dernier coup de cœur, Françoise Mbango ?Le dernier, pour ne pas dire l'avant-dernier, c'est l'honneur qu'on a fait à toutes les figures emblématiques du sport français. On l'a vu à l'ouverture avec Marie-José Perec et Teddy Riner. Bien entendu, Léon Marchand, quatre médailles d'or pour un nageur à 22 ans en une olympiade, ça, c'est magnifique. Et Cyréna Samba-Mayela, qui a couru le 100m et a eu la seule médaille [française] en athlétisme aux Jeux olympiques. C'est sa façon de courir, sa détermination qui m'ont plu et ça m'a fait penser à Patricia Girard au JO de 1996. Ça a été vraiment un coup de cœur pour tout le Stade de France.Dans le 100m haies face à l'Américaine, favorite, elle n'a concédé qu'un 100e de seconde.Exactement. C'est une très belle médaille. Samba-Mayela, c'est une médaille d'argent qui vaut de l’or.Françoise Mbango, merci de nous avoir accompagnés pendant ces 15 jours de Jeux olympiques, est-ce que vous allez en garder un bon souvenir ?Un très très bon souvenir ! Déjà l'opportunité que m'a donnée RFI de pouvoir vivre ces Jeux, ces grands Jeux, et de pouvoir donc partager mon regard avec les auditeurs de RFI. Merci infiniment.À lire aussiCes athlètes qui ont marqué les JO 2024 à Paris
8/12/20247 minutes, 15 seconds
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Sékouba Bambino: «Aujourd'hui, l'Afrique a beaucoup avancé dans le sport»

Sékouba Bambino est une grande voix, un grand chanteur de Guinée, membre du mythique orchestre Bembeya Jazz. Il doit se produire ce samedi 10 août sur la scène de la Station Afrique, basée sur l'île-Saint-Denis, au nord de Paris. L’occasion de parler culture, sport et valeurs partagées.
8/10/20244 minutes, 16 seconds
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Mali: «l’Ukraine est aujourd’hui déterminée à être présente là où les Russes sont présents»

Quel rôle a joué l'Ukraine dans la victoire des rebelles touaregs contre l'armée malienne et les supplétifs russes de Wagner ? C'était il y a deux semaines, lors d'une bataille meurtrière de trois jours, du 25 au 27 juillet, à Tinzaouatène, à l'extrême-nord du Mali. Le 29 juillet, 48 heures après la bataille, un responsable du renseignement militaire ukrainien a déclaré que son pays avait donné des « informations utiles » aux rebelles. Sans plus de précisions. Le journaliste Lemine Ould Mohamed Salem a publié deux ouvrages, Le Ben Laden du Sahara : Sur les traces du jihadiste Mokhtar Belmokhtar, La Martinière 2014, et L’histoire secrète du jihadisme : les confessions du bras droit de Ben Laden, Flammarion 2018, et réalisé le film Salafistes, 2016, sur le conflit au Sahel. En ligne de Dakar, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Lors de la bataille de Tinzaouatène, les Ukrainiens affirment avoir fourni « des informations utiles » aux rebelles touaregs du CSP. De quelles informations s'agit-il ?Lemine Ould Mohamed Salem : Alors, il s'agit très probablement de renseignements, mais il peut aussi s'agir d'une aide militaire en termes de matériel et de formation. Puisque, selon des sources habituellement crédibles dans la région, aussi bien au sein de la rébellion touarègue qu'ailleurs, il semblerait que certains éléments du CSP aient bénéficié d'une formation en Ukraine même. Alors, est-ce qu'il s'agit d'une formation sur l’usage du renseignement ? Est-ce qu'il s'agit de formation sur l'usage d'un éventuel armement qui aurait été fourni ? Ou est-ce qu'il s'agit de l'usage aussi de drones ou de la fabrication de drones artisanaux, etc...Ou bien de la fabrication ?De drones, puisqu'à voir les images après la bataille et même les images de la bataille filmées par les combattants touaregs, il est manifeste qu'il y a eu l'usage de drones de la part des rebelles du Cadre stratégique permanent.De la part du CSP…Absolument.Alors justement, c'est la question : est-ce que les Ukrainiens peuvent avoir fourni un soutien matériel en drones aux rebelles touaregs du CSP ? On se demande quel est le pays qui peut fournir des drones au CSP, si ce n'est pas l'Ukraine ou un des pays alliés à l'Ukraine… Depuis le déclenchement de la rébellion touarègue en 2012 dans le nord du Mali, jamais les rebelles touaregs n'ont fait usage de drones.Interrogé par RFI cette semaine, le porte-parole du CSP, Mohamed el-Maouloud Ould Ramadane, reconnaît que son mouvement est en contact avec les Ukrainiens, mais dément toute aide matérielle de l'Ukraine.Alors, que Ramadane le dise ou pas, bien avant que Ramadane l'affirme, plusieurs cadres de la rébellion touarègue avaient commencé à chercher à établir des relations avec l'Ukraine, et cela date du lendemain de leur défaite à Kidal l'année dernière. Alors, que ces contacts se limitent juste peut-être à de l'information, c'est possible, mais il ne faut pas exclure l'aide militaire en termes de matériel et de formation. D'autant plus que l'on sait très bien que les Ukrainiens ont souvent été présents dans des terrains en Afrique où leurs adversaires russes sont présents. C'est le cas notamment du Soudan.Alors, si les rebelles touaregs ont utilisé des drones ukrainiens, savez-vous où et comment ils ont appris à s'en servir ? Ce qui est sûr, c'est que certains éléments touaregs se sont rendus en Ukraine. Ils y ont suivi une formation. On n'a pas beaucoup d'éléments sur les détails de cette formation, mais il est fort probable qu'il s'agisse de formation sur l'usage d'un certain nombre d'armes qui auraient été fournies, dont notamment les drones. Une rumeur a circulé dans la sous-région, comme quoi la formation aurait pu se passer dans un certain nombre de pays proches de l'Otan et donc, par ricochet, de l'Ukraine. Mais des sources proches du CSP affirment que la formation des cadres du CSP à l'usage d'un certain nombre de matériels militaires ukrainiens a été faite plutôt en Ukraine.Le journal Le Monde évoque la présence d'instructeurs ukrainiens dans la région de Tombouctou. D'autres sources évoquent la présence d'instructeurs ukrainiens dans la région de Taoudeni, à l'extrême nord-ouest du Mali. Vous n'avez pas les mêmes informations ? Pas du tout. Parce qu'il est extrêmement difficile aujourd'hui, dans le contexte malien actuel, qu’il y ait la présence d'éléments étrangers dans la région de Tombouctou ou dans la région de Taoudeni, puisque cette région est aujourd'hui sous contrôle de l'armée malienne et de ses alliés russes. Presque quasiment tous les villages, toutes les localités ont été mis sous contrôle. Mais par contre, la présence d'instructeurs dans un pays proche n'est pas à exclure. S’il s'agit notamment peut-être de diriger les opérations à distance, est-ce qu'il n'y a pas une salle d'opération installée dans une capitale d'un pays proche du Mali ? Ça peut aller du nord de l'Atlantique au golfe de Guinée.Tinzaouatène, c'est au cœur du Sahara, à la frontière Mali-Algérie. Savez-vous comment des drones ukrainiens auraient pu être acheminés jusque-là ? Alors, l’hypothèse, qui circule beaucoup dans la sous-région, soutient que ces drones auraient pris la voie atlantique et puis après la voie terrestre pour arriver dans le nord du Mali. Une autre thèse soutient que tout cela serait passé plutôt par la Libye. Mais il y a aussi une probabilité à prendre très au sérieux. C'est plutôt le largage de ce matériel par voie aérienne, surtout qu'on sait que cela a déjà été le cas. Dans le cas du nord du Mali, au début du conflit, vers les années 2012-2013, les anciens rebelles du MNLA avaient bénéficié à un moment donné du largage de matériel de guerre dans le nord du Mali par une puissance étrangère. Il s'agissait à l'époque bien évidemment de la France.
8/9/20248 minutes, 30 seconds
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Tchad: «Aucune des personnes transférées à Koro Toro n’est morte durant le trajet»

Au Tchad, les autorités démentent catégoriquement le rapport de Human Rights Watch, qui affirme qu'au moins 11 Tchadiens sont morts de soif lors de leur transfert de Ndjamena à la prison de Koro Toro, juste après les manifestations du 20 octobre 2022. Avant-hier, vous avez pu entendre Lewis Mudge, de l'ONG Human Rights Watch. Voici ce matin la réponse du Tchad, par la voix d'Abderaman Koulamallah, qui est ministre d'État, ministre des Affaires étrangères et porte-parole du gouvernement. Au micro de Christophe Boisbouvier, il annonce une contre-enquête et n'exclut pas de poursuivre l'ONG en justice. RFI : Selon un rapport de Human Rights Watch publié ce mardi 6 août, plusieurs Tchadiens sont morts après les manifestations du 20 octobre 2022 pendant leur transfert à Koro Toro ou juste après leur arrivée dans cette prison. L'ONG a publié l'identité de 11 de ces prisonniers qui seraient morts de soif et d'épuisement. Quelle est votre réaction ? Abderaman Koulamallah : Tout d'abord, je suis un peu étonné de ces allégations qui sont pour nous complètement mensongères. Les personnes qui ont été arrêtées ont bénéficié de tous leurs droits. Elles ont été transférées dans des conditions humaines acceptables et aucune des personnes transférées n'est morte durant le trajet. C'est complètement faux, cette affirmation de Human Rights Watch. D'autre part, je tiens à vous dire, parce que moi, j'ai écouté les propos complètement désaxés de Human Rights Watch quand ils disent que les gens ont bu leur urine, on les a privés d'eau, c'est complètement abracadabrant. D'abord, quand on traverse des zones désertiques comme ça, il est impossible, si on n'a pas de l'eau, d'avoir de l'urine, ça, ça commence par un mensonge. Deuxièmement, nous, pendant les événements les plus douloureux, quand les groupes armés ont attaqué notre territoire, les prisonniers, on leur a donné de l'eau, on les a nourris et des images vidéo circulent. Notre armée ne fait pas ce genre de pratiques. Notre armée ne pourra jamais faire cela, ni nos convictions religieuses, ni nos convictions politiques. Donc ça, ce sont des affirmations gratuites. Le responsable de Human Rights Watch a été reçu par le ministre de la Justice qui l'a vertement sermonné parce qu'il n'a aucune preuve. Il dit que c'est un infirmier qui lui a donné cette information. Quel infirmier ? Dans quel contexte il a fait cette interview ? C'est complètement faux.Alors sur les hommes qui seraient morts de soif, le rapport de Human Rights Watch se fonde sur une enquête auprès de quelque 72 anciens prisonniers qui ont été détenus à la prison de Koro Toro et qui ont été libérés à la fin de l'année dernière. Est-ce que ces témoins peuvent avoir tous menti ?Quand on mène une enquête aussi importante, on prend la précaution que ces enquêtes soient faites dans des conditions transparentes. Dire qu'on a vu 72 anciens prisonniers, qu'est-ce qui prouve que ces gens étaient des prisonniers et dans quel contexte on les a interrogés ? Non, monsieur Boisbouvier, les propos tenus sont complètement diffamatoires et inadmissibles pour notre gouvernement. Nous n'avons jamais commis ces actes et les transferts des personnes, aucun prisonnier n’est mort sur la route. Le ministre de la Justice l'a clairement répété aux responsables de cette organisation qui s'acharne sur le Tchad et l'Afrique. Nous ne pouvons pas tolérer cela. Nous allons d'ailleurs nous-mêmes mener notre enquête et amener des témoins qui vont ne pas corroborer ces allégations complètement mensongères.Quant aux mineurs, on parle d'une jeune fille mineure. D'abord, il y a une seule femme qui a été arrêtée à Koro Toro, et qui a été rapatriée à la prison de Klessoum parce que nous ne pouvions pas assurer sa sécurité, étant la seule femme dans cette prison de Koro Toro, elle a été ramenée. Preuve, s'il en faut encore, que nous tenons à l'intégrité physique de nos prisonniers.Mais ces 11 Tchadiens, dont Human Rights Watch publie l'état civil et la photo, ils sont bien morts…Ces 11 personnes sont-elles mortes durant leur transfert ou pendant les manifestations ? Il y a eu des morts durant le 20 octobre, on ne le nie pas, mais on réfute la thèse selon laquelle elles ont été transportées et le rapport de Human Rights Watch, c'est quelque chose qui a été fait par des personnes qui ont un parti pris. Ils sont une organisation humanitaire et ils ont un parti pris. Ils ont été reçus par le ministre de la Sécurité, le ministre de la Justice et ils n'ont pas pu répondre des preuves qu’ils ont avancées. Ce sont des élucubrations d'une organisation qui a vraiment perdu toute crédibilité à nos yeux.Si ces 11 personnes sont mortes à Ndjamena, pourquoi les familles n'ont-elles pas pu récupérer leurs dépouilles mortelles ?Qui vous a dit que les familles n'ont pas pu récupérer leurs dépouilles ? Est-ce que vous avez des preuves de ça ? Que les familles de ces personnes s'expriment en disant qu'elles n'ont pas recueilli le corps de leurs parents.Et sur les conditions du transfert de ces prisonniers à Koro Toro, est-ce qu'une enquête est envisageable ? Tout est envisageable. Quand on parle de la vie humaine, aucune enquête ne peut être omise. Ces personnes ont produit un rapport. Nous allons non seulement répondre à cette enquête, mais nous nous réservons le droit de les poursuivre pour distillation de fausses informations et de calomnies contre le gouvernement.À lire aussiTchad: «lorsque les prisonniers de Koro Toro ont réclamé de l'eau, les gardiens ont ri»
8/8/20248 minutes, 1 second
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Algérie: «La priorité du régime aujourd'hui, c'est d'empêcher que le Hirak ne renaisse»

En Algérie, c'est dans un mois, jour pour jour, que la présidentielle aura lieu. Le chef de l'État sortant, Abdelmadjid Tebboune, affrontera deux autres candidats, Hassani Cherif du parti islamiste MSP, et Youcef Aouchiche du parti historique FFS. Est-ce qu'une alternance est possible, au moment où trois candidats recalés et 68 autres personnes viennent d'être arrêtés pour des accusations de trafic de parrainages de candidatures ? Akram Belkaïd est rédacteur en chef au Monde diplomatique et ancien chroniqueur au Quotidien d'Oran. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Lors de sa première candidature en décembre 2019, Abdelmadjid Tebboune avait le soutien du chef d'état-major de l'époque, Ahmed Gaïd Salah, mais celui-ci est décédé. Est-ce que le président Tebboune a aujourd'hui le même soutien de la part du nouveau chef d'état-major Saïd Chengriha ?Akram Belkaïd : Au vu des événements de ces dernières années, on peut dire qu'effectivement, il y a une espèce de tandem qui s'est mis en place avec un président qui n'a pas souffert de contestations en interne et un chef d'état-major qui est tout aussi présent que son prédécesseur. Donc il suffit de regarder les informations en Algérie pour voir que l'activité du président de la République est bien couverte, mais que celle du chef d'état-major l'est tout autant. Donc, on a une espèce de tandem qui fonctionne plutôt bien et on n'a pas de signes de tension entre les deux partis.Quand Abdelmadjid Tebboune a été élu en 2019, l'Algérie était en plein bouillonnement politique, c'était le Hirak avec des milliers de personnes dans les rues tous les vendredis. Or, aujourd'hui, les Algériens semblent être retombés dans une profonde apathie. Comment expliquez-vous ce phénomène ?Oui, c'est la répression qui s'est mise en place. Beaucoup de gens sont en prison et le régime aujourd'hui, sa grande urgence, sa priorité, c'est d'empêcher que le Hirak ne renaisse. Et donc toute initiative, susceptible de créer de l'agitation ou de la contestation, est dûment combattue. Et c'est ce qui explique aussi cette apathie visible en Algérie.On vient d'apprendre que 71 personnes soupçonnées d'avoir trempé dans un trafic de parrainage de candidats ont été arrêtées sur décision du Parquet d'Alger. Parmi ces personnes, il y aurait trois candidats recalés pour la prochaine élection, notamment la femme d'affaires Saïda Neghza. Qu'en pensez-vous ?Là, on atteint un point totalement incroyable, je dirais. C'est-à-dire que même un processus de recherche de parrainages peut être entaché ou serait entaché par rapport à trois candidats qui, en plus, ne représentent presque qu'eux-mêmes. Donc c'est le genre d'épisodes qui, à mon avis, vont renforcer l'idée, dans l'esprit de nombreux Algériens, qu'il n'y a rien à gagner à aller s'aventurer dans le monde de la politique et de la contestation.D'où le risque d'une forte abstention le 7 septembre prochain ?Effectivement, l'abstention, c'est le point important. Ces derniers scrutins ont tout de même été marqués par une très, très, très forte abstention. Beaucoup d'Algériens sont très réticents à s'engager une nouvelle fois dans une contestation. Donc, la meilleure manière dans ce genre de situation, c'est de voter avec les pieds, de s'abstenir, de démontrer que ce n'est pas une raison pour aller offrir un plébiscite au candidat du pouvoir. Et donc le taux d'abstention sera un élément intéressant à analyser le soir du 7 septembre.Les deux seuls candidats autorisés à se présenter cette année face au président sortant, c'est Hassani Cherif du parti islamiste MSP, et Youcef Aouchiche du parti FFS, très implanté en Kabylie. Quelles sont leurs chances respectives ?À moins d'un séisme majeur dans la vie politique algérienne et dans les tréfonds du système, personne ne pense que ces deux personnes vont être élues. Soyons clairs là-dessus.Donc, vous avez deux personnalités qui représentent néanmoins des courants politiques importants dans la société. Hassani Cherif, c'est le Mouvement de la société pour la paix, c'est une certaine vision de l'islamisme, une certaine vision du nationalisme algérien aussi. Le Front des forces socialistes de Monsieur Aouchiche, ce n’est pas que la Kabylie, c'est aussi tout ce que l'Algérie peut compter comme esprit moderniste, laïc, plutôt engagé à gauche.Donc ce ne sont pas non plus des courants politiques marginaux. Et c'est d'ailleurs intéressant de voir que le régime a toléré ou a laissé faire et a accepté que ces deux courants puissent figurer.Donc ce ne sont pas simplement des cautions du régime ?On pourrait l'interpréter comme ça, mais je pense que ce serait être, je dirais, insultant à l'égard de ces deux hommes politiques, parce qu'ils représentent des mouvements politiques réels, et je pense qu’eux-mêmes ne sont absolument pas dupes du résultat à venir. Mais ce sont deux partis, le MSP et le FFS, qui ont estimé qu'il valait mieux être présents dans ce scrutin plutôt que de le boycotter. Parce que la vie politique algérienne est tellement compliquée quand vous êtes dans l'opposition, quand vous n'êtes pas dans le sérail, que le fait de pouvoir participer à une campagne électorale pour la présidentielle est une opportunité à ne pas gâcher.À lire aussiPrésidentielle en Algérie: «il n'y a pas d'alternative crédible» à Abdelmadjid Tebboune
8/7/20249 minutes, 34 seconds
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Tchad: «lorsque les prisonniers de Koro Toro ont réclamé de l'eau, les gardiens ont ri»

Selon Human Rights Watch, les centaines d'opposants tchadiens transférés de Ndjamena au bagne de Koro Toro, après les manifestations du 20 octobre 2022, ont vécu « pire que l'enfer », certains subissant trois jours dans le désert sans boire. Dans un rapport publié mardi 6 août matin, l'ONG de défense des droits de l'homme dévoile l'identité de 11 Tchadiens, qui sont morts pendant le trajet ou juste après leur arrivée au bagne, qui est situé à 600 kilomètres de la capitale tchadienne. Lewis Mudge est le directeur de Human Rights Watch pour l'Afrique centrale. En ligne de Ndjamena, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Vous avez pu identifier au moins quatre Tchadiens qui sont morts en octobre 2022 sur les 600 kilomètres de routes désertiques entre Ndjamena et le bagne de Koro Toro, de quoi sont-ils morts ?Lewis Mudge : selon les témoignages, ils ont passé trois jours en camion, serrés comme des sardines avec les autres détenus et ils n’avaient rien à boire. Donc, imaginez-vous avec le soleil fort comme nous avons ici au Tchad, ce n'est pas étonnant qu’il y ait certaines personnes qui soient mortes.Certains ont été obligés de boire leur urine ou l'urine de leurs voisins, c'est cela ? Vraiment, ça fait 14 ans que je suis ici chez Human Rights Watch. J'ai vécu pas mal de choses. C'est la première fois de ma vie où j'ai récolté les témoignages de gens qui étaient obligés de boire leur propre urine, ou bien les urines de leurs amis. Et nous avons parlé avec plusieurs dizaines de détenus qui ont confirmé qu’ils ont été obligés de boire dans cette façon inhumaine.Quand les prisonniers réclamaient de l'eau à leurs gardiens, qu'est-ce que ceux-ci leur répondaient ?Pendant le voyage, lorsque les prisonniers ont réclamé de l’eau, les gardiens, ils ont rigolé. Ils ont dit tout simplement que l’eau n'est pas pour eux. Cette question de soif, c'est vraiment difficile pour moi à décrire, parce que chaque détenu avec qui j'ai parlé, tous les 72, ils ont parlé de la soif. Ils ont dit, « on était presque morts » à cause de la soif.Blaise Djikossi, Vincent Bakouboup, Ngaba Djmadoum, Maxime Rimtebaye, voilà quatre hommes que vous avez donc pu identifier et qui sont littéralement morts de soif et d'épuisement sur la route de Koro Toro. Et vous avez aussi retrouvé la trace d'une jeune fille de 13 ans qui était également sur ces camions de la mort et qui n'aurait pas survécu ? Malheureusement, on n'était pas capable d'établir tous les faits selon notre méthodologie à Human Rights Watch. Mais moi-même, j'ai parlé avec plusieurs anciens détenus qui ont confirmé qu'il y a aussi cette jeune fille de 12-13 ans qui est aussi morte à cause de la soif et son corps a été jeté du camion aussi.Et donc toutes les dépouilles de ces malheureux et de cette malheureuse sont aujourd'hui introuvables, leurs familles ne peuvent pas récupérer leur dépouille ?Leur famille ne peut pas les récupérer. Encore pire : jusqu'à aujourd’hui, l'État tchadien n'a même pas confirmé qu’il y a ces cas de morts sur le transit jusqu'à Koro Toro.Magloire Mbaiadjim, Joachin Weiyenbal, Hubert Mbaindiguem, Elias Rebessengar, Medard Rimbar, Toralbaye Mayadjim et Moutengar Igneigor, voilà les sept autres prisonniers que vous avez pu identifier et qui, eux, sont morts à leur arrivée au bagne de Koro Toro. De quoi sont-ils morts ?La plupart sont morts seulement quelques jours après leur arrivée à Koro Toro et on peut dire qu’ils sont morts suite à leur transfert jusqu'à Koro Toro. Ça vous donne une image de ce voyage terrible jusqu'à Koro Toro.Vous avez donc identifié formellement 11 Tchadiens qui sont morts sur la route ou à l'intérieur du bagne, mais pensez-vous qu'il y a eu d'autres morts ?C'est une question très importante et je veux être clair. Nous avons confirmé 11 Tchadiens qui sont morts suite au voyage ou bien à Koro Toro, selon la méthodologie de Human Rights Watch. Je suis à 100 % sûr que ce chiffre de 11, c'est à la base le minimum. Mais cela dépasse les 11, j'en suis sûr, parce que j'ai parlé avec beaucoup de monde qui a parlé de beaucoup d'autres cas. Donc maintenant, c'est vraiment à l'État tchadien d’établir qui est responsable.Et ce malgré la loi d’amnistie votée par le Parlement de transition en décembre dernier ?Écoutez, la loi d’amnistie, ça couvre les évènements du 20 octobre 2022 et le rapport que Human Rights Watch vient de publier aujourd'hui, c'est à la suite des événements du 20 octobre 2022. Donc selon nous, à Human Rights Watch, on est en train de parler d’autre chose, on parle du 23 octobre 2022. Et cela concerne tous ces mauvais traitements sur la route de Koro Toro et à Koro Toro même. Pour nous, ce n’est pas couvert par la loi d’amnistie.
8/6/20248 minutes, 56 seconds
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Guerre au Soudan: «sur le terrain, les attaques continuent » malgré les négociations à l'ONU

Ce lundi 5 août 2024, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Kahn, sera devant l'ONU pour présenter son rapport semestriel sur la situation au Soudan et les avancées de son enquête. Alors que l'armée menée par le général al-Burhan, basés à Port-Soudan, est toujours engagée dans des combats acharnés avec les paramilitaires FSR du général Hemedti. Dans le même temps, jeudi 1ᵉʳ août dernier, un rapport d'experts onusiens a déclaré une situation de famine dans le camp de déplacés de ZamZam près d'El Fasher, une ville du Darfour assiégée par les Forces de soutien rapide (FSR) qui ont lancé une offensive en mai. Le pays se trouve dans une situation inextricable alors que des négociations entre les deux camps ont été annoncées par les Américains. Elles doivent se tenir mi-août en Suisse. Pour évoquer le contexte soudanais, notre invité, le chercheur spécialiste du Soudan, Jérôme Tubiana, également conseiller de l'ONG Médecins sans frontières. À lire aussiSoudan: le Darfour confronté à une famine à cause de la guerre
8/5/20245 minutes, 6 seconds
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Youssou N'Dour: «les valeurs de l’olympisme, c’est la communion, la solidarité et la paix»

Le Grand invité Afrique de ce samedi 3 août est une légende, une icône qui sera en France, ce dimanche 4 aout 2024 au soir, pour un concert. Ce chanteur sénégalais sera en effet sur la scène de la Station Afrique, un lieu inédit créé à l’occasion des JO, un espace en plein air et gratuit où se retrouvent les sportifs et les diplomates du continent, avec chaque soir des concerts pour célébrer ces Jeux olympiques.  À lire aussi«Birima», le tube de Youssou Ndour célèbre cette année son 24ème anniversaire
8/3/20248 minutes, 8 seconds
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Cessez-le-feu entre la RDC et le Rwanda: «Le passé ne pousse pas vraiment à l'optimisme»

Les gouvernements congolais et rwandais se sont accordés pour un cessez-le-feu dans l’est de la RDC. C’est ce qu’a annoncé mardi la présidence angolaise, médiatrice dans ce dossier, après une rencontre à Luanda entre les ministres des Affaires étrangères du Rwanda et de la RDC. Ce cessez-le-feu doit débuter ce dimanche 4 aout à minuit. Il interviendra à l'expiration de la trêve humanitaire obtenue par les États-Unis. Son application sera contrôlée par un mécanisme ad hoc qui existe déjà, mais qui doit être renforcé. Alors, ce cessez-le-feu peut-il être respecté ? Question posée à Onesphore Sematumba, analyste grands lacs à l'International Crisis Group. À lire aussiM23 en RDC: la présidence angolaise annonce un accord de cessez-le-feu entre Kinshasa et le Rwanda
8/2/20244 minutes, 42 seconds
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Verdict du procès du massacre 28 septembre 2009 en Guinée: «C'est quelque chose d'historique»

Le verdict du procès du massacre du 28 septembre 2009 était très attendu. La justice guinéenne a tranché hier, le 31 juillet 2024. Elle a condamné Moussa Dadis Camara, l’ancien chef de la junte, à 20 ans de prison pour crimes contre l’humanité. Au total, 8 des 12 accusés ont écopé de peines de prison allant jusqu’à la perpétuité. Le 28 septembre 2009, au moins 156 personnes avaient été tuées lors de la répression d’un rassemblement de l’opposition dans un stade à Conakry. Au moins 109 femmes avaient été violées. Qu’inspire ce verdict aux avocats des parties civiles ? Écoutez maître Halimatou Camara, avocate des parties civiles, au micro de RFI.  À lire aussiProcès du massacre de 2009 en Guinée: Moussa Dadis Camara condamné à 20 ans de prison pour crimes contre l’humanité
8/1/20244 minutes, 31 seconds
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Jamaï Aboubakr: «La France a toujours été le bouclier du Maroc au Conseil de sécurité» de l'ONU

Après avoir résisté pendant longtemps, la France vient de rejoindre les nombreux pays occidentaux qui ont décidé de s'aligner sur la position marocaine concernant le Sahara occidental, dans une lettre envoyée par Emmanuel Macron au roi Mohammed VI. Qu'est-ce qui a poussé le président français à changer son fusil d'épaule ? Quelles conséquences sur ses relations avec le Maroc et l'Algérie ? Jamaï Aboubakr, spécialiste du Maghreb et professeur des relations internationales à Aix-en-Provence, estime que c'est un grand pas, mais pas encore suffisant. Il est l’invité d’Esdras Ndikumana. RFI : Jamaï Aboubakr, l'information a été confirmée ce 30 juillet 2024 à l'occasion de la Fête du Trône au Maroc : la France s’aligne désormais sur la position marocaine sur le Sahara occidental. Peut-on parler d'une grande victoire pour la diplomatie marocaine ?Jamaï Aboubakr : C'est certainement une victoire. Mais de là à l'appeler « une grande victoire », je serais un peu plus circonspect. D'abord, pour moi, ce n'est pas un changement extrêmement important de la position française, parce que la France a toujours été le bouclier du Maroc au Conseil de sécurité. À chaque fois que le Maroc voulait faire évoluer une situation en sa faveur, le premier pays qui le défendait, c'était la France, à commencer d'ailleurs par le plan d'autonomie.Le deuxième point qui est très important : il faut lire ce qu'a dit Macron dans sa lettre jusqu'au bout. Il parle du fait que le cadre de la résolution du conflit reste le processus onusien et il parle d'une solution négociée. C'est-à-dire que ça aurait été un véritable changement si, demain, la France présente un projet de résolution au Conseil de sécurité onusien en demandant le rejet de l'autodétermination. Là, je dirais « oui », il y a une vraie évolution.La France avait pendant longtemps refusé de franchir ce pas. Qu'est-ce qui explique aujourd'hui que ce pas en avant soit fait ?Je pense que la pression marocaine a joué. Je pense que le fait que la diplomatie marocaine est devenue beaucoup plus dure dans sa défense du plan d'autonomie et de la souveraineté marocaine sur le Sahara, pour ne pas dire agressive – mais bon, ça, ça peut se comprendre – a joué. Je pense que la France est en recul diplomatique en règle générale en Afrique, notamment par rapport aux pays du Sahel, que le Maroc a toujours été un allié indéfectible de la France, et il y a une connivence régime-régime qui commençait à s'amenuiser et à dépérir ces dernières années, en raison des mésententes, des incompréhensions qui s'accumulent depuis le début des années 2010, je dirais. Il était important pour la France de maintenir des relations solides avec le Maroc pour ces raisons-là.Est-ce qu'il n’y a pas également des intérêts économiques en jeu ?Oui. Alors c'est un aspect important. Je vous donne un exemple très simple : le Maroc est très fier de parler de l'évolution de son économie vers plus d'industrialisation. Et cela porte un nom et un seul : c'est l'industrie automobile. Or, qui sont les deux entreprises qui permettent au Maroc justement d'avoir un tel développement dans son industrie automobile ? C’est Renault et Stellantis qui sont des entreprises, pas totalement françaises, mais très françaises. L'interpénétration entre le capitalisme français et le capitalisme marocain est très forte, à commencer par le roi lui-même. Vous savez que le roi est en affaires avec l'État français, lui en tant que personnage privé. Donc, si vous voulez, il y a une telle interpénétration d'intérêts, et notamment aux bénéfices des Français, qui faisait que la France avait besoin de maintenir cette relation.Est-ce que cette décision ne signifie pas que Paris a décidé de sacrifier, quelque part, sa relation avec Alger ?Je ne pense pas que la France peut se permettre de sacrifier sa relation avec l’Algérie, parce que l'Algérie est un pays qui est « plus riche » que le Maroc, par définition, grâce au gaz et au pétrole. Je ne parle même pas des liens historiques, mais même des liens d'aujourd'hui, la communauté algérienne en France… Tout ça fait que, même si les relations ne seront probablement pas aussi bonnes qu’elles sont même aujourd'hui avec le Maroc, je ne pense pas que les preneurs de décisions à Paris puissent agir comme si l'Algérie était un pays perdu pour eux d'un point de vue économique, diplomatique, même si c'est une relation qui est extrêmement difficile avec un régime algérien qui est autrement plus revêche.Je pense que leurs intérêts leur commandent d'essayer de maintenir un minimum d'équilibre. Donc, je ne pense pas que les Français puissent raisonner de façon binaire : à savoir ou c'est le Maroc ou c'est l’Algérie.Est-ce qu'Alger ne risque pas de le prendre mal ?Les Algériens vont évidemment le prendre mal. Ils l'ont déjà mal pris. Il faut quand même observer que les premiers qui ont annoncé ce virage, ce sont les médias officiels algériens qui ont parlé de ce revirement en France, avant le cabinet Royal marocain et avant la présidence française.Le souhait des Algériens, c'est évidemment la République sahraouie, le Sahara occidental qui devient indépendant, etc. C'est l'évidence même. Donc, tout ce qui peut pousser à la roue en faveur de la position marocaine leur déplaît.Est-ce que quelque part, le Maroc n'a pas bénéficié de la perte d'influence de l'Algérie au cours des dernières décennies ?Je ne sais pas s'il y a une perte d'influence de l'Algérie, parce que si on devait parler par exemple de l'Afrique, il faut se rappeler que quand le Maroc a décidé de réintégrer ce qui est devenu l'Union africaine, cette décision a été prise basée sur l'idée que du moment que le Maroc va réintégrer l'Union africaine, les pays africains vont expulser la République sahraouie de l'Union africaine. Jusqu'à aujourd'hui, il y a eu quelques évolutions, mais elles restent marginales puisque les mastodontes géostratégiques de l'Afrique ne sont toujours pas du côté marocain et restent plutôt du côté de de la République sahraouie.
7/31/202412 minutes, 7 seconds
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Lazare Eloundou (Unesco): «Le patrimoine mondial permet de renforcer notre mémoire collective»

Le Comité du patrimoine mondial de l'Unesco est réuni depuis le 21 juillet à New Delhi, en Inde. Lors de cette 46ème session, il a décidé d'intégrer plusieurs sites, notamment africains, dans la liste du patrimoine mondial. Quels sont les sites qui ont intégré cette liste et pourquoi ces choix ? Lazare Eloundou est directeur du patrimoine mondial de l'Unesco et répond aux questions de Pierre Firtion. RFI : Lazare Eloundou, cinq sites africains rejoignent donc la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Sur ces cinq sites, on note d'abord la présence de trois sites archéologiques en Éthiopie, en Afrique du Sud et au Kenya avec la ville historique de Gedi.Lazare Eloundou : Le site sud-africain est un site d'occupation du Pléistocène qui est assez intéressant. Les autorités sud-africaines ont lancé énormément de travaux de conservation, de travaux de recherches scientifiques et c'est un nouveau site qui montre la richesse et la diversité de l'Afrique du Sud. C'est la même chose aussi pour le site archéologique de Gedi au Kenya, qui est un site qui est extrêmement bien entretenu, qui a été très bien fouillé, très bien documenté, qui remontre encore la présence vraiment d'une urbanisation très ancienne le long de la côte.Autre site retenu : la Cour royale de Tiébélé au Burkina Faso. C'est là un ensemble architectural en terre qui est plus récent, qui date du XVIe siècle ?Oui, tout à fait. C'est un site très riche. C'est un site vivant, encore habité, où il y a une incroyable richesse culturelle, une organisation de la société pour l'entretien de cette Cour royale et les autorités burkinabè continuent de faire des efforts pour sa conservation. Et c'est un site qui n'est pas très grand, mais qui est incroyablement riche et qui mériterait vraiment d'être connu et qui mériterait d'être visité.Dernier lieu africain à intégrer cette liste du patrimoine mondial : les sites de mémoire de Nelson Mandela, en Afrique du Sud…Et je dois dire que l'inscription de ce site a été un moment extraordinaire, lors de la session du comité du patrimoine mondial. La majorité des membres du comité ont tous soutenu l'inscription de ce site. Ce qui est important, c'est que ce site continue de passer un message important, non seulement le message de l'Afrique du Sud, mais aussi le message du monde entier, celui de l'importance de l'égalité, de la réconciliation et du pardon. L'ensemble de ces lieux, dont on se rappelle, la Place de Walter Sisulu, le site du Massacre de Sharpeville, le Union Buildings et bien d'autres que moi j'ai visité, que je connais, sont des sites qui nous permettent aujourd'hui de montrer encore pourquoi le patrimoine mondial est si important, parce qu'il permet de renforcer non seulement notre mémoire collective, mais aussi de passer des messages importants qui sont des messages de l'universel.Que va changer cette inscription sur la liste du patrimoine mondial pour ces sites-là qui ont été retenus ?Beaucoup de choses. Ça permet de connaître les différents pays, de se rendre compte que ces pays ont une richesse patrimoniale très importante. Mais une inscription au patrimoine mondial pour ces pays permet aussi d'accéder à un large éventail d'assistances technique et financière et ça permet aussi d'amener plus de personnes, plus de voyageurs, plus de tourisme, pour découvrir les histoires que ces sites racontent.On compte aujourd'hui à travers le monde 1 223 sites classés au patrimoine mondial de l'Unesco. Plus d'une cinquantaine d'entre eux sont considérés comme en péril. La bonne nouvelle, côté africain, c'est que le plus grand parc naturel du Sénégal, le Niokolo-Koba, a été retiré de la liste de ce patrimoine en péril. Qu'est-ce qui a motivé cette décision ?La communauté internationale, l'ensemble des États membres de l'Unesco, ont considéré que leurs efforts conjoints qui avaient permis de mettre en place un projet ambitieux pour réduire les menaces sur ce site, aujourd'hui ont donné des efforts très satisfaisants, notamment pour essayer de ramener les espèces emblématiques qui existent dans ce grand parc qui étaient en disparition. Et ça, c'est grâce à l'effort aussi du gouvernement sénégalais, des autorités sénégalaises, des professionnels sénégalais. Et je crois que le comité du patrimoine mondial a considéré qu’il fallait cette décision pour reconnaître tous ces efforts et a décidé de le sortir de la liste du patrimoine mondial en péril.
7/30/20244 minutes, 21 seconds
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Tunisie: «Il est évident que la popularité de Kaïs Saïed s'est érodée depuis cinq ans»

Le président tunisien Kaïs Saïed, élu en 2019, surprenait tout le monde en 2021 lors de la dissolution de l'Assemblée nationale. Un coup de force qui allait mettre pratiquement tous les pouvoirs entre ses mains. Qu'est-ce qui fait sa force aujourd'hui, malgré une popularité qui s'est érodée et qu'en sera-t-il de l’élection présidentielle prévue le 6 octobre prochain ? Et quelles sont les perspectives pour la Tunisie ? L'historienne franco-tunisienne Sophie Bessis répond aux questions d’Esdras Ndikumana. RFI : Il y a 3 ans, Kaïs Saïed suspendait l'Assemblée nationale avant de la dissoudre. Il avait ensuite été élu à la tête de l'État sur le rejet de la classe politique en général et des islamistes en particulier. Mais beaucoup de ses soutiens d'alors se sont éloignés. Sur quel soutien populaire peut-il encore compter aujourd'hui ?Sophie Bessis : Il est évident que sa popularité s'est érodée depuis cinq ans. Il avait été élu en 2019 avec un score extrêmement honorable. Et puis, lors de ses appels à la population, c'est-à-dire aussi bien le référendum pour adopter la Constitution de 2022, à mobiliser à peine un tiers du corps électoral. Quant aux législatives devant élire la Chambre issue de cette nouvelle Constitution, elle n'a mobilisé que 11% du corps électoral. Donc vous voyez qu’effectivement, si l’on mesure sa popularité à la participation électorale, il est certain que cette popularité s'est érodée de façon importante.Dans ces conditions, qu'est-ce qui fait aujourd'hui sa force ? Sur quelles institutions s'applique Kaïs Saïed pour diriger d'une main de fer la Tunisie ?Kaïs Saïed est en train de mettre en place, en tout cas a la volonté de mettre en place, une nouvelle République. Il l'a toujours dit, il voulait renverser la pyramide institutionnelle, c'est-à-dire faire que la décision parte du peuple. Mais pour l'instant, ce que l'on voit, c'est une personnalisation extrêmement importante du pouvoir.De nombreux opposants et figures de la société civile critiques sont en prison. Certaines voix dénoncent un virage autoritaire. Est-ce vraiment le cas ?Il y a les faits aujourd’hui. Il est très difficile, sinon impossible, de s'opposer publiquement au chef de l'État tunisien. Ses opposants, que ce soient des chefs de partis, que ce soient des personnalités de la société civile, subissent effectivement les foudres des autorités pour avoir critiqué soit la parole présidentielle, soit sa façon de gouverner.Certaines voix disent aujourd'hui que la période n'est pas propice à une élection transparente. Peut-on dire que la présidentielle du 6 octobre est jouée d'avance ?Effectivement, depuis que le chef de l'État a changé la composition de l'instance supérieure indépendante pour les élections, en se donnant la liberté de nommer, en fait, les membres de cette instance, il n'y a plus d'instance indépendante électorale, ce qui est quelque chose d'assez préoccupant. Et ce qui est inquiétant, si vous voulez aujourd'hui, c'est que toutes les personnes manifestant le souhait de se présenter à la prochaine élection présidentielle, eh bien se voient empêcher, sous une forme ou sous une autre, de se présenter à cette élection, soit en étant arrêtées, soit en étant assignées à résidence, soit en étant frappées d'inéligibilité, ou tout cela à la fois. Les obstacles mis à la candidature à la présidentielle feront probablement que cette élection aura un caractère tout à fait plébiscitaire.Est-ce qu'il existe encore aujourd'hui une force politique organisée capable de s'opposer à son pouvoir ? Qu'en est-il des islamistes d'Ennahda, jadis majoritaires ?Non, bien sûr, non. Disons que les forces politiques en Tunisie sont aujourd'hui très atomisées. Et comme vous l'avez vous-même souligné tout à l'heure, la plupart des leaders politiques sont derrière les barreaux. Alors il y a évidemment encore une société civile. Les médias sont sous contrôle aujourd’hui et il est de plus en plus difficile de s'exprimer. Je vous disais tout à l'heure également que le chef de l'État fait partie de ces leaders populistes qui sont tout à fait hostiles à l'existence de partis politiques et de corps intermédiaires.Est-ce que la Tunisie ne s'achemine pas finalement vers un pouvoir sans partage comme à l’époque de Bourguiba ou de Ben Ali ?Le régime de l'actuel chef de l'État n'a pas grand-chose à voir avec l'époque de Bourguiba, ni celle de Ben Ali. La seule chose qui les rassemble, si je puis dire, c'est qu'effectivement, après une séquence d'apprentissage, certes douloureux et chaotique, de la démocratie entre 2011 et 2020, on revient vers une forme tout à fait autoritaire d'exercice du pouvoir, incontestablement.
7/29/20249 minutes, 45 seconds
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Haydar Hamdi: «Je suis très social, j’aime utiliser la musique pour marquer le temps»

Le grand invité Afrique ce samedi s’appelle Haydar Hamdi. Ce chanteur, originaire de Tunisie, a marqué l’histoire de son pays lors de la révolution en décembre 2010. L’auteur-compositeur-interprète se produit à Paris lundi 29 juillet, dans le cadre des Jeux olympiques à la Station Afrique. Basé sur l'île-Saint-Denis, au nord de Paris, cet espace est destiné à accueillir des concerts gratuits et des rencontres avec des délégations de sportifs, de diplomates venus de tout le continent africain. L’occasion de parler culture, sport et valeurs partagées. Haydar Hamdi répond aux questions de Guillaume Thibault.
7/27/20245 minutes, 4 seconds
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JO 2024: «une moyenne de 50 médailles» attendue pour les athlètes africains

Le grand jour pour les Jeux olympiques de Paris est arrivé. À quelques heures de la cérémonie officielle de leur ouverture, Mustapha Berraf, le président de l’Association des comités nationaux olympiques d’Afrique, l'Acnoa depuis 2018, est le Grand invité Afrique. Combien d'athlètes africains sont présents à Paris ? Qu'en est-il de leur préparation ? Quelles sont les chances de médailles ? Mustapha Berraf nous détaille les aides dont ont bénéficié les athlètes africains pour se préparer au JO. RFI : Mustapha Berraf, vous êtes à Paris depuis une semaine, quelles sont vos premières impressions sur l'organisation et comment envisagez-vous cette cérémonie d'ouverture sur la scène ? C'est une première !Mustapha Berraf : Sincèrement, je crois que les Jeux olympiques organisés par Paris sont de très bon augure. Je crois même qu'ils vont être exceptionnels. Honnêtement, tout le monde s'affaire et tout le monde travaille d’arrache-pieds pour que toutes les conditions soient réunies pour faire de ces Jeux les plus beaux Jeux qui aient existé de par le monde, et je crois honnêtement qu’on est en passe de réussir cela.Dans quel état d'esprit sentez-vous les athlètes africains ? Est-ce qu'ils ont bénéficié de moyens d'entraînement meilleurs qu’avant les Jeux de Tokyo par exemple ?Oui, il faut reconnaître que la Solidarité olympique et le CIO ont mis à profit certaines sommes importantes. L'Acnoa a mis deux millions de dollars dans la préparation des athlètes, mais je vous dis, ce sont les athlètes qui figurent dans le top 10, c'est-à-dire les athlètes potentiellement médaillables.À combien sont-ils ?Je vous le dis : le global, c'est 2 millions de dollars sur une cinquantaine d'athlètes. Nonobstant, les athlètes africains qui bénéficient de bourses de la solidarité olympique, nous avons une participation qui a atteint près de 1 000 athlètes pour cette édition de Paris. Cela suppose une augmentation par rapport à la précédente édition de près de 20% d'athlètes africains.Y a-t-il eu des problèmes de visa - par exemple pour certains athlètes qui viennent du Mali, du Niger, du Burkina Faso, des pays qui ont des problèmes avec la France ?Non, honnêtement, sur le plan sportif, il n'y a eu aucun problème, il y a eu quelques petits ralentissements, mais les choses sont rapidement rentrées dans l'ordre sur instruction des autorités qui ont largement coopéré pour que tous les athlètes qualifiés soient présents.Sur combien de médailles africaines peut-on tabler durant ces Jeux ? Est-ce davantage qu'à Tokyo ?Non, à Tokyo, il y a eu 37 médailles, 11 médailles d'or. Nous pensons que nous avons les moyens humains et les potentiels pour réussir une augmentation de près de 20%. Cela suppose une moyenne de 50 médailles.Est-ce que l'athlétisme reste jusqu'ici la discipline phare ou les sports de combat peuvent se révéler comme de belles satisfactions durant ce jeu ?Naturellement, les plus belles satisfactions viendront de nos athlètes, en particulier sur le demi-fond. Il y a le taekwondo où nous avons pas mal de révélations. Il y a la boxe où nous espérons obtenir un bon nombre de médailles. Il ne faut pas oublier qu'il y a certaines disciplines, comme la gymnastique, la voile, le canoë kayak où nous avons de très bons athlètes. Et moi, je pense honnêtement que nos athlètes africains seront là en tant que conquérants pour gagner. J'ai dit aussi que nous étions fiers de nos athlètes africains, même s'ils concourent pour des pays européens où américains. Nous sommes fiers de leurs origines.Et pour les sports d'équipe ?Pour les sports d’équipe, nous avons une très, très belle surprise, c'est le Soudan du Sud. Le Soudan du Sud qui a fait jeu égal avec les États-Unis d'Amérique. En match amical, ils ont fait un point d'écart, au basket-ball. Bon, dans les autres disciplines, le volley-ball et le handball, on est un peu loin du compte. Mais je pense qu'au football, on pourra réussir de belles performances.Alors l'univers culturel africain sera très présent dans ces Jeux à travers la Station Afrique à L'Île-Saint-Denis. Pourquoi vous êtes-vous associé à cette initiative ?Parce que dans ces circonscriptions, il y a beaucoup de jeunes qui sont d'origine africaine. Il y a tellement de jeunes qui affluent là-bas. Tous les soirs, il y aura une soirée : soirée Algérie, soirée Mali, etc. Pour chaque pays, il y a des expositions et nous sommes honnêtement très fiers de cette œuvre qui est maintenant rentrée dans le programme de Paris 2024.
7/26/202410 minutes, 2 seconds
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Lutte antiterroriste au Niger: «Ce type de guerre ne se gagne pas sans la population»

Nous sommes à la veille du premier anniversaire du coup d'État militaire qui a renversé le 26 juillet de l'année dernière le président Mohamed Bazoum au Niger. Un pays du Sahel qui continue de faire face aux assauts des jihadistes. Quel bilan peut-on tirer pour la junte militaire aujourd'hui au pouvoir ? L'anthropologue Jean-Pierre Olivier de Sardan explique ce qui lui semble être la meilleure stratégie contre les jihadistes dans les pays du Sahel. À lire aussiLa journaliste nigérienne Samira Sabou, une carrière qui met en lumière les travers de la gestion de l'État
7/25/20249 minutes, 59 seconds
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Enlèvement de Foniké Menguè et Billo Bah en Guinée: le gouvernement n'a «aucune nouvelle», selon Ousmane Gaoual Diallo

En Guinée, le ministre des Transports et porte-parole du gouvernement de transition de Guinée était de passage hier, mardi, à la rédaction Afrique de RFI. Il s'est exprimé sur la fin de la transition en cours, l'absence d'un chronogramme pour sa fin ou encore la disparition de deux figures de la société civile et la plainte de leurs familles contre le président de transition à Paris. Ousmane Gaoual Diallo réagit au témoignage d'une troisième personne présente sur les lieux, qui a décrit des menaces et des actes de torture à l'encontre de ces deux acteurs de la société civile, juste avant leur arrestation  À lire aussiGuinée: un militant du mouvement FNDC raconte l’enlèvement des leaders Foniké Menguè et Billo Bah
7/24/202412 minutes, 17 seconds
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Droits de l'homme en Afrique centrale: «Il faut que les peuples se battent partout où ils sont»

La Camerounaise Maximilienne Ngo Mbe, directrice exécutive du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale, le Redhac, lauréate de plusieurs prix internationaux des droits de l'homme, fait un état des lieux du respect des droits de l'homme en Afrique centrale, et son constat est plutôt amer... Elle est notre Grande invitée Afrique ce mardi.  À lire aussiBurkina: «les forces de sécurité intimident, détiennent et font disparaître» journalistes et opposants
7/23/20244 minutes, 29 seconds
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Guerre au Tigré: «beaucoup de crimes restent à découvrir», leur «quantité et gravité sont énormes»

Avec notre grand invité Afrique de lundi 22 juillet, nous revenons sur la guerre du Tigré. Le conflit a opposé cette région du nord de l’Éthiopie au pouvoir fédéral, allié de l’Érythrée voisine et de plusieurs régions éthiopiennes. Selon l’Union africaine, le bilan pourrait atteindre 600 000 morts, des experts soupçonnant un génocide. En mai 2022, une commission d’enquête sur le génocide au Tigré a été mise en place par le gouvernement régional intérimaire. Notre invité est Yemane Zeray, son directeur et professeur de Sciences politiques. Il répond à Sébastien Németh.
7/22/202413 minutes, 18 seconds
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Jessy B, lauréate du Prix Découvertes RFI 2023: «Je me servirai toujours de la musique pour partager des valeurs»

La grande invitée Afrique samedi 20 juillet est la chanteuse Jessy B, rappeuse de Brazzaville. La lauréate du Prix Découvertes RFI en décembre dernier (2023) est mardi 23 juillet sur la scène de la Station Afrique, qui ouvre ses portes à l’occasion des Jeux olympiques de Paris. Basé sur l'île-Saint-Denis, au nord de Paris, l'espace est destiné à de concerts gratuits et de rencontres avec des délégations de sportifs, de diplomates venus de tout le continent africain. L’occasion de parler culture, sport et valeurs partagées. Elle répond aux questions de Guillaume Thibault.
7/20/20245 minutes, 38 seconds
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Afrique: l'armée française veut «proposer un partenariat de qualité» avec les pays

Le général Pierre Schill, chef d'état-major de l'armée de terre, reçoit vendredi 19 juillet 13 de ses homologues africains, dont notamment les chefs d'état-major de l'armée de terre du Sénégal, de la Côte d'Ivoire, du Gabon, du Tchad et de Djibouti, où la France est militairement présente. Ce symposium près de Rennes (nord-ouest de la France) a pour but de réaffirmer l’engagement de l'armée française aux côtés de ses partenaires, alors que Paris a entamé le redéploiement de ses forces en Afrique. Pierre Schill est l'invité de Franck Alexandre.
7/19/20244 minutes, 31 seconds
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Soudan: les paramilitaires des «FSR sont devenus experts en abus et violences sexuelles»

L'expert de l'ONU sur la situation des droits de l'homme au Soudan Radhouane Nouicer revient d'un séjour dans la ville de Port-Soudan, qui abrite des centaines de déplacés qui ont afflué de toutes parts. Il décrit, dans un communiqué qu'il vient de rendre public, avoir constaté un niveau de violences sans précédent. Radhouane Nouicer est le grand invité Afrique, il répond aux questions d'Esdras Ndikumana.
7/18/202410 minutes, 18 seconds
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Rosalie Matondo (Congo-B): «Nous lançons un appel afin que les financements innovants soient une réalité sur nos territoires»

Le Congo-Brazzaville a organisé début juillet un sommet international sur l'afforestation et le reboisement auquel ont participé une demi-douzaine de chefs d'État africains. Est-ce un sommet de plus ? Quel en est le bilan ? Quel est l'état de la forêt congolaise ? Rosalie Matondo, la ministre de l'Économie forestière du Congo-Brazzaville, est notre invitée ce matin. À lire aussiÀ Brazzaville, des chefs d'État demandent plus de financements pour reboiser les forêts africaines
7/17/20247 minutes, 54 seconds
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Patrick Muyaya (RDC): «Le rapport de l'ONU démontre qu'il y a plus de militaires rwandais qui opèrent à l'Est»

En République Démocratique du Congo… la trêve humanitaire annoncée par les États-Unis il y a deux semaines a volé en éclat. Les combats entre l'armée congolaise — appuyée par ses alliés — et les rebelles du M23 — soutenus par le Rwanda — ont repris dans la province du Nord-Kivu, où les rebelles gagnent du territoire. Un rapport d'expert de l'ONU sorti la semaine dernière expose notamment la montée en puissance du soutien du Rwanda à ce groupe rebelle. Patrick Muyaya, ministre congolais de la communication, est notre invité. Il est au micro d'Alexandra Brangeon. À lire aussiRDC: combats dans la ville de Kirumba, au nord de Goma, en violation de la trêve humanitaireÀ lire aussiRDC: les combats s'intensifient à l'Est entre forces congolaises et les rebelles du M23
7/16/20244 minutes, 55 seconds
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Éthiopie: malgré l'accord de paix, «les souffrances des Tigréens continuent», affirme Debretsion Gebremichael

C’est un invité exclusif sur RFI ce matin. Debretsion Gebremichael était le chef de l’autorité tigréenne durant la guerre civile qui a opposé, de 2020 à 2022, le Tigré, région du Nord de l’Éthiopie, et le pouvoir fédéral d’Addis-Abeba allié à l’Erythrée voisine et aux régions éthiopiennes Amharas et autres. Une guerre civile sanglante. L’Union africaine a parlé d’au moins 600 000 morts. De nombreux observateurs soupçonnent aussi un génocide. L’accord de paix de Pretoria a mis fin au conflit en novembre 2022. Mais les défis sont immenses. Des centaines de milliers de déplacés ne sont toujours pas rentrés. Le Tigré est toujours en partie occupé. Debretsion Gebremichael est aujourd’hui le chef du TPLF, le principal parti au Tigré. Il répond à notre envoyé spécial. RFI : presque deux ans après l’accord de paix où en est son application ? Les progrès ont l’air très lents.Debretsion Gebremichael : Oui. Cet accord a été signé depuis bientôt deux ans. L’exécution est très lente...Au début il y avait des progrès. Les services publics avaient été relancés. Les communications, l’électricité, le transport, les financements du gouvernement. Tout le monde était heureux. On avançait. Et le plus important, c’est qu’il n’y avait plus de combat. Même si la paix n’était pas installée dans tout le Tigré, la plus grande partie du territoire était sous le contrôle de notre gouvernement…Mais le plus important est qu’il n’y avait plus de combats, plus de tueries, plus de destructions, plus de bombardements. Donc c’était très positif…Mais après un temps, les progrès ont ralenti. Le plus gros problème, c’est la présence au Tigré de génocidaires. Ils ne sont pas partis. Il y a eu Pretoria, accord auquel s’est rajouté la déclaration de Nairobi il y a quelques mois. Il était prévu qu’une fois la remise de nos armes lourdes terminée, le retrait des troupes serait réalisé en même temps.À lire aussiÉthiopie: les habitants de Dowhan, au Tigré, sous la menace constante de l'armée érythréenneEnsuite il était prévu le retour des déplacés chez eux, et la mise en place d’une véritable administration intérimaire…Or le retrait et le retour des déplacés auraient dû être faits l’an dernier. On a plus d’un an de retard. Et en attendant, les gens meurent par manque d’aide humanitaire, de soins, ils sont encore psychologiquement très touchés, alors que dans les zones encore occupées, le génocide continue… Donc les souffrances des Tigréens et du Tigré continuent. Nous sommes toujours à l’agonie.Oui au départ c’était très positif, il y avait un grand espoir que la paix soit complète, que les groupes armés allaient se retirer, que les déplacés rentrent et que la réhabilitation suive, etc. Donc aujourd’hui notre sentiment est mitigé sur l’application de l’accord…Pourquoi selon vous cet accord met tant de temps à être appliqué ? Certains parlent d’un manque de volonté politique.Absolument. Parce que l’accord dit bien que la responsabilité de ces étapes largement retardées repose sur le gouvernement fédéral…C’est Addis Abéba qui doit réaliser le retrait des forces Amharas et Erythréennes. Les Amharas font partie du gouvernement. Les Erythréens font partie d’une alliance avec le pouvoir fédéral, donc c’est lui qui est responsable, c’est lui qui doit dire aux Erythréens et aux Amharas de rentrer chez eux.Pensez-vous que cette inaction est volontaire de la part d’Addis Abéba, comme si le pouvoir fédéral voulait s’en prendre de nouveau au Tigré ? Ou bien est-ce de la simple lenteur administrative par exemple ?Il y aura toujours des problèmes administratifs dans l’application de l’accord. Mais là ça va plus loin. C’est un choix politique. S’il y avait de la bonne volonté, ça aurait pu être fait. Un retard est possible, mais quand le retard atteint plus d’un an, on va au-delà du problème administratif.On note le manque criant d’aide humanitaire alors que les besoins sont énormes. Pensez-vous que la communauté internationale a oublié le Tigré et est accaparée par d’autres crises ?Nous savons que le monde est en crise. L’Ukraine, Gaza, crise après crise c’est la réalité d’aujourd’hui. Quant au Tigré, ce que nous avons obtenu pour aider à la reconstruction est une infime partie de ce qui a été donné à l’Ukraine.Ce qui compte c’est l’attention qu’obtient une crise, pas son ampleur. Et c’est le cas pour le Tigré où je vois un manque de volonté politique. Quand la guerre était en cours, la communauté internationale surveillait de près. Le Conseil de Sécurité était très occupé avec ce conflit. Mais dès qu’un semblant de paix est arrivé, l’attention s’est portée ailleurs, nous n’étions plus une priorité. Et aujourd’hui il y a un manque de bonne volonté. Le gouvernement fédéral ne pousse pas non plus… Donc c’est une combinaison des deux…Quelles mesures urgentes doivent être prises pour permettre le retour des déplacés ? Et qui devrait sécuriser les zones de leur retour ? L’armée fédérale ? Les forces tigréennes ?Là-dessus, les vues sont différentes. Pour nous, la sécurité doit être assurée par nos forces. La responsabilité globale doit être donnée à l’administration provisoire du Tigré et son armée si nécessaire…Pour nous c’est prévu dans la constitution. Dans la page 1 de l’accord de paix il est dit que toutes les résolutions doivent être en accord avec la constitution. Donc là-dessus, le texte fondamental dit bien que c’est le Tigré qui gère sa sécurité…Mais le pouvoir fédéral a un point de vue différent. Il dit que la sécurité dépend de lui. Mais pour nous c’est clair, le Tigré doit être responsable de la sécurité sur son sol.L’accord prévoyait que les combattants tigréens remettent toutes leurs armes et s’intègrent dans un programme de DDR. Il y a quelques mois, les autorités régionales avaient annoncé que 250 000 hommes détenaient toujours des armes. Certains pourraient accuser les Tigréens d’un manque de volontéNon nous n’avons pas de manque de volonté concernant la démobilisation de nos hommes. Ça fait partie de l’accord…Mais on ne peut pas analyser le DDR seul. D’abord il faut un retrait total des forces qui occupent le Tigré. Or ce n’est pas encore le cas. Le DDR ne peut pas être fait avant cela…Sur les armes, nous avons rendu les plus lourdes. Ça a même été fait plus tôt qu’attendu. Nous avons agi vite en espérant que le retrait se ferait également rapidement. Mais ça n’a pas été le cas. Donc dans ce cas vous ne pouvez pas avoir de DDR. Sans retrait total, pas de DDR… Et dans les faits, nous avons démobilisé nous-mêmes. En dehors du processus formel de DDR. Puisque nous n’avons plus besoin d’autant de combattants. Plus de 100 000 hommes sont rentrés chez eux. Ensuite il y a des problèmes logistiques et autres qui représentent un énorme poids pour nous. Or nous ne recevons pas assez de soutien d’Addis Abéba alors qu’un soutien logistique était prévu. Jusqu’à ce que le DDR commence.Nous ne disons pas que nous allons redéployer nos forces, non. Nous avons accepté de les démobiliser. Mais d’abord, le retrait doit être complet.Donc le DDR n’aura pas lieu tant que les Amharas et les Erythréens seront encore au Tigré ?Oui. Ça ne peut pas se faire. Et même après leur retrait, il faut un certain temps. Un DDR ne se réalise pas en un jour. Redéployer plus de 200 000 combattants demande des milliards d’investissement, il faut des programmes, des formations, tellement d’étapes sont nécessaires. Donc il faudra du temps. Nous sommes d’accord avec le principe de DDR. Mais il se fera après le retrait complet…Il faudra aussi examiner la question de la sécurité sur le terrain. On ne peut pas renvoyer tout le monde chez soi. Nous ne savons pas encore combien, mais nous aurons besoin d’hommes pour sécuriser le territoire.Mais ça se fera selon l’accord signé avec Addis Abéba et peut-être avec l’aide de l’Union Africaine. Ce sera dans le cadre d’un accord international. Donc nous sommes prêts, nous sommes mobilisés, mais il faut que ces conditions soient remplies.Le problème c’est que l’Erythrée n’est pas signataire de l’accord de Pretoria. Or ses soldats occupent toujours le Nord du Tigré, disant que cette zone leur appartient.Ils ne sont pas signataires, mais ce sont les alliés du gouvernement fédéral. Donc c’est une responsabilité d’Addis Abéba. Parce que c’est à son invitation que les Erythréens sont intervenus…Donc c’est au pouvoir central de leur dire de partir. Mais comme ce sont leurs alliés, Addis reste silencieux. A cause du poids du passé, ils sont silencieux. Nous devons pousser le pouvoir central, qui doit pousser les Erythréens à se retirer…La commission génocide dit que tous les criminels doivent être jugés. Y compris le président Erythréen Issaias Afeworki et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, avec qui vous avez signé la paix. Doivent-ils passer devant la justice ?Les auteurs doivent être tenus pour responsables. Cela peut concerner le Premier ministre, le président érythréen. Cela dépendra de qui est responsable de quoi…Donc les poursuites peuvent concerner n’importe qui. Moi je ne peux pas dire qui a commis tel ou tel crime. Cela doit être déterminé par une mission internationale. Mais mon avis est que oui, ils doivent être poursuivis, car ce sont les leaders, ce sont les donneurs d’ordre.Ces investigations doivent-elles inclure les TDF ? Car beaucoup accusent les forces tigréennes d’avoir aussi commis des crimes notamment en région Afar mais pas seulement.Selon moi les TDF ne peuvent pas se rendre coupable d’un génocide. Car les TDF sont le produit d’un génocide. Les TDF sont du côté des victimes, pour protéger les Tigréens des génocidaires. Je suis un de leurs leaders et nous n’avons eu aucune intention d’attaquer qui que ce soit, Amharas ou autres. Non.C’est vrai je ne peux pas exclure des incidents puisque nous nous battions en région Afar et Amhara. Mais je ne peux pas croire qu’on ait commis des actes de génocide. Cependant nous sommes ouverts à toute enquête et nous verrons le résultat.Et si la justice vous met en cause personnellement, en tant que leader, est-ce que vous collaborerez ?Absolument. Je suis prêt. Je répondrai à toute enquête.Pensez-vous qu’après tout ce qui s’est passé, les Tigréens sont prêts à faire la paix avec les Amharas, avec les Erythréens et autres ?Vous savez je parle en tant que leader, mais je connais aussi l’intérêt de mon peuple. La paix est la priorité pour nous. Il faut la paix avec tout le monde. Que ce soit au niveau des populations que des politiques. Et d’ailleurs ce sont parfois les gens qui veulent davantage la paix que les politiques qui ont parfois leurs propres intérêts.Mais politiquement il pourrait y avoir des obstacles avec les atrocités et le génocide commis, par l’armée érythréenne et l’armée éthiopienne…Mais entre population il n’y a aucun problème, elles veulent vivre en paix avec tout le monde.Est-ce qu’une indépendance du Tigré est quelque chose d’inconcevable aujourd’hui ?Je ne l’écarterais pas totalement. Pour y arriver en tout cas il faut un référendum, en accord avec la constitution. Elle donne ce droit. Du moment qu’il est établi que les Tigréens veulent un référendum. C’est stipulé dans le texte. Donc je ne peux pas dire que ça n’arrivera jamais, mais ça devra suivre le processus constitutionnel...À lire aussiÉthiopie: dans le Tigré, la crise alimentaire empire depuis la suspension du Programme alimentaire mondial*************************************************************************► Aujourd'hui, vous entendrez en exclusivité : un reportage Afrique à Dowhan, dernière localité du Nord vivant sous la menace constate des soldats Erythréens ; dans nos journaux, un sujet sur le retour de l'Anthrax, des décennies après la disparition de la maladie au Tigré.
7/15/202422 minutes, 17 seconds
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«Découvertes» à Abidjan: «J'encourage les jeunes artistes à montrer leur travail», explique Gazelle Guirandou

C'est la  sixième édition de l’exposition « Découvertes », organisée chaque année par la LouiSimone Guirandou Gallery, à Abidjan. Pendant deux mois (du 10 juillet au 31 août 2024), cette galerie d’art expose de jeunes artistes peu connus du grand public. Cette année, quatre artistes y présentent leurs travaux : la graphiste Klervie Mouho, le photographe Lago Juju, l’artiste ivoiro-togolais Ismaël Tamek, ou encore la Française Claire Marboeuf. À la tête de cette galerie, Gazelle Guirandou met surtout l’accent sur le partage avec le grand public de ses rencontres et découvertes de jeunes artistes.
7/13/20244 minutes, 14 seconds
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Seidik Abba: «La confédération de l'AES n'est pas incompatible avec une présence dans la Cédéao»

Après le sommet de l'Alliance des États du Sahel réunissant le Mali, le Niger et le Burkina samedi puis celui de la Cédéao dimanche, Seidik Abba, journaliste et spécialiste du Sahel, revient sur les implications et les perspectives d'avenir pour leurs pays membres. Il répond aux questions d'Esdras Ndikumana.
7/12/20247 minutes, 32 seconds
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UE: «Le poids de l'extrême droite au Parlement est insuffisant pour provoquer un changement vis-à-vis de l'Afrique»

La relation Europe-Afrique est en question après la poussée de l'extrême droite aux élections européennes du 9 juin et l'arrivée du Premier ministre hongrois Viktor Orban à la présidence de l'Union européenne. Les acquis du sommet de Bruxelles de 2022 sont-ils en danger ? La politique migratoire de l'Union européenne va-t-elle se durcir ? Guillaume Arditti est le fondateur du cabinet de conseil Belvedere Advisory et chercheur associé à l'Institut Jacques Delors. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Guillaume Arditti, il y a deux ans, au sommet de Bruxelles, l'Union européenne (UE) a promis une enveloppe de 150 milliards d'euros pour développer les infrastructures en Afrique. Est-ce que la poussée de l'extrême droite aux élections européennes du 9 juin peut remettre en cause cette promesse ?Guillaume Arditti : Je pense que, sur la poussée de l'extrême droite, s'il y a eu une poussée en France qui a été extrêmement notable, lorsqu’on regarde ce qu’il se passe au niveau du Parlement européen, en fait, on passe d'une présence de l’extrême droite qui est représentée à un peu plus de 20% en 2019 à un peu moins de 25% aujourd'hui. Donc, je pense que ce sera assez difficile dans la mesure où le poids que les groupes d'extrême droite représentent au Parlement n’est pas suffisant aujourd'hui pour provoquer un changement drastique de la politique de l'Union européenne vis-à-vis du continent africain. Et du côté gouvernemental, quand bien même Viktor Orban soit arrivé à la présidence du Conseil de l'Union européenne, ça reste un phénomène qui est conjoncturel. On est sur un hasard du calendrier qui fait que Orban arrive au même moment où on voit que les extrêmes sont en train de se renforcer. Néanmoins, il ne faut pas surestimer le rôle qu’il peut jouer dans un poste qui finalement va durer six mois. Et donc, le poids qu’il va avoir ne doit pas être surestimé.Deux ans après le sommet de Bruxelles, quels sont les secteurs où l'Europe et l'Afrique peuvent développer aujourd'hui leur partenariat ?Je pense que, là, aujourd'hui, ce qui est en train de se produire, c'est un changement qui est induit par la crise qu'on connait actuellement avec la guerre en en Ukraine. La conséquence que ça a eue, c'est une prise de conscience au niveau de l'Union européenne d'une forme de vulnérabilité sur des problématiques de souveraineté qui sont extrêmement importantes. Donc, le premier élément, évidemment, qui a été mis à jour, c'est la dépendance énergétique. Le deuxième, c'est la vulnérabilité par rapport à l'approvisionnement en métaux critiques qui sont un élément essentiel pour la transition. Et le troisième, c'est la volonté de réindustrialiser l'Union européenne à un moment où la dépendance vis-à-vis de la Chine est devenue un point de vulnérabilité extrêmement fort. Donc, tous ces éléments-là sont en train de militer en faveur d'un changement, je pense, assez profond, au sein de l'Union européenne. Donc, ce n'est pas encore très visible, mais qui se retranscrit quand même dans la déclaration qui avait été faite en 2022 lors du 6e Sommet – qui avait donné lieu à ce paquet de 150 milliards – où le Parlement européen avait bien dit qu’il fallait aujourd’hui dépasser la relation de donateurs-bénéficiaires.C'est-à-dire qu'il ne faut plus inscrire Europe-Afrique dans une relation entre celui qui donne et celui qui reçoit, mais dans une relation entre partenaires qui peuvent se développer conjointement ?Absolument ! C'est-à-dire que, jusqu'à maintenant, la relation avec le continent africain était marquée par un discours disant qu’il fallait saisir des opportunités de croissance, des relais de croissance en Afrique. L'opportunité, c'est une optionnalité : c'est-à-dire qu'on peut la saisir ou on peut ne pas la saisir. En revanche, ça n'est pas une nécessité. Et, aujourd'hui, on est en train de réaliser que la relation avec le continent africain est une nécessité. Par exemple, quand on parle de trouver des alternatives en termes énergétiques, évidemment, plutôt que d'importer du gaz liquéfié des États-Unis, ça a beaucoup plus de sens de trouver des alternatives au niveau des développements en Afrique du Nord, les développements récents en Mauritanie, au Sénégal ou encore d'autres développements au Mozambique.Ça, c'est pour satisfaire les besoins en énergie en Europe. Et pour faire face aux changements climatiques ?De la même façon qu'il faut trouver ces alternatives pour renforcer l'indépendance au niveau énergétique, il faut trouver aussi des métaux critiques pour renforcer l'indépendance par rapport au modèle chinois et au partenariat avec la Chine. Or, on réalise que les métaux critiques se trouvent très largement en Afrique. Le cobalt est souvent l'exemple le plus mis en avant avec des réserves qui sont de 70% quasiment en République démocratique du Congo. Mais on pense aussi à des métaux comme le manganèse, le graphite, le cuivre ou encore du nickel : des métaux critiques qui sont indispensables à la fois là pour la production de turbines éoliennes ou la production de batteries pour des véhicules électriques.À la suite des élections européennes du 9 juin, les eurodéputés d'extrême droite de 12 pays, notamment ceux du Rassemblement national en France et ceux du Fidesz en Hongrie, viennent de constituer le groupe Patriotes pour l'Europe, qui sera la troisième force du Parlement européen. Est-ce que ça veut dire que l'Union européenne va durcir sa politique migratoire ?Là encore, je pense que ça rejoint le début de notre conversation sur le point qui est donné à l'extrême droite au niveau du Parlement européen. En termes de poids, finalement, l'Union pour les Patriotes, quand on regarde par rapport à la situation précédente, c'est plus une recomposition de l'extrême droite qui est en train de se faire sur une ligne de fracture d'ailleurs entre des pro-Kiev et des pro-Moscou, plutôt qu'un changement fondamental sur le poids de l'extrême droite au sein de l'Union européenne. Donc, moi, il me semble que l'importance qui est accordée à l'union Patriotes et à l'influence qu'elle pourrait avoir sont un petit peu surestimées actuellement.
7/11/20247 minutes, 30 seconds
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Migrants: «Dans le Sahara, la violence des bandes criminelles s'ajoute au travail forcé ou à l'exploitation sexuelle»

Les migrants sont deux fois plus nombreux à mourir dans le Sahara que dans la mer Méditerranée, selon des experts du Haut-commissariat aux réfugiés et de l'Organisation internationale pour les migrations, qui ont recueilli, ces trois dernières années, les témoignages de quelque 30 000 survivants de cette traversée du Sahara. Vincent Cochetel est l'envoyé spécial du HCR pour la Méditerranée occidentale et centrale. En ligne de Genève, il décrit le calvaire que vivent les migrants, hommes et femmes, sur ces routes de la mort. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. 
7/10/20245 minutes, 40 seconds
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Sénégal: «La dissolution de l'Assemblée nationale avec des élections anticipées n'est pas à exclure»

Le 2 avril, lors de son discours d'investiture à Dakar, le président Bassirou Diomaye Faye a promis de « construire un Sénégal nouveau » et de réaliser « un changement systémique » à la tête de l'État. Cent jours après, qu'en est-il réellement ? Les promesses du Pastef sont-elles en train d'être honorées ? Le président Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko parviennent-ils à se partager le pouvoir sans accrocs ? Mamadou Lamine Sarr enseigne les sciences politiques à l'université numérique Cheikh Amidou Kane. En ligne de Dakar, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
7/9/202411 minutes, 9 seconds
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Florian Monnerie: en RDC, «l’aggravation des conflits pousse les gens à vivre dans des situations critiques»

L’est de la RDC est depuis une trentaine d’années en proie aux groupes armées et aux conflits. Avec la résurgence du groupe M23, soutenu par le Rwanda, au Nord-Kivu et la présence de groupes terroristes ou de milices communautaires en Ituri, le pays enregistre un nombre sans précédent de déplacés : plus de 7 millions de Congolais ont dû fuir leurs habitations, leurs villes ou leurs villages. Ils s’entassent dans des camps où l’aide humanitaire ne suffit plus à répondre à tous leurs besoins. Pour évoquer cette situation, Florian Monnerie, le directeur pays de l’ONG Action contre la faim en République démocratique du Congo est notre invité. Il répond aux questions de Paulina Zidi. À lire aussiRDC: l’ONU appelle à mobiliser 2,6 milliards de dollars pour financer un plan de réponse humanitaire
7/6/20244 minutes, 24 seconds
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Jean-Pierre Augé (ex-DGSE): «Il est très difficile de déterminer le jour d'un putsch»

Les services secrets français sont-ils encore efficaces en Afrique ? La question se pose après la série de putschs au Sahel qui ont pris les autorités françaises au dépourvu. Beaucoup disent d'ailleurs que c'est à la suite du coup d'État au Niger, il y a un an, que Bernard Emié, le patron de la DGSE, a été limogé par le président Macron. Témoignage aujourd'hui d'un ancien officier français, qui a été en poste au Niger, au Tchad et en Côte d'Ivoire, avant de diriger le « secteur Afrique Noire » de la DGSE à Paris. Jean-Pierre Augé vient de publier « Afrique Adieu », aux éditions Mareuil. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Jean-Pierre Augé, dans votre livre, vous racontez que vous avez été d'abord en poste au Niger comme officier de liaison. C'était dans les années 1990. Or, il se trouve que c'est sans doute le Niger qui a fait tomber Bernard Emié, le patron de la DGSE, à la fin de l'année dernière. Il semble en effet que le président français Emmanuel Macron lui ait reproché de ne pas avoir vu venir le putsch militaire du 26 juillet 2023 à Niamey. Est-ce que ce reproche vous paraît justifié ?Jean-Pierre Augé : Ce que je sais, c'est qu’il est très difficile de déterminer le jour d'un putsch. Les complots, les Africains qui se livrent à ce genre d'exercice, généralement, s'y prennent au dernier moment, ce qui explique que nombre de complots échouent. Parce que c'est toujours dans la précipitation. C'est pour ça que ça ne me paraît pas très justifié de dire, qu’ils n’ont pas prévu le complot. Quand quelque chose ne va pas, il faut bien trouver un coupable.Alors vous êtes d'abord en poste au Niger, puis au Tchad, toujours dans les années 1990. Et donc, en 1996, Idriss Déby est au pouvoir depuis 6 ans, il organise une élection présidentielle, sa première. Son directeur de cabinet, Timan Erdimi, vous informe sous le sceau de la confidence qu'il a gagné dès le premier tour et, à ce moment-là, vous appelez Paris. Qu'est ce qui se passe ?Oui, mon travail est d'informer aussitôt de la victoire du Président. Donc, je le fais. Et Paris m’invite à voir le Président et à lui dire que cette victoire de 60% risque de ne pas être très appréciée par toute la communauté internationale et notamment nos amis américains. Parce qu'il faut replacer cet événement. Les Américains ont soutenu Habré jusqu'au bout. Donc, 6 ans après, les Américains notamment avaient quand même des raisons de douter de l’exactitude des résultats. Donc, Paris propose un 2e tour. Pourquoi ? Parce que l'élection d’Idriss Déby, elle était inéluctable. En fait, c'était une façon de la présenter mieux, de dire : il a accepté un 2e tour.Donc vous appelez Paris et Paris vous demande d'aller voir le Président Déby et de lui dire quoi ?Il fallait trouver les mots. Idriss Déby n'est pas homme à se plier aux caprices ou aux injonctions. Donc, il m'a fallu trouver les mots et les mots, ils étaient simples. Autant être relativement bien vu par le maximum de pays, donc pourquoi pas ? Et après quelques secondes, de longues secondes de réflexion,Et de silenceOui, Idriss Déby a convenu de l'intérêt de cette formule.Et du coup, il organise un 2e tour qu’il emporte officiellement face à Abdelkader Kamougué. Mais quelques années plus tard, plusieurs hauts magistrats tchadiens reconnaissent que les résultats d'alors avaient été trafiqués. À votre avis, quels ont été les vrais résultats de cette présidentielle ?Je n'en ai aucune idée. Ce qui peut paraître surprenant effectivement, c'est que le Sud ne lui était pas acquis et le Sud est quand même important, au point de vue démographique. Si on ne s'en tient qu'aux seuls Zaghawas déjà divisés entre eux... Mais bon, c'est comme ça. L’Afrique a un lien avec la force. Moi, ce que je reconnais à Idriss Déby, c'est 30 ans de paix dans son pays, ce qui est quand même un bon résultat.Alors, autre pays africain où vous avez été en poste, la Côte d'Ivoire. Un putsch surprend la France, c'est celui de décembre 1999 contre le président Henri Konan Bédié. À l'époque, vous êtes justement chargé de mission à la présidence ivoirienne. Est ce que vous avez vu venir quelque chose ?Je n'ai pas vu venir le putsch. D’ailleurs, même le putschiste était un peu un putschiste malgré lui. Le général Robert Gueï, on est venu le chercher. En revanche, j'ai senti que le régime Bédié n’était quand même pas très solide. On va dire ça comme ça. Et j'ai envoyé des choses [à Paris] qui devaient peut-être un peu surprendre. Et je me suis rendu compte assez vite, donc, que ce Président Bédié, ce n’était pas Félix Houphouët-Boigny, voilà !  Alors, a-t-on tenu compte de mes mots ? Je le pense. Mais de là à dire que quelques soldats se mutineraient un jour pour être mieux payés et entraîneraient, avec eux, la chute de Bédié… Moi-même, j'ai appelé son directeur de cabinet pour lui dire d'être dur, répressif. Surtout pour ne pas laisser cette mutinerie se développer, parce que ce n’est jamais très bon. Il ne l'a pas fait et, le lendemain, il était par terre. Mais je vous dis, ces putschs et complots partent de pas grand-chose. Parfois, une étincelle, un mécontentement, et c'est parti.Certains y ont vu la main d'Alassane Ouattara ?Non. Alors ça, je me trompe peut-être, mais je ne le crois pas du tout. Parce que Alassane Ouattaraest trop intelligent pour confier à quelques zèbres le soin de… Ils seraient tombés sur un Président qui avait une poigne, un petit peu de poigne, ça ne serait pas allé bien loin. À lire aussiAlain Chouet (ex-DGSE): «Quand on a des choses secrètes à dire, on le dit sur des réseaux secrets»
7/5/202414 minutes, 53 seconds
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Fahiraman Rodrigue Koné: «La Cédéao a besoin de se réformer et s’adapter pour faire face à des crises»

Comment éviter la rupture avec les trois pays du Sahel central, le Mali, le Niger et le Burkina Faso ? C'est le principal enjeu du sommet des chefs d'État de la Cédéao, ce dimanche 7 juillet à Abuja. « Il faut repenser la gestion des coups d'État en Afrique de l'Ouest », dit justement un rapport qui vient de sortir. Il faut notamment réviser le régime de sanctions contre les auteurs de putschs, préconise ce document de l'ISS, l'Institut d'Études de Sécurité. Fahiraman Rodrigue Koné est le chef du projet Sahel à l'ISS. Il est l'un des sept auteurs de ce rapport. RFI : Fahiraman Rodrigue Koné, pourquoi dites-vous qu'il faut repenser la gestion des coups d'État en Afrique de l'Ouest ?Fahiraman Rodrigue Koné : Je pense que cette suggestion s'impose à la lumière de l'actualité. Nous constatons que la Cédéao en particulier a de la peine à pouvoir clairement agir sur ces transitions, alors qu'elle avait toute cette influence il y a quelques années. On constate clairement qu'elle semble ne pas réussir à mettre la pression sur les auteurs actuels des coups d'État dans la région. Et l'institution elle-même reconnaît qu'il y a besoin de pouvoir se réformer et s'adapter de sorte à pouvoir faire face à ces crises. Le 24 février passé, lors du sommet extraordinaire des chefs d'État de la Cédéao, le président en exercice, le Nigérian Bola Tinubu, a appelé à un réexamen de l'approche de l'organisation, de sorte à enrayer cette dynamique des coups d’Etat dans la région.Quelles sont, à votre avis, les raisons pour lesquelles la Cédéao n'a pas réussi à contrer efficacement la menace terroriste ces 12 dernières années dans 3 de ses pays membres ?Il faut dire que, dans cette phase de la lutte contre le terrorisme dans la région, il y a eu plusieurs forces ad hoc qui ont été mises en place et qui ont affaibli son leadership. On va se rappeler, par exemple, de la force multinationale mixte qui a été mise en place en 2014 pour lutter contre Boko Haram, en 2015 de la mise en place du G 5 Sahel et en 2017 de l'initiative d'Accra. Toutes ces forces ad hoc mises en place, même par les chefs d'État de la région ont donc créé des formes de rivalités institutionnelles et financières et ont porté atteinte au positionnement de la Cédéao dans la région. Ces forces ad hoc ont miné sa capacité à gérer cette crise sécuritaire là.À lire aussiCe que la Cédéao doit accepter pour un éventuel retour des pays de l’AESAlors dans votre rapport, vous écrivez que la Cédéao devrait réviser son régime de sanctions à l'égard des auteurs de coups d'État. Est-ce à dire Fahiraman Rodrigue Koné qu'il faudrait supprimer les sanctions ?Non, pas du tout. Les sanctions sont utiles et elles sont nécessaires. Il ne peut pas y avoir de règles sans sanctions, sinon les règles n'auront pas de sens. Donc, un régime de sanctions révisé inclurait des critères d'application plus clairs, tout en restant flexibles, et en veillant surtout, et ça c'est important, à réduire autant que possible les effets sur les citoyens innocents, de sorte à limiter un peu les effets nocifs. Il faudrait aussi adopter une posture plus systématisée et plus adaptée aux différents contextes. Aussi, on pense qu’il faut une possibilité dans la gradation des sanctions sur la base de critères objectifs. Et une clarification des déclencheurs des différents niveaux de sanctions pour que l'instrument soit beaucoup plus efficace.Voulez-vous dire que fermer les frontières avec le pays putschiste, comme cela a été fait avec le Mali en janvier 2022 et avec le Niger en août 2023, c'est une sanction trop lourde ?Ce sont des sanctions surtout sur lesquelles tous les acteurs n'étaient pas totalement d'accord et, ensuite, ces sanctions se sont appliquées dans un contexte particulier de pays qui sont frappés par une menace sécuritaire de longue date où les populations, déjà pauvres, sont très vulnérables. Donc des sanctions de ce type peuvent être contre-productives et, on l'a vu, elles l'ont été, dans la mesure où elles ont plutôt renforcé l'assise populaire des militaires, dans la mesure où ces derniers se sont basés sur ces mesures là pour accroître le sentiment patriotique et renforcer la posture souverainiste de l'État.Que répondez-vous à ceux qui pourraient vous reprocher d'être trop complaisants à l'égard des auteurs de coups d’État ?Il ne s'agit pas d'encourager des transitions militaires longues. Ni aussi d'encourager l'intrusion des militaires dans la sphère politique. Nous conseillons une approche beaucoup plus pragmatique dans un contexte qui a totalement changé, où les institutions régionales, notamment la Cédéao, ont du mal à appliquer l'organisation rapide des élections pour des transitions assez courtes. Et donc une approche plus pragmatique indiquerait comment on peut accompagner le contenu de ces transitions, en mettant l'accent sur la sécurité, l'éducation, la santé, de sorte à stabiliser, dans un long terme, ces États-là.Donc ce sommet de dimanche prochain à Abuja peut être l'occasion d'un début de refondation de la Cédéao ?Il faut une réforme à la fois des institutions, du modèle de fonctionnement de la Cédéao, mais également de ses instruments, notamment de son protocole pour la gouvernance, une révision du régime des sanctions, des modalités d'usage de la force. C'est une réflexion collective des chefs d'État qui doivent être également les porteurs de ce changement, en posant des actes qui vont dans le sens du respect des principes et des normes démocratiques de l'institution. À lire aussiLa Cédéao propose la mise en place d'une «force en attente» pour lutter contre le terrorisme
7/4/202412 minutes, 34 seconds
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Crise Bénin-Niger: «Avoir accepté de recevoir d'anciens présidents béninois est déjà de bon augure»

Va-t-on vers un apaisement entre le Niger et le Bénin ? Depuis bientôt cinq mois, le Niger refuse de rouvrir sa frontière avec le Bénin. Mais la semaine dernière, deux anciens chefs d'État du Bénin ont été accueillis au Niger par le chef du régime militaire, le général Tiani. Et aujourd'hui, on apprend qu'une délégation du Niger pourrait être bientôt reçue au Bénin par le président Talon. Le juriste Théodore Holo a été ministre béninois des Affaires étrangères. Il a présidé aussi la Cour constitutionnelle de Cotonou. En ligne du Bénin, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Comment expliquez-vous que le Niger ait accepté de rouvrir sa frontière avec le Nigeria et pas avec le Bénin ?Théodore Holo : Il y a de très bonnes relations entre les populations de part et d'autre des frontières au nord du Nigeria et au sud du Niger. Des anciens présidents du Nigeria sont allés aussi en médiation parce qu’ils ont dissuadé le président Bola Tinubu de mettre en œuvre la décision d'intervenir militairement au Niger. Cela a amené les dirigeants du Niger à penser que le Nigeria n'était pas leur ennemi et ne pouvait pas s'opposer aux Nigériens. Mais le Bénin est le maillon faible de la chaîne. Et il y a une sanction directe qui est le fait que le port de Cotonou rapporte également au Bénin beaucoup de ressources, à peu près 20 à 30% de ses ressources, grâce au transit des produits à destination du Niger. Je crois que nous sommes plus faibles que le Nigeria et on a voulu nous tirer davantage les oreilles. C'est comme ça qu'il faudrait le comprendre parce qu’il n’y a pas de raison, une fois que le Bénin a décidé d'ouvrir les frontières, que le Niger n'en fasse pas autant. Le Niger a évoqué des problèmes de sécurité, de présence de bases militaires qui constitueraient une menace pour la sécurité des nouveaux dirigeants de ce pays-frère.Oui, pour justifier cette frontière toujours fermée avec le Bénin, le Premier ministre du Niger a accusé le Bénin d'abriter « des bases militaires où l'on entraîne des terroristes qui doivent venir déstabiliser le Niger » …Je crois que cet argument, à mon avis, n'est pas fondé. En tout cas, je n'ai pas d’éléments concrets pour soutenir le point de vue du Premier ministre du Niger. C'est peut-être un argument pour justifier le maintien de la fermeture des frontières.Alors, vu la frontière fermée entre le Niger et le Bénin, une partie du trafic de marchandises en provenance ou à destination du Niger ne passe plus par le Bénin, mais par le Togo. Est-ce que, dès le mois d'août dernier, ce pays, le Togo, n'a pas adopté une attitude différente des autres pays de la Cédéao à l'égard du régime putschiste du Niger ?Le Togo n'a pas la même adhésion aux valeurs de la Cédéao. Je voudrais rappeler que le Togo fait partie des pays qui refusent la limitation du nombre de mandats des présidents de la République, souhaité par un projet de protocole au niveau de la Cédéao. [NDLR : depuis la révision constitutionnelle de 2019, ce n’est plus le cas]. Je voudrais rappeler que la Cédéao, en son temps, en 2005, avait également essayé de s'opposer à l'arrivée au pouvoir du président Faure Gnassingbé, ministre des Travaux publics, à la tête de l'État, alors qu'il était prévu dans la Constitution que ce soit le président de l'Assemblée nationale qui doive lui succéder.Fambaré Natchaba…Natchaba, qui était président de l'Assemblée nationale. Donc il y a cette frustration, certainement, qui explique cette attitude de complaisance vis-à-vis du Niger de la part du Togo.Est-ce que, derrière ce bras de fer actuel entre le Bénin et le Niger, il n'y a pas un autre bras de fer plus ancien historiquement entre le Bénin et le Togo ?Vous savez quenous avons toujours des difficultés avec le Togo, puisque vous savez qu’une ancienne ministre de la Justice, garde des sceaux du Bénin, Reckya Madougou, qui fut conseiller spécial du président Faure, est actuellement en détention pour avoir voulu être candidate à l'élection présidentielle.Au Bénin…Au Bénin, où elle a été condamnée pour terrorisme par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme. Et les interventions des présidents togolais, sénégalais, même ivoirien n'y ont rien fait. Il y a peut-être également cette frustration qui peut justifier ce coup que joue le Togo au Bénin, certainement.La semaine dernière, deux anciens présidents béninois, Nicéphore Soglo et Boni Yayi, ont été reçus à Niamey par le général Tiani, le numéro un du régime militaire nigérien. Cela est-il de bon augure à votre avis ?Qu'il ait accepté de recevoir d’anciens présidents de la République est déjà de bon augure. Que les anciens présidents de la République, à la différence de ce qu’ont fait les anciens présidents du Nigeria, n’aient pas exigé le retour au pouvoir de Bazoum, cela permet à mon avis de discuter, d'écouter les arguments des uns et des autres et de voir les concessions nécessaires qu'il est possible de faire pour retrouver la quiétude entre les deux États, puisque nous sommes condamnés à vivre ensemble. Et je crois que les anciens présidents Boni Yayi et Nicéphore Soglo ont rendu compte au président Talon des résultats de leur mission, et je crois savoir qu’il y aura une arrivée certainement d'une délégation du Niger, pour qu’au moins les voies de la négociation soient ouvertes et que les concessions nécessaires puissent être faites afin que les choses redeviennent normales.
7/3/20249 minutes, 20 seconds
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RDC: «La progression du M23 après la chute de Kanyabayonga a été très rapide»

En RDC, la ville de Kanyabayonga, considérée comme un verrou stratégique contrôlant l’accès au grand nord dans l’est du pays, notamment à Butembo, la plus grande ville du Nord-Kivu dans la région, ou encore à Beni, dans l’Ituri, est tombée aux mains du M23 soutenu par le Rwanda, samedi 29 juin, la veille de la commémoration du 64e anniversaire de l’indépendance de la RDC. Quelles conséquences, de quelle marge de manœuvre dispose le président congolais ? Pierre Boisselet coordonne les recherches sur la violence au Congo pour l'Institut Ebuteli, basé à Kinshasa et partenaire du Groupe d'études sur le Congo, de l'université de New York, répond aux questions de Esdras Ndikumana. RFI : Pierre Boisselet, est-ce qu’on peut parler d’un coup dur politique et stratégique pour le président de la RDC, Félix Tshisekedi, à la veille de la commémoration de l’indépendance du pays ? Pierre Boisselet : Je relativiserai peut-être un tout petit peu l'importance stratégique de Kanyabayonga. C'est vrai que c'est un nœud de communication, mais en fait ces routes-là étaient déjà très largement contrôlées par le M23. Donc, en soi, la chute de Kanyabayonga n'a pas forcément un impact très important sur la capacité à communiquer entre Goma et les villes du Grand Nord que vous avez cité.Butembo et Beni... Et sur le plan politique, qu’en est-il ? C'est vrai que ça a une importance politique et symbolique très grande, notamment parce que, en fait, ça faisait plusieurs semaines que les Forces armées de la RDC (FARDC) et les groupes armés qui leur sont alliés, dits « Wazalendo », essayaient d'empêcher en fait le M23 de la prendre, et c'est vrai que cette ville, c'était un peu le verrou qui empêchait le M23 de pénétrer sur le territoire de Lubero. Et ça, c'est important, entre autres raisons, parce que le M23 précédemment, et notamment dans la crise de 2012, 2013, n'avait jamais pénétré dans ce territoire.À ce propos justement, la chute de Kanyabayonga, « c'est comme une digue qui lâche », selon les mots d'un analyste congolais, qui a parlé d'une série de villes qui sont tombées comme un château de cartes dans la foulée. Et c'est aussi votre impression ? Oui, il y a plusieurs localités qui sont tombées très vite après. On peut citer notamment Kayna et Kirumba. Effectivement, la progression du M23 après la chute de Kanyabayonga a été très rapide.Alors, les FARDC sont accusées par une partie de la population d'avoir fui sans combattre et notamment à Kirumba justement, la plus grande agglomération de la région. Comment peut-on l'expliquer ? Alors, effectivement, on a des informations qui nous viennent du front aussi, qui vont dans ce sens. C'est dû aux faiblesses des FARDC, qu’il y a un manque d’encadrement, de gouvernance, d'équipements et d'organisation assez largement, et ce sont des choses qu'on avait déjà vues par le passé dans cette crise du M23. Il faut peut-être ajouter aussi, pour être juste, que dans cette crise, les FARDC font non seulement face au M23, mais aussi à l'armée rwandaise et dont on sait qu'elle est extrêmement bien organisée et extrêmement bien équipée. Les experts de l'ONU affirment que l'armée rwandaise est aussi nombreuse, sinon plus, que les troupes du M23 en RDC actuellement.Le nouveau développement militaire survient après des mois d'accalmie dans la région. Vous l'avez évoqué à propos de renforts rwandais, de soldats rwandais qui se trouvent dans le Nord-Kivu. C'est ce qui explique ce qui se passe aujourd'hui ? Ces renforts, dont les experts ont parlé, datent d'il y a plusieurs mois, vraisemblablement. Donc, cette explication seule n'explique pas forcément pourquoi il y a eu cette percée au niveau de Kanyabayonga. Mais ce qui me frappe, c'est que d'une part, on l'a dit, c'est arrivé à la veille de la fête nationale congolaise. Et je note aussi que c'est arrivé quelques jours après l'annonce du Médiateur de cette crise, le président angolais Lourenço, qui avait annoncé que les présidents congolais Tshisekedi et rwandais Kagame devaient se rencontrer prochainement. La Première ministre de la RDC, Judith Suminwa, a tout de suite dit qu'il n'était pas question de négocier avec les agresseurs. Voilà, on peut se poser la question s'il ne s'agit pas de renforcer encore la pression au niveau militaire pour contraindre le gouvernement congolais à négocier.La Première ministre, Judith Suminwa, a réaffirmé le refus de la RDC de négocier avec le Rwanda. La montée en puissance promise par le gouvernement n'a pas donné de fruits jusqu’ici. Est-ce qu’on peut parler d’une véritable impasse ? D’un côté, le M23 et le Rwanda semblent compter sur leur supériorité militaire et jugent qu’ils sont en capacité de contraindre le gouvernement congolais à des concessions. Et de l'autre, le gouvernement congolais se veut intransigeant, ce qui d'ailleurs correspond à la volonté de nombreux Congolais. Et donc, ça explique que ces négociations soient sans cesse repoussées et que dans l'intervalle, le conflit continue.Félix Tshisekedi a annoncé lors de son discours à la Nation qu'il a donnée des instructions claires et fermes pour la sauvegarde de l'intégrité territoriale du pays. Quelle est sa marge de manœuvre réellement ? On ne sait pas vraiment quelles sont ses instructions, donc c'est assez difficile de les commenter. Mais, effectivement, on a le sentiment que sa marge de manœuvre est assez réduite. En fait, le gouvernement congolais a joué beaucoup de cartes jusqu'à présent. Il a considérablement augmenté le budget de sa défense, il a recruté des sociétés militaires privées, il a décidé de s'appuyer sur les groupes armés locaux « Wazalendo ». Il a aussi sollicité l'intervention de pays de la région... Tout ceci a déjà eu lieu d'une certaine manière, sans qu'on voie d'avancées décisives jusqu'à maintenant au profit de l'armée congolaise. Et donc c'est assez difficile de voir quelles sont les cartes qui lui restent encore à jouer aujourd'hui.
7/2/202412 minutes, 17 seconds
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Marc Ona Essangui: «Les Français ont exprimé leur volonté de voir leur pays changer»

Le Rassemblement national est arrivé en tête des législatives anticipées en France. Marc Ona Essangui est une figure de la société civile gabonaise, également troisième vice-président du Sénat gabonais. Il se définit comme un grand observateur de la vie politique française. C'est donc avec intérêt qu'il a suivi le scrutin. Pour l'intellectuel gabonais, Jordan Bardella et le Rassemblement national ne pourront pas appliquer leur programme sur l'immigration : « Ce sont des discours populistes pour se faire élire ». Marc Ona Essangui est le Grand invité Afrique de RFI, il répond aux questions de Kaourou Magassa. RFI : Marc Ona Essangui, les résultats des élections législatives françaises donnent au niveau national la victoire du Rassemblement national. Ce parti d'extrême droite vise et est toujours en lice pour avoir une majorité absolue à l'Assemblée dans une semaine. Comment réagissez-vous ?Marc Ona Essangui : Les Français ont exprimé leur volonté de voir la France changer. C'est l'expression du peuple et c'est une expression souveraine. Je pense qu'on doit respecter cette expression. Si le Rassemblement national est aujourd’hui en tête des suffrages, cela voudrait tout simplement dire que les Français estiment que le Rassemblement national doit diriger la France.Et est-ce qu'il y a des craintes d'une victoire du Rassemblement national pour les Africains ?Je pense qu'il y a beaucoup de fantasmes sur cette histoire pour les Africains. La France appartient aux Français, ce sont les Français qui s'expriment. Maintenant, imaginons que Jordan Bardella soit Premier ministre, entre le discours politique et la réalité du pouvoir, je pense qu'il y a une différence à faire. Moi, Africain, je ne pense pas que nous soyons inquiets. Si on est inquiet en Afrique, est-ce que cela voudrait dire que les Français aussi devraient être inquiets quand ils sont ici ?Mais il y a eu malgré tout beaucoup de commentaires sur l'élection française sur le continent africain. Le programme du Rassemblement national vise à restreindre la migration dans le pays. Au vu des résultats du 30 juin et l'arrivée probable au pouvoir de l'extrême droite, n'y a-t-il pas des risques quand même pour les Africains ou pour les afro-descendants qui vivent en France ?Alors si vous suivez les campagnes électorales dans les différents pays en Afrique, le discours qui est porté sur l’immigration est un discours qu’on retrouve dans tous les peuples, c’est le populisme. Alors face à ce populisme, quelle est la réalité ? Les hommes politiques qui discourent ne sont pas toujours ceux qui mettent leurs discours en pratique. Je suis sûr qu'aujourd'hui, Bardella, à la tête du gouvernement français, ne pourra jamais appliquer ce qu'il a prononcé comme discours. Ce sont les discours populistes pour se faire élire.Mais selon vous, que va changer la reconfiguration politique en France qui s'annonce ? Quel impact cela pourrait-il avoir pour le continent africain sur le plan économique et politique ?Je pense que ce sont les relations de coopération entre la France et les pays africains qui vont s'imposer. Je suis gabonais, ce qui m'intéresse c'est la relation entre la France et le Gabon. Chaque pays définit la politique de coopération avec tous les partenaires internationaux. C'est valable pour la France, c'est valable pour la Chine, pour la Russie, pour les États-Unis. Je ne pense pas que nous soyons esclaves d'une certaine vision entre la France et l'Afrique, non, chaque pays va définir sa politique.Avec la perte probable de sa majorité, une cohabitation, est-ce selon vous la fin de la politique africaine d’Emmanuel Macron ? Emmanuel Macron, qui promettait d’ailleurs la rupture d’avec ses prédécesseurs, a-t-il selon vous réussi son pari ?C'est le même discours que François Hollande avait tenu, le même discours que Jacques Chirac avait tenu, mais on a vu exactement ce qui s'est passé. Je pense qu'il faudrait tout simplement que la vision de la France sur beaucoup de pays africains, il faudrait changer cette vision : la vision qui consiste à venir exploiter nos ressources tout simplement, sans pour autant assurer ce transfert de technologie. Il faudrait absolument que cette vision change. Il faudrait aussi que les Africains sachent que 60 ans plus tard, si nous ne sommes pas capables de mettre les moyens de créer des structures, des multinationales pour exploiter nous-mêmes nos ressources, et les mettre à la disposition de ceux qui en ont besoin, nous serons toujours dans cette situation.Vous avez des espoirs de changement des relations entre la France et les pays africains ?Tout dépend du rapport de force que les Africains vont mettre sur la balance, pas dans le populisme, mais dans les faits. Les Africains doivent prendre leurs responsabilités pour se débarrasser des facteurs de sous-développement. C'est ce débat qu'on doit avoir, pas le débat de bouc émissaire où d'accusation de tel ou tel qui voudrait appauvrir l'Afrique. Et ce qui est contradictoire dans le discours de certains Africains, c'est de penser que voilà, on va chasser la France, on va chasser le colon, et puis on va se jeter dans les bras de la Russie, de la Chine et autres. Mais on ne peut pas être aussi incohérent. Si nous voulons nous débarrasser de tout ce qui, pour beaucoup, est à l’origine de notre sous-développement, et bien il faut tenir un discours qui engage les Africains pour se développer. Parce que nous avons tout : nous avons la ressource naturelle, nous avons la ressource humaine, nous avons tout.
7/1/20244 minutes, 33 seconds
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Me Florian Mbayen: «Monsieur Eto'o nie toute implication dans l'organisation de matchs truqués»

Samuel Eto'o est-il impliqué dans l’organisation de matchs truqués au Cameroun ? L’accusation est grave, car il risque d’être suspendu à vie de toute activité liée au football. Ce mardi et ce mercredi au Caire, en Égypte, le président de la Fécafoot, la Fédération camerounaise de football, a plaidé non coupable devant le jury disciplinaire de la CAF, la Confédération africaine de football. Mais avec quels arguments s’est-il défendu ? Et pense-t-il être la victime d’un complot politique ? Maître Florian Mbayen, qui est un avocat camerounais du barreau de Paris, était aux côtés de Samuel Eto’o cette semaine au siège de la CAF. Ce matin, il témoigne sur RFI au micro de Christophe Boisbouvier.
6/29/202411 minutes, 10 seconds
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Neila Tazi: «Dans un monde divisé, à Essaouria, il y a cette envie de vivre ensemble, de respect»

Neila Tazi est la co-fondatrice du festival Gnaoua qui se tient ce week-end dans la ville mythique d’Essaouira au Maroc. C’est la 25ᵉ édition de cet évènement parti de rien, créé à une époque où la culture gnaoua était délaissée et qui est devenue une référence à l’échelle mondiale tant les artistes de renoms partagent les scènes lors de concerts gratuits. Ce festival qui est une fête populaire est aussi un cadre politique et diplomatique pour développer et la ville d’Essaouira et le Maroc. Neila Tazi est au micro de Guillaume Thibault. À lire aussiMaroc: les musiciens se préparent pour la 25e édition du festival Gnaoua et musiques du monde► Maroc : festival Gnaoua et musiques du monde 
6/28/20244 minutes, 40 seconds
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JO 2024: «Les athlètes africains doivent rester très concentrés et savoir gérer course après course»

Quelles sont les chances de médailles pour l'athlétisme africain aux Jeux olympiques du mois prochain à Paris ? On pensait qu'on y verrait plus clair à l'issue des Championnats d'Afrique d'athlétisme, qui viennent de se tenir à Douala, au Cameroun. Malheureusement, ces championnats ont été gâchés par une organisation défaillante. Alors, nous faisons le point ce matin avec la championne olympique camerounaise Françoise Mbango, qui a gagné deux médailles d'or au triple-saut, en 2004 et en 2008. Elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier. À lire aussiJO 2024: les athlètes africains «se sentent très bien, et nous avons de très grandes ambitions»À lire aussiAthlétisme: à Douala, les Championnats d'Afrique d'athlétisme déjà sous le feu des critiques
6/27/20249 minutes, 25 seconds
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Valérie Ka (Mode): «La créativité, faire de belles choses c'est bien, mais il faut savoir les vendre»

Et s'il y avait demain de grands créateurs africains de la mode et de grands designers, comme aujourd'hui Agnès B, Chanel ou Louis Vuitton ? C'est l'ambition de la top model ivoirienne Valérie Ka, qui a créé le concours Africa Fashion Up, dont les cinq lauréats vont présenter leurs collections, ce mercredi soir, lors d'un défilé de mode au musée du Quai Branly - Jacques Chirac, à Paris. Faire de belles choses, c'est bien. Savoir les vendre, c'est encore mieux. Cette semaine, les jeunes lauréats suivent donc un parcours initiatique dans la capitale de la mode. À lire aussiMannequinat: un métier d’avenir sur le continent?► Africa Fashion Up
6/26/20248 minutes, 15 seconds
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M. Fall Ould Bah: «La Mauritanie vit sans attaque terroriste depuis 2011, c’est un point positif pour le président»

En Mauritanie, sept candidats sont en lice pour la présidentielle de samedi prochain. Parmi eux, le président sortant, Mohamed Ould Ghazouani, au pouvoir depuis cinq ans. Quels sont les points forts et les points faibles de son bilan ? Quelles sont les chances de ses adversaires ? Y a-t-il un effet PASTEF à Nouakchott ? Éclairage avec l'anthropologue mauritanien Mohammed Fall Ould Bah qui dirige le CEROS, le Centre d'Études et de Recherches sur l'Ouest Saharien. En ligne de Nouakchott, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
6/25/20248 minutes, 14 seconds
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François Ndong Obiang (Gabon): «Nous devons sortir de la transition en ayant une élection apaisée»

Au Gabon, selon les textes en vigueur, un seul acteur de la transition aura le droit d’être candidat à la présidentielle de l’an prochain : c’est le chef de l’État, le général Oligui Nguema. Mais tout le monde n’est pas d’accord avec cette disposition de la Charte de la transition et du Dialogue national, qui exclut de fait les autres acteurs de la transition. François Ndong Obiang est le premier vice-président de l’Assemblée nationale. En ligne de Libreville, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier et s’exprime d’abord sur le projet de Constitution qui prévoit de supprimer le poste de Premier ministre.
6/24/202412 minutes, 18 seconds
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Sécession du Katanga: «Les responsables français ont apporté une aide essentiellement clandestine»

C'est un aspect méconnu de l'histoire de la sécession katangaise, dans le Congo du tout début des années 60. Pour renforcer l'influence française en Afrique centrale, plusieurs responsables du pouvoir français de l'époque ont souhaité accompagner, soutenir Moïse Tshombé qui cherchait à se détacher de la capitale, Léopoldville... Et ils l'ont fait au prix d'une véritable confrontation entre des mercenaires et les Nations unies. Cette histoire de transfert d'armes, de bras de fer diplomatique et d'espions est racontée dans un livre qui vient de sortir aux éditions Perrin : Katanga ! La guerre oubliée de la Françafrique contre l'ONU. Son auteur, Maurin Picard, est notre invité ce matin. Il répond à Laurent Correau.
6/22/20245 minutes, 43 seconds
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Mokgweetsi Masisi, président du Botswana: «Nous allons tout faire pour devenir des fabricants de vaccins»

Plus d'un milliard de dollars pour accélérer la production de vaccins sur le continent africain. C’est l’une des annonces faites le jeudi 20 juin lors du Forum mondial pour la souveraineté et l'innovation vaccinales, qui s’est tenu à Paris. Un sommet pour faciliter l’accès aux vaccins et à leur fabrication en Afrique. La question de l'inégalité de l'accès aux vaccins sur le continent africain a été mise en lumière par la pandémie de Covid-19. Aujourd’hui encore, le continent est confronté à une pénurie de vaccins contre le choléra. Parmi les présidents africains présents lors de ce sommet : celui du Sénégal, du Ghana, du Rwanda et du Botswana. Le président botswanais Mokgweetsi Masisi est notre invité ce matin. Il répond aux questions d’Alexandra Brangeon. RFI : Monsieur le Président, pourquoi cette question de fabrication locale de vaccin est importante pour le Botswana ?Mokgweetsi Masisi : C’est très important pour le Botswana de pouvoir accéder à des vaccins et de pouvoir les produire localement, parce que notre expérience avec la dernière pandémie de Covid a été très brutale. Notre pays a une économie sobre, frugale. Nous avions mis de l’argent de côté, en cas de besoin, et nous avons été obligés d'utiliser ces économies pour essayer de sauver notre population, en achetant des vaccins, tout en essayant d'en obtenir via l'organisation vaccinale Gavi. Nous avons payé, attendu, attendu encore et les gens sont morts. C’était un moment très difficile. Les pays producteurs, où les vaccins étaient manufacturés, ont sauté sur les vaccins, en en prenant parfois trois fois plus que ce dont ils avaient réellement besoin. Alors que nous – qui avions payé pour ces vaccins – nous regardions nos citoyens tomber comme des mouches. Nous avons alors décidé que, quoi qu’il arrive, nous allions tout faire pour devenir des fabricants de vaccin, responsables et éthiques... Pas seulement pour nous même, mais une consommation globale. Car jamais, jamais, nous n’aurons une politique comme celle adoptée par les fabricants de vaccins à l’époque.De quoi avez-vous besoin aujourd'hui pour y arriver ?Nous avons besoin de technologie, de finance, de capital intellectuel. Nous devons discuter de partenariat, d’assistance. C'est pour cela que je suis ici, en France, pour demander de l’aide et rencontrer des gens qui souhaitent la même chose.Avez-vous eu des discussions avec la France pour obtenir des financements et trouver des financements ? Vous savez, l’argent n’est pas le principal obstacle. Là où il y a une volonté et un projet solide, les financements suivent. L’obstacle principal est d'obtenir l’accord de ceux qui ont la technologie, les brevets. Nous ne demandons que ces brevets soient levés, nous demandons des partenariats. Mais au-delà de tout cela, nous voulons pouvoir construire nos propres capacités de production.Alors parlons de diamants : votre le pays en est le premier producteur africain. Récemment, avec l’Angola et la Namibie, vous avez écrit aux leaders du G7 pour protester contre une de leurs décisions, qui vous oblige à envoyer vos diamants – exportés dans ces pays du G7 – en Belgique pour y être certifiés. Une mesure imposée par ces leaders du G7 pour limiter l'importation de diamants russes, qu'ils estiment financer le conflit en Ukraine. Est-ce une mauvaise mesure ?C’est une décision scandaleuse, car nous n’avons pas été consultés et c'est une attaque envers notre souveraineté. Aussi louable soit la raison derrière cette décision, elle se fait au détriment de notre développement. Elle fait du mal à notre économie. Et nous ne pouvons prendre le risque qu'elle ait un impact sur l'emploi dans notre pays, sur le financement de nos systèmes de santé, d’éducation, d’infrastructure. Toute notre économie est affectée par cette décision. Je suis certain que ce n’était pas leur intention, mais cette décision fait du mal à des économies comme la nôtre, et nous sommes extrêmement dépendants de notre production de diamants.Parlons d'environnement : vous avez environ 130 000 éléphants sur votre territoire. Et récemment vous vous êtes énervé contre l’Allemagne qui critiquait votre politique de chasse aux trophées. Vous avez même menacé Berlin de leur envoyer 20 000 éléphants. Pourquoi ?Une fois de plus, je voudrais plaider auprès de nos amis européens, qu’ils prennent le temps de nous parler, de comprendre nos préoccupations. Mais, surtout, plus que tout, j’aimerais qu'ils acceptent une fois pour toute que nous sommes un pays indépendant et souverain, responsable de la façon dont nous gérons nos ressources, notre environnement. Le Botswana a le nombre le plus élevé d’éléphants au monde : nous sommes leaders dans la conservation de la faune et de la flore, y compris des espèces sauvages. Nous avons mis de côté un pourcentage conséquent de notre territoire pour la protection des espèces sauvages. Nous faisons bien plus en termes de conservation que certains pays qui, de façon condescendante, prétendent savoir mieux que nous ce qui est bon pour nous. Je vous le demande : que sont devenus vos éléphants en Europe ? Et je propose de vous en donner 20 000. Même 25 000, cette fois-ci !Mais la critique des Allemands était sur l’utilisation de la chasse, que vous avez légalisé il y a quelques années comme moyen de gérer cette population d'éléphants…La chasse n'est qu'un aspect de notre politique de conservation, tout comme le tourisme photos, et un certain nombre d'autres mesures. Cette chasse aux éléphants est encadrée, elle est légale, régulée, quantifiée, calculée dans le temps, tout en prenant compte du comportement des espèces.Parlons de politique, maintenant : le Botswana organise des élections générales dans quelques mois. Vous êtes candidat à votre succession. On assiste ces dernières années à une tendance, qui est de vouloir modifier la Constitution pour rester au pouvoir. Qu’est-ce que vous en pensez ?Je suis horrifié par cela. Et je suis impatient que mes deux mandats prennent fin. Après cela, je m'en irai.Vous ne chercherez pas à rester ?  Non je ne resterai pas et je n’essaierai pas non plus de revenir plus tard. Car la Constitution du Botswana est très claire : un leader qui a déjà servi son pays deux fois ne doit et ne peut pas se représenter.
6/21/20245 minutes, 7 seconds
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Marie-Ange Saraka-Yao (Gavi): «La souveraineté vaccinale des Africains commence aujourd'hui»

La levée de plus d'un milliard de dollars pour accélérer la production de vaccins en Afrique... c'est l'enjeu du forum mondial qui se tient le jeudi 20 juin 2024 à Paris, en présence des chefs d'État de France, du Sénégal, du Ghana, du Rwanda et du Botswana. À l'heure actuelle, l'Afrique ne produit que 1% des vaccins qu'elle utilise. Les investisseurs qui veulent se lancer sont donc devant un marché immense. Mais comment les accompagner ? Marie-Ange Saraka-Yao est, au sein de l'alliance Gavi pour les vaccins, la directrice générale pour la mobilisation des ressources et la croissance ; elle explique la stratégie des cinq années à venir. RFI : Quelle est la stratégie pour les cinq ans à venir que vous allez dévoiler ce jeudi au Forum ?Marie-Ange Saraka-Yao : Alors, cette stratégie consiste principalement à montrer comment on peut accélérer l'accès aux vaccins sur les cinq prochaines années. Et elle se résume ainsi : vacciner plus d'enfants le plus rapidement possible. Gavi, l'Alliance du vaccin pour laquelle je travaille, au cours des 20 premières années de son existence a aidé à immuniser un milliard d'enfants et protéger 17 millions de vies… Et là en fait, il s'agit vraiment d'accélérer la mise à disposition de nouveaux vaccins, en particulier le vaccin contre le paludisme.Donc vous voulez vacciner deux fois plus d'enfants par an dans les cinq ans qui viennent, c’est ça ?Oui, et avec plus de vaccins en leur donnant toutes les couvertures possibles. Par exemple, laissez-moi vous parler du vaccin contre le cancer de l'utérus. Le cancer de l'utérus est en fait en ce moment la principale cause de mortalité des jeunes femmes en Afrique. Et on a ce vaccin incroyable qui permet d'éliminer 90% des cas.Pendant la pandémie du Covid-19, il y avait beaucoup de vaccins au nord et très peu de vaccinés au sud. Quelle leçon vous en avez tiré pour les années à venir ?Alors cette stratégie justement met en place un instrument financier qui s'appelle l'accélérateur de production africaine de vaccins, pour justement toucher ce problème de la distribution mieux répartie des vaccins dans le monde. Et cet instrument financier va permettre d'encourager la production locale de vaccins et surtout les vaccins dont on a le plus besoin. Par exemple, sur le continent africain, j'ai parlé du paludisme mais il y a aussi le choléra où, en ce moment, il y a beaucoup d'épidémies, la fièvre jaune, Ebola par exemple. Et donc dans le cas de cette stratégie, cet accélérateur africain de production de vaccins va encourager la production locale. Et on espère aujourd'hui avoir plusieurs annonces.Oui, parce que ce jeudi sont à Paris le président du Sénégal, le président du Ghana, le président du Rwanda, celui du Botswana. J'imagine que ces pays vont annoncer quelque chose ?Ces pays, en fait, viennent pour justement sceller ce partenariat, donc très prometteur, qui va vraiment permettre une nouvelle façon de collaborer, si je puis dire, en permettant d'avoir une meilleure distribution de vaccins. Eux-mêmes, évidemment, sont très preneurs de ces vaccins dans leur propre pays et cela va montrer aussi l'importance des questions de santé mondiale.L'enjeu pour ces pays africains, c'est de monter une industrie du vaccin dans leur propre pays, c'est ça ?C'est monter une industrie pour la région très rapidement. C'est un continent qui croit et qui a besoin de différents types de vaccins.Un continent qui produit très peu de vaccins aujourd'hui…Exactement, mais il y a cette opportunité…Quel pourcentage ?1%.99% des vaccins utilisés en Afrique ne viennent pas d'Afrique ?Pas d'Afrique en ce moment, ils viennent du monde entier. Mais ce qui est important, c'est qu'il y a une couverture vaccinale quand même qui justement, grâce à tous nos efforts, j'ai parlé d’un milliard d'enfants vaccinés, qui monte. Maintenant, c'est vraiment avoir ce meilleur équilibre et des vaccins aussi qui répondent plus particulièrement aux priorités régionales. Alors l'accélérateur africain de production de vaccins va permettre de répondre à l'appel de l'Union africaine qui copréside le forum, pour produire 800 millions de doses de vaccin. Et les vaccins donc les plus en demande sur le continent.Un milliard de dollars, promettent les bailleurs de fonds aujourd'hui. Un milliard pour quoi ?Alors un milliard, c'est pour capitaliser cet instrument financier, l'accélérateur africain pour la production de vaccins, puisque c'est un instrument qui va encourager les producteurs locaux et le producteur local pourra avoir accès à une aide lorsqu'il atteint un certain niveau d'efficacité et lorsqu'il gagne les appels d’offres.Il y a des élections importantes en France dans quelques jours et aux États-Unis dans 4 mois, est-ce que vous ne craignez pas que les futurs gouvernants ne tiennent pas les promesses qui vont être faites aujourd'hui ?Nous avons eu l'occasion de travailler avec différentes administrations bipartisanes, que ce soit aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, pour ne citer que quelques-uns, et cette question de santé mondiale est toujours restée fondamentale.Il n'y a pas eu de différence entre Barack Obama et Donald Trump ?Toutes ces administrations ont vraiment gardé ces préoccupations au cœur de leur politique.Il n'y a pas eu un manque à gagner entre 2016 et 2020 ?[Rires] En fait, vraiment, il y a eu un effort de solidarité incroyable. Nous avons continué à avoir un accroissement de nos ressources sous toutes les différentes administrations.Américaines…Dans le monde entier, et en particulier aux États-Unis.
6/20/202413 minutes, 42 seconds
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Visite du président sénégalais à Paris: «Une première rencontre avec Emmanuel Macron dans un contexte assez particulier»

Le nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye est attendu ce mercredi soir à Paris et déjeunera demain jeudi à l'Elysée avec son homologue français Emmanuel Macron. Il s'agit de sa première visite en France depuis son élection. Il y a un mois, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a été virulent contre le chef d'Etat français. Cette charge verbale va-t-elle laisser des traces ? Décryptage avec Pape Ibrahima Kane, expert des questions régionales africaines, en ligne de Dakar. RFI : Pour sa première visite hors du continent, le président Diomaye Faye choisit la France, est-ce que c'est un signe politique ou le fruit du hasard de ce Forum mondial sur la souveraineté vaccinale ?Pape Ibrahim Kane : C'est à la fois le fruit du hasard, mais je pense qu'il était nécessaire, vu l'histoire des relations entre le Sénégal et la France, qu’Emmanuel Macron soit le premier président occidental que le président Diomaye Faye rencontre, parce qu'ils ont quand même beaucoup de choses à se dire.Les deux hommes se sont parlé au téléphone, juste après l'élection de Bassirou Diomaye Faye. La conversation a duré assez longtemps, je crois. Mais là, ce sera la première rencontre physique. Oui, une première rencontre physique, mais qui se passe dans un contexte assez particulier. Le président Macron, au plan national, traverse quelques difficultés politiques. Et du côté sénégalais, le président Diomaye Faye rend visite au président français à un moment où la situation économique du Sénégal n'est quand même pas du tout bonne.Alors avant de bâtir une nouvelle relation, il faut purger le passé. Le 16 mai, le Premier ministre Ousmane Sonko a eu des mots durs contre Emmanuel Macron. Il lui a reproché d'avoir fait le jeu du régime répressif de Macky Sall, entre 2021 et 2024.Alors je pense que cela doit servir de leçon à tous les dirigeants occidentaux pour que, lorsqu’il y a une opposition, surtout une opposition républicaine, pour qu'on la considère comme étant un parti politique qui pourrait éventuellement prendre le pouvoir et donc la traiter avec déférence. Et ça, par le passé, ça n’a pas été le cas. Et donc, ça a créé inutilement des frictions, des attitudes d'hostilité qui ne doivent pas vraiment exister entre dirigeants occidentaux et partis politiques en Afrique.Mais cette charge d'Ousmane Sonko contre Emmanuel Macron il y a un mois, est-ce que ça veut dire que les relations vont être compliquées à présent ?Non pas du tout. Parce que Sonko, il est dans son rôle, il est dirigeant d'un parti politique, il a souffert dans sa chair. Cet ostracisme-là, il l’exprime. Mais, quand il s'agit de rapports entre le Sénégal et la France, celui qui est aux manettes, c'est le président Diomaye Faye. Et vous avez vu que dans sa posture, dans son comportement jusqu'à présent, il a vraiment pris soin d'avoir une attitude assez déférente par rapport à tous les dirigeants qu'il a rencontrés. Et aussi, c'est quelqu'un qui ne parle pas trop, et ça, c'est une très très bonne chose en diplomatie. Je pense que la rencontre, qui va avoir lieu demain, sera une rencontre où on va discuter de manière très sereine des rapports entre le Sénégal et la France, qui sont des rapports très importants pour la France, parce que c'est le 2e pays africain, en dehors de la Côte d'Ivoire, avec qui la France a vraiment des relations très solides. Mais en outre, le Sénégal a aussi beaucoup, beaucoup de choses à faire valoir. Il y a cette volonté des dirigeants sénégalais de reprendre de fond en comble les relations. Mais pour que cela puisse se faire, il faut bien qu'on discute. Il faut bien qu'on s'entende sur la méthode et qu'on s'entende aussi sur les objectifs à atteindre.Cette attaque verbale d'Ousmane Sonko contre Emmanuel Macron il y a un mois, est-ce que ce n'est pas aussi une façon pour le Premier ministre sénégalais de dire à son compagnon politique Diomaye Faye que les affaires étrangères ne relèvent pas seulement du président de la République ?Non, pas du tout. Vous savez, même ici au Sénégal, il y a beaucoup, beaucoup de supputations autour de la posture que Sonko est en train de prendre. Il reçoit des ambassadeurs, il s'intéresse à ceci et cela. Je pense qu'il faut savoir garder raison et comprendre que, en matière de diplomatie… et Sonko d'ailleurs, une fois, l'a reconnu publiquement, en disant que la défense, les affaires étrangères, c'est du domaine du président de la République. Et donc il faut comprendre que lui, il est un politicien, il est dirigeant d'un parti politique, il a beaucoup plus de liberté que le président de la République qui s'occupe des affaires de l'État, et donc qui a en main les destinées du Sénégal, les rapports entre le Sénégal et l'extérieur. Et donc peut être que les responsabilités ne sont pas les mêmes, ce qui explique les attitudes des uns et des autres.Le Pastef de Bassirou Diomaye Faye et la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon sont des alliés politiques, on l'a vu il y a un mois à Dakar. Est-ce qu'aujourd'hui le Pastef ne soutient pas naturellement le Nouveau Front populaire qui fait campagne en France ? Est-ce que cela ne risque pas de gâter un petit peu le déjeuner de ce jeudi à l'Élysée entre Emmanuel Macron et Diomaye Faye ?Non, pas du tout !  Aussi bien Diomaye Faye que Macron, j’imagine, ont quand même à l'esprit que ce sont des dirigeants d'État, que la vie politique intérieure de chacun des pays relève de chacun de ses dirigeants et que, quand ils se rencontrent en tant que chefs d'État, ils doivent parler des questions qui engagent le futur des rapports entre les États.Parmi les sujets qui divisent, il y a la base militaire française de Dakar avec ses 350 soldats. « La souveraineté du Sénégal est incompatible avec la présence durable de bases militaires étrangères », a encore dit Ousmane Sonko il y a un mois. Est ce qu'on va vers une fermeture de cette base ?Je pense qu’un État revendique une certaine façon de tisser des rapports avec l'extérieur. Surtout ces jeunes qui veulent montrer que l'Afrique est maintenant décomplexée par rapport aux anciennes puissances coloniales. La question des bases militaires, pour moi, est une question symbolique. On ne peut pas dire qu'on est souverain et garder sur son territoire ces bases militaires dont on n'a aucun contrôle. Parce que si la France décide par exemple d'intervenir au Mali et a des forces qui sont établies au Sénégal et qui doivent y participer, le Sénégal n’y peut absolument rien, parce que le Sénégal ne contrôle pas ces forces-là. Donc un des éléments de souveraineté, c'est effectivement de n'avoir sur son territoire que des forces que le pays accepte et que le pays peut contrôler. Cette question des bases militaires, de mon point de vue, n'est pas aussi fondamentale qu'on le pense. Et je pense que, si la question est posée par le président Diomaye Faye, je ne vois pas comment le président français pourrait s'y opposer. D'autant plus que la France elle-même réfléchit à se redéployer d'une autre manière avec tous les problèmes qu'elle a rencontrés ces dernières années dans le Sahel. Et donc cela va juste aider à prendre les bonnes décisions politiques.Donc, vous pensez que la prochaine visite à Dakar de Jean-Marie Bockel, l'émissaire d'Emmanuel Macron, ce sera pour annoncer la future fermeture de la base française ?Cela dépend s'ils s'entendent demain pour que la procédure s'accélère. Parce que la fermeture d'une base n'est pas aussi simple que cela. Vous avez vu au Niger, la décision a été prise de fermer les bases américaines. Mais ça prend encore du temps parce qu'il y a de la logistique. Ces bases-là sont aussi équipées de beaucoup, beaucoup d'instruments que les Français ne souhaiteraient pas laisser ici au Sénégal. Donc tout cela, ça se négocie, le timing se négocie. Et en principe aussi, comment rétrocéder formellement ces bases au Sénégal ? Parce qu'il ne s'agit pas seulement des deux bases de Dakar, la base de Ouakam et la base navale du port. Il y a aussi une présence française dans la région de Thiès, donc il y a tous ces éléments à régler, ce n'est pas aussi simple, ça demande effectivement beaucoup de discussions et je suis persuadé que, comme les militaires sénégalais et les militaires français se connaissent très bien, ça ne va pas être un sujet de friction. Au contraire, ils vont faciliter la rétrocession de ces bases là au Sénégal.D'ici quelques mois ou au plus tard d'ici un an ?Certainement, parce que vous savez actuellement, le président Diomaye Faye, et c'est là également un de ses points forts, ne précipite rien, sachant qu’il est novice dans ce nouveau poste, il prend son temps. Il essaie de consulter, de discuter et de voir dans quelle mesure chaque acte posé est un acte qui va dans le sens des intérêts du Sénégal. Donc le président de la République du Sénégal jusqu'à présent montre une attitude vraiment mesurée, le Sénégal étant un État qui a quand même des relations diplomatiques avec plus de 120 pays dans le monde. Donc c'est vraiment une responsabilité qu'il prend très au sérieux.Autre sujet clivant, le franc CFA, le Sénégal d'aujourd'hui veut-il le réformer ou le supprimer ?Je pense que le Sénégal est dans une démarche de réforme, mais de réforme dans le cadre de la CEDEAO. Le Président Diomaye Faye, il est dans la démarche de la CEDEAO qui consiste à créer une monnaie commune aux États africains. Alors il dit que, si cette démarche-là dure plus longtemps que prévu ou qu'elle est impossible à se réaliser, le Sénégal va revoir sa position et éventuellement trouver une autre démarche. La question du CFA, je pense que c'est un peu lié à la situation économique de nos pays. La monnaie est un instrument de développement. La monnaie est un moyen par lequel les États peuvent vraiment gérer leur économie et autres. Et là pendant plus de 60 ans, l'économie pratiquement des 8 pays de l'UEMOA était entre les mains de la France, entre les mains de l'UE. Et donc ça devient tellement difficile qu'il est nécessaire de réfléchir sur une autre façon de gérer les monnaies africaines. Et les petites monnaies ont aussi montré leur insuffisance. Prenez l'Afrique de l'Est et l'Afrique australe, des pays qui ont de petites monnaies. Certains s'en tirent, mais avec énormément de difficultés. Toutes ces choses-là font que la démarche sénégalaise est une démarche assez prudente, allant dans le sens de la CEDEAO. Et cela, je pense que c'est un élément essentiel de cette souveraineté que le Sénégal et d'autres pays revendiquent.Le mois dernier, Bassirou Diomaye Faye a été reçu à Bamako et à Ouagadougou par deux des régimes putschistes du Sahel. Est-ce que vous pensez que Bassirou Diomaye et Emmanuel Macron vont parler justement des questions du Sahel ce jeudi à l'Élysée ?Nécessairement, parce que, dans la sous-région, tout le monde fait confiance maintenant au Sénégal pour qu'il joue un rôle important dans le retour des pays de l'AES, l’Alliance des Etats du Sahel à la maison, c'est-à-dire dans le cadre de la CEDEAO. Et il se trouve que Diomaye Faye a tissé de bonnes relations aussi bien avec le président du Mali que le président du Burkina. Tout cela permet aussi pour lui d'avoir le point de vue français sur cette situation. Le point de vue français sur comment on en est arrivé là, pour que la France soit totalement exclue de cette partie du continent. Et quand il aura tous ces éléments en main, ça permettra aussi au président sénégalais de voir comment envisager les discussions futures avec tous ces dirigeants-là. Parce que, qu'on le veuille ou pas, la question de la CEDEAO est aussi une question vitale pour le Sénégal. Il n'est pas possible de se développer dans de petits pays. Il n'est pas possible de se développer en dehors du cadre de la CEDEAO. Et donc tous les deux ont intérêt à ce que ces questions-là soient résolues de la meilleure des façons. Et que, même s'il y a rupture avec la France, que cette rupture quand même laisse la place à des relations renouvelées, des relations qui permettent et aux uns et aux autres de défendre leurs intérêts.Bassirou Diomaye Faye peut-il faire passer des messages entre Bamako et Paris, dans un sens comme dans l'autre ?Jene pense pas qu'il soit dans cette posture de faire passer des messages. Je pense que les relations entre la France et le Mali sont tellement complexes que ça dépasse les compétences d'un pays comme le Sénégal.À lire aussiPape Ibrahima Kane: «Je ne suis pas sûr que la sortie du Sénégal du franc CFA sera rapide»
6/19/202410 minutes, 56 seconds
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Bakary Sambe: Au Sénégal, «Il y a une nette prise de distance des jeunes vis-à-vis du discours religieux classique»

« Place et rôle des acteurs religieux dans le jeu électoral au Sénégal » : c’est le titre de la dernière étude produite par le Timbuktu Institute. Dans un pays où l’influence des leaders religieux, particulièrement des confréries soufies tidiane et mouride, est importante notamment lors des crises sociales, cette étude montre que les nouvelles générations d’électeurs, si elles respectent les religieux, cherchent également à gagner en indépendance et faire leurs propres choix. Les confréries sont donc directement confrontées à la mondialisation, à l’influence et à la puissance des réseaux sociaux. Le Dr. Bakary Sambe, directeur régional du Timbuktu Institute, est notre invité. À lire aussiSénégal: des confréries religieuses alertent sur les entorses au vivre ensemble À lire aussiSénégal: au Grand Magal, le chef de la confrérie mouride livre un discours très politique
6/18/20244 minutes, 34 seconds
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Alain-Richard Donwahi: «Nous militons pour une synergie des COP climat, biodiversité et désertification»

À l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre la désertification et la sécheresse ce lundi 17 juin, RFI reçoit Alain-Richard Donwahi, président de la dernière COP consacrée à la désertification, en 2022, à Abidjan en Côte d'Ivoire. Si la dégradation des sols est un problème à l’échelle mondiale (41 % des terres dégradées), elle est particulièrement inquiétante sur le continent africain où plus de 45 % des terres ne sont plus productives. Un phénomène amplifié par le réchauffement climatique et les activités humaines avec de graves répercussions sur la sécurité alimentaire et l’appauvrissement des populations. Deux ans après la COP 15 d'Abidjan et six mois avant la COP 16 qui aura lieu en décembre prochain en Arabie saoudite, Alain Richard Donwahi fait le bilan des avancées et des actions qui restent à mener. À lire aussiCOP15: un accord historique sur la biodiversité adopté à Montréal
6/17/20249 minutes, 31 seconds
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E. Ewoulé Lobé (Cameroun): «Les espaces que l'État laisse aux communautés autochtones sont limités»

Ils sont les peuples autochtones. On les connaît aussi sous le nom de Pygmées. En Afrique centrale, ce sont les gardiens de l’immense forêt du bassin du Congo. Mais aujourd’hui, ils font face à deux problèmes majeurs, la déforestation et la création d’aires protégées, auxquelles ils n’ont plus accès. Au Cameroun, Estelle Ewoulé Lobé se mobilise en leur faveur. Pour cela, elle a créé l’APADIME, l’Action pour la protection en Afrique des déplacés internes et des migrants environnementaux. De passage en France, où elle a été lauréate l’an dernier de l’initiative Marianne, elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier. À lire aussiCameroun : les Pygmées, une culture en danger► alliance-préservation-forets.orgÀ lire aussiRDC: la loi instaurant la discrimination positive en faveur des Pygmées promulguée
6/15/202411 minutes, 16 seconds
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Violences sexuelles: «Lorsque vous détruisez les enfants, vous détruisez aussi le futur du pays»

Le gynécologue congolais Denis Mukwege, prix Nobel de la paix en 2018, est notre Grand invité Afrique ce matin. Il était la semaine dernière à Angers, dans l'ouest de la France, pour un congrès portant sur les violences sexuelles contre les enfants dans les zones de conflit. Un constat alarmant est ressorti de ce colloque : dans les zones en guerre, les violations graves contre les enfants, qui incluent les violences sexuelles, ne cessent d'augmenter. Denis Mukwege répond aux questions de Guilhem Fabry.
6/14/20249 minutes, 42 seconds
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Filippo Grandi (HCR): «Il faut continuer à soutenir le pacte européen sur la migration et l'asile»

Après le séisme politique du dimanche 9 juin 2024 en Europe, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, réagit. Et c'est sur RFI. En effet, le mois dernier, le patron du HCR, l'italien Filippo Grandi, a publiquement soutenu l'adoption par l'Union européenne d'un pacte sur la migration et l'asile. Mais aujourd'hui, il est inquiet pour l'avenir de celui-ci. Le Haut Commissaire de l'ONU s'exprime à l'occasion de la sortie, ce jeudi matin, du rapport annuel du HCR. En ligne de Genève, Filippo Grandi évoque d'abord, au micro de Christophe Boisbouvier, les très graves crises du Soudan et de la République démocratique du Congo (RDC).
6/13/202410 minutes, 39 seconds
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Bah Oury: «On va tout faire pour que la Guinée évolue dans une dynamique de dialogue»

C'est la première réaction d'un homme d'État africain à la poussée de l'extrême droite aux élections de dimanche dernier en Europe et en France. Et c'est sur RFI. Le Premier ministre guinéen est notre invité ce matin. Il s'exprime aussi sur le calendrier du retour à l'ordre constitutionnel dans son pays, et sur ses relations avec le président de la transition, le général Mamadi Doumbouya. Que pense-t-il du score du Rassemblement national en France ? Est-il prêt demain à rencontrer un Premier ministre issu de ce parti ? En ligne de Conakry, le Premier ministre Bah Oury répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
6/12/202423 minutes, 20 seconds
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Gabon: Albert Ondo Ossa demande un «retour à l'ordre constitutionnel ou des élections tout de suite»

Dix mois après le coup d'État, Albert Ondo Ossa demande qu'on publie les vrais résultats de l'élection présidentielle d'août 2023. Après un scrutin entaché de manquements, les autorités avaient proclamé le président Ali Bongo vainqueur, entraînant un coup d'État militaire et sa chute. Beaucoup estiment qu'Albert Ondo Ossa serait le véritable vainqueur de l'élection. Le professeur d'économie ne s'était pas exprimé depuis septembre dernier, même s'il a participé à une conférence de presse collective la semaine dernière. Il dénonce ce qu'il considère comme des dérives autoritaires de la transition en cours qui doit s'achever en août 2024.
6/11/202411 minutes, 15 seconds
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Dissolution de l'Assemblée en France: «Ça changera les rapports avec l'Afrique», estime Moussa Diaw

Coup de tonnerre en France. Après la percée de l'extrême droite aux élections européennes, le président Emmanuel Macron a décidé, dimanche soir, de dissoudre l'Assemblée nationale. Il y aura donc des élections législatives le 30 juin. Réaction à chaud d'un universitaire africain. Moussa Diaw est professeur émérite en sciences politiques à l'université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal. En ligne de la métropole du nord du Sénégal, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Moussa Diaw, après cette percée de l'extrême-droite en France et cette dissolution, quelle est votre réaction ?Moussa Diaw : Ma réaction, c'est de considérer qu'il y a un événement majeur, un événement politique majeur qui va bouleverser la configuration politique en France et qui aura également un impact considérable dans les rapports entre la France et l'Afrique.Est-ce qu'à vos yeux Emmanuel Macron a eu raison ou pas de dissoudre ?À mon avis, il n’était pas obligé de dissoudre parce que ce sont des élections européennes. Mais là, cette décision, c'est un aveu d'échec. Il aurait pu résister autrement, considérer cette élection-là comme un avertissement par rapport à sa politique et essayer de redresser la barre. Mais le fait de dissoudre, c'est vraiment confirmer et accepter la percée de l'extrême-droite.Et si demain le Rassemblement national gagne les législatives et si Marine Le Pen ou Jordan Bardella devient Premier ministre, qu'est ce qui va changer à vos yeux dans la politique africaine de la France ?Tout va changer, il va y avoir d'abord une cohabitation et ça changera les rapports avec l'Afrique, dans le sens où il y aura beaucoup plus de respect de la souveraineté des États africains, il y aura moins d'interférence dans les politiques intérieures africaines. Et certaines revendications d'ailleurs, qui sont maintenant posées par un certain nombre d'Africains par rapport à la souveraineté, vont avoir un écho favorable. Et en même temps le Rassemblement national, je ne crois pas que ça soit un parti politique comme les autres, parce que son idéologie est basée sur un discours de haine, un discours radical avec un certain nombre de lois qui limitent l'immigration, parce qu’on parle de tolérance zéro au niveau de l'immigration, donc tout cela constitue des formes de discorde entre cette conception de la politique et une ouverture de la France dans travers le monde. « Nous sommes prêts à exercer le pouvoir si les Français nous font confiance. Nous sommes prêts à redresser le pays et à mettre fin à cette immigration de masse », déclarait Marine Le Pen le 9 juin 2024.Oui, ça veut dire qu'elle n'a pas changé, ça veut dire qu’elle tient à durcir les lois sur l'immigration et en même temps, ça peut constituer un obstacle quant à ses relations avec certains pays qui ont une immigration, une diaspora en France.Est-ce que ça peut compliquer les relations avec le Sénégal ?Oui, tout à fait, parce qu'il y a une diaspora sénégalaise en France qui a joué un rôle important dans les changements qui sont intervenus au Sénégal au mois de mars dernier et cela pourrait un peu distendre les relations.La visite de Marine Le Pen à Dakar il y a 18 mois et l'audience que lui a accordée à l'époque le président Macky Sall, comment cela a été perçu au Sénégal ?Ah oui, cette visite de Marine Le Pen au Sénégal a été diversement appréciée. Certains considèrent que c'est normal parce qu’elle est députée à l'Assemblée nationale, d'autres par contre l'ont sévèrement critiquée, sinon combattue, par rapport au respect des citoyens, notamment de l'immigré. De ce point de vue-là, Marine Le Pen symbolise un discours qui est porteur d'intolérance.Et si demain l'extrême droite gagne les législatives en France, comment voyez-vous les relations entre le futur Premier ministre français et le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko ?Oui, si jamais Marine Le Pen arrive au pouvoir, je verrais mal qu'elle puisse nouer des relations correctes, normales, avec le Premier ministre sénégalais parce qu'ils ne partagent pas la même idéologie, parce qu'ils n'ont pas les mêmes valeurs. À mon avis, je ne vois pas comment ils peuvent se rapprocher.Quelles sont les préférences politiques d'Ousmane Sonko en France ?Ses préférences politiques, c'est d'abord l'ensemble de la gauche, c'est plutôt Jean-Luc Mélenchon et peut-être certaines idées du Parti socialiste qui sont des idées de tolérance par rapport à l'étranger et à l'endroit des immigrés.D'où la visite de Jean-Luc Mélenchon à Dakar il y a quelques semaines ?Oui, tout à fait, c'est à partir du moment où Jean-Luc Mélenchon a toujours soutenu les leaders politiques du Pastef, il a même participé à un meeting où il est intervenu pour les soutenir, pour demander leur libération, aucun autre leader politique en France ne l'a fait.À l'époque où ils étaient en prison ?Oui, à l'époque où ils étaient persécutés, aucun autre leader français ne s'est prononcé sur leur sort. Il est le seul à l’avoir fait et à avoir participé à un meeting organisé par les militants du Pastef. Et donc il y a une certaine reconnaissance et c’est ce qui a rapproché Jean-Luc Mélenchon des leaders politiques du Pastef.À lire aussiFrance: le président Emmanuel Macron annonce la dissolution de l'Assemblée nationale
6/10/20244 minutes, 32 seconds
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Hicham El Habti: «On va étudier les opportunités pour accélérer la transition vers les énergies renouvelables»

Depuis 2018 se tient à Paris le Forum pour la paix. Des chefs d’État et de gouvernement, des représentants d’organisations internationales et de la société civile venus du monde entier débattent et lancent ou accompagnent des projets censés répondre aux grands enjeux mondiaux. Le Forum a lieu en novembre et il est précédé d'un pré-forum dit « de printemps »qui  se tient au mois de juin. Cette année, pour la première fois, il est délocalisé. Cette réunion de printemps aura lieu lundi 10 juin au Maroc, précisément à l’Université Mohamed VI Polytechnique de Benguérir, près de Marrakech, sur le thème les « transitions justes ». Il s’agit ici de transitions énergétique ou agricole : face au dérèglement climatique, comment passer à des modèles plus durables tout en répondant aux besoins immédiats des pays du Nord et des pays du Sud ? Invité Afrique ce samedi, l’hôte de cette réunion de printemps, le président de l’université Mohamed VI Polytechnique, Hicham El Habti, également secrétaire général adjoint du Groupe OCP, l’ancien « Office chérifien des phosphates ».   À lire aussiLe Forum sur la paix de Paris éclipsé par la guerre au Proche-OrientÀ lire aussiForum sur la paix: des chefs d’États africains réclament un «changement de paradigme» aux pays du Nord   
6/8/20244 minutes, 25 seconds
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Général Marc Conruyt: «Tous les témoignages que j’ai de nos partenaires soulignent la qualité de nos formations»

L'armée de terre a lancé cette semaine son premier séminaire des écoles d'état-major francophones partenaires. Une première édition qui s'est déroulée à Saumur et qui a rassemblé des officiers du Gabon, du Bénin, de Côte d'Ivoire et du Sénégal notamment… L'objectif : renforcer les liens entre l'armée française et ses alliés africains. Le général de corps d'armée Marc Conruyt, directeur des Ressources humaines de l'armée de terre est le grand invité Afrique de RFI.  À lire aussiFrance: l’armée de terre organise le premier stage d’état-major pour officiers français et africains
6/7/20244 minutes, 32 seconds
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Dalein Diallo (Guinée): «La junte n’est pas de bonne foi, elle veut garder le pouvoir peut-être définitivement»

« Je suis prêt à rentrer à Conakry, quels que soient les risques que je prendrai », déclare Cellou Dalein Diallo sur RFI. Depuis deux ans, le numéro 1 de l'opposition guinéenne, qui est poursuivi par la justice de son pays, vit en exil en Afrique de l'Ouest. Mais aujourd'hui, il veut participer sur place au combat des démocrates guinéens pour que le général Doumbouya et les militaires respectent leur parole et remettent le pouvoir aux civils avant la fin de l'année. De passage à Paris, l'ancien Premier ministre guinéen répond aux questions de Christophe Boisbouvier. À lire aussiL'opposant guinéen Cellou Dalein Diallo: «Il faut un cadre de dialogue où on peut discuter»
6/6/202414 minutes, 40 seconds
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Cameroun: «C'est l'ensemble du mouvement sportif national qui est dans un état de délabrement»

À trois jours du match de football entre le Cameroun et le Cap-Vert (ce 8 juin), qui va compter pour la qualification à la prochaine Coupe du monde, la tension ne baisse pas entre le ministre camerounais des Sports, Narcisse Mouelle Kombi, et le président de la Fédération camerounaise de football, Samuel Eto'o. Si le match a bien lieu samedi à Yaoundé, comment vont jouer les Lions indomptables ? C’est la question que se posent beaucoup de Camerounais, pour qui le président Paul Biya est le seul homme qui peut dénouer cette crise. Le professeur camerounais Thomas Atenga enseigne la communication à l'université de Douala. Il livre son analyse à Christophe Boisbouvier. Journal des sports AfriqueFootball: énième épisode dans le bras de fer autour de la sélection camerounaise
6/5/20248 minutes, 22 seconds
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Sahel central: «Quinze millions de personnes comptent sur l'aide humanitaire pour survivre»

Dans les trois pays du Sahel central (le Mali, le Niger et le Burkina Faso), la situation humanitaire ne cesse de se dégrader, affirme Ocha, le Bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires. Or, à ce jour, les bailleurs de fonds n'ont versé que 12% des sommes qu'ils avaient promises pour venir au secours des quelque 15 millions de personnes en détresse. Entretien avec Charles Bernimolin, le chef du Bureau régional d'Ocha pour l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale. RFI : Dans les trois pays du Sahel central, est-ce que la situation humanitaire a tendance à s'améliorer ? Charles Bernimolin : Non, le Sahel central est confronté à une crise sécuritaire, humanitaire et climatique qui ne cesse de se dégrader. 80% des déplacés sont des femmes et des enfants. Et donc on estime qu’au Sahel central, sur le Mali, le Burkina Faso et l'ouest du Niger, on a à peu près 15 millions de personnes, ce qui est énorme, qui ont des besoins humanitaires, et qui ont besoin tout simplement d'assistance pour vivre, pour survivre.Donc, sur les quelque 80 millions d'habitants dans ces trois pays du Sahel, il y en a 15 millions qui sont en situation de détresse ? Oui, c'est tout à fait ça, ce sont 15 millions de personnes qui comptent sur l'aide humanitaire pour survivre.Alors dans vos comptes rendus d'activité, vous déplorez des difficultés d'accès à certaines zones du Sahel central. Est-ce à cause de l’insécurité ou d'éventuels blocages de la part des États sahéliens ? Les difficultés d'accès sont multiples, il n'y a pas une seule cause. Il y a d'abord la difficulté à atteindre les personnes touchées, plus de 200 humanitaires ont été récemment tués ou blessés dans le Sahel ces dernières années. Il y a aussi des difficultés d'ordre bureaucratique, des taxes, des autorisations, il y a des restrictions et des limitations de mouvement qui retardent l'aide humanitaire. Mais il y a aussi un élément très important que je voudrais souligner, il y a la prolifération, et c'est relativement récent, de messages de haine, de désinformation, qui compromettent la perception de la neutralité et de l'impartialité de l'indépendance des acteurs humanitaires.Et ces messages de haine sur les réseaux sociaux, comment vous les combattez ? Vous demandez aux autorités des trois pays de sévir contre les auteurs de ces messages ? Écoutez, je pense que la meilleure façon de contredire ces messages est d'avoir un dialogue. Bien sûr, nous avons un dialogue avec les autorités, nous avons un dialogue avec les communautés locales. Le tout est d'être le plus transparent sur ce que nous faisons et d'avoir une approche novatrice, c'est-à-dire de travailler avec les ONG locales, de travailler avec les populations. Il y a plusieurs années, l'aide humanitaire était essentiellement une aide apportée sans trop demander quoi que ce soit aux populations sur le terrain. Maintenant, par la prise en compte de leurs besoins, en travaillant avec les personnes dans le besoin, on arrive à créer une communauté en collant à leur demande. En étant transparent, on arrive à faire surgir la vérité plutôt que de demander de sévir contre des réseaux sociaux, ce qui n'est pas possible de notre côté.Alors au Mali, les casques Bleus de l'ONU sont tous partis depuis cinq mois, mais vous, Ocha, qui êtes une autre organisation de l'ONU, vous restez au Mali. Où en sont vos rapports avec les autorités de Bamako ? Oui, tout à fait, Ocha est un bureau du secrétaire général des Nations unies et donc nous travaillons, nous coopérons avec les États membres, dont le Mali. Donc en tant qu'organisation humanitaire, Ocha ne fait pas partie des discussions politiques. Une coordination efficace avec les autorités, ce qui inclut les militaires, permet de préserver l'espace humanitaire et donc, avant toute chose, il ne peut pas y avoir politisation de l'aide humanitaire si nous nous basons sur le droit international et sur les principes humanitaires.Voulez-vous dire que les rapports sont plus fluides avec les autorités de Bamako depuis que les casques Bleus de la Minusma sont partis ? Les rapports n'ont pas changé dans ce sens que nous avons toujours été en dialogue avec les autorités en ce qui concerne l'assistance humanitaire. Ce qui a changé, c'est que nous avons bénéficié, ces dernières années, de l'assistance logistique de la Minusma. Évidemment, le départ de la Minusma est un défi logistique puisque nous pouvions bénéficier d'une certaine aide logistique. Mais en ce qui concerne le dialogue avec les États membres, avec le gouvernement, c'est un dialogue que nous avons toujours eu et c'est un dialogue que nous continuons.Et qui n'a pas changé depuis le départ des casques Bleus ? Non.Alors, d'après vos comptes rendus d'activité, vous n'avez reçu pour l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale que 12% des sommes promises par les bailleurs de fonds. Or les trois pays du Sahel central sont dirigés par des régimes putschistes, est-ce que ce n'est pas la raison pour laquelle certains bailleurs occidentaux ne donnent pas autant que vous le voudriez ? Bon, je pense que cette question, elle doit être posée aux bailleurs de fonds. Nous, en tant qu’humanitaire, nous identifions les besoins humanitaires pour des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants qui sont dans le besoin d'une assistance vitale. Nous faisons face à ces besoins pour leur survie. Il ne peut y avoir en aucun cas politisation de l'aide humanitaire. L'aide humanitaire ne peut être et ne sera jamais dépendante d'une analyse politique des causes et des conséquences.À lire aussiAu Sahel, les violences faites aux enfants ont augmenté de 70%, selon l'Unicef
6/4/202411 minutes, 27 seconds
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Perte de la majorité absolue de l'ANC: «C'est un moment très incertain pour l'Afrique du Sud»

Avec quel autre parti l'ANC va-t-il faire alliance pour gouverner l'Afrique du Sud ? Dans 15 jours, Cyril Ramaphosa sera-t-il encore le président de la nation arc-en-ciel ? Au lendemain des élections historiques qui ont vu l'ANC perdre la majorité absolue à l'Assemblée nationale, tous les scénarios sont possibles en Afrique du Sud. Liesl Louw-Vaudran est conseillère spéciale à International Crisis Group. En ligne de Johannesburg, elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
6/3/20245 minutes, 42 seconds
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«Les jeunes Africains sont emprisonnés chez eux», selon le chanteur sénégalais Lass

Lass est un chanteur attachant, ancré dans la tradition musicale de l’Afrique de l’Ouest, inspiré par les grands orchestres mais qui sait aussi teinter sa musique d’influences modernes et de rythmes électroniques. Il vient de publier son deuxième album, Passeport, l’occasion d’évoquer avec lui les attentes des nouvelles générations dans son pays, le Sénégal. À lire aussiLe juste équilibre de Lass, entre influences afro et sonorités électro
6/1/20245 minutes, 18 seconds
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«La Libye joue le rôle de plateforme logistique pour la Russie» en Afrique, selon le collectif «All Eyes on Wagner»

La Libye, plus que jamais porte d'entrée de la Russie sur le continent africain. Selon plusieurs observateurs dont le collectif « All Eyes on Wagner », la Russie augmente depuis plusieurs mois sa présence dans des ports comme Syrte ou Tobrouk pour débarquer armes et militaires. Une stratégie qui atteste l'idée que Moscou et les supplétifs d'Africa Corps (ex-Wagner) ont bien décidé de renforcer leurs positions en Afrique du Nord et au Sahel. Lou Osborn du collectif « All Eyes on Wagner » est notre invité ce matin.  À lire aussi«Le groupe Wagner en Afrique apporte principalement du soutien aux gouvernements en place»
5/31/20244 minutes, 38 seconds
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RDC: «Réchauffement climatique, El Niño, déforestation sont les causes des averses et inondations»

El Niño est-il responsable des pluies torrentielles qui s'abattent sur l'Afrique de l'Est ? La question divise les spécialistes. Voici le point de vue du professeur congolais Jean-Pierre Djibu, qui dirige au Katanga l'Observatoire régional de changement climatique et qui enseigne à l'université de Lubumbashi. Selon lui, les averses ne viennent pas directement d'El Niño, dans l'océan Pacifique, mais d'une réplique de ce phénomène climatique au niveau de l'immense lac Tanganyika. D'où les très graves inondations à Kaliémie. En ligne de Lubumbashi, le climatologue congolais répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Comment expliquez-vous ces pluies torrentielles qui s’abattent sur les provinces du Tanganyika et du Sud-Kivu ?Jean-Pierre Djibu : Quand on prend le lac Tanganyika, c’est un lac de plus de 700 kilomètres de long et de 70 kilomètres de large, pratiquement 35 000 km² de superficie – l’équivalent d’un État comme la Belgique. Mais, ce lac draine un bassin de plus de 250 000 km² au niveau de quatre pays que sont le Burundi, la République démocratique du Congo (RDC), la Zambie et la Tanzanie. Alors, parmi les causes naturelles, il faut comprendre que, à l’allure où va le réchauffement de la partie superficielle du lac, il y a un risque, éventuellement, que la température augmente jusqu’à trois degrés d'ici à la fin du XXIe siècle. Et plus la température augmente à la surface du lac, plus on constate que le comportement se produit comme un phénomène El Niño. Bien sûr que ce phénomène se produit dans l’Océan, mais il est maintenant reflété au niveau du lac, parce qu’il s’agit d’un grand lac, qui couvre une grande superficie. La partie superficielle étant réchauffée, les eaux profondes étant beaucoup plus froides, qu’est-ce qui se passe ? Il y a une grande évaporation et une grande augmentation d’évaporation qui va rendre l’atmosphère humide. Toute la région devient humide et il y a une forte formation de nuages, ce que l’on appelle les cumulonimbus. On a des précipitations d’averses avec une certaine agressivité. C’est vraiment la toute première fois depuis 2013 qu’on a eu le niveau du lac qui a augmenté de 276 à 293 mètres, ce qui est une grande quantité.Ce réchauffement des eaux à la surface du lac, à quoi est-il dû ?Il est dû au réchauffement climatique.Donc, on aurait affaire à l’addition de deux phénomènes : le réchauffement climatique, plus El Niño ?Exactement. Avec le facteur aggravant qui est le facteur anthropique, la déforestation.Et la surpopulation sur les berges ?La surpopulation et l’aménagement anarchique de terrains, l’occupation anarchique du bassin du lac.Donc, le phénomène El Niño, ce n’est pas simplement dans l’Océan Pacifique, c’est aussi sur le lac Tanganyika ?Exactement. Nous avons, aujourd’hui, avec le réchauffement climatique, tout ceci qui a provoqué le phénomène El Niño au niveau de la plupart des lacs africains, mais c’est spécialement le lac Tanganyika qui devient indicateur dans cette tendance. Parce que les études faites nous montrent qu’il y a quelque chose qui est en train d’être modifié au niveau du comportement, en ce qui concerne le cycle de l’eau dans ce lac.Est-ce que le même phénomène se produit au niveau du lac Victoria, plus au nord ?Exactement, cela se fait de la même manière.Ce phénomène El Niño sur le lac Tanganyika, est-ce qui s’est déjà produit au XIXe siècle ou au XXe siècle ?Oui, au XVIIIe siècle, on a connu des fortes inondations au niveau du lac Tanganyika. Même au XXe siècle, on a connu [ce type d’inondations]. Mais, là, nous avons une particularité : le niveau d’eau, par rapport aux mesures déjà connues, pendant une longue période, est beaucoup plus élevé. On est arrivé à 793 mètres, ce qui est très élevé au niveau de la quantité d’eau qui a été augmentée.793 mètres… Et cela, c’est un niveau exceptionnel ?C’est un niveau exceptionnel, oui. Avant, le bassin du lac Tanganyika n’était pas un bassin aménagé. Ce sont là qu’interviennent des causes anthropiques. Actuellement, c’est un bassin qui a été loti, aménagé. Il y a des constructions, des villes, des maisons, des routes, des cultures… Il s’agit de lits [de rivière]. Et, malheureusement, ces lits ont été aménagés de manière quasiment anarchique, sans respecter les normes au niveau de l’environnement. C’est pourquoi nous avons des catastrophes qui sont liées aux activités anthropiques.Lors de la précédente montée du lac Tanganyika en 2021, Madame la ministre de l’Environnement, Ève Bazaiba, dénonçait déjà l’occupation anarchique des berges du lac et des rivières. Est-ce que des mesures ont-été prises depuis trois ans ?Non, aucune mesure. Normalement, dans des situations comme cela, on est censé prendre des mesures draconiennes ! Parce qu’il y avait déjà un avertissement, il y a plus de dix ans. Un avertissement sur le réchauffement superficiel des eaux du lac Tanganyika, lié au réchauffement climatique, avec le risque éventuel des inondations extrêmes. Mais, malheureusement, aucune mesure n’a été prise à ce niveau-là.Par ailleurs, la construction de digues avait été annoncée ces dernières années, pour limiter la montée des eaux. Est-ce que ces digues ont été construites ?C’est une solution sans valeur, parce que la meilleure des façons est de combiner des solutions. C’est-à-dire, même si on peut construire des digues éventuellement, on doit faire de la reforestation parce que tout le bassin du lac Tanganyika a été complètement déforesté. C’est-à-dire qu’il n’y a pas de végétation et lorsqu’il n’y a pas de végétation, il n’y a plus de moyens de rétention afin de pouvoir garder l’eau et permettre l’infiltration. Ce qui se passe, c’est le ruissellement, et ce ruissellement est accompagné d’érosion. Donc, il faut combiner la construction de digues, ce qui doit être vraiment accessoire, avec le reboisement du bassin du lac. S’il faut reboiser le bassin du lac, ce n’est pas simplement se contenter de la partie congolaise ! Le bassin du lac, il comprend l’ensemble des quatre pays. La Zambie, la Tanzanie, le Burundi et la RDC. Cela signifierait qu’il faudrait des efforts communs entre les quatre pays. Même si on arrivait, également, à reforester, il faut passer par l’étape où l’on délocaliserait les personnes. On ne peut reforester que l’endroit qui n’est pas occupé. Or, tout le bassin, plus de 60%, est pratiquement aménagé. Il faudrait arriver à délocaliser les personnes avant de pouvoir faire le reboisement.Mais, pour déménager ces personnes, il faut leur trouver de nouveaux emplacements et cela est très difficile, j’imagine…Évidemment, c’est un autre aspect. Il y a quand même l’espace pour essayer de délocaliser les populations et les mettre à l’abri. Je crois que les quatre pays, dont la RDC, ont suffisamment d’espace pour ce genre de choses. Parce que ces catastrophes ont créé beaucoup de conséquences, il y a eu beaucoup de morts par inondations, que ça soit à Kalémie, à Uvira, à Kigoma… À Uvira, on a eu énormément de morts !Autre phénomène, à quelques centaines de kilomètres plus au sud, en Zambie, où les populations sont touchées par une sécheresse exceptionnelle. Comment expliquez-vous qu’il pleuve beaucoup au Congo-Kinshasa et pas du tout en Zambie ?Le phénomène El Niño fait les deux à la fois ! Soit une augmentation de température sur une surface d’eau, comme je l’ai dit sur les grands lacs, occupant une grande superficie et provoquant la formation de cumulonimbus, de nuages de précipitations, et on a des averses dans cette zone. Soit, en Zambie, il n’y a pas de lac, donc on a un sol qui se réchauffe et avec l’évaporation, il n’y a pas suffisamment d’humidité dans l’atmosphère et nous avons une sécheresse. Cette sécheresse est liée aussi au phénomène El Niño. Ça fait les deux ! Cela provoque soit les inondations, les fortes précipitations, soit également de fortes sécheresses. Cela est aggravé, également, par le désert de Namib qui a tendance à avancer vers le nord, donc en poussant vers l’Angola et la Zambie.D’où le paradoxe El Niño, des pluies au Congo et la sécheresse en Zambie. Exactement.Est-ce que les autorités politiques de ces deux pays ont pris conscience de la gravité de ce phénomène climatique ?Non ! C’est un autre aspect. En Zambie, ils sont en train de réfléchir en ce qui concerne les conséquences sur le plan de la sécurité alimentaire, sur le plan de la santé, parce que plus il fait chaud, plus il y a la prolifération de nouvelles maladies qui sont liées à des pandémies, liées à des virus qui ont tendance à vouloir muter génétiquement et à s’adapter à des conditions beaucoup plus extrêmes. Là, au moins, ils réfléchissent sur la sécurité sanitaire et la sécurité alimentaire. Bon, pas de manière aussi poussée, en RDC, nous avons l’impression que l’on en parle, qu’il y a de bonnes intentions, mais ça s’arrête là, il n’y a jamais de suivi !À lire aussiInondations en RDC: «Aujourd'hui, la ville de Kalemie est coupée en deux»
5/30/20248 minutes, 13 seconds
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Matata Ponyo (RDC): «Les malédictions des institutions et du leadership sont les vraies causes du retard économique»

Quelle est la vraie cause du retard économique de la République démocratique du Congo ? Ce n'est ni le climat tropical, ni le poids des traditions, ni ce qu'on appelle la « malédiction des ressources naturelles », affirme l'ancien Premier ministre Matata Ponyo Mapon, qui publie Économie politique des malédictions du développement aux éditions Bruylant. Les vraies causes, dit-il, tiennent à des institutions fragiles et à un leadership défaillant. De passage à Paris, l'opposant congolais, qui a dirigé le gouvernement de 2012 à 2016 et qui vient d'être élu député national aux législatives du 20 décembre, répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Les évènements meurtriers du 19 mai, à Kinshasa, est-ce qui s’agit, selon vous, d’une tentative de coup d’État ou d’une tentative d’assassinat ?Matata Ponyo Mapon : Il est, pour moi, difficile d’affirmer qu’il s’agit d’une tentative de coup d’État. Une tentative de coup d’État vise à mettre fin au pouvoir d’un chef d’État. Alors que, dans le cas d’espèce, on a vu que cette tentative a visé plutôt la résidence d’un ex-ministre de l’Économie, d’un député devenu président de l’Assemblée nationale depuis la semaine dernière. Je crois que ce n’est pas, au sens propre, un coup d’État.Quand son domicile a été attaqué, Vital Kamérhé n’avait pas encore été élu président de l’Assemblée nationale. Plusieurs partis de la coalition présidentielle de l’Union sacrée espéraient encore pouvoir l’empêcher de prendre le perchoir. Peut-il y avoir un lien entre l’attaque de son domicile et cette compétition pour le perchoir ?Beaucoup de gens spéculent sur cette relation. Mais, moi, en tant que professionnel de la politique, je crois qu’il faut laisser les conclusions de l’enquête pouvoir déterminer quels types de relations existent entre cette tentative d’élimination physique et son élection au perchoir de l’Assemblée nationale.Mais cela ne va pas créer un climat de méfiance au sein de la coalition présidentielle ?Il va sans dire que cela va, effectivement, affecter le climat de confiance. Ce type de situation est de nature à créer des tensions entre les opérateurs politiques, parce que la méfiance va pouvoir s’installer et les gens seront appelés à devenir beaucoup plus prudents. Je pense qu’il y a moyen de pouvoir plaider pour une certaine détente politique.Vous venez de publier, avec Jean-Paul K. Tsasa, Économie politique des malédictions du Développement aux éditions Bruylant. Un livre dans lequel vous partez en guerre contre les idées reçues sur le sous-développement. Quelles sont ces idées reçues ?La première théorie essaye d’expliquer la relation qui existe entre la localisation géographique, ou le climat, et le développement. C’est ce que nous avons qualifié de la malédiction « climat », ou l’explication du sous-développement par la localisation géographique.Et par le climat tropical.Et par le climat tropical.Mais c’est une fausse explication ?Cette thèse, pour nous, n’est pas suffisante. Elle paraît cohérente, mais nous la classons comme étant une analyse qui n’est pas très approfondie. Pourquoi ? Parce que nous voyons, en ce qui concerne le pays à climat tropical, qu’il y en a qui sont avancés : le Brésil, par exemple.Deuxième explication possible du sous-développement, dites-vous, celle que vous appelez le « binôme culture-race ».Là aussi, nous avons essayé d’examiner. Parce qu’il y a des études théoriques et empiriques qui affirment que la culture et la race peuvent expliquer le sous-développement ! Nous prenons le cas des deux Corées, la Corée du Nord et la Corée du Sud. Deux pays qui ont la même culture, qui ont la même race, mais la Corée du Sud est, de loin, plus avancée que la Corée du Nord. Là aussi, la race et la culture ne sont pas en mesure d’expliquer de manière tout à fait fondamentale les différentiels de développement.Troisième explication possible du sous-développement, dites-vous, la malédiction des ressources naturelles, mais, là aussi, vous n’y croyez pas ?Non, c’est ce que l’on appelle le « paradoxe de l’abondance », c’est-à-dire que les ressources naturelles pourraient expliquer un certain sous-développement, comme la République démocratique du Congo qui est un exemple typique. Mais, laissez-moi vous dire qu’il y a beaucoup de pays qui ont des ressources naturelles, comme le Botswana, qui sont avancés. Si nous montons au nord, vous avez la Norvège, qui est un pays qui a beaucoup de ressources. Les États-Unis aussi ont des ressources, le Canada… Mais ces pays ne sont pas pour autant sous-développés.Alors, quelle est, d’après-vous, la vraie cause du sous-développement d’un pays comme le vôtre ?Peut-être, avant d’arriver à la vraie cause, peut-être que je pourrais évoquer cette malédiction du Fonds monétaire international (FMI). Parce que certaines études théoriques et empiriques essayent de dire que tous les pays qui ont été en programme avec le FMI affichent des croissances très faibles. Mais là aussi, l’étude que nous avons développée démontre cette insuffisance, ce n’est pas une cause suffisante !Alors, quelle est la vraie cause ?Les vraies causes, ce sont ce que nous avons appelé les malédictions des institutions et les malédictions de leadership. Ce que nous pouvons considérer comme les vraies causes du sous-développement parce que l’étude, qui a été menée notamment par Douglass North, Daron Acemoglu et James Robinson, montre que les institutions de qualité expliquent le progrès et le développement.C’est ce que disait Barack Obama dans un célèbre discours au Ghana en juillet 2009, « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes ».Oui, d’institutions fortes ! Les institutions de faible qualité entrainent le sous-développement. Les institutions de qualité, celles dont a parlé Obama, favorisent la bonne gouvernance, l’État de droit, la promotion du secteur privé. Mais, cette malédiction des institutions, elle ne nous paraît aussi pas très fondamentale. La malédiction de leadership, c’est celle qui explique la malédiction des institutions. Pourquoi ? Parce que les institutions sont créées par les hommes. Ce sont les hommes qui produisent les institutions de qualité ou les institutions de faible qualité.Donc, vous allez plus loin qu’Obama, vous dites qu’il ne peut pas y avoir de bonnes institutions sans de bons leaders ?Effectivement. Parce que, avec le temps, le leadership n’a plus la même vigueur. Ce sont les hommes qui produisent les bonnes institutions, qui les consolident et qui les solidifient.Y a-t-il eu, dans l’histoire de votre pays, la République démocratique du Congo, des leaders compétents ?Dans ce livre, nous essayons de démontrer, par rapport à la malédiction du Fonds monétaire international, que, entre 2012 et 2016 – j’étais Premier ministre – un leadership de qualité a permis de produire des institutions de qualité, qui ont permis d’avoir un taux de croissance moyen sur cinq ans de 7,7% contre une moyenne de 3,5% pour l’ensemble du continent africain !Et, en dehors de vous-même, Matata Ponyo Mapon, y a-t-il eu dans l’histoire du Congo un Premier ministre, voire un président compétent ?Bien sûr, le Premier ministre Patrice Lumumba, je crois que c’est un homme de valeur, malheureusement le Premier ministre Lumumba n’a pas eu le temps de travailler longtemps, il est mort, comme vous le savez, lors de l’accès de notre pays à l’indépendance.Y a-t-il, dans l’histoire de l’Afrique, un président ou un Premier ministre qui a montré ses compétences de leader ces dernières années ?Je crois que nous avons plusieurs pays… L’Éthiopie, dont le Premier ministre a reçu le prix Nobel en 2019. Vous avez une entreprise publique de transport aérien comme Ethiopian Airlines qui fait la fierté du continent africain. Cela, c’est le produit d’un leadership de qualité.C’est le seul pays que vous donneriez en exemple sur le Continent ? Parce qu’il est très contesté, vous le savez, sur le plan des Droits de l’homme, notamment depuis la guerre civile avec le Tigré.Vous savez, sur cette question-là, il faut plutôt analyser les choses globalement. Même le meilleur leadership ne manque pas de faiblesses…L’une des conditions d’un bon leadership, c’est, dites-vous, l’intégrité, le refus de toute corruption. Or, vous-même, vous êtes accusé, en ce moment, par la justice congolaise, d’être impliqué dans le détournement de quelque 115 millions d’euros d’argent public, c’était lors du lancement du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo. À l’époque, vous étiez le Premier ministre du président Joseph Kabila. Le procès doit s’ouvrir à Kinshasa le 22 juillet. Qu’est-ce que vous répondez à vos accusateurs ?Écoutez, un leader se crée des ennemis et des adversaires farouches. Tout le monde le sait, que ce projet était porteur d’espoir pour le peuple congolais. C’est un projet qui avait l’ambition de révolutionner le secteur agricole, de garantir, pendant dix ans, une certaine autosuffisance alimentaire. Nous avons lancé ce projet de parc agro-industriel dont le point d’inflexion, c’est-à-dire le point où le coût de production devait être égal aux ventes, c’est-à-dire que les recettes devaient équivaloir aux coûts de production, c’était dans les cinq ans. Avant ces cinq ans, ce projet devait être financé par le gouvernement. Et c’est ce que nous avons essayé de faire. Par souci de gouvernance, nous avons confié ce projet, dans un partenariat public-privé, à une entreprise professionnelle sud-africaine, qui a reconnu avoir reçu tous les fonds et qui a témoigné par écrit n’avoir remis aucun dollar à quelqu’un du gouvernement congolais et encore moins au Premier ministre. Ces écrits ont été certifiés par des autorités compétentes sud-africaines. Mais comment pouvez-vous poursuivre un Premier ministre qui n’a jamais été impliqué, ni de loin, ni de près, à la gestion de ce projet ? Pour votre information, ce procès est plutôt politique. Pour avoir refusé d’intégrer l’Union sacrée, c’est-à-dire d’approcher la famille présidentielle, on m’a promis ce procès ! Mais ce procès, c’est quand même un déni de la démocratie dans notre pays, un déni de la justice ! Parce que la Constitution congolaise ne permet pas de poursuivre un ancien Premier ministre ! Mais, malheureusement, la Constitution, qui est au-dessus de tout le monde, est violée systématiquement.Et si ce procès s’ouvre, comme prévu, le 22 juillet, vous serez présent au tribunal ?Je n’ai jamais fui ! Cela fait trois ans que ce procès m’a été intenté pour avoir refusé d’intégrer l’Union sacrée. L’exil m’a été offert, j’ai refusé de m’exiler. Je serai dans mon pays et je demanderai que la Constitution soit respectée. J’espère que ces poursuites vont pouvoir s’arrêter parce que la raison principale, c’est que j’ai refusé d’intégrer l’Union sacrée. Le président a été élu, je crois que ce feuilleton de mauvais augure va pouvoir s’arrêter.À la présidentielle de décembre dernier, vous avez d’abord été candidat. Puis, vous vous êtes ralliés à la candidature de Moïse Katumbi. Aujourd’hui, vous êtes député national, vous avez été élu à Kindu dans le Maniema avec l’un des meilleurs scores enregistrés aux législatives du 20 décembre dernier. Vous allez vous situer où, du côté de l’opposition ou du côté de la majorité ?C’est très bien de le rappeler, je suis l’un des meilleurs élus de la République démocratique du Congo, compte tenu de mon attachement à cette ville natale de Kindu. Je dois vous dire, en toute sincérité, la volonté de ceux qui m’ont élu de rester dans l’opposition. Donc, je vais demeurer dans l’opposition.
5/29/20249 minutes, 47 seconds
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Présidentielle en Côte d’Ivoire: «Sans ambiguïté notre candidat s’appelle Alassane Ouattara» (RHDP)

En Côte d'Ivoire, le président Alassane Ouattara est le « candidat naturel » du parti au pouvoir en vue de la présidentielle de l'année prochaine, a annoncé lundi 27 mai le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Pourquoi ce choix, alors qu'Alassane Ouattara, 82 ans, est déjà en train d'effectuer un troisième mandat présidentiel ? Et où en sont les relations Ouattara-Soro ? Mamadou Touré est le ministre de la Promotion de la jeunesse et le porte-parole adjoint du gouvernement ivoirien. De passage à Paris où il vient de participer au salon Vivatech, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : La présidentielle ivoirienne est dans 15 mois. Alors, Mamadou Touré, comment se prépare le parti au pouvoir, le RHDP ? Mamadou Touré : Sans ambiguïté, notre candidat s'appelle Alassane Ouattara. Nous sommes en train d'achever la restructuration du parti et le parti est en ordre de bataille pour remporter cette élection présidentielle dans 15 mois, dès le premier tour, fort du bilan positif que nous avons, fort des actions positives qui ont été menées en faveur des populations et puis fort des résultats obtenus il y a un an lors des élections locales qui, pour nous, étaient des élections intermédiaires – où le RHDP a raflé la majorité des sièges et surtout la majorité des voix.Mais êtes-vous certain qu’Alassane Ouattara va accepter la proposition que vous allez lui faire ? Le Président n'a pas encore répondu à notre demande, mais ce qui est clair, sans ambiguïté, c'est que le RHDP, toutes les instances du parti, les cadres du parti et les militants du parti, estiment qu’Alassane Ouattara a encore beaucoup à apporter à ce pays. Et, dans un contexte national, sous-régional, mondial, aussi difficile, il a le leadership nécessaire pour conduire encore ce pays vers des lendemains meilleurs. Le président Ouattara n'est plus tout jeune. Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui disent que le RHDP devrait rajeunir ses cadres et investir un candidat plus jeune ? Mais le RHDP a rajeuni ses cadres. Regardez, en comparaison à tous les autres partis politiques, les cadres ont été rajeunis au sein du RHDP de par la volonté politique du président Ouattara. Le rajeunissement des cadres dans un parti politique diffère du choix du candidat à l'élection présidentielle. Le choix du candidat à l’élection présidentielle, c'est avoir le meilleur poulain qui permet de rassembler le parti, le mettre en ordre de bataille, gagner l'élection présidentielle. Et cela, ce n'est pas une question d'âge, sinon, le président américain [Joe Biden], à 82 ans, ne serait pas candidat à sa propre succession, c'est une question de leadership et de capacité à rassembler sa famille politique et à fédérer les Ivoiriens pour gagner l’élection présidentielle. Et nous assumons qu'aujourd'hui, la meilleure personne qui remplit toutes ces conditions, c’est le président Alassane Ouattara. Et puis, aujourd'hui, l'enjeu pour notre pays, c’est un enjeu de stabilité. Vous savez, il ne faut pas regarder les choses simplement intra-Côte d'Ivoire, la Côte d’Ivoire doit être dans un ensemble sous-régional. On sait tous ce qui se passe aujourd'hui, on a besoin d'un chef qui peut garantir sa stabilité. Alors dans l'opposition, du côté du PPA-CI, c'est Laurent Gbagbo qui vient d'être investi. Le problème, c'est que l'ancien président ivoirien n'est pas amnistié et reste donc inéligible. Est-ce que son amnistie est envisageable ? Sur la question de l'amnistie, il est quand même curieux que – puisque l'amnistie est une loi qui passe au Parlement – le PPA-CI, qui a des députés à l'Assemblée nationale, n'ait jamais pris l'initiative d'une loi d’amnistie pour son propre candidat. C'est curieux. Donc le président Ouattara n'a aucun moyen aujourd'hui d'amnistier Laurent Gbagbo. Et le PPA-CI pourrait aussi initier un projet de loi à soumettre à l'Assemblée nationale. Le PPA-CI demande à être reçu par le Premier ministre, est-ce que cette audience serait possible ? Nous avons des institutions qui fonctionnent normalement. Le dialogue n'a jamais été rompu. Mais après, la question est de savoir : est-ce que, pour cette préoccupation du PPA-CI par rapport à une candidature de Laurent Gbagbo, la Primature est l'institution la plus indiquée ? Je pense que le PPA-CI sait qu'il y a des questions de justice, il y a des questions liées au processus électoral, et nous avons des institutions en charge de régler ces questions. Autre adversaire du président Ouattara, son ancien Premier ministre, Guillaume Soro, qui vit en exil depuis 5 ans. Les deux personnalités, Alassane Ouattara et Guillaume Soro, ont échangé deux coups de téléphone fin mars, est-ce le signe de la réconciliation ? Guillaume Soro a pris l'initiative d'appeler le président Alassane Ouattara pour lui présenter ses excuses pour les torts qu'il a pu lui causer et, en même temps, lui dire merci pour la libération de certains détenus proches de lui. Certains ont vu en cela un acte allant dans le sens d'un apaisement. Mais encore faut-il que les autres actes, en dehors de ce coup de fil, aillent dans ce sens. Ce que nous recherchons, c'est la sincérité dans les actes posés. Le président Ouattara a montré sa disposition à faire avancer ce pays et à consolider la paix. D'ailleurs, à la faveur de la CAN de janvier 2024, beaucoup de détenus militaires ou proches de l'opposition ont été libérés. Maintenant, il faut que chacun soit sincère dans les actes posés. Vous doutez de la sincérité de Guillaume Soro. Cela veut-il dire que vous n'avez pas confiance en lui ? Ce n’est pas mon opinion qui compte. Mais beaucoup d'observateurs considèrent qu'on ne peut pas la nuit demander pardon et la journée se mettre dans des activités subversives, ou avoir des propos à travers ses collaborateurs pour salir la réputation du président, etc. Et donc les actes posés par les plus proches collaborateurs ne sont pas en adéquation avec le coup de fil qui a été passé. Et cela amène à s'interroger.À lire aussiCôte d'Ivoire: le parti au pouvoir salue le récent échange entre Alassane Ouattara et l'opposant en exil Guillaume Soro
5/28/202413 minutes, 52 seconds
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Procès de l’attaque terroriste de Tiguentourine: «Nous attendons des réponses que nous n’avons pas à ce jour»

Ce 27 mai s’ouvre à Alger, le procès de quatre présumés terroristes, accusés du massacre d’In Amenas, dans le Sahara algérien. En janvier 2013, 38 employés avaient été tués sur ce site gazier par une colonne armée venue de Libye et commandée à distance par le chef terroriste Mokhtar Belmokhtar. Vingt-neuf assaillants avaient été abattus par l’armée algérienne. Parmi les employés internationaux tués dans cette attaque, il y avait le logisticien français Yann Desjeux. Aujourd’hui, sa sœur et son petit-frère sont à Alger pour assister au procès en tant que partie civile. Entretien avec Marie-Claude Desjeux. À lire aussiAlgérie: 11 ans après, le procès de l’attaque terroriste de Tiguentourine s’ouvre à Alger
5/27/20249 minutes, 56 seconds
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Niger: «Près de 9 mois après le coup d'État, la population a besoin de solutions concrètes»

Rendez-vous manqué dimanche dernier à Agadez pour les militants panafricanistes Kémi Séba et Nathalie Yamb, et pour le ministre porte-parole du gouvernement. Le meeting qu’ils devaient y tenir a été annulé la veille au soir, car, selon plusieurs sources, la population ne souhaitait pas les recevoir. Pourquoi cette marque de défiance ? Est-ce le signe que le régime militaire est moins populaire qu’il le prétend dans cette région du Niger ? Entretien avec le journaliste nigérien Seidik Abba, président du Centre international d’études et de réflexions sur le Sahel.
5/25/20245 minutes, 43 seconds
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Me Bourdon: «Le cadastre de Dubaï illustre les acquisitions immobilières des kleptocrates africains»

Comment évaluer la fortune immobilière d'un certain nombre de personnalités africaines ? Tout simplement en se procurant le cadastre de l'Émirat de Dubaï, s'est dit un think tank américain, « Center for Advanced Defense Studies ». En France, c'est le journal Le Monde qui a publié la semaine dernière le fruit de cette enquête. On découvre ainsi le patrimoine immobilier des proches de plusieurs chefs d'État africains, notamment du Congolais Denis Sassou Nguesso et du Gabonais Ali Bongo. L'avocat français William Bourdon a fondé l'ONG Sherpa. Il y a six mois, il a publié Sur le fil de la défense, aux éditions du Cherche-Midi. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Que retenez-vous de l’enquête « Dubai unlocked », qui a été publiée la semaine dernière par le journal Le Monde et qui s'appuie sur l'examen du cadastre de Dubaï, et donc sur l'identité des propriétaires africains de centaines de villas et appartements situés dans cet émirat ? William Bourdon : Tout le monde sait depuis des années et des années que tous les chemins mènent à Dubaï. Je veux dire que tous les chemins empruntés par l'argent illicite, une grande partie des chemins, mènent à Dubaï, qui est devenu le territoire au monde le plus bardé de dispositifs anticorruption, de lois anti-blanchiment, affichant une modernité étincelante. Et il est en même temps le territoire que l'on peut assimiler à une machine à laver l'argent sale, tout à fait exceptionnelle et sophistiquée. Donc, il était tout à fait normal que les relevés de cadastres trahissent et illustrent la multiplication d'acquisitions immobilières par des oligarques, des kleptocrates, venus d'Afrique ou d'ailleurs.À lire aussiLe patrimoine de chefs d'État africains à Dubaï révélé par une enquête de médias internationauxOn voit la trace de Dubaï dans un certain nombre de dossiers judiciaires. On voit la trace de Dubaï dans le dossier des biens mal acquis en France, où j'interviens en qualité d'avocat de Transparency international France. Mais on voit aussi l'impuissance des juges européens, et notamment des juges français, à obtenir quelque coopération que ce soit des autorités émiraties. Vous vous souvenez de la déception des policiers et des procureurs français, quand ils avaient obtenu l'arrestation de suspects de grande criminalité organisée, face à la décision des juges émiratis de les remettre en liberté. Donc, c'est un pays qui reste une forme de paradis judiciaire pour les plus grands voyous de la planète, qu'il s’agisse de voyous de sang ou de voyous d'argent.  Parmi les personnes citées par cette enquête réalisée par le think tank américain « Centre for Advanced Defense Studies », il y a plusieurs personnalités du Congo-Brazzaville, dont Nathalie Boumba Pembe, qui est originaire du Congo Kinshasa et qui est l'épouse de Denis Christel Sassou Nguesso, ministre de la Coopération internationale et fils du président Sassou Nguesso. En 2018, elle aurait acquis à Dubaï une villa de quelque 700 m² pour 3,5 millions d'euros. Votre réaction ? Ce n’est pas du tout une surprise. Denis Christel Sassou Nguesso est l’un des personnages sans doute clé de l'instruction des biens mal acquis en France, même si, pour l'instant, il n'a pas été mis en examen. Ce n'est pas du tout une surprise. Denis Christel et son épouse sont répertoriés, y compris aux États-Unis où il y a eu des mesures de saisie très importantes qui ont été prises sur son patrimoine.À lire aussi«Biens mal acquis»: «Le Canard enchaîné» révèle de nouveaux éléments contre Denis Christel Sassou-NguessoDonc, Dubaï était naturellement pour eux une destination qui ne pouvait pas gommer les arbitrages qu'ils font chaque jour pour essayer de se rendre le plus impuni possible. Aujourd'hui, Dubaï, c'est la garantie de l'impunité, c'est ce qui fait le succès de Dubaï. Donc, évidemment, c'est très alléchant pour des familles comme celles que vous rappelez. Autre personne célèbre dans le viseur de cette enquête, Isabel Dos Santos, qui a été considérée longtemps comme la femme la plus riche d'Afrique. Elle a acheté un bien immobilier à Dubaï il y a dix ans et, aujourd'hui, elle répond que le pouvoir angolais fabrique de fausses preuves contre elle depuis que son père a quitté le pouvoir. Et elle conteste l'alerte rouge lancée contre elle par Interpol. Alors ça, c'est un dossier que nous connaissons bien puisque les Luanda Leaks, c'est nous qui en sommes responsables. Quand je dis nous, c'est moi, en qualité de président de la plate-forme de protection des lanceurs d'alerte en Afrique, qui s'appelle Pplaaf et que les auditeurs africains connaissent sans doute. Donc s'il y a bien un dossier qui est étayé, c’est le dossier judiciaire de madame Isabel Dos Santos. C'est effectivement une des femmes les plus riches d'Afrique. Aujourd'hui, elle se cache on ne sait pas où, mais elle aura, à un moment ou à un autre, à répondre de la mécanique avec laquelle, de façon très systématique, elle s'est enrichie, elle et toute sa famille. Et d'ailleurs, Dubaï est un port de relâche et un port d'attache pour elle sans doute extrêmement précieux. Côté gabonais, à présent, la personnalité la plus en vue dans cette enquête, c'est Marie-Madeleine Mborantsuo, qui a longtemps présidé la Cour constitutionnelle. Selon cette enquête, elle aurait déboursé 6 millions d'euros en 2013 pour s'offrir cinq appartements et deux villas à Dubaï. Mais depuis le putsch du 30 août, elle a perdu beaucoup de pouvoir et d'influence. Est-ce que cela peut lui compliquer les choses ? Alors, je connais bien cette dame, puisque l'association Sherpa est partie civile dans ce dossier dont je vous rappelle qu'il est à l'instruction à Paris. Et on attend, on espère, on souhaite une mise en examen de cette ancienne dignitaire gabonaise. Elle a été la plus haute magistrate de son pays, ce qui, évidemment, symboliquement, nous dit quelque chose des ravages de la culture de la corruption. Ensuite, il y a un certain nombre d'informations qui circulent selon lesquelles les nouvelles autorités gabonaises seraient disposées à coopérer avec les juges européens, notamment les juges français chargés d'une procédure du type des biens mal acquis. Il n'est pas réaliste d'imaginer que tous les dignitaires qui ont volé leur pays rendent des comptes. Tous, ce n'est pas possible. Donc, dans ce dossier qui est à l'instruction à Paris, il y aura un procès du clan Bongo. Et d'ailleurs, je suis en mesure de vous dire que l’on peut souhaiter – même s'il y a eu des commissions rogatoires, des vérifications qu'il a fallu faire pour que le dossier soit le plus solide possible – un achèvement des investigations dans la procédure Bongo d'ici la fin de l'année ou le début de l'année prochaine. 
5/22/202410 minutes, 28 seconds
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Brice Ahounou, anthropologue franco-béninois: «Il serait urgent que les frères d’Afrique viennent au secours d’Haïti»

En Haïti, plusieurs milliers de policiers kényans et béninois sont attendus dans les prochaines semaines pour tenter de mettre fin à la toute-puissance des bandes armées qui terrorisent la population. Cette opération multinationale serait financée par les États-Unis à hauteur de 300 millions de dollars. Pourquoi le Bénin accepte-t-il d'y aller ? La lettre ouverte du grand historien togolais Godwin Tété au président béninois Patrice Talon a-t-elle joué un rôle ? L'anthropologue franco-béninois Brice Ahounou est enseignant-chercheur. Il est aussi le correspondant à Paris du journal Haïti-Observateur de New York. Il répond à Christophe Boisbouvier. RFI : Après des mois de tergiversations, le déploiement d'une force multinationale en Haïti est en train de prendre forme. Que pensez-vous de la présence majoritaire de soldats et de policiers africains, notamment kényans et béninois ? Brice Ahounou : Cette question nous laisse toujours un peu perplexes. Que la communauté internationale vienne aider les Haïtiens, c'est une bonne chose. Seulement, on ne sait pas ce qu'il y a derrière tout cela. Parce que j'écoute, j'entends divers acteurs haïtiens qui se disent : il y a peut-être quelque chose qui se cache derrière. On ne sait pas très bien, c'est ce qu'on nous dit. Pourquoi ne pas penser renforcer, par exemple, les hommes en armes qui sont en Haïti et qui peuvent faire face aux gangs ? Donc voilà, c'est cette chose-là qui est un peu curieuse, on ne comprend pas très bien. En fait, le scénario est extérieur, c'est ce que disent les Haïtiens. Le grand metteur en scène de cette affaire, c'est Washington, quelque part, et ses alliés. Voilà, on est face à quelque chose qui nous plonge dans beaucoup d'incertitudes. La nouveauté, c'est le déploiement à venir de quelque 2 000 policiers béninois aux côtés des militaires et des policiers kényans. De fait, est-ce que les liens historiques et culturels entre le Bénin et Haïti ne justifient pas cet effort exceptionnel de la part de Cotonou ? Je dirais oui. D'ailleurs, je ne sais pas si vous connaissez un homme politique togolais qui a vécu longtemps à Paris et qui est rentré la semaine dernière dans son pays. Un homme âgé de 97 ans, Tété Godwin. Il a écrit une lettre à Patrice Talon il y a de cela quelques semaines, en demandant au président béninois d'intervenir en Haïti et d'aider les frères haïtiens, ce que je trouve quand même assez exceptionnel comme démarche. Ce courrier de Tété Godwin ?Oui, ce monsieur dont je parle est né au Dahomey de parents togolais. On a l'impression que le président béninois répond favorablement à ce courrier-là et qu'il trouve lui aussi qu’Haïti est proche du Bénin. Tété Godwin pense qu'Haïti devrait se relever et que les frères d’Afrique pourraient aider Haïti. À l'époque où Haïti demandait à adhérer à l'Union africaine, il y a une douzaine d'années, l'ancien Premier ministre haïtien, Laurent Lamothe, disait : « Notre demande est basée sur notre proximité culturelle et sur l'Histoire. Nous sommes la première République noire du monde, nous sommes la première et la dernière révolte d'esclaves ayant réussi. »  Oui, Lamothe le dit, puisque Haïti reste une pointe avancée de l'Afrique dans la mer des Caraïbes. Et après le séisme de l'année 2010, Lamothe et son président Martelly, effectivement, font la démarche d'entrer à l'Union africaine. Haïti a été pris d'abord comme un observateur, puis ensuite comme membre associé, et puis subitement, quelques années après, on est en 2016, l'Union africaine a rejeté Haïti.  Est-ce que vous aimeriez, Brice Ahounou, que l'Union africaine accueille à nouveau Haïti dans ses instances ? Absolument. Parce que vous savez, l’Union africaine, par exemple, son siège est en Éthiopie. Et il y a un Haïtien, qu'on ne connaît peut-être plus aujourd'hui, qui s'appelait Benito Sylvain. C'était un journaliste haïtien du XIXème siècle. Il était le conseiller de l'empereur Menelik II. Il était présent quand la bataille d'Adoua a eu lieu, quand les Éthiopiens ont mis une raclée aux Italiens en 1896. Et en fait, les Haïtiens ont toujours été aux côtés de certains dirigeants africains. Benito Sylvain était le premier. Donc Haïti, pour moi, a toute sa place dans l'Union africaine et ce serait vraiment souhaitable que l'Union africaine réinscrive Haïti à son ordre du jour. L'an prochain, 2025, marquera le 200e anniversaire de l'indemnité de quelque 150 millions de francs-or que la jeune République haïtienne a été obligée de payer à la France en 1825. Qu'est-ce que vous attendez de cette date anniversaire ? Que l’on fasse beaucoup de bruit autour de cette date. C'est-à-dire qu'on en prenne conscience, parce que, quand on en parle aux gens qu'on rencontre, ils s'étonnent de cela. Mais dans un second temps, il serait bien qu'un pays comme la France, justement, qui est quand même en capacité de restituer, de rendre à Haïti un certain nombre de choses, examine la question sous l’angle d'une véritable réparation. L'ancien Premier ministre français Jean-Marc Ayrault, qui préside la Fondation pour la mémoire de l'esclavage, vient de déclarer : « Ce bicentenaire, espérons qu'il sera l'occasion d'un grand geste de fraternité de la part de la France à l’égard du peuple haïtien. » Oui, c'est une phrase intéressante et un vœu intéressant. Mais j'aimerais quand même que cela soit concret, parce que Jean-Marc Ayrault a été le Premier ministre du président Hollande qui, en se rendant en Haïti, était passé par l’une des îles françaises des Caraïbes, la Guadeloupe ou la Martinique, je ne sais plus laquelle. Il avait dit alors qu'il partait en Haïti payer sa dette et il y a eu une levée de boucliers dans l'administration française contre lui. En arrivant à Port-au-Prince, il a dit qu'il voulait parler d'une dette morale et c'était la grande déception à Port-au-Prince. Donc, il faut que la France fasse un geste très symbolique et fort en termes de deniers, en renflouant les caisses haïtiennes de manière assez significative. À lire aussiLe Bénin veut réaffirmer ses liens avec Haïti en participant à la future force multinationale  À lire aussiRubén Silié (République dominicaine): «Le déploiement de policiers kényans en Haïti est la porte d’entrée pour une solution»
5/21/20246 minutes, 30 seconds
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Tentative de coup d'État en RDC: «Beaucoup d’amateurisme et des questions sur la facilité de l’opération»

Il reste beaucoup de questions ce lundi matin, 24 heures après les affrontements meurtriers qui ont eu lieu hier matin à Kinshasa, d’abord à la résidence du vice-Premier ministre Vital Kamerhe, puis au palais de la Nation. Que s’est-il passé exactement ? Pourquoi a-t-on voulu assassiner le vice-Premier ministre, qui est pressenti pour présider la nouvelle Assemblée nationale ? Le chercheur congolais Fred Bauma est le directeur exécutif d’Ebuteli, l’Institut congolais de recherches sur la gouvernance, la politique et la violence. En ligne de Kinshasa, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : « Une tentative de coup d'État a été étouffée dans l'œuf », a déclaré hier le porte-parole de l'armée congolaise. Qu'est-ce que vous en pensez ? Fred Bauma : On ne sait pas très bien s'il s'agissait d'un coup d'État ou d'une tentative d'assassinat. Ça peut être l'un ou l'autre. Tout ce que l'on sait, c'est qu’hier, des personnes armées se sont attaquées à la résidence de Vital Kamerhe et ensuite, elles s’en sont pris au palais de la Nation, le bureau officiel du président de la République, avant d'être maîtrisées. La manière dont leurs opérations ont été présentées semble montrer beaucoup d'impréparation, beaucoup d'amateurisme, mais ça pose aussi beaucoup de questions sur la facilité avec laquelle ces personnes armées semblent avoir opéré. « Cette tentative a impliqué des étrangers et des Congolais », a ajouté le porte-parole. À quels étrangers a-t-il fait allusion ? Le peu que l'on sait pour l'instant, c'est que, parmi les personnes responsables de cette tentative, leur leader, qui a été assassiné, Christian Malanga, est un citoyen congolais qui réside aux États-Unis. Et, parmi d'autres assaillants, il y avait son fils et il y avait également d'autres personnes dont certaines détenaient, il me semble, des passeports américains et canadiens. Depuis deux ans, les relations entre Kinshasa et Kigali sont exécrables. Est-ce que les étrangers dénoncés par le porte-parole pourraient être aussi des Rwandais ? Alors il n’y a rien qui montre pour l'instant qu'il y a des Rwandais parmi ceux qui ont commis cette tentative-là. Rien pour l'instant ne semble l'indiquer.Ce qui vous frappe, c'est la facilité avec laquelle les assaillants sont entrés dans le palais de la Nation, c'est ça ? Exactement. Donc, ce qu'on a appris, c'est qu’ils ont tenté d'assassiner Vital Kamerhe. Ils n'ont pas pu y arriver, mais ils ont tué deux policiers dans sa résidence. Ils se sont ensuite dirigés vers le palais de la Nation. Et on voit bien sur les réseaux sociaux des vidéos de cette troupe en train de se filmer, en train de changer les drapeaux de la République pour les remplacer par les drapeaux du Zaïre. Et le tout sans aucune intervention pendant plusieurs minutes. Quand on sait que le palais de la Nation, c'est quand même les bureaux officiels du président de la République et que c'est un espace très bien protégé par la Garde républicaine, une unité d'élite au sein de l'armée congolaise, on peut se demander pourquoi cela a été si facile [pour les assaillants] d'accéder jusque dans l’enceinte du palais de la Nation et d’enregistrer plusieurs vidéos avant qu’ils soient arrêtés. Cela donne quand même une impression d'insécurité en plein centre de Kinshasa. Et d'éventuelles complicités ?Je pense que c'est possible et il est certainement impossible que des personnes puissent être rentrées en RDC avec des tenues militaires et des armes et arrivent à mener des opérations jusque dans les endroits les plus sécurisés du pays… sans aucune complicité. J'imagine que les assaillants doivent être probablement dans un réseau et ce serait bien que la justice puisse élucider cela. Mais en même temps, tout le monde sait que le président Félix Tshisekedi ne dort pas au palais de la Nation. Pourquoi ces assaillants s'en sont-ils pris à un palais qui était vide ? Pour l'instant, je dois dire qu'il y a plus de questions que de réponses. Une des questions, c'est celle-là exactement : pourquoi s’en prendre au palais de la Nation si c'est un coup d'État, alors qu'on sait très bien que le président n'y réside pas ? Pourquoi s'attaquer à Vital Kamerhe ? Ça fait que même la qualification de coup d'État de ce qu’il s'est passé hier est quelque chose qu'il faudrait questionner, je pense. L’un des faits marquants de ces événements d'hier, c'est en effet l'attaque, dans la nuit de samedi à dimanche, du domicile de Vital Kamerhe. Pourquoi les auteurs de ce coup de force s'en sont-ils pris d'abord à cette personnalité qui est Vice-Premier ministre et ministre de l’Économie ? Je n’ai pas de réponse claire, mais Vital Kamerhe est connu comme étant l’un des alliés proches du président de la République, il est une personnalité qui est attendue pour être le président de l'Assemblée nationale et, de cette manière-là, il pourrait être l’une des personnalités les plus importantes du pays. Est-ce que c'est ce qui a fait qu'il soit la cible ? Je ne sais pas le dire. Il y a beaucoup de théories du complot qui se développent autour de cela, mais ça questionne, le fait de s'être attaqué particulièrement à Vital Kamerhe, plutôt qu'à beaucoup d'autres cibles potentielles. Le 23 avril dernier, Vital Kamerhe a gagné en effet une primaire parmi les députés de l'Union sacrée pour devenir le prochain président de l'Assemblée nationale, mais il n'a pas que des amis au sein de cette coalition présidentielle… Il n’a pas que des amis. Le fait qu'il soit passé par des primaires est dû d'ailleurs à des divisions au sein de l'Union sacrée, au manque de consensus autour de sa personne. Mais je pense qu'il est très tôt pour pouvoir lier les actions d'hier à la compétition politique au sein de l'Union sacrée. Et cependant, je pense qu'il est clair que ça ne va pas adoucir la relation entre Vital Kamerhe et des personnes qui sont opposées à lui au sein de leur coalition. Cela ne fera que durcir la relation entre Vital Kamerhe et d'autres leaders de l'Union sacrée.► L’ambassadrice des USA en RDC exprime « son choc et sa préoccupation face aux rapports impliquant des citoyens américains dans les attaques ». « Je suis choquée par les événements de ce matin et très préoccupée par les rapports faisant état de citoyens américains prétendument impliqués. Soyez assurés que nous coopérerons avec les autorités de la RDC dans toute la mesure du possible alors qu’elles enquêtent sur ces actes criminels et tiennent pour responsables tout citoyen américain impliqué dans des actes criminels », a déclaré Lucy Tamlyn dans un communiqué.► Réaction de la Monusco. La représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU en RDC et cheffe de la mission onusienne, Bintou Keïta, a dit suivre de très près l’évolution de la situation et se tenir « à la disposition des autorités congolaises pour fournir tout appui entrant dans le cadre de son mandat ».► Le gouvernement de la République du Congo a affirmé, par voie de communiqué, qu’un « obus en provenance de Kinshasa s’était malencontreusement abattu à Brazzaville, dans l’arrondissement 2 Bacongo, précisément au quartier M’Pissa dans la zone dite des Trois Francs ». De ce côté-ci du fleuve, les autorités font état de blessés légers et affirment qu’il ne s’agissait que d’un « incident isolé ».À lire aussiRDC: le président Tshisekedi veut remettre de l’ordre dans sa majorité à l’Assemblée
5/20/20247 minutes, 48 seconds
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Philippe Lacôte: «Le cinéma du monde n’est pas un genre. II faut essayer d'être plus authentique»

Le grand invité Afrique de ce matin est le réalisateur ivoirien Philippe Lacôte, parrain de la Fabrique du cinéma 2024 à Cannes, une initiative qui vise à aider la production des pays émergents, et ce depuis seize ans maintenant. Dix projets diversifiés de films ont été sélectionnés pour bénéficier de l'aide à la production. C'est l'occasion d'échanger avec le parrain de la Fabrique sur son parcours cinématographique, son pays et les jeunes créateurs qu'il va accompagner.  À lire aussiJournal du festival de Cannes 2024: une méga déception et deux belles surprises
5/18/20244 minutes, 32 seconds
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Femua: «En dehors de la musique, on peut être un pion essentiel pour le développement de son pays»

Salif Traoré, dit A'Salfo, leader du groupe Magic Systèm, est délégué général du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo (Femua), dont on fête la seizième édition. Un événement devenu une référence sur le continent africain par la qualité de sa programmation : Gims, Yémi Aladé, Sona Jobarteh, Tamsir partagent notamment la grande scène... mais il est surtout réputé pour son engagement permanent dans le développement social, économique et diplomatique, avec cette année, le thème de la santé mentale chez les jeunes. Entretien. À lire aussiCôte d'Ivoire: coup d'envoi pour le 16e FEMUA, grand festival des musiques urbaines africaines
5/17/20244 minutes, 30 seconds
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Cinéma en Afrique: «Les femmes participent à l'essor de l'industrie», dit Emma Sangaré

Le Festival de Cannes donne lieu à des projections cinématographiques, mais aussi à des rencontres et des forums sur le Septième art. Ce jeudi se tient un débat sur la place des femmes dans les secteurs du cinéma et de l’audiovisuel au « Pavillon Afriques ». Débat auquel participeront des réalisatrices, des productrices, des actrices, ainsi qu’Emma Sangaré, co-directrice de l’école de cinéma Kourtrajmé à Dakar, au Sénégal. Entretien. À écouter aussi«Un cinéma africain marqué par des films de l’intime et une prise de pouvoir des femmes»
5/16/20244 minutes, 20 seconds
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Togo: «Le changement de régime vise à prolonger le mandat de Faure Gnassingbé indéfiniment»

Au Togo, le président Faure Gnassingbé est assuré de rester au pouvoir après la victoire de son parti aux législatives du 29 avril, mais à condition de changer de fauteuil. Suite au changement de Constitution, c'est le président du Conseil des ministres qui concentre désormais tous les pouvoirs. Pourquoi Faure Gnassingbé a-t-il fait adopter cette réforme ? Et pourquoi l'opposition n'a-t-elle pas réussi à l'en empêcher ? Entretien avec Bergès Mietté, chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le monde, à Sciences Po Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. À lire aussiTogo: la Cour constitutionnelle confirme les résultats des législatives
5/15/20246 minutes, 5 seconds
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«Il y a une sorte de continuité dans l'action de la diplomatie sénégalaise»

Le Sénégal est sur tous les fronts. D'un côté, le président Diomaye Faye est allé la semaine dernière en Côte d'Ivoire. De l'autre, le Premier ministre Ousmane Sonko espère se rendre bientôt dans les trois pays de l'Alliance des États du Sahel. Est-ce à dire que les nouveaux dirigeants sénégalais vont tenter une médiation entre la Cédéao et les trois États sahéliens qui veulent quitter l'organisation ouest-africaine ? Entretien avec le chercheur sénégalais Pape Ibrahima Kane, spécialiste des questions régionales en Afrique. À lire aussiLe président ivoirien Ouattara reçoit le sénégalais Diomaye Faye: «Nous sommes totalement en phase»
5/14/20247 minutes, 1 second
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Suliman Baldo, chercheur soudanais: «Beaucoup de civils seront pris dans des feux croisés à el-Fasher»

Au Soudan, la ville d’el-Fasher, la plus grande du Darfour, est le théâtre depuis le 10 mai 2024 de violents affrontements à l’arme lourde. OCHA, le Bureau des affaires humanitaires de l’ONU, décompte au moins 27 personnes tuées. El-Fasher est la seule ville du Darfour qui n’est pas encore tombée aux mains des Forces de soutien rapide du général Hemedti. Faut-il craindre que ces forces commettent un massacre à caractère ethnique, comme il y a un an à el-Geneina, une autre grande ville du Darfour ? Et pour stopper le général Hemedti, faut-il le menacer de poursuites judiciaires ? Le chercheur soudanais Suliman Baldo est le fondateur du centre de réflexions Sudan Policy and Transparency Tracker. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.  RFI : La ville d’el-Fasher est-elle au bord d'un massacre à grande échelle, comme dit l'ambassadrice des États-Unis à l'ONU ? Suliman Baldo : Il y a des soucis bien justifiés pour qu'on craigne que ce soit le cas effectivement. Or, si cette offensive a lieu, il y aura certainement des victimes civiles en grand nombre. Des victimes dans quelle communauté ? Je ne m’attends pas à ce que le scénario d’el-Geneina, à l'ouest du Darfour, se répète, c'est-à-dire que je ne crois pas qu'il y aura un ciblage ethnique contre des communautés particulières au sein de la ville. Cependant, el-Fasher est une ville de peut-être un million et demi d’habitants, la moitié desquels sont des déplacés de guerre, et donc les combats vont avoir lieu dans un milieu urbain dense. Donc il y aura beaucoup de civils qui seront pris dans les feux croisés des combats. Alors vous rappelez ce qu’il s'était passé il y a un an à el-Geneina, la capitale du Darfour occidental. Là, il s'agissait vraiment d'un nettoyage ethnique ? C'était certainement un nettoyage ethnique parce que c'était la communauté des Masalit qui était ciblée par les Forces de soutien rapide et les milices arabes alliées aux Forces de soutien rapide. Celles-ci se sont attaquées aux quartiers résidentiels où vivent les Masalit, en tuant des milliers d’entre eux. Et d'ailleurs, il y a un rapport de l'organisation internationale Human Rights Watch qui donne des témoignages de survivants. Là, il y a eu une campagne d'épuration ethnique, dont le but était de récupérer la terre des Masalit, parce que le ciblage était sur base ethnique. Cela relève aussi d’un acte génocidaire, parce qu'ils ont tué des milliers de civils masalit dans ces attaques. En janvier dernier, le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, a déclaré qu'il y avait des raisons de croire qu’au Darfour, les deux belligérants commettaient des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, voire un génocide. Le procureur renvoie donc les deux belligérants dos à dos. Mais les Forces de soutien rapide ne commettent-elles pas des crimes encore plus graves que les Forces armées soudanaises ? Je suis d'accord avec vous, c'est tout à fait le cas, c'est-à-dire que les Forces armées soudanaises au Darfour – que ça soit à el-Geneina, à el-Fasher ou même dans d'autres chefs lieux, comme Nyala au Sud-Darfour –, toutes les garnisons de l'armée soudanaise dans ces villes étaient encerclées et donc n'étaient pas en mesure de perpétrer des crimes massifs à l'échelle de ceux commis par les Forces de soutien rapide à el-Geneina. Bien sûr, l'armée de l'air soudanaise a lancé des bombardements à répétition dans les villes et donc il y a eu beaucoup de victimes civiles collatérales, mais je ne crois pas que l'armée a eu la possibilité, ou même l'intention, de s'attaquer à des communautés civiles sur une base ethnique, comme c’était le cas pour les Forces de soutien rapide. Faut-il inculper le général Hemedti pour crimes de guerre, voire crimes contre l'humanité ?Certainement, c'est mon évaluation. D'ailleurs, il y a une enquête officielle de la Cour pénale internationale au sujet des tueries qui ont eu lieu entre le mois d'avril et le mois de juin 2023 à el-Geneina, où beaucoup de Masalit ont trouvé refuge et où les Forces de soutien rapide se sont attaquées à eux, en en tuant encore des milliers parmi eux. Et faut-il inculper aussi le général al-Burhan ? Il y a de plus en plus d'implication de l'armée soudanaise dans des crimes de guerre. On a vu dernièrement, par exemple, des cas de ciblage sur une base ethnique dans les villes où l'armée est en contrôle, dans les États de l'Est et du Nord du Soudan. Tous les gens de l'Ouest du Soudan sont pris pour cible et menacés d'arrestations arbitraires, de torture et suspectés de jouer un rôle d'espion pour les Forces de soutien rapide. Donc il y a une responsabilité du commandement du général al-Burhan sur les exactions qui visent des civils pris dans les feux croisés de cette guerre qui a lieu aujourd'hui au Soudan.À lire aussiGuerre au Soudan: une trentaine de morts dans des combats à El Fasher au Darfour
5/13/20245 minutes, 17 seconds
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Mounir Halim: «La collaboration public-privé est la clé pour une production compétitive des engrais en Afrique»

Les pays membres de l'Union africaine étaient réunis cette semaine, du mardi 7 au jeudi 9 mai à Nairobi au Kenya, pour un sommet extraordinaire sur les engrais et la santé des sols. Un rendez-vous très important alors que les prix des engrais ont triplé, voire quadruplé au cours des dernières années, sous l'effet conjugué de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine. Cette envolée des prix a rendu l'accès aux engrais plus difficile pour les agriculteurs africains, provoquant un appauvrissement des sols et une baisse des récoltes dans de nombreux pays. À l'issue du sommet de Nairobi, un plan d'action décennal a été présenté, avec 21 mesures pour favoriser la fertilité et la santé des sols. Mounir Halim est le fondateur et directeur d'Afriqom, une agence d'information spécialisée sur le marché des engrais en Afrique.  RFI : Dans la déclaration de Nairobi, les États se sont engagés à tripler la production domestique et la distribution d'engrais d'ici fin 2034 en Afrique, pour améliorer la fertilité des sols. Que pensez-vous de cet objectif affiché ? Mounir Halim : Alors, sur le point de la production aujourd'hui, je ne vois pas ça comme un problème pour arriver à des consommations dont on a besoin pour le sol, parce qu’on a du produit qui vient de la Russie, du Moyen-Orient, mais surtout des produits africains. On voit déjà le potentiel avec la disponibilité du gaz, du phosphate, même de la potasse, des éléments primaires pour les engrais. Le problème, ce n’est pas la disponibilité des produits. Maintenant, je comprends que certains gouvernements veulent produire des engrais en Afrique. En parallèle, nous avons beaucoup d'entreprises internationales qui veulent investir, mais nous n’arrivons pas à construire des investissements de milliards de dollars. Pour moi, c'est ça la question. Donc, les matières premières sont disponibles, il y a des investisseurs... Alors, quelle est la clé pour améliorer la fertilité des sols ? C'est la collaboration entre le secteur public et privé. Parce que les gouvernements africains ne peuvent pas le faire tout seul. On a des acteurs africains ainsi que des acteurs internationaux qui veulent développer l'Afrique. Ils sont prêts, mais ils ont besoin des réglementations qui vont faciliter et protéger leurs investissements. Mais l'intérêt est là. Je vois parfois des gouvernements qui font des régulations super efficaces, par exemple au Nigeria et en Tanzanie. Il faut apprendre de ces exemples et les appliquer dans d'autres pays. Comment les prix des engrais ont-ils évolués depuis 2020 et est-ce que, désormais, ils se sont stabilisés ? Je vous donne un exemple donc de l'urée. C’est l'engrais azoté qui est le plus utilisé dans le monde et aussi en Afrique. L'urée, arrivée au port africain en décembre 2020, était autour de 300 dollars la tonne. En mars 2022, on est arrivé à 1 100 dollars par tonne. Aujourd'hui, on est retourné à 350 dollars la tonne.  Et peut-on dire que les chocs de la guerre en Ukraine et du COVID-19 ont été surmontés ? Malheureusement, non. C'est parce qu'on a découvert, avec ce choc du COVID-19, c'est qu'en Afrique, nous ne sommes pas prêts à gérer ces chocs. Et on l'a vu depuis des dizaines d'années : il n'y avait pas de fluctuations dans les marchés d'engrais. Mais en 2006/2007, nous avions la flambée des prix... Après, nous en sommes revenus et là, on voit que ça arrive de plus en plus. C'est lié à beaucoup d'autres éléments, comme tout ce qui est politique, le changement climatique, la crise financière. Et d'ailleurs, avoir une préparation pour gérer les chocs n’était pas du tout mentionné dans la déclaration, alors qu'on vient de sortir d'un choc, justement. C'est pourquoi cette déclaration, à mon avis, manque de beaucoup d'éléments importants. L'Afrique compte plusieurs grands producteurs d'engrais, le Nigeria, l'Algérie, le Maroc ou l’Afrique du Sud. Aujourd'hui, est-ce que leurs exportations sont tournées prioritairement vers le continent africain lui-même ? La réponse est oui et non. Par exemple, le Maroc exporte plus que 20%, parfois 30%, de leur export mondial vers l'Afrique. Maintenant, vous avez mentionné l’Algérie. Ça, c'est un peu décevant : pratiquement, je dirais 0% qui part vers l'Afrique. La même chose pour l'Égypte. Pour l'Afrique de l'Ouest, la grande production est au Nigeria. Il y a deux grands producteurs : Dangote et Indorama. Indorama fait beaucoup de distribution au Nigeria et un peu aussi sur l'Afrique de l'Ouest. Dangote, moins, ils se focalisent plutôt sur le Brésil. Donc, j'aimerais bien voir ces grands producteurs africains avoir une stratégie africaine. Et est-ce que le prix des engrais africains est suffisamment attractif, aujourd'hui, pour concurrencer les engrais russes par exemple ? Si je reste sur l'exemple d’urée, c’est sur le coût de production qu’on va comparer le produit russe et le produit nigérian. Les producteurs russes ont un accès à un gaz qui est très compétitif... les Nigérians aussi. Mais les Russes ont besoin d’affréter ce produit. Vous avez un élément de prix additionnel, alors que les Nigérians ne vont pas l'avoir. Donc, on peut produire du produit assez compétitif en Afrique. On a un défi, il faut qu'on persévère, persévère, persévère... parce que le potentiel est là et il est énorme. Et l'Afrique va nourrir sa population, mais surtout le monde. Et pour ça, on a besoin de travailler avec les gouvernements africains pour ramener des réglementations qui vont encourager de plus en plus le développement du secteur agricole en Afrique. À lire aussiEn Afrique de l'Ouest, la filière engrais peut créer de l'emploi, surtout pour les jeunesÀ lire aussiPeut-on pallier le manque d’engrais en Afrique?
5/11/20245 minutes, 58 seconds
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Présidentielle au Tchad: selon T. Vircoulon, «On ne peut pas connaître la vérité des résultats de la commission électorale»

Au Tchad, le président de transition Mahamat Idriss Déby est élu dès le premier tour, selon les résultats provisoires annoncés hier soir par la Commission électorale. Avec 61 % des voix, il arrive loin devant le Premier ministre Succès Masra, crédité de 18 %, et l'ancien Premier ministre Pahimi Padacké, qui frôle les 17 %. Que penser de ces résultats ? Et que prévoir après l'annonce par le Premier ministre qui affirme que c'est lui qui a gagné ? Thierry Vircoulon est chercheur associé à l'IFRI, l'Institut français des relations internationales. Il livre son analyse au micro de Christophe Boisbouvier. RFI : Êtes-vous surpris par l'annonce de la victoire du président de la transition dès le premier tour ? Thierry Vircoulon : Oui, on est surtout surpris que l'agence électorale Ange ait pu compiler les résultats des 26 000 bureaux de vote aussi vite, puisque elle-même disait qu’il lui faudrait quand même un certain nombre de jours pour faire cette tâche et qu'elle avait jusqu'au 21 mai pour l'accomplir. Donc 26 000 bureaux de vote compilés avec les résultats analysés et compilés aussi vite, c'est très très surprenant.Et pourquoi cette accélération, peut-être pour ne pas laisser enfler la polémique ?Oui, je crois que la raison, c'était de prendre de vitesse Succès Masra, d'éviter qu’il y ait en effet des annonces prématurées sur les résultats électoraux et que ça fasse monter en fait la température à Ndjamena et dans les grandes villes du pays. Et je pense que, en effet, cette soudaine accélération du travail de compilation de l'Agence électorale avait quand même des intentions politiques assez claires.À quel autre scrutin vous fait penser cette élection ?Cela fait penser au scrutin de 1996, qui était aussi l'élection de sortie de la première transition et qui a été remportée par le président Idriss Déby. Mais à ce moment-là, cette élection a été remportée au deuxième tour et pas au premier tour, et donc là, on voit quand même la différence. Mais c'est la deuxième transition tchadienne qui se termine avec une victoire électorale d'un membre de la famille Déby.L'autre fait marquant de la soirée d'hier, c'est que le Premier ministre Succès Masra, trois heures avant l'annonce des résultats officiels, a annoncé que c'est lui qui avait gagné et a appelé les Tchadiens à se mobiliser pour ne pas se laisser voler leur victoire. Qu'est-ce que cela vous inspire ?Ça fait penser que les jours qui viennent vont être extrêmement tendus puisqu’on a une situation assez classique, si je puis dire, dans les élections africaines, où la commission électorale proclame un vainqueur et puis son challenger conteste les résultats et dit que c'est lui le vainqueur. Ce qui est clair, c'est que, dès hier après-midi, l'armée tchadienne a été déployée à Ndjamena. Et donc les jours qui viennent vont être très militarisés parce que le pouvoir s'attend à une épreuve de force avec les partisans de Succès Masra, puisqu'il a appelé dans son message à ne pas se laisser voler la victoire. Et donc il y a un risque d'épreuve de force dans la rue.Depuis un mois, beaucoup de Tchadiens disaient que le duel entre le président Mahamat Idriss Déby et le Premier ministre Succès Masra était une mascarade et que les deux hommes avaient conclu, en fait, un accord secret. Est-ce que le scénario d'hier soir ne dément pas cette thèse de la collusion ?Il y a eu un accord, mais c'était un accord pour le retour de Succès Masra et le fait qu'il puisse être candidat aux élections... Est-ce qu'il y avait un accord sur l'après élection ? Là, en effet, on peut en douter, parce qu’on a vu que, ces dernières semaines, Succès Masra est vraiment entré dans le jeu électoral et a mené une vraie campagne électorale qui a provoqué un vrai engouement populaire autour de sa candidature. Et donc, s'il y a eu un accord, il est clair qu'aujourd'hui il ne tient plus. Mais peut-être n'y en a-t-il pas eu. Mais en tout cas, il s'est posé vraiment comme le challenger du président et maintenant il réclame la victoire, contrairement à ce que vient de dire l'Agence électorale.Et du coup, est-ce que la cohabitation entre le président et le Premier ministre peut tenir longtemps ?Non, il est évident qu’avec le discours qu’il vient de faire avant la proclamation des résultats, ce n'est plus possible. Mais il faut quand même rester prudent. Il peut toujours y avoir des arrangements de dernière minute, notamment peut-être pour éviter la confrontation dans la rue dont je parlais tout à l'heure.Selon les résultats provisoires annoncés hier, le Premier ministre Succès Masra est talonné par une autre personnalité du sud du pays, l'ancien Premier ministre Albert Pahimi Padacké. Quel est votre commentaire ?Le problème de cette élection, comme d'ailleurs trop souvent dans les élections africaines maintenant, c'est qu’il n'y a plus d'observateurs. Il n’y a pas d'observateurs internationaux véritablement. Et même pas les observateurs nationaux qui avaient été formés, leurs accréditations ayant été refusées par l'agence électorale. Donc maintenant on se retrouve avec des élections où personne n'est capable de contre vérifier les résultats annoncés par la commission électorale. Par conséquent, on peut dire 16%, 15%, 20%, on a un peu l'impression que, de toute façon, les chiffres n’importent plus puisqu’on ne peut pas connaître leur vérité. Et on ne peut pas connaître leur vérité parce que les organisateurs électoraux ont vraiment tout fait pour qu'il n'y ait pas d'observation impartiale possible.
5/10/20244 minutes, 22 seconds
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A. Agbénonci: dans le bras de fer Bénin-Niger: «Il faut désigner des intermédiaires, personne ne sera gagnant»

Rien ne va plus entre le Bénin et le Niger. Voilà bientôt six mois que le Niger refuse de rouvrir la frontière entre les deux pays. Et mercredi 8 mai, le président béninois Patrice Talon a confirmé l'information RFI de ce lundi, à savoir la décision du Bénin de bloquer l'embarquement du pétrole nigérien au niveau de la plateforme de Sémé Kpodji, sur les côtes béninoises. Jusqu'à 2023, Aurélien Agbénonci était le ministre béninois des Affaires étrangères. Aujourd'hui, il travaille auprès du Forum de Crans-Montana, qui fait du conseil stratégique. De passage à Paris, il livre son analyse au micro de Christophe Boisbouvier. RFI : Après le refus du Niger de rouvrir sa frontière avec le Bénin, celui-ci décide de bloquer l'évacuation du pétrole nigérien, quelle est votre réaction ? Aurélien Agbenonci : J'ai été un peu surpris d'apprendre que le gouvernement du Bénin avait pris une telle mesure. Je pensais qu'on était dans une démarche d'apaisement et de retour à la sérénité, donc j’ai été très surpris.À l'origine de cette crise entre les deux pays, il y a le putsch au Niger le 26 juillet dernier et la décision du Bénin de s’associer aux autres pays de la Cédéao. Ils ont alors sanctionné les putschistes de Niamey. Est-ce que c'était, d'après vous, la bonne décision ? Je m'étais abstenu pendant un an de m’exprimer sur ces questions-là, une sorte de silence que je m’étais imposé volontairement, et je me suis dit qu'après un an, il était peut-être temps que je me fasse entendre pour contribuer à la recherche de solutions.Je pense que ce n'était pas la bonne décision parce que la Cédéao, qui a recommandé ces sanctions qui sont plutôt radicales, est elle-même dans une crise identitaire. On parle d'une Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, puis on s'est retrouvé dans une situation où la communauté économique est partie directement sur un terrain politique. Et lorsque vous imposez des sanctions politiques - alors que votre rôle est de rester d'abord dans la recherche de convergences économiques pour pouvoir pousser la croissance et favoriser le développement dans cet espace communautaire -, forcément, on arrive à une situation difficile comme celle-là.Et donc la décision, elle était dure, elle est conforme à un protocole qui existe, le protocole sur la gouvernance de la Cédéao. Et je pense que, très sérieusement, on aurait dû trouver une manière un peu plus simple de régler le problème, à savoir forcer sur le dialogue, trouver des compromis, établir des échéances de retrait des forces qui ont été responsables de ces changements, de ces ruptures dans l'ordre constitutionnel. Ce sont des choses qui ont déjà fonctionné dans le passé, mais je crois qu'on est allés un peu trop fort et, quand on va trop fort, parfois, ça ne marche pas.À la fin de l'année dernière, le Bénin a assoupli sa position à l'égard du Niger. Le président Talon a annoncé sa volonté de normaliser les relations et de rouvrir la frontière Bénin-Niger, mais le Niger a refusé la main tendue. Qu'en pensez-vous ?En fait, ce qu’il s'est passé, c'est que le dialogue a été vicié. Il y a eu des suspicions, des accusations de part et d'autre qui, forcément, ont fait disparaître la confiance entre les parties. Ensuite, je crois que le Bénin, peut-être, a sous-estimé l'importance du Niger dans son économie. Et on a vu le résultat plus tard, la situation du port de Cotonou en a souffert.Et du coup, le Togo en a profité.Le Togo en a profité. J'ai écouté les autorités des deux pays et j'ai compris qu'en fait, le Togo n'avait pas préparé spécialement une manœuvre contre le Bénin. Le Bénin non plus n'avait pas prévu que les choses prendraient une telle proportion et je pense qu’une saine appréciation de la réalité et du rôle de chacun aurait pu amener à éviter cette situation. Pour justifier son refus de la normalisation, la junte au pouvoir au Niger a accusé le Bénin d'abriter secrètement une base militaire française dans le nord de votre territoire, est-ce que c'est crédible ? Il ne m'appartient pas de répondre à cela, puisque je ne suis plus aux affaires depuis maintenant 12 mois, mais je ne pense pas que cette lecture est exacte.Et c'est en effet catégoriquement démenti par les autorités béninoises. Je n'ai pas de raison de ne pas les croire.Ces derniers jours, le ton est monté entre Niamey et Cotonou. C'était à l'occasion de la future inauguration de la plate-forme pétrolière de Sèmè-Kpodji, sur la côte béninoise. Le Niger a alors décidé d'envoyer une délégation au Bénin sans prévenir les autorités béninoises, en demandant simplement aux Chinois de la compagnie pétrolière CNPC de faire passer le message au Bénin. C'est un peu vexant, non ? Je n'ai pas les détails de ce qu’il s'est passé. Ce que je sais, c'est qu'il faut trouver des mesures d'apaisement. Je crois que le projet de pipeline est un projet important. C'est un beau projet. Je me souviens moi-même avoir été visiter les installations avec l'ancien président Bazoum lorsqu’il visitait le Bénin. Disons que le projet de pipeline mérite mieux que ce qu’il se passe. La compagnie pétrolière chinoise CNPC a avancé le 12 avril dernier quelque 400 millions de dollars au pouvoir militaire nigérien. Mais cette avance, elle va être très vite consommée par le Niger. Et puis après, si le pétrole ne coule pas, il n'y aura plus d'argent pour le Niger. Est-ce qu'un jour ou l'autre les deux parties ne vont pas devoir revenir à la table, peut-être sous médiation chinoise ? Je ne sais pas quelle sera la médiation, mais je crois qu'il faut désigner tout de suite des intermédiaires pour leur permettre de se parler. Et, le plus important pour moi, c'est que cette escalade s'arrête. Personne ne sera gagnant dans cette guerre, personne. À lire aussiLe Bénin interdit aux navires de charger du pétrole nigérien tant que Niamey ne rouvre pas sa frontière
5/9/20248 minutes, 41 seconds
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RDC: «La plupart du temps, il y a une saine collaboration entre l'Église et l'État»

En République démocratique du Congo (RDC), le torchon brûle entre le pouvoir politique et l'Église catholique. Il y a dix jours, on a appris que le cardinal archevêque de Kinshasa, Fridolin Ambongo, était menacé de poursuites judiciaires pour « propos séditieux » de nature à décourager les militaires qui combattent dans l'est du pays. Mgr Ambongo passera-t-il un jour en procès ? L'historien congolais Isidore Ndaywel est l'un de ses proches. Il est aussi le coordinateur national du puissant Comité laïc de coordination.  RFI : Des menaces de poursuites judiciaires contre le numéro un de l'Église catholique au Congo [Fridolin Ambongo], est-ce que ce n'est pas une première dans l'histoire de ce pays ? Isidore Ndaywel : C'est vrai qu'il existe une lettre du procureur général de la Cour de cassation au procureur de la Cour d'appel de Matete, l'instruisant à ouvrir une action pénale à l'endroit du cardinal, mais ceci demeure une lettre d'intention.Dans une interview au Figaro, le Président Tshisekedi lui reproche d'avoir dit récemment que le Congo armait les miliciens hutu FDLR, et de s'être fait ainsi le « propagandiste du Rwanda ». Il faut préciser que le cardinal Fridolin Ambongo, son discours est de dire que la conférence épiscopale du Congo, la CENCO, condamne la rébellion, condamne les violences de l'est. Récemment encore, les évêques de la CENCO viennent de le faire pour ce qui s'est passé à Mugunga, près de Goma. Mais le cardinal a voulu dire, je crois, qu’il y a aussi des turpitudes qui relèvent de nous-mêmes. Je pense que c'est là où, effectivement, une telle déclaration n'est pas pour plaire au pouvoir, au président de la République. Donc effectivement, nous sommes en présence d'une situation conflictuelle. Mais il ne faut pas non plus qu'on exagère lorsqu'il y a des couacs à certains moments, surtout qu'il y a eu encore récemment un accord-cadre entre le Saint-Siège et l'État congolais.En décembre dernier, le cardinal avait qualifié la présidentielle de « gigantesque désordre organisé ». Est-ce que la crispation actuelle entre le pouvoir et l'Église catholique ne date pas de ce moment-là ?Disons que, globalement, nous savons que l'Église au Congo constitue une force tranquille. Mais une force de gauche qui, à plusieurs moments de notre histoire, rappelle à l'État le bien-fondé d'un certain nombre de principes de gestion. S'agissant des élections, oui, bien sûr. On savait depuis le départ que les élections allaient aboutir à énormément de difficultés, en commençant d'abord par la carte d’électeur qui n'était pas visible pour la plupart des citoyens. Donc voilà, il y a eu des problèmes réels à propos des élections. Pourquoi dites-vous que l'Église est une force de gauche ? Pourquoi pas une force de droite ? Je dis que c'est une force de gauche dans la mesure où cette force se trouve au ras du sol, auprès du petit peuple, de la réalité du quotidien. Et peut-on dire que l'Église est, au Congo, une sorte de contre-pouvoir ? Absolument, l'Église est une sorte de contre-pouvoir. Mais l'Église s'en tient aux institutions légales du pays. Et sur ce point-là, l'Église reste dans son rang. Nous n'avons pas eu au Congo la situation qu'on a eue au Congo-Brazzaville, où il y a eu un prélat [l’abbé Fulbert Youlou] qui est devenu le chef de l'État, ou en Centrafrique, où nous avons vu le père Barthélémy Boganda devenir un homme politique. Non, le Congo n'a jamais eu cette situation depuis le cardinal Malula, jusqu'à maintenant, avec Fridolin Ambongo.Depuis la présidentielle de décembre, les opposants Moïse Katumbi et Martin Fayulu sont beaucoup moins audibles. Est-ce que l'Église catholique n'est pas en train d'occuper le terrain de l'opposition face à Félix Tshisekedi et de prendre le leadership de cette opposition ? L’Église ne fait pas de la politique directement. L'Église s'occupe des problèmes essentiellement de type socio-économique. En ce qui concerne les questions frontales de la politique, normalement, c'est l'opposition et ça ne relève pas de l'Église. On sait que Monseigneur Fridolin Ambongo fait partie du « C9 », le Conseil des cardinaux les plus proches du pape, depuis quatre ans. Est-ce qu'aujourd'hui ce début de procédure judiciaire contre le cardinal, ce n'est pas le signe que Félix Tshisekedi n'est pas dans un moment d'apaisement avec le Vatican et avec votre Église ?Je ne pense pas, je voudrais quand même rappeler que, lorsque Fridolin Ambongo a été fait cardinal, le président Tshisekedi a fait le déplacement de Rome. Donc, vous ne pensez pas que Monseigneur Fridolin Ambongo passera un jour en procès ? À mon avis, non. Je constate que, depuis qu'il y a eu cette lettre, elle demeure une lettre. On n'a pas été au-delà d'une lettre.À lire aussiRDC: l'enquête judiciaire qui vise le cardinal Fridolin Ambongo suivie de près au Vatican
5/8/202410 minutes, 21 seconds
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Niger: «Mahamadou Issoufou est le commanditaire du putsch», selon la fille du président déchu Mohamed Bazoum

Hinda est l’une des cinq enfants du président nigérien Mohamed Bazoum, qui est séquestré depuis neuf mois à Niamey avec son épouse. Ce mardi matin, en exclusivité sur RFI, elle lance un « appel de détresse » en faveur de la libération de ses parents. Et elle accuse l’ancien président Mahamadou Issoufou, d’être non seulement à l’origine du putsch qui a renversé son père en juillet 2023, mais aussi d’être derrière les poursuites judiciaires dont son père est menacé vendredi prochain devant la Cour d'État de Niamey. RFI : Dans une tribune, vous dites que le cerveau du putsch [du 26 juillet 2023] n'est autre que l'ancien président Mahamadou Issoufou, l'ami de toujours de votre père. Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? Hinda Bazoum : À son comportement, tout d'abord. Il n'a jamais condamné le putsch. Pire, il s'affiche même aux côtés des putschistes. Il est allé présenter ses vœux pour l'Aïd et saluer [le général] Tiani au palais présidentiel. Quel démocrate fait ça ? Il était l'ami de notre père, mais n'a fourni aucun effort pour lui. Il n'a jamais cherché à le rencontrer ni à exiger sa libération. Il n'a jamais cherché à rentrer en contact avec nous, les enfants. Chose plus curieuse encore, lorsque la communauté internationale souhaitait exiger un retour à l'ordre constitutionnel, au lieu d’abonder dans le même sens, il a plutôt plaidé pour une courte transition, une nouvelle Constitution et de nouvelles élections, sûrement pour pouvoir revenir au pouvoir. Lui qui se voulait grand démocrate est en fait un grand dictateur. Est-ce que vous pensez que Mahamadou Issoufou a pris le train en marche, qu'il a profité du putsch pour faire ce que vous dites ?Non, pas du tout. C'est bien lui le commanditaire du putsch. L'idée a mûri dans la tête d'une seule personne, Mahamadou Issoufou. Mon père était sûrement devenu trop gênant pour les gens de son clan. Du temps de mon père, il faut dire que la lutte contre la corruption était bien lancée. Elle avait permis l'arrestation de 40 cadres par la justice, dont les membres du parti PNDS de mon père, ce qui est inédit au Niger et qui prouve que la justice était indépendante. Il était en train de mettre fin à l’affairisme, à la gabegie au sommet de l'État. Et c'est là qu'Issoufou s’est senti en danger à travers les intérêts de ses amis et, certainement, les siens.Donc il a véritablement dupé votre père dans les derniers jours d'avant le 26 juillet ?Beaucoup plus, il l'a trahi. Il a trahi tout un peuple, il a trahi ses amis de lutte. C'est comme un cauchemar pour nous.Hinda Bazoum, vous allez plus loin puisque vous dites aujourd'hui que la menace de levée d'immunité de votre père afin de pouvoir le juger pour haute trahison, c'est une manœuvre de l'ancien président Issoufou lui-même…Oui, tout à fait, parce que, face à la résistance de mon père, à son refus de démissionner, je pense que c'est quelque chose qu'ils n'ont pas imaginé au début. La dernière cartouche d'Issoufou serait de lever l'immunité de mon père pour le faire condamner, de sorte à le rendre inéligible pour laisser le champ libre à Issoufou de cette manière. Et ils ont créé de toutes pièces une nouvelle Cour d'État qui se substitue aux tribunaux de la Constitution, à la tête de laquelle est nommé un proche d’Issoufou.L'audience de la Cour d'État de Niamey est prévue vendredi prochain, qu'est-ce que vous attendez des magistrats de cette Cour ? J'espère qu'ils feront preuve d'impartialité. C'est un rendez-vous avec l'histoire qui se présente à eux, il faut qu'ils en aient conscience.Si votre père démissionnait de ses fonctions de président de la République, tout irait mieux pour lui, font savoir les officiers putschistes. Pourquoi refuse-t-il de démissionner ?Je ne pense pas que tout irait mieux pour lui, non. Et mon père ne démissionne pas parce que c'est un démocrate sincère. Il est courageux et ce combat, il le mène pour le Niger tout entier et pas que pour lui. C'est un homme de principes, mon père, et je peux vous assurer qu'il continuera le combat. En janvier, Hinda Bazoum, votre frère Salem, qui était séquestré avec vos parents, a été libéré. Est-ce que vous avez cru à ce moment-là que c'était bon signe pour vos parents ?Oui, bien sûr. C'était déjà un premier soulagement pour nous que notre petit frère sorte de cette prison. On a espéré et rien n'est jamais venu. C'est dur pour nous, vraiment très dur. C'est le Togo et le président Faure Gnassingbé qui ont aidé par leur médiation à la libération de votre petit frère. Est-ce que ce pays ou d'autres pays de la Cédéao peuvent intercéder en faveur de votre père et de votre mère ?Oui, bien sûr. Et d'ailleurs, nous appelons les démocrates sincères et la Cédéao, qui a toujours rendu hommage à la bonne gouvernance de mon père, à nous aider à obtenir la libération de nos parents et à rétablir la démocratie au Niger. Il est du devoir des chefs d'État africains effectivement de défendre la démocratie et d'obtenir la libération de nos parents. Donc c'est un appel que vous leur lancez ?C'est un appel que je lance effectivement. Un appel de détresse !Hinda Bazoum, c'est la première fois que vous vous exprimez de vive voix dans un média international. Je sais que ce n’est pas facile pour vous de prendre la parole. Pourquoi tenez-vous à le faire aujourd'hui ?Parce que l'heure est grave. Si je sors du silence, c'est parce qu'il y a urgence. J'ai décidé de prendre la parole au nom de mes frères et sœurs pour dénoncer cette injustice et surtout désigner l'unique responsable. Nous nous sentons abandonnés et on espère sincèrement que la communauté internationale n'oubliera pas nos parents. Avez-vous peur qu'on oublie vos parents ?Effectivement, c'est une peur, mais nous espérons que mon appel sera entendu et que notre voix sera portée loin pour la libération de nos parents et la démocratie au Niger.À lire aussiNiger: la fille de l'ancien président Bazoum accuse Mahamadou Issoufou d'être le cerveau du coup d'État
5/7/20249 minutes, 14 seconds
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Centrafrique: «Sur le terrain, la coopération entre Faca et Minusca est une avancée»

En Centrafrique, voilà tout juste deux ans que la diplomate rwandaise Valentine Rugwabiza dirige les 14 000 casques bleus de la Minusca, l’une des plus importantes missions de l’ONU dans le monde. À son arrivée, les relations de la Minusca avec le pouvoir centrafricain étaient tendues. Aujourd’hui, elle se félicite d’avoir « rétabli une coopération productive ». Mais comment se passe la cohabitation de ses casques bleus avec les paramilitaires russes de Wagner ? Entretien. RFI : Vous avez rencontré récemment le Chef d'état-major des FACA, les forces armées centrafricaines. Sur le terrain, comment ça se passe ? Vous faites des patrouilles mixtes ?Valentine Rugwabiza : Nous avons une très bonne collaboration et coopération ensemble et cela, clairement, c'est une des avancées du travail qui a été fait au courant de ces deux années. Notre coopération se traduit justement par un mieux faire et un plus faire, ensemble. Et ce mieux faire, ce plus faire, ce sont des patrouilles mixtes, mais c'est aussi un soutien au déploiement, y compris dans des zones où les forces armées centrafricaines n'ont pas été présentes depuis des décennies. Nous avons eu l’opportunité de le faire à la frontière avec le Soudan et à la frontière au sud-est du pays.Et vous avez assez d'équipements ? Est-ce qu'il ne faut pas faire plus, au niveau du Conseil de sécurité de l’ONU ? C'est un défi très clair et je saisis l'opportunité de vos antennes larges. Ceci est un défi que j'ai porté à l'attention du Conseil de sécurité. Dans un pays comme la Centrafrique, nous avons besoin de beaucoup plus de capacités logistiques. Il s'agit d'un immense pays, mais où il n'y a quasiment pas d'axes routiers. Donc clairement, nous sommes aujourd’hui à une phase où, pour stabiliser et consolider les acquis, nous avons besoin que d'autres partenaires investissent dans des projets d'infrastructures. Donc il est très bienvenu que la Centrafrique soit en train de renouer un certain nombre de partenariats bilatéraux. Il y a aussi d'autres forces de sécurité sur le territoire centrafricain, notamment les quelque 2 000 paramilitaires russes. Il y a quelques semaines, le ministre centrafricain de la Communication, Maxime Balalou, a déclaré que des soldats russes se déployaient dans le sud-est pour faire face à la montée de l'insécurité. Est-ce à dire que vous cohabitez, voire faites des patrouilles mixtes entre la MINUSCA et ces paramilitaires russes ? Cela je peux vous le dire, absolument pas. Effectivement, nous intervenons sur un terrain où il y a plusieurs acteurs. Cependant, nos mandats sont différents. Notre mode opératoire, c'est un mode opératoire de travail avec les forces centrafricaines, pas avec d'autres personnels de sécurité. Et notre redevabilité est connue. Nous sommes redevables aux membres des Nations unies, au Conseil de sécurité et au siège des Nations unies. Mais sur le terrain, en province, les casques bleus côtoient les autres forces de sécurité qui sont là. Et comment ça se passe cette cohabitation, notamment avec ces forces de sécurité russes ? J'imagine qu'il y a quand même… ne serait-ce que des échanges d'informations, non ?Eh bien, ces échanges n'existent pas. C'est pour ça que je n'utiliserai pas le mot « côtoyer », parce que nous opérons de manière différente, de manière parallèle. Si parfois il y a besoin absolument d'avoir un échange d'informations, nous le faisons par la partie centrafricaine et les forces centrafricaines. Je suppose qu'elles jouent leur rôle de coordination avec tous ceux qui sont invités sur leur territoire. Valentine Rugwabiza, vous êtes une grande diplomate rwandaise et il y a actuellement sur le territoire centrafricain quelque 3 000 soldats rwandais, 2 000 pour la MINUSCA et quelque 1 000 hommes dans le cadre des relations bilatérales entre Kigali et Bangui, certains d'ailleurs pour faire la protection rapprochée du président Touadéra. Est-ce que c'est peut-être aussi votre nationalité qui a permis de rétablir une coopération, comme vous dites, « productive » avec les autorités centrafricaines ?En réalité, cette coopération productive, elle est basée non pas sur un passeport ou sur une nationalité. Elle est basée sur des actions très concrètes. À la prise de mes fonctions, les autorités centrafricaines, ce qui est normal, et le gouvernement, ont attendu de voir comment j'allais mettre en œuvre mes priorités et si j'avais l'intention de travailler en étroite coopération. Donc, je ne pense pas que ce soit mon passeport qui était considéré, mais plutôt les actions et les choix. Mais franchement, Madame Rugwabiza, le fait que vous veniez d'un pays qui a une coopération très forte avec la République centrafricaine, ça ne vous facilite pas les choses, quand même ?Il est clair que je suis personnellement reconnaissante envers mon propre pays pour sa contribution et que cette contribution, qui est très appréciée par la partie centrafricaine, clairement oui, vous donne un quota de confiance au départ, mais ce n'est qu'un quota. Vous devez démontrer ensuite par des actions concrètes si, effectivement, cette confiance octroyée était méritée.À lire aussiEn Centrafrique, la situation sécuritaire se détériore dans plusieurs localités du pays
5/6/202421 minutes, 1 second
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«Déborder l'anthropologie», une exposition pour «faire émerger des figures peu connues en France»

Jusqu'au 12 mai, le musée du quai Branly met à l’honneur trois femmes afro-américaines : la danseuse Katherine Dunham, la romancière Zora Neale Hurston, et la militante Eslanda Goode Robeson. Trois femmes qui, par leur art et leur conscience politique, ont contribué à donner un éclairage neuf sur les passerelles culturelles entre Afrique et Amérique. Entretien avec Sarah Frioux-Salgas, commissaire de l'exposition intitulée Déborder l'anthropologie. À écouter aussi«Regarder l'Afrique pour mieux se voir»
5/4/20244 minutes, 38 seconds
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Haman Mana, journaliste camerounais: «Martinez Zogo était traqué plusieurs jours avant sa mort»

J'aime l'odeur de l'encre au petit matin sur le papier, C'est le titre d'un ouvrage qui vient de sortir aux Éditions du Schabel. C'est un hommage à la presse écrite, où son auteur, le journaliste camerounais Haman Mana, raconte ses 35 années de combat pour la liberté d'expression. Sa solidarité avec le prisonnier Amadou Vamoulké, sa dernière rencontre avec le journaliste supplicié Martinez Zogo. En ligne des États-Unis, où il vit actuellement, et à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, Haman Mana témoigne au micro de Christophe Boisbouvier.  RFI : C'est pendant les années de braise [crise politique camerounaise de 1990-1992] que vous débutez dans le journalisme. Pour le journal pro-gouvernemental Cameroon Tribune, vous couvrez la présidentielle de 1992 où, officiellement, Paul Biya arrive premier de justesse devant John Fru Ndi. Comme reporter, vous êtes aux premières loges à la commission nationale de recensement des votes et, aujourd'hui, vous écrivez : « J'ai assisté en direct au fonctionnement de cette moulinette qui se met en marche, à chaque fois, pour reconduire les mêmes aux commandes du Cameroun ».Haman Mana : Oui, bien sûr. Cette présidentielle a lieu en octobre 1992. Mais, il y a avant, au mois de mars ou avril 1992, des législatives où, clairement, l'opposition les a remportées. L'opposition a gagné parce que le code électoral permettait que, dans chaque circonscription, on fasse immédiatement le décompte et la promulgation des résultats sur place. C'étaient les présidents des tribunaux locaux qui étaient les présidents des commissions électorales. Après avoir perdu les législatives de 1992, le gouvernement s’est donc juré de ne plus jamais rien perdre. Et c'est comme ça que, lors de la présidentielle, le scénario a été mis en place pour ne pas perdre l'élection, où tout le monde est aujourd'hui d'accord pour dire que John Fru Ndi avait gagné.Cinq ans plus tard, en 1997, nouvelles législatives, avec ce que vous appelez « la mise en place d'une machine de fraude électorale sans précédent ». À ce moment-là - vous venez de prendre la direction du journal Mutations -, vous décidez de prendre la plume ?Oui, j'avais écrit à l'époque un éditorial qui avait pour titre Ballot or Bullet, ce qui veut dire : « le bulletin de vote ou les balles ». C'est-à-dire que, si on ne peut pas s'exprimer par le bulletin de vote, finalement, c'est une affaire qui va s'achever dans le sang. Bon, en anglais, il y'a la belle allitération Ballot or Bullet. En français, ce n'est pas possible, mais c'est comme ça que je le disais déjà en 1997. D'ailleurs, ça nous a valu l'interdiction du journal Mutations pendant quelque temps, mais à l'époque, c'était déjà cela.Je relis aujourd'hui votre article de 1997, vous écrivez : « L'alternance est-elle possible au Cameroun par la voix des urnes ? La réponse est - hélas - non. »Oui, il y a 25 ans. Aujourd'hui, je le réitère. Depuis ces années-là, le contrôle sur les votants, sur les votes et sur les résultats est constant et permanent. C'est pour ne pas avoir de surprise à la fin.Parmi les personnalités qui sont toujours en prison à l'heure actuelle dans votre pays, il y a votre confrère Amadou Vamoulké. Dans votre livre, vous montrez la Une d'un journal où vous l'interviewez sous le titre Mes vérités à propos de la CRTV - la radiotélévision publique camerounaise, qu’Amadou Vamoulké avait justement dirigée à l'époque. Pensez-vous qu'il est vraiment en prison, comme le dit officiellement la justice, pour « détournement de biens publics » ?Non, ce n'est pas possible. Si Monsieur Amadou Vamoulké devait être en prison, ça ne serait pas pour détournement de biens publics. Non, ce n'est pas possible. S'il était en prison pour détournement de deniers publics, pourquoi, aujourd'hui, nous en sommes à quelque 80 renvois juridiques ? C’est unique dans les annales de la justice dans le monde. On tourne à la centaine de renvois... Vous imaginez, une centaine de renvois ? Pour un procès en pénal ? C'est intenable pour cet homme qui, d'ailleurs, vient de perdre son frère cadet. Monsieur Amadou Vamoulké a perdu son frère cadet hier et c'est le quatrième frère qu'il perd depuis qu'il est en prison... Ce n'est pas possible !En janvier 2023, c'est l'assassinat du journaliste Martinez Zogo, à Yaoundé. Vous révélez que, quatre jours avant son enlèvement, il vous a rendu visite au siège de votre journal Le jour à Yaoundé et vous a confié que des gens de l'entourage de l'homme d'affaires Jean-Pierre Amougou Belinga le menaçaient de plus en plus. Et il a eu cette phrase, en parlant de ces gens : « Ils sont devenus fous, ils se croient tout puissants. En tout cas, je ne vais pas les lâcher ».Exactement. Monsieur Martinez Zogo est venu à mon bureau et il m'a dit : « Écoute, tout le monde a peur de Jean-Pierre Amougou Belinga dans ce pays. J'ai l'impression qu'il n’y a que toi et moi, peut-être, qui avons le courage et le toupet de dire autre chose par rapport à Amougou Belinga ». Je lui ai dit que je n’avais pas de soucis, et c'est là qu'il a commencé à me parler, à me dire qu’il était visé et que je l’étais également. Ce n'était pas une pratique courante au Cameroun, ça n'était jamais arrivé, le fait qu'on enlève un journaliste, qu'on aille l'exécuter quelque part après l'avoir menacé... Et Martinez Zogo, on voyait qu'il avait peur. C'était un garçon courageux, mais on sentait quand même qu'il avait peur, puisqu'au moment où je suis sorti pour le raccompagner, j'ai vu qu’il avait loué un taxi, qu'il l’avait garé très, très loin. Il était absolument sur ses gardes, donc il était déjà traqué. Plusieurs jours avant, il se sentait traqué. Il fonctionnait déjà avec un taxi en location, il était déjà traqué.
5/3/202411 minutes, 19 seconds
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Centrafrique: ce mandat d’arrêt contre François Bozizé va dévoiler «certains crimes qui se déroulaient à l’abri des regards»

L'ancien président centrafricain François Bozizé, qui est réfugié en Guinée-Bissau, répondra-t-il un jour des graves crimes dont il est accusé ? Mardi soir, on a appris que la Cour pénale spéciale de Bangui le poursuivait pour de possibles crimes contre l'humanité et avait lancé contre lui, il y a deux mois, un mandat d'arrêt international. Mais de quoi est-il accusé précisément ? Maître Bruno Hyacinthe Gbiegba est avocat et coordonnateur adjoint du Réseau des organisations de promotion et de défense des droits de l'homme en Centrafrique. En ligne de Bangui, il répond aux questions de RFI. À lire aussiCentrafrique: la Cour pénale spéciale lance un mandat d’arrêt contre François Bozizé
5/2/20246 minutes, 12 seconds
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En Afrique de l’Ouest, l’organisation de collectifs pour pallier un «syndicalisme émietté»

En Afrique de l’Ouest, les travailleurs célèbrent le 1ᵉʳ-Mai dans un contexte syndical en crise. Émiettement des syndicats, éloignement de leur base, comme au Sénégal. Dans les pays du Sahel, dans des contextes de restriction des libertés, la lutte syndicale peine également à se faire entendre. Le professeur Babacar Fall de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, et de l’Institut d’études avancées de Saint-Louis au Sénégal, est historien spécialiste des questions du travail. Il est notre invité ce matin.  Professeur Fall, est-ce que vous pouvez nous dire aujourd'hui, le syndicalisme au Sénégal, qu'est-ce que c'est ? Il ressemble à quoi ? Je dirais que le syndicalisme ne se porte pas bien. Si l’on compare la situation des syndicats par rapport à la période qui a conduit vers les indépendances, où les syndicats ont véritablement joué un rôle moteur très important dans la lutte contre le colonialisme, dans la mobilisation des travailleurs à travail égal salaire égal, l'adoption du Code du travail, la lutte contre les injustices, la lutte pour l'avènement de l'indépendance. Les syndicats durant cette période ont véritablement joué le rôle de contre-pouvoir avec l'obtention de l'amélioration de la législation pour les travailleurs au regard des lois métropolitaines et au regard également des droits des travailleurs. Donc, ça a été très important.Ensuite, après les indépendances, nous avons vu qu'il y a eu une démarcation dès le départ. Mamadou Dia a essayé d'amener les organisations syndicales à contribuer à la construction nationale. Les syndicats n'ont pas voulu appuyer le nouveau pouvoir et le dénouement a été tragique avec la grève de 1959 qui a abouti au licenciement de 3 000 travailleurs. Depuis cette période, il y a une tension entre la fraction des travailleurs voulant collaborer avec l'État et la fraction des travailleurs engagés à vouloir défendre les droits des travailleurs en toute autonomie syndicale. C'est véritablement la pierre d'achoppement.Aujourd'hui, avec cette situation de crise économique, il y a une situation marquée par les licenciements, par la liquidation des entreprises, par la flexibilité du droit du travail. Il va sans dire que l'attente des travailleurs est de disposer des outils afin de pouvoir assurer la défense de leurs intérêts matériels et moraux pour pouvoir améliorer leurs conditions de vie.Ces travailleurs ne trouvent donc pas les soutiens espérés ? Ces travailleurs ne trouvent pas les soutiens espérés pour plusieurs raisons. La première, c'est que nous avons un émiettement syndical très remarquable. Aujourd'hui, on dénombre une vingtaine de confédérations syndicales. Si on se réfère simplement aux dernières élections de représentativité organisées en décembre 2023, nous avons eu 15 centrales syndicales qui ont participé aux élections, dans un contexte où la syndicalisation n’est plus très forte. Aujourd’hui, il est remarquable de constater que les syndicats n’attirent pas, du fait qu’ils ne s'imposent pas d'emblée comme le cadre qui peut prendre en compte la lutte contre les licenciements, la lutte contre la précarité. Et cette faible attractivité des syndicats n'est pas du tout en faveur de l'émancipation des travailleurs et de la défense de leur pouvoir d'achat. On peut dire que les syndicats se sont trop formalisés. Ils sont devenus trop conventionnels. Et leur émiettement s'explique par des questions de démocratie interne, de démocratie syndicale. Les batailles de contrôle des différentes directions sont autant d'éléments qui font en sorte qu’il n'est pas rare de voir une centrale syndicale se fragmenter en trois ou quatre entités. C'est cela qui est regrettable et qui explique aussi que les syndicats ne sont plus des cadres attractifs pour amener les travailleurs à adhérer, à payer leur cotisation syndicale et à pouvoir véritablement s'identifier au syndicat en tant qu'instrument de lutte et de défense de leurs intérêts matériels et moraux.Comment les travailleurs trouvent-ils les moyens de faire valoir leurs revendications ? Les travailleurs sont relativement désarmés, et cela explique qu’il y a des mouvements de plus en plus spontanés qui s'organisent au sein de l'entreprise, avec des collectifs qui se mettent en place pour pouvoir défendre leurs droits. Et ce sont des actions à la base de mobilisation des travailleurs qui suppléent les faiblesses des syndicats. Vous avez par exemple le mouvement Frapp qui fait beaucoup d'agitation en direction des entreprises et qui prend en compte les revendications des travailleurs. Ce mouvement se fait l'écho de la voix et des protestations des travailleurs au niveau de l'opinion, au niveau des médias et au niveau du pouvoir politique. Donc ça je crois que c'est une illustration du fait que les syndicats ne sont pas au front dans la mobilisation pour la défense du pouvoir d'achat des travailleurs.Je prends encore l'exemple de Dakarnave. Tout récemment, il y a eu une crise au sujet de sa convention. Pour assurer la gestion de Dakarnave, l’État voulait renouveler la convention avec un groupe de partenaires portugais. Mais cette nouvelle convention stipule la liquidation des acquis des travailleurs. Et la mobilisation s'est faite sur la base du comité mis en place au sein de l'entreprise pour pouvoir mettre la pression sur le gouvernement. Au premier plan, on ne voit pas la mobilisation des centrales syndicales pour pouvoir assurer la défense des travailleurs.Ceci dans un contexte également marqué par le coût de la vie très élevé. Au Sénégal, le prix du carburant est de 990 francs le litre alors qu'au Burkina, nous sommes à 700 francs le litre. C'est à peu près le même prix au Mali. Cela participe de l'accentuation du coût de la vie et par rapport à cela, on ne voit pas très bien le rôle de front assuré par les centrales syndicales pour jouer le rôle de contre-pouvoir dans la détermination des prix, pour préserver le pouvoir d'achat des travailleurs. Vous dressez un portrait du syndicalisme au Sénégal en perte d'influence. Est- ce que c’est le même constat pour toute l’Afrique de l'Ouest ? Oui, je pense que le portrait du Sénégal cadre parfaitement avec ce que nous pouvons avoir au Mali, en Guinée, au Burkina Faso, au Niger ou en Côte d'Ivoire, étant entendu qu’il existe des particularités selon les pays. Si vous prenez les pays sahéliens qui sont confrontés à des problèmes de sécurité, les syndicats sont confrontés à un autre défi, celui de devoir faire face aux restrictions de libertés. Par exemple, au Mali, des partis politiques ont été interdits d’activité. Il va sans dire que dans des conditions où les libertés sont confisquées par l'État, les libertés syndicales souffrent également. Mais du point de vue des tendances lourdes, à savoir le recul de la syndicalisation, la dispersion syndicale et les décalages entre la prise en compte de la défense du pouvoir d'achat des travailleurs par les syndicats, on constate effectivement que la situation est à peu près la même dans la plupart de ces pays. Au Sénégal, l'arrivée du nouveau président va-t-il changer cette dynamique ? La bonne nouvelle, c'est que, par exemple, pour le 1ᵉʳ mai, on reprend la tradition des défilés pour consacrer le respect des libertés syndicales. Ça avait été interdit pour des raisons disons de sécurité. Les syndicats étaient obligés d’organiser des rassemblements plutôt que les traditionnels défilés, démonstrations d'expression de la volonté des travailleurs de s'identifier à leur syndicat et de pouvoir effectivement exposer au grand public leurs revendications selon les différents secteurs. Je pense qu’il y a eu un recul sur cela ces trois dernières années et c'est heureux que la tradition des défilés cette année soit consacrée.Le deuxième élément, je crois qu'il va y avoir une oreille plus attentive du nouveau régime au regard de sa sensibilité par rapport à la demande sociale et également à l'engagement même du pouvoir de devoir faire baisser les coûts de la vie. C'est heureux de constater qu'il y a déjà eu une rencontre entre des confédérations syndicales et le nouveau régime, pour amorcer la conversation sur les mécanismes pour pouvoir participer à la baisse du coût de la vie et par conséquence le renchérissement du pouvoir d'achat des travailleurs. Donc je pense que le nouveau régime ouvre une porte d'espoir. Il faut souhaiter que cette porte d'espoir se consolide et je crois que ça, c'est très important pour les travailleurs.  À lire aussi1ᵉʳ-Mai: plusieurs rassemblements à l’appel des syndicats en Afrique
5/1/20244 minutes, 24 seconds
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Mamadou Lamine Sarr: «Le Sénégal peut jouer l’intermédiaire entre les pays de l'AES et la Cédéao»

Après la Mauritanie et la Gambie, la Guinée-Bissau reçoit ce mardi le nouveau président sénégalais. Du temps de Macky Sall, les liens entre Dakar et Bissau étaient forts. Avec Bassirou Diomaye Faye, va-t-on vers le changement ou la continuité ? Et le chef de l'État sénégalais envisage-t-il de rencontrer aussi les officiers putschistes qui dirigent les trois pays voisins du Sahel : le Burkina, le Mali et le Niger ? Mamadou Lamine Sarr enseigne les sciences politiques à l'université Cheikh Hamidou Kane de Dakar. En ligne de la capitale sénégalaise, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. À lire aussiSénégal: le président Bassirou Diomaye Faye en Gambie pour son deuxième déplacement à l'étranger À lire aussiSénégal: Bassirou Diomaye Faye en Mauritanie pour sa première visite à l’étranger
4/30/20249 minutes, 20 seconds
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Pour l’ambassadeur de RDC à Paris, «en demandant des sanctions contre le Rwanda, la France prendrait date dans l’histoire»

À l’agenda de la visite officielle du président congolais Félix Tshisekedi en France, ces 29 et 30 avril, il y a deux points essentiels : la fin de la guerre à l’Est et le développement économique. Sur le premier point, l’ambassadeur de la République démocratique du Congo (RDC) à Paris, Emile Ngoy Kasongo, ne cache pas, au micro de RFI, qu’il espère que le président français demandera des sanctions contre le Rwanda. Sur le second point, le diplomate congolais attend beaucoup du forum économique franco-congolais organisé ce 30 avril à Bercy, à Paris, avec le patronat français (Medef).
4/29/20246 minutes, 59 seconds
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Affaire Pascaline Bongo: «On espère un procès fin 2025, début 2026, mais rien en vue à court terme»

Pascaline Bongo a-t-elle monnayé ses pouvoirs quand son frère, Ali Bongo, était président du Gabon ? Lundi 22 avril, le tribunal correctionnel de Paris a jugé que non et l'a relaxée. Mais jeudi, le parquet national financier (PNF) a fait appel de cette décision. Il y aura donc un second procès. Surtout, la famille Bongo est visée par la justice française dans une autre procédure, celle des biens mal acquis (BMA). Et cette fois, Ali Bongo lui-même pourrait être poursuivi. Sara Brimbeuf est responsable du plaidoyer sur les flux financiers illicites à l'ONG Transparency International. 
4/27/20244 minutes, 32 seconds
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Au Niger, «les États-Unis préservent mieux l'avenir que d'autres partenaires»

Au Niger, cela fait neuf mois, ce vendredi 26 avril, que le putsch a eu lieu et que le président Mohamed Bazoum est séquestré, avec son épouse, par les militaires qui l'ont renversé. Le fait marquant de ces dernières semaines, c'est le tournant anti-américain et pro-russe qu'ont pris les militaires du CNSP à Niamey. Est-ce à dire que les Américains ont perdu la partie au Niger ? « Ce n'est pas si simple », répond Jean-Hervé Jézéquel, qui est directeur du projet Sahel à l'International Crisis Group. RFI : Neuf mois après, est-ce qu’on y voit plus clair ? Est-ce que l’ancien président Mahamadou Issoufou a joué un rôle dans ce putsch ?Jean-Hervé Jézéquel : Alors, il y a eu beaucoup de rumeurs sur le rôle de l’ancien président Issoufou, du fait de sa proximité notamment avec le général Tiani qui était le chef de sa garde. Je n’ai vu aucun élément probant sur son implication… Et pour tout dire, je trouvais curieux qu’un président, qui s’est si longtemps méfié de ses propres forces de sécurité, leur confie aujourd’hui son avenir, au risque de ruiner un petit peu son héritage et notamment le parti politique qu’il a construit sur plus de quatre décennies et qui aujourd’hui est complètement déchiré. Par contre, ce qui est troublant, c’est la proximité qu’il affiche aujourd’hui avec une partie du CNSP [la junte au pouvoir au Niger]. Alors le président Issoufou a voulu jouer les médiateurs dans les jours qui ont suivi le coup d’Etat, il semble aujourd’hui se ranger à la raison du plus fort, et cela n’aide peut-être pas à construire une transition qui assurerait un meilleur équilibre entre civils et militaires. Aujourd’hui, l’essentiel du pouvoir d’Etat est aux mains des hommes en uniforme et, dans un tel système, un démocrate n’a pas beaucoup d’avenir.Pourquoi les pays de la sous-région de la Cédéao, ont renoncé à leur plan militaire contre la junte ?Bon, la Cédéao n’en avait pas les moyens militaires d’une part, et puis, d’autre part, les opinions ouest-africaines n’y étaient pas favorables. Mais je crois que les pays de la Cédéao ont très vite compris qu’une telle intervention était non seulement hasardeuse, mais aurait pu aussi se retourner contre ses initiateurs. Au fond, je pense que la Cédéao a haussé le ton trop brutalement, trop vite, a un peu confondue vitesse et précipitation. Une fois le coup consommé, il n’y avait plus retour en arrière possible. Ce sur quoi il aurait fallu se concentrer à ce moment-là, mais c’est sûr que c’est facile de le dire aujourd’hui, c’est plutôt sur la forme de la transition. Négocier peut-être un meilleur équilibre entre civils et militaires, assurer une meilleure participation des forces politiques et de la société civile. Au Mali, lors de la première transition, en août-septembre 2020, la Cédéao avait plutôt su bien négocier… Là, en 2023, elle s’est avérée beaucoup moins efficace.Est-ce que les Américains ont joué un rôle dans la décision des pays de la Cédéao de renoncer à toute intervention militaire ?Les Etats-Unis n’ont soutenu au fond que du bout des lèvres l’action de la Cédéao, il était clair qu’ils ne croyaient pas non plus à la possibilité d’une intervention, passés les premiers jours, en tout cas pas d’une intervention réussie, et donc ils se sont engagés dans une approche accommodante à l’égard du CNSP, des nouvelles autorités, essayant, au fond, de préserver des relations, et puis de préserver aussi leurs bases. Au départ, ce n’était pas nécessairement un pari idiot, mais il est évident qu’il n’a pas fonctionné. Donc les Etats-Unis sont quand même rentrés en tension avec le CNSP, d’abord autour de son rapprochement avec des acteurs comme l’Iran et la Russie, et puis aussi du fait du refus du CNSP de fixer un calendrier de sortie de transition sous pression. Et donc cela a fini à conduire à l’impasse actuelle… Aussi, je pense qu’il semblerait que le CNSP est resté très méfiant à l’encontre de certains de ses voisins de la sous-région, et aussi de la France. Il soupçonne ces acteurs de vouloir soutenir des actions de déstabilisation, et donc, face à cette menace réelle ou pas, le CNSP a plus confiance dans l’allié russe que dans l’allié américain. Pour autant, on ne peut pas dire que les Etats-Unis ont été chassés du pays, ils maintiennent une présence, non-militaire. Ils maintiennent une présence à travers des programmes de développement et d’aide humanitaire, ils ont toujours un ambassadeur, présent à Niamey, ils réussissent à éviter une sorte de politique des blocs qui voudrait qu’on retourne à une forme de politique de la guerre froide où un pays est soit votre allié, soit votre adversaire. Et je trouve qu’en faisant cela, même si, à court terme, les Etats-Unis n’ont pas réussi dans la stratégie d’accommodement, ils préservent mieux l’avenir que d’autres partenaires.Voilà neuf mois que le président Mohamed Bazoum refuse de signer sa destitution et paye ce courage de la prison dans laquelle il est enfermé avec son épouse… Est-ce qu’il n’y a plus aujourd’hui aucun espoir de libération pour lui ?On espère que si. Son bilan était de loin le plus intéressant dans la région sur les quinze dernières années. Il refuse de démissionner sans doute parce que c’est un reflet de son parcours de démocrate, de démocrate convaincu, mais c’est aussi cela qui le maintien en détention jusqu’à aujourd’hui.Et quel intérêt pour les militaires de vouloir le juger comme ils en montrent l’intention ?Peut-être aussi, il s’agit de trouver un nouveau bouc émissaire. Ce qu’on peut surtout noter, c’est que pour l’instant le CNSP n’a pas véritablement mis en place un programme de transition, et qu’en dehors des choix dans le domaine sécuritaire, il n’a pas véritablement mis en place des signes de rupture positive pour le pays.Est-ce qu’une solution négociée est encore possible pour la libération de président Bazoum, peut-être avec une médiation internationale ?Oui peut-être. Beaucoup l’ont tenté ces derniers mois, on a vu plusieurs puissances, plusieurs pays de la sous-région essayer de jouer les médiateurs, jusque-là sans succès. Voilà, on espère qu’ils vont continuer, et qu’ils obtiendront une libération du président Bazoum, qui ne mérite pas à l’évidence le sort qui est le sien aujourd’hui.
4/26/20248 minutes, 45 seconds
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Pedro Pires: la lutte armée en Guinée fut «un des facteurs de changement du régime au Portugal»

C’était il y a 50 ans, jour pour jour. Le 25 avril 1974, de jeunes capitaines se sont soulevés au Portugal, ont fait tomber la dictature et ont ouvert la voie à l’indépendance des dernières colonies africaines. Du coup, aujourd’hui, plusieurs chefs d’État africains sont à Lisbonne pour célébrer cet anniversaire avec les Portugais. Leur présence est d’autant plus justifiée que ce sont les indépendantistes africains de l’époque qui ont fait chuter le régime dictatorial et colonialiste de Lisbonne. Pedro Pires a été successivement un commandant militaire du PAIGC d’Amilcar Cabral, puis le président du Cap-Vert. RFI : Est-ce que la chute de la dictature portugaise aurait eu lieu sans le combat du PAIGC pour l’indépendance du Cap-Vert et de la Guinée-Bissau ?Pedro Pires : Je crois que ce combat et la lutte dirigée par le PAIGC ont eu un rôle très important dans la création des conditions de la chute du régime installé au Portugal. Tenant compte qu’en 1973, nous avons eu des victoires militaires très importantes et, en même temps, nous avons eu des victoires politiques, diplomatiques très importantes. Le régime colonial au Portugal était dépassé, isolé. Le pays était en crise politique et militaire, les guerres coloniales ont eu un effet très pervers dans l’économie et, de mon point de vue, le pays n’était pas dans des conditions pour continuer la guerre. Il y avait des risques d’effondrement de l’armée coloniale. Mais on ne peut pas dire que les mouvements de libération étaient les seuls responsables de la chute du régime, car, en même temps, au Portugal, il y a eu des résistances contre la guerre coloniale, contre le régime. Mais, en effet, les luttes armées de libération nationale ont été le facteur le plus important pour la chute et le changement de régime au Portugal.C’est-à-dire que les jeunes Portugais ne voulaient plus faire un service militaire de quatre ans, au risque de mourir en Guinée-Bissau ?Pas seulement en Guinée-Bissau ! Ce qui s’est passé, c’est que la jeunesse portugaise n’était pas tellement engagée dans cette guerre. Il y avait des fuites des jeunes vers les autres pays d’Europe, il y avait des désertions importantes… Mais le facteur le plus important dans la chute du régime, c’était, en effet, la résistance et les combats des mouvements de libération et, particulièrement, du PAIGC. C’est vrai que, en Guinée, c’est là où le mouvement de libération dirigé par Amilcar Cabral a eu les plus grands succès qui ont provoqué les plus grandes déroutes pour l’armée portugaise. Donc, le PAIGC a eu un rôle très important pour le changement de régime au Portugal.À lire aussiAmilcar Cabral, militant, diplomate et idéologue des indépendances africainesCe combat pour l’indépendance, monsieur le président, il débute dès les années 1960. L’armée portugaise s’accroche au terrain et lance même un raid sur Conakry, la base arrière du PAIGC en novembre 1970. Cette opération Mar Verde, est-ce qu’elle a servi la cause du Portugal ou, au contraire, celle du Guinéen Sekou Touré et du Bissau-Guinéen Amilcar Cabral ?De mon point de vue, cette opération a démontré que le régime voulait trouver la solution à l’extérieur, avec cette invasion à Conakry, pour gagner la guerre qu’il avait déjà perdue à l’intérieur du pays. Ils voulaient essayer de trouver une victoire à l’extérieur quand la victoire à l’intérieur était impossible. C’est le signe du désespoir de l’armée portugaise, de la direction militaire et politique du Portugal. À la fin, le régime portugais était le perdant parce qu’il était plus isolé que jamais. Il y a eu une mobilisation internationale d’appuis, surtout africains, à la République de Guinée et au PAIGC.Le chef des opérations militaires du Portugal en Guinée-Bissau, c’était le général Spinola. C’était un homme intraitable sur le terrain, mais c’était en même temps un homme politique intelligent qui a publié, deux mois avant la Révolution portugaise, un livre prémonitoire sur la nécessité d’ouvrir un dialogue politique avec vous, les maquisards indépendantistes. Est-ce qu’à l’époque, vous l’aviez rencontré secrètement ?Non, le général Spinola, c’était un officier vedette qui se présentait comme victorieux, comme capable de vaincre le PAIGC, qui vendait son image politique, son image militaire… Qui, en effet, a changé la stratégie militaire en Guinée, qui a modernisé l’armée coloniale, c’est vrai, qui a fait une politique pour les populations, pour acheter les consciences des populations. Et qui avait essayé d’imiter ce que faisait le PAIGC. Donc, de mon point de vue, ce n’était pas un grand chef de guerre, mais il faisait sa promotion à l’intérieur du pays et à l’extérieur du pays. Et, en même temps, il a perdu la guerre en Guinée. Parce que nous, l’armée du PAIGC, nous avons eu des victoires très importantes sur l’armée portugaise à plusieurs reprises. Et il a lui-même reconnu dans une publication du 15 mai 1973 que l’armée portugaise n’était pas dans la condition d’affronter le PAIGC et que le PAIGC avait acquis des armes très puissantes, qui pouvaient mettre en cause la continuation de la guerre coloniale. En ce qui concerne l’aspect politique, la solution Spinola, c’était une espèce de fédération – ou quelque chose de pareil – mais qui ne prenait pas en compte ce que nous avions déjà fait. Parce que, nous-mêmes, nous avions déjà proclamé la République de Guinée-Bissau le 4 septembre 1973 ! Il a essayé de trouver une solution politique pour un cas perdu en présentant une solution néocoloniale. C’était peut-être très important pour la société portugaise, mais pour nous, cela n’avait aucune importance.50 ans après les indépendances, le Cap-Vert est une vraie démocratie qui a connu plusieurs alternances, alors que la Guinée-Bissau est un pays très instable, qui a déjà connu quatre coups d’État meurtriers et 17 tentatives de putschs. Comment expliquez-vous que ces deux pays, qui étaient liés de façon aussi forte par le PAIGC d’Amilcar Cabral, connaissent aujourd’hui deux destins aussi différents ?Nous, au Cap-Vert, on a essayé de mettre sur pied les vraies institutions crédibles, solides d’un État de droit, c’est le point de départ, avec la participation des citoyens. La différence, peut-être, c’est celle-ci. On a essayé et on a mis sur pied un État de droit où les gens, chacun a la parole.Mais un mot, tout de même, sur la Guinée-Bissau : c’est le seul pays d’Afrique de l’Ouest qui a conquis son indépendance par la lutte armée. Est-ce que ce n’est pas la raison, au fond, pour laquelle les militaires, à commencer par le général Ansoumane Mané, il y a 25 ans, ont occupé et occupent toujours une telle place dans la politique de ce pays ?La lutte armée en Guinée, il faut le reconnaître, vous-même, vous avez dit que c’était un facteur du changement de régime au Portugal. C’est vrai. La lutte armée en Guinée était victorieuse et héroïque. La question qui se pose, c’est la gestion après tout cela. Les changements qu’il fallait faire… Peut-être, je dis bien « peut-être », les dirigeants n’étaient pas tellement préparés pour voir quel serait le chemin à suivre, quelles seraient les réformes politiques et sociales à faire. Mais, vraiment, du point de vue des pays où les indépendances ont été acquises par la lutte armée, les armées ont eu un rôle très important. Et le problème, je crois que cela se maintient, c’est le danger de la nature du régime. C’est-à-dire, passer d’un régime avec certaines caractéristiques militaires où les armées jouent un rôle ou pas, en ce qu’elles sont les gardiens de l’indépendance du pays. Mais changer cela de telle nature que, au lieu de l’armée qui commande, c’est le peuple qui commande, c’est très difficile. Regardez un peu partout !
4/25/20248 minutes, 45 seconds
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Charles Michel (UE): «Les investisseurs et les businessmen espèrent de la stabilité en tous points»

Le président du Conseil européen, Charles Michel, est en tournée en Afrique de l’Ouest. Après le Sénégal où il a rencontré le nouveau président élu, Bassirou Diomaye Faye lundi soir, Charles Michel est ce mercredi en Côté d’Ivoire avant de se rendre demain au Bénin. Une tournée placée sous le signe de la relance de la coopération économique mais aussi sécuritaire.
4/24/20244 minutes, 35 seconds
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Biennale: Romuald Hazoumé place le féminisme béninois au cœur de Venise

Pour sa première participation à la Biennale de Venise, le Bénin a choisi le célèbre plasticien Romuald Hazoumé. À la 60ème édition de l’évènement sur l’art contemporain, l’artiste descendant de la royauté yoruba y présente une installation monumentale composée de plus de 500 de ses fameux masques-bidons, appelée « Ashé » qui signifie le pouvoir.  RFI: Le Bénin, hisse pour la première fois son drapeau à la Biennale de Venise. Le jour de gloire est arrivé ?Romuald Hazoumé : Je ne crois pas, parce que si on dit que le jour de gloire est arrivé, ça veut dire qu'on est arrivé. Mais personne n'est arrivé, parce que nous, les artistes, on cherche à faire mieux chaque fois. Parce que là, après Venise, beaucoup de gens vont nous attendre, encore, ils nous connaissent déjà, mais la peur, c'est d'arriver à faire mieux ou, au moins, d'arriver au niveau où on est là, maintenant.Que ressentez-vous, quand même ?Une satisfaction d'être là, mais en même temps, j'ai beaucoup d’appréhension par rapport au monde qu'il y a. Il y a une grande sollicitation, donc ça me gêne un peu.Fier, non ?Oui, parce que c'est le côté qui manquait à ma biographie. C’est-à-dire que, le fait d'être à la Biennale de Venise, tout le monde sait que c'est une décision politique : c'est un pays qui prend un pavillon et qui décide qui y va. Et là, ça s’est fait. Le pavillon béninois défend « Tout ce qui est fragile et précieux ». Éclairez-nous ? Oui, tout ce qui est fragile et précieux, c'est-à-dire que nous avons oublié d'où nous venons. Nous avons oublié notre culture, qui est une culture bien ancrée, bien pure, bien forte, mais qui reste fragile, parce qu'elle va totalement disparaître – ça veut dire que nous allons disparaître aussi. Et cette culture-là est gérée par la femme, parce que quand on va en profondeur dans le thème, la spiritualité est protégée par les femmes. Ce sont les femmes qui sont les gardiennes du vaudou. C'est pour ça que le culte Guélédé est géré en l'occurrence par ces ashés, des femmes qui ont le pouvoir. Donc ma pièce s'appelle « Ashé » pour cette raison-là.Ensuite, quand on prend les Amazones, ce sont des femmes, et la première qui a créé le corps des Amazones, c'est la Tassi Hangbé, qui a été l'une des reines du royaume du Dahomey. Donc c'est pour cette raison-là que, dans la pièce, je fais diffuser des panégyriques de la Tassi Hangbé, de quelques femmes célèbres, comme la Gnon Kogui du royaume de Nikki.De l'autre côté, il y a 520 visages de personnalités béninoises. Chaque individu qui est dans cette installation devient une personnalité, parce que chacun porte ou une couleur ou un signe ostentatoire qui donne son appartenance à une culture donnée, à cette culture que nous tous fuyons, mais qu'on ne fuit pas : on reste hypocrites dessus, parce qu'on est des catholiques tropicaux, on est des musulmans tropicaux. Mais le soir, on sait où on se retrouve tous. Donc, en rentrant dans cette pièce, on salue déjà nos morts sur lesquels on passe, parce qu’ils sont enterrés là. Et, en relevant la tête, il y a plein d'étoiles dans le ciel qu'on regarde, ce sont aussi nos saints qui sont là-haut et qui veillent sur nous. Mais, quand on arrive juste au centre de la pièce, tous les masques nous regardent, c'est-à-dire que l'individu devient le centre du monde, c'est-à-dire qu'on ne pense pas à l'IA, on ne pense pas à sa voiture, on ne pense pas aux vêtements qu'on porte, on ne pense à rien du tout. Tout le monde te regarde : c'est toi, l'humain, qui est important. Et cet humain-là, c'est la femme. Des thèmes que vous défendez depuis plus de 20 ans déjà, alors que personne ne croyait à l'existence même d’un art contemporain venant du Bénin ?Oui, le Bénin a une particularité : quand on voit les gouvernements successifs qui l’ont dirigé, il y a eu le gouvernement de Mathieu Kérékou, où c'étaient plutôt des cathos, cathos, cathos... Des cathos tropicaux surtout, et qui ont complètement perdu le Nord. C'est-à-dire qu’on pense à notre culture, mais il faut l'effacer. Il faut aller prier dans l'Église parce qu'on s'appelle Mathieu ou Pierre… Et quand on revoit l'autre gouvernement qui a suivi, ce sont des évangélistes tropicaux aussi. Et quand on voit le gouvernement [du président Patrice] Talon aujourd'hui, qui redonne de la valeur à notre culture, parce que c'est la seule chose que nous ayons à partager – parce qu'on n'a pas de pétrole, on n'a pas d'or –, ça nous remet les pieds sur terre, ça nous remontre qui nous sommes.Et je peux vous assurer que les pièces qui ont été rendues par la France, c'est vraiment une revalorisation de notre culture. Nous regardons moins l'Occident et ça nous apporte énormément, comme, depuis 20 ans, ça m'apporte beaucoup. Romuald Hazoumé, justement, créer pour recréer un monde auquel on a volé ses racines ?Non, la finalité n'est pas de revendiquer vraiment quelque chose ou de dénoncer quelque chose. La finalité, c'est que je me sente bien avec ce que moi, je fais. Voilà.Quelle est la seule vérité qui compte à vos yeux d'artiste et d'homme libre ?C'est de ne pas se mentir à soi-même !À lire aussiL’artiste béninois Romuald Hazoumè: «De l’Occident vers l’Afrique, je renvoie de l’intelligence»
4/23/20244 minutes, 33 seconds
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En Libye: «Sans pression extérieure, il n’y aura pas de solution politique à moyen terme»

La démission, mardi 16 avril, d'Abdoulaye Bathily, qui était à la tête de la Mission des Nations unies en Libye (Manul) remet en lumière un conflit qui dure depuis 2011, mais qui est presque tombé dans l'oubli. Avec la dégradation de la situation internationale et la multiplication des conflits, la Libye n'est plus la principale préoccupation de la communauté internationale. Cette démission - qui n'est pas la première à ce poste - révèle l'aspect quasiment inextricable de cette mission de l'ONU, confrontée aux divisions internationales et internes qui prédominent en Libye, comme l'affirme Kader Abderrahim, chercheur et auteur du recueil Géopolitique de la Libye, édité en mars chez Bibliomonde. Il répond aux questions d'Houda Ibrahim. RFI : Peut-on considérer aujourd'hui, après la démission d’Abdoulaye Bathily, que la situation est totalement bloquée ? Kader Abderrahim : Elle l'était avant la nomination d’Abdoulaye Bathily, puisque après la démission de son prédécesseur, Jan Kubis, il a fallu plusieurs mois afin que l'ONU et les pays rivaux se mettent d'accord sur un nouvel émissaire. Donc la situation de blocage préexistait. Et, aujourd'hui, je dirais qu’elle n’est pas pire, ni meilleure, d'ailleurs. C'est cela qui est inquiétant, parce que je crois qu'il faudra encore plusieurs mois pour nommer un successeur à Abdoulaye Bathily, compte tenu des intérêts contradictoires : d'abord des Libyens, mais également des pays qui s'ingèrent dans cette situation et dans ce chaos libyen. On remarque que le seul envoyé spécial africain (sur neuf), Abdoulaye Bathily, n'a pas été aidé par les démocraties occidentales. Pourquoi, à votre avis ?Encore une fois, c'est parce que je crois qu'il y a des intérêts contradictoires et que, dans le fond, notamment pour les pays qui ont participé à la guerre en 2011. Pour la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis, via l'Otan - ce qui était une manière de contourner aussi le Conseil de sécurité, mais surtout l'Union africaine -, leurs intérêts sont contradictoires. Mais, également, ils considèrent que le statu quo, dans la mesure où le conflit ne déborde pas des frontières libyennes, leur convient parfaitement. Alors c'est à géométrie variable, parce que parfois le conflit déborde, et notamment sur la question migratoire qui est un enjeu extrêmement important pour la politique intérieure des États européens. Rien n'a été fait effectivement pour soutenir la démarche d'Abdoulaye Bathily, qui a eu beaucoup de mal et qui, dans la conférence de presse qu'il a faite pour annoncer sa démission, a aussi exprimé sa grande déception à l'égard du multilatéralisme.Que signifie alors ce nouvel échec pour l'ONU en Libye ? C'est la preuve que, dans le fond, lorsque les grandes puissances ne trouvent pas de terrain de convergence, de compromis, les conflits s'enlisent. Et on préfère un conflit gelé - c'est le cas en Libye -, à un conflit ouvert, qui nécessiterait évidemment des mesures plus énergiques : on l'a vu récemment entre l’Israël et l'Iran, on le voit à propos de l'Ukraine. Il semblerait que le conflit en Libye, qui n’est aujourd’hui pas seulement politique, mais qui est aussi un sujet de défense et de sécurité, puisse être contenu dans les frontières libyennes. Et tant qu'il ne déborde pas, finalement, les Européens et les Américains considèrent que leurs intérêts sont épargnés et que, dans le fond, ils peuvent se satisfaire d'une situation qu'ils ont eux-mêmes créée avec la guerre en Libye en 2011.Quels sont les scénarios à venir pour ce pays ? Les États-Unis, via la numéro deux de la Manul, vont-ils prendre les manettes de ce dossier ? Et quelles implications cela suppose ? D'abord, ça permet aux États-Unis de garder la main sur le dossier. Et, deuxièmement, encore une fois, cela permettra aux Américains de dicter ou d’orienter globalement les propositions que pourrait faire la successeure. Ceci étant, il y a aussi d'autres enjeux puisque, à travers les États-Unis, ceux qui agissent en seconde main, ce sont notamment les pays du Golfe, avec les Émirats arabes unis, avec l'Égypte, qui ont des intérêts stratégiques importants. C'est un pays frontalier de la Libye et que les alliés des Américains seront sans doute confortés par cette nomination à venir. Évidemment, il faut qu'elle soit confirmée. 
4/22/20244 minutes, 34 seconds
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Présidentielle au Tchad: «Si je suis élu, je n’exercerai qu’un seul mandat», affirme l’opposant Pahimi Padacké

Le 6 mai prochain, les Tchadiens vont élire leur président pour cinq ans. Après les interviews sur RFI et France 24 du président-candidat Mahamat Idriss Déby et du Premier ministre-candidat Succès Masra, voici celle de l’opposant Albert Pahimi Padacké, qui est arrivé officiellement deuxième à la présidentielle d’avril 2021 et qui dirige le parti RNDT Le Réveil. Sa stratégie ? Essayer de se distinguer du président et du Premier ministre, qui, à ses yeux, ont conclu « un arrangement » et ne se livrent qu’un « match amical ». Il a accordé cette interview à Ndjamena à nos envoyés spéciaux Christophe Boisbouvier, de RFI, et Marc Perelman, de France 24. RFI/France24 : C'est donc votre quatrième candidature. Les fois précédentes, vous avez crié à la fraude. Cette élection est organisée par le régime du nouveau président de Transition. Pensez-vous que, cette fois, le scrutin sera bel et bien transparent ?Albert Pahimi Padacké : Il serait trop tôt de dire que nous croyons à la transparence de cette élection. Malheureusement, nous avons eu le référendum [constitutionnel du 17 décembre 2023] qui a montré que nous ne sommes pas sur la voie de la transparence électorale, puisque le peuple a boycotté. Les résultats ont été en décalage avec les résultats des bureaux de vote. Là, nous allons à une présidentielle avec une nouvelle constitution, quelles que fussent les conditions de son adoption. Avec l'Ange – l'administration électorale mise en place par le pouvoir – nous constatons qu'il y a monopole d'un camp, d'un parti : celui du candidat-président de la Transition. Les autres partis, avec lesquels nous sommes aujourd'hui en compétition, sont exclus de toute l'administration électorale. Donc, nous ne pouvons pas gager sur la transparence de cette élection, dans laquelle nous sommes engagés. Et dans son organisation, nous en sommes exclus.Pour cette élection du 6 mai, beaucoup annoncent un duel entre le président-candidat Mahamat Idriss Déby et le Premier ministre-candidat Succès Marsa, parce qu’ils disposent tous les deux des facilités et des réseaux qui sont liés à leurs fonctions. Alors, Albert Pahimi Padacké, ne craignez-vous pas de ne jouer qu'un rôle de figurant ?Il y a deux choses. Ceux qui pensent que ce serait un duel, je leur dirais plutôt que c'est un match amical entre le président et son Premier ministre, parce qu'aucun Tchadien ne croit que le Premier ministre est véritablement candidat face au président. C'est inimaginable. Pourquoi ? Nous savons que ce système fait que, si vous exprimez une opinion contraire à ce que veut le pouvoir, vous êtes pourchassé, vos collaborateurs chassés de l'administration publique et c'est le cas du RNDT-Le Réveil. Lorsque nous avions décidé de boycotter un référendum mal organisé, nos camarades, nos militants ont été chassés de l'administration du territoire, même en pleine campagne. Personne ne peut croire qu'un Premier ministre soit candidat face au président en exercice et qu'il reste en poste, même dans les grandes démocraties, chez vous.C'est dans le cadre de la cohabitation que Mitterrand et Chirac ont pu aller en compétition ensemble [en France, en 1988]. Mais sur ce cas de figure, c'est parce que le Premier ministre n'était pas le choix du président, il était imposé par l'Assemblée nationale. Ici, il ne peut pas y avoir un duel entre les deux. C'est un arrangement, un match amical. Et la deuxième chose, c’est que nous, nous ne jouons pas les figurants dans cette élection. Nous connaissons l'état d'esprit de notre peuple : la population tchadienne a besoin de changement. Elle vit aujourd'hui une vie de misère. Pour la première fois depuis des décennies, le Tchad ne produit que 30 mégawatts d'électricité et on vient de finir un ramadan sans électricité. Le peuple tchadien en a marre et donc nous sommes en harmonie avec les attentes de notre peuple.À écouter aussiMahamat Idriss Déby, président tchadien: «Le Tchad n’est pas dans le principe d’un esclave qui veut changer de maître»Vous venez d'évoquer, donc, ce qui semble être les contours d'un accord secret entre le président de Transition et son Premier ministre. En êtes-vous sûr et pensez-vous que cet accord signifie qu’une fois l'élection passée, cet attelage va rester en place ?Je ne peux pas vous parler avec certitude. J'ai des appréhensions, les appréhensions qui sont celles du peuple tchadien. Appréhensions portant sur les dessous de l'accord de Kinshasa [accord signé le 31 octobre 2023 entre le gouvernement tchadien et le parti Les Transformateurs]. Nous savons très bien d'où les choses sont parties. Des jeunes ont été massacrés [le 20 octobre 2022] au nombre de 300, aux dires même du président des Transformateurs. Aujourd'hui, on revient, on ne parle plus de ces enfants tués. On est nommé Premier ministre et on est candidat – sans démissionner – et le président et le Premier ministre sont d'accord pour continuer. Les appréhensions sont sérieuses, les suspicions sont fortes. Il y a une entente entre le président et son Premier ministre. L'un est candidat, certainement pour garder son poste de président, l'autre est candidat pour garder son poste de Premier ministre. C'est un match amical.Venons-en aux questions régionales. Le régime soudanais a accusé devant les Nations unies le Tchad d'avoir pris fait et cause pour le général Hemetti – chef des Forces de soutien rapide (FSR) – en les armant. Même si Ndjamena a nié, pensez-vous que c'est une erreur d’avoir choisi un des camps dans cette guerre civile qui dure depuis maintenant un an ?Si le gouvernement tchadien a pris fait et cause pour un des belligérants au Soudan, je considère cela comme une erreur grave. Nous n'avons pas besoin de nous mêler de ce qui se passe au Soudan, sauf si nous avons la possibilité d'aider ces frères à se mettre ensemble et se réconcilier. Mais nous n'avons pas intérêt, en tant que peuple tchadien, de prendre parti dans un conflit interne au Soudan.Le gouvernement a-t-il pris parti ?Je n'ai pas la confirmation, je dis simplement que le Tchad n'a pas intérêt à prendre parti dans cette guerre.En janvier dernier, le président Mahamat Idriss Déby est allé voir son homologue russe Vladimir Poutine à Moscou et a dit que le Tchad était un « pays frère » de la Russie. Le pensez-vous tenté par un changement d'alliance militaire au profit de la Russie ? Et si vous étiez élu, envisageriez-vous la même option ?Si nous sommes élus, nous travaillerons avec nos partenaires traditionnels, sans renier la possibilité de nous ouvrir à d'autres partenaires, dans l'intérêt de notre peuple. Nous avons besoin de développer notre pays et, pour le développer, nous avons besoin des ressources extérieures. Dans ce cadre-là, je pense qu'il faut nouer des relations avec tous les pays. Mais ces relations doivent se développer dans l'intérêt de notre peuple. Et parmi les intérêts de notre peuple, il y a la démocratie. Nous avons besoin des pays qui vont nous aider, également, dans la construction démocratique de notre pays, pour éviter de retomber dans ce cycle infernal de guerre que nous avons connu.De façon très concrète, il y a environ 1 000 soldats français et trois bases militaires françaises sur le sol tchadien. Est-ce que ça veut dire moins de soldats et moins de bases, si vous êtes élu ? Cette question, telle que les politiques la posent, que ce soit en Afrique comme en France, je pense que c'est en décalage total avec la réalité. Pour nous, la question des rapports avec la France n'est pas une question de base militaire. Ce n'est pas le sujet. Le sujet est que, depuis 60 ans, les populations africaines sont en décalage d'intérêt avec leurs gouvernants, lesquels gouvernants sont vus par les populations comme étant soutenus par l'Élysée. Ce qu'il faut donc faire, c'est de ramener la coopération entre la France et l'Afrique dans l'intérêt des populations. Il faut que les politiques français cessent de miser sur des personnes, mais sur le peuple.Albert Pahimi Padacké, vous avez bien connu Mahamat Idriss Déby à son arrivée au pouvoir il y a trois ans, puisque vous étiez son Premier ministre. À l'époque, il avait promis qu'il ne se présenterait pas et finalement, il a fait le contraire. Aujourd'hui, il promet la démocratie. Craignez-vous qu'il veuille mettre en place une nouvelle dynastie sur le continent ?Je ne sais pas. D'abord, je ne suis pas de ceux qui pensent, honnêtement, que c'est parce qu'il serait le fils du Maréchal [Idriss Déby Itno], qu’il porte le patronyme Déby qu'il ne devrait pas être candidat. Je ne raisonne pas comme ça. Pour moi, il peut être candidat, pourvu que les conditions d'élections soient les conditions les plus transparentes, mettant à égalité tous les candidats. Dans ces conditions, je me sens capable de le battre. Est-ce qu'il amènera la démocratie ? Je suis candidat, justement, pour restaurer la démocratie dans mon pays, parce que je considère aujourd’hui que le président-candidat Mahamat Idriss Déby est une menace pour la démocratie, au vu de la qualité du référendum que nous avons connu, au vu de l'organisation de l'actuelle présidentielle.C'est pour ça que j'annonce : un, dans mon programme, pour habituer le Tchad à la passation pacifique du pouvoir, je n'exercerai qu'un seul mandat pour organiser le retour au jeu démocratique réel. Deux, je remettrai en jeu la Constitution actuelle, qui est mal adoptée, et je soumettrai la question de la forme de l'État à un référendum, avec un projet sur la forme fédérale et un projet sur la forme unitaire, pour que le peuple puisse décider. Trois, je dissoudrai l'administration électorale actuelle – qui est inique, l'Ange – pour mettre en place une administration électorale équitable. Le Code électoral sera révisé totalement pour y remettre les conditions de transparence. En tout cas, toute l'architecture juridique et institutionnelle permettra d'organiser des élections transparentes, libres et inclusives dans notre pays et d’éviter le retour aux cycles de violences.À lire aussiTchad: le Premier ministre Succès Masra demande aux électeurs «cinq ans pour mettre fin à 60 ans d’obscurité»
4/19/202412 minutes, 13 seconds
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Afrique: «Evgueni Prigojine meurt, l’intérêt Wagner demeure»

Nos invités sont nos confrères Benjamin Roger et Mathieu Olivier. Les journalistes de Jeune Afrique sont spécialistes du continent et viennent de publier aux éditions Les Arènes : Wagner, l'histoire secrète des mercenaires de Poutine. Une plongée en investigation sur les ramifications africaines d'un système de mercenaires de mieux en mieux établis sur le continent. RFI : On vous reçoit aujourd'hui pour parler d'une bande dessinée que vous venez de faire paraître avec votre camarade de dessin, qui s'appelle Thierry Chavant. Le titre, c'est Wagner, l'histoire secrète des mercenaires de Poutine. C'est ce dont on va parler, bien sûr. Mais tout d'abord, expliquez-nous pourquoi vous avez choisi le support de la bande dessinée, c'était pour rendre les choses plus pédagogiques, plus accessibles ?Mathieu Olivier : Oui, il y a un intérêt à toucher un public qui est plus grand sur des affaires africaines, qui n’attirent pas forcément beaucoup le regard à la base. Donc, nous, étant journalistes à Jeune Afrique, on a l'habitude de s'adresser à des spécialistes. Là, c'était l'occasion de parler de la Centrafrique, du Cameroun, du Mali à un public beaucoup plus large. Et puis, nous, on est des lecteurs de bande dessinée et de bande dessinée d'investigation. Donc ça, ça nous a paru assez vite, très logique.  Donc, le groupe Wagner a une histoire pas si secrète que ça, puisque vous en parlez régulièrement dans les pages de Jeune Afrique, bien sûr. Et vous établissez une chronologie de l'évolution du groupe, d'abord, évidemment, en Ukraine et en Europe, mais surtout très rapidement en Afrique. La première expérience en Afrique, c'était où ? M.O. : La première grosse expérience, c'est au Soudan et surtout en Centrafrique, ensuite. C'est pour ça qu'on a appelé ça, nous, le laboratoire centrafricain. On s'est rendu compte que Wagner testait finalement tout son système, c'est-à-dire son offre de sécurité au président Touadéra, c'est son système d'entreprise dans le bois, dans l'or… Enfin, voilà, c'est devenu très tentaculaire, donc en fait, ce système mafieux qu'on a voulu raconter tout au long de la BD, il s'est mis en place en Centrafrique et ensuite, il est venu s'exporter au Mali. Voilà, on a vraiment voulu montrer cette première expérience centrafricaine qui, en plus, vient dans un contexte de sentiments anti-français où on a vu le recul de la diplomatie française, des intérêts des entreprises françaises. Ce jeu de propagande entre Moscou et Paris, c'est tout ça que raconte finalement Wagner et Evgueni Prigojine en Afrique, quoi. Ce qui est assez marquant d'ailleurs, dans la bande dessinée, puisque vous en parlez, c’est la sorte de candeur ou d'innocence du ministère des Affaires étrangères français quand il voit arriver Wagner en Centrafrique et puis ensuite au Mali. Les ambassadeurs, les relais français en Afrique émettent des alertes et finalement, on prend ça un peu par-dessous la jambe ? Benjamin Roger : C'est aussi un peu ce qu'on raconte dans ce livre et dans cette BD. C'est d'abord le succès assez fulgurant finalement, en quelques années, des Russes à travers Wagner en Afrique. Et en creux, c'est aussi évidemment l'échec des autorités françaises depuis plusieurs années qui n’ont pas vu ou qui n'ont pas voulu voir et qui, petit à petit, des signaux s'amoncelaient de la Centrafrique jusqu'au Mali. Et aujourd'hui, il y a le Burkina Faso, maintenant, il y a le Niger. Tout au long de ces années, il y a eu plusieurs signaux. Alors les Français ont fini par voir, par comprendre, mais toujours avec un train de retard. Sur le modèle économique, puisque Wagner en Afrique est un business model, il y a la façon de se rémunérer. Donc, c'est de l'or bien sûr, on en a parlé, du café, de la brasserie, tout un tas d'activités en Afrique. Ce qu'on sait moins, c'est qu'une fois que ces ressources sont exploitées, elles transitent par Douala ou par Dubaï. Ça, c'est quelque chose dont on parle un petit peu moins.BR : Wagner, est évidemment connu comme un groupe de mercenaires, mais en fait, c'est bien plus que ça. C'est une énorme nébuleuse de différentes sociétés, dans différents domaines, et notamment des sociétés écrans. Il y a un modèle de prédation, clairement, où on va aller se servir directement sur la bête, entre guillemets. Par exemple dans les mines en Centrafrique, c'est ce qu'ils essayent de faire au Mali en ce moment, ils sont là avec l’orpaillage artisanal. Au Soudan, pareil, c'était dans des mines. On voit les différents secteurs et business dans lesquels ils sont, après ce qui est très difficile : c’est à chiffrer. Concrètement, combien de kilos de tonnes d'or ont-ils réussi à sortir en 2023 de Centrafrique, du Mali, et qu'est-ce que ça représente concrètement en argent ? Alors, il y a eu deux, trois études, des rapports faits par des organismes internationaux, des ONG, mais ce sont des estimations, c'est très difficile à chiffrer, mais on parle là de plusieurs dizaines, voire centaines de millions de dollars. Prigojine est décédé. Wagner s'appelle désormais Africa Corps. Est-ce que cela veut dire que vous préparez un deuxième volume de votre BD ? MO : Il pourrait y en avoir un. Effectivement, c'est ça qui est assez extraordinaire, c'est-à-dire que Wagner n’a pas disparu. Les hommes de Wagner et les hommes qui étaient les hommes de Prigojine sont pour la plupart toujours en poste avec une tutelle plus importante du renseignement militaire russe. Donc, c'est une reprise en main depuis la mort de Prigojine, de la part du Kremlin et du ministère de la Défense russe. Mais les activités demeurent, que ce soit en Centrafrique, on voit que, malgré quelques tentatives du côté des Américains de venir gêner les activités Russes à Bangui, les héritiers de Wagner sont toujours omniprésents autour de Faustin-Archange Touadéra. Au Mali, on voit qu’ils sont toujours omniprésents autour d'Assimi Goita. Leur influence est de plus en plus importante au Burkina Faso. C'est ce qu'on voulait aussi raconter, en fait. En racontant Wagner, on racontait pourquoi Wagner allait survivre à Evgueni Prigojine, c'est-à-dire Evgueni Prigojine meurt, l’intérêt Wagner demeure.À lire aussiQuel avenir pour le groupe Wagner en Afrique après la mort d'Evgueni Prigojine?
4/19/20244 minutes, 46 seconds
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Tchad: le Premier ministre Succès Masra demande aux électeurs «cinq ans pour mettre fin à 60 ans d’obscurité»

Au Tchad, le président Mahamat Idriss Déby Itno et le Premier ministre Succès Masra sont tous deux candidats à la présidentielle du 6 mai. Après l’interview du chef de l’État, voici celle du Premier ministre, qui promet, s’il est élu, « un paquet minimum de dignité » intégrant éducation, santé et logement pour chaque Tchadien. Craint-il la fraude ? Que répond-il à ceux qui le considèrent comme un « traitre » ? Quel sort réservera-t-il, s’il est élu, aux bases militaires françaises ? Succès Masra répond aux questions de nos envoyés spéciaux à Ndjamena, Christophe Boisbouvier de RFI, et Marc Perelman de France 24. France 24 : Vous êtes candidat mais, depuis que vous êtes Premier ministre, on a quand même vu des développements inquiétants pour la population : la hausse du carburant de 40 %, on a vu des délestages, on a vu des grèves. Est-ce que tous ces mécontentements ne risquent pas de vous handicaper pour atteindre votre but, c'est-à-dire la présidence de la République ? Non, au contraire. Je suis arrivé à la tête du gouvernement, les enfants étaient en grève depuis trois mois. La première chose que nous avons faite, c'est de remettre les enfants à l'école, c'était le premier acte. Ensuite, nous arrivons à la tête du gouvernement dans un pays pratiquement en banqueroute, qui est dernier sur l'indice du développement humain et qui a des défis de développement cumulés depuis des décennies. Je suis arrivé à la tête du gouvernement, 90 % des Tchadiens n'ont jamais vu l'électricité depuis l’indépendance. Et donc, ce sont des citoyens matures et lucides, qui savent que je viens avec un projet de gouvernement, que tout le monde avait d'ailleurs approuvé. Leur seule inquiétude était de savoir si j'avais suffisamment de temps pour le mettre en œuvre. C'est l'occasion de demander le temps - cinq ans - aux Tchadiens, pour mettre fin à 60 ans d'obscurité. Ce n'est pas en 60 jours, et ça aussi, ils le savent. Mais nous avons besoin d'un peu de temps. C'est ça que nous allons leur demander et ils en sont conscients.RFI : Vous dites que vous veillerez à ce que la présidentielle du 6 mai soit transparente. Mais l'opposition dit que les organes qui vont arbitrer ce scrutin, à commencer par l’Agence nationale de gestion des élections (Ange) et le Conseil constitutionnel, sont contrôlés par la présidence qui en a nommé tous les membres. Est-ce que vous ne vous bercez pas d'illusions ?Non, au contraire. Dans les élections précédentes, un chef d'État pouvait nommer les membres d'un organe chargé des élections, puis les « virer » - si vous me permettez l'expression - à la veille de la proclamation des résultats. Aujourd'hui, nous avons des membres de ces organes qui sont nommés de manière inamovible, dont le mandat est plus long que celui du président de la Transition et donc, demain, celui du président de la République qui sera élu. Ces organes vont organiser deux élections [présidentielles, cette année et dans cinq ans, NDLR]. En réalité, nous avons des institutions meilleures que celles que nous avions jusqu'à présent. C'est valable pour ces organes, c'est valable pour la Constitution, qui nous donne aujourd'hui les droits et les devoirs qui nous permettent, là, d'être autour de la table. Donc, en réalité, nous sommes en meilleure condition aujourd'hui.Vous savez, en 2021, le président Idriss Déby Itno - paix à son âme - n'a pas osé m'affronter à une élection. Il a même introduit dans la Constitution une clause « anti-Masra » - c’est comme ça que les Tchadiens l'appellent - [instaurant un âge minimum] de 40 ans, parce qu'il ne voulait pas que je sois candidat, parce qu'il savait que je pouvais gagner et que j'avais beaucoup de chances de gagner. Aujourd'hui, je suis en meilleure condition de l'emporter, sans doute dès le premier tour. Et donc je ne me berce pas d'illusions. Je fais partie de ceux qui organisent pour que ça soit transparent pour tout le monde.France 24 : Pour beaucoup de Tchadiens, votre retour au pays, votre nomination comme Premier ministre, votre candidature maintenant, tout ça ferait partie d'un accord secret passé entre vous et le président de la Transition Mahamad Idriss Déby Itno. Les termes de l'accord seraient qu’il gagnerait l'élection présidentielle et qu’il vous reconduirait comme Premier ministre. Que répondez-vous à ceux qui pensent cela ?Vous savez, je suis là d'abord au nom de la réconciliation nationale. Ce n’est pas un mot, c'est une attitude, ce sont des actes.France 24 : Cela peut être un accord aussi.Mais je suis là aussi parce que je représente une force politique, que je considère même majoritaire dans ce pays, et donc nous sommes dans une cohabitation qui ne dit pas son nom. Voyez-vous, je suis là au nom d'une Constitution de la République dont je suis chef de gouvernement, qui me donne des droits et des devoirs, qui donne des droits et des devoirs aussi au président de Transition. C'est une première dans l'histoire de notre pays, peut-être même sur le continent africain. Un Premier ministre, mais nous sommes en transition, et un président de Transition peuvent présenter leur projet de société. Nos différences sont connues, tout comme nos complémentarités. Et nous allons devant le peuple parce que Vox populi, vox Dei (« la voix du peuple est la voix de Dieu » - NDLR).Vous savez, je connais le prix de la démocratie et je veux contribuer au difficile accouchement de la démocratie. Il m'a fallu quatre ans pour avoir le droit que le parti Les Transformateurs puisse exercer. Il m'a fallu cinq ans pour avoir le droit d'organiser des meetings. Vous avez vu par quoi nous sommes passés : le droit de marcher, ça s'est fait dans la douleur, même dans le sang, si vous le permettez. Donc, moi je suis là au nom de la démocratie. Je suis rentré dans l'avion de la transition pour m'assurer qu'il y ait un atterrissage à l'aéroport de la démocratie.Parce qu'à la fin de la transition, les Tchadiens vont choisir ceux qui vont - si vous me permettez l'expression - organiser le prochain décollage. Et je souhaite être le pilote principal de ce prochain décollage-là, pour conduire les Tchadiens à la destination « terre promise des opportunités pour chaque Tchadien, chaque Tchadienne ». Voilà l'enjeu. Donc, nous nous battons pour que la démocratie soit une règle dans ce pays. Et c'est au nom de cela que nous sommes là, en tout cas.France 24 : Vous n’avez pas répondu... Y’a-t-il eu un accord secret ? Vous êtes des grands journalistes. S'il y a un accord, présentez-le. Au début, on a dit que l'accord de Kinshasa [du 31 octobre 2023] n'était pas visible parce que ça comporterait des choses horribles. Lorsque l'accord de Kinshasa a été présenté, tous ceux qui avaient dit ça se sont rendu compte qu'en réalité, il n'y avait rien d'horrible. J’ai signé un accord qui garantit mes droits, mes devoirs, mes droits politiques, qui permet au Tchad de s'inscrire sur le chemin de la réconciliation nationale.Vous imaginez qu’on dise à Nelson Mandela, quand il serre la main à Frederik de Klerk, qu'il a abandonné sa lutte pour la justice et pour l'égalité ? Non, au contraire, il faut réconcilier. Et si l’on m'en donne l'onction, ceux qui gèrent aujourd'hui la transition à mes côtés auront leur place, y compris le président de Transition. Demain, moi président, il aura sa place à mes côtés pour m'aider, par exemple, à réformer l'armée de notre pays, qui en aura besoin. C'est un projet de société réconciliant, suffisamment grand, je pense, pour embarquer tout le monde, parce qu'il faut avancer avec l'ensemble des Tchadiens. Voilà l'esprit central de ce qui nous guide aujourd'hui.RFI : Alors, même s'il n'y a pas eu d'accord secret entre le président Mahamad Idriss Déby et vous-même, vous vous êtes « réconciliés » - comme vous dites - avec le chef d'État qui a présidé à la répression du 20 octobre 2022, qui a fait entre 73 et 300 morts, c'est considérable. Beaucoup de victimes étaient vos partisans, vos militants... Par conséquent, après la réconciliation, après l’amnistie générale et l’impunité pour les auteurs de cette répression, beaucoup de vos anciens amis, vous ont considéré comme traître. Ne craignez-vous pas, Monsieur le Premier ministre, que tous ces partisans déçus ne se tournent vers d'autres candidats à cette présidentielle, comme par exemple l'ancien Premier ministre Albert Pahimi Padacké ?Je crois dans la réconciliation, je crois dans la justice. La justice, ce n'est pas la vengeance. Êtes-vous en train de dire que j'ai fait beaucoup de concessions pour privilégier un Tchad réconcilié ? Oui, j'ai fait des concessions pour privilégier un Tchad réconcilié. Je vais donner un autre exemple, celui de mes amis qui sont arrivés au pouvoir au Sénégal. Au Sénégal, un pays qui a connu plusieurs alternances démocratiques, il y a eu des gens qui sont morts. Savez-vous ce qui a permis à Ousmane Sonko et à Bassirou Diomaye Faye de sortir ? Il y a eu une amnistie. Moi, je me suis préoccupé des vivants. Il y avait les morts dont la mémoire doit être honorée.Mais il y avait des jeunes de 25 ans, de 30 ans, qui étaient condamnés à vie et qui avaient une sorte d'épée de Damoclès sur leurs têtes. Pendant un an, ceux auxquels vous faites allusion, qu'ont-ils fait pour enlever ces fausses condamnations ? Moi, je me suis assuré que ces vivants-là, ces jeunes-là ne vivent pas la prison à vie. Et donc, ils ont eu leurs fausses condamnations, d'une certaine manière, enlevées. Est-ce que si c'était à refaire, je l'aurais refait ? Oui, je l'aurais refait. Parfois, c'est aussi ça être un homme d'État, voyez-vous ?RFI : Vous ne craignez pas de perdre des voix...Non, au contraire !... avec tous ceux qui estiment qu'ils sont trahis par vous ?J'en ai plutôt engrangé. La plupart de ceux qui disent ça ne peuvent même pas réunir cent personnes. Les Tchadiens savent que j'étais hors du pays avec un poste de responsabilité à la Banque africaine de développement. J'ai abandonné, je suis rentré. Je suis chef du gouvernement, mais je ne n'utilise pas le salaire de Premier ministre. Je donne ces exemples-là pour illustrer le fait que, dans le cœur de ce peuple, ils sont convaincus de mon engagement sincère pour faire en sorte que dans chaque foyer tchadien, il y ait un paquet minimum de dignité : électricité, éducation, santé, eau. Et puis un minimum de droits décents et de possibilités de sécurité. Ce sont des choses simples sur lesquelles les Tchadiens ont besoin de résultats. Pour les 22 000 villages où il y a 70 % de nos populations qui vivent, pour les milieux urbains où les 200 000 jeunes tchadiens qui rentrent sur le marché de l'emploi chaque année ont besoin d'emplois. Sur ces choses, nous avons un projet de société clair, co-construit avec ces Tchadiens et c’est ce projet-là qui est majoritaire.France 24 : Et d'après vous, le choix du peuple serait la victoire dès le premier tour ?Nous en sommes convaincus.Parlons de la France, des questions très concrètes. Si vous êtes élu, il y a plus de 1 000 soldats français stationnés au Tchad, il y a 3 bases militaires. Est-ce que vous dites « Continuons comme ça », sachant que dans d'autres pays du Sahel, l'armée française est partie ? Ou vous dites « Non, il faut revoir ça, nous n’avons pas besoin d'autant de soldats français, nous sommes en 2024 ». Est-ce que, de façon très concrète, vous réduisez la voilure ?Je voudrais aider la France elle-même à regagner sa dignité.France 24 : L'a-t-elle perdue ? Ça me fait de la peine que la France, les forces de défense et de sécurité françaises aient l'impression d'être devenue des SDF [sans domicile fixe - NDLR] sur le continent africain. On pourrait éviter à la France cette image, où on conseille à un chef des armées français : « Déménagez d'ici, allez dans ce pays, c'est sûr ». Et puis, deux mois plus tard, ce n'est plus sûr dans ce pays. Au minimum, cela veut dire que ce chef des armées français a été induit en erreur. Au pire, l'approche n'est pas la bonne.Je souhaite être à la tête d'un État du Tchad solide, partenaire sûr, avec lequel la France peut travailler. Et dans ce partenariat sûr que j'entends développer, il y a des choses qui relèvent des choses du siècle passé. Je crois que même l'approche française aujourd'hui est appelée à évoluer là-dessus. Est-ce que maintenir de manière durable ad vitam æternam des troupes étrangères sur un sol est quelque chose de défendable ? On peut être au même niveau d'efficacité, mais peut-être faire différemment : mutualiser les forces, avoir des écoles de guerre communes, partager les renseignements, avoir des approches de formation rapide, séquencées sur un temps court, mutualiser nos énergies. Cela, ce sont des pistes que nous n'avons pas suffisamment explorées.Donc, je ne suis pas un dogmatique, je vais être très pragmatique sur la question et, en regardant vraiment page par page l'ensemble de ces accords, nous sommes capables de dire quelle est la part de modernité qui manque à cela pour nous permettre d'avancer. Cela sera mon approche et cela va être au cas par cas. Avec la France, mais pas que : avec les autres partenaires aussi, de manière à ce que nous soyons capables de dépoussiérer les partenariats du XXe siècle des éléments qui ne les ont pas amenés à rentrer totalement dans le XXIe siècle.
4/17/202412 minutes, 15 seconds
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JO 2024: les athlètes africains «se sentent très bien, et nous avons de très grandes ambitions»

Moustapha Berraf est le président de l’Association des comités nationaux olympiques d’Afrique (ACNOA) depuis 2018, mais également membre du Comité international olympique (CIO). À 100 jours des Jeux olympiques, il est actuellement au Nigeria pour une réunion du comité exécutif de son organisation. Au micro de Kaourou Magassa, il revient sur les préparatifs des Jeux olympiques pour les athlètes africains. À lire aussiJO 2024: la flamme olympique, allumée en Grèce, commence son voyage vers Paris
4/17/20244 minutes, 36 seconds
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Mahamat Idriss Déby, président tchadien: «Le Tchad n’est pas dans le principe d’un esclave qui veut changer de maître»

Sa parole est rare. Pour la première fois depuis sa rencontre du 24 janvier dernier à Moscou avec son homologue russe Vladimir Poutine, le président de la transition tchadienne s’exprime, et c’est sur Radio France internationale et France 24. Veut-il chasser les militaires français de son pays et les remplacer par des militaires russes ? Veut-il fonder une dynastie au pouvoir ? Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier et de Marc Perelman. France 24 : L’élection présidentielle est prévue le 6 mai 2024, très bientôt. Pour beaucoup, cette élection est déjà jouée d’avance. Une certaine partie de l’opposition parle d’une mascarade, en affirmant que vous contrôlez tous les leviers : le Conseil constitutionnel, l’organe de supervision des élections ANGE. Est-ce que c’est une élection ou un simulacre d’élection qui va avoir lieu, ici, au Tchad ?Mahamat Idriss Déby : Je crois qu’on a fait un long chemin. Ce long chemin, on l’a fait avec l’ensemble de la classe politique et aussi une grande partie aussi des ex-politico-militaires [les ex-rebelles, NDLR]. Et toutes les institutions qui sont issues de la nouvelle Constitution sont des institutions indépendantes. Notamment l’institution qui est la plus importante, à laquelle vous faîtes référence, c’est l’Agence nationale de gestion des élections, ANGE. Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, l’ANGE est créée par la loi fondamentale, donc, adoptée par le peuple tchadien. Et, aujourd’hui, l’ANGE est indépendante.Donc, je crois que ceux qui disent que c’est une mascarade ou bien que c’est une élection qui est déjà jouée d’avance, bon, je les comprends : c’est aussi ça, la politique, c’est de bonne guerre. Mais moi, je fais confiance à cette agence qui va jouer pleinement ce rôle de manière indépendante. Et vous allez voir que, le 6 mai prochain, les Tchadiens vont choisir, vont élire le président qui va diriger ce pays pendant les cinq prochaines années. Et le choix du peuple sera respecté.RFI : Le 28 février 2024, l’opposant Yaya Dillo a été tué dans un assaut de l’armée tchadienne contre le siège de son parti, à Ndjamena. « C’est une exécution à bout portant », affirme son parti. « Le corps de Yaya Dillo porte l’impact d’une seule balle dans la tempe », précise l’ONG Human Rights Watch. Que répondez-vous à ceux qui affirment que vous avez fait éliminer votre opposant le plus farouche ?Écoutez, je voudrais dire en quelques mots ce qu’il s’est passé. Monsieur Yaya Dillo et ses militants ont attaqué le siège des services de renseignement avec des armes de guerre. Est-ce qu’un parti politique a le droit des armes ? Est-ce que les militants d’un parti politique ont le droit d’avoir des armes ? C’est ça, la question. Donc, pendant cette attaque macabre, il y a eu des morts : des morts du côté des forces de défense et de sécurité, et aussi parmi les militants du PSF [Parti socialiste sans frontières, NDLR]. Donc, il était tout à fait normal pour un État que celui qui a conduit cette attaque doive être arrêté pour répondre de ce qu’il a fait, de ses actes. Et la police est intervenue pour l’arrêter. Il n’a pas voulu obtempérer. Au contraire, il a tiré sur les forces de l’ordre et les forces de l’ordre ont répliqué. Il y a eu des morts des deux côtés. Maintenant, l’affaire est entre les mains de la justice. Nous allons attendre la décision de la justice. Et nous avons dit très clairement que nous sommes aussi ouverts à une enquête indépendante, ce qui veut dire que nous n’avons rien à cacher sur cette histoire.RFI : Vous êtes ouvert à une enquête…Internationale.RFI : Dans combien de temps ?Dès le début, nous avons fait un communiqué pour expliquer à l’opinion nationale et internationale ce qu’il s’est passé. Et nous avons aussi demandé une enquête indépendante.France 24 : Cette campagne est un peu atypique parce que vous allez affronter plusieurs candidats, notamment votre Premier ministre, qui a longtemps été un farouche ennemi : Succès Masra. Est-ce qu’il y a un accord entre vous – beaucoup le pensent – pour que, par exemple si vous gagnez (comme beaucoup le pensent), vous le reconduisiez automatiquement comme Premier ministre ? Est-ce qu’il y a un deal avec Succès Masra ?Écoutez, dans la logique d’une transition apaisée, nous avons toujours tendu la main pendant ces trois ans de transition. Et Succès Masra est un Tchadien, chef de parti politique. Il a fait des erreurs et a reconnu ses erreurs. Il a voulu rentrer au Tchad. Donc, il est passé par des facilitateurs désignés [par la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, NDLR], notamment le président de la RDC Félix Tshisekedi. Nous avons accepté la main tendue et nous avons signé un accord pour qu’il revienne au pays. Maintenant, il est candidat, je suis candidat. Il n’y a aucun accord entre nous.RFI : Au Soudan, pays voisin, cela fait un an que la guerre civile fait rage entre le camp du président Abdel Fattah al-Burhan et celui du général Hemedti. Ce 9 mars, aux Nations Unies, le représentant du président al-Burhan vous a accusé d’approvisionner en armes les troupes du général Hemedti – et je vois que ça vous fait sourire – de concert avec les Émirats arabes unis. Que répondez-vous à cette accusation ? Et, peut-être de façon plus globale, pourquoi ne condamnez-vous pas cette rébellion du général Hemedti qui s’appuie notamment sur les milices janjawids qui ont beaucoup fait souffrir les habitants du Darfour depuis 20 ans ?Ce qui me fait sourire, c’est que c’est archi-faux, ce que vous dîtes. Un peu d’histoire, revenons en arrière : je crois que le Tchad n’a jamais agressé le Soudan. Maintenant, par rapport à ce qu’il se passe au Soudan, dès les premières heures de la transition [à partir d'avril 2021, NDLR], nous avons tout fait pour éviter cette guerre. La preuve : nous avons invité le président al-Burhan, ici, à Ndjamena, et nous avons invité le vice-président Hemedti à Ndjamena, pour leur prodiguer des conseils, pour leur dire que la guerre n’est pas une solution. Maintenant, ce qui se passe au Soudan, c’est d’abord qui a créé les janjawids ? Qui est responsable des 300 000 morts [estimation du nombre de victimes civiles durant la guerre du Darfour, NDLR] ? C’est le régime soudanais qui les a créés. Qui a créé les FSR [Forces de soutien rapide, groupe paramilitaire soudanais dirigé par le général Hemedti, NDLR] ? C’est le régime soudanais qui a créé les FSR.Donc, le régime soudanais est en train de récolter en quelque sorte ce qu’il a semé. Ce qui se passe au Soudan, c’est une guerre soudano-soudanaise. Nous, ça ne nous regarde pas. Et malheureusement, jusqu’à présent, la guerre continue et je vais profiter de votre micro pour appeler les deux généraux à cesser immédiatement la guerre et privilégier le dialogue. Cette guerre, ceux qui en souffrent le plus, c’est d’abord le peuple soudanais. Ensuite, c’est le Tchad qui en souffre : depuis 2003, nous abritons sur notre sol plus de 600 000 réfugiés soudanais. Aujourd’hui, on compte plus de 2 millions de réfugiés. Donc, cela crée non seulement l’insécurité, des problèmes humanitaires et aussi des problèmes environnementaux. Donc, je crois que ce qui se passe au Soudan, c’est un problème soudano-soudanais et ça ne nous regarde pas du tout, ça ne regarde pas le Tchad.France 24 : Vous avez fait une visite très remarquée à Vladimir Poutine, fin-janvier 2024. Vous avez dit que la Russie est un « pays frère ». Est-ce que vous envisagez une coopération militaire avec Moscou du même type à celle que votre voisin, le Niger, vient d’engager ? Est-ce que Vladimir Poutine vous l’a proposé ?Nous avons eu des échanges très fructueux avec le président Poutine, dans le respect mutuel, et sur des sujets sur lesquels nous nous entendons. Sur des sujets qui nous concernent, entre deux États souverains.France 24 : Y compris sur la coopération sécuritaire ? Est-ce que c’est sur la table ?Il n’y a pas que la coopération militaire. Il y a d’autres coopérations. Pourquoi toujours parler de coopération militaire quand il s’agit de pays africains ? Il y a d’autres coopérations : il y a les coopérations économiques qui sont très importantes aujourd’hui pour nos pays. On a parlé de beaucoup de sujets : on a parlé de coopération militaire, de coopération économique, de coopération diplomatique. Il y a une panoplie de sujets sur lesquels, avec le président Poutine, nous avons discuté. Et je peux vous dire que je suis satisfait de cette visite.RFI : Est-ce que vous envisagez un changement d’alliance militaire ? Est-ce que vous envisagez de lâcher votre alliance avec la France pour nouer une alliance avec la Russie ? Ou est-ce que vous comptez conserver votre alliance militaire avec la France au vu de ce qu’a dit l’envoyé personnel du président français, Jean-Marie Bockel, à la sortie d’une audience que vous lui avez accordé il y a un mois (« Il faut rester au Tchad et, bien sûr, nous resterons ») ?Écoutez, le Tchad est un pays indépendant, libre et souverain. Nous ne sommes pas dans le principe d’un esclave qui veut changer de maître. Nous avons l’intention de travailler avec toutes les nations de monde, toutes les nations qui nous respectent et qui veulent travailler avec nous en se respectant mutuellement.RFI : Ce qui veut dire que, concrètement, le contingent français de plus de 1 000 hommes et les trois bases militaires françaises qui sont actuellement installées au Tchad vont être maintenues ? En ce qui concerne la France, comme vous l'avez dit tout à l'heure, Monsieur Bockel [l'envoyé personnel d'Emmanuel Macron pour l'Afrique, NDLR] a fait une visite au Tchad. Avec lui, nous avons eu des discussions sur le futur de nos coopérations. Nous avons eu des échanges, nous allons continuer nos échanges et ensemble, souverainement, nous allons décider de nos futures coopérations. Et ces coopérations ne doivent pas se limiter seulement à la défense. Il y a d'autres coopérations aussi, notamment la coopération économique. C'est la coopération économique qui nous tient le plus à cœur aujourd'hui, plus que la coopération de défense.France 24 : Il se pose une question à travers cette élection. Est-ce que vous vous engagez à vous présenter seulement pour un ou deux mandats ou est-ce que, comme craignent certains, une « dynastie Déby » est en train de s'installer ?[Rire] D'abord, il faut savoir que moi je suis un candidat et j'ai un programme qui est ambitieux, que je vais présenter au peuple tchadien. Maintenant, c'est au peuple tchadien de décider, même si je suis confiant. Je suis confiant dans mon programme par rapport à tous les actes que j'ai faits, par rapport au respect des engagements que j'ai pris pour la transition : notamment organiser le dialogue national inclusif, organiser le référendum constitutionnel. Les Tchadiens savent que je suis un homme d'action et un homme de parole.Si je suis élu, je vais faire mon mandat de cinq ans et à la fin de mon mandat, ce sera au peuple de me juger. Ce sera au peuple tchadien de me juger par rapport à ce que j'ai proposé. Quant à la dynastie à laquelle vous faites référence, notre Constitution est très claire. Un candidat ne peut pas faire plus de deux mandats successifs. Et je voudrais rassurer le peuple tchadien que je vais respecter et que tout le monde va respecter la Constitution qui a été adoptée et votée par le peuple tchadien.
4/15/202411 minutes, 32 seconds
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Au Soudan: «Nous voulons l’aide de la communauté internationale pour engager un dialogue réel»

Il y a un an, des affrontements éclataient à Khartoum et ouvraient un cycle de guerre entre l'armée du général Al Burhan et les paramilitaires du général Hemedti, forçant à l'exode des millions de Soudanais. Les élites politiques et de la société civile soudanaises se sont elles aussi dispersées dans un premier temps, mais s'efforcent depuis de faire entendre une autre voix que celle des militaires. Parmi elles, une coalition nommée « Taqaddum », la Coordination des forces civiles démocratiques, dirigée par l'ancien Premier ministre Abdallah Hamdok. Alors que Paris accueille ce lundi une conférence humanitaire sur le Soudan, notre grand invité Afrique ce matin est l'un des cadres de Taqaddum, le diplomate Nureldin Satti. RFI : Qui est responsable de la situation dans laquelle se trouve le Soudan, un an après l'éclatement de la guerre ? Nureldin Satti : Ce sont les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide, qui ont perpétré le coup d'État du 25 octobre 2021, qui ont décidé d'arrêter le processus de transition démocratique, qui avait commencé deux ans auparavant.Donc, pour vous, la descente aux enfers a commencé avec le coup d'État des militaires ? Absolument. Ce qui se passe là est impensable. La guerre a atteint un degré incroyable, une sauvagerie inimaginable. Il faut trouver des solutions dans le fond de la société elle-même. C'est une société malade, donc elle ne sent pas qu'il y a des problèmes historiques à régler. Il y a un problème au Darfour, une marginalisation historique. Nous reconnaissons qu'il y a un problème entre les islamistes et le reste de la société, entre les civils et les militaires. Nos amis peuvent nous aider, mais finalement, le début de cette guérison est chez nous. On parle de soutien de parrains internationaux aux deux généraux, al-Burhan et Hemedti. Est-ce que vous diriez que la guerre au Soudan est une guerre internationale ? Il y a des allégations selon lesquelles il y aurait, d'un côté, des pays voisins du Soudan qui soutiendraient les Forces armées soudanaises, qu'il y a certains pays du Golfe, arabes, qui soutiendraient les Forces de soutien rapide. Ce sont des accusations, des allégations, mais il nous faudrait des preuves. On peut dire que c'est une guerre régionale qui s'internationalise, maintenant, avec l'implication même de la Russie et de l'Ukraine, l'Ukraine du côté, paraît-il, de l'armée nationale, et la Russie du côté des Forces de soutien rapide. Est-ce qu'il y a un risque de déstabilisation de la région ? Oui, absolument, ça commence déjà d'ailleurs. Le Soudan du Sud va peut-être connaître une période de grande déstabilisation sociale, économique et probablement politique, du fait que l'approvisionnement du Soudan du Sud en pétrole a été arrêté à cause de la guerre au Soudan et le Soudan du Sud dépend à 90% des revenus pétroliers. À lire aussiAu Soudan, l'économie terrassée par une année de conflitQuelles sont vos principales craintes concernant la population soudanaise dans ce contexte d'un conflit qui se prolonge ? Les craintes sont déjà là : une famine qui s'annonce imminente. Des populations qui sont déplacées un peu partout dans le pays n'arrivent pas à trouver de quoi manger. Qu'est-ce que le mouvement Taqaddum, dont vous faites partie, attend de la réunion de Paris qui s'ouvre ce 15 avril 2024 ? On attend que la communauté internationale, d'abord, soit beaucoup plus déterminée dans son assistance au Soudan, que les engagements financiers pris par les donateurs soient respectés. Ce n'est pas normal que l'aide qui arrive au Soudan n'arrive pas à 6% des sommes qui ont été promises par la communauté internationale. La deuxième chose, c'est aider à trouver une approche humanitaire, qu'il y ait des corridors humanitaires, des endroits protégés où les gens peuvent se réfugier et se déplacer, qu'il y ait finalement un début de coordination internationale et régionale autour de ce qu'on peut faire pour trouver un règlement au Soudan. Il n'y a pas de consensus au sein de la communauté régionale et internationale sur ce qu'on doit faire au Soudan. Il faut continuer à faire pression sur les deux belligérants pour accepter de négocier, tout d'abord.Deuxième chose, faire en sorte que l’appui régional et international aux belligérants s'arrête et qu'ils se trouvent dans une situation dans laquelle ils ne puissent pas compter sur l'assistance régionale et internationale. Qu'il y ait un consensus, une cohésion, pour que la communauté internationale parle d’une même voix et qu'elle puisse nous aider, nous, civils, à engager un dialogue réel pour trouver une voie de sortie de cette crise.À lire aussiGuerre au Soudan: l'armée regagne du terrain, le pays au bord de l'abîme humanitaire
4/15/20244 minutes, 26 seconds
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Aki Nishio (Banque mondiale): «Au Sahel, la situation est très préoccupante»

En 2024, la Banque mondiale achèvera une nouvelle levée pour son fonds IDA, principalement destiné à l’Afrique. L'un de ses vice-présidents reconnaît que certains États pourraient baisser leurs contributions, alors que les crises se multiplient. Le sujet sera sur la table des assemblées de printemps les 15 et 16 avril.  RFI : Alors que se profile la 21ème reconstitution du fonds IDA (International development association), quel bilan peut-on faire du programme qui s’achève ?  Aki Nishio : Nous sommes encore au milieu de la seconde année, il faudra attendre la mise en œuvre de tous les projets pour avoir une idée des résultats concrets. Mais en termes de financements, nous avons de belles réussites. Sur les 93 milliards de dollars récoltés, 75 % sont allés en Afrique : lutte contre le changement climatique, développement des énergies renouvelables, insécurité alimentaire... Les pays bénéficiaires sont très demandeurs, ils sortent d’une période inédite. La pandémie, les conflits à travers le monde... Autant d’évènements qui les ont fragilisés encore plus. Justement, face à la demande croissante, le président de la Banque mondiale a parlé d’une « expansion » de l’IDA. Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?  Cela veut avant tout dire que nous voulons accroître les financements. Il n’y a pas d’objectif chiffré à proprement parler, mais la demande est énorme. Avec les crises successives qu’ils ont traversées, les pays bénéficiaires ont besoin de plus d’argent.  Pour l’IDA20, nous avions récolté 93 milliards de dollars, soit 105 milliards ajustés pour l’inflation. C’est une bonne référence pour la suite.  Avec la guerre en Ukraine qui continue, la crise au Moyen-Orient et les élections américaines qui approchent, craignez-vous une baisse des financements cette année ?  C’est un vrai risque. Plusieurs pays nous ont dit qu’il leur serait difficile de contribuer. Il est encore très tôt pour savoir si les financements seront en baisse. Dans le même temps, nous cherchons des alternatives. Solliciter d’autres donateurs, par exemple, qui n’avaient jamais contribué jusque-là. Je pense par exemple à certains pays du Golfe. La bonne nouvelle, c’est que le nombre de pays donateurs ne fait qu’augmenter, nous sommes aujourd’hui à 59. Certains d’entre eux étaient bénéficiaires jusqu’à présent, et ils reviennent en tant que donateurs. C’est un beau message de solidarité internationale : ils rendent un peu de ce que les autres leur ont donné.  En décembre dernier, en marge d’un déplacement en Tanzanie, le président de la Banque mondiale évoquait un « ralentissement de la lutte contre la pauvreté en Afrique ». Est-ce un constat que vous partagez ?  L’Afrique était sur une très bonne trajectoire. Dans la plupart des pays bénéficiaires, le taux de pauvreté était même en déclin. Mais la crise du Covid-19 a tout changé. Dans plusieurs pays, la pauvreté a augmenté. Ce n’est évidemment pas le résultat que nous espérions, même si je pense que l’IDA a permis d’affronter cette tempête. Nous avons aidé les pays africains avec des projets de protection sociale afin d’amortir les destructions d’emplois et en investissant dans l’éducation à distance. L’heure est maintenant aux projets post-Covid. Je pense aux transports, avec le développement de corridors pour les pays enclavés. L’une de nos priorités, c’est aussi d’accompagner la révolution numérique, un domaine dans lequel l’Afrique a pris du retard.  Après les coups d’État successifs au Mali, au Burkina Faso et au Niger, comment la Banque mondiale travaille-t-elle au Sahel ?  J’ai été très déçu par les événements récents au Niger. Un mois avant le coup d’État, j’avais rencontré le président Bazoum, l’un des champions de l’IDA sur le continent. Nous comptions sur lui pour transmettre le message à d’autres chefs d’État. Depuis, il est toujours en résidence surveillée. Dans ces pays, la situation est très préoccupante et il n’y a pas vraiment de bonne solution. C’est l’une des questions centrales pour l’IDA21 : comment continuer à travailler dans des pays en conflit ? Il faut davantage se concentrer sur la prévention, sur les subventions pour sortir les États de situations difficiles. Nous avons déjà un cadre pour cela, mais il faut qu’il soit plus flexible et plus efficace.  L’assistance budgétaire aux pays en transition fait-elle partie de la solution ? Est-ce envisageable ?  Pour cela, il faut un programme de réformes suffisamment solide. C’est sur cette base que nous fournissons un appui budgétaire. Il faut donc être sélectifs, et choisir les situations dans lesquelles notre aide sera utile. Nous continuerons à le faire en Afrique subsaharienne. En ce qui concerne le Mali, le Burkina Faso et le Niger, il est difficile de savoir d’où viendraient les éventuelles réformes. Cela reste à voir. Mais dans d’autres pays classés « fragiles », nous apportons un appui budgétaire, dès lors que les gouvernements sont engagés dans les réformes.  Le 15 avril 2024, cela fera un an jour pour jour que le Soudan est en guerre. La Banque mondiale est-elle toujours présente sur place ?  Nous n’avons plus d’employés sur place. Le directeur des opérations pour le Soudan travaille de Nairobi, au Kenya, et fera des aller et retours à Khartoum. Ce qui se passe est évidemment très triste. D’autant plus que le Soudan était sur une trajectoire très prometteuse. Dans l’immédiat, je ne sais pas ce que peut faire la Banque mondiale sur place. Mais nous sommes au fait de la situation, et sommes prêts à reprendre nos activités dès que cela sera possible. Le plus tôt sera le mieux. Haïti fait face à une crise sans précédent. Quel rôle peut jouer la Banque mondiale ? Cela fait plusieurs décennies que nous sommes actifs sur place, nous avons toujours un représentant à Port-au-Prince. Les récents évènements changent la donne. Nous sommes arrivés à un point où il devient difficile de continuer nos activités. Nous sommes inquiets pour la sécurité de nos employés sur place, cela a fait l’objet de nombreuses discussions. Mais la Banque mondiale est habituée à travailler dans ce genre d’environnement.  Le 2 avril dernier, la Banque mondiale dévoilait un rapport sur l’étendue des destructions dans la bande de Gaza. Les dommages causés aux infrastructures sont estimés à 18,5 milliards de dollars, soit 97 % du PIB combiné de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. A-t-on déjà connu un tel niveau de destruction ?  C’est difficile à évaluer. Les destructions sur place sont immenses et nous demandons à la communauté internationale de se mobiliser pour aider Gaza. Le statut légal unique de ce territoire nous empêche de leur fournir directement de l’aide, puisqu’ils ne sont pas membres de la Banque mondiale. Il faut donc trouver d’autres alternatives, comme la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Bird). Mais les dégâts sur place sont bien trop importants par rapport à l’aide que nous avons fourni jusqu’à présent. Les pays donateurs doivent être au rendez-vous. Depuis plusieurs années maintenant, certains pays européens ont réduit leurs financements à Gaza. Nous ne pouvons pas occulter la réalité. Cette situation requiert toute notre attention. 
4/13/20244 minutes, 35 seconds
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Gabon: «Les résolutions de notre dialogue seront soumises à un referendum» affirme Mgr Asseko Mvé

« Si les Gabonais décident d'accorder au chef de la transition, le général Oligui Nguema, un mandat présidentiel, ce ne sera que justice », déclare sur RFI le porte-parole du Dialogue national inclusif. Il y a 10 jours que ce Dialogue a démarré avec quelque 600 délégués réunis à Libreville (plus précisément à Angondjé en périphérie de Libreville). Les conclusions sont attendues à la fin du mois. L'archevêque de Libreville en préside les travaux et c'est un autre prélat catholique, Monseigneur Asseko Mvé, qui est le porte-parole de cette conférence, il répond depuis Libreville aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Les présidentielles de 2009 et de 2016 ont été marquées par des fraudes massives, comment mettre fin à la culture de la fraude au Gabon ? Mgr Jean-Bernard Asseko Mvé : C'est un problème de volonté et d'application des textes. Nous avons assisté le mois dernier, au Sénégal, à une élection présidentielle libre et transparente. Le général Brice Clotaire Oligui et l'ensemble de ceux qui l'accompagnent dans ce challenge voudraient bien que le Gabon arrive un jour à des élections démocratiques, pour que le peuple se reconnaisse dans ses chefs.Et si les conclusions de ce dialogue interdisent aux acteurs de la transition d'être candidat l'année prochaine, à l'exception du président de cette transition, le général Oligui Nguema, est-ce que vous ne craignez pas que les dés soient pipés ? Ça, c'est mettre la charrue avant les bœufs. Ce n'est pas au président de la transition de décider. Il a laissé le libre choix à ceux qui sont convoqués à ce dialogue pour trouver des pistes, des voies et des moyens pour que le Gabon soit inscrit sur la liste des pays démocratiques du monde. Il y tient fermement.Maintenant, si les Gabonais confirment – parce que nous voyons déjà dans les actions du CTRI [Comité pour la transition et la restauration des institutions - NDLR] et du président, Brice Clotaire Oligui Nguema, une certaine espérance –, si les Gabonais réunis ici à Angondjé décident de lui accorder un mandat, je pense que ce ne serait que justice et ce ne serait qu'une forme de reconnaissance par rapport aux avancées que nous pouvons constater, ici et là, depuis la prise du pouvoir par les militaires. Et les autres acteurs de la transition, ils pourront être candidats, ou non ?Je pense que l'article 15 de la Charte définit clairement que les autres acteurs de la transition ne pourront pas être candidats. Ceux qui ont accepté de participer à la vie politique aux côtés des militaires le savent, ils se sont engagés en connaissance de cause. Maintenant, si le dialogue national inclusif décide d'autre chose, on le proposera au général Brice Clotaire Oligui Nguema et au CTRI, qui devra en juger. Oui, mais les conclusions de votre dialogue ne seront pas contraignantes, le général Oligui fera ce qu'il voudra après, est-ce que cela ne pose pas problème ? Ce n'est pas vrai. Lui-même, lors de son discours d’ouverture de ce dialogue, et son excellence Monseigneur Jean-Patrick Iba-Ba sont revenus là-dessus. Rien n'est écrit d'avance. Les Gabonais, nous avons sous nos yeux des pages blanches sur lesquelles il faut écrire l’histoire de notre pays en lettres d'or. C'est à l'ensemble des Gabonais de se prononcer, mais ça, c'est sûr que tout le monde pense que les résolutions d’Angondjé devraient avoir un caractère contraignant et souverain.Mais le général Brice Clotaire Oligui, et ceux qui, avec lui, ont pensé que les Gabonais devaient s'asseoir à Angondjé pour un dialogue national inclusif, n'ont pas voulu que ce dialogue ait un caractère souverain, parce que 600 commissaires réunis à Angondjé ne peuvent pas représenter la souveraineté de toute une République.Il va donc falloir qu’au terme de notre dialogue, les résolutions soient soumises à un référendum. Et, à ce moment, les Gabonais dans leur ensemble pourront se prononcer s'ils se reconnaissent dans les résolutions prises à Angondjé, oui ou non, et le peuple gabonais souverain se sera prononcé. Ce ne sont pas les 600 personnes, les 600 Gabonais réunis à Angondjé, qui vont faire de notre dialogue un dialogue souverain. C'est plutôt l'ensemble des Gabonais qui aura à se prononcer lors du référendum prévu de se tenir en août prochain. Alors quelques grandes personnalités, comme le professeur Ondo Ossa qui était le candidat unique de l'opposition il y a quelques mois, ne sont pas invitées à ce dialogue. Est-ce qu'il est vraiment inclusif ? Disons que le dialogue est inclusif dans le sens où nous avons reçu 3.800 contributions de l'ensemble des Gabonais. Les contributions ont été analysées et synthétisées. Le dialogue est inclusif d'abord par cet ensemble de contributions, donc le dialogue est inclusif. Je pense que le professeur Albert Ondo Ossa, même s'il n'y est pas physiquement, est présent là au dialogue national à partir de l'ensemble de ces contributions – celles envoyées par lui-même, je suppose, et celles envoyées par ses adeptes.Oui, mais tout de même, sur le plan des symboles, c'est quand même étonnant, non ? Que l'un des principaux acteurs de la vie politique gabonaise de l'année dernière soit absent de ce dialogue ? Moi, Monseigneur Jean-Bernard Asseko, j'ai été de ceux qui ont fait la campagne du professeur Albert Ondo Ossa, et la plupart des Gabonais ici présents ont soutenu massivement le professeur Albert Ondo Ossa. Nous savons ce qu'il pense du Gabon. Nous avons à l'esprit l'ensemble des projets du professeur Albert Ondo Ossa pour le Gabon et nous les défendons ici. Nous les proposons ici au niveau du dialogue national et inclusif à Angondjé, et je pense que, si elles sont retenues, ça veut dire que l'ensemble des Gabonais y trouve une nouvelle espérance et ce sera admis. 
4/12/20247 minutes, 35 seconds
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Football: au Cameroun, «le discours du président Biya a emmené le ministre des Sports à choisir un nouveau sélectionneur»

Au Cameroun, le match est serré entre la star Samuel Eto'o et le ministre des Sports, Narcisse Mouelle Kombi, qui veut imposer son entraîneur à la tête de l'équipe nationale de football. Depuis une semaine, les rebondissements se multiplient. Qui va gagner ? Le président de la Fédération camerounaise de football ou le ministre des Sports ? Le journaliste Jean-Bruno Tagne connaît bien la légende du football Samuel Eto'o. Il a été son directeur de campagne en 2022 et a récemment publié sur lui le livre « L'arnaque » aux éditions du Schabel. En ligne de Yaoundé, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.  RFI : Pourquoi le ministre camerounais des Sports veut imposer à la Fécafoot un sélectionneur dont Samuel Eto'o ne veut pas ? Jean-Bruno Tagne : Je pense qu’il faut remonter à ce qu'on peut considérer comme le discours fondateur de cette crise. Et ce discours fondateur, c'est celui de Paul Biya, le 10 février 2024, au cours duquel il constatait qu'il y avait eu des échecs, notamment lors de la Coupe d'Afrique des nations en Côte d'Ivoire. Et, dans ce même discours, il disait qu'il avait donné des instructions fermes au gouvernement et au ministère des Sports pour remettre un peu d'ordre dans la maison. Donc on peut subodorer que c'est ce discours du président de la République qui a mené le ministre des Sports à prendre les devants pour choisir un nouveau sélectionneur pour les Lions indomptables. Surtout que, quand vous voyez tous les actes du ministre des Sports, il cite toujours les très hautes instructions du président de la République.Donc, a priori, le ministre des Sports est soutenu par le président Paul Biya ? Absolument. Quand on regarde tous les textes qui ont été pris par le ministre des Sports, il rappelle toujours que ce sont de très hautes instructions de la présidence de la République. Donc on voit très mal comment le ministre des Sports aurait pu prendre sur lui de faire le choix d'un nouveau sélectionneur pour les Lions indomptables.Alors Samuel Eto'o affirme que le choix d'un sélectionneur est de sa compétence, et pas de celle du ministre, il a raison ou non ? Il faut dire qu’effectivement, ce qui s'est passé avec le choix du nouveau sélectionneur, c'est le fait du prince. Il y a une véritable bataille juridique sur cette question-là. Il y a la fédération camerounaise de football qui s'appuie sur un décret du président de la République de 2014 qui est venu, en quelque sorte, rétrocéder la gestion de la sélection nationale à la Fédération camerounaise de football. Donc la Fécafoot de Samuel Eto'o brandit ce décret du 26 septembre 2014, mais en ignorant superbement une convention entre le ministère des Sports et la Fécafoot, qui a été signée cette fois en 2015 pour venir préciser les contours de l'application de ce décret du président de la République. Et le ministère des Sports, lui, brandit simplement cette convention-là. Donc il y a cette querelle juridique-là qui est difficile à trancher, parce que les arguments d'un côté comme de l'autre se valent.Samedi 6 avril, Samuel Eto'o a fait savoir qu'il n'acceptait pas le Belge Marc Brys à la tête de l'équipe nationale masculine et qu'il nommerait son propre sélectionneur d'ici mardi. Mais lundi 8 avril, le Belge Marc Brys a signé son contrat à Yaoundé. Du coup, est-ce que Samuel Eto'o ne se retrouve pas piégé ? Je vois mal comment Samuel Eto'o pourrait nommer un autre sélectionneur à la tête de l'équipe nationale de football du Cameroun. Et cela pour des raisons objectives. D'abord, ce n'est pas lui qui paye, donc il va lui être difficile d'imposer quoi que ce soit. Et, deuxième chose, je ne vois pas quel entraîneur sérieux pourrait accepter de se lancer dans une telle aventure. Il faudrait être sacrément désespéré comme entraîneur pour accepter d'être nommé à la tête de la sélection nationale du Cameroun alors que le monde entier a été témoin de la prise de fonction du Belge Marc Brys. Donc, en réalité, le match est plié, Samuel Eto’o a perdu.Et de fait, aucun sélectionneur bis n'a été nommé par la Fécafoot entre samedi et mardi. Est-ce à dire qu'aujourd'hui Samuel Eto'o rend les armes ? Alors jusqu'à présent, Samuel Eto’o n'a pas mis sa menace à exécution, mais, en même temps, il faut rester très très prudent parce que Samuel Eto’o, c'est quelqu'un de déterminé, il ne s'avoue jamais vaincu en bon attaquant qu'il fut, donc il est possible qu'il puisse aller jusqu'au bout de sa logique. Mais ce ne serait qu'un acte de bravade et rien de plus, parce qu’il n’y aura pas deux sélectionneurs à la tête de l'équipe nationale de football du Cameroun, ce n'est pas possible.Un ministre des Sports qui impose un sélectionneur à sa fédération, ce n'est pas très bien vu dans le monde du football international, est-ce que Samuel Eto'o peut former un recours devant la CAF, la Confédération africaine de football, ou la Fifa? Alors, il faut qu'on soit d'accord sur le principe, le football, dans tous les pays normaux, se gère par les fédérations, donc normalement, les ministères n'ont rien à voir dans le choix de l'encadrement technique. Et donc, le Cameroun est une curiosité mondiale, parce que j'imagine que le monde entier se gausse en apprenant qu'au Cameroun, il y a des menaces de bicéphalie à la tête d'une sélection nationale. Donc c'est très mal vu. Mais je serais bien surpris que Samuel Eto'o attaque cette affaire devant la Fifa, parce qu'en réalité, s’il attaque, la Fifa risque de suspendre le Cameroun et là, encore, c'est lui qui serait perdant parce qu’il deviendrait président en réalité d'une coquille vide, parce que, qu'est-ce qu'un président de fédération si son équipe nationale ne peut participer à aucune compétition ?
4/11/20248 minutes, 24 seconds
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Présidentielle au Cameroun: «Je suis sensible à la proposition d'un pouvoir de transition», dit Cabral Libii

Au Cameroun, l'opposition se met en ordre de bataille à l'approche de la présidentielle de l'an prochain. En 2018, à la dernière présidentielle, le jeune Cabral Libii, 44 ans, était arrivé officiellement troisième à la surprise générale. Sera-t-il candidat l'année prochaine ? Ce n'est pas encore certain. De passage à Paris, le président du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN), dévoile sa stratégie. RFI : À la présidentielle 2018, vous avez créé la surprise en arrivant troisième et pour les législatives de 2020, vous vous êtes présenté au nom du parti PCRN, vous avez gagné cinq sièges de députés. Mais, depuis quelques mois, le fondateur du PCRN, Robert Kona, veut vous évincer de ce parti. Est-ce, faute de parti, vous ne risquez pas d’être interdit de candidature à la présidentielle de l’année prochaine ?Cabral Libii : D’abord, vous faites bien d’évoquer une tentative d’éviction. Mais ce n’était qu’une tentative malheureuse… Parce que les autres fondateurs – ils étaient trois à la création de ce parti – les deux autres fondateurs ont pris leur responsabilité pour essayer de ramener à la raison l’autre fondateur qui est manipulé par le pouvoir, parce qu’il a fait l’aveu public de ce qu’il agissait sur instruction du ministre de l’Administration territoriale (Minat). Il a clairement affirmé devant les journalistes que l’objectif de toute cette manipulation était de m’empêcher d’être candidat à l’élection présidentielle, parce que le PCRN, ayant des élus, est en capacité d’investir un candidat à l’élection présidentielle.Donc, c’est un acharnement sans précédent qui montre bien que l’objectif, comme l’a dit l’ex-président du parti, est de m’empêcher d’être candidat à l’élection présidentielle. Mais ce n’est certainement pas la médiocrité manipulatoire du Minat, M. Paul Atanga Nji. Ce n’est pas la manipulation d’un ministre qui m’empêchera d’être candidat à l’élection présidentielle. Vous l’avez rappelé tout à l’heure, en 2018, je n’étais président d’aucun parti politique, eh bien, j'ai été candidat. Et pour ce coup-ci, attendons que la justice se prononce. Mais d’ici là, je reste le président national et je suis donc en capacité d’être toujours investi par le PCRN. Et je doute, au regard de ce que je viens de vous expliquer, que la justice se prononce en sa faveur.Alors, vous n’êtes pas le seul opposant au Cameroun, il y a bien sûr Maurice Kamto, qui est arrivé deuxième officiellement à la présidentielle en 2018. Est-ce que vous n’avez pas intérêt de vous rapprocher de Maurice Kamto et de sa nouvelle alliance, l’APC, l’Alliance pour le changement ?Il y a des démarches entreprises au Cameroun pour que les leaders politiques puissent se mettre ensemble. Il y en a principalement deux. Il y en a une qui a été initié par un collègue député, l’honorable Nintcheu, autour de la candidature du professeur Kamto. Et il y a une autre qui a été initiée par le professeur Bilé. Lui, il a une démarche qui m’accroche, moi personnellement et ceux qui me suivent.Il propose que le peuple camerounais élise en 2025 un pouvoir de transition. Transition non pas par un coup d’État, comme on peut le voir dans certains pays, mais transition par le vote. Un pouvoir qui va faire un audit du Cameroun pendant deux ou trois ans, qui va assainir les textes, réécrire la constitution. Et moi, je suis sensible à cette proposition du professeur Bilé d’un pouvoir de transition et j’ai marqué mon accord. Et qui serait, à ce moment, le candidat de l’Alliance pour une transition politique (ATP), que vient de former Olivier Bilé? Déjà, l’ATP, c’est le nom que lui propose. Mais déjà, dans le groupe de travail. Ce n'est peut-être pas assez clair, mais je vous le dis quand même, je ne suis pas sûr que cela va s’appeler ATP, à l’issue de nos concertations. Mais il reste que c’est une dynamique de transition. Qui sera candidat ? Mais on avisera ! Effectivement, l’un des sujets sur lequel nous travaillons, c’est sur le profil de cette candidature, de celui qui va faire deux ou trois ans au pouvoir.Et qui renoncerait au pouvoir à la suite ?Et qui renoncerait immédiatement au pouvoir par la suite ! Et, d’ailleurs, dans la réflexion, certains proposent qu’il accède au pouvoir, il y renonce deux ou trois ans après et il n’est pas candidat lui-même ! C’est donc là l’une des différences avec l’autre plateforme dont je parlais tout à l’heure, où un candidat a déjà été défini et les uns et les autres sont simplement contactés pour se mettre derrière ce candidat. Ce sont deux approches diamétralement opposées.L’autre plateforme dont vous parlez, c’est l’APC de Maurice Kampto.En effet.Alors que vous, vous pourriez peut-être vous effacer derrière Olivier Bilé pour la candidature en 2025 au nom de cette Alliance pour la transition politique, quitte à reporter votre candidature à plus tard, en 2027 ou 2028, une fois la transition terminée ?Je l’ai toujours dit, je suis constant. Vous vous souvenez certainement que, même sur ces antennes, en 2018 déjà, car la question se posait, je pourrais moi m’effacer, moi, Cabral Libii, au profit d’un Olivier Bilé, puisque c’est le nom que vous avez cité ou d’un autre… D’ailleurs, à ma connaissance, M. Olivier Bilé, lui, il n’a pas encore dit s’il serait candidat… Mais dans cette plateforme, il y a, par exemple, Maître Akere Muna, le bâtonnier, qui, lui, a déjà dit qu’il était candidat pour exercer cette fonction-là.Donc, que ce soit lui ou un autre qui aurait la faveur du choix du groupe, moi, je pourrais m’effacer en sa faveur. Tout comme je pourrais, moi-aussi, décider, le cas échéant, d’être candidat, de faire les deux-trois ans et ne pas être candidat derrière et de reporter à plus tard ma candidature. Donc, toutes les hypothèses sont ouvertes, rien n’a été arrêté.À lire aussiCameroun: inquiétude face au refus du gouvernement de légaliser deux nouvelles formations politiques
4/10/202416 minutes, 59 seconds
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Madagascar: l'ex-présidente de l'Assemblée nationale a été «avertie à plusieurs reprises» assure la porte-parole du gouvernement

À Madagascar, le gouvernement a réagi après la déchéance de l’ex-présidente de l’Assemblée nationale prononcée par la Haute cour constitutionnelle le 28 mars. Christine Razanamahasoa s’est vue reprocher ses propos critiques à l’égard du régime. Sur RFI le 9 avril, elle pointait un coup de force du régime pour l’écarter de ses fonctions. Lalatiana Rakotondrazafy, porte-parole du gouvernement malgache et ministre de l’Enseignement technique et de la formation professionnelle, revient sur l’affaire et défend la stricte application de la Constitution. De notre correspondante à Antananarivo,RFI : Près de deux semaines après sa déchéance, l’ex-présidente de l’Assemblée nationale a considéré sur RFI la procédure lancée à son encontre comme illégitime et contraire à plusieurs principes constitutionnels. Vous maintenez de votre côté votre position : c’est bien l’article 72 de la loi suprême qui a été appliquée à son cas.Lalatiana Rakotondrazafy : Tout à fait, la situation est très claire. Madame Razanamahasoa n’avait pas respecté la ligne de conduite de son groupe parlementaire, groupe grâce auquel elle avait été élue en 2019. Alors, la sanction, elle est très claire aussi : c’est la déchéance. Il n'y a pas autre chose. On ne va pas aller parler du fait qu'elle est une présidente de l'Assemblée nationale. L'article 72 [de la Constitution] ne pose absolument aucune conditionnalité à son application. On est dans une situation de déchéance, une procédure purement politique pour n'importe quel député. Et Madame Razanamahasoa étant une juriste chevronnée, elle est quand même censée comprendre cela.La procédure de déchéance a été particulièrement expéditive – 48 heures seulement – est-ce qu’il y avait eu des rappels à l’ordre avant d’en arriver à cette sanction sans issue possible ?Écoutez, il faut quand même dire que Madame Razanamahasoa avait été avertie à plusieurs reprises. On l'avait mise en garde, on lui avait dit : « Écoutez, madame, vous déviez vraiment de la ligne de conduite ». Il ne faut pas oublier qu'elle, contrairement aux prescrits constitutionnels, avait voulu que les élections [présidentielles de novembre 2023] ne se tiennent pas. C'est quand même quelque chose d'absolument inacceptable et inadmissible. D'autant plus que le fondateur de la coalition politique dans laquelle elle était [Andry Rajoelina] est quand même candidat à cette élection-là. On l'avait mise en garde à plusieurs reprises avec cela, mais c'était resté vain.Plus récemment, Madame Razanamahasoa a pointé une situation sociopolitique qu'elle juge délétère à Madagascar et estimé que derrière cela, il n’y aurait non pas un système, mais des hommes. Vous vous en étonnez, puisque vous dites que Madame Razanamahasoa a elle-même fait partie du système pendant 15 ans.Alors, je ne sais pas de quelle personne elle parle, mais si elle parle du président Rajoelina, c'est quand même de l'ingratitude dans toute sa splendeur. Et c'est absolument scandaleux d'entendre quelqu'un qui avait profité du système depuis 2009, qui avait gravi tous les échelons, qui est restée ministre pendant plusieurs années, qui est restée présidente de l'Assemblée nationale pendant quatre ans et qui, maintenant, dit qu'elle avait été trompée depuis 2009 alors qu'elle est restée dans le système jusqu'en 2024. Donc, elle est restée pendant 15 ans et c'est seulement après 15 ans qu'elle s'est rendue compte qu'elle avait été trompée en 2009 ? Ça n'a absolument aucun sens et c'est pour ça qu'on se dit, il faut quand même dénoncer parce que c'est comme si elle insultait l'intelligence des Malgaches et ce n'est pas quelque chose qu'on peut accepter.En plus de Christine Razanamhasoa, Isabelle Delattre, l'ambassadrice de l'Union européenne à Madagascar, a fait l'objet récemment d'une procédure de rappel, après ses propos contre la mesure de castration des violeurs d'enfants, défendue par le régime. Que répondez-vous à ceux qui y voient une tentative de museler les voix critiques ?Je tiens juste à dire que le gouvernement n'a pas souhaité s'exprimer sur le sujet parce que la démarche a été faite de manière confidentielle. Mais je souhaiterais quand même préciser qu'on n'a jamais déclaré un quelconque représentant d'un organisme international, un quelconque ambassadeur ou diplomate persona non grata, pas jusqu'à maintenant à Madagascar, ça, c'est une première chose. Et une deuxième chose, à chaque fois que le régime fait quelque chose, on tente de l’accuser de porter atteinte à la liberté. Mais un pouvoir, c’est un pouvoir. On peut aussi user des moyens que nous avons entre nos mains, c’est tout.Dans ce climat politique et institutionnel tendu, les élections législatives du 29 mai se préparent. Sept ministres du gouvernement se sont lancés dans la course, pourquoi cette mobilisation ?C'est une manière d'acquérir une certaine légitimité populaire, et puis le président de la République a vraiment besoin d'une majorité et d'une majorité solide, stable à l'Assemblée nationale. Donc, nous sommes vraiment dans cette logique-là. Et si notre coalition a aligné des ministres, c'est que nous pensons que nous avons plus de chances de gagner des sièges à l'Assemblée nationale et donc de conforter cette majorité-là.À lire aussiMadagascar: fin du dépôt des candidatures pour les législatives, sept ministres dans la course
4/10/20244 minutes, 30 seconds
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Madagascar: déchue après ses propos critiques, Christine Razanamahasoa «ne regrette pas» ses déclarations

Depuis que son sort a été scellé le 28 mars à l'issue d'une procédure particulièrement rapide, l'ex-présidente de l'Assemblée nationale Christine Razanamahasoa s'exprime pour la première fois. La coalition présidentielle IRD, à l'origine de la requête en déchéance, reprochait à la cheffe de la chambre basse d'avoir dévié de la ligne de conduite du groupe. Ces derniers mois, Christine Razanamahasoa avait multiplié les prises de positions critiques à l'égard du régime. RFI : En 48 heures, vous avez perdu votre titre de députée et de cheffe d’institution. Vous présidiez l’Assemblée nationale depuis 2019. Comment vous sentez-vous et comment avez-vous accueilli cette décision ?Christine Razanamahasoa : J’ai été choquée de ce procès qui s’est déroulé dans une célérité inhabituelle. Une célérité suspecte. On m’a accordé seulement 48 heures après la notification de requête en déchéance pour préparer ma défense. Ceci nous fait croire que c’était un procès téléguidé, un procès expéditif et qu’il fallait à tout prix déchoir Christine Razanamahasoa de sa qualité de députée et la destituer du perchoir de l’Assemblée nationale, sans même m’avoir accordé de présenter ma défense.Pour justifier cette sanction, la coalition présidentielle défend de son côté l’application stricte de la Constitution et de son article 72, qui dit qu’un député risque la déchéance s’il dévie de la ligne de conduite de son groupe. Que répondez-vous ?Pour mon cas, il faut lire et combiner l’article 72 à l’article 73, parce qu’aucun député ne saurait faire l’objet d’une poursuite pour des opinions qu’il a émises sur des situations ou des sujets politiques. Le régime a l’habitude d’agir dans cette sorte. Ce sont des actions au forcing, parce que la HCC, quand elle tranche, c’est le dernier ressort, il n’y a plus de recours possible. Et je crois qu’elle profite de ce caractère qui est reconnu à sa décision, pour prononcer des décisions de la sorte, de manière que personne ne puisse contester.Si on se tourne vers l’avenir, notamment les élections législatives du 29 mai, comptez-vous vous représenter dans votre circonscription ?Oui, tout à fait j’ai l’intention de me présenter dans ma circonscription, étant entendu que c’est la voix du peuple qu'il faudrait écouter et le peuple le réclame incessamment. Je me présenterai sous l'étiquette indépendante. Il n’y a pas d’alliance [avec l’une ou l’autre des plateformes d’opposition] pour l’instant.Vous faites le choix de l'étiquette indépendante alors que nombreux, notamment dans votre famille politique d’origine, vous disait déjà membre de l’opposition compte tenu de votre discours, est-ce que c’est une manière de leur répondre ?Je voudrais leur prouver qu'ils se sont trompés peut-être sur les opinions qu'ils ont émises sur ma personne. Ceci ne fera que corroborer, justement, que je me suis toujours mise au milieu, de manière très objective quand j'ai prononcé mes discours. Je ne saurais jamais me rendre complice de la situation actuelle dans laquelle se trouve le pays. Mon pays s'enlise de jour en jour dans la pauvreté et, dans de sombres horizons.Au fil de vos prises de paroles critiques, vous êtes devenue l'une des principales figures contestataires du pays. Est-ce que vous pourriez un jour créer votre propre mouvement ?Je n’exclus pas de peut-être créer ma plateforme mais avec la coalition des groupes ou des partis qui épousent les mêmes objectifs et la même idéologie que j’ai en mon fort, pour contrebalancer, pour faire le poids contre le régime en place.Aujourd’hui, plus rien ne vous relie à votre parti d’origine, est-ce que c’est un soulagement pour vous ?Oui, je me suis libérée d'un lourd fardeau. Et je ne réclame pas le regret de mes déclarations. On ne peut plus laisser cette fâcheuse liberté de mener le pays dans une situation chaotique qu'est l'extrême pauvreté.
4/9/20244 minutes, 30 seconds
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«Au Mali, Niger et Burkina, à cause de l’insécurité, les écoles ferment plus qu’elles ne rouvrent»

Au Sahel, plus de dix millions d’enfants ont besoin d’une aide d’urgence, selon les données publiées en avril par l’Unicef. Le nombre d’enfants actuellement pris en charge pour malnutrition n’a jamais été aussi important depuis 2019. Le Béninois Gilles Fagninou est le directeur régional de l’Unicef pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. En dépit des annonces des régimes militaires au pouvoir au Mali, Niger et Burkina, il pointe l’expansion de la menace sécuritaire dans ces trois pays et ses conséquences pour l’alimentation et la scolarisation des enfants. RFI : Selon les dernières données de l’Unicef, le nombre d’enfants souffrants de malnutrition au Sahel ne cesse d’augmenter, les admissions pour « malnutrition aiguë sévère » ont augmenté de 16 % entre 2022 et 2023 et les enfants traités n’ont jamais été aussi nombreux depuis cinq ans.Gilles Fagninou : C’est vrai que la situation de nutrition et la situation de sécurité alimentaire est pire que cela ne l’était pendant les années précédentes. Surtout au Sahel central…Mali-Niger-Burkina…Exactement, Mali-Niger-Burkina. Mais également, il y a ce que nous appelons un « spillover » (débordement - NDLR) vers les pays côtiers, notamment le Bénin, le Togo, le Ghana et la Côte d’Ivoire, où la situation aussi, surtout dans la partie Nord, se dégrade progressivement.Il y a les problèmes d’alimentation, mais vous pointez aussi, à l’Unicef, des difficultés dans le secteur éducatif…Oui, depuis les années 1960 et les indépendances, jusqu’à nos jours, l’offre de nombre de places pour les enfants n’a jamais suivi la croissance démographique. Les enfants en dehors de l’école ont été croissants, l’effectif absolu a toujours été croissant. À cela s’ajoutent les conséquences de l’insécurité, parce que l’insécurité est fortement corrélée avec des écoles fermées. Actuellement, dans la région, il y a 12 000 écoles qui sont fermées à cause de la situation d’insécurité.Cela veut dire qu’au Mali, au Niger, au Burkina-Faso, actuellement, il y a plus d’écoles qui ferment que d’écoles qui rouvrent leurs portes ?Oui, absolument. Le rythme de fermeture est un peu élevé et les ouvertures d’écoles sont plutôt rares. C’est clair, il faut le dire.Donc la principale cause, c’est l’expansion de la menace sécuritaire ?Oui, c’est l’insécurité, globalement. Qu’elle soit jihadiste ou militaire, c’est l’insécurité qui fait que ces écoles ferment.Pourtant, les régimes en place dans les pays du Sahel central, Mali-Niger-Burkina, ont fait de la sécurisation des pays une priorité. Et les autorités assurent, d’ailleurs, que la menace terroriste se réduit. Est-ce que l’accès humanitaire à l’intérieur de ces pays ne s’améliore pas ?C’est trop tôt pour tirer des conclusions. Même si on fait l’hypothèse que la situation s’améliore, cela ne veut pas dire que, du jour au lendemain, toutes les écoles s’ouvrent, les enseignants reviennent, les populations reviennent et tout recommence comme c’était avant. Non, ce n’est pas aussi automatique.Au Mali, la région de Kidal a été reprise en novembre dernier par l’armée malienne aux groupes rebelles qui l’administraient dans le cadre de l’accord de paix de 2012, qui a depuis été rompu. Est-ce que cette « reconquête », selon le terme des autorités de transition, permet des améliorations sur le plan humanitaire, pour l’accès aux populations ?Comme je l’ai dit tantôt, c’est trop tôt pour le dire. Ce que je voudrais dire ici, c’est l’importance qu’aucun enfant ne soit laissé derrière. Que l’enfant soit dans la capitale ou au milieu de zones de conflits, de l’assister en cas de besoin. C’est cela qui est le plus important.Et c’est sans doute cela qui est le plus difficile en ce moment ?C’est extrêmement difficile, mais on est là pour ça. Il faut faire en sorte qu’aucun enfant ne soit abandonné.Ça, c’est le but… C’est l’objectif.Et la situation ?La situation est telle que vous la connaissez ! Et nous avons mis des moyens en place pour nous assurer que l’éducation alternative devienne une réalité.C’est quoi l’éducation alternative ?C’est l’éducation par les nouvelles technologies, par la radio… Donc, ceux qui sont aujourd’hui dans les zones où 12 000 écoles sont fermées ont accès à une forme d’éducation.Le chiffre de 12 000, c’est dans les trois pays du Sahel ?Ces 12 000, c’est en Afrique de l’Ouest et du Centre, mais le gros lot est évidemment dans les pays du Sahel. Plus de la moitié se trouve dans les pays du Sahel central.Après les coups d’État militaires qui ont eu lieu dans ces trois pays, Mali, Niger, Burkina Faso, l’aide humanitaire internationale, française notamment, à destination de ces pays s’est réduite. Quel impact sur le terrain pour vos activités, pour les populations ?Je ne ciblerai pas nécessairement un pays. Je dirais oui, les crises de l’Afrique de l’Ouest et du Centre et les crises du Sahel sont des crises qui sont oubliées. La géopolitique internationale, on la connaît. L’aide et le soutien, ça va ailleurs. Mais nous pensons que c’est une mauvaise tactique. Il y a des besoins. Sur un budget de 1,9 milliard de dollars, nous n’avons pu rassembler que 500 millions pour l’année 2023.Pour réaliser les objectifs de l’Unicef dans les pays du Sahel ?Exactement. Le besoin est énorme et s’élève à, à peu près, 1,9 milliard de dollars.
4/9/20244 minutes, 31 seconds
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Génocide des Tutsis au Rwanda: à l'époque, «il était difficile de mettre un nom sur ce qui se tramait»

Au Rwanda, il y a trente ans, pourquoi les diplomates et les militaires étrangers qui étaient sur place n’ont pas voulu en voir les signes annonciateurs, dans les six mois qui ont précédé le génocide des Tutsis ? C’est le thème du roman Avant la nuit, que publie Maria Malagardis, chez Talent Éditions. La plupart des personnages et des événements décrits dans le livre ont réellement existé. Entretien avec Maria Malagardis, grand reporter au journal français Libération. À lire aussiTrente ans du génocide des Tutsis: le Rwanda commémore un passé dont «il faut tirer les leçons»
4/8/202410 minutes, 12 seconds
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Rwanda: «Si la France avait été convaincue des risques d’un génocide, elle aurait pu persuader Habyarimana de faire marche arrière»

Que savait la France de la mécanique génocidaire enclenchée au Rwanda au début des années 90 ? Pouvait-elle contrecarrer le projet des extrémistes du régime Habyarimana ? Ces questions ont été relancées par les propos d’Emmanuel Macron selon qui la France « aurait pu arrêter le génocide » des Tutsis, mais n’en a « pas eu la volonté ». Un homme détient une partie des réponses. Cet homme, c’est le général Jean Varret.  De 1990 à 1993, Jean Varret a été chef de la mission militaire de coopération. Il a vu des signes avant-coureurs des massacres au Rwanda, a tenté d’alerter, de s’opposer, mais il n’a pas été entendu. Il a même été mis à l’écart. C'est ce qu'il raconte à RFI, à l'occasion des trente ans du génocide des Tutsis au Rwanda, ce dimanche.RFI : Le président Emmanuel Macron estime que la France aurait pu arrêter les massacres lors du génocide des Tutsis, mais n’en a pas eu la volonté. Vous n’étiez plus sur place quand le génocide a démarré, mais diriez-vous que dans la période de 1990 à 1993, où vous étiez chef de la mission militaire de coopération au Rwanda, si les autorités avaient donné les bonnes instructions, on aurait pu endiguer la mécanique génocidaire. Général Jean Varret : C’est certain. Absolument. Parce que la France était très proche du Rwanda et les deux présidents s’appréciaient, se téléphonaient. Mais, attention, il aurait fallu commencer tôt, c’est-à-dire dès 1989, 1990… Dates auxquelles le processus du génocide s’est mis en place, progressivement. Ça aurait été trop tard, en 1993. La machine était lancée. Mais je pense que, dès le départ, vers 1989-1990, la France, si elle était convaincue des risques d’un génocide, aurait pu persuader Habyarimana de faire marche arrière. Est-ce que les signes étaient clairs, à cette époque-là, du risque de génocide ? Ces signes étaient clairs pour peu de monde. Un chef de coopération militaire a 26 pays et, dans chaque pays, il y a un colonel. Dans le cas du Rwanda, il y avait un colonel, qui s’appelle René Galinié, et ce monsieur était en place depuis deux ans quand j’ai pris mes fonctions en 1990. Donc il connaissait très bien le Rwanda et avait très vite vu des signes avant-coureurs d’un risque à soutenir la politique française menée au Rwanda. Il m’en a fait part dès que j’ai pris mes fonctions, au travers d’écrits, au travers de coups de fil, etc. Je me suis rendu sur place très vite, avant la fin de l’année 1990. Et là, il m’a expliqué -très clairement- les dérives possibles de notre politique française. Donc, lui était déjà très sensibilisé et je dois dire que ses arguments m’avaient convaincu. J’ai multiplié les allers-retours. Je crois qu’en l’espace de six mois, je suis allé quatre fois au Rwanda. À chaque fois, j’ai pu constater que René Galinié avait raison. Que vous disait précisément René Galinié sur les risques qui existaient ?René Galinié me disait que le pouvoir hutu devenait un pouvoir dictatorial et considérait que la minorité tutsi était les ennemis des Hutus. Or, Galinié, très tôt, m’a dit, le gouvernement français - enfin, l’équipe dirigeante française - considère, comme les Hutus, que les Tutsis sont des ennemis. Galinié, là-dessus, m’a convaincu très vite que la politique de la France considérant les Tutsis comme ses ennemis était erronée. Jusqu’au jour, très tôt d’ailleurs, autour du deuxième voyage que j’ai fait, où le chef d’état-major m’a demandé d’aller à une réunion qu’il avait montée avec les gendarmes. Et là, le chef de la gendarmerie, un certain Rwagafilita, me demande des mitrailleuses, des mortiers… Alors, j’ai dit : « Mais la coopération militaire française n’est pas là pour équiper la gendarmerie comme une armée ! Moi, je veux bien vous donner des gilets pare-balles, des casques, des grenades lacrymogènes et continuer à vous former au maintien de l’ordre, à la lutte, peut-être, contre les manifestations, s’il y en a, en particulier des Tutsis, mais certainement pas des armes de guerre ! » Devant la sécheresse de mes réponses, le chef d’état-major dit que la réunion est terminée et le chef des gendarmes demande simplement à me voir en tête-à-tête, si je suis d’accord. Et là, il me dit froidement : « Écoutez, si je vous ai demandé ces armes létales, ces armes de guerre, c’est parce que nous allons participer, nous gendarmes, avec l’armée rwandaise, l’armée hutue, à la liquidation de tous les Tutsis. » « Comment, je dis, tous les Tutsis ? » « Oui, les femmes, les enfants, les vieillards, tous ceux qui sont sur place. Rassurez-vous, ça ira assez vite, ils ne sont pas très nombreux. »Il emploie ces mots : « Nous allons participer à la liquidation de tous les Tutsis. »Oui, c’est la phrase exacte, je l’ai toujours en mémoire. Et la phrase complémentaire : « Rassurez-vous, ce sera vite fait. Ils ne sont pas très nombreux. »Vous prévenez Paris de cet entretien ?Alors, évidemment, je prenais l’avion quelques heures après pour retourner en France. Et je demande immédiatement à voir Habyarimana lui-même, le président, qui m’avait déjà reçu pour me demander différents apports d’armements et autres, il demandait une augmentation de la coopération militaire. Je demande à le voir et je passe voir l’ambassadeur, qui s’appelle monsieur Martre à l’époque, je lui dis ce que je viens d’entendre et je demande à aller voir Habyarimana. L’ambassadeur me dit : « Allez-y, je n’ai pas le temps d’y aller, je ne peux pas. » Je vois Habyarimana, non pas au palais, mais chez lui, car il était tard. Je dis ce que vient de me dire Rwagafilita. Et là, il se lève, furieux, et il me dit : « Il vous a dit ça, ce con-là ? » Toujours la phrase exacte… Je dis « Oui ! » « Eh bien, je le vide. »  D’abord, il n’a pas été vidé. Je ne sais pas s’il était furieux parce que Rwagafilita avait vendu un projet secret ou, simplement, parce qu’il trouvait que ce n’était pas à lui de dire ça… Je ne sais pas, mais, enfin, il était furieux. Dans l’avion, je rédige un télégramme, un TD secret-défense, que j’adresse à mon ministre -au ministre des Armées- et à l’état-major particulier du président. Quel est le retour qui vous est fait des autorités françaises sur ce télégramme diplomatique ? Aucun. Aucune réponse. On ne me dit pas que j’ai tort. On ne me dit pas que c’est faux. Apparemment, on n’en tient pas compte. Je dis bien « apparemment ». Mais ce télégramme a été lu puisque, très longtemps après, un des lecteurs m’en a fait allusion. Est-ce qu’il y a d’autres situations qui vous ont alarmé ? Oui, parce qu’après, quand je retournais au Rwanda ou quand je communiquais avec Galinié, les massacres des Tutsis commençaient, en particulier au nord-est du pays, c’est-à-dire dans le fief des Hutus extrémistes. Et puis dans le sud, et ça touchait aussi les Hutus modérés. Donc les massacres se multipliaient. Parallèlement, la pression de l’état-major particulier du président français s’accentuait sur moi pour que je réponde positivement aux demandes de renforcement militaire de la coopération. Ces deux contradictions me montraient que la situation devenait très grave.Tous les éléments dont vous disposez veulent dire que les autorités à Paris savent donc ce qui se trame ?Je ne sais pas s’ils savent ce qui se trame. Enfin, Galinié et moi, on l’a dit. On l’a dit oralement, dans la cellule de crise, et on l’a dit par écrit. Mais on n’est pas cru. Je pense que ni Galinié, ni moi, ni même un rédacteur du Quai d’Orsay qui s’appelait Antoine Anfré [Antoine Anfré a depuis été nommé ambassadeur de France au Rwanda, en juin 2021, NDLR]. Ce rédacteur avait senti la chose, mais il n’a pas été écouté. Galinié et moi, nous n’avons pas été écoutés. Je pense qu’on était minoritaires, tellement minoritaires que nos voix n’étaient pas audibles.Justement, lors des réunions de la cellule de crise auxquelles vous participez par la suite, quelle est l’attitude que vous tenez et quel est l’accueil que vous recevez ? Alors, dans les cellules de crise, il y avait le représentant du Quai d’Orsay, le représentant de la défense, le représentant de la coopération (en général, c’était moi) et puis le représentant de l’Élysée, le chef d’état-major (ou son adjoint) de l’état-major particulier du président. Dans ces réunions, on discutait de l’apport, du renfort, de l’aide qu’on devait apporter au gouvernement rwandais dans ses combats contre les Tutsis. Et moi, à chaque fois, je disais « Non, ce n’est pas la peine de leur envoyer des canons de plus. Non, il ne faut pas leur envoyer des mitrailleuses de plus, etc. ».Au bout d’un moment, on ne tenait plus compte de mes restrictions. Au contraire, on m’enlevait des prérogatives que le chef de coopération militaire a, c’est-à-dire, dans les pays du champ, tous les militaires qui sont sur place dépendent de lui. C’est comme cela que des unités spéciales qui étaient dans un camp au Rwanda, chargées de former des cadres hutus, j’apprends que ces unités spéciales, qui étaient sous mes ordres, avaient été faire une reconnaissance en Ouganda en franchissant la frontière sans mon autorisation. Donc, non seulement, je les engueule, mais je fais également une information en disant que c’est inadmissible que cette unité ait transgressé mes ordres. Quand je rentre à Paris, j’ai un télégramme sur mon bureau disant que les unités spéciales mises dans le camp de Gabiro ne sont plus sous vos ordres. Donc, petit à petit, je comprends que non seulement je ne suis pas écouté, mais que je gêne. Je ne suis plus convoqué aux cellules de crise. En mon absence, certains ont dit : « méfiez-vous de Varret », autrement dit, ne l’écoutez pas.Avant la fin de ma troisième année, le ministre, très gêné, me dit : « Je viens d’apprendre que vous êtes remis à la disposition du ministre de la Défense, que vous quittez vos fonctions et que vous êtes remplacé par ce jeune général. » J’appelle la Défense qui me dit : « Effectivement, vous allez être nommé gouverneur militaire du nord de la France. » Et moi, je dis non, je ne veux pas, je n’ai pas été écouté, je demande ma démission. Ma démission, il fallait que ce soit le président qui la signe. Le président refuse de me la signer et me convoque à l’Élysée à deux reprises pour me dire : « Je ne veux pas que vous démissionniez. »Lassé de prêcher dans le désert, lassé de ne pas être écouté et de ne pas être cru, lassé d’être mis de côté, je suis parti un an avant le génocide et j’ai volontairement fermé toutes les informations que j’avais, fermé [cessé] de m’intéresser au Rwanda. Si ce n’est que, quand le génocide s’est déclenché, j’ai essayé de contacter le président Mitterrand, ce que j’ai fait par une personne interposée. Et je lui ai fait dire : « Pourquoi n’avez-vous pas tenu compte de mes télégrammes ? » Et la réponse de Mitterrand, qui a été immédiate : « Je n’ai pas vu vos télégrammes. » Vrai ou faux ? Je n’en sais rien, mais pour moi, l’affaire se conclut comme cela. Qui balayait le plus souvent vos réserves lors de ces discussions de la cellule de crise ? Je dois dire, un peu tout le monde, mais, certainement, en priorité, l’état-major particulier du président. Pourquoi, selon vous, les alertes que vous avez lancées n’ont-elles pas été entendues ? Je pense simplement que je n’étais pas audible. Parce que je m’apercevais que, dans les réunions de crise, tout le monde était sur une même ligne. C’est-à-dire le Quai d’Orsay, la Défense, l’état-major particulier. C’est au travers de ces trois entités que se réglaient les problèmes du champ. Je n’étais pas audible parce que les trois entités que je cite étaient toutes sur la même ligne que le président Mitterrand. Et le président Mitterrand m’avait expliqué, quelques années avant, en Afrique, quelle était sa politique africaine. Sa politique africaine, c’était permettre à la France d’avoir, à l’ONU, des pays qui votaient comme elle, ce qu’on appelait « les pays du champ », et d’avoir donc du poids face aux États-Unis. Dans le cas du Rwanda, le président Mitterrand voulait absolument que le Rwanda reste francophone, au travers des Hutus, car ils étaient menacés par les anglophones, qui étaient les Tutsis équipés, armés et formés par les anglo-saxons. Car je rappelle que Kagame, le président actuel, était allé à l’école de guerre américaine et était allé dans les écoles anglaises de l’Ouganda. C’était le regard que le président français François Mitterrand portait sur la situation au Rwanda ?Oui, et personne autre que moi, à l’époque, à mon niveau, personne ne disait au président que dans le cas du Rwanda, cette politique pouvait amener des catastrophes. Tout le monde disait ce que Mitterrand voulait entendre. Il y avait une volonté de plaire au prince, vous pensez ? Ou alors, c’est parce qu’il y avait une conviction qui allait dans le même sens que celle du président Mitterrand. Certainement les deux. Il y avait quand même une conviction que Mitterrand avait raison. Et puis, une part que je ne peux pas évaluer, une part de flagornerie. Il était difficile de dire au président qu’on n’était pas d’accord. Je pense que le président avait une autorité indiscutable et un certain charisme qui faisaient que son entourage n’osait pas lui dire qu’il partait sur une fausse route.Le général Jean Varret a signé un livre d’entretiens avec le journaliste Laurent Larcher intitulé Souviens-toi, publié aux éditions Les Arènes. À lire aussiRwanda: la France qui «aurait pu arrêter le génocide», nouveau signe du réchauffement diplomatique entre les deux pays
4/7/202414 minutes, 3 seconds
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Jean-Pierre Fabre: «Le Togo est devenu le champ d’expérimentation d’une poignée d'affairistes africains»

Au Togo, plusieurs partis d’opposition appellent à manifester, la semaine prochaine, contre la nouvelle Constitution que l’Assemblée nationale est en train d’établir. Le jeudi 4 avril au matin, le ministre togolais Gilbert Bawara expliquait sur RFI les avantages de cette nouvelle loi fondamentale. Voici ce matin le point de vue de l’un des leaders de l’opposition : Jean-Pierre Fabre préside l’Alliance nationale pour le changement (ANC). En ligne de Lomé, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
4/6/20247 minutes, 45 seconds
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Vincent Duclert: «C’est certain, l’opération Amaryllis était en mesure d’arrêter le génocide à Kigali»

C’est une déclaration qui a suscité beaucoup de réactions. À deux jours des commémorations du 30ᵉ anniversaire du génocide des Tutsi au Rwanda, Emmanuel Macron a estimé hier, jeudi, que « la France aurait pu arrêter le génocide » de 1994, mais qu’elle « n’en a pas eu la volonté ». Des propos que le président français devrait préciser dimanche dans une déclaration diffusée sur les réseaux sociaux. Comment interpréter et analyser ces propos ? La France et la communauté internationale auraient-elles pu réellement intervenir pour mettre un terme aux massacres ? L'historien Vincent Duclert, qui a présidé la commission chargée de faire la lumière sur le rôle de la France au Rwanda entre 1990 et 1994, auteur du livre La France face au génocide des Tutsi au Rwanda, est ce matin notre grand invité Afrique.  RFI : Emmanuel Macron avait reconnu en 2021 la responsabilité de la France dans le génocide des Tutsis, suite aux conclusions de votre rapport. Ce 4 avril 2024, nouvelle étape : le président français a estimé que la France aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, mais « elle n'en a pas eu la volonté », dit-il. Cette phrase, c'est un vrai pavé dans la mare, non ? Vincent Duclert : Oui, tout à fait. Déjà, effectivement, le 27 mai 2021, Emmanuel Macron avait fait une avancée considérable, historique, en reconnaissant la responsabilité accablante des autorités politiques dans le génocide. Mais il avait tenu à préciser que ces autorités politiques avaient tout fait pour éviter le génocide, ce qui était un peu particulier. Il y avait vraiment eu un effet de balance, c'est-à-dire qu’il fallait rester un tout petit peu encore dans le narratif des anciennes autorités. Et on peut comprendre qu’Emmanuel Macron a eu une certaine prudence aussi, qui est tout à fait légitime, et qui n'enlève rien à son courage, il faut le reconnaître, d'avoir dit la vérité.Et là, en fait, c'est une information qui éclaire le discours en vidéo qu'il va diffuser le 7 avril au matin. Donc ce sont des éléments de ce discours qui va installer quand même, je pense, un nouvel acte de l'effort des pouvoirs publics français pour reconnaître toute la vérité de ce qui a été réalisé par les anciennes autorités. Et là, c'est important, parce que les autorités de l'époque, essentiellement le président de la République François Mitterrand, n'ont pas du tout tout fait pour éviter le génocide. S’ils avaient fait ceci, le génocide aurait été arrêté. C'est-à-dire qu'elle aurait pu, la France, intervenir dès le 7 avril, ou plus précisément entre le 10 et le 15 avril ?En tout cas, on le sait, il faut souligner quand même que les militaires sur le terrain ont même été traumatisés par la manière dont ils ont été impliqués, finalement, au Rwanda, auprès d'un régime génocidaire et que ce n'était pas leur rôle. Et ils ont fait savoir qu’ils étaient prêts à d'autres actions et à d'autres missions et que c'est certain que l'opération Amaryllis était en mesure éventuellement d'arrêter le génocide à Kigali, avec toutes les armées occidentales qui étaient présentes. Il y avait tous les moyens disponibles déjà pour arrêter le processus génocidaire entre 90 et 93. Mais, là, clairement, il parle, je pense, de la phase paroxysmique, celle qui commence le 7 avril 1994. Et là, effectivement, tous les éléments sont réunis pour qu’on qualifie de génocide des Tutsis et qu’on mette des moyens militaires qui étaient sur place. On rappelle quand même qu’il y avait une opération d'évacuation, donc le lendemain du déclenchement du génocide, avec des forces spéciales françaises, des paras belges, des Casques bleus, des commandos italiens, les marines américains au Burundi. Tout ça, ça faisait quand même des forces considérables qui, effectivement, peut-être, n'attendaient qu'un ordre du politique pour intervenir contre les massacres et protéger les populations. C'est-à-dire que, si on comprend bien, lorsque les Français et les Belges envoient leurs forces spéciales pour évacuer leurs ressortissants, elles auraient pu intervenir avec la Mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda (Minuar) pour essayer d'empêcher les exactions. C'est ça, concrètement, que veut dire Emmanuel Macron ? Bien sûr, absolument, c'est tout à fait le sens de la pré-déclaration – puisqu'il y aura effectivement la déclaration du 7 avril. Mais il souligne aussi qu’il y a une difficulté, ou en tout cas une volonté, de ne pas voir le génocide. On sait, par exemple, aussi que les Nations unies, avec une forte pression de la France et de la Belgique, vont réduire la Minuar, qui passe de 2500 hommes à 250, donc ça accélère en fond le génocide. Après, il y a l'opération Turquoise, là aussi, qui n'est pas dirigée vers l'arrêt du génocide, il faut être très clair. Et ce que souligne Emmanuel Macron, c'est que le pouvoir de François Mitterrand a ignoré, voire combattu, les alertes, toutes les possibilités d'arrêter ce génocide. C'est pour ça que mon livre s'appelle Le Grand scandale de la Ve République. C'est une faillite, je veux dire, de la capacité de la France à effectivement être à la pointe de l'Histoire pour agir. Et la France était quand même leader sur le Rwanda. Et ce qui est très intéressant, je crois, aussi dans la déclaration de Macron, c'est qu’il dit quand même qu’un génocide n'est pas une fatalité. Et reconnaître cette faillite, qui est d'abord une faillite française mais aussi une faillite internationale, c'est courageux. Moi, j'ai été surpris en fait, je ne vous le cache pas, mais aussi assez fier de la teneur de cette déclaration, parce qu’elle aggrave quand même les responsabilités que lui-même, déjà, avait reconnu. Cette reconnaissance de responsabilité, je crois que, d'une certaine manière, elle grandit la France aujourd'hui, et c'est ainsi qu'on sort des traumatismes du passé.À lire aussiRwanda: aux origines du génocide des Tutsis
4/5/20244 minutes, 36 seconds
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Révision constitutionnelle au Togo: «Ce n'est pas la date qui compte mais la qualité du processus»

Nouveau rebondissement au Togo. Les élections législatives, qui étaient prévues ce 20 avril, sont reportées pour laisser le temps à l'Assemblée nationale de consulter « toutes les parties prenantes de la vie nationale » sur le changement de Constitution en cours. C'est ce qu'a décidé hier, mercredi soir, le président Faure Gnassingbé. Est-ce à dire que celui-ci pourrait renoncer à son projet de passer à un régime parlementaire ? Gilbert Bawara, ministre de la Fonction publique, du Travail et du Dialogue social, est réputé très proche du chef de l'État. En ligne de Lomé, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
4/4/202419 minutes, 27 seconds
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Guinée: «Sékou Touré, c'est vraiment un symbole, une figure de l'anticolonialisme»

Le camp Boiro est un terrible souvenir pour de nombreux Guinéens. C'est dans ce camp militaire de Conakry que quelque 5000 Guinéens sont morts sous la torture. Et c'est il y a quarante ans, jour pour jour, que le colonel Lansana Conté a ouvert ce camp et a mis fin à cette usine de mort, quelques jours après la mort de Sékou Touré. Quel souvenir laisse aujourd'hui le père de l'indépendance guinéenne, l'homme qui a dit « non » à de Gaulle ? L'historienne Céline Pauthier a publié chez L'Harmattan l’ouvrage collectif Le non de la Guinée en 1958, co-écrit avec Abdoulaye Diallo et Odile Goerg. Elle revient sur l'ambivalence du personnage Sékou Touré.     RFI : La première rupture avec la France, c’est le 25 août 1958, quand Sékou Touré affronte le général de Gaulle, à Conakry. Dans quel passé a-t-il puisé cette force de caractère qui, ce jour-là, lui donne le courage de défier de Gaulle ?Céline Pauthier : Oui, c’est vrai que Sékou Touré, c’est vraiment un symbole, une figure de l’anticolonialisme, ça, c’est le point qui fait en général consensus. Il s’est engagé assez jeune, pendant sa vingtaine, dans la lutte syndicale et politique et ce qui fait sa particularité, à la différence d’autres leaders africains, c’est qu’il n’a pas été formé dans les grandes écoles coloniales ouest-africaines, telles que l’école William Ponty, ou en métropole. C’est un autodidacte qui s’est formé par le syndicalisme et par ses propres lectures. Donc il puise d’abord dans son passé de syndicaliste et, au moment du discours du 25 août, il est déjà, d’une certaine manière, aux manettes du territoire, il a déjà une grande partie de la population derrière lui avec le Parti démocratique de Guinée. Et dans son discours, il insiste sur la notion de dignité, puis c'est là qu'il lance cette phrase célèbre : « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à l'opulence dans l'esclavage », qui symbolise la rupture. Mais quand on regarde vraiment le discours de près, il recherche, à ce moment-là encore, à négocier les termes de cette communauté française.Alors, à partir de cette rupture de 1958, Sékou Touré et Kwame Nkrumah décident d'unir les destins de leurs deux pays, la Guinée et le Ghana. Est-ce que le panafricanisme de Sékou Touré, c'était une vraie entreprise visionnaire ? Ou une posture sans lendemain ?Alors c'est sûr que Sékou Touré a soigné son image de chantre du panafricanisme, qui est aussi un idéal central de l'époque. Je ne sais pas s'il est visionnaire, en tout cas, il est représentatif de l'époque. Et donc au tournant de l'indépendance, après le 2 octobre, avec d'autres, avec ses émissaires, parmi lesquels notamment Dialo Telli, il va jouer un rôle important pour tenter des rapprochements avec de nouveaux États africains. Et là, l'union Ghana-Guinée qui est nouée, donc dès novembre 1958 – c'est vraiment juste après l'indépendance –, elle n’aura pas tellement d'effets concrets, mais elle joue un rôle important symboliquement, parce que ça dépasse les ex-frontières impériales : c'est un pays anglophone et un pays francophone qui s'unissent et qui veulent un embryon des États-Unis d'Afrique. Et d'ailleurs, c'est un Guinéen, Dialo Telli, qui va être secrétaire général de l'OUA [Organisation de l'unité africaine, NDLR]. Donc il y a une vraie action panafricaine au moment de l'indépendance. Sékou Touré va aussi accueillir sur son territoire des militants panafricains, comme [l’Américain] Stokely Carmichael, par exemple, ou [la Sud-africaine] Miriam Makeba, mais dans la suite de l'histoire, il y a eu quand même des tensions, des contradictions dans la politique panafricaine de Sékou Touré et notamment le fait que, du milieu des années 60 au milieu des années 70, il ne va pas se rendre aux réunions de l’OUA et il va être dans une attitude de repli parce qu'il est en désaccord avec beaucoup de ses voisins africains.La répression que pratique le régime de Sékou Touré à partir de 1970 et de l'opération militaire Mar Verde sur Conakry, est-ce seulement la faute à cette opération commando venue du Portugal ?En fait, dès l'indépendance, Sékou Touré craint vraiment les manœuvres de déstabilisation extérieure ou intérieure et cette peur ne va faire que grandir au cours des années 60, alors qu’il assiste dans un contexte international à la destitution de ses homologues qui sont proches de lui politiquement, comme par exemple Kwame Nkrumah au Ghana ou Modibo Keïta au Mali. Et donc, une de ses stratégies va être d'utiliser la rhétorique du complot pour dénoncer des menaces extérieures ou intérieures, qu'elles soient bien réelles, comme c'est avéré en avril 1960 ou en novembre 1970 avec l'opération Mar Verde que vous évoquez, ou qu'elles soient supposées. Et donc cette dénonciation de complot s'accompagne à chaque fois de violences politiques : arrestations, torture, détention dans des conditions très difficiles, exécutions extrajudiciaires. Cette part sombre du personnage et de son régime est symbolisée par la prison du camp Boiro, qui est installée dans Conakry.Le lieu de supplice le plus connu, vous l'avez dit, Céline Pauthier, c'est le camp Boiro à Conakry. Au moins 5 000 prisonniers y sont morts sous la torture. L'une de ces tortures, c'était l'absence d'eau et de nourriture. Dialo Telli et bien d'autres sont littéralement morts de faim et de soif. Est-ce qu'on peut dire que Sékou Touré a assumé ce régime de terreur ?Oui, je pense qu'il a assumé cette politique puisque le régime a fait publicité de la répression politique, puisque les arrestations étaient rendues publiques à la radio et dans le journal. Certaines exécutions ont été publiques également, notamment en janvier 1971. Donc oui, il y a une justification, par l'idée de patrie en danger, du recours à la violence chez Sékou Touré. De ce point de vue-là, ce régime n'a pas cherché à cacher cette répression politique. Au contraire, il l'a mise en avant pour essayer de justifier la véracité des complots.À lire aussiSékou Touré: un dirigeant révolutionnaire africain
4/3/202412 minutes, 6 seconds
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RDC: «Pour tout dialogue, la première condition est le retrait des troupes rwandaises», dit Christophe Lutundula

Y aura-t-il bientôt une rencontre Tshisekedi-Kagame pour mettre fin à la guerre dans l'est du Congo ? C'est possible, nous dit le vice-Premier ministre congolais, Christophe Lutundula, qui est aussi ministre des Affaires étrangères. Mais le chef de la diplomatie congolaise pose des conditions. Et pour l'instant, il appelle la communauté internationale à adopter des sanctions contre le Rwanda. Christophe Lutundula était hier après-midi à Paris, où il a accordé une interview à Christophe Boisbouvier. RFI : Christophe Lutundula, le 21 mars, vous avez rencontré votre homologue rwandais en Angola, une rencontre Félix Tshisekedi - Paul Kagame serait-elle possible ?Christophe Lutundula : Les deux chefs d’État ont admis le principe, une telle rencontre, il faut bien la préparer pour qu’elle soit utile, qu’elle contribue effectivement à faire avancer le processus de paix. Nous avons exigé, de notre côté, que pour tout dialogue, pour crever l’abcès, la première condition, c’est le retrait des troupes rwandaises du territoire congolais. En effet, le président Tshisekedi a affirmé que nous n’allons jamais accepter de négocier sous occupation, parce que nous n’allons jamais être indignes de notre pays. Il faut que cette armée sorte de notre pays, ça c’est la première condition, elle est préjudicielle.Donc pas de rencontre pour l’instant…La rencontre… Pour l’instant, le principe a été accepté, nous préparons cette rencontre-là, et dès que la préparation va avancer, ils vont se rencontrer.Dans une interview récente à nos confrères du Monde, de Radio France et du Wall Street Journal, le président Tshisekedi accuse la communauté internationale de complicité avec les Rwandais qui agressent votre pays, mais est-ce que les Américains et les Français n’ont pas condamné publiquement le soutien des Rwandais aux rebelles du M23 ? Est-ce qu’ils n’ont pas demandé aux Rwandais de retirer leurs troupes de votre pays ?Ça ne suffit pas. C’est positif, c’est une évolution qu’il faut saluer, mais nous disons qu’on ne doit pas se limiter à ça.La visite officielle du président Tshisekedi à Paris à la fin de ce mois, le 28 avril, vous en attendez quoi de ce point de vue ? D’abord, il faut souligner quand même que c’est la première visite officielle que le président va effectuer en France depuis qu’il est chef de l’État. Il est déjà venu plusieurs fois, mais à d’autres occasions. Donc c’est une visite qui doit être utile. Les problèmes sont là, nous avons le dossier de la crise à l’est, on a parlé de la position de la France, et je vous ai dit qu’il faut aller plus loin.Plus loin, c’est-à-dire ? Des sanctions supplémentaires contre le Rwanda ? C’est ça que vous attendez ?Oui, supplémentaires, parce qu’il y a eu un frémissement du côté de la France, mais ce n’est pas suffisant. Il faut des sanctions supplémentaires. Nous reconnaissons aussi le rôle que la France joue au Conseil de sécurité, comme la plume concernant la situation au Congo depuis pratiquement 30 ans, mais là il faut des clarifications. Nous espérons qu’après le passage du chef de l’État en France, il n’y aura plus d’équivoque. Il y a tous les dossiers de la Francophonie, il est quand même étonnant qu’il y ait une crise aiguë avec une tragédie humanitaire comme celle que nous avons à l’est du pays, que le deuxième pays francophone du monde, après la France en nombre de locuteurs, soit là, en train de subir l’agression d’un autre État membre de la Francophonie, et que tout cela soit vécu avec indifférence, à la limite de la complicité, parce que, quand on ne sanctionne pas, on ne désapprouve pas, ça signifie qu’on approuve, qu’on soutient, qu’on encourage, vous voyez… Donc il y a ce dossier, et au niveau aussi de la Francophonie, il y a même la gouvernance de la Francophonie, à travers son institution. Nous avons des propositions à faire, et ce sera fait au prochain Sommet de l’OIF, qui se tiendra je crois au mois d’octobre [en France].Vous avez bien connu Chérubin Okende, notamment quand il était avec vous au gouvernement. Quelques mois après son passage dans l’opposition, il a été retrouvé mort dans sa voiture, le 13 juillet dernier à Kinshasa. Et aujourd’hui, le parquet conclut à un suicide. Est-ce que vous y croyez ?Y-a-t-il autre conclusion venant d’une institution attitrée par la Constitution ? C’est la conclusion qui nous a été présentée par l’institution attitrée. Dont acte.À ses obsèques, le Cardinal archevêque de Kinshasa, Monseigneur Ambongo, a déclaré : « Comment comprendre qu’un père de famille qui venait de marier sa fille se soit tiré des balles sur lui-même ? La conclusion absurde de l’enquête est la preuve que la justice de notre pays est vraiment malade  » …Mais Monseigneur Ambongo, sur un autre sujet de justice, n’a fait que répéter ce que le président Tshisekedi lui-même a dit. Voilà, donc il n’y a pas de commentaires, le président l’a déjà dit, et ce n’est pas la première fois qu’il le dit. Ça pose problème et moi qui suis un ancien magistrat, j’en souffre aussi. J’ai la pleine conscience de ce que, pour que l’État existe, pour qu’il remplisse son rôle, il faut une justice qui fonctionne, c’est-à-dire qui rend le droit en toute indépendance, qui ne signifie pas une justice de l’arbitraire des juges. Et lorsque la justice ne fonctionne pas, je crois que là, ça pose quand même un problème de fond.La famille de Chérubin Okende demande une contre-expertise sur les circonstances de sa mort…C’est son droit, il y a des procédures qui permettent cela, c’est son droit, il n’y a pas de commentaires à faire, c’est son droit.À lire aussiChristophe Lutundula Apala: « La RDC n'a jamais eu l'intention de livrer la guerre à qui que ce soit »
4/2/202415 minutes, 41 seconds
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Dialogue national au Gabon: «Il faut que le pouvoir revienne au peuple»

Ce 2 avril, va être lancé le dialogue national inclusif promis par les putschistes qui ont renversé Ali Bongo le 30 août 2023. Pendant un mois, quelque 580 délégués vont notamment élaborer la nouvelle Constitution, en vue des élections de l’année prochaine. Le chef de la transition, le général Oligui Nguema, pourra-t-il être candidat à la future présidentielle ? Entretien avec Marc Ona Essangui, principale figure de la société civile gabonaise et troisième vice-président du Sénat.  À lire aussiGabon: la liste des participants au dialogue national fait grincer des dents
4/1/20248 minutes, 51 seconds
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Didier Awadi: «Aujourd'hui au Sénégal, on a un président jeune qui est le reflet de son peuple»

Didier Awadi est un rappeur sénégalais, militant et panafricaniste. Il revient sur la présidentielle qui s’est tenue il y a juste une semaine dans son pays, et sur les attentes nées de l’élection du nouveau chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye, avant son investiture, le mardi 2 avril 2024. À lire aussiDidier Awadi: «Personne ne doit nous dire quand et pour quoi s'indigner»
3/31/20247 minutes, 41 seconds
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Révision constitutionnelle au Togo: «C'est un coup de force du régime que nous combattons»

Depuis que l'Assemblée nationale togolaise a adopté lundi 25 mars une nouvelle Constitution qui supprime la présidentielle au suffrage universel direct et qui donne tous les pouvoirs au chef du parti qui gagne les législatives, c'est le bras de fer entre pouvoir et opposition. L'opposante Brigitte Adjamagbo-Johnson, qui dirige la Convention démocratique des peuples africains (CDPA), et qui coordonne une coalition en vue des législatives du 20 avril, réagit à ce changement. RFI : Brigitte Adjamagbo-Johnson, que pensez-vous de ce changement de Constitution ?Brigitte Adjamagbo-Johnson : C'est un coup de force, un nouveau coup de force du régime que nous combattons et qui régente ce pays depuis bientôt 60 ans. C'est quelque chose qui est fait pour éviter le suffrage universel direct pour l'élection du président de la République, parce que le tenant du pouvoir sait très bien qu'il sera difficile de continuer à tricher, à tripatouiller les élections présidentielles. Il n'a jamais été élu, vous le savez. Et il sait que les Togolais l'attendent pour la prochaine élection. Voilà.La disparition de l'élection présidentielle au suffrage universel direct, vous la regrettez ?Absolument. C'est un droit dans toute démocratie, c'est un droit pour les citoyens d'élire le premier responsable du pays. Et si on devait aménager l'usage de ce droit-là, il faudrait que ce soit fait avec l'accord du peuple. C'est un changement de constitution et de régime qui a été fait en catimini, qui a été fait dans le dos du peuple. Et cela est totalement inacceptable.Oui, mais en Afrique du Sud ou en Allemagne, le président est élu par les députés et ce sont tout de même des démocraties.Vous avez tout à fait raison, mais voyez-vous, tout dépend du contexte et vous savez que le problème que nous avons au Togo, ce n'est pas de savoir quel est le type de régime démocratique qui est bon pour nous ou pas. Le problème, c'est que nous avons affaire à un système réfractaire à la démocratie et qui fait tout, depuis plusieurs années, pour empêcher l'alternance. Un système qui ne respecte aucune règle. On prétend quitter le régime semi-présidentiel pour le régime parlementaire, alors qu'on n'a jamais même respecté ou appliqué les règles de ce régime présidentiel-là. Et ce débat surréaliste a lieu dans un pays où l’on sait que les élections n'ont jamais été transparentes. Un pays où il y a plus d'une centaine de prisonniers politiques. Un pays où vos confrères journalistes n'ont pas le droit d'exercer. Tenez, en ce moment, il y en a un qui est en garde à vue, tout simplement parce qu'il a publié un article qui ne plaît pas au prince. Ce sont là les vrais problèmes du Togo. Ce n'est pas de savoir si le régime semi-présidentiel est bon ou pas. On fait de la diversion et on veut en même temps ruser pour se maintenir indéfiniment au pouvoir. Ça ne marchera pas.Les partisans de cette nouvelle Constitution disent qu'avec ce nouveau régime parlementaire, l'Assemblée nationale deviendra le cœur du pouvoir, comme la Chambre des communes à Londres ou comme le Bundestag à Berlin.Mais comment est-ce que vous n'arrivez pas à respecter un régime plus simple, aux règles plus simples comme le régime présidentiel ? Les tenants de cette réforme savent qu’ils sont en mission. Ils savent que c'est une ruse pour permettre au régime, à l'actuel tenant du pouvoir - qui est tenu de quitter le pouvoir après 2025 – de rester indéfiniment à la tête du pays. Et les Togolais ne sont pas dupes, je discute avec eux. Je viens de sortir d'une réunion avec une communauté et je vois comment mes compatriotes sont furieux et comment ils sont déterminés, d'une manière ou d'une autre, à répondre à ce coup de force-là, y compris à travers les futures élections législatives que nous attendons.Pourquoi dites-vous que c'est une ruse du chef de l'État pour rester indéfiniment au pouvoir ?C'est une ruse parce qu'il sait qu'il sera difficile pour lui, s’il devait y avoir à nouveau une élection présidentielle en 2025, se sachant d'avance vomi par le peuple, et sachant comment, en 2020, le peuple a mal ressenti ce vol des élections, il sait qu'il lui sera difficile en 2025 de recommencer la même chose. Et pour couper court à tout, l'astuce qui est trouvée, c'est de dire que le peuple n’élira plus le chef de l'État. C'est un Parlement qui élira le chef de l'État. Et on se prépare naturellement à frauder. Aux élections législatives, on se prépare à voler les résultats, comme d'habitude, pour avoir un Parlement qui soit acquis à la cause. Mais c'est là où, encore une fois, le régime se trompe. En fait, l'acte qui vient d'être posé est un acte irresponsable qui plonge davantage le Togo dans une crise, et il faut absolument que le chef de l'État se ravise et qu'il s'abstienne de promulguer cette Constitution, qui a été adoptée par une Assemblée illégitime. Une Assemblée considérée dès le départ par les Togolais, en 2018, comme une Assemblée nommée - puisque le régime est allé tout seul aux élections - et une Assemblée à ses bottes. Il faut absolument qu'il se ravise dans l'intérêt supérieur de ce pays et qu'il suive les recommandations des évêques du Togo, qui montrent la voie de la sagesse.Alors, si cette Constitution est promulguée et si le parti au pouvoir Unir repasse le 20 avril prochain, le chef de l'État, Faure Gnassingbé, ne sera plus chef de l'État, il deviendra président du Conseil des ministres. Comment pensez-vous qu'il partagera le pouvoir à ce moment-là avec le nouveau président de la République ou la nouvelle présidente de la République ?Écoutez, il y a trop de « si », voyez-vous... et nous ne voulons vraiment pas tomber dans le piège qui consisterait à nous imposer un débat sur la mise en œuvre de ce régime qu'on veut instaurer et qui n'est pas accepté. Le véritable débat aujourd'hui est de savoir si le régime a le droit de laisser se dérouler les choses selon cette procédure qui n'implique pas les Togolais. Cette procédure qui enlève aux Togolais le droit de se prononcer sur le régime politique qu'ils veulent pour leur pays. Et ça aussi, c'est inacceptable. C'est pour ça que nous nous battons. Nous disons que le vrai débat, c'est celui-là.Ce futur président du Conseil des ministres sera élu par les députés. Or, cette année, Brigitte Adjamagbo-Johnson, à la différence de 2018, vous allez participer, à la tête de la DMP, la Dynamique pour la majorité du peuple, et comme d'autres grands partis, comme l'ANC (Alliance nationale pour le changement) de Jean-Pierre Fabre, aux législatives. Avez-vous l'espoir, le 20 avril prochain, d'obtenir suffisamment de sièges pour peser sur le choix de ce futur président du Conseil des ministres ?C'est un défi. Un défi que nous devons tous relever. Et quelque part, les Togolais ont été réveillés et ils comprennent qu'une des voies pour contrer ce qui se fait, c'est de considérer les élections législatives à venir, tout comme les élections régionales, comme étant des élections capitales. Nous devons faire en sorte que les représentants du parti Unir et leurs amis, qui les ont aidés à opérer ce coup de force, soient éjectés des futures assemblées au niveau national, comme au niveau des régions, et c'est ce à quoi nous nous employons. Je sors d'une réunion avec une communauté, et j'ai dans mon propre parti des militants qui me disent : « nous n'étions pas d'accord avec votre ligne de participation à ces élections, mais je dois vous dire, avec cette nouvelle actualité, nous sommes 100% d'accord, nous irons voter », voilà.Dans la nouvelle Constitution, le président du Conseil des ministres sera élu par les députés pour un mandat de 6 ans, mais il pourra éventuellement être renversé par ces mêmes députés à l'issue d'une motion de censure. Est-ce que cette hypothèse pourrait ouvrir le jeu démocratique à vos yeux ?Ce que je peux vous dire, c'est que ce régime-là, au contraire, est porteur d'instabilité et complique davantage la situation du Togo, qui est un pays où il y a un système qui se prévaut du soutien de l'armée, de la mainmise sur les ressources du pays pour se maintenir. Dans ce contexte-là, nous allons droit vers l'aventure. Le régime parlementaire est un régime qui fonctionne bien, comme nous le voyons dans des pays ayant déjà une culture démocratique établie. Or, il se fait qu'au Togo, nous avons une minorité, mais une minorité forte, qui se bat bec et ongles contre la démocratie.La nouvelle Constitution ayant été adoptée par l'Assemblée ce 25 mars 2024, le chef de l'État doit la promulguer dans les 15 jours qui suivent, c'est-à-dire d'ici le 8 avril prochain. Est-ce que cela change votre stratégie de campagne électorale ?Ecoutez, forcément, nous ferons campagne pour qu’aucun représentant de ce pouvoir-là ne soit élu. Nous ferons campagne pour que leurs amis ne soient pas élus. Les listes sont déjà publiées, mais il y a déjà des rapprochements entre partis de l'opposition et, forcément, nous devrons envisager au lendemain de ces élections-là de resserrer les rangs de l'opposition et d'avoir une majorité élargie, soudée, pour faire face aux turpitudes qui nous attendent.Donc, cette nouvelle Constitution vous rapproche de l’ANC de Jean-Pierre Fabre ?Quand le pays est en danger, les partis de l'opposition doivent tous, forcément, envisager au lendemain des élections d'aborder la vie politique en rang serré.Vous reparlez-vous avec Jean-Pierre Fabre ?Mais cela n'a aucune importance, Monsieur Boisbouvier, je ne sais pas pourquoi vous me posez cette question. En tant que responsable politique, au nom de l'intérêt supérieur, on a intérêt, on a le devoir de se parler, d'aller ensemble et de travailler ensemble.À lire aussiRévision constitutionnelle au Togo: «Nous avons clairement fait le choix d'un régime parlementaire»
3/29/202410 minutes, 38 seconds
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Révision constitutionnelle au Togo: «Nous avons clairement fait le choix d'un régime parlementaire»

Au Togo, il n'y aura plus de présidentielle au suffrage universel. L'Assemblée nationale a adopté ce 25 mars une nouvelle Constitution qui donne tous les pouvoirs au chef du parti – désormais « président du conseil des ministres » – qui gagnera les législatives. Est-ce le poste que vise l'actuel président, Faure Gnassingbé, au terme des législatives du mois prochain ? Entretien avec Innocent Kagbara, député du Parti démocratique panafricain et signataires de la proposition de loi constitutionnelle. À lire aussiTogo: la tension politique monte après l'adoption de la nouvelle Constitution
3/28/20249 minutes, 5 seconds
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Pape Ibrahima Kane: «Je ne suis pas sûr que la sortie du Sénégal du franc CFA sera rapide»

« Je suis porteur d'un panafricanisme de gauche », a déclaré le nouveau président sénégalais après l'annonce de sa victoire lundi 25 mars. Avec Bassirou Diomaye Faye au pouvoir, qu'est-ce qui va changer entre le Sénégal et ses voisins d'Afrique de l'Ouest d'un côté, entre le Sénégal et la France de l'autre côté ? Le chercheur sénégalais Pape Ibrahima Kane est un spécialiste des questions régionales en Afrique. Pour lui, cette alternance au Sénégal permet d'espérer un retour du Mali, du Burkina et du Niger dans la Cédéao.  RFI : Dans les quatre-vingts pages du projet de Bassirou Diomaye Faye, le mot souveraineté apparaît 18 fois. Sur le plan économique d'abord, quelles sont les conquêtes de souveraineté que vise le nouveau président ?Pape Ibrahima Kane : Mais je pense que la première souveraineté qu'il veut conquérir, c'est la souveraineté de l'État sur ses ressources naturelles. On a le gaz, on a le pétrole. Il dit vouloir renégocier les contrats. Et on a aussi les phosphates, on a le zircon. L'agenda est vraiment de faire en sorte que le Sénégalais puisse jouir le maximum possible des ressources naturelles qui se trouvent sur son territoire.Alors, dans le domaine du gaz et du pétrole offshore, le président sortant, Macky Sall, affirme que l'État sénégalais est déjà majoritaire dans tous ses contrats avec les compagnies internationales comme British Petroleum et la compagnie américaine Kosmos Energy. Qu'est ce qui va changer, demain, avec le nouveau président ?Mais, ces contrats-là, Macky Sall a dit que le Sénégal était majoritaire, mais on attend de voir. Il n’y a pas l'information qui permet de vérifier tout cela. En plus, dans certains domaines, on partage le pétrole et le gaz avec un voisin, la Mauritanie, et l'on sait que les négociations ont été très rudes avec certaines compagnies comme BP, et peut-être que cette nouvelle présidence va nous permettre d'en savoir plus sur le dossier. Et comme eux-mêmes, ils disent qu'ils vont vouloir renégocier des contrats qu'ils considèrent comme léonins, on va certainement voir quel va être leur marge de manœuvre pour renégocier tous ces contrats.Dans le domaine de la pêche, le nouveau président veut revoir les permis accordés aux acteurs étrangers. Qu'est-ce qu'il peut faire de ce côté-là ?Ah là, il peut faire beaucoup de choses parce que beaucoup de ces contrats en réalité ont été octroyés à des Sénégalais qui les ont après sous-loués à des compagnies chinoises, en tout cas asiatiques de façon générale. Là, l'État a la possibilité en constatant que ce n'est pas celui qui a signé le contrat qui en est l'exécutant et donc peut remettre en cause beaucoup de ces contrats. D'autant plus que beaucoup de pêcheurs sénégalais se plaignent de la raréfaction du poisson à cause de ces compagnies qui disposent de matériel hautement sophistiqué. Donc, si l'État veut satisfaire, en tout cas, les demandes de ces dizaines de milliers de pêcheurs, il faudra faire quelque chose dans ce domaine. Et je pense que c'est possible pour le gouvernement de remettre un peu d'ordre dans ce secteur-là.Sur le plan politique, « il faut sortir du néocolonialisme », disent les nouveaux dirigeants du Sénégal. Quelles mesures pourraient prendre Dakar vis-à-vis de Paris ?Certainement, la plus facile à réaliser, c'est peut-être de demander la fermeture des bases militaires qui sont, Sonko l’a rappelé plusieurs fois, qui sont vraiment l'exemple de présence néocoloniale sur le territoire sénégalais. Et je pense également aux accords de défense, vouloir les renégocier et faire en sorte que le Sénégal ne soit plus dépendant de ses relations avec la France lorsqu'il s'agit de sécurité. Je dois même ajouter que [les nouveaux dirigeants du Sénégal] insistent sur la France, mais le Sénégal a aussi signé des accords avec les Américains. Vont-ils renégocier ces accords-là ? Vont-ils demander à la petite unité des forces américaines qui se trouve à l'aéroport de Yoff de quitter le territoire ? Ça, les semaines à venir nous diront ce que les autorités vont décider.Donc, il faut s'attendre au départ des militaires français qui sont à Dakar depuis l'indépendance depuis 1960 ?Certainement et la fermeture des deux grandes bases qui se trouvent à Dakar, la base maritime qui se trouve au port de Dakar et peut-être ce qu'on appelle les éléments français de Dakar, qui se trouvent à Ouakam. Ça, je pense, d'un point de vue symbolique, ça va montrer que l'État a commencé à agir dans la reprise de la souveraineté sénégalaise sans beaucoup de conséquences, parce que les Français, eux-mêmes, sont en train de réfléchir sur leur présence militaire sur le continent et donc ça peut aller très vite.Le 15 mars dernier, en conférence de presse, Ousmane Sonko a déclaré : « Il y a un problème avec le franc CFA, cette monnaie ne colle pas avec nos impératifs de développement. 90% des pays du monde ont leur monnaie et ils s'en sortent. » Est-ce qu'on va, Pape Ibrahima Kane, vers une sortie rapide du Sénégal du franc CFA ?Je ne suis pas sûr que la sortie sera rapide parce que, hier [lundi 25 mars], en conférence de presse, le nouveau président a précisé sa pensée en disant que, oui, la monnaie est un élément important de la souveraineté économique, mais que le Sénégal avait déjà pris un certain nombre d'engagements, notamment au niveau de la Cédéao pour la création de l'Eco, qui est la monnaie sous-régionale. Il dit engager les dialogues avec la Cédéao et les autres États pour accélérer le processus de la mise en place de cette monnaie. C'est seulement si ce processus-là est lent ou s'il n'aboutit pas que le Sénégal va envisager la création de sa propre monnaie. Donc, vous voyez que déjà, de ce point de vue-là, il y a un peu plus de réalisme dans le discours. Mais ce que je peux ajouter, c'est que le fait que le Sénégal remette en cause la monnaie CFA, cela veut dire que ça isole davantage la Côte d'Ivoire qui, avec le Sénégal, étaient les deux pays qui vraiment faisaient tout pour que les États continuent à utiliser le CFA. Et donc, si le Sénégal bascule, ça veut dire que les jours du franc CFA sont comptés. Peut-être d'ici un an, un an et demi, on verra plus clair là-dedans.Depuis la naissance du franc CFA, le Sénégal abrite le siège de la Banque centrale de cette monnaie, à savoir la BCEAO. Alors, si demain l'Afrique de l'Ouest crée une nouvelle monnaie commune comme l'Eco, est-ce que le Sénégal ne va pas devoir laisser partir la future Banque centrale qui pourrait déménager naturellement vers le pays poids lourds de cette future monnaie, à savoir le Nigeria ?Oh, ça, c'est peut-être les négociations qui nous le diront. Peut-être que le Sénégal va perdre le siège de la Banque centrale, mais peut-être qu’il va, en contrepartie, obtenir des positions, pourquoi pas gouverneur de cette banque. De toute façon, à partir de l'instant où on mettra en place cet Eco, ce sont les économies les plus puissantes de la région qui vont nécessairement imposer leurs vues et leurs stratégies. Et là, de ce point de vue-là, il y a la Côte d'Ivoire, il y a le Ghana et le Nigeria qui vont jouer les grands rôles. Mais le fait qu'on ait un bâtiment de la Banque centrale aussi immense à Dakar, qui abrite le siège de la BCEAO, le Sénégal pourrait éventuellement bénéficier de certains avantages au niveau du partage des responsabilités dans cette nouvelle monnaie.Alors, s'il y a un pays qui doit se réjouir particulièrement de la victoire de Bassirou Diomaye Faye, c'est le Mali. On se souvient du soutien public qu'Ousmane Sonko a apporté plusieurs fois au régime militaire d’Assimi Goïta. À l'heure où le Mali annonce son départ de la Cédéao, est-ce que le nouveau chef d'État sénégalais ne va pas essayer de retenir son ami malien dans la Cédéao à laquelle il semble tenir, lui, Bassirou Diomaye Faye ?Tout à fait, je pense que c'est cette démarche qui va être déclenchée. Hier, Bassirou Diomaye Faye a réitéré l'ancrage du Sénégal dans la Cédéao, a réitéré le panafricanisme de la politique étrangère sénégalaise et, surtout, il a insisté sur l'intégration au niveau sous-régional dans le cadre de la Cédéao. Le Pastef, de façon générale, n'a pas seulement des amis au Mali, il a aussi des amis au Burkina Faso. Et j'espère que le président Diomaye Faye va vraiment utiliser tous ses atouts en matière de diplomatie pour ramener ces deux pays, plus le Niger, à la maison, parce que c'est important que, nous tous, nous partions ensemble vers cette intégration-là. Et je pense qu'il a, surtout avec le Mali, des arguments assez massues à mettre en exergue parce que le plus grand partenaire du Mali, c'est le Sénégal, et cela peut aider à vraiment faciliter le dialogue pour un retour de ces pays-là dans la maison-mère, d'autant que Bassirou Diomaye Faye a insisté sur une réforme de la Cédéao.Oui, parce qu'il veut donner plus de pouvoir aux parlementaires et aux juges de la Cédéao, c'est ça ?Tout à fait, pas seulement aux parlementaires, aux juges de la Cédéao, mais il veut aussi rendre la commission de la Cédéao beaucoup plus fonctionnelle, capable de bien faire fonctionner la maison de manière plus efficace pour le bénéfice et des populations et des États parties.Et la Russie, est-ce qu'il faut s'attendre à un renversement d'alliance et au remplacement de la France par la Russie comme partenaire privilégié du Sénégal ?Je ne le pense pas. Le Sénégal a déjà d'excellents rapports avec la Russie. Beaucoup ne le savent pas, mais la Russie est l'un des grands partenaires commerciaux du Sénégal. Nous importons pratiquement [tout] notre blé de la Russie, nous achetons de l'armement militaire à la Russie. Donc, je ne vois pas, parce qu’il y a eu changement de personnes à la tête de l'État sénégalais, que le Sénégal fasse ce « shift »-là pour aller vers la Russie. Et cela irait même à l'encontre de l'idée qu'il défend, de l'idée de souveraineté, parce que la souveraineté, ça veut dire « on prend en charge son propre destin, on n'est pas à la remorque d'autres pays, aussi puissants soient-ils ». Et mon avis personnel est que, dans le domaine de la diplomatie, il y aura une continuité parce que l'héritage que lui laissent le président Macky Sall et les anciens présidents est un héritage qu'il faudra vraiment renforcer. Le Sénégal est un petit pays, mais diplomatiquement un pays très fort, un pays vraiment respecté en Afrique. Je pense que le nouveau président gagnerait plus à utiliser le personnel diplomatique qui est là, à continuer dans le cadre de la diplomatie, dont les lignes ont été tracées par ses prédécesseurs pour davantage mieux placer le Sénégal dans le concert des nations. Juste un dernier point que je soulignerai à ce niveau-là, la diplomatie sénégalaise a toujours été faible dans nos rapports avec nos voisins. Nous avons toujours eu des problèmes avec nos voisins, que ce soit la Mauritanie, la Gambie, la Guinée-Bissau, avant l'arrivée de Macky Sall, et la Guinée Conakry. De ce point de vue-là, je pense qu'il a beaucoup d'efforts à faire, d'autant plus qu'il n'est pas bien connu, il ne connaît pas ces chefs d'État, et ce sont ces rapports-là qui peuvent vraiment renforcer les liens entre le Sénégal et ses voisins. Quand on est en paix avec ses voisins, on peut envisager le panafricanisme, on peut envisager le renforcement de la Cédéao, mais si ça ne l'est pas, ça va être difficile pour lui de vraiment mener une politique diplomatique digne de ce nom.Il y a deux ans, lors de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le Sénégal s'est abstenu lors des votes à l'ONU. Est-ce que vous vous attendez à un changement de position ?Non, je ne pense pas que le Sénégal de ce point de vue-là va changer de position parce que, justement, on a une diplomatie qui est très respectée. Vous avez parlé de cette décision d'abstention, c'était lié au fait que le Sénégal avait justement beaucoup de rapports économiques avec la Russie et il ne voulait pas s'aliéner ses relations économiques-là, et il a pris le parti de s'abstenir et même de faire en sorte que les États africains refusent de prendre position dans ce conflit-là. Le non-alignement du Sénégal, je ne pense pas que ça soit quelque chose qui va être revisité par le nouveau gouvernement. Parce que, tout à l'heure, on en a parlé, il y a quand même au moins un ou deux dossiers importants à gérer rapidement comme le dossier du retour des pays de l'AES à la maison-mère, et ça, si on ne peut pas agir dans ce domaine-là en prenant des positions plus ou moins radicales, ça n'arrange ni les uns ni les autres.Est-ce que ces grandes questions, comme l'éventuel retour de l'Alliance des États du Sahel (AES) dans la maison Cédéao et la question du franc CFA, est-ce que toutes ces questions seront gérées plutôt par Bassirou Diomaye Faye ou plutôt par Ousmane Sonko ?Ah ! Le président de la République au Sénégal, d'après la Constitution, c'est lui qui détermine la politique étrangère du pays. Je pense que la direction de la diplomatie restera entre les mains du président de la République et lui seul.Et quel rôle jouera Ousmane Sonko à l'avenir, à votre avis ?Ça va se déterminer, je pense, à partir d'octobre, novembre, au moment où on aura une nouvelle Assemblée nationale, peut-être que Sonko pourrait valablement trouver sa place en tant que président de l'Assemblée nationale ou en tout cas jouer un rôle déterminant dans ce domaine. Peut-être bien aussi qu'on pourrait le nommer Premier ministre. Il y a toutes ces possibilités-là qui s'offrent. Je ne pense pas, avec l'expérience que le Sénégal a vécu en 1962, que l'on soit dans une dynamique de dyarchie à la tête de l'État.Vous pensez au conflit entre Senghor et Mamadou Dia ?Exactement, et ça, ça a laissé beaucoup de traces dans la vie politique sénégalaise et je suis sûr qu’ils ne vont pas répéter ces erreurs-là.À lire aussiPrésidentielle au Sénégal: décryptage de la victoire de Bassirou Diomaye Faye
3/27/202412 minutes, 35 seconds
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Au Sénégal, la proposition de «changer le mode de gouvernance» a emporté l’adhésion des électeurs

En votant dimanche dernier dans son village natal, Bassirou Diomaye Faye a promis « la rupture ». Alors qu'est-ce qui va changer, maintenant qu'il vient d'être élu président du Sénégal ? Y aura-t-il une nouvelle monnaie ? Y aura-t-il des renversements d'alliance ? Mamadou Lamine Sarr enseigne les sciences politiques à l'université numérique Cheikh-Hamidou-Kane de Dakar. En ligne de la capitale sénégalaise, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.  À lire aussiDiomaye Faye: «Le peuple sénégalais a fait le choix de la rupture»
3/26/202411 minutes, 37 seconds
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Procès Zogo au Cameroun: «Ce serait bien que le public suive les débats», estime Christophe Bobiokono

C’est un crime qui a bouleversé tout le Cameroun. Qui a tué le journaliste Martinez Zogo en janvier 2023 à Yaoundé ? Et qui a commandité cet assassinat ? Ces deux questions sont au cœur du procès qui doit s’ouvrir ce lundi 25 mars devant le tribunal militaire de Yaoundé. Au Cameroun, Christophe Bobiokono est le directeur de publication de Kalara, le journal spécialisé dans le traitement des affaires judiciaires. En ligne de Yaoundé, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Dans le box des accusés, il va y avoir dix-sept personnes, dont l’homme d’affaires Jean-Pierre Amougou Belinga et les deux anciens patrons de la DGRE, c’est-à-dire des services secrets camerounais, Maxime Eko Eko et Justin Danwe. De quoi sont-ils soupçonnés ?Christophe Bobiokono : M. Jean-Pierre Amougou Belinga et M. Eko Eko apparaissent, au terme de l’enquête, comme de probables commanditaires de ce qui s’est passé. M. Jean-Pierre Amougou Belinga est poursuivi comme quelqu’un qui aurait aussi financé l’opération. Mais il y a une troisième personne qui est dans la peau d’un commanditaire, c’est M. Martin Savom, maire d’une localité que l’on appelle Bibey dans la région du Centre au Cameroun. C’est la dernière personne à avoir été inculpée, mais qui apparait comme ayant même été présente sur la scène du crime, au moment où l’homme de médias a été tué.L’un des principaux accusés, c’est Justin Danwe, l’ex-numéro 2 des services secrets (DGRE). Il serait passé aux aveux, il aurait dit ne jamais avoir eu l’intention de tuer Martinez Zogo, « il fallait lui faire peur » aurait-il dit. Est-ce que c’est crédible ?C’est difficile que ce soit crédible, dans la mesure où M. Danwe est finalement la pièce maîtresse de tout : il est au contact de toutes les personnes qui se sont retrouvées impliquées dans la filature, dans l’enlèvement, dans le traitement, voire l’assassinat de la personne, donc c’est lui qui organise finalement tout. Je le dis sur la base de ses propres déclarations et sur les témoignages de certains des mis en cause.Quand Justin Danwe dit qu’il n’avait pas du tout l’intention de tuer Martinez Zogo, est-ce que vous le croyez ? Ou est-ce que vous ne le croyez pas ?Disons que, si on se base sur l’ordonnance de renvoi, donc le rapport d’instruction du juge qui les renvoie en jugement, on peut dire que cette déclaration-là est douteuse. Dans la mesure où c’est bien lui qui renvoie sur les lieux du crime les trois personnes qui sont supposées avoir donné la mort à Martinez Zogo.Comme l’homme d’affaires Jean-Pierre Amougou Belinga est réputé avoir été un proche de l’actuel ministre de la Justice, Laurent Esso, la presse s’est étonnée, l’année dernière, que ce ministre n’ait jamais été entendu par un juge. Qu’est-ce que vous en pensez ?Sur la base des informations que nous avons vues, le nom du ministre de la Justice n’est pas ressorti comme un acteur des actes de filature, d’enlèvement et d’assassinat ou de torture. Donc je trouve tout à fait normal que le ministre de la Justice n’ait pas été inquiété. Mais je peux vous dire que l’influence du ministre s’est fait grandement sentir au début de l’enquête, M. Amougou Belinga a bénéficié d’un traitement de faveur. D’ailleurs, il n’est interpellé que trois semaines après l’enlèvement de Martinez Zogo. Ce qui nous paraît quand même énorme ! Le président de la République a dû recourir à une commission mixte police-gendarmerie pour mettre entre parenthèse l’institution judiciaire telle qu’elle fonctionne normalement pour mener l’enquête policière. C’est dire si, depuis le sommet de l’État, on savait que l’influence du ministre de la Justice pouvait fausser certaines choses.Certains disent que l’assassinat de Martinez Zogo est la manifestation la plus spectaculaire et la plus tragique de la lutte des clans qui se durcit actuellement au sommet de l’État camerounais. Qu’en pensez-vous ?Je pense que c’est vrai. Je crois avoir lu dans les documents que j’ai consultés que M. Eko Eko, qui était patron de la DGRE à l’époque des faits, a lui-même souligné ce contexte-là, en disant qu’il y avait des clans qui se battaient. En pointant de manière très claire des clans où on trouverait, d’une part, peut-être des personnes de la présidence de la République et, d’autre part, peut-être le ministre de la Justice et le ministre des Finances, pour ne pas parler de tous les autres…Plusieurs avocats, dont Charles Tchoungang, le défenseur de M. Amougou Belinga, demandent que le procès soit retransmis en direct à la radio et à la télévision. Est-ce qu’il y a un précédent et qu’en pensez-vous ?Ici, au Cameroun, je ne me souviens pas… Je suis chroniqueur judiciaire depuis une vingtaine d’années, je n’ai pas couvert de procès qui a été retransmis comme cela. Ce serait bien que les débats se fassent de façon à ce que le public qui veut les suivre puisse les suivre. Il faut savoir que, lors de l’enquête menée par la commission mixte police-gendarmerie, il y a bien des choses qui sont apparues dans cette enquête, mais qui semblent avoir disparu en cours de route. Par exemple, on découvre aujourd’hui qu’il y a eu, lors des saisies pratiquées ici et là, des téléphones qui ont été saisis, mais qui n’ont pas été soumis à l’expertise judiciaire. Cela fait qu’il y a un maquillage des faits par rapport à la procédure.Pensez-vous que, si ce procès est retransmis en direct à la radio et à la télévision, il y aura plus de transparence et moins de pression sur les juges ?Oui, cela peut participer à limiter la pression sur les juges. Dans un environnement opaque, il y a toujours plus de possibilités de faire pression parce que le public n’aura pas suivi ce qu’il s’est dit pendant les débats.À lire aussiAssassinat de Martinez Zogo au Cameroun : la défense souhaite un procès télédiffusé
3/25/202410 minutes, 7 seconds
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Adam Shatz revisite le psychiatre Fanon en Algérie: «Frantz Fanon, Une vie en révolutions»

Redécouvrir Frantz Fanon : le personnage, sa pensée et son époque... C'est ce que propose une biographie que viennent tout juste de publier les éditions La Découverte. L'ouvrage est intitulé « Frantz Fanon, Une vie en révolutions ». On y voit le penseur mûrir ses idées anticoloniales et s'engager aux côtés des indépendantistes algériens, avec pour arrière-plan les débats intellectuels et les luttes d'influence de son époque. Une grande fresque, donc, dont nous parle son auteur, l'essayiste et journaliste américain Adam Shatz.  
3/24/20244 minutes, 35 seconds
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Soudan: «À El-Geneina, la communauté massalit a fait l'objet d'un véritable nettoyage ethnique»

Au Soudan, il n’y a toujours pas de trêve en vue dans le conflit qui fait rage depuis le 15 avril 2023 entre les deux généraux rivaux, Abdel Fattah al-Burhane et Mohammed Hamdane Daglo, et qui a plongé le pays dans le chaos. Depuis le début de la guerre, plus d'un demi-million de réfugiés sont arrivés au Tchad voisin. Une crise humanitaire d'une ampleur alarmante, mais qui souffre d'un profond déficit d'attention et de financements. Charles Bouessel, analyste Afrique centrale pour l'International Crisis Group (ICG), est l'invité de RFI. RFI : Vous êtes ici à Ndjamena. Vous rentrez tout juste d'une mission dans l'est du Tchad, à la frontière soudanaise, où les réfugiés continuent encore d'arriver, près d'un an après le début du conflit. Qu'est-ce qui vous a le plus marqué lors de votre séjour là-bas ?Charles Bouessel : La majorité de ces réfugiés ont été pillés. Beaucoup ont perdu des membres de leur famille, massacrés par les RSF [Forces de soutien rapide]. Les femmes, notamment, ont beaucoup souffert, les cas de viols sont innombrables. Cette crise s'ajoute à une situation socio-économique extrêmement difficile dans l'est du Tchad. La population locale souffre déjà de malnutrition, d'un manque critique d'infrastructures sanitaires. Et donc, vous imaginez que l'arrivée d'un demi-million de personnes en plus ne va faire qu'accentuer cette pression sur les ressources. Les points de tension les plus critiques sont, sans doute, l'accès à l'eau et au bois de chauffe. On m'a parlé de disputes et de bagarres autour de puits, dont le niveau baisse dangereusement. Les femmes également, les femmes de ces camps de réfugiés qui en sortent pour collecter du bois de chauffe, certaines d'entre elles se sont fait tabasser, voire violer à l'extérieur de ces camps. Avec toujours cette critique qu'elles font diminuer les ressources déjà rares des populations locales.On parle d'un risque sécuritaire local, diriez-vous qu’il y a aussi un risque de tension politique ?La majorité des réfugiés appartiennent à la communauté Masalit, qui a été violemment ciblée par les RSF. Cette communauté nourrit un esprit de revanche et certains commencent à recruter des milices d'autodéfense et les autorités tchadiennes craignent donc que ces recrutements ne perturbent une situation sociale déjà explosive.Mais c'est aussi une zone où il y a, depuis longtemps, de nombreux trafics. On imagine qu'il y a également un impact sur cette économie informelle ?Tout à fait. Il y a donc des trafics qui se sont développés de manière importante depuis l'éclatement du conflit soudanais. Peut-être les deux les plus notables sont le carburant et le trafic de produits pillés. On voit tous les jours d'importants camions de citerne libyens qui arrivent de la Libye jusqu'à Adré, qui déchargent ce carburant dans des fûts, que des pick-up chargent la nuit pour traverser la frontière et approvisionner la milice RSF en carburant.Trafic de carburant, trafic de véhicules également ?Effectivement, les trafics de véhicules volés au Soudan sont extrêmement importants. J'ai pu voir de mes yeux à Abéché, une zone où sont garées des dizaines et des dizaines de gros 4x4 Toyota, des Prados, des Hilux, qui sont vendus autour de 15 000 euros, ce qui est 3 à 4 fois moins que leur valeur réelle. J'ai pu également parler avec une Tchadienne qui avait voulu acheter un de ces véhicules et qui, au moment d'inspecter ce véhicule, ouvre la boîte à gants et voit un permis de conduire d'une personne de la communauté Masalit tomber, qui n'était clairement pas le vendeur de la voiture.Vous avez également recueilli de nombreux témoignages sur la situation au Darfour. Que disent ces témoignages de la situation de l'autre côté de la frontière ? La ville de El-Geneina a été quasiment vidée à 90% de sa population Masalit, qui a été l'objet d'un véritable nettoyage ethnique dans la ville. Une ville où on retrouve des fosses communes où les quartiers Masalit pour certains, ont été totalement rasés, comme si les RSF avaient voulu éliminer toute trace de leur existence. J'ai pu parler à certains réfugiés qui ont notamment assisté à des ventes de femmes soudanaises kidnappées à Khartoum. D'autres m'ont parlé aussi de la présence des mercenaires de Wagner dans la ville. Ces mercenaires assistent le colonel des RSF en charge de la ville avec, notamment, des drones d'observation. Aujourd'hui, les Masalit réfugiés dans les camps au Tchad se sentent encore visés. Les activistes à qui j'ai pu parler n'osaient même pas aller sur le marché d'Adré où, selon eux, de nombreux RSF traversent la frontière pour venir acheter des denrées, évidemment de manière désarmée. Mais pour eux, c'est une grande peur de voir ces hommes qui les ont massacrés de l'autre côté de la frontière.Dans un mois, cela fera un an que le conflit au Soudan a démarré. Aujourd'hui, la paix semble encore bien loin.Effectivement, la paix semble encore bien loin et la crise humanitaire au Tchad est loin d'être résolue et pourrait encore s'aggraver. 200 personnes franchissent la frontière encore chaque jour et ce nombre pourra exploser dans les mois à venir, alors que la famine commence à sévir au Darfour. Et donc, on voit maintenant arriver aux frontières des personnes qui ne fuient plus la guerre, mais qui fuient la faim.À lire aussiConflit au Soudan: à el-Geneina, la situation des civils demeure extrêmement précaire
3/22/20244 minutes, 28 seconds
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RDC: le journaliste Stanis Bujakera annonce ne pas faire appel de sa condamnation pour le moment

Le journaliste Stanis Bujakera ne compte pas faire appel pour le moment. C'est ce qu'il annonce sur RFI. Condamné ce lundi à six mois de prison, puis libéré ce mardi, Stanis Bujakera a choisi RFI pour accorder sa première interview d'homme libre : les pressions sur lui pour qu'il révèle ses sources, les pressions sur les juges pour qu'ils le condamnent... En ligne de Kinshasa, notre confrère, correspondant de Jeune Afrique et de Reuters, mais aussi le directeur adjoint d'Actualité.cd, raconte ses six mois de détention. À lire aussiRDC: le journaliste Stanis Bujakera condamné à six mois de prison
3/21/202411 minutes, 55 seconds
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«La Journée internationale de la Francophonie n'est pas une célébration politique», dit la porte-parole de l'OIF

Ce mercredi 20 mars, c'est la Journée internationale de la Francophonie. De nombreuses manifestations culturelles sont prévues dans les pays où l'on parle français. Mais en République démocratique du Congo, il n'y aura pas de cérémonie officielle car les relations sont tendues entre Kinshasa et la secrétaire générale de la Francophonie, la Rwandaise Louise Mushikiwabo. Comment réagit-elle ? Entretien avec sa porte-parole, Oria Vande Weghe. RFI : Votre mot d'ordre cette année, c'est créer, innover et entreprendre en français. À quel public vous adressez-vous ? Oria Vande Weghe : Très clairement à la jeunesse francophone. Vous savez, on est un espace très jeune avec une moyenne d'âge assez jeune dans beaucoup de nos États. Et, cette année, la volonté de la Secrétaire générale et du président Emmanuel Macron, qui accueille le prochain sommet, a été de s'adresser directement aux jeunes dans cette thématique de création, d'innovation. Surtout parce qu’une des préoccupations principales de la jeunesse, c'est de s'insérer professionnellement et que ça passe par l'innovation, la création et l'entreprenariat. Et concrètement, est-ce que l'OIF organise, pays par pays, des concours dont les jeunes lauréats sont récompensés par le financement de leurs projets, par exemple ? Alors, ça ne fait pas partie de nos programmes. Mais effectivement, cette année justement, à l'occasion de cette thématique, l'OIF, la Secrétaire générale en particulier, a décidé de lancer un grand concours justement destiné à la jeunesse de tous nos États membres. On va le lancer en ligne et inviter tous les jeunes à proposer des projets innovants dans plusieurs secteurs, et les lauréats seront récompensés avec des enveloppes budgétaires permettant de mener à bien leur projet. Donc oui, c'est à l'ordre du jour et les lauréats seront annoncés normalement pendant le sommet. Pendant le sommet de la fin de cette année en France ? Oui, au mois d'octobre. On sait où il aura lieu, ce sommet ?Il aura lieu en France, en partie à Paris, en partie à Villers-Cotterêts, les 4 et 5 octobre. Et j'imagine que ce concours, il sera organisé notamment dans de nombreux pays africains, 85% des francophones étant africains.Exactement. On va le lancer en ligne et, tout au long du mois de mars et au cours des semaines qui suivent, on va vraiment mobiliser au maximum pour qu’on ait le plus de candidatures possibles. Donc, je profite d'être sur vos antennes pour lancer l'appel à la jeunesse pour participer massivement à ce concours. Le premier pays francophone d'Afrique, c'est la République démocratique du Congo. Mais cette année, à Kinshasa, il n'y aura pas de cérémonie officielle pour célébrer ce 20 mars, car les autorités congolaises vous reprochent, vous, l’OIF, d'être pro-rwandais dans le conflit actuel entre le Rwanda et le Congo Kinshasa. Quelle est votre réaction ? Écoutez, oui, nous avons appris cette décision de la RDC hier. Que dire ? Je ne sais pas si c'est en raison de la nationalité de notre Secrétaire générale, ou parce que le Rwanda est également un pays membre de notre organisation. Mais il faut savoir que le 20 mars, la Journée internationale de la Francophonie, ce n'est pas une célébration d'ordre politique, c'est une célébration citoyenne. Les États, les communautés, les instituts, les académies… Tout le monde culturel célèbre cette appartenance à un espace francophone. Donc, personnellement, je ne suis pas sûre de voir le lien entre la célébration du 20 mars et toute forme de reproche politique. Maintenant, de dire qu'on reproche à l'Organisation de prendre parti, j'aimerais savoir sur quelle base se fait ce reproche. Je ne pense pas qu'il y ait eu une quelconque prise de position à ce jour, bien au contraire. La Secrétaire générale a communiqué plusieurs fois positivement pour encourager la voie du dialogue, donc je pense que, en tout cas, il ne faut pas faire d'amalgame entre le politique et la vie citoyenne. Les nombreux francophones de RDC mériteraient de célébrer leur langue et l'appartenance à cet espace linguistique. Ce qu'on entend beaucoup à Kinshasa, ce sont des reproches à l'égard de Madame Louise Mushikiwabo, parce qu'elle n'utiliserait pas sa position de Secrétaire générale pour essayer de rapprocher les deux pays, le Rwanda et le Congo, alors que la Francophonie doit être un espace de concertation et de dialogue politique. Mais ce dialogue existe au sein de nos instances. Je pense que le sujet est débattu très régulièrement dans nos différentes commissions politiques. Il a fait l'objet de discussions au plus haut niveau lors du sommet de Djerba en 2022. Je pense qu’il y a une mauvaise compréhension du rôle de la Secrétaire générale. Je vous rappelle que nous sommes le secrétariat des États et que toute action politique est en fait motivée ou, en tout cas, dictée par une concertation des États qui demandent à l'OIF d'agir dans un sens ou dans un autre. Donc, ce n’est pas exclu qu'il y ait une action, en tout cas il n’y a pas une volonté de ne pas s'impliquer, bien au contraire. Donc, je pense qu'il y a un amalgame qui peut être fait sur la personne même de la Secrétaire générale. « Ce n’est pas exclu qu'il y ait une action », dites-vous. Voulez-vous dire que Louise Mushikiwabo pourrait entreprendre une initiative diplomatique ? Non, ce que je dis, c'est que c'est aux États de se concerter, de se réunir et de demander à la Francophonie, comme c'est le cas pour toutes les autres crises qui ont lieu dans l'espace francophone, où les États dans lesquels on s'implique nous demandent de s'y impliquer. Il y a tout un processus qui doit être suivi. Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas exclu que ça arrive. Pour l'instant, la Francophonie s'est exprimée à plusieurs reprises. Il y a eu des communiqués, il y a eu des annonces et, pour l'instant, je ne vois pas le lien entre la Journée internationale de la Francophonie à ce stade-ci et un processus politique qui doit avoir lieu.Est-ce que la position d'ancienne ministre des Affaires étrangères du président Kagame ne catalogue pas Madame Mushikiwabo d'un côté, et ne l'empêche pas de se mettre au milieu du gué, justement ? Très certainement, il faudrait demander aux autorités ce qu'elles en pensent. Mais c'est clair que sa position d'ancienne ministre des Affaires étrangères, forcément, fait qu’on lui attribue une prise de position, certainement. Mais justement, est-ce que ça ne la paralyse pas dans son action d'éventuelle médiatrice, d'artisane du dialogue ? Je ne pense pas. Je pense qu’il y a eu des volontés de la Francophonie de s'impliquer auprès de la RDC. Je pense notamment aux dernières élections de 2023, où la Francophonie a été invitée à observer. Et puis, finalement, où le pays n'a pas permis que cette observation des élections se fasse dans de bonnes conditions. Je pense qu’il y a l'épisode des Jeux de la Francophonie de 2023 aussi, on peut le mentionner, où la Secrétaire générale a été invitée, ensuite désinvitée. Donc effectivement, je pense que, du côté des autorités congolaises, il y a certainement quelque chose en lien avec la nationalité de la Secrétaire générale qui est à regretter parce qu'aujourd'hui, elle n'est pas ministre des Affaires étrangères du Rwanda, elle est Secrétaire générale de la Francophonie, à laquelle appartiennent les deux États que sont le Rwanda et la RDC. Simplement, les Congolais remarquent que le soutien du Rwanda aux rebelles du M23 est pointé par l'ONU et condamné par de multiples pays dans le monde entier, mais que l'OIF ne condamne pas ce soutien ? Est-ce peut-être parce que Madame la Secrétaire générale est rwandaise ? La Secrétaire générale en a appelé au respect de toutes les parties de poursuivre le processus de dialogue et de négociation de Nairobi. Donc la voix de la Francophonie, ça a toujours été le dialogue, la concertation, certainement pas le conflit. Donc, elle s'est exprimée à ce sujet à maintes reprises.Des Jeux olympiques dans un pays francophone, c'est très rare, on n'avait pas vu cela depuis 1976 à Montréal. Cette année est donc un cru olympique exceptionnel pour faire rayonner la langue française dans le monde entier, mais est-ce que l'anglais n'est pas de plus en plus dominant dans les stades et dans les villages olympiques ?Alors, je pense que l'anglais, malheureusement ou heureusement, est dominant un petit peu dans tous les secteurs, c'est vrai que c'est une réalité. La langue française est pourtant une des langues officielles des Jeux olympiques. Alors, cette année, l'OIF a signé avec le Comité d'organisation des Jeux olympiques (COJO) une convention sur l'usage et la promotion de la langue française. L'idée ici, c'est vraiment de pouvoir profiter de cette édition des Jeux olympiques, qui se passe dans un pays très francophone, pour le coup, pour mettre en place de bonnes pratiques visant à valoriser l'usage de la langue française, non seulement comme langue de travail dans les Jeux, mais également de communication, et de partir de cette bonne expérience pour rester dans cet engagement lors des prochaines éditions, notamment lors de celle de Los Angeles en 2028. La Francophonie s'est également engagée à mobiliser un certain nombre de volontaires francophones pour venir en appui aux équipes organisatrices des Jeux. En échange de quoi, le Comité s'est engagé à vraiment s'assurer que les documents, les différentes communications signalétiques seront disponibles dans toutes les langues, et surtout en français. Donc là, on va être un petit peu comme les observateurs de ces bonnes pratiques. Au terme de ces Jeux, l'OIF sera amenée à fournir un rapport qui pourra faire l'objet de recommandations pour toutes les éditions prochaines. Oui, mais franchement, Oria Vande Weghe, lors des précédents Jeux de 2016 à Rio et de 2021 à Tokyo, on ne parlait pas français, à part lors des remises de médailles. Tous les commentaires, toutes les inscriptions étaient en anglais. Qu'est ce qui nous garantit que le français va revenir cette année ? Absolument. Écoutez, déjà, le fait que ça se passe à Paris, ça joue bien sûr en faveur de la langue française. Maintenant, comme je le disais précédemment, on va s'assurer que cette expérience-ci va permettre de mettre en place de bonnes pratiques. Après, c'est vrai que ce sera un challenge pour les années à venir de maintenir cette pratique-là. Et vous savez que la question de la langue française dans les instances internationales, que ce soit dans les Jeux, dans les grandes compétitions ou dans les enceintes comme les Nations unies, c'est une question aussi de volonté. Il faut que les pays organisateurs y mettent de la volonté, que les participants francophones y mettent aussi de la volonté et que tout le monde ensemble se dise, ‘on va parler dans la langue qui est la nôtre et on va défendre cette langue’. Donc, on espère bien que cette édition à Paris va pouvoir faire la différence. Il y aura des conférences de presse où on parlera en français, par exemple ? J'espère bien, oui. Après, tous les athlètes, forcément, ne seront pas francophones. Il faudra aussi s'adapter au caractère multilingue et multinational des Jeux. Et vous espérez que le pli sera pris pour les prochains JO de 2028 ? C'est l'idée, c'est toute l'idée de cette convention. Donc, on va faire, en très mauvais français, un monitoring de l'usage de la langue française cette année et en espérant que, pour les années suivantes, les bonnes pratiques vont être installées. Et vous espérez qu'à Los Angeles, on parlera aussi français en 2028 ? On espère ! Un peu moins qu'à Paris, certainement.
3/20/20249 minutes, 36 seconds
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Départ des troupes américaines du Niger: «Un coup dur pour les deux parties»

Après les Français, c'est au tour des militaires américains d'être bientôt expulsés du Niger. C'est ce qu'a annoncé le porte-parole de la junte au pouvoir à Niamey, le 16 mars. Pourquoi le torchon brûle entre Niamey et Washington ? Et est-ce à dire que les Russes vont maintenant avoir le champ libre au Niger ? Entretien avec Paul-Simon Handy, directeur l'Institut d'études de sécurité (ISS) à Addis-Abeba. RFI : Avez-vous été surpris par la décision du Niger de rompre sa coopération militaire avec les Américains ?Paul-Simon Handy : J'ai été surtout surpris par le ton, par la forme et peut-être pas par la décision en elle-même qu'on voit poindre à l'horizon depuis un certain moment. Et le gouvernement du Niger n'étant pas à son premier coup d'éclat, disons que ce n'était pas une surprise totale. Mais la forme, il faut dire, est plutôt surprenante.Oui, puisque les Nigériens accusent les Américains de condescendance, voire d’arrogance ?Oui, ils n'ont pas eu la courtoisie de recevoir une délégation qui était dans leurs murs et ont utilisé un ton très peu diplomatique pour exprimer leur mécontentement, mais selon les dires des Nigériens, la condescendance de la partie américaine était à peine supportable.Sur le plan stratégique, est-ce que c'est un coup dur pour le dispositif américain AFRICOM ? Alors, il faut dire que c'est un coup dur, certainement pour les deux parties, parce que, même si le Niger décide de manière souveraine de renoncer à l'accord signé en 2012, le Niger perd énormément, déjà. Cet accord prévoyait de la formation, il prévoyait un appui en renseignements, un appui en équipements. L'armée nigérienne, au terme de cet accord, est dotée de transports aériens, d'avions C-130 qui sont importants dans toute opération. Pour la partie américaine, il y a de vraies pertes aussi. C'est un coup dur, définitivement, parce que la base américaine d'Agadez est certainement l'une des plus importantes bases américaines en Afrique, après celle de Djibouti. Cette base de drones permettait naturellement pour les Américains de recueillir du renseignement et des informations utiles à la lutte contre les groupes extrémistes violents, mais aussi certainement contre toute sorte de trafics illicites et les migrations aussi.Et vous pensez à la Libye ? On pense naturellement à la Libye. À la frontière du Niger avec la Libye, aussi, le Niger perd certainement un moyen important d'avoir des informations sur ce qui se passe à sa frontière avec la Libye. Et les Américains, à terme, perdront un énorme moyen de renseignement sur les mouvements en Libye et autour de la Libye.Depuis le putsch de juillet dernier au Niger, les Américains s'étaient désolidarisés des Français, afin de ménager la nouvelle junte de Niamey. Comment expliquez-vous que, malgré ces précautions, les Américains subissent aujourd'hui cet échec ? Disons que les Américains avaient peut-être mal apprécié la nature des militaires au pouvoir au Niger. On aurait pu penser au départ que c'est un coup stratégique de la part de la junte de vouloir diviser les Occidentaux, notamment la France et les États-Unis, s’aliéner la Francepour mieux se rapprocher des États-Unis, c'est ce qu'on aurait pu penser. Mais, pour les États-Unis, c'est un pari difficile à tenir, avec une junte militaire qui est pratiquement en contradiction avec toutes les normes et les idéaux démocratiques que représentent les États-Unis. Donc, il était difficile pour les Américains de tenir cette position, sans entrer en contradiction avec leurs principes.Et justement, l'une des demandes des Américains, en échange de leur maintien à Agadez, c'était le retour du Niger à la démocratie et la libération du président Bazoum. Est-ce que cela a pu indisposer le général Tiani et la junte de Niamey ?Je pense qu'il y a plein de choses qui indisposaient le général Tiani, parce que les Américains avaient littéralement les mêmes demandes que les Français. Les seules différences étaient peut-être sur le ton, mais du moment où les Américains ont commencé à appuyer sur la demande jugée inacceptable de renoncer à la coopération avec la Russie et l'Iran, pour les militaires au pouvoir à Niamey, c'était certainement la ligne rouge qu'il ne fallait pas franchir.Selon le journal Le Monde, les militaires américains auraient exigé qu'à l'avenir, ils ne soient pas sur le même terrain que les militaires ou les paramilitaires russes. Est-ce que cette exigence vous paraît crédible ? Lorsqu’on entend les déclarations du porte-parole du gouvernement de transition au Niger qui dit à peu près la même chose, il est probable que les Américains, forts de qu'ils croyaient être le soutien de la junte, aient pu avoir des exigences que la junte estimait tout simplement inacceptable. Si c'est vraiment le cas, je pense que les Américains ont certainement fait un faux pas, parce qu’il ne faut pas prendre pour juste un coup de sang la perception, notamment par les juntes militaires, mais aussi par une frange des populations en Afrique de l'Ouest, de ce que l'ensemble des réponses nationales et multinationales à la crise multiforme au Niger n'ont pas porté de fruits. Non, il y a un grand besoin de changement et un grand besoin d’essayer autre chose.Est-ce qu'après l'annonce du départ prochain des Américains, les Russes ont désormais le champ libre au Niger ? Je pense que oui. Le Niger, voyant ce qui se passe dans un pays comme la RCA, voyant ce qui se passe dans un pays comme le Mali, même si on ne peut pas parler de succès, on se dira que les Russes sont peut-être un partenaire de choix. Ce n’est pas un partenaire qui va remplacer les États-Unis, ce n’est pas un partenaire qui remplacera la France, mais qui apportera un soutien militaire qui permettra au moins de gagner des batailles tactiques. C'est ce dont a besoin le gouvernement militaire pour démontrer ce qu'il considère comme un succès aux populations du Niger.Tous les Nigériens de plus de 40 ans se souviennent de l'assassinat du général Baré Maïnassara par le commandant Wanké, il y a 25 ans. Est-ce que les Russes n’offrent pas à la junte au pouvoir une valeur ajoutée, avec une protection rapprochée contre toute tentative de coup d'État interne à l'armée du Niger ?Oui bien sûr. Je pense que le gouvernement de transition au Niger, comme dans d'autres pays du Sahel où il y a eu des coups d'État, je pense qu'il veut s'installer dans la durée. Sous le prétexte de vouloir réformer, il veut s'installer dans la durée. La coopération avec les Russes offre ainsi une sorte de protection qui pourrait assurer un mandat de cinq ans à ces juntes militaires. Donc oui, la coopération militaire avec la Russie, qui est moins contraignante en termes de redevances démocratiques, de normes de bonne gouvernance, cette coopération russe est de ce fait beaucoup plus utile au pouvoir qui s'installe dans la durée. Ce qui, pour moi, constitue la véritable inquiétude.Donc, on peut parler aujourd'hui de retournement d'alliance au Niger ?On peut parler d'un processus qui mène à un retournement d'alliance. Lorsqu'on entend le ton ferme du gouvernement de transition militaire, on peut se dire que là, c'est un point de non-retour. D'ailleurs, il y a une pointe d'ironie à entendre un militaire, qui a pris le pouvoir par la force, déclarer comme illégal et anticonstitutionnel un accord signé précédemment, alors que l'acte qui le mène au pouvoir est un acte illégal et anticonstitutionnel.À lire aussiNiger: pourquoi la base militaire d’Agadez est stratégique pour les États-Unis
3/19/20246 minutes, 39 seconds
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Côte d'Ivoire: la candidature de Gbagbo «est de l'ordre de la stratégie du PPA-CI»

C'est le premier des poids lourds politiques à se positionner pour l'élection présidentielle de 2025 en Côte d'Ivoire. Le 9 mars, le PPA-CI, le Parti des peuples africains, a désigné l'ex-chef de l'État pour être leur champion. Problème, Laurent Gbagbo est sous le coup d'une condamnation pour l'affaire dite du « braquage de la BCEAO » (Banque centrale des États d'Afrique de l'Ouest) pendant la crise post-électorale de 2010/2011. De ce fait, Laurent Gbagbo est privé de ses droits civiques et est donc inéligible. Seule une amnistie présidentielle de son ex-rival Alassane Ouattara pourrait le remettre en selle. Ousmane Zina est professeur agrégé en sciences politiques à l'Université de Bouaké. Il est interviewé par Frédéric Garat. RFI :Ousmane Zina, Laurent Gbagbo vient d'être désigné candidat à la présidentielle de 2025 par son parti, le PPA-CI, mais Laurent Gbagbo est, à l'heure où l'on se parle, inéligible du fait de sa condamnation à 20 ans de prison pour le braquage de la BCEAO. Aussi, on s'interroge, à quoi rime une telle désignation ?Ousmane Zina : Oui, je pense que c'est de l'ordre de la stratégie du PPA-CI. Premièrement, il s'agit de maintenir la figure de Laurent Gbagbo et donc, c'est une sorte de réponse à ceux qui pensent que nous tendons vers la fin de carrière politique de Laurent Gbagbo. Ce qui permettrait effectivement au PPA-CI de continuer à mobiliser ses militants en faisant exister Laurent Gbagbo au cœur du jeu politique ivoirien. Deuxième stratégie : projeter Laurent Gbagbo comme candidat en 2025, pourtant inéligible jusque-là, c'est aussi une manière de faire le forcing politique pour ouvrir les négociations politiques, seule voie pouvant permettre à Laurent Gbagbo d'être réintégré sur la liste électorale parce que c'est une figure assez forte pour le PPA-CI. Maintenant, reste à savoir si c'est la bonne voie. Sachant bien que, aux dernières élections communales et régionales, le PPA-CI n'a pas fait un très bon score en dépit du fait que Laurent Gbagbo ait été mis en avant comme cette figure très forte du jeu politique ivoirien. On verra bien si cette stratégie marche ou pas. Est-ce qu'il est le seul candidat potentiel au sein du PPA-CI ? Est-ce qu'il n'y a pas une alternative ?Il y a sûrement d'autres figures, il y a d'autres cadres. Beaucoup d'anciens cadres du FPI sont restés avec Laurent Gbagbo, mais est-ce qu’il y a cette volonté de laisser émerger de nouvelles figures, de nouvelles personnes ? Je pense que la figure de Laurent Gbagbo est tellement imposante au cœur du PPA-CI que, pour l'heure, l'on ne voit pas une autre personne qui puisse le remplacer malgré des signes de fragilité annoncés par certains ici et là.Justement, faire campagne, c'est aussi un exercice physique, on le sait. On a vu le « Woody », le garçon vaillant revenir fatigué de La Haye. Est-ce qu'il aura encore l'énergie pour cet exercice ?Il est clair que ce n'est plus le « Woody ». Ce n’est plus le « Woody » que l'on a connu durant les années 2000, de 2000 à 2010. C'est un homme d'un certain âge et, il faut le souligner, qui a connu un moment de maladie. Ce n'est plus forcément le même Laurent Gbagbo, mais il reste l'homme politique fort qui a marqué l'histoire politique de la Côte d'Ivoire. Il y a encore des générations qui se reconnaissent en lui et je pense que ça compte. C'est une voix qui compte dans le jeu politique, c'est une voix qui porte également, et c’est à lui peut-être encore de faire les preuves de sa capacité à mobiliser, de sa parole politique, qui soit ténue et écoutée par des milliers de personnes, comme on l'a vu dans le temps. Et donc, il y a encore des preuves à faire et 2025 n'est pas loin, et il y a du travail au niveau du PPA-CI.Du coup, on s'interroge sur l'attitude d’Alassane Ouattara en matière d'amnistie : soit il amnistie son meilleur ennemi et il endosse ainsi le rôle du grand réconciliateur de la Côte d'Ivoire, soit il n'y a pas d'amnistie et il écarte un candidat potentiellement dangereux pour son propre parti, le RHDP.Cette disposition met clairement le président Ouattara dans une situation de maître du jeu politique. Dans tous les cas, il a un temps d'appréciation qui lui permettra de juger opportun d'aller vers l'amnistie et de se positionner comme grand réconciliateur et espérer récupérer cela dans le sens de ressources politiques qui soient utiles pour 2025. Ou alors, il estimera que c'est une génération qui passe, qu’il n’y a pas lieu de forcer quoique ce soit dans la mesure où lui-même estime que plusieurs signes d'apaisement ont été faits et que ça ne soit pas une urgence. De là où il se positionne, c'est plutôt une candidature à proposer pour le RHDP en 2025, ou sa propre candidature, qui est l'équation la plus compliquée. Maintenant, le jeu politique, c'est le champ des possibles et, en Côte d'Ivoire, ça évolue très, très vite. Il a le temps d'apprécier, il a les cartes en main, de voir ce qui a lieu de faire et qui soit dans le sens de l'apaisement d’une part, mais également qui soit utile pour le RHDP, pour son parti. L'idée étant, bien sûr, de conserver ce pouvoir en 2025.Ousmane Zina, on est en train de parler de Laurent Gbagbo, qui a 78 ans, d’Alassane Ouattara, qui en a 82. 75% de la population en Côte d'Ivoire a moins de 35 ans. Alors, on connaît le poids du respect des anciens, mais est-ce que le jeune électorat ivoirien se retrouve à travers ces leaders politiques ?Très clairement, le besoin de renouvellement générationnel s'impose en Côte d'Ivoire. On constate effectivement ce gap-là, notamment en observant les totaux d'abstention, en observant la participation de ces jeunes-là souvent très faible durant les élections. Je pense qu'il y a un besoin d’activer ce renouvellement générationnel, de le booster. Et, très clairement, ce sont les questions que ces jeunes se posent.À lire aussiCôte d'Ivoire: Laurent Gbagbo désigné candidat pour la présidentielle de 2025 par son parti
3/18/20244 minutes, 35 seconds
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Howard Catton: le recrutement des infirmiers dans les pays africains est «une forme de néocolonialisme»

C'est un cri d'alarme pour les systèmes de santé des pays africains. Howard Catton dénonce une forme de « néocolonialisme ». Le directeur général du Conseil International des Infirmiers/Infirmières (lui-même infirmier britannique) s'inquiète de l'accélération de la fuite des cerveaux infirmiers. En recrutant massivement des soignants dans les pays africains anglophones et francophones, les pays à revenu élevé contribuent à accentuer des déserts médicaux, dangereux pour les populations. Entretien avec Howard Catton.
3/17/20243 minutes, 35 seconds
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Sénégal: «Le fait que Bassirou Diomaye Faye a été retenu en prison a amplifié la campagne de ses partisans»

Au Sénégal, l’opposant Ousmane Sonko et son second Bassirou Diomaye Faye sont sortis de prison cette nuit du 14 au 15 mars, provoquant la liesse de milliers de Dakarois. Comment interpréter ces libérations à dix jours de la présidentielle ? Quelles conséquences auront-elles sur la campagne en cours et au-delà sur le scrutin du 24 mars ? Elimane Haby Kane, le président du Think tank Legs Africa est ce matin notre invité. Il répond aux questions de Pierre Firtion.
3/15/20244 minutes, 16 seconds
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Soumaïne Adoum: «Le Tchadien veut sortir de la pauvreté, veut de la démocratie et de la liberté»

Lors de l’élection présidentielle du 6 mai au Tchad, s’affronteront notamment le président de transition Mahamat Idriss Deby et l’ancien opposant et désormais Premier ministre Succès Masra. Le porte-parole de la plateforme de la société civile tchadienne Wakit Tama Soumaïne Adoum porte un regard sans concession sur le processus électoral et sur la présence militaire française dans son pays, après l’annonce du maintien des troupes françaises. Il est au micro de notre correspondant à Ndjamena, Carol Valade. Le scrutin du 6 mai est censé mettre un terme à la période de transition entamée en avril 2021 à la mort du président Idriss Deby et l’accession au pouvoir de son fils, Mahamat Idriss Deby porté par un groupe de généraux. Il intervient dans un contexte de tensions, marqué par la mort de l’opposant Yaya Dillo, tué lors d’un raid de l’armée au siège de son parti le 28 février dernier, mais aussi de crise sociale depuis la hausse brutale des prix du carburant.Ce contexte d’interrogation concerne également le plan diplomatique, après que l’envoyé spécial du président français pour l’Afrique, Jean-Marie Bockel, a déclaré à Ndjamena son « admiration » pour la transition en cours et le maintien des troupes françaises dans le pays.Soumaïne Adoum est le porte-parole de la plateforme de la société civile tchadienne Wakit Tama, il porte un regard sans concession sur le processus électoral et sur la présence militaire française dans son pays.RFI : Succès Masra, ancien opposant, aujourd'hui Premier ministre du Tchad, vient d'annoncer sa candidature à l'élection présidentielle. Quelles sont ses chances ? Soumaïne Adoum : Avant son accord de Kinshasa, Succès Masra s'est battu pour que les élections soient transparentes, crédibles, honnêtes, etc. Depuis qu'il est rentré, l'ensemble du processus pour mettre en place des élections crédibles ne le sont plus.L'Ange [Agence nationale de gestion des élections - NDLR] est dirigée par un membre du MPS [parti fondé par le défunt président Idriss Deby et qui a investi Mahamat Idriss Deby en tant que candidat - NDLR], le Conseil constitutionnel est dirigé par le porte-parole même du MPS. Alors que ces deux organes-là organisent les élections et le second arbitre les différends, quelle est l'assurance qu'il a déjà pour être candidat et, deuxièmement, pour croire qu'il peut gagner ?Avec un handicap supplémentaire du fait que, étant Premier ministre, c'est Succès Masra qui prend un peu tous les coups. On l'a vu avec l'augmentation des prix du carburant, c'est lui qui l'a annoncée.Et puis non seulement ça, maintenant, on annonce la gratuité de l'électricité, pour de l'électricité qui n'existe pas. C'est une moquerie et c'est une opération dans laquelle il gagne doublement : ils ne nous fournissent rien, ils rendent ça gratuit. Bon, pour ceux qui ne savent pas, ils applaudissent, ceux qui ont l'électricité à la maison, ils grognent. Mais oui, mais l'annonce a été faite que c'est gratuit, et ça compte pour la campagne.À vous entendre, le président de transition aurait un véritable boulevard devant lui ?Je ne vois pas qui va empêcher l'élection de monsieur « Kaka ». D’autant plus que la communauté internationale attend le résultat final pour dire « OK, c'est bon, l'important, c'est qu'on continue la coopération ». Et Jean-Marie Bockel qui dit qu'il est satisfait de la transition : je ne sais pas ce qu'il a appris de la transition, lui.Ces propos de Jean-Marie Bockel, qui ont été tenus donc à la présidence tchadienne, seulement quelques jours après la mort de Yaya Dillo, est-ce qu'ils vous ont choqués ?C'est plus que choquant. Déjà, la mort de Yaya Dillo est un choc. Qu'après, quelqu'un arrive et dise que la transition se passe bien, quand il y a à peine dix jours, on a assassiné un des opposants qui peut gêner pendant les élections, ça, quand même, c’est fort de café. Mais en plus Jean-Marie Bockel dit que...… que l'armée française reste présente, qu'elle doit rester au Tchad. Ça aussi, j'imagine que c'est quelque chose qui vous fait réagir ? Pour les Tchadiens, c'est une déclaration de guerre parce que cette affaire est claire : on a dit qu’on accepterait tout sauf la présence militaire. Ça fait 130 ans que l'armée française est présente sur ce territoire, ce n'est pas acceptable. Alors s'il arrive et que lui, il décrète que l'armée française doit rester, ce n'est pas l'opinion des Tchadiens. C'est l'opinion du président de la transition, oui, mais ça c'est entre eux deux. Les Tchadiens, c'est autre chose. Les Tchadiens veulent un départ définitif de la base militaire quelles que soient les conditions.Et selon vous, pourquoi est-ce que les Français cherchent à maintenir cette présence ?Déjà pendant la colonisation, le territoire tchadien était toujours appelé un « territoire militaire », puis la tradition a continué. Deuxièmement, le Tchad est un verrou au niveau continental, et donc, une des clés, un des piliers de la puissance militaire française. Mais ça, ce sont les intérêts français, ce ne sont pas les intérêts tchadiens.Et vous diriez donc qu'il y a un lien entre cette présence militaire et le ton qui est employé par la diplomatie occidentale à l'égard du Tchad ? Oui, et il faut interroger le fait que, est-ce que ce n'est pas à cause de la base militaire, que l'exception politique démocratique est ainsi accordée au régime qui a fait le putsch en 2021 ? Est-ce que bousculer la question politique équivaudrait à perdre l'avantage militaire au Tchad ? Je ne sais pas. Dans le dialogue qu'on a eu avec les pays membres de l'Union européenne, en Europe, les visites que nous avions faites sur place, le plus souvent, on nous a opposé le fait que si on pousse trop d'exigences vis-à-vis du pouvoir, alors on pousse le pouvoir entre les mains des Russes, des Chinois et enfin des Brics (groupe créé par le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du sud – NDLR).Mais qu'est-ce que vous offrez de mieux pour que les gens n'aillent pas voir les Russes ? Le Tchadien veut sortir de la pauvreté, le Tchadien veut de la démocratie, le Tchadien veut de la liberté, ne veut plus un soldat qui lui botte les fesses. La liste n'est pas longue. Vous voyez, dans ces conditions-là, la position du Tchadien n'est pas écoutée, elle n'est pas audible du côté du pouvoir je veux dire, parce que le pouvoir est soutenu de l'extérieur.
3/14/20244 minutes, 28 seconds
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Cameroun: «Il n'y a aucune raison d'appeler à une transition politique», dit le ministre René Emmanuel Sadi

Au Cameroun, la présidentielle de 2025 se profile. Le président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, sera-t-il candidat à un huitième mandat ? « Au terme de son mandat, les Camerounais seront informés de sa décision, le moment venu : se représenter ou se retirer », répond le ministre camerounais de la Communication, porte-parole du gouvernement René Emmanuel Sadi, qui précise que l’âge du chef de l’État - 91 ans - n’est pas un problème. Entretien. RFI : Dix ans après sa libération, le professeur Titus Edzoa plaide pour une transition politique au Cameroun, et se dit prêt à la diriger, quelle est votre réaction ?René Emmanuel Sadi : Il n’y a aucune raison d’en appeler en ce moment à une transition politique au Cameroun. Les institutions fonctionnent, le président de la République exerce pleinement ses fonctions. La question ne peut pas se poser, elle est absolument inopportune de notre point de vue.Titus Edzoa précise que certaines personnes du premier cercle du pouvoir l’ont contacté pour qu’il dirige cette future transition, qu’est-ce que vous en pensez ?Ecoutez, personnellement, j’en doute. C’est une déclaration qui n’engage que monsieur Titus Edzoa, et ceux probablement qui disent l’avoir contacté.Alors, transition ou alternance, monsieur Edzoa n’est pas le seul acteur politique camerounais à demander un changement au sommet de l’Etat… Est-ce qu’après 41 ans de présidence de Paul Biya, vous pouvez entendre ce besoin de changement ?C’est le peuple camerounais qui en décide. Et les élections s’annoncent en 2025, on verra bien si les Camerounais souhaitent changer dans un sens ou dans un autre.Quand monsieur Edzoa affirme que, depuis 2018, rien de ce qui a été promis n’a été fait, comment vous réagissez ?Il y a là encore l’expression d’une contrevérité. Au plan politique, le président de la République a organisé un grand dialogue national et, ça vous le savez, qui aura abouti à la création d’un statut spécial dans les deux régions du nord-ouest et du sud-ouest. Au plan économique, des grands chantiers ont été engagés, notamment des barrages, des ponts, des routes, pour ne citer que cela. Enfin, au plan socio-culturel, et sportif, comme vous le savez, notre pays a organisé en 2022 une des Coupes d’Afrique des nations les mieux organisées de l’histoire. Prétendre que rien n’a été fait depuis 2018, selon le professeur Titus Edzoa, me semble relever de la mauvaise foi.Le professeur Edzoa estime qu’en 2025, le peuple camerounais n’attend ni une nouvelle candidature du président Biya, ni une candidature de son fils Franck. Qu’est-ce que cela vous inspire ?Ecoutez, le président de la République s’est prononcé publiquement, et ceci à plusieurs reprises, sur la question de son éventuelle candidature au terme du mandat en cours. Et il a toujours dit qu’au terme de ce mandat, les Camerounais et la Communauté internationale seront informés de la décision qu’il prendra : celle de se représenter, ou celle de se retirer. Le président de la République se déterminera en accord avec les militants de son parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais, le RDPC. Quant à son fils, Franck Biya, s’il remplit les conditions de son éligibilité, il prendra sa décision en toute responsabilité.Est-ce que l’âge du capitaine est un paramètre dans les discussions à venir au sein du parti RDPC ?Je pense qu’il faut relativiser un peu cette question qui revient tout le temps, l’âge, l’âge, l’âge… L’expérience aussi ça compte, et l’expérience elle vient avec l’âge.Le professeur Titus Edzoa demande la libération des personnalités politiques actuellement en prison. Il cite notamment d’anciens Secrétaires généraux de la présidence, comme Marafa Hamidou Yaya et Jean-Marie Atangana Mebara, mais aussi Gilles Roger Belinga et notre confrère Amadou Vamoulké, sans compter bien sûr les 41 membres du parti d’opposition MRC actuellement en prison. Quelle est votre réaction ?Alors nous n’avons pas coutume de nous ingérer dans les questions qui ont trait à la justice. Et ces compatriotes, vous le savez, ont été traduits devant les tribunaux, ils ont été jugés de façon transparente, dans un cadre accessible au public, pour des délits que nous connaissons, ce sont des délits de droit commun et non des délits d’ordre politique, il n’y a pas de prisonniers politiques au Cameroun, ça il faut le dire, il faut le souligner. Et c’est donc la justice qui décidera de les relaxer ou de continuer de les maintenir en prison. Si jamais une action était envisagée ou souhaitée, je pense notamment peut-être à une grâce éventuelle, présidentielle, à ce moment-là, oui, bien sûr, ceci est conforme aux lois et au règlement.Le prisonnier Marafa Hamidou Yaya est gravement malade, il a perdu la vision d’un œil. Est-ce qu’un geste peut être envisagé ?Ecoutez, je crois que tout peut être envisagé. Je ne peux pas me substituer à qui de droit pour vous dire si une grâce peut être accordée ou non.À lire aussiTitus Edzoa: «Je ne conçois pas qu'on soit privé de sa liberté parce qu'on a une opinion différente»
3/13/20244 minutes, 44 seconds
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Guinée: «Nous devons travailler à une décrispation politique», annonce le Premier ministre Bah Oury

En Guinée, le nouveau Premier ministre Bah Oury choisit RFI pour accorder sa première interview et il annonce que le référendum constitutionnel doit se tenir avant la fin de l'année. Est-ce à dire que la transition militaire ne va pas s'arrêter en décembre prochain, comme l'avait pourtant promis le général Doumbouya, et que les civils ne reviendront pas au pouvoir avant 2025 au plus tôt ? En ligne de Conakry, le Premier ministre s'exprime aussi sur les pénuries de carburant et d'électricité. RFI : Vous dites que vous venez à la primature pour décrisper la situation, l’une des causes de la grave crise d’il y a deux semaines, ce sont les coupures de chaînes de radios et de télévisions indépendantes, ce sont aussi les restrictions sur internet, « halte à la censure » disent les Forces vives de Guinée, est-ce toutes ces coupures vont cesser ?Bah Oury : La semaine dernière, j’ai déjà rencontré, à ma demande, les professionnels des médias, et nous avons eu à échanger sur la question. Dans les prochains jours, nous allons travailler à ce que la situation redevienne normale. En ce qui concerne la question de la restriction d’internet, la restriction a été levée.Et quand vous dites que vous avez dit aux patrons des médias que la situation allait redevenir normale, c’est du point de vue des chaînes de radios et de télévisions qui sont actuellement coupées ou brouillées ?Peut-être que je n’ai pas dit exactement que ça redeviendra normal, mais j’ai pris en compte leurs doléances et leurs préoccupations, et je vais en discuter avec le président de la République, le général Doumbouya, pour avoir son point de vue. Et je pense que l’état d’esprit qui doit prévaloir à l’heure actuelle, c’est un état d’esprit de décrispation, et comme les médias, notamment les responsables, vont mettre en place un organe d’auto-régulation interne, je pense qu’ils ont pris bonne note de la nécessité de moraliser et de discipliner une nouvelle génération de journalistes qui sont beaucoup plus dans la culture des réseaux sociaux que dans la culture d’un professionnalisme avéré, en ce qui concerne le métier du journalisme.Depuis l’explosion du principal dépôt de carburant de Conakry, c’était le 17 décembre dernier, il y a pénurie de carburant, il y a encore plus de délestage d’électricité qu’avant, qu’est-ce que vous comptez faire pour remédier à tout cela ?Cette situation, vraiment, a été une catastrophe nationale, avec bien entendu les pertes en vies humaines. Il faut faire face notamment aux besoins de la population affectée, pour retrouver, avant la saison des pluies, des logements décents et puis assurer l’approvisionnement en carburant du pays. J’espère que, dans les prochains mois, on pourra parvenir à assurer une desserte tout à fait régulière en attendant la construction d’un nouveau dépôt. En ce qui concerne la question de l’électricité, on se bat actuellement avec les équipes concernées pour trouver des solutions, quitte à débourser des montants qu’on aurait pu utiliser dans le secteur des investissements pour avoir la capacité de produire plus d’électricité, d’où la nécessité de faire appel à un bateau qui abrite des groupes thermiques pour assurer une capacité de production supplémentaire.Donc il y a dans le port de Conakry un bateau qui fait centrale thermique en quelque sorte, c’est ça ?Oui, c’est bien ça. Mais le bateau n’est pas encore là, et nous sommes en train de voir avec toutes les structures concernées pour activer l’arrivée de ce bateau et pour avoir une capacité supplémentaire de production d’électricité.Depuis l’arrivée au pouvoir des militaires du CNRD il y a deux ans et demi, le dialogue est très difficile avec les trois grandes formations politiques du pays, le RPG d’Alpha Condé, l’UFDG de Cellou Dalein Diallo, et l’UFR de Sidya Touré… Que comptez-vous faire pour convaincre ces grands partis de parler avec le pouvoir et avec vous ?Vous savez, chaque chose en son temps. Dans la première phase, il y avait eu des crispations qui sont nées de manière presque spontanée. Après deux ans et demi maintenant, le temps a permis de ramener la raison au niveau de la plupart des acteurs. Et suite à ma nomination, j’ai reçu les encouragements et les félicitations des acteurs que vous venez de citer, donc nous allons renforcer cette dynamique de décrispation, et nous allons travailler à ce que tout le monde puisse se retrouver autour de la table pour que la Guinée puisse revenir à un ordre constitutionnel normal et par la suite baliser le chemin pour une gouvernance vertueuse, équilibrée, consensuelle, pour en finir avec plusieurs décennies d’errance et de soubresauts qui affectaient la paix sociale et la stabilité du pays.Et est-ce que vous avez parlé récemment avec votre ancien camarade de parti, Cellou Dalein Diallo ?72 heures après ma nomination, lui-même a pris l’initiative de m’appeler pour me féliciter et m’encourager.Et que lui avez-vous répondu ?Je lui ai répondu que je le remercie, et qu’il est temps que nous tous, nous travaillions pour assurer un retour à un ordre constitutionnel.Il vous a évidemment demandé si vous étiez favorable à son retour d’exil, qu’en pensez-vous ?Non, nous n’avons pas évoqué cette question.Quand vous avez accepté de venir à la primature, vous avez nécessairement demandé aux miliaires du CNRD et au général Mamady Doumbouya combien de temps allait encore durer la transition. Qu’est-ce qu’ils vous ont répondu ?Je pense que la durée de la transition dépend de ce qui va être fait sur le terrain. Nous avons besoin de finaliser la mise en place du recensement administratif à vocation d’état civil, et de ce fichier d’état civil, il y aura l’extraction pour avoir le fichier électoral. A partir de l’établissement du fichier électoral, le referendum a été déjà indiqué comme étant un objectif majeur par le président du CNRD, le général Mamady Doumbouya. Donc d’ici la fin de l’année, il faut nécessairement que le referendum constitutionnel puisse être tenu. A partir de ce moment-là, les autres processus électoraux vont être déclinés.Ce qui vous laisse espérer une fin de la transition l’année prochaine, en 2025 ?J’espère que nous tiendrons le cap, et ce qui est en train d’être fait va dans cette direction.S’il y a un referendum avant la fin de l’année, peut-on espérer un retour à l’ordre constitutionnel normal d’ici un an ?Je ne peux pas me prononcer puisqu’il y a beaucoup de contingences. Dans un contexte où nous accusons une fragilité sur le plan économique, sur le plan financier, nous devons travailler à une stabilisation, à une décrispation politique pour avoir la possibilité d’examiner et de faire les étapes des chronogrammes dans une relative sérénité, donc l’objectif c’est de finir cela. Et je pense que 2025 est une bonne période pour couronner l’ensemble du processus, et toujours avec l’aide de dieu, parce que, par exemple, l’explosion du dépôt de carburant a été vraiment un coup très dur et qui impacte l’ensemble des activités de l’Etat aujourd’hui.À lire aussiEn Guinée, Amadou Oury Bah nommé Premier ministre par la Transition
3/12/202417 minutes, 45 seconds
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Titus Edzoa: «je ne conçois pas qu'on soit privé de sa liberté parce qu'on a une opinion différente»

Au Cameroun, les grandes manœuvres commencent en vue de la présidentielle, prévue en octobre 2025. Du côté du pouvoir, on ne sait pas encore si Paul Biya, qui gouverne depuis plus de 41 ans, sera candidat à un nouveau mandat. Mais le professeur Titus Edzoa plaide pour une transition et se dit prêt à la diriger. Ancien médecin personnel de Paul Biya et ancien secrétaire général de la présidence, Titus Edzoa a payé cher sa volonté d'être candidat en 1997. Il a fait dix-sept ans de prison et vient de fêter les dix ans de sa libération.
3/11/20244 minutes, 32 seconds
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Bobi Wine: «Ce film raconte l'histoire du peuple ougandais qui se bat pour la démocratie»

Bobi Wine, le président du peuple, un film consacré à l'opposant ougandais, est nommé aux Oscars. La 96e cérémonie a lieu ce dimanche 10 mars à Los Angeles. Le documentaire, nommé dans la prestigieuse sélection, retrace le parcours de Robert Kyagulanyi Ssentamu de son vrai nom, depuis ses débuts en tant que musicien engagé jusqu’à sa candidature à la présidence en 2021. Un parcours semé d'embûches pour cette icône de la jeunesse, qui n'a jamais baissé les bras.  À lire aussiOuganda: un documentaire sur l'opposant Bobi Wine nominé aux Oscars
3/10/20244 minutes, 59 seconds
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Dieynaba N'Diom: «Réfléchir à des mécanismes qui permettent aux féministes de ne pas être muselées»

En ce 8 mars 2024, Journée internationale des droits des femmes, notre invitée de ce matin lance une alerte. Il faut, dit-elle, protéger les féministes en Afrique, notamment contre les attaques sur internet et contre le cyber-harcèlement. La sociologue mauritanienne Dieynaba N'Diom milite au sein du Réseau des Jeunes Féministes d'Afrique de l'Ouest francophone. Elle se bat notamment pour que les auteurs de violences et de harcèlement à l'égard des femmes soient poursuivis par la justice. En ligne de Nouakchott, elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
3/8/20246 minutes, 57 seconds
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Sénégal: «Le Conseil constitutionnel ne pouvait pas renier sa propre jurisprudence»

Au Sénégal, c'est finalement à la fin de ce mois de mars que le 1ᵉʳ tour de la présidentielle aura lieu. La présidence de la République se conforme donc à la volonté du Conseil constitutionnel, qui voulait qu'on vote avant l'expiration du mandat de Macky Sall le 2 avril prochain. Et lors de ce 1ᵉʳ tour, il n'y aura sur la ligne de départ que les 19 candidats prévus initialement. Pas de nouvelles candidatures possibles, comme l'espérait pourtant Karim Wade. Est-ce une surprise ? La réponse de Papa Fara Diallo, qui est maître de conférences en Science politique à l'université Gaston Berger de Saint-Louis.
3/7/20244 minutes, 3 seconds
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Gabon: «il y a eu des erreurs, il faut le reconnaître», dit l’ex-Premier ministre Bilie-by-Nze

Vous l'avez entendu hier mardi matin, Alain-Claude Bilie-By-Nze est sorti de son silence. L'ancien Premier ministre gabonais s'est exprimé pour la première fois depuis le coup d'État du 30 août. L'ex-chef du gouvernement a parlé d'une crise profonde au sein de l'ancien parti présidentiel PDG et a demandé une réunion d'urgence. Alain-Claude Bilie-By-Nze est notre invité ce matin. Il revient sur le putsch, ses causes, en reconnaissant d'ailleurs des erreurs. Il égratigne au passage la transition.
3/6/202412 minutes, 26 seconds
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Succès Masra: «Rien dans la Constitution ne m’empêche d’être candidat à la présidentielle si je le souhaite»

Au Tchad, six jours après la mort par balles de l'opposant Yaya Dillo. le Premier ministre Succès Masra promet sur RFI qu'il y aura « une enquête de type international ». Au moment de la fusillade à Ndjamena, le Premier ministre tchadien était en visite à Washington. Ce mardi, il est de passage à Paris, où il doit être reçu dans l'après-midi par son homologue français Gabriel Attal. Succès Masra sera-t-il candidat face au président Mahamat Idriss Déby lors de la présidentielle du 6 mai prochain ? Le Premier ministre, qui rentre demain mercredi au Tchad, répond aux questions de RFI.
3/5/202411 minutes, 26 seconds
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Sénégal: la tenue de la présidentielle avant le 2 avril «compliquée mais pas impossible»

Ce lundi 4 mars, le président Macky Sall doit recevoir les conclusions du « dialogue national » qui a proposé de reporter la présidentielle au 2 juin et de l’élargir à de nouveaux candidats. Beaucoup guettent la réaction du chef de l’État, mais aussi celle du Conseil constitutionnel, qui avait dit que le vote devait avoir lieu avant le 2 avril. Va-t-on vers de nouvelles tensions ? Entretien avec Mamadou Lamine Sarr qui enseigne les sciences politiques à l'université numérique Cheikh-Hamidou-Kane de Dakar. À lire aussiSénégal: l’Union européenne contre toute extension du mandat du président Macky Sall
3/4/20244 minutes, 34 seconds
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Bénin: «Paulin Hountondji rompt avec une pratique qu'il a appelée ethnophilosophie»

Ce samedi 3 mars ont eu lieu au Bénin les funérailles de Paulin Hountondji, figure majeure de la philosophie en Afrique, décédé à l'âge de 82 ans. Pourquoi Hountondji a-t-il marqué l'histoire de la pensée sur le continent ? Avec quelles idées ? Entretien avec le philosophe sénégalais Bado Ndoye, professeur à l'université Cheikh-Anta-Diop de Dakar et auteur d'un ouvrage sur Hountondji. À lire aussiPaulin Hountondji, le philosophe «libérateur d’avenir»
3/3/20244 minutes, 14 seconds
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Tchad: «Nous sommes des candidats à la mort», dit l'opposant Max Kemkoye

Les réactions politiques s’enchainent après la mort de l'opposant Yaya Dillo, tué le 28 février lors de l’assaut donné par l’armée contre le siège de son parti. Le porte-parole du gouvernement a affirmé ce vendredi sur RFI que ce sont les hommes de Yaya Dillo qui ont ouvert le feu et contraint à la riposte. Il assure que s’il s’était rendu, la situation n’aurait pas dégénéré. Les soutiens de l’opposant dénoncent un assassinat. La version officielle ne satisfait pas non plus Max Kemkoye, du groupe de concertation des acteurs politiques, une plateforme d’opposition radicale à la transition, politiquement proche de celle de Yaya Dillo. RFI : Yaya Dillo et vous, vous étiez des opposants résolus à la transition depuis le début, comment est-ce que vous avez pris ces événements tragiques de la semaine ? Max Kemkoye : J'ai été atterré, profondément bouleversé. On s'est vus avec Yaya deux jours avant. On s'est appelé 24 heures avant. Au petit matin, j'ai appelé sur ses deux numéros privés. Ça ne sonnait plus, je m'en suis inquiété. Les amis et quelques partenaires qui m'ont approché pour en savoir plus, je leur ai dit ‘moi non plus je n'ai pas la position de Yaya, je ne sais pas s’il est mort ou vivant cette nuit-là’. Quand quelqu'un m'a appelé pour me donner la confirmation de la mort de Yaya, je n’en suis pas revenu, je m'en suis difficilement remis et ça continue encore. Mais, pourquoi je suis réconforté ? Simplement parce qu’il faut honorer la mémoire d'un grand camarade de lutte, comme Yaya Dillo.  Selon les autorités, ce sont les forces de défense et de sécurité qui ont répondu à des tirs venant des gens du PSF. Qu'est-ce que vous pensez de cette version ? Le gouvernement et les autorités judiciaires se sont lancés dans un narratif, mais c'est un vernis qui cherche à donner un habillage à un gros mensonge. Tous les Tchadiens le savent, y compris les éléments des forces de défense et de sécurité le savent. Nous exigeons d'abord des clarifications, mais des clarifications nettes. Ce sont des narratifs bidons du ministre de la Communication, du procureur de la République qui ne convainc personne. Nous exigeons du Premier ministre ce texte opposant qui a permis que tout ça arrive, qu'il vienne nous donner des explications claires, c'est à lui, le chef du gouvernement et le président de transition. Ils doivent nous donner des clarifications nettes. Ensuite, nous exigeons une enquête indépendante. Mais cette enquête indépendante, ce ne sera pas une enquête locale qui a été toujours biaisée et enterrée, comme des précédentes enquêtes. Et c'est là-dessus que nous attendons les partenaires et amis du Tchad. C'est là-dessus que nous attendons les Nations unies. C'est là-dessus que nous attendons l'Union africaine. Sans quoi nous n'allons pas accepter.Le ministre dit que si Yaya Dillo s'était rendu, la situation ne serait pas arrivée à une telle extrémité. Totalement faux. Est-ce que Yaya Dillo a reçu régulièrement une convocation venant du procureur de la République ? Non. Première, deuxième, troisième convocation, comme se veut la procédure et qu'à l'issue, si Yaya refuse d'obtempérer, le procureur de la République a la possibilité – avec les officiers de la police judiciaire, la gendarmerie et la police – d'interpeller ou de prendre Yaya Dillo pour l'astreindre à une contrainte par corps et de l'amener, puisque Yaya Dillo est un civil, il n'est pas militaire. Mais pourquoi procéder par une interpellation d'un civil avec une présence fortement armée, essentiellement des militaires, pour donner l'assaut, pour la reddition d'un civil, en tout cas d'un acteur politique ?Craignez-vous que cette situation amène des difficultés pour le Tchad, crée des tensions alors qu'on approche des élections ? La tension aujourd'hui, elle est pour nous qui continuons à parler. Mais nous sommes des candidats à la mort. La tension, elle est déjà là, les troubles sont déjà là. Le cocktail explosif, il est réuni mais ce que nous regrettons, c'est le facilitateur Felix Tshisekedi, qui s'est fendu dans un communiqué incompréhensible qui se permet de décrire une situation dont il n'a même pas les éléments d'appréciation. Pourquoi est-il allé si vite en besogne ? Mais ce n'était pas le cas, puisqu'il est l'appui inconditionnel de la junte au pouvoir. Il en fait usage pour produire son communiqué. Mais pour le reste, les Nations unies sont interpellées et avec en tête, les États-Unis qui apportent leur soutien inconditionnel à cette junte aujourd'hui qui tue les acteurs politiques, cette junte qui a tué déjà 300 jeunes Tchadiens qui sont sortis pour exercer leurs droits et dont on a accordé l'impunité, c'est à dire la licence de tirer pour tuer. Et nous pensons que les États-Unis d'Amérique, la France et au-delà l'ensemble de la communauté internationale incarnée par les Nations unies, ils ont la clé des solutions du problème du Tchad. S’ils en font usage, ils peuvent ouvrir les portes d'une accalmie, d'une stabilité pour avoir un processus conclusif et serein.À lire aussiAu Tchad, la mort de Yaya Dillo sème le trouble et l'inquiétude dans un contexte pré-électoral
3/2/20244 minutes, 8 seconds
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Mort de Yaya Dillo au Tchad: «Ce n'est pas le fait du gouvernement ni des autorités»

Au Tchad, 24h après l’assaut contre le siège du Parti socialiste sans frontières qui a occasionné d’intenses détonations au centre de Ndjamena ce mercredi 28 février, les autorités ont confirmé, le lendemain, la mort de l’opposant Yaya Dillo, au cours de l’opération de l’armée. Selon le gouvernement, quatre militaires et trois membres du Parti socialiste sans frontières ont été tués en deux jours. Une autre issue était-elle possible ? Entretien avec le ministre de la Communication, Abderaman Koullamalah. À lire aussiMort de Yaya Dillo au Tchad: retour sur le parcours d'un cousin trop gênant
3/1/20244 minutes, 42 seconds
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Benoît Collombat: «Dulcie September devenait trop gênante pour ce qu’elle dénonçait sur les ventes d’armes» au régime d’apartheid

C’est l’un des plus grands dénis de justice de l’histoire de la Françafrique. Trente-six ans après l’assassinat en plein Paris de Dulcie September, la représentante en France de l’ANC de Nelson Mandela, on ne sait toujours pas qui a commandité ce crime et qui l’a exécuté. L’enquête continue. Et beaucoup se demandent si les services secrets français n’ont pas été complices du régime d’apartheid d’Afrique du Sud. Aux éditions Futuropolis, Benoît Collombat et Grégory Mardon viennent de publier un roman graphique, qui s’intitule tout simplement Dulcie. Benoît Collombat est notre invité.
2/28/202412 minutes, 7 seconds
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Bruno Lemarquis (ONU): «Ce plan de réponse humanitaire vise à apporter assistance à 8.7 millions de personnes» en RDC

En RDC, les combats (entre l'armée congolaise et le M23 que le Rwanda est accusé de soutenir) font rage depuis le début de ce mois de février autour de Saké, à une vingtaine de km seulement de Goma, provoquant un nouvel afflux de déplacés vers les sites déjà surpeuplés de la capitale du Nord Kivu. Un plan de réponse humanitaire pour 2024 a été lancé la semaine dernière. Les besoins de financement sont immenses : 2,6 milliards de dollars. Notre invité ce matin est Bruno Lemarquis, représentant spécial-adjoint du secrétaire général de l’ONU en RDC et coordonnateur de l’action humanitaire.
2/27/20244 minutes, 31 seconds
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Kobenan Kouassi Adjoumani: «Vous avez contribué à la déforestation. Maintenant, trouvons la solution»

À Paris, s'est ouvert samedi et jusqu'à dimanche prochain le Salon de l'Agriculture. Plusieurs pays africains y sont représentés. Parmi eux, la Côte d'Ivoire, un poids lourd de la production de cacao, d'anacarde et de manioc qui sert à faire le fameux attiéké. Un pays agricole, mais qui peine à transformer sa production en produits finis. Ce serait pourtant l'occasion de dégager encore plus de richesses des produits de la terre pour les paysans et les transformateurs locaux. Des efforts restent à faire sur le conditionnement pour le marché à l'export. Pour en parler, notre invité est le ministre de l'Agriculture Kobenan Kouassi Adjoumani. RFI : La Côte d’Ivoire est un pays leader en matière de production de cacao et d’anacardes, on le sait, mais pour autant, la transformation de ces produits reste en deçà de ce qu’elle pourrait être, pourquoi ? Kobenan Kouassi Adjoumani : L’objectif d’un pays, en produisant, c’est de parvenir à transformer ce qu’il produit. Lorsque je prends, par exemple, la noix de cajou, en 2011, nous étions à 30.000 tonnes de produits transformés. Aujourd’hui, nous en sommes à 265.000 tonnes. Les prévisions disent qu’au cours de l’année 2024, nous aurons 320.000 tonnes de produits transformés de noix de cajou.De noix décortiquées…Ça, c’est important, car c'est des amandes que nous consommons, même s’il y a des dérivés qui en sortent. Toujours est-il que nous avons aujourd’hui beaucoup d’investisseurs qui arrivent en Côte d’Ivoire et qui s’installent, et je crois que d’ici là, nous allons renverser la tendance. Au niveau du cacao, c’est la même chose. Nous avons la possibilité actuellement de broyer 600.000 tonnes de cacao.Le broyage ou le décorticage, ce sont des produits semi-transformés, ce ne sont pas des produits prêts à être consommés.Ce sont des produits semi-transformés, mais avant, on n’avait pas ça. C’est progressivement que nous allons atteindre nos objectifs. Aujourd’hui, nous avons des artisans chocolatiers qui fabriquent des tablettes de chocolat.En faible quantité ? Oui, en faible quantité, mais si, au niveau de chaque localité, nous avons des jeunes qui s’adonnent à cette pratique, des petites transformations peuvent aussi nous permettre d’atteindre cet objectif.Est-ce que l’État ivoirien ne pourrait pas faire aussi vite pour construire des usines de transformation du cacao, ou d’anacardes, comme elle a fait aussi vite pour construire des stades de foot, par exemple ? Parce qu’on a vu l’effort qui a été déployé pour construire des stades pour la CAN, et finalement, une usine, ça prend beaucoup plus de temps. Pourquoi ? Là, c’est l’État de Côte d’Ivoire qui investit pour bâtir des infrastructures au regard de la CAN qui devait être organisée chez nous. Mais dans le domaine de l'installation des usines, ce sont les privés, ce n’est pas la même chose.L’État a un pouvoir incitatif…L’État a mis en place une politique de portes ouvertes grâce à laquelle les investisseurs peuvent venir. C’est pour cela, d’ailleurs, que nous sommes ici, pour sensibiliser les gens à venir s’installer. Au niveau, par exemple, de la noix de cajou, nous avons 28 unités de transformation, nous avons des plates-formes dédiées à la transformation de la noix de cajou.C’est vrai que pour l’anacarde, il y a un certain succès ivoirien. Et le cacao et la Côte d'Ivoire, c’est une vieille histoire ! Les récoltes de cacao, cette année, ont été nettement moins bonnes que l’année précédente, il y a un gap de 200.000 tonnes. Différents facteurs sont invoqués : le cacao de contrebande, qui part vers la Guinée ou le Liberia, les problèmes climatiques, qui font que la récolte était moins bonne, il y a aussi un certain nombre de problèmes sur le vieillissement des pieds. Est-ce qu’il y a lieu de s’inquiéter à ce niveau-là ?Vous savez, la Côte d’Ivoire fait face aux effets néfastes du dérèglement climatique qui, nécessairement, ont des implications sur notre production. Et nous notons qu’à l’instar des autres pays africains producteurs, il y a une baisse brutale. Nous avons également des vergers qui sont vieillissants et qui nécessitent qu’on les remplace.Mais vous savez à quoi est dû le dérèglement climatique ? À la déforestation !Oui, à la déforestation, c’est pour cela que nous avons décidé aujourd’hui de faire de l’agroforesterie. Nous plantons des arbres à l’intérieur des plantations.Vous parlez de l’agroforesterie, c’est une bonne chose, mais est-ce qu’on ne se rend pas compte, un peu trop tard, des ravages qu’a provoqués la déforestation pour justement planter des vergers de cacao ? Mais ce ne sont pas seulement les plantations de cacaotiers qui ont détruit nos forêts. Quand vous voyez tout le bois dont vous disposez ici pour bâtir vos maisons, pour faire vos infrastructures, tous ces arbres-là viennent d’Afrique, donc, vous aussi, au niveau de l’Europe, tout comme d’autres pays, vous avez contribué à la déforestation. Maintenant, trouvons la solution. La solution, c’est de parvenir à planter des arbres à l’intérieur de nos plantations et c’est ce que la Côte d’Ivoire est en train de faire.Monsieur le ministre Adjoumani, puisque la Côte d’Ivoire est championne d’Afrique de football, est-ce que vous pensez qu’un jour ce pays deviendra aussi un champion de l’agroalimentaire, comme le sont déjà l’Afrique du Sud ou le Maroc, par exemple ? Mais pourquoi pas ? Nous avons la possibilité d’atteindre ces objectifs-là et de devenir leader dans le domaine agroalimentaire. Déjà, nous disposons de terres arables, nous avons des lacs partout, nous avons des fleuves, nous avons des barrages, il n’y a pas de raison qu’on ne puisse pas être leader demain. Aujourd’hui, nous lançons un appel à l’endroit des investisseurs : qu’ils viennent en Côte d’Ivoire aider à fructifier cela.
2/26/20244 minutes, 37 seconds
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Elisabeth Dikizeko: «Lumumba fait partie des figures qui s’inscrivent dans le panthéon panafricain»

Comment Patrice Lumumba, le Premier ministre congolais assassiné en 1961, est-il devenu l'icône internationale qu'il est aujourd'hui ? Qui a contribué à construire ce prestige et cette aura ? La question traverse le dernier numéro de La revue d'histoire contemporaine de l'Afrique (RHCA), sous le titre « Global Lumumba ». L'une des coordonnatrices de ce numéro, Elisabeth Dikizeko, est notre invitée. RFI : À quel point le nom de Patrice Lumumba reste-t-il important pour les jeunes générations, pas seulement congolaises mais également du reste du continent ? Elisabeth Dikizeko : Je pense qu’au même titre que Kwame Nkrumah, le leader ghanéen, ou Thomas Sankara, le leader burkinabè, Lumumba fait partie de ces figures masculines qui s’inscrivent dans le panthéon panafricain. Il est loué, il est honoré, il est célébré pour son combat pour l’indépendance totale, pour l’intégrité territoriale, pour l’unité, et son assassinat a réellement constitué ce qu’on appelle un événement-monde, c’est-à-dire qu’on a observé des cris d’indignation et des manifestations partout dans le monde, que ce soit à Paris, à Pékin, à Harlem. Lumumba reste célébré sur l’ensemble du continent africain et c’est un phénomène que l’on observe à travers le rap, à travers la poésie. L’art est un matériau qui est extrêmement important, qui permet à la jeunesse de se souvenir de Patrice Lumumba et l’inscription du nom de Patrice Lumumba dans les mémoires du monde entier.Dans ce numéro de La revue d’histoire contemporaine de l’Afrique, justement, vous revenez sur les origines de ce caractère international de la figure de Lumumba. Qu’est-ce qui fait, selon vous, que Lumumba a dépassé les frontières du Congo ?  Lumumba représente le martyr d’une décolonisation confisquée et il y a eu plusieurs intermédiaires médiatiques, donc dans la presse, qui ont participé à l’iconicité de son nom. Dans le Ghana de Kwame Nkrumah, tout au long de l’année 1961, on parle de Lumumba, on s’intéresse à son assassinat, on publie les photos des responsables présumés de son assassinat. On sent réellement qu’il y a une surpolitisation de l’information au Ghana. On reste très concentrés sur la mort de Patrice Lumumba au Ghana.En raison des bonnes relations qu’entretenaient Patrice Lumumba et le président du Ghana, Kwame Nkrumah ? Oui, Patrice Lumumba et Kwame Nkrumah étaient alliés sur la même politique panafricaniste. C’étaient deux pays alliés, ils avaient signé un accord militaire secret dès le mois d’août 1960, ce qui témoignait, justement, de cet alignement idéologique panafricaniste. Au Sénégal, il y avait également des cris d’indignation autour de la mort de Patrice Lumumba, mais le phénomène Lumumba ne va pas durer autant qu’au Ghana : dès la fin du mois de février 1961, dans la presse sénégalaise, on ne parle plus de Patrice Lumumba.Elisabeth Dikizeko, quel rôle est-ce que les héritiers politiques de Lumumba ont eu dans la construction de cette figure internationale ? On parle encore de Lumumba parce qu’il y a toujours eu des lumumbistes qui ont essayé de maintenir son nom, de maintenir son combat. Par exemple, l’Union des jeunesses révolutionnaires congolaises qui, dans le Zaïre de Mobutu, a permis la pérennité du nom de Patrice Lumumba, qui a maintenu le combat de Patrice Lumumba et qui a produit une universalisation de la lutte congolaise, qui a créé des alliances internationales dans le monde entier pour faire vivre le nom de Patrice Lumumba. Et ces lumumbistes-là ont gardé la flamme et les idées de Patrice Lumumba jusqu’à aujourd’hui. Il y a toujours eu des réseaux souterrains, des îlots de résistance, qui ont permis la pérennité du nom de Patrice Lumumba.Un autre point sur lequel vous mettez la lumière dans ce numéro de La revue d’histoire contemporaine de l’Afrique, c’est le rôle d’un certain nombre de femmes – journalistes, militantes, poétesses – dans cette mise en place de l’icône de Patrice Lumumba. Quel a été ce rôle ? Il est important de ne pas négliger le rôle des femmes dans l’histoire de l’anticolonialisme, dans l’histoire des indépendances, dans la lutte contre le néocolonialisme. Ces femmes ont apporté, elles ont participé, elles ont produit, également, des textes anticolonialistes et des textes de soutien à Patrice Lumumba. Par exemple, les billets d’opinion de Mabel Dove – Mabel Dove est une figure très importante au Ghana, c’est la première femme députée du Ghana et d’Afrique. Il y avait également la militante britannique Dorothy Padmore, qui était la partenaire de George Padmore, grande figure du panafricanisme, intellectuel trinidadien qui était aux côtés de Kwame Nkrumah. Edith Wuver est également une figure qu’on découvre dans ce numéro d’Histoire contemporaine de l’Afrique, Edith Wuver est la première reportrice de guerre ghanéenne qui est envoyée au Congo pour décrire le vécu des troupes ghanéennes. Et puis, on découvre également dans ce numéro qu’il y avait des femmes poétesses, artistes, telle qu’Elizabeth Spio-Garbrah, qui écrivaient sur Lumumba et sur ces assassinats politiques.►La revue d'histoire contemporaine de l'Afrique est disponible gratuitement en ligne. 
2/25/20244 minutes, 27 seconds
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Michel Thierry Atangana détenu pendant 17 ans au Cameroun: «Je me bats pour retrouver mes droits»

Ce 24 février, cela fera dix ans que, au Cameroun, Titus Edzoa et Michel Thierry Atangana ont retrouvé la liberté après 17 années de détention. Le premier, Camerounais, ancien secrétaire général à la présidence de Paul Biya, devenu adversaire politique. Le second, Français d'origine camerounaise, présidait le comité de pilotage et de suivi des axes routiers Yaoundé-Kibri et Ayos-Bertoua quand il a été arrêté. Tous deux condamnés pour détournement de fonds. Entretien avec Michel Thierry Atangana. RFI: Aujourd'hui, à la veille de cette date anniversaire des dix ans de votre libération, que ressentez-vous ?Michel Thierry Atangana : Un soulagement d'être un peu libre et une tristesse d'être toujours un peu enchaîné. Aussi, une volonté de dire merci à tous ceux qui ont participé à ces libérations. Ceux qui m'ont aidé à être là aujourd'hui et la volonté de vous dire que je me bats toujours pour retrouver mes droits.« Un peu libre », parce qu'il faut rappeler que vous avez été gracié mais pas innocenté.Tout à fait.C’est une sorte de prison intérieure qui sommeille encore chez vous ? Prison, les chaînes intérieures, les chaînes physiques, les chaînes morales, éthiques... Je ne peux pas travailler, mes droits ne sont pas réglés et les droits des sociétés qui m'emploient ne sont pas toujours réglés, donc il reste beaucoup de chemin à faire et c'est sur ça que je travaille aujourd'hui.Il faut rappeler que vous avez été emprisonné pendant 17 ans dans une pièce qui est plus petite que celle où nous nous trouvons actuellement : 7 m², semi-enterrée, quasiment une cave, presqu'un tombeau, dites-vous, pas de lumière, deux à trois heures de permission de sortie à l'extérieur. On ne sort pas indemne de ce genre d'épreuve ?Je ne pense même pas qu'un jour je pourrais effacer toutes ces souffrances. Elles sont là, elles habitent avec moi, elles m'accompagnent. Elles détruisent mes nuits. Mon sommeil est léger, ma vie est marquée par cette longue souffrance. La solitude spirituelle, mentale, morale et l'indifférence, voilà. Au-delà de moi, je veux lancer un message d'espérance aux personnes qui sont détenues à l'étranger. Pour leur dire mon soutien. N'abandonnez pas. Continuez à œuvrer pour la libération de ceux qui souffrent.Votre lutte, Michel Thierry Atangana, pour demander réparation, a eu au moins une vertu : celle de faire voter en France une loi permettant à l'autorité judiciaire d'engager des procédures pour protéger des cas comme le vôtre. C'est le sens de mon combat. Je remercie le Parlement français qui a pu voter cette loi qui, de par mon exemple aujourd'hui, peut servir à ne pas laisser la France abandonner ses enfants à l'étranger. Cette loi permet de mieux protéger les Français qui vivent à l'étranger. C'est-à-dire que, maintenant, les rapports des Nations unies et des ONG sont recevables devant le juge français. C'est très important. Et même vos enquêtes, en tant que journalistes, sont des faisceaux de preuves pour les victimes. Parce que la victime, dans mon cas, avait du mal à peser devant le poids de la raison d'État. Les rapports diplomatiques sont beaucoup plus lourds que les individus. Cette loi donne une légitimité à toute personne en détention arbitraire qui veut pouvoir espérer une justice équitable, c'est très important.C'est pour cela que vous avez créé votre association, l'association Atangana contre l'oppression et l'arbitraire. Quel est son rôle, quels sont ses objectifs ?L'association œuvre pour pouvoir accompagner les victimes et les familles dans un premier temps. L'alerte en cas de détention arbitraire, et aussi l'accompagnement, parce que les procédures d'indemnisation sont très complexes et je pense qu'à mon avis, c'est très important d'avoir un accompagnement spécifique. Sur le nombre d'associations en France de victimes, il n'y en a pas qui s'occupent de personnes détenues à l'extérieur de France, donc l'association a un rôle très important. Aujourd'hui, on a une section de travail avec l'Union européenne pour que la loi qui a été votée en France soit aussi acceptée par l'Union européenne. Nous travaillons ce sens-là, ça prend du temps. Le temps de la justice n'est pas le temps humain, malheureusement. J’ai en charge une victime, mais je ne m'en réjouis pas mais justement, c'est dans mes discussions avec les soutiens politiques et parlementaires, leur dire : « Non, il faut des mesures d'assouplissement plus rapides ! » Depuis dix ans, ce qu'on m'a proposé, les aides sociales, j'ai dit non. J'ai besoin d'une indemnisation en lien avec ce que je suis, en tant que victime, pas en tant qu'aide. Mais ça prend du temps. Je demande la justice, ce n’est pas trop demandé ! Je ne demande rien d'autre, je n’ai pas d'autres ambitions et je le fais surtout pour mes enfants. Je le dis clairement : je ne voudrais pas que mes enfants portent cette « tâche » dans toute leur vie. Ceux qui s'appellent Atangana, je voudrais qu'ils soient fiers de porter mon nom.
2/23/20244 minutes, 37 seconds
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Présidence de l'UA: «Mohamed Ould Ghazouani peut faire valoir ses atouts d'homme du rang»

Le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani succède au Comorien Assoumani à la présidence tournante de l'Union africaine. Un choix presque in extremis, tant les tensions entre le Maroc et l’Algérie en Afrique du nord (à qui revenait le poste de la présidence) empêchaient un consensus. Quoi qu'il en soit, la tâche de la présidence mauritanienne dans un contexte de crise dans plusieurs zones du continent ne sera pas simple. C'est ce que pense Ibrahima Kane, chercheur à la fondation Open Society. Entretien. À lire aussiLe 37e sommet de l'Union africaine s'achève sur un constat «inquiétant» pour le continent
2/22/20244 minutes, 38 seconds
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Dialogue national au Gabon: «Nous allons nous rassembler pour penser à l'avenir du pays»

Bientôt six mois depuis le coup d’État du 30 août, qui a vu l’armée déposer le président Ali Bongo juste après l’élection présidentielle, où en est la transition gabonaise ? Avec à sa tête le général Brice Oligui Nguema, la transition doit durer jusqu’en août 2025 et un nouveau scrutin. Un moment charnière de cette transition sera le très attendu dialogue national. Ce rendez-vous historique doit entraîner une profonde réforme des institutions du pays, et préparer une nouvelle Constitution. Entretien avec Murielle Minkoué Mintsa, ministre de la Réforme des institutions, en charge de son organisation. À lire aussiLe Gabon modifie à nouveau sa charte constitutionnelle
2/21/202411 minutes, 13 seconds
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Cameroun: «À vingt mois de l’élection présidentielle, il faut libérer les prisonniers d’opinion»

Maximilienne Ngo Mbe, directrice exécutive du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale, réclame la libération des 41 militants du parti d’opposition de Maurice Kamto qui sont en prison. Et elle insiste sur d’autres cas emblématiques, comme celui de l’ancien secrétaire général de la présidence Marafa Hamidou Yaya, pour qui l’ancien président français François Hollande vient d’écrire une lettre au chef de l’État camerounais, Paul Biya. Entretien.
2/20/202410 minutes, 35 seconds
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Azali Assoumani: «Si on a raté l’unité politique, on ne doit pas rater l’unité économique et sociale de l’Afrique»

Adhésion de l’Union africaine au G20, rencontre avec Vladimir Poutine, multiplication des crises sur le continent, réélection contestée, le président des Comores, Azali Assoumani, dresse le bilan de son année à la tête de l’Union africaine, alors que le 37ᵉ Sommet de l’organisation vient de se clôturer. Depuis Addis-Abeba, il répond aux questions de notre envoyé spécial Sidy Yansané.
2/19/20244 minutes, 48 seconds
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Brahim Oumansour: l'Algérie doit «redoubler d’ingéniosité pour maintenir son poids géopolitique»

Dotée d'un fort potentiel géostratégique, économique et humain, l'Algérie, deuxième puissance militaire d'Afrique et dixième plus grande productrice de gaz dans le monde, ambitionne de revenir sur le devant de la scène internationale. Non sans défis et difficultés, comme le détaille Brahim Oumansour, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), à l'occasion de la sortie de son recueil L'Algérie, un rebond diplomatique, aux éditions Eyrolles, paru en novembre 2023.
2/18/20244 minutes, 19 seconds
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Sénégal: «Il y a possibilité de discuter pour tenir les élections dans les délais convenables», estime l'universitaire Moussa Diaw

Coup de théâtre au Sénégal. Le Conseil constitutionnel annule la loi qui reportait l’élection présidentielle au 15 décembre et oblige les autorités à organiser le scrutin dans les meilleurs délais, afin que le futur élu puisse entrer en fonction le 3 avril prochain. Est-ce une surprise ? Quelle est à présent la marge de manœuvre du président Macky Sall, qui avait initié ce report ? Moussa Diaw, professeur émérite de Sciences politiques à l’université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal, est notre invité. ► Décision du Conseil constitutionnel sénégalais
2/16/20244 minutes, 22 seconds
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Crise au Sénégal: l’option d’une libération de l’opposant Ousmane Sonko «est sur la table», selon un facilitateur

Au Sénégal, dix jours après l’annonce par le président Macky Sall de reporter la présidentielle, le mécontentement au sein de la société civile ne faiblit pas. Pour l’heure, pas de signe du président Macky Sall d’une volonté de faire marche arrière par rapport à sa décision de reporter la présidentielle. Mais depuis quelques jours des personnalités de la société civile disent œuvrer à trouver des solutions d’apaisement. C’est le cas de l’architecte et président du club des investisseurs du Sénégal Pierre Goudiaby Atepa qui affirme œuvrer comme facilitateur à la demande du président Macky Sall, il est notre invité au micro de Léa-Lisa Westerhoff. RFI : Est-ce que vous confirmez que le président Macky Sall vous a mandaté pour rencontrer Ousmane Sonko et aller vers un dialogue ?Pierre Goudiaby Atepa : Mandater est peut-être un mot trop fort, mais il m’a demandé de faire tout ce que je pouvais faire pour que les Sénégalais puissent se parler entre eux, y compris monsieur Sonko.Avec quel objectif ?L’objectif, d’abord, d’un apaisement réel de la situation. Il a appelé à un dialogue, mais bon, le dialogue, ça fait plusieurs fois qu’on parle de dialogue, je parle plutôt de concertation. Et il nous a demandé de voir ce que nous pouvons faire pour réunir les uns et les autres, pour voir comment, en interne, nous pouvons trouver des solutions, qui devraient passer par des dates raisonnables pour tenir des élections.C’est-à-dire ? Plus tôt que le 15 décembre ?Je pense que personne n’est d’accord pour le 15 décembre. Je pense, personnellement, que des délais qui nous amèneraient fin mai pourraient être raisonnables. Mais ça, le dialogue devrait, effectivement, nous permettre de trouver une date de consensus.Ousmane Sonko, pour l’heure, est en prison. Il a été condamné à plus de deux ans de prison. Beaucoup parlent de la possibilité de sa libération, est-ce que vous confirmez que Macky Sall serait d’accord ? Ou que cette option est sur la table aujourd’hui ?Je sais que l’option est sur la table, bien sûr, il me l’a dit.Il vous a dit quoi ?Que l’option est sur la table. Et c’est pour cela qu’il a demandé que les gens se concertent. Seulement, pour cette concertation, il faut de la confiance. Et nous, nous sommes là pour essayer, faire en sorte, que la confiance puisse revenir de part et d’autre.Est-ce que vous avez rencontré Ousmane Sonko ces derniers jours ?Oui, plusieurs fois.Qu’est-ce que vous lui avez dit ?Je ne peux pas vous dire. Je lui ai dit : « Voilà ce que le président souhaite, il souhaite un climat apaisé, il souhaite, éventuellement, que tout le monde puisse être candidat, y compris vous. Et il faut lui faciliter la tâche. » Il m’a dit : « Écoute, je ne suis pas seul, il faut que je consulte les gens de mon parti. »Il vous a répondu quoi, exactement, Ousmane Sonko ?Qu’il faut d’abord qu’on lui donne des gages, qui passent par la libération des prisonniers, j’allais dire, « politiques », qui passent également par des concertations de sa part avec ses militants, ou les gens de son parti, et c’est ce que le président fait également du côté de son parti.Il s’est dit intéressé à sa possible libération ?Non, sa libération n’est pas un problème pour lui. Lui, sa préoccupation, ce sont les gens qui ont été abusivement arrêtés et je peux vous dire que le président, là, également, est d’accord, il a décidé de libérer le maximum de gens, et je pense que d’ici quelques jours, il y aura peut-être un millier – je dis bien un millier – de prisonniers qui seront libérés. C’est pour cela, effectivement, qu’il faut du temps, et encore une fois, nous n’avons pas le temps jusqu’au 25 [février] de faire ça, et je souhaite que les uns et les autres soient raisonnables, qu’ils comprennent que nous sommes dans une situation inédite et qu’il faut, peut-être, des compromis sans compromissions. C’est difficile, mais c’est possible.Que répondez-vous à ceux qui disent : « On veut d’abord la décision du Conseil constitutionnel », puisqu’un recours a été déposé, « on veut un retour à un calendrier électoral raisonnable, ou au moins un calendrier électoral qui respecte la fin du mandat de Macky Sall » ?[Le calendrier] originel, ce n’est pas possible. Glissé, oui, pourquoi pas. Si pour avoir la paix et pour avoir des élections qui incluent tout le monde, il faut faire une petite glissade, encore une fois, au mois de mai, nous pensons que c’est raisonnable. Mais en tout cas, ce qui est clair, c’est que les Sénégalais veulent la paix, et il ne faudrait pas qu’on s’accroche sur une date qui est là et dont tout le monde sait qu’on ne peut pas la respecter. Donc il faut encore une fois que les uns et les autres mettent un peu d’eau dans leur bissap et moi, je mettrai un peu d’eau dans mon vin.Vous dites ça, Macky Sall dit la même chose que vous ?Presque. Il faut d’abord qu’il consulte ses gens, c’est un chef de parti quand même. Il est président de la République, il prend les décisions, mais il ne peut pas les prendre sans concertations. Et encore une fois, le temps est grave. Il y a des gens qui veulent profiter d’une instabilité du Sénégal pour faire de basses besognes.Qui ça ?Je ne peux pas vous le dire. Ils se reconnaitront. Donc il faut que les Sénégalais comprennent qu’on n’est pas seuls. Le monde, il est ce qu’il est, il faut donc que nous fassions attention aux décisions que nous allons prendre ces jours-ci.
2/15/20244 minutes, 36 seconds
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RDC: «La communauté internationale pousse les gouvernements congolais et rwandais à initier des discussions»

Dans l'est de la République démocratique du Congo, l'armée congolaise et les rebelles du M23 s'affrontent depuis hier mardi à Saké, à 25 km à l'ouest de Goma, la capitale du Nord-Kivu. Pourquoi cette escalade militaire ? Et pourquoi des manifestations anti-occidentales ont-elles éclaté la semaine dernière à Kinshasa ? Entretien avec Pierre Boisselet, responsable des recherches sur la violence à l'Institut congolais Ebuteli. RFI : Pourquoi, ce mardi, les rebelles du M23 ont-ils attaqué Saké à quelque 25 kilomètres à l'ouest de Goma ?Pierre Boisselet : En fait, Saké, c'est un verrou stratégique parce que ça permettrait de parfaire l'encerclement de la ville de Goma et de contrôler toutes ses issues. C'est au travers de cette ville que Goma peut rallier, par la route, le territoire de Masisi et la province du Sud-Kivu. Et par ailleurs, on sait que, ces dernières semaines, les troupes de la Sadc, les troupes sud-africaines et tanzaniennes de la Sadc, ont commencé leur déploiement et étaient en train de se déployer, notamment à Saké, avec l'intention de mener une campagne beaucoup plus offensive contre le M23, donc ça peut être aussi une façon de gêner leur déploiement.Et pourquoi cette escalade militaire au Nord-Kivu depuis le début de ce mois de février ?Alors, en fait, ces dernières semaines, la communauté internationale pousse en fait les parties prenantes, notamment le gouvernement congolais et le gouvernement rwandais, à initier à nouveau des discussions. Alors, les offensives en cours peuvent être vues comme une façon de renforcer leurs positions de force dans la perspective éventuelle de ces négociations à venir. Ou peut-être pour le gouvernement congolais de s'assurer d'empêcher de devoir en arriver là. Et par ailleurs, il y a ce déploiement des troupes de la Sadc, qui a commencé ces dernières semaines et qui s'est intensifié ces derniers jours, avec vraisemblablement pour but de mener une offensive beaucoup plus résolue contre le M23.Depuis quelques mois, l'armée congolaise est équipée de drones armés. Et, depuis quelques jours, selon un document de l'ONU consulté par l'Agence France presse, les rebelles du M23 sont équipés de missiles sol-air lancés à partir de blindés rwandais. Est-ce qu'on peut dire que la guerre ne se joue plus seulement sur terre, mais aussi dans les airs ?Oui, alors, tout à fait. C'est une nouvelle donnée en fait de ce conflit, depuis ces derniers mois, avec l'arrivée de ces drones armés qui sont employés par les FARDC, qui ont été acquis notamment par l'intermédiaire de sociétés militaires privées. Ça a changé la donne sur le terrain, c'est-à-dire qu’il y a eu des frappes qui ont porté des coups assez durs au M23, qui a même d'ailleurs été obligé de reconnaître dans un communiqué avoir perdu deux de ses commandants dans une de ses frappes. Par ailleurs, le président Tshisekedi a eu des déclarations très offensives pendant la campagne électorale, il y a quelques semaines, en disant notamment, en évoquant, la possibilité de déclarer la guerre au Rwanda. Et il a dit que les FARDC avait maintenant les capacités de frapper au Rwanda sans avoir à traverser la frontière à pied. Donc, vraisemblablement, il faisait référence à ses capacités de drones. Alors en face, le M23 et le Rwanda ne sont pas restés passifs. Effectivement, ils ont acquis ce type d'armement, ou en tout cas ils les ont renforcés, ces missiles sol-air, et ils en ont fait usage contre ces drones armés. Donc, il y a effectivement une escalade dans ce secteur.Et dans la guerre aérienne…Oui, et dans la guerre aérienne, même si aujourd'hui il y a un doute sur la capacité des drones armés côté FARDC à continuer d'opérer. On sait qu'il y en avait trois à l'origine et il semblerait qu'il y en ait un qui ait été abattu et un autre qui se soit crashé sur l'aéroport d’où il décollait. Et il y a des incertitudes sur le troisième. Donc, on ne sait pas pour l'instant quelles sont les capacités précises des FARDC à continuer de les employer, ni s'ils comptent en acquérir de nouveaux. Mais voilà, il semble qu’avec l'acquisition de ces missiles sol-air, le M23 et ses soutiens rwandais aient en quelque sorte rééquilibré le rapport de force dans ce secteur.Depuis une semaine, des manifestants congolais s'en prennent aux sites de l'ONU au Congo, ce n'est pas très nouveau, mais aussi aux ambassades occidentales basées à Kinshasa. Et ça, c'est nouveau. Les manifestants accusent les pays occidentaux de soutenir le Rwanda contre le Congo. Mais ça fait plus de deux ans que la guerre a repris. Pourquoi ces manifestations n'arrivent que maintenant ? Et que cherche, derrière, le pouvoir de Kinshasa ?D'abord, on peut dire que ces manifestations sont largement en réaction à l'intensification des combats. On a vu que les FARDC étaient en difficulté sur certains fronts, que les combats s'étaient beaucoup rapprochés de Goma, ça a créé un fort ressentiment et ça a réveillé certainement le sentiment très présent au Congo que la communauté internationale est passive par rapport à ce conflit. Elle ne met pas suffisamment la pression sur le Rwanda, voire, pour les franges les plus radicales de l'opinion, elle soutient le Rwanda dans son propre soutien au M23. Alors, effectivement, il semblerait qu'il y a eu une forme de passivité des autorités congolaises face à ces manifestations, au moins au début. On peut essayer de l’interpréter, c'est-à-dire que, d'abord, s'opposer aux manifestants, les réprimer dans cette contestation, ça aurait été prendre le risque de l'impopularité, voire d'accusation de complicité. Alors qu’au contraire, ces manifestations, elles ont quand même l'intérêt pour une partie du pouvoir de désigner des responsables autres pour expliquer les difficultés de l'armée congolaise. Par ailleurs, on sait qu’une partie des Occidentaux pousse actuellement les parties en conflit, et notamment le gouvernement congolais, à négocier, à accepter des discussions, ce en quoi le gouvernement congolais a toujours été très réticent. Et donc, on peut imaginer que ces manifestations ont aussi eu comme conséquence d'accroître la pression sur la communauté internationale, pour essayer de l'inciter à revoir sa position afin qu'elle s'aligne davantage sur ce que lui demande Kinshasa, à savoir de désigner le Rwanda comme agresseur et de prendre des sanctions plus importantes vis-à-vis de ce pays.
2/14/20245 minutes, 19 seconds
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Sénégal: «Macky Sall n'a pas fait le deuil de la possibilité du maintien au pouvoir»

Au Sénégal, beaucoup attendent avec impatience la décision du Conseil constitutionnel, saisi par plusieurs candidats d'opposition qui affirment que le report de l'élection présidentielle du 25 février est un « coup d'État constitutionnel ». Les sept « sages » du Conseil vont-ils trancher ou se déclarer incompétents ? Entretien avec le chercheur français Étienne Smith, spécialiste de l'histoire politique sénégalaise. À lire aussiSénégal: les deux anciens présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade apportent leur soutien à Macky Sall
2/13/20247 minutes, 35 seconds
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Victoire de la Côte d'Ivoire à la CAN 2024: le rêve éveillé de l'entraineur des Éléphants Émerse Faé

La 34e édition de la CAN de football vient de s'achever avec la victoire de la Côte d'Ivoire 2-1 face au Nigeria ce 11 février 2024 au stade d'Ébimpé, au nord d'Abidjan. Pourtant battus 4-0, le 22 janvier dernier par la Guinée équatoriale, les Éléphants étaient alors au bord du gouffre. Ils sont finalement passés par un trou de souris en huitièmes de finale, et changent alors de sélectionneur. Du jamais vu en pleine compétition ! Adieu le Français Jean-Louis Gasset, bonjour l'Ivoirien Émerse Faé. Le sélectionneur de 40 ans, novice sur un banc, nage en plein rêve. Entretien. RFI : Félicitations Émerse Faé. Votre histoire est incroyable. Celle de la Côte d'Ivoire, bien sûr, la vôtre aussi : vous êtes peut-être le champion le plus express de l'histoire de la Coupe d’Afrique des nations, avec quatre matches et déjà la médaille autour du cou.Émerse Faé : Oui, c'est vrai, on peut dire ça comme ça, même si c'est vrai qu'il y a eu… Bon, ça fait quand même un an et demi que je suis dans le groupe, que je vis avec le groupe, même si je n'étais pas entraîneur principal. Et un petit mot aussi pour le staff qui est parti en cours de compétition, c'est aussi leur victoire. On avait fait un super travail avant. Ça nous a permis aujourd'hui de gagner cette compétition chez nous et c’est ce qu'on voulait.Il se fait où le déclic durant ce parcours, c'est votre visite à la basilique de Yamoussoukro ?Il y a de ça. Après, quand vous êtes quasiment mort parce que votre qualification ne dépend plus de vous et que vous ressuscitez parce qu'on vous donne une deuxième chance. Sincèrement, le déclic, il se fait là parce que vous vous dites : « Attends, on était au bord du précipice, on nous a repêchés, on n'a pas le droit de ne pas montrer un bon visage de notre équipe devant nos supporters. » Donc, ouais, le déclic, il a été surtout là. Après, il y a plein de petits trucs qui sont venus s'ajouter.Racontez-nous votre lien avec ses joueurs puisque vous les avez transfigurés. Ce n’est peut-être pas que vous, mais en tout cas, on sent cette connexion, cette fusion, ils se sont tous surpassés pour vous.Non, parce que moi je leur ai fait comprendre qu’on était 27. On était 27 joueurs, et même si je ne titularise pas les 27 parce que je ne peux qu’en titulariser que onze, tout le groupe est important, tous les joueurs sont importants et j’ai… On a accentué notre discours sur ça, avec le staff, parce qu'on s’est dit : « On peut commencer le match à 11, après on a le droit à cinq changements au moins ou six si on va en prolongation, et la victoire, elle peut venir du banc. » Donc, on a essayé de concerter tout le monde, de laisser tout le monde dans le coup, et ils ont tout de suite adhéré au projet. Après, le fait que, contre le Sénégal, on gagne grâce à l'entrée de Franck [Kessié], fait en sorte que le discours, il passe beaucoup plus facilement. Donc, oui, le discours, il a été celui-ci, on a essayé de concerner tout le monde, de remobiliser tout le monde, de donner la chance à tout le monde, et tout le monde a adhéré.On n’arrive pas à sortir un joueur tellement il y a eu d'histoires dans cette équipe. Il y a deux revenants aujourd'hui, Simon Adingra et Sébastien Haller, qui étaient blessés avant le début de la compétition, qui sont décisifs, il y a des champions d'Afrique 2015, Serge Aurier et Max-Alain Gradel, qui sont là. Il y a un mix incroyable dans cette équipe.Oui, il y a un mix incroyable entre la jeunesse, entre les joueurs d'expérience. De toute façon pour gagner une CAN à la maison, avec toute la pression qu'il y a autour, il te faut de la jeunesse parce qu'il faut ramener la fougue, mais il te faut aussi beaucoup d'expérience. Je tiens à souligner le travail important de Mika Seri [Jean-Michaël Seri], de Max Gradel, de Serge Aurier, de Willy Boly. Ils ont été énorme dans la gestion du groupe, ils nous ont aidés, nous, le staff à garder tout le monde concerné. Parfois, des discours, avec eux, ils passaient plus facilement parce qu'entre joueurs, c'est parfois plus facile. Donc, franchement, il faut vraiment saluer le travail de nos anciens et féliciter ces jeunes. Il y a Yahia Fofana, il y a Adingra, il y a Oumar Diakité, il y a Karim Konaté. Même ceux qui ont peu joué, ils ont apporté une fraîcheur à ce groupe qui a fait que, voilà, l’osmose a fait qu'on a pu soulever la coupe.Une dernière question, à titre personnel. Vous avez arrêté votre carrière à 28 ans, est-ce que c'est le plus beau succès de votre vie de carrière, de joueur et d’entraîneur ?En tant qu’entraineur, oui. Parce que c'est mon premier titre en tant qu'entraîneur, et celui-ci c'est énorme. Donc, oui, même en tant que joueur, c'est vrai que je n'ai pas gagné beaucoup de titres dans ma carrière, j'ai perdu beaucoup de finales et là, le fait, pour ma première finale en tant qu'entraineur, de la gagner à domicile, c'est énorme.Merci beaucoup Émerse Faé. Vous allez fêter ça comment ?On va fêter ça en famille déjà. Après, on va se reposer quand même un peu parce que ça a été éprouvant, ça a été long, mais on va fêter ça ce soir, on va vraiment profiter.
2/12/20243 minutes, 22 seconds
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«L'Iran veut se positionner en Afrique comme une puissance dans tous les domaines»

Isolé sur la scène diplomatique mondiale, l’Iran célèbre ce 11 février le 45e anniversaire de la révolution. Une révolution islamique basée sur un suivi extrême de l’islam pour les questions politiques et religieuses. Depuis quatre décennies, cette diplomatie a multiplié les accords et actions sur le continent africain et engagé ces derniers mois, notamment au Sahel, une nouvelle offensive. Entretien avec Alhaji Bouba Nouhou, professeur et chercheur à l’université Michel de Montaigne à Bordeaux, qui s’intéresse aux relations entre l’Iran et le continent depuis la révolution de 1975. RFI : L'Iran s'est rapproché récemment du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Eux aussi sont sous sanction. Le président iranien Ebrahim Raïssi a fait l'éloge de la résistance de ces pays face aux politiques hégémoniques européennes. Est-ce que l'Iran a réellement trouvé de nouveaux alliés ?Alhaji Bouba Nouhou : L'Iran a promis son aide aux pays du Sahel, avec notamment la visite du Premier ministre du Niger à Téhéran, le Burkina Faso a également exprimé sa volonté de coopérer. Donc, on voit très bien que, là, l'Iran trouve de nouveaux partenaires dans la zone sahélienne où jusqu'à présent Téhéran était absent.Concrètement, qu'est-ce que l'Iran peut apporter, notamment sur ces questions militaires ? Beaucoup de spécialistes évoquent la qualité des drones iraniens.Oui, en fait, l'Iran considère ces pays comme aussi une porte d'entrée pour exporter particulièrement sa technologie. On voit bien que l'Iran en Afrique est considéré comme un pays qui dispose de drones et que ces drones-là ont fait parler avec la livraison des drones à la Russie. Et donc, les États africains peuvent être intéressés par ses drones iraniens pour défendre leurs intérêts. C'est déjà une très bonne chose.À lire aussiL'Iran fournit des drones à l'armée soudanaise, selon BloombergÉconomiquement, on le sait, le Niger possède 8% des réserves d'uranium mondial, est-ce que l'Iran cherche aussi à accéder à ses ressources pour son programme nucléaire ?Je ne dis pas que l'Iran n'est pas intéressé par l'uranium, mais l'Iran est un producteur aussi d'uranium. Je pense plutôt sur le positionnement, l'Iran se positionne. N'oublions pas, à côté du Niger par exemple, vous avez le Nigeria, le Nigeria qui est un grand partenaire de l'Iran en Afrique. Les échanges commerciaux avec le Nigeria ont augmenté à peu près de 150 millions de dollars en 2023. Et donc, aujourd'hui, l'Iran veut se positionner en Afrique comme une puissance dans tous les domaines, dans le domaine économique mais aussi dans le domaine sécuritaire.Cette offensive diplomatique iranienne, elle est aussi coordonnée avec la Russie ?Alors non, non, elle n'est pas coordonnée avec la Russie. Elle est indépendante de l'offensive diplomatique russe. C'est vraiment deux projets différents, deux approches différentes. En Afrique, l'Iran mène sa propre diplomatie.L'Iran, et ce n'est pas nouveau, joue la carte du prosélytisme. Pourquoi, justement, les autorités iraniennes considèrent que c'est essentiel d'intégrer le continent africain, les pays musulmans, vous citiez le Nigeria, à travers ce prisme religieux ?Parce qu’avec le Nigeria, l'Iran s'est intéressé aux groupes religieux à partir des années 1980 et particulièrement avec le mouvement islamique d’Ibrahim Zakzaky. Et donc, l'Iran voit naître dans ce pays-là une petite communauté religieuse chiite. Parce que la majorité la population nigériane, elle est plutôt sunnite, malikite, et cette communauté chiite, elle est en phase avec l'Iran. L’Iran voit aussi finalement cette influence religieuse comme un atout dans la mesure où, jusqu'à présent, on n'avait pas de communauté chiite en Afrique et surtout des communautés autochtones.Comment les autorités iraniennes entrent « diplomatiquement » en Afrique ?Ça commence par des accords de coopération dans divers domaines, parce que l'Iran intervient aussi bien sur la technologie, par exemple agricole et cetera, et cetera. Donc, c'est par ce biais-là que l'Iran arrive à créer finalement des réseaux. Et il ne faut pas réellement se focaliser sur l'Afrique sahélienne parce que l'Iran est aussi présent en Afrique de l'Est avec le Zimbabwe, mais aussi la Zambie, le Kenya, l'Iran a des investissements dans ces pays-là.Également en Afrique du Sud, le lien est très ancien.Oui, avec l'Afrique du Sud, le lien est très ancien. Le lien date depuis l'apartheid parce que l'Iran a soutenu le combat de l'ANC. L'Iran, maintenant, est membre des Brics, ce qui renforce les relations non seulement entre l'Iran et l'Afrique du Sud, mais aussi entre l'Iran et deux autres États africains, l'Éthiopie et l'Égypte, qui ont intégré les Brics. Donc l'Iran, aujourd'hui, est de retour sur la scène internationale. On voit très bien que l'Iran a renoué ses relations diplomatiques avec l'Arabie saoudite. Donc, les relations entre l'Arabie saoudite et l'Iran vont favoriser finalement aussi ce retour de l'Iran qui ne sera plus perçu entre guillemets « comme un ennemi », mais plutôt comme un allié. Et donc, on le voit très bien : ce retour ne fait que s'accélérer sur le continent.À lire aussiLa République islamique d'Iran, 45 ans d’un état de guerre permanent
2/11/20244 minutes, 33 seconds
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Moundiaye Cissé: le report de la présidentielle au Sénégal «est une décision impopulaire et ça ne va pas passer»

Au Sénégal, le report de l’élection présidentielle, initialement prévue le 25 février, ne passe pas pour une quarantaine d’organisations regroupées au sein du collectif Aar Sunu Election, qui comprend des mouvements de la société civile, des organisations religieuses et des syndicats. La plateforme a annoncé jeudi une série d’actions, notamment des débrayages dans les écoles ce vendredi et une manifestation mardi prochain. Mais près d’une semaine après l’annonce du président Macky Sall, quelle est la marge de manœuvre des opposants au report ? Moundiaye Cissé est directeur exécutif de l’ONG 3D et l’un des représentants du collectif Aar Sunu Election. Il est l’invité de Charlotte Idrac à Dakar
2/9/20244 minutes, 29 seconds
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Benjamin Stora: tout travail sur l'histoire coloniale consiste à «la regarder en face et à la traiter»

Regarder l'histoire en face et sans se livrer à une guerre des mémoires, c'est l'enjeu de la Commission mixte de dix historiens algériens et français lancée il y a 18 mois, par les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron et qui vient de tenir sa quatrième réunion à Paris, il y a 10 jours. Benjamin Stora, qui préside cette Commission côté français et qui, par ailleurs, vient de publier L'arrivée, de Constantine à Paris, aux éditions Tallandier, espère que, dès cette année, la France pourra restituer à l'Algérie des biens hautement symboliques.  RFI : Benjamin Stora, la Commission mixte vient de tenir sa quatrième réunion, c’était à Paris. Sur la question des archives de l’époque coloniale, les historiens algériens réclament à la France la restitution de ces archives, notamment celles d’Aix-en-Provence, alors qu’il semble que vous, vous préfériez parler d’un accès libre à ces archives. Est-ce qu’il n’y a pas un point de divergence ?Benjamin Stora : Non, il n’y a pas de divergences, parce que, vous savez, maintenant il y a un élément nouveau par rapport à la vieille problématique de la restitution, qui est tout à fait légitime et très ancienne de la part des Algériens. L’élément nouveau, c’est la numérisation, c’est la révolution numérique, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, les demandes de restitution sont beaucoup moins importantes que les demandes de numérisation d’archives et de transfert et de partages d’archives. Ça n’empêche pas qu’il puisse y avoir des restitutions de documents authentiques, qui ont des valeurs symboliques. Par exemple, le traité de la Tafna de 1836-1837, des documents manuscrits, comme ceux de l’émir Abdelkader, qui consignait sur des carnets personnels un certain nombre de réflexions portant, notamment, sur la religion musulmane. Et ce sont des documents authentiques, bien sûr, qui demanderaient à être restitués. Donc il n’y a pas de divergences à ce niveau-là.Sur la question des biens symboliques ayant appartenu aux chefs de la résistance algérienne au XIXème siècle, comme Ahmed Bey et l’émir Abdelkader, est-ce qu’il ne faut pas d’abord passer par une loi votée par le Parlement français ?En attendant que cette loi soit votée, que l’ensemble des partis politiques français se mettent d’accord, ce qui est loin d’être le cas, sur la restitution des biens – pas simplement pour l’Algérie, vous savez, derrière l’Algérie, il y a le problème de la restitution pour ce qui concerne l’ensemble de l’Afrique, ça, c’est très important –, donc en attendant qu’il y ait un accord de l’ensemble des formations politiques, on peut quand même s’accorder et faire des propositions aux chefs d’État pour des restitutions, comme c’est indiqué dans l’accord que j’ai signé personnellement et qui porte, par exemple, sur le bâton de commandement de l’émir Abdelkader et, par exemple, sur son Coran, etc. Donc on peut quand même s’accorder là-dessus.Plusieurs fois dans votre carrière, Benjamin Stora, vous avez été attaqué par l’extrême-droite française. Est-ce que vous ne craignez pas que la future loi ne fasse polémique à l’Assemblée nationale ?Évidemment, bien sûr, ça fait très longtemps maintenant que l’extrême-droite française s’oppose à toute volonté de rapprochement et de réconciliation. Tout travail sur l’histoire coloniale est apparenté à une question dite de repentance. En fait, il ne s’agit absolument pas ni de repentance, ni de wokisme, ni de je ne sais quoi, il s’agit tout simplement de regarder l’histoire en face, de traiter cette histoire. Donc il y aura des oppositions. Quand j’ai fait mon rapport, effectivement, que j’ai remis au président de la République en janvier 2021, oui, il y a eu des attaques très dures qui sont venues de l’extrême-droite française qui ne veut avoir absolument aucun échange avec l’Algérie sur aucun plan. Donc la politique de l’extrême-droite d’aujourd’hui, qui vise à ne pas reconnaitre ce qu’a été l’histoire coloniale, ne peut que desservir les intérêts de la France dans l’ensemble de l’Afrique et notamment auprès des jeunesses algériennes et africaines, au sens large.Depuis un an, vous faites le focus sur le XIXème siècle, c’est-à-dire sur une époque très lointaine, est-ce parce que les deux parties, française et algérienne, apprennent à travailler ensemble sur une période moins sensible que celle de la guerre d’Algérie ?Ne croyez pas que ce n’est pas une période sensible. Le XIXème siècle est une période très sensible. Lorsqu’on va à la découverte de cette période, on s’aperçoit que le chiffre de la population algérienne était en décroissance au XIXème siècle, donc vous voyez ce que ça implique aussi dans cette guerre de conquête. Ça risque de réveiller des tas de discussions en France sur la question coloniale, qui est très proche de nous, la question de la dépossession identitaire, ce sont des questions extrêmement brulantes. C’est une période, à mon sens, qui est très proche de nous.Oui, mais tout de même, Benjamin Stora, tout le monde est mort depuis 150 ans. Alors le jour où vous allez vous attaquer au XXème siècle, et notamment à la guerre d’Algérie et à toutes les questions dont parlent les Algériens – les essais nucléaires, les essais chimiques faits par la France dans le Sahara –, est-ce que les points de blocage ne vont pas se multiplier ?Il y aura toujours des points de blocage, mais la question, c’est de prendre cette histoire par son commencement et non pas par sa fin. Si nous ne la connaissons pas en profondeur, il est difficile ensuite de la traiter à la fin de cette histoire, c’est-à-dire au moment de la guerre d’indépendance algérienne elle-même. Donc il ne faut pas mettre à chaque fois la charrue avant les bœufs. Je crois que le travail historique n’est pas le travail du temps médiatique, c’est un travail de longue haleine, il faut s’y atteler et puis aussi, vous avez raison de le souligner, il faut apprendre à travailler ensemble.Ce qui ne vous empêchera pas, donc, un jour, de vous attaquer au XXème siècle, où il y a beaucoup de douleurs et de souffrances, encore aujourd’hui ?Mais bien entendu. J’ai écrit une trentaine d’ouvrages sur l’histoire de la guerre d’Algérie, donc vous voyez, ça fait très longtemps que je travaille sur la guerre d’Algérie. 
2/8/202414 minutes, 20 seconds
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Crise au Sahel: «Le gros problème, ce n’est pas l’UEMOA, c’est le comportement de la BCEAO»

Après la Cédéao, le Mali, le Burkina et le Niger vont-ils décider de quitter l'Uemoa et la zone du franc CFA ? Depuis la rupture du 28 janvier, la question se pose. L'expert monétaire français Olivier Vallée a été conseiller technique du FMI auprès des pays de l'Uemoa. Il était basé à Bamako. Il a aussi travaillé à Niamey. Pour lui, il est possible que les trois pays de la nouvelle Alliance des États du Sahel (AES), décident de rompre avec le franc CFA et la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), mais sans sortir de l'espace douanier de l'UEMOA. RFI : Concrètement, après la rupture du Mali, du Burkina Faso et du Niger avec la Cédéao, le 28 janvier, est-ce qu’il va y avoir une hausse des tarifs douaniers ? Et est-ce que, pour les ressortissants de ces trois pays, il va y avoir de l’inflation ?Olivier Vallée : Les seuls échanges qui sont réellement soumis à la fiscalité douanière, parce que la douane, c’est une fiscalité, et principalement, la dernière fiscalité qui s’exerce, c’est la TVA. La TVA, on la prélève aux frontières. Et les droits de douane, pour des tas de raisons, même en dehors de la Cédéao, sont très faibles, parce que l’Uemoa, c’est une union qui est une union douanière, on l’oublie, à l’origine. Donc, les taux douaniers de l’Uemoa sont très bas. Le FMI et la Banque mondiale se sont battus pendant des années pour ouvrir le marché, donc ce qui fait rentrer de l’argent, c’est la TVA sur des grandes masses et notamment sur de grandes masses de produits importés qui viennent d’autres pays que de pays de la Cédéao – je pense à la farine russe, je pense au blé américain, aux engrais russes, aux engrais américains ou marocains. Ce sont les grandes masses, les flux qui sont les flux vitaux de douane pour les États – d’ailleurs, je ferais remarquer que, depuis qu’il y a eu des coups d’État successifs au Mali, je suis toujours surpris par le [bon] niveau des recettes de l’État malien, donc ça veut dire que ça continue à rentrer par l’intermédiaire, justement, de la TVA.En fait, ce que vous dites, c’est qu’il y aurait une hausse des tarifs douaniers si ces trois pays étaient sortis de l’Uemoa – c’est-à-dire l’espace du franc CFA –, mais pour l’instant, tant qu’ils ne quittent que la Cédéao, il n’y a pas de hausse de tarifs douaniers, c’est ça ?C’est bien cela.Du coup, on se demande si ces trois pays vont sortir également de l’Uemoa ?Je pense que l’une des options qui restent encore à l’AES, c’est de faire entendre le message à l’Uemoa : « Évitons d’en arriver là ».L’AES, l’Alliance des États du Sahel, pense quand même à créer une monnaie commune à ces trois pays. On dit même que cette nouvelle monnaie pourrait s’appeler le « sahel ». Est-ce que c’est sérieux ?Je crois que c’est une option qui n’exclut pas le maintien dans l’Uemoa parce que, dans cette période de crise que vit le Sahel, le gros problème, ce n’est pas l’Uemoa, c’est le comportement de la BCEAO qui a gelé tous les comptes du trésor nigérien, et c’est ça la pierre d’achoppement. Donc il n’y a pas de raisons objectives de quitter l’Uemoa. Il y en a quelques-unes qui incitent les autorités des trois États, encore une fois solidaires et coordonnés, à trouver une autre relation avec la BCEAO, qui leur donne une autonomie. Ce qu’ils veulent, c’est retrouver leurs comptes du trésor fluides et sans possibles blocages de la part de la Banque centrale.À lire aussiSortie du Mali de la Cédéao: le point sur les conséquences économiques et humainesOn dit souvent que, pour avoir une économie forte, il faut avoir un tissu économique suffisamment fort. Est-ce que demain l’Alliance des États du Sahel peut avoir une monnaie forte ?Quand on a de l’or, on est tout à fait en droit d’émettre de la monnaie, on a la meilleure des compensations possibles, surtout au cours actuel de l’or.Et de fait, le Mali est un gros producteur d’or…Pas seulement le Mali, le Niger et le Burkina Faso sont aussi des producteurs d’or. À la frontière entre le Mali et le Niger, à Téra, il y a une très grande concentration de chercheurs d’or, de l’or qui pour l’instant part surtout à Dubaï, mais on peut avoir aussi ces avoirs en or déposés à la banque de Dubaï.Donc, vous voyez assez bien les trois pays de l’Alliance des États du Sahel sortir du franc CFA, sans sortir de l’espace douanier de l’Uemoa ?À mon avis, rien n’est véritablement tranché. Ce qu’ils voudraient à tout prix, c’est bénéficier du côté de l’Uemoa, et peut-être, avant même cela, du côté de la Cédéao, d’une reconnaissance politique. Mais apparemment, on n’en prend pas le chemin.Et pour vous, il ne faut pas faire de catastrophisme pour les économies de ces trois pays ?Non, parce que, malgré les incertitudes, il n’y a pas eu de déclin net de la croissance économique. Les finances publiques du Mali se portent assez bien, le budget du Niger pour 2024 est un budget très raisonnable puisqu’il est inférieur de mille milliards [de francs CFA] à celui qui était prévu initialement et les prévisions économiques du FMI, qui datent du mois de juillet 2023, tablaient sur une croissance économique du Niger de 6%, qui va certainement être dopée par l’or qui commence à être produit par les Chinois, l’uranium – dont les cours montent – et le pétrole – dont on attend dans quelques jours qu’il alimente le pipeline qui débouche au port de Sèmè, au Bénin.À lire aussiChronique de Jean-Baptiste Placca - Cédéao, les grands perdants de la rupture
2/7/20249 minutes, 12 seconds
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Report de la présidentielle sénégalaise: «c’est un complot qui est ourdi contre le Premier ministre Amadou Ba»

Au Sénégal, la situation est très inconfortable pour le Premier ministre Amadou Ba depuis le samedi 03 février. En effet, il était le candidat du pouvoir à la présidentielle du 25 février et il était contre tout report de l'élection. Aujourd'hui, après l'annonce du report, peut-il encore rester Premier ministre ? Jusqu'à samedi, l'ancien directeur de presse Mamoudou Ibra Kane faisait campagne pour lui à la tête du mouvement «Demain, c'est maintenant». Au micro de Christophe Boisbouvier, l'ancien directeur général du groupe Futur Media reconnait que les relations entre les deux têtes de l'exécutif sénégalais ne sont plus au beau fixe...
2/6/20247 minutes, 45 seconds
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Papa Fara Diallo: «Il y a un accord entre Benno Bokk Yakaar et le PDS pour le report de la présidentielle sénégalaise»

Le Sénégal est entré dans une nouvelle période de crise, depuis l'annonce par Macky Sall du report de l'élection présidentielle à une date indéterminée. Pour justifier ce report très contesté, le président a invoqué l'existence d'un conflit ouvert entre l'Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel. À quel point ce qui se passe aujourd'hui réveille le souvenir des mobilisations de la fin des années Wade ? Le chercheur Papa Fara Diallo est maître de conférences en sciences politiques à l'université Gaston-Berger de Saint-Louis. RFI : Papa Fara Diallo, des manifestations dispersées, une plénière de l’Assemblée nationale à haut risque, une proposition de loi constitutionnelle hautement polémique : est-ce que le Sénégal revit d’une certaine manière la contestation du 23 juin 2011, à la fin des années Abdoulaye Wade ?Papa Fara Diallo : Oui, le Sénégal est en train de vivre des moments sombres de son histoire politique. Ce qui s’est passé le 23 juin 2011 était très grave, mais ce qui se passe en ce moment est encore plus grave, parce que pour la première fois dans l’histoire politique du Sénégal, le président de la république décide de ne pas respecter le calendrier électoral, décide d’annuler tout bonnement et tout simplement l’élection présidentielle en abrogeant le décret qui convoquait le corps électoral.L’autre élément de comparaison qu’on peut avancer, c’est qu’en 2011, il n’y avait pas une restriction des libertés publiques comme on le connait aujourd’hui sous le régime de Macky Sall. En 2011, devant l’Assemblée nationale, le président Wade avait autorisé l’opposition, comme la majorité, à organiser des manifestations devant l’Assemblée. Et depuis 2012, quasiment aucune manifestation n’est tolérée devant l’Assemblée nationale et aux abords de Dakar-Plateau, ce qui témoigne d’une volonté de restriction des libertés.Au cœur de la crise actuelle, il y a donc l’annonce du report de l’élection présidentielle par le président Macky Sall. Le Parti Démocratique Sénégalais a été très engagé dans cette démarche de report… On comprend que le PDS fasse tout pour permettre à son candidat, Karim Wade, de se présenter à la présidentielle, mais comment expliquez-vous que la majorité présidentielle, Benno Bokk Yakaar, soit venue ainsi au secours de Karim Wade ?Cette initiative des députés du Parti Démocratique Sénégalais et de ses alliés a été fortement appuyée par la majorité au parlement, Benno Bokk Yakaar. Cela montre qu’il y a un accord entre Benno Bokk Yakaar et le parti démocratique sénégalais, pour qu’il y ait un report de l’élection présidentielle, pour permettre, dans le cadre d’un dialogue hypothétique que le chef de l’Etat a annoncé, de rebattre les cartes pour que Karim Wade puisse compétir, et deuxièmement, pour permettre au président de la république de se réorganiser. Si la majorité était sûre de remporter l’élection présidentielle, soyez sûr que le chef de l’Etat n’aurait pas songé à repousser l’élection présidentielle. Donc cette alliance contre-nature, à mon avis, qui se joue au sein du parlement pour mettre en place une commission d’enquête parlementaire, et proposer une loi constitutionnelle qui pourrait prolonger le mandat du chef de l’Etat pour six mois ou un an, c’est une combine politique entre deux formations politiques qui cherchent à gagner du temps. Je ne vois pas juridiquement comment on peut prolonger un mandat qui dure cinq ans et qui a été sanctuarisé avec une clause d’éternité dans la constitution.Que nous dit cette crise des tensions au sein de la majorité présidentielle ?On a voulu nous faire croire qu’il y a une crise institutionnelle au Sénégal. Il n’y a pas de crise institutionnelle, s’il y a une crise, c’est au sein de Benno Bokk Yakaar. Déjà, depuis que le président Macky Sall a annoncé qu’Amadou Ba serait le candidat de la majorité, il y a eu beaucoup de défections. Même après avoir choisi le candidat Amadou Ba, Premier ministre actuellement, il y a jusqu’à présent des ministres du gouvernement, des responsables de la coalition Benno Bokk Yakaar au pouvoir, qui ont ouvertement critiqué le choix du président de la république. Ils ont annoncé clairement qu’il n’allait pas le soutenir. Donc c’est tous ces problèmes-là combinés qui font que le président de la république a compris que son camp était dans une mauvaise posture pour aller à cette élection présidentielle, et qu’il lui fallait gagner du temps pour pouvoir réorganiser ses troupes au sein de la coalition Benno Bokk Yakaar et choisir probablement un nouveau candidat qui pourrait avoir des chances de gagner l’élection. Ce qui témoigne de cette crise manifeste au sein de la coalition Benno Bokk Yakaar, c’est que c’est le Premier ministre Amadou Ba, candidat de la majorité au pouvoir, qui est accusé, par le PDS, d’être le corrupteur de deux juges du conseil constitutionnel, et paradoxalement, la quasi-totalité des députés de la majorité Benno Bokk Yakkar ont soutenu cette initiative parlementaire du PDS pour enquêter sur ces accusations de corruption.A l’entame de cette interview, je vous interrogeais sur la contestation du 23 juin 2011, est-ce que Macky Sall peut reculer aujourd’hui comme Abdoulaye Wade avait reculé à l’époque ?On l’espère, mais le président Macky Sall nous a habitué à ne pas reculer. La répression brutale [de ce dimanche] avec beaucoup de leaders qui ont été arrêtés, cela montre que le président de la république n’est pas dans la logique de reculer, comme le président Wade l’avait fait en juin 2011, ce qui avait permis de calmer le jeu politique et d’aller vers une élection présidentielle qui a consacré la seconde alternance au Sénégal.On se dirige vers un bras de fer selon vous ?Oui, c’est clair, on se dirige vers un bras de fer. Il me semble que les opposants et beaucoup d’organisations de la société civile sont en train de s’organiser. Ce qui avait calmé les ardeurs en termes de contestation, c’était la déclaration du président Macky Sall de ne pas briguer une troisième candidature. Cette déclaration qui consiste à annuler le processus électoral va remettre en jeu l’ensemble des forces vives de la nation qui veulent redorer le blason de la démocratie, et reconquérir les libertés démocratiques.
2/5/20245 minutes, 42 seconds
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Report de la présidentielle au Sénégal: «Cela ne repose sur aucune base juridique valable», estime l'universitaire Babacar Gueye

Le président sénégalais Macky Sall a annoncé ce samedi 3 février 2024 après-midi le report sine die de la présidentielle prévue le 25 février prochain. Une décision qu'il a justifiée par la crise actuelle, dont il espère sortir via un dialogue politique. C'est la première fois dans l'histoire du pays qu'une élection est repoussée. Que penser des arguments du chef de l'État ? Que peut-il faire par la suite ? Cette annonce peut-elle calmer ou au contraire tendre davantage la situation politique ? Babacar Gueye est professeur de droit constitutionnel à l'université Cheikh-Anta-Diop et président du Collectif des organisations de la société civile pour les élections. RFI : Avez-vous été surpris par l’annonce de Macky Sall de reporter l’élection présidentielle ?Babacar Gueye : Je n’ai pas été surpris, parce que depuis quelques jours, la rumeur circulait dans le pays. Mais je me disais à chaque fois : il ne va pas le faire, il ne peut pas le faire parce qu’il n’a pas les moyens de le faire, il n’y a pas de base juridique pour reporter l’élection.Pourtant, il l’a fait. Comment est-ce que vous analysez cette décision ?C’est une décision qui ne repose sur aucune base juridique valable, d’ailleurs, il n’invoque que l’article 42 de la Constitution qui fait de lui le garant du bon fonctionnement des institutions. Or, il se trouve que nous ne sommes pas en crise institutionnelle en ce moment. Les institutions fonctionnent bien, la justice fonctionne bien, le Conseil constitutionnel rend ses décisions, l’Assemblée nationale a créé une commission d’enquête parlementaire pour enquêter sur des cas de corruption supposés…Eh bien, cela démontre que finalement les institutions de la République fonctionnent correctement. Donc il n’y avait pas lieu de prendre une décision visant à reporter une élection - et ce n’est même pas « reporter », à stopper un processus électoral en cours, alors que rien ne le justifie.Alors si elle n’est pas motivée, n’est pas fondée juridiquement ou que ses justifications ne tiennent pas, comment est-ce que vous expliquez cette décision ?[Par] la volonté d’éviter que des élections ne se tiennent à date échue, peut-être parce que le candidat du pouvoir n’était pas en bonne posture. Depuis quelques semaines, ils veulent changer de candidat et sacrifier le Premier ministre.Le Pastef a d’ores et déjà appelé à faire campagne comme si de rien n’était. Khalifa Sall a, lui, demandé aux Sénégalais de se lever contre cette décision. Qu’est-ce que vous pensez de ces réponses politiques ?Ce sont des réponses politiques de candidats qui sont frustrés. Ils se sont dépensés sans compter depuis un an, depuis deux ans, ont dépensé beaucoup d’argent... Donc toute cette énergie, tout cet investissement qu’ils ont fait jusque-là finalement tombe à l’eau.Vous pensez donc que les candidats de l’opposition ne participeront pas à un dialogue comme l’a promis le chef de l’État ?Je ne sais pas trop. En tout cas, si c’est un dialogue comme les dialogues qui se sont déroulés jusqu’ici, je ne pense pas que l’opposition acceptera d’y aller. De toute façon, la société civile aussi posera ses conditions avant de participer à quelque dialogue que ce soit.Cette proposition de dialogue, c’est un moyen de gagner du temps selon vous ?Ça peut être un moyen de gagner du temps. Et de toute façon, si dialogue il doit y avoir, il doit rester dans les limites du mandat du président de la République. La durée du mandat n’est pas susceptible de révision, et on ne peut pas aller au-delà de cinq ans,Le mandat [de Macky Sall] se termine le 2 avril. Le 2 avril, il n’est plus président. Il veut organiser un dialogue ? Alors que le dialogue soit organisé à l’intérieur de ce délai, et que le 2 avril, il quitte le pouvoir, comme cela est prévu par la Constitution. Sinon, on déboucherait sur un coup d’État constitutionnel.Aller au-delà du 2 avril équivaudrait à réviser de manière irrégulière la durée du mandat du président de la République. Si c’est un dialogue sincère, si c’est un dialogue qui se tient très rapidement, pour rétablir ceux qui ont été spoliés dans leurs droits, si c’est un dialogue qui permet d’avoir une élection totalement inclusive avec la participation de ceux qui sont en prison en ce moment, alors ça peut être acceptable. Mais à condition que tout cela reste dans les limites de la durée de son mandat qui se termine le 2 avril.
2/4/20243 minutes, 54 seconds
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Cary Fowler: «Les terres en Afrique sont parmi les plus abîmées et érodées au monde»

Plus de 700 millions de personnes souffrent de la faim aujourd’hui. Selon des chercheurs américains, la demande mondiale en nourriture va augmenter de plus de 50% d'ici à 2050. Comment répondre à la demande, tout en s’adaptant au changement climatique ? Il y a un an, les États-Unis lançaient le programme VACS (Vision pour des cultures et des sols adaptés), qui prône un retour à des cultures traditionnelles. Cary Fowler, envoyé spécial des États-Unis pour la sécurité alimentaire, est l'invité d’Alexandra Brangeon. RFI : Il y a un an, les États-Unis ont lancé le programme VACS, Vision pour des cultures et des sols adaptés. De quoi s’agit-il ?Cary Fowler : Ce programme a pour objectif de travailler sur deux aspects fondamentaux de la sécurité alimentaire : les cultures et les sols. Si vous voulez assurer la sécurité alimentaire de façon durable, il faut que vous ayez une terre fertile et des variétés de plantes adaptées au changement climatique. Ce n’est pas le cas aujourd’hui en Afrique – un continent où les besoins sont parmi les plus importants et qui sera le continent le plus peuplé d'ici à la fin de ce siècle. Les terres en Afrique sont parmi les plus abimées et érodées au monde.Pourquoi cela ?La structure des sols est pauvre et certaines pratiques agricoles tendent à dégrader encore plus ces sols. Il y a de multiples raisons, mais vous ne pouvez pas mettre sur pied une agriculture productive et sur une longue durée avec des sols abimés et érodés. L’autre aspect est qu’il y a énormément de plantes originaires d'Afrique qui sont très nutritives et pourraient améliorer la nutrition et la santé des populations. Aujourd’hui, 40% de la population mondiale n’a pas les moyens d’avoir un repas équilibré. En Afrique, le pourcentage est de 80%. Et pourtant, il y a des plantes incroyables en Afrique. Le fonio, par exemple, qui est une céréale cultivée en Afrique de l’Ouest, et qui contient 10 fois plus de fer que du maïs. Si on pouvait augmenter la productivité, le rendement de ces cultures et les intégrer un peu plus dans le régime alimentaire des populations, on pourrait remédier aux problèmes de carences nutritionnelles et de retard de croissance chez les enfants. Il y a 50 ans, la Banque mondiale, le FMI poussaient au contraire les pays africains à cultiver une seule espèce pour l’exportation. Qu’est-ce qui a changé ?Nous avons tous pris conscience, et surtout les Africains, qu’il faut stimuler la productivité de ces cultures locales, tout en les rendant plus résilientes au climat. Et cela ne peut pas se faire avec de la monoculture. Nous ne disons pas aux agriculteurs africains de ne plus planter les aliments de base qu'ils cultivent habituellement, mais, qu’il faudrait diversifier la culture, avec plus de légumes et de fruits, qui sont indispensables, si nous voulons nous attaquer au problème de carence nutritionnelle. Dans certains pays africains, 20 à 30% des enfants de moins de cinq ans ont un retard de croissance, dont ils souffriront toute leur vie. Vous ne pouvez pas développer une société avec ce genre de handicap.Comment ce programme VACS va-t-il fonctionner ?Aujourd’hui, un certain nombre de scientifiques africains travaillent sur des programmes de recherche nationaux pour améliorer les cultures. Nous voulons soutenir ce travail qui consiste à croiser des plantes, afin d’améliorer leur rendement, leur résilience et réduire les problèmes liés aux maladies et d’animaux nuisibles.Vous parlez de croisement. Vous voulez dire des plantes génétiquement modifiées ?Probablement pas, car la plupart des pays africains n’autorisent pas les semences génétiquement modifiées ; ça coûte très cher. Nous voulons plutôt favoriser le croisement des plantes de façon traditionnelle, comme cela se fait depuis des siècles.Cela veut dire que les fermiers devront acheter ces semences ?Il y aura différents moyens mis en place pour que ces fermiers puissent accéder à ces semences. Des ONG seront impliquées dans le projet. Dans certains cas, ces semences seront mises à disposition gratuitement. Il sera peut-être demandé aux fermiers de mettre de côté une partie des semences récoltées pour être reversée au programme et être redistribuée à d’autres agriculteurs. Il y aura peut-être aussi des petites et moyennes entreprises qui vendront ces semences. Nous voulons valoriser ces produits, que cela devienne un marché plus porteur, ce qui encouragera les fermiers à cultiver ces plantes traditionnelles.Comment allez-vous convaincre ces agriculteurs de cultiver des plantes traditionnelles, après des décennies de monoculture ?Ce qui est intéressant, c’est que les agriculteurs n’ont jamais complètement abandonné ces cultures locales. Si elles ont été cultivées pendant 10 000 ans, c’est bien qu’il y a une raison. Nous voulons aider à ce que ces cultures soient plus rentables, plus compétitives sur le marché et qu’elles reprennent une place plus importante dans le régime alimentaire des gens.Cela fait un an que le programme a été lancé. Quelles ont été les réactions ? La réponse est plutôt positive. Le Fonds international pour le développement agricole des Nations Unies a mis en place une plateforme de financement pour ce projet. Nous avons reçu des fonds du Japon, des Pays-Bas, de la Grande-Bretagne, de la Norvège. Nous sommes ici pour discuter avec la France. Nous avons besoin de soutien politique, financier et technique. La France, par exemple, a des instituts de recherches de pointe qui pourrait aider ce programme.Vous le disiez, besoin de soutien politique, qu’en disent les pays africains que vous avez approchés ?L’Union africaine, elle-même, estime qu’il y a toujours eu un sous-investissement pour ces cultures locales. Mais, je pense que les pays africains réalisent qu’avec les différents problèmes, les retards de croissance infantile et plus généralement les carences nutritionnelles, il faut que les choses changent. Et avec ces plantes locales, ils ont la solution en main. Il y a donc il y a un soutien important pour ce genre d’initiative.
2/2/20244 minutes, 45 seconds
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Présidentielle au Sénégal: Khalifa Sall est sûr qu’il y aura un second tour et qu’il y sera

Parce qu’il revendique 57 ans de militantisme et qu’il a été deux fois maire de Dakar, de 2009 à 2018, Khalifa Sall, le leader de la plate-forme Taxawu Sénégal, se dit certain de se qualifier pour le second tour de la prochaine présidentielle. « Tout le monde sait qu’il y aura second tour, c’est la réalité du moment, et je sais que j’y serai », déclare-t-il à RFI et France 24 dans une interview accordée à Saint-Louis du Sénégal. Et qui sera, selon lui, son adversaire du second tour ? « Peu m’importe celui que j’aurai en face de moi ».  Interrogé sur ses relations distendues, au sein de l’opposition au Sénégal, avec Ousmane Sonko, Khalifa Sall affirme qu’il n’y a pas rupture, mais que chacun suit sa voie. « En juin dernier, j’ai accepté d’aller au dialogue national initié par le président Macky Sall, parce que je crois au dialogue politique. J’ai même accepté de dialoguer quand j’étais en prison. »À la question : « Espérez-vous attirer les électeurs orphelins de Karim Wade ? », Khalifa Sall réplique : « Il ne faut pas avoir un comportement de charognard. On est solidaire de Karim et, pour l’instant, on le soutient dans son combat pour intégrer le dispositif électoral ». RFI & France 24 : Khalifa Sall, vous êtes donc candidat à l'élection présidentielle prévue le 25 février prochain. Vous n'êtes pas seul sur la ligne de départ. Il y a vingt candidats au total, mais manquent à l'appel deux des poids lourds de la politique sénégalaise, à savoir Ousmane Sonko et Karim Wade. Est-ce que ça veut dire que cette élection, avant d'avoir lieu, est d'ores et déjà tronquée ? Khalifa Sall : Merci beaucoup de cette opportunité qui m'est offerte par vos deux organes pour parler aux Sénégalais, à l'Afrique et au monde. Maintenant, vous me dites que nous allons aborder un scrutin tronqué. C'est votre mot. C'est vrai que cette élection est assez particulière. Sa première particularité, c’est que c'est la première fois qu'un chef d'État sortant n'est pas candidat et que c'est lui qui va organiser cette élection. Donc c'est pourquoi nous avons tous espoir que là, cela se passera sans qu'il y ait trop de dommages, sans qu'il y ait trop de contraintes. En tout cas, [Macky Sall] s'est engagé à organiser des élections sereines et sincères. Qu'il manque Karim Wade et Ousmane Sonko, c'est quelque chose de regrettable, parce que ce que nous aurions souhaité, c'est qu'il y ait tout le monde, que tous ceux qui prétendent postuler à servir ce pays puissent le faire à travers ce scrutin. Vous comprenez que c'est quelque chose que nous regrettons pour la vitalité démocratique, pour le jeu démocratique, et nous sommes de tout cœur avec tous les combats qu’ils mènent tous pour pouvoir intégrer le dispositif. La surprise en fait, la vraie surprise du 20 janvier, c'est le rejet de la candidature de Karim Wade dont le parti avait accepté, pourtant, de participer au dialogue national de juin dernier à vos côtés aussi, avec votre parti Taxawu Sénégal. Est-ce que vous pensez, comme Karim Wade, que c'est un coup bas de la part d'Amadou Ba et du parti au pouvoir ? En tout cas, je suis solidaire de Karim. Je le lui ai dit de vive voix, ce qui lui est arrivé est injuste et difficilement acceptable, parce que ça fait deux scrutins de suite qu'il se prépare à prétendre servir son pays et que l'occasion ne lui est pas donnée pour le faire. C'est vrai aussi, j'ai été surpris qu'il ait été recalé pour cette raison-là. La nationalité ? Voilà, la nationalité, parce qu’il avait conscience de la situation et je crois qu'il s'est donné les moyens d'y participer. C'est une manœuvre de qui ? C'est vrai, les accusations fusent, hein ? À chaque fois, il faut trouver les auteurs et je crois que la commission d'enquête parlementaire qu'ils ont initiée pourrait contribuer à élucider ce qu’il s’est passé réellement. Alors cette commission d'enquête, le principe en a été accepté, est-ce que vous êtes solidaire de cette démarche qui a été prise à l'initiative du PDS de Karim Wade et est-ce que cela pourrait entraîner un report de la présidentielle ? Nous sommes solidaires de tous les combats que nos amis, nos frères et nos camarades de lutte mènent pour préserver, protéger leurs droits. Karim doit participer, devait participer à cette élection. Qu'il puisse se battre aujourd'hui est normal et nécessaire et compréhensible. Donc maintenant... La question que vous avez posée, c’est ? Est-ce qu'on va vers un report éventuel de la présidentielle ? Je ne pense pas que ce soit la solution. Tout le monde sait que je suis contre le report. C'est ma position personnelle et on ne reporte pas une élection à 31 jours. Nous sommes à 31 jours du scrutin. Ce serait sur quelle base ? Qu'est-ce qui conduirait, qu'est ce qui justifierait, qu'est ce qui expliquerait un report ? J'aimerais bien en avoir les raisons. Parce que c'est ça le vrai problème, qu'est ce qui le justifierait ? Alors le fait est que la mise à l'écart de Karim Wade fait que les gens qui auraient voté pour lui vont voter pour d'autres. Est-ce que vous espérez profiter de cette situation pour attirer des électeurs potentiels de Karim Wade, notamment ceux qui ne veulent plus du régime en place, et ceux qui ont peur d’Ousmane Sonko ? Karim Wade se bat, il ne faut pas qu'on ait un comportement de charognard. Pour l'instant, il mène un combat. Ce combat, nous en sommes solidaires. Il s'agit pour nous de le soutenir et de l'encourager à se battre. Le moment venu, quand il faudra aller au scrutin et qu'il faudra discuter, ce sera une seconde étape. Mais aujourd'hui, il n'est pas dans nos intentions de parler, d'aller travailler l'électorat de Karim. Pour l'instant, on le soutient et on est à ses côtés pour son combat.Jusqu'au mois de juin dernier, Khalifa Sall, c'est-à-dire jusqu'au dialogue national initié par le président Macky Sall et auquel vous avez accepté de participer, vous étiez dans la coalition d'opposition Yewwi Askan Wi aux côtés d'Ousmane Sonko. Alors pourquoi avez-vous rompu ? Est-ce que c'est pour des raisons idéologiques ou est-ce que c'est tout simplement parce que votre présence au dialogue national était le prix à payer pour être candidat ? D'abord, je voudrais préciser que nous n'avons pas rompu avec Yewwi. Yewwi avait des statuts, des textes de code de conduite et des règles et nous avons été respectueux de ces règles. Il respecte ma position comme je respecte la sienne, parce que pour aller au dialogue, c'est une décision de chaque formation politique de la coalition. On n'a jamais dit, dans le texte de Yewwi, qu'il fallait une décision unanime pour aller au dialogue ou pas. Surtout que pour l'élection présidentielle, chacun a le droit d'être candidat ou non. Donc ce sont des choix que nous avons faits et que nous assumons. Nous avons été au dialogue, pas parce qu'il y avait l'élection présidentielle, mais parce que d'abord, nous croyons au dialogue politique dans ce pays. C'est important. D'abord, j'ai dialogué alors que j'étais en prison, j'ai participé à tous les dialogues alors que j'étais en prison. Je n'étais pas candidat et pourtant j'étais là, j'étais à tous les dialogues. Aujourd'hui, le président nous a conviés à ce dialogue. Nous y sommes allés.Alors ne craignez-vous pas pendant cette élection d'être broyé par la machine électorale du camp présidentiel ? Je vous vois sourire, sans doute parce que vous avez une longue expérience électorale, mais c'est vrai, il y a quand même une machine dans le camp d'en face. Vous êtes en situation de faiblesse, non ? Pas du tout. Pourquoi serions-nous en position de faiblesse ? C'est une élection présidentielle, c'est un problème de personne. Ce sont des hommes et des femmes qui se présentent à nos concitoyens pour solliciter leurs suffrages à travers des projets, des programmes qu'ils vont leur proposer. Il s'agit de crédibilité, il s'agit de compétences, il s'agit de capacité et je suis très bien placé pour être le prochain président de la République du Sénégal. J'y suis préparé, je connais ce pays, je connais l'État et j'ai tous les atouts pour être élu. Je n'ai aucune inquiétude face au pouvoir. Même face à Amadou Ba ? Est-ce que ce n'est pas un adversaire redoutable, le Premier ministre ? Je vous vois à nouveau sourire, pourquoi ? Vous ne le craignez pas ? Il ne faut jamais sous-estimer ses adversaires, jamais, c'est de la politesse, c’est de la correction. Il faut toujours respecter ses adversaires. Mais quand vous parlez d’être broyé ou d'être laminé, je pense que même là, le camp d’en face connait la réalité politique du moment.  Vous qui avez une longue expertise politique, de qui vous vous sentez le plus proche ? De la coalition au pouvoir Benno Bokk Yakaar ou de la coalition d'opposition Yewwi Askan Wi ? Je suis dans l'opposition depuis 24 ans. Je suis le plus ancien opposant depuis que le PS a perdu le pouvoir. Je suis dans l'opposition. J'ai eu tous mes mandats en étant opposant. J'ai été élu et réélu député, j'ai été élu et réélu maire de Dakar, toujours en étant dans l'opposition, je n’ai pas besoin d'aller à Benno [Bokk Yakaar]. Donc je reste dans l'opposition. Je suis lié par les contrats moraux que nous avons signés au niveau de l'opposition, que ce soit dans le F24 et autres, ça m'engage. J'ai apposé ma signature. Alors vous vous battez, comme vous l'avez dit, pour gagner, mais si jamais vous n'y parvenez pas, si jamais, par exemple, vous ne parvenez pas au second tour…Je ne l'envisage même pas.Est-ce que vous pourriez faire une alliance électorale avec peut-être, justement, les gens de Yewwi Askan Wi, puisque vous n'êtes pas de Benno Bokk Yakaar ? Je ne l'envisage pas, je n'envisage pas d’être absent. Je serai au second tour.Il y aura un second tour, pour vous ? Forcément. C'est la réalité politique du moment. Ceux qui vous disent, le premier tour… Bon, vous savez, il n’est pas interdit de rêver. Tout le monde sait qu'il y aura un second tour dans ce scrutin. On n'a jamais eu un scrutin aussi ouvert. Et qui voyez-vous en face de vous au second tour ? Personne et je sais que j'y serai inch’Allah, peu importe celui que j’aurai en face de moi.Venons-en à un sujet, hélas, triste : les jeunes Sénégalais qui partent en pirogue, au péril de leur vie, chercher un avenir meilleur en Europe. Les gouvernements ici et ailleurs, disent que oui, il faut créer des emplois, que les jeunes vont rester, mais on a l'impression que c'est une fatalité. Est-ce qu'à vos yeux c'est une fatalité, ou est-ce que vous avez la solution miracle pour endiguer ce flux ? Ce n'est pas une fatalité. Vous savez ce que me disent les jeunes ? On n'a aucune envie d’aller faire du « Barça ou Barsakh » [« Barcelone ou la mort »], aucune envie. Ils n'ont connu que la terre, l'agriculture, aujourd'hui ils sont laissés à eux-mêmes. Il y a des surfaces, des superficies énormes, qui ne peuvent pas être aménagées ou exploitées. Ces jeunes n'ont pas de terre, ils n'ont pas d'activité, ils n'ont pas de moyens sûrs, qu'est-ce que vous voulez qu'ils fassent ? Il vaut mieux mourir plutôt que de rester dans certaines situations, c'est ça le problème. La question, elle est économique et sociale, la solution sera économique et sociale. Développer ce pays dans son hinterland, faire en sorte que les gens aient les moyens de vivre et de travailler pour garder leur dignité, voilà le problème. Et on n'a pas besoin de vous pour ça. Nous devrions nous-mêmes revoir nos politiques économiques, revoir nos stratégies de développement pour répondre aux aspirations de ces populations qui, parce qu'elles n'ont plus de réponses, préfèrent la mort ou l'exil, plutôt que de rester dans la honte. 
1/31/202412 minutes, 28 seconds
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Patrick Forestier: «en politique internationale, il n'y a que le rapport de force qui compte»

Vladimir Poutine, Emmanuel Macron et l'Afrique… C'est le thème du livre Poutine contre la France, que vient de publier Patrick Forestier, reporter de guerre, aux éditions du Cherche Midi. La Russie a-t-elle joué un rôle dans la rupture de dimanche dernier entre trois pays du Sahel et la Cédéao ? La Russie va-t-elle évincer les militaires français du Tchad ? Quelle est la responsabilité des hommes politiques français dans le fiasco de la France au Sahel ? Patrick Forestier répond aux questions de Christophe Boisbouvier.   RFI : En 2016, François Hollande et Jean-Yves Le Drian décident de retirer la force Sangaris de Centrafrique, est-ce que c’est la faute originelle ? Patrick Forestier : Oui, les Français étaient venus, avaient calmé les choses sans rien résoudre – c’est un pays qui est livré à lui-même –, mais après être partis, assez rapidement, on a laissé la place aux Russes. On a même favorisé, au Conseil de sécurité de l’ONU, l’arrivée des Russes. Et très vite, très rapidement, c’est Wagner et ses mercenaires qui sont arrivés, avec la désinformation, avec une campagne sans précédent qui a surpris les responsables français : les Français étaient vus d’un coup comme le diable, il n’y a pas d’autre mot.Pour justifier son retrait de Sangaris de Centrafrique, François Hollande dit aujourd’hui : « On n’avait pas les moyens d’être partout ».Alors il ne fallait pas y aller s’il n’y avait pas les moyens. Ça a été pire que tout d’y aller, de susciter des espoirs et de partir. Il est évident que, même lorsqu’il y est allé, lorsque la France a déployé des hommes là-bas, sur un bon constat – il y avait des massacres, il fallait quand même intervenir –, on est partis parce qu’on ne pouvait pas, là [François] Hollande a raison, rester davantage, parce que le front du Mali s’était dégradé énormément avec Barkhane et il y a eu les attentats en France, des interventions au Levant, donc on ne pouvait pas être partout. Le président Hollande a fait le diagnostic de sa propre initiative.Alors au Sahel, Patrick Forestier, vous décrivez le fiasco de la France. Dimanche dernier, le Mali, le Burkina et le Niger ont annoncé conjointement leur départ de la Cédéao, et derrière cette décision, certains y voient la main de la Russie. Qu’est-ce que vous en pensez ?Je pense que c’est vrai. Il y a un processus entre eux qui est réel, les trois nouveaux pouvoirs voulaient une union, c’est clair, mais au regard de leur nombre de voyages à Moscou, des émissaires russes qui viennent dans ces pays, et surtout au Burkina, qui est vraiment devenu le chouchou de [Vladimir] Poutine…Vous pensez peut-être au discours du capitaine [Ibrahim] Traoré à Saint-Pétersbourg en juillet dernier ? Oui, par exemple. On se souvient de ce discours à la Sankara qu’il a prononcé, à deux doigts d’insulter ses camarades présidents voisins. Et donc [Vladimir] Poutine l’a mis juste à côté de lui pour les photos, il a vu qu’avec ce jeune officier, on pouvait aller plus loin, c’est ce qu’il s’est passé. Depuis l’été dernier, les Russes défilent à Ouagadougou – des officiers, des gens de la coopération russe –, ils vont même peut-être construire une centrale atomique civile pour l’électricité, c’est un vaste programme.La visite la semaine dernière du président Mahamat Idriss Déby à Moscou, est-ce le signe que le Tchad pourrait à son tour expulser les militaires français pour accueillir des militaires russes à Ndjamena ?Expulser, c’est peut-être prématuré, mais en tout cas, c’est un signe clair que le Tchad se tourne à son tour vers Moscou, on voit qu’il y a un tournant. Alors comment ça va se finir ? Évidemment, c’est prématuré, mais comme au Mali, on voit mal comment des coopérants ou des mercenaires russes de la nouvelle société de mercenariat qui a remplacé Wagner, qui s’appelle Africa Corps, pourraient cohabiter avec le détachement français à Ndjamena. Donc on voit qu’on s’achemine vers de grandes difficultés au Tchad.EN 10 ans, vous écrivez que la France a perdu au Sahel ce qu’elle avait construit en 100 ans, est-ce irréversible ?Non, à l’heure d’aujourd’hui, non, mais ce ne sera jamais plus comme avant, c’est clair, plus avec ces méthodes. Ça sera peut-être plus à la méthode allemande, c’est-à-dire du business, des relations très courtoises et pas de politique.Est-ce que François Hollande et Emmanuel Macron ont mal joué et auraient pu faire autrement ?Pour François Hollande, il y a eu Serval, pas grand monde remet vraiment en cause Serval. C’est après, à l’époque, Monsieur Le Drian et son cabinet en particulier, qui ont vu grand. Peut-être fallait-il être plus modeste une fois l’opération terminée.Le succès militaire de Serval les a-t-il poussés à un excès de confiance ? Peut-être. Je ne suis pas à leur place pour répondre, mais on a vu quand même qu’avec 4 500 hommes, on ne pouvait pas contrôler un territoire aussi grand que l’Europe, une distance de Brest à Moscou.Et est-ce qu’en recevant Vladimir Poutine au fort de Brégançon en août 2019, Emmanuel Macron n’a pas fait preuve de naïveté ? J’espère que non. Ça, c’était avant le plus fort de l’offensive russe contre la France en Afrique. Mais c’est vrai qu’il a essayé quelque chose qui n’a pas marché, comme il a essayé d’empêcher que les Russes entrent dans une invasion en Ukraine. Alors ça part d’un bon sentiment, là aussi, mais en politique internationale, c’est le rapport de force qui compte, il n’y a que ça. Et là, je crois que Poutine n’est même pas cynique, il pèse les choses au trébuchet et il voit bien que la force de la parole ne suffit pas dans ce rapport de force qui s’appuie sur les armes.
1/31/20248 minutes, 11 seconds
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Présidentielle au Sénégal: le camp de l'opposant Ousmane Sonko pense gagner avec 71% des voix

Malgré le rejet de la candidature de l’opposant Ousmane Sonko par le Conseil constitutionnel, son parti Pastef, qui est officiellement dissous, se dit sûr de la victoire, même avec un candidat de substitution qui est aujourd’hui derrière les barreaux. Le 28 janvier, dans une vidéo non datée, Ousmane Sonko, qui est en prison, a désigné son numéro 2, Bassirou Diomaye Faye, comme son remplaçant à la présidentielle du 25 février au Sénégal. Certes, Bassirou Diomaye Faye est, lui aussi, en prison. Mais lui a vu sa candidature validée par le Conseil constitutionnel. Et sur RFI et France 24, Birame Souleye Diop, qui est le vice-président du Pastef et le chef du groupe Pastef à l’Assemblée nationale, affirme aujourd’hui que le candidat-prisonnier Bassirou Diomaye Faye est « tout à fait calibré pour répondre aux attentes des électeurs, car il a rigoureusement travaillé sur le programme politique que nous portons ».Comment faire campagne derrière les barreaux ? Birame Souleye Diop rappelle qu’il y a un précédent célèbre. En août 2018, au Brésil, le prisonnier Lula da Silva s’est présenté à la présidentielle d’octobre. Certes, sa candidature n’a pas été validée à l’époque. Mais quatre ans plus tard, Lula, qui avait été libéré entre-temps, a été élu.Le camp d’Ousmane Sonko ne risque-t-il pas d’être laminé par la machine électorale qui soutient le Premier ministre Amadou Ba, le dauphin du président Macky Sall ? « Pas du tout, réplique Birame Souleye Diop, car Amadou Ba, il ne passe pas dans la rue pour qu’on dise “Amadou Ba”, il passe dans la rue pour entendre “Ousmane Sonko”, il n’a jamais fait de politique, il ne se préoccupe pas de la vie chère et les intentions de vote en notre faveur tournent autour de 71 % ».L’absence de réactions dans la rue après le rejet de la candidature d’Ousmane Sonko ne traduit-elle pas un essoufflement de son camp ? Absolument pas, répond le vice-président du Pastef, car son mouvement « adapte sa stratégie aux circonstances ». Après la stratégie de la rue est venue celle des urnes.
1/29/202411 minutes, 45 seconds
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Niagalé Bagayoko: le retrait du Burkina, Mali, Niger de la Cédéao va «entraver la libre circulation des populations»

La nouvelle a fait l'effet d'un coup de tonnerre : trois des quinze pays de la Cédéao ont annoncé dans un communiqué conjoint et simultané qu'ils quittaient l'organisation sous-régionale. Les rapports entre le Niger, le Mali et le Burkina et la Communauté économique ouest-africaine n'ont cessé d'empirer après chaque coup d'État militaire à Niamey, Bamako et Ouagadougou. La rupture semble donc consommée. Analyse avec Niagalé Bagayoko, docteure en Science politique et présidente de l'African Security Sector Network (ASSN).   RFI : Niagalé Bagayoko, le Niger, le Burkina Faso et le Mali, réunis au sein de l'Alliance des États du Sahel (AES), viennent donc d’annoncer vouloir quitter la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Ceci dit, est-ce que c'est aussi simple ? Les statuts de l'organisation mentionnent qu'une telle procédure prend au moins un an.  Niagalé Bagayoko : Tout à fait, c'est l'article du traité révisé de la Cédéao, l'article 91 qui prévoit un délai d’un an pour matérialiser le retrait souhaité par l'un des États membres. Bien entendu, vous mentionnez ce cadre de l'AES, mais il faut aussi, je pense que c'est important, se souvenir que la Cédéao est apparue comme un cadre impropre à la gestion des questions, notamment sécuritaires, du Sahel. Lorsque les gouvernements civils, en 2014, de ces mêmes États que sont le Mali, le Niger et le Burkina Faso, ont envisagé de créer une force de trois mille hommes dans le cadre de l'autorité intégrée du Liptako-Gourma, qui reprend exactement les frontières de l'actuelle AES ; donc, c'est là qu'on voit que les dynamiques sont en réalité assez profondes, que la défiance n'a cessé de croître. Et, bien entendu, les positions ensuite adoptées d'un point de vue politique par la Cédéao, à la suite des coups d'État survenus dans les trois pays, n'ont fait que confirmer la défiance, notamment en raison des sanctions très sévères, notamment pour les populations, qui ont été adoptées et ont donc renforcé également la détermination des autorités à se défaire de ces cadres dans les trois pays.  Justement, vous parlez des populations. Qu'est-ce que ce retrait implique concrètement au quotidien, ou impliquerait concrètement au quotidien, pour les populations du Niger, du Burkina Faso et du Mali ?  Moi, il me semble que le premier point à mettre en relief est celui de la libre circulation. Le grand acquis de la Cédéao, depuis sa création, a vraiment été de permettre les déplacements sans autorisation ou nécessité de visa entre les pays membres. Et, il s'agit à la fois à titre individuel, mais pour les acteurs économiques, parce que sont aussi impliquées des questions de droit de douane. C’est un point fondamental, et c'est sans doute sur celui-là que les trois États auront le plus besoin de trouver des stratégies de pédagogie, d'explication. Parce que sur le plan politique, je pense que leurs opinions publiques auront plutôt tendance à soutenir cette décision de retrait. En revanche, lorsqu'elles en mesureront les conséquences économiques, ou à titre individuel, quand leur possibilité de se déplacer dans un espace qui est extrêmement intégré, il pourrait y avoir une plus grande contestation. Donc, je pense qu'il faut vraiment s'apercevoir qu'on est face, à mon avis, à un bouleversement majeur de fond d'un point de vue institutionnel et géostratégique.  Une recomposition majeure, dites-vous, qui se fera sans dommages pour les populations ? Les populations, malheureusement, sont depuis le début de cette crise sahélienne, les premières victimes de toutes les violences qui sont commises par divers acteurs, qu'il s'agisse des groupes djihadistes, qu'il s'agisse des groupes d'autodéfense, qu'il s'agisse de certaines unités des forces armées elles-mêmes, ou qu'il s’agisse de gouvernements qui s'opposent à l'État de droit et à la liberté d'expression. Il y a un recul sans précédent de celles-ci dans les trois États du Sahel depuis quelques années, depuis l'accès au pouvoir des militaires. Mais, on ne peut pas considérer que la situation était absolument idéale et parfaite sous les gouvernements qu'ils ont renversés. Donc, malheureusement, oui, les populations sont aujourd'hui comme hier, au cœur des souffrances de la sous-région.
1/29/20244 minutes, 36 seconds
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Musique: le Nigérien Goumar Almoctar dit «Bombino» électrise les scènes françaises

Poète tamasheq, guitariste virtuose, si discret dans la vie, si puissant sur scène ! Originaire d’Agadez, Bombino chante depuis son enfance l’amour de sa région, l’immense Sahara, de sa communauté. L’artiste, qui est en tournée en Europe, jouait à Paris samedi soir à guichet fermé. Juste avant de monter sur scène, il a accepté avec douceur, tout en pudeur, de répondre à quelques questions. Bombino et sa guitare au micro de Guillaume Thibault.
1/28/20244 minutes, 45 seconds
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Présidentielle au Sénégal: le Premier ministre Amadou Ba «pense être élu dès le premier tour»

À un mois de la présidentielle, c’est un candidat très confiant dans ses chances de victoire qui est sorti de son silence médiatique de ces derniers mois et qui s’est prêté au jeu de l’interview aux micros de RFI et France 24, à la résidence du Premier ministre à Dakar. Amadou Ba, qui a été choisi en septembre dernier comme le candidat de la coalition au pouvoir Benno Bokk Yakaar pour succéder à Macky Sall, estime qu’il a le « privilège d’appartenir à la coalition la plus forte, la plus organisée ». En conséquence, dit-il, « il n’y a pas de doute, de mon point de vue, que nous passerons au premier tour. »Accusé par le candidat Karim Wade d’être l’instigateur du rejet de sa candidature par le Conseil constitutionnel le 20 janvier dernier, il réplique : « Le recours n’a pas été fait par moi et je ne suis pas du tout à la manœuvre ».Est-il par rapport au président actuel Macky Sall le candidat du changement ou de la continuité ? « Je mesure l’ampleur et l’envergure des progrès qui ont été réalisés sous le magistère du président Macky Sall. Maintenant, il m’appartient de travailler à faire encore plus, encore mieux et encore plus vite », répond-il dans une formule qui ressemble fort à un slogan de campagne. Ses priorités ? L’emploi des jeunes, grâce notamment à l’électricité pour tous et à de meilleures routes.À propos des centaines de militants d’opposition pro-Ousmane Sonko qui sont emprisonnés depuis les émeutes de mars 2021 et de juin 2023, le Premier ministre-candidat s’engage, s’il est élu, à « accélérer toutes les procédures judiciaires »et à« réconcilier les Sénégalais ». Sous-entendu : l’éventuel futur président pourrait faire preuve de clémence.Enfin, sur l’avenir du franc CFA, l’ex-ministre des Finances de Macky Sall estime qu’il faut réformer, mais sans tomber dans le « populisme ».
1/26/202412 minutes, 59 seconds
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Médias suspendus en Guinée: «L'idée est de mettre sur "off" toutes les voix dissonantes»

En Guinée, la presse privée est en pleine déliquescence. Depuis plus de deux mois, plusieurs radios et télévisions ont vu leurs ondes brouillées ou leur antenne tout simplement suspendue. Cela fait deux mois que les accès aux réseaux sociaux et aux services d'appels comme WhatsApp sont bloqués. Avec l'arrestation la semaine dernière du secrétaire général du Syndicat des professionnels de la presse de Guinée pour avoir appelé à manifester, plusieurs médias dénoncent une censure généralisée et orchestrée par les autorités de transition. Entretien avec Lamine Guirassy, journaliste, fondateur et PDG du groupe Hadafo Médias. RFI : Votre groupe Hadafo Médias a décidé de suspendre son émetteur FM dans la capitale Conakry. Pour quelle raison ?Lamine Guirassy : Depuis le mois de novembre 2023, l'ARPT, qui est l'autorité de régulation en Guinée des médias et de l'audiovisuel, a décidé de carrément brouiller notre fréquence, sans raison. Nous n’avons pas reçu de communiqué, ni de lettre par rapport à ça. Aujourd'hui, Hadafo Médias est en règle avec l'ARPT, c'est-à-dire qu’on ne doit aucune facture à cette autorité. On a écrit à l’ARPT, à la Haute autorité de communication (HAC), à la présidence de la République pour comprendre un petit peu ce qui se passait, on n'a jamais eu de retour. Mais on sait exactement que c'est l'ARPT qui bloquait, qui brouillait notre fréquence, notamment la fréquence de notre radio Espace Guinée, et ceci à des heures très précises, c'est-à-dire à l'heure de notre émission de débats Les Grandes gueules. Entre 9h00 et 12h00, ils brouillaient complètement la fréquence. Après, ils se sont rabattus aussi sur Sweet FM - parce que l'émission y est rediffusée -, notre deuxième radio, à 18h. Bizarrement, à 18h, la fréquence de Sweet FM aussi est brouillée.Dans le même temps, vous dites ne plus être maître de votre fréquence. Désormais, c'est de la musique qui joue en continu, malgré la suspension de votre émetteur ?Oui, de la musique pour rendre hommage à l'armée guinéenne, appelant à soutenir l'armée et combattre les traîtres de la Guinée. C'est une chanson du Bembeya Jazz National que Demba Camara a chanté dans les années 70 pour faire allusion à l'agression portugaise du 22 novembre 1970 en Guinée. Elle passe en boucle sur la fréquence.C'est-à-dire des messages de propagande qui datent de la première République sous le président Ahmed Sékou Touré ?Exactement.Vos radios sont brouillées, votre chaîne télé a été suspendue des bouquets satellites sur demande des autorités de transition, plusieurs médias guinéens ont déjà mis leur personnel au chômage technique. Quelle est la situation de votre groupe ?Avec la situation qui prévaut, il va évidemment falloir prendre des dispositions. Depuis le mois de décembre 2023, l'audimat baisse parce que l'État a demandé aux opérateurs Canal+ et Startimes de couper la diffusion d’Espace TV. Les pertes aujourd'hui s’élèvent à des milliards de francs guinéens. Donc, évidemment que ça aura des répercussions sur les salariés dans les semaines à venir, et si la situation ne s'arrange pas, nous serons obligés de faire comme d'autres médias pour pouvoir, au moins, peut-être, avoir le service minimum, mais économiquement, c'est très compliqué.La HAC justifie la suspension de vos antennes par des raisons de sécurité nationale, ce n'est pas un argument suffisant pour vous ?Il y a aucune explication sur ce qui est en train de se passer. Tout ce qu'on nous a dit, enfin, tout ce que nous avons vu comme information sur internet, c'est pour des raisons de « sécurité nationale ». Mais en vrai, ce n'est pas du tout ça. Que va-t-il se passer dans les semaines à venir ? Nous, on n'a pas d'explication... Bien malin celui qui peut prévoir ce qui peut se passer dans les jours ou les mois à venir. L'idée, c'est de mettre en « off » tous les médias et toutes les voix dissonantes. Aujourd'hui, en Guinée, c'est ça l'idée. Parce que déjà, pour internet - je ne vous l’apprends pas - depuis plus de deux mois maintenant, nous n’avons pas de connexion. Je parlais tout à l'heure de chape de plomb, donc c'est un peu ça, en fait : les gens ont peur. Quand est-ce que cette situation va s'arrêter, personne ne peut le dire. C'est un climat de désolation, à l’image de l’explosion du dépôt d’hydrocarbures de Kaloum en décembre dernier. Donc, les gens se cherchent, on ne comprend pas, on ne comprend pas. Le sauveur est devenu l’oppresseur.Voilà maintenant 17 ans que vous avez fondé Hadafo Médias. C'est le plus ancien groupe audiovisuel du pays. Vous-même avez traversé quatre régimes présidentiels, civils et militaires, avec lesquels les rapports n'étaient pas toujours faciles. En quoi la situation actuelle est-elle différente ?Nous n'avons jamais vu ça quand on parle de transition. Nous, c'est la deuxième fois qu'on assiste à une transition militaire, après Konaté et après Dadis. Au temps d’Alpha Condé, on a tellement dénoncé, on a tellement critiqué, mais jamais Alpha Condé n'est allé à ce point-là, à demander aux opérateurs d'occulter des chaînes ou à brouiller les fréquences. Jamais il ne l'a fait. Est-ce que notre État est en train de devenir la Birmanie ? Je n’en sais rien du tout, mais je me pose des questions, parce que la chape de plomb, c'est juste extraordinaire. C'est-à-dire que vous travaillez, mais vous rentrez à la maison, et vous vous dites peut-être que ce qu'il reste, c'est l'élimination physique. Ce qui est en train de se passer est inédit, c’est tellement grave que c'est juste incroyable.À lire aussiGuinée: l'autorité de régulation des médias et la presse privée se rencontrent sur fond de malaise
1/26/20244 minutes, 51 seconds
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Alexandre Barro Chambrier, vice-Premier ministre: l'objectif est de «remettre le Gabon en ordre de marche»

Au Gabon, à la faveur d’un remaniement ministériel, Alexandre Barro Chambrier vient d’intégrer le gouvernement de transition, quasi cinq mois après le coup d’État qui a renversé Ali Bongo. L’opposant, président du Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM), a été bombardé vice-Premier ministre, en charge du Plan et de la prospective. L’économiste de 65 ans a prêté serment ce lundi et devient donc un des principaux personnages de l’état. Entretien.
1/25/20249 minutes, 27 seconds
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[Exclusif] Antony Blinken: en Afrique, «on essaie d'être dans un partenariat où on écoute»

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken effectue sa quatrième visite de travail en Afrique, depuis le 22 janvier. Une tournée qui le mène au Cap-Vert, au Nigeria, en Angola et en Côte d’Ivoire. Cette visite devrait lui permettre de « mettre le paquet sur l’Afrique », selon ses mots. Dans un contexte où le continent africain diversifie ses partenariats, Washington tente de convaincre avec une démarche basée sur l’écoute. De passage à Abidjan, Antony Blinken donne son point de vue sur les interrogations du moment : insécurité au Sahel, démocratie et partenariats. RFI : La Côte d'Ivoire a des frontières communes avec des pays totalement dépassés par l'insécurité. Je pense au Mali, au Burkina, qu'est-ce que les États-Unis proposent comme type d'aide pour soutenir la Côte d'Ivoire à repousser toutes ces menaces ?Antony Blinken : Il y a tout un programme sécuritaire qui est construit à la base de ce que font déjà les Ivoiriens. Leur programme de sécurité au Nord, qui est basé sur la communauté où il y a maintenant une meilleure entente, une meilleure collaboration entre les forces de sécurité et les citoyens, est la base de tout système sécuritaire qui puisse vraiment fonctionner et répondre aux besoins de ceux qui sont premièrement en danger. Deuxièmement, nous avons un soutien à la fois d'équipement technique et d'information, qui aide les Ivoiriens à faire face aux menaces qui existent.Est-ce que les États-Unis ont l'intention d'aller plus loin dans leur aide, en imaginant d'installer une base militaire dans le Nord, à Korhogo par exemple ?Tout ça, c'est à voir. Pour l'instant, nous nous forçons sur les questions de l'aide concrète qui puisse faire une différence. J'ai pu annoncer lors de ce séjour une aide supplémentaire pour la Côte d'Ivoire, aide à la fois financière, mais aussi en équipement militaire nécessaire pour faire face aux extrémistes.Vous avez annoncé aussi une aide supplémentaire de 45 millions de dollars pour les pays côtiers. À quoi cet argent servira-t-il concrètement ?Ça va se traduire en équipements nécessaires, justement pour faire face aux dangers. Ça va se traduire en technologie. Ça doit se traduire aussi en coopération entre nos divers experts. Et je pense que ça peut faire une différence pour sécuriser les endroits qui sont en danger.Au Sahel, vous étiez l'année dernière au Niger. Entre-temps, il y a eu un coup d'État. Les États-Unis sont toujours présents militairement dans le pays. Mais on sait que la junte a aussi d'autres idées, veut multiplier d'autres partenariats, d'autres offres. Quelle est pour vous, les États-Unis, la ligne rouge à ne pas dépasser ?J'étais effectivement au Niger quelques semaines - enfin quelques mois en tous les cas - avant le coup d'État. J'étais avec le président [Mohamed] Bazoum, quelqu'un qui était un très bon leader pour le Niger et d'ailleurs, il faudrait qu’il soit libéré immédiatement et nous attendons la libération du président Bazoum. Ça, c'est une chose, c'est une exigence, c'est une nécessité pour que le Niger se remette sur la route de la démocratie, qu'il y ait une transition très claire et dans un délai court, pour un retour au système démocratique qui représente le peuple du Niger.Si c'est le cas, nous pouvons agir de la sorte, c'est-à-dire toute la coopération que nous avons suspendue, vu l'action de l’État. Ça, on peut le remettre en jeu. Mais ça dépend entièrement de la démarche du CNSP [Comité national pour le salut du peuple - NDLR]. Est-ce qu'ils remettent le Niger sur la bonne route ? Si c'est le cas, je pense que la communauté internationale, y compris les États-Unis, vont pouvoir répondre derrière de façon positive. Si ce n'est pas le cas, évidemment, la relation entre nous et le Niger - et entre beaucoup d'autres pays que le Niger - sera dans un tout autre état.À lire aussi«Les États-Unis suivent attentivement ce qu’il se passe au Niger parce qu’ils y ont beaucoup investi»Concernant l'idée de réfléchir à d'autres partenaires - notamment à la Russie -, est-ce quelque chose que vous pouvez envisager, comme travailler sur le même terrain avec des partenaires qui n'ont pas la même vision que vous ?Le problème qu'on a vu un peu à travers l'Afrique, dans des pays qui ont décidé de mettre leur sort entre les mains du groupe russe Wagner, par exemple, c'est que la violence, le terrorisme, l'abus des ressources est dans le sillage. On l'a vu à chaque reprise. Et au contraire d’avoir une meilleure sécurité pour les peuples en question, en fait, l'insécurité a été croissante dans chaque pays où, par exemple, le groupe Wagner agit ou agissait. Donc pour nous, ce n'est pas la réponse, tout au contraire. Donc, c'est justement ça notre coopération, nos programmes de sécurité, les investissements que nous faisons, c'est pour donner un autre choix. Et là aussi, je pense que les pays africains doivent, eux aussi, faire le maximum en se soutenant. La Cédéao a un rôle très important à jouer aussi.Justement, la Cédéao fait face à une série de coups d'État depuis l'année dernière. Quelle est l'expertise, ou en tout cas, quel est le soutien que les États-Unis apportent à la Cédéao pour essayer de maintenir la démocratie dans la sous-région ?C'est un soutien diplomatique. Ce qu'on essaie de faire, c'est premièrement s'assurer qu'il y a des réponses africaines aux problèmes de l'Afrique, mais soutenues par les États-Unis. On ne peut pas se substituer aux pays africains. Au contraire, on veut les soutenir et agir ensemble, parce qu’on n'est plus dans un schéma où on pose la question : « Qu'est-ce qu'on peut faire pour l'Afrique ? ». C'est plutôt : « Qu'est-ce qu’on peut faire avec l’Afrique ? ».  Donc on essaie d'avoir de vrais partenariats où on écoute, pour essayer de comprendre ce qui peut réussir dans le défi que nous avons devant nous.La semaine dernière, le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, était ici à Abidjan pour une visite africaine. Qu'est-ce que les États-Unis proposent de différent par rapport à la Chine à des pays comme la Côte d'Ivoire ? Pour nous, ce n'est pas une question de dire aux amis ou autres : « il faut choisir ». Non, pour nous, le défi est de montrer que nous offrons un bon choix, et puis aux amis et autres de décider. Et par ailleurs, les besoins sont tels qu'il y a de la place pour tout le monde. Nous essayons de soutenir et d’apporter des investissements qui sont une course vers le haut. Avec les meilleures normes, pour qu'il n'y ait pas un poids de dette énorme qu'on ne peut pas défaire.À lire aussiÀ Abidjan, le secrétaire d’État américain Antony Blinken renforce la coopération antiterroriste
1/24/20248 minutes, 21 seconds
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«Il y a une nécessité pour les pays riches de redistribuer les richesses et le pouvoir»

Quelle est la politique de développement pour les pays africains dans un monde et sur un continent en plein bouleversement ? C'est la question que se pose Jean-Luc Stalon. Représentant résident du Programme des Nations unies pour le développement, à Bangui, en Centrafrique, il a assisté, au cours de sa carrière, aux réussites et aux échecs des politiques de développement. Il a consigné ses observations et ses idées dans un livre intitulé La croissance élitiste.
1/23/20244 minutes, 43 seconds
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Papa Fara Diallo: 20 candidats «c’est une bonne nouvelle qui témoigne de la vitalité démocratique au Sénégal»

Ils seront donc vingt à briguer les suffrages des électeurs sénégalais le 25 février prochain. Vingt candidats à l'élection présidentielle. La liste a été rendue publique tard samedi soir par le Conseil constitutionnel. Quels seront les camps en présence, où se placent les lignes de division et quels seront les grands absents de ce scrutin ? Pour en parler, notre invité ce matin est Papa Fara Diallo, maître de conférences en science politique à l'université Gaston Berger de Saint-Louis.
1/22/20244 minutes, 38 seconds
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Victor Osimhen: «Je voulais rencontrer Didier Drogba depuis que je suis enfant»

Le footballeur nigérian Victor Osimhen, l’un des meilleurs attaquants du monde, qui a été sacré par la Confédération africaine de football joueur africain de l’année 2023, se trouve actuellement à la CAN dont il est l’une des grandes stars. C’est là que RFI a pu lui remettre enfin le prix Marc-Vivien Foé décerné au meilleur joueur africain de Ligue 1, qu’il avait gagné en 2020 à la fin d’une saison écourtée par le Covid. Il répond aux questions de Christophe Jousset.  RFI : Comment vous sentez-vous avec ce trophée, ce prix Marc-Vivien Foé entre les mains ?  Victor Osimhen : Ça fait du bien. Cela signifie beaucoup pour moi. Je me souviens d'avoir remporté ce prix, mais je n’avais pas pu recevoir le trophée. Je vous remercie d'être venus jusqu'ici pour me le remettre. Je veux adresser un merci tout particulier à mon ancien club, Lille, pour son soutien et son amour. Je pense aussi à mes anciens coéquipiers lillois qui m'ont aidé à obtenir cette récompense historique. Je suis heureux et cela me donne une grande motivation pour continuer à avancer dans ma carrière. Meilleur joueur de Ligue 1 en 2020 et trois ans plus tard, le trophée de la CAF de meilleur joueur africain, vos progrès ont été rapides. Vous vous attendiez à aller aussi vite ?  Oui, je pense que tout ce qui m’arrive est bon. Je pense que je l’ai mérité. J'ai vécu beaucoup d'échecs, beaucoup de déceptions. Beaucoup de gens m’ont laissé de côté, pensant que je ne pourrais jamais réaliser quelque chose de plus grand et devenir le footballeur africain de l’année. Mais pour moi, c'est du travail et de la cohérence, car je donne vraiment tout : de la sueur, du sang et des larmes, pour réaliser mes rêves. Et s’imposer, c’est un énorme défi pour moi. Je ne peux pas mentir.  Ce n'est que le début. C'est seulement une motivation pour continuer à avancer. Et je sais que j’ai vraiment tellement de choses à accomplir. C’est votre première véritable CAN avec le Nigeria – vous avez joué seulement 45 minutes en 2019 -, qu’est-ce que ça fait de jouer et de jouer les premiers rôles ? Ça fait du bien. En 2019, Odion Ighalo était l'attaquant titulaire et c'était important pour moi de pouvoir le regarder et acquérir une certaine expérience. Il me motive. C'est un grand frère pour moi. En 2019, quand j'ai eu ces 45 minutes, ce n'était pas vraiment les bonnes 45 minutes parce que j’étais assez nerveux. C'était la première fois que je jouais dans une compétition comme ça. Mais bien sûr, au fil du temps, j’ai grandi, je me suis amélioré. J'ai eu cette confiance et pour moi, venir ici maintenant en tant qu'attaquant numéro un, et représenter mon pays, c'est un grand honneur. Je suis prêt. Peu importe ce que les gens disent, je m'en fiche. Moi, je suis concentré, avec l’objectif d'aider l'équipe à remporter la CAN. Nous avons encore un long chemin à parcourir. Je suis vraiment prêt à tout donner.  Vous avez battu la Côte d’Ivoire jeudi à Abidjan, c’est le vrai départ du Nigeria dans cette compétition ? Oui, bien sûr, nous avons encore eu un match nul décevant contre la Guinée-équatoriale lors du premier match. On aurait mérité de gagner... Nous avons raté beaucoup d'occasions. Mais ensuite, nous avons battu le pays-hôte. Nous devons continuer. On a un grand respect pour l'équipe ivoirienne, car ils ont beaucoup de joueurs de qualité, capables de leur faire gagner les matches. Mais bien sûr, nous étions déterminés. Je pense que c'était l'un des meilleurs matchs que mes coéquipiers et moi avons jamais joué depuis que je suis arrivé chez les Super Eagles. On a pu voir la passion et la détermination qui étaient les nôtres. Je pense donc que nous méritons la victoire et que nous continuerons à partir de là.  Jeudi, vous avez croisé Didier Drogba au stade, vous lui avez dit Yako (un terme pour affirmer sa compassion en Côte d’Ivoire, dire que l’on est désolé, Ndlr)  ?  (Il rit) Je ne savais même pas qu'il était derrière moi. En fait, c'était avant le match, j’étais prêt à sortir pour l'échauffement et puis j'ai senti quelqu'un me taper dans le dos. Et quand je me suis retourné, j'ai vu que c'était lui. Pour moi, c'était un grand moment. C'était court, mais c'était vraiment un grand moment. C’est quelque chose que je chérirai pour le reste de ma vie, car je voulais rencontrer Didier Drogba depuis que je suis enfant. Et je ne peux pas mentir, j’avais la chair de poule. C’est une grande inspiration pour moi, une grande icône. Et ce qu’il a fait pour le football, l’espoir qu’il a donné aux enfants africains de devenir footballeurs professionnels est vraiment incroyable. C’est vraiment la plus grande légende d'Afrique ! Vous faisiez partie de ces enfants qui regardaient Drogba comme une idole ? Ouais, bien sûr, en grandissant, j'avais ce type qui me disait : j'ai joué avec Didier Drogba, puis il m'appelait chez lui et me montrait ses vidéos sur YouTube et tout ça. Et ça m’a inspiré parce que Drogba et moi, on joue un peu de la même manière, avec presque les mêmes qualités. Je regarde encore des vidéos sur YouTube pour analyser sa manière de jouer et rajouter quelque chose de lui dans mon jeu. Je pense qu’il m’a aidé à devenir le joueur que je suis. Je lui dois une partie de mon succès parce qu’il m’a inspiré et je ne dis pas ça à la légère, il m’inspire vraiment… Il vous reste à jouer contre la Guinée-Bissau au premier tour, c’est assez simple pour les Super Eagles ? La Guinée-Bissau n’a rien d’un adversaire facile, croyez-moi. On les a affrontés en éliminatoires de la CAN, ils sont venus à Abuja pour gagner, et ils l’ont fait. Quand on s’est déplacé chez eux, on a gagné sur un penalty et ils nous avaient posé des problèmes. Ils avaient raté beaucoup d’occasions. C’est une équipe qui ne doit pas être sous-estimée. Aucune équipe ne doit l’être. Regardez ce que fait la Guinée-équatoriale, ce que la Namibie a réussi. Quand vous affrontez ce genre d’équipes, il faut sortir le grand jeu, il faut être fort, et se battre pour gagner. Je pense que le match sera comme celui contre la Guinée-équatoriale ou la Côte d’Ivoire. On sait qu’ils peuvent nous faire mal si on les laisse jouer. Vous diriez que le Nigeria est là pour gagner la CAN maintenant ?  Bien sûr ! Comme toutes les autres nations. On est venus pour gagner depuis que le coach nous a présenté son plan. Il a considéré que la CAN devait être un objectif parce qu’on a la qualité nécessaire. On n’a joué que deux matches, il en reste cinq donc ça ne sera pas facile. La route sera longue, mais on est déterminés à gagner. Le Nigeria, ce n’est pas seulement des attaquants ?  Bien sûr que non ! On a plein de milieux créatifs, notre gardien aussi est très bon et on a une excellente équipe. Alors maintenant qu’on a de bonnes bases, qu’on a battu le pays organisateur, ce qui est une sacrée performance, je pense qu’on va continuer d’aller de l’avant. ► Liens :• CAN 2024• calendrier et résultats• les six groupes de la CAN
1/21/20244 minutes, 14 seconds
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Yasmina Khadra, soutien du journaliste algérien Ihsane El Kadi: «Arrêter quelqu’un pour ses idées, c’est horrible»

En Algérie, voilà plus d'un an que le journaliste Ihsane El Kadi est en prison. Le patron du journal Maghreb Emergent a été condamné en juin dernier à cinq ans de prison ferme officiellement pour « réception de fonds de l'étranger (...) susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l'Etat ». Pour sa libération, de nombreuses personnalités se mobilisent, comme Annie Ernaux, prix Nobel de littérature. Aujourd'hui, trente personnalités algériennes signent un appel. Parmi elles, le célèbre écrivain Yasmina Khadra.
1/19/20247 minutes, 3 seconds
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Sénégal: «Macky Sall, Derrière le masque», un livre-enquête de Madiambal Diagne

Au Sénégal, le premier tour de la présidentielle, c'est le 25 février prochain. Le président sortant Macky Sall ne sera pas candidat. Quel bilan laissera-t-il après douze années au pouvoir ? À Dakar, le patron du journal Le Quotidien, Madiambal Diagne, un confident du chef de l'État, a publié récemment Macky Sall, Derrière le masque, un livre-enquête qui fourmille d'anecdotes, publié aux Éditions du Quotidien. L'auteur essaie notamment de comprendre pourquoi, il y a six mois, Macky Sall a renoncé à briguer un 3° mandat. En ligne de Dakar, il répond aux questions de RFI.
1/18/20247 minutes, 8 seconds
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Présidentielle en RDC: l'opposant Moïse Katumbi «doit accepter et reconnaitre son échec»

« On a fait une campagne d'encerclement géographique et c'est pour cela qu'on a gagné ». Voilà la réponse d'Augustin Kabuya au porte-parole de l'opposant Moïse Katumbi, qui affirmait ce 16 janvier sur RFI, que la République démocratique du Congo venait de vivre « le plus grand braquage électoral de son histoire ». Au Congo, Augustin Kabuya est le secrétaire général du parti au pouvoir UDPS. C'est aussi l'un des stratèges de la campagne que vient de mener Félix Tshisekedi pour sa réélection. Entretien.
1/17/202412 minutes, 31 seconds
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Élections en RDC: «Nous venons de vivre le plus grand braquage électoral»

Pas de boycott de la nouvelle Assemblée nationale de la République démocratique du Congo, annonce Olivier Kamitatu, le directeur de cabinet et porte-parole de Moïse Katumbi. Celui-ci rejette les résultats de la présidentielle du 20 décembre 2023, qui le créditent de 18% des voix, loin derrière les 73% de Félix Tshisekedi. Mais pour autant, Moïse Katumbi ne va pas demander à ses quelque 18 représentants élus députés dans la nouvelle Assemblée de faire la politique de la chaise vide. Entretien avec Olivier Kamitatu. À lire aussiÉlections en RDC: des opposants rejettent les résultats avant même l’annonce officielle
1/16/202412 minutes, 44 seconds
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Industrie: «Il y a un enjeu de travail commun entre les pays africains et européens»

« Venez investir en France. » C’est l’appel que lance le député français Charles Rodwell aux industriels africains, notamment à ceux qui ont développé, en Côte d’Ivoire ou au Nigeria, un savoir-faire technologique pour faire face au réchauffement climatique. Pour Charles Rodwell, plusieurs pays africains ont une avance technologique qui peut profiter à la fois aux Africains et aux Européens. Entretien.
1/15/20249 minutes, 24 seconds
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Côte d'Ivoire: «On tient les stades de foot pour des cathédrales des temps modernes»

À Abidjan, la galerie La Rotonde des Arts a décidé, comme une dizaine d’autres de la capitale économique ivoirienne, de profiter de la CAN de football pour inviter les supporters et les milliers de visiteurs présents à voir aussi de l’art contemporain. Ces expositions se tiennent pendant la CAN dans le cadre de la « Abidjan Art Week ». Art et foot ne sont pas si éloignés, selon le directeur de la galerie Yacouba Konaté.
1/14/20244 minutes, 18 seconds
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CAN 2024: «C'est tout un peuple qui se sent ambassadeur de l'organisation de cette CAN»

Samedi 13 décembre sera donné le coup d'envoi de la 34ᵉ édition de la Coupe d'Afrique des nations masculine de football (CAN 2024). À un peu plus de 24h du match d'ouverture à Abidjan qui opposera la Côte d'Ivoire à la Guinée-Bissau, les Ivoiriens se disent prêts et impatients d'accueillir le continent. À l'image du président du Comite d'organisation local, le Cocan, François Amichia, qui est l'invité de RFI. RFI : François Amichia, est-ce que le président du Comité d'organisation de la Coupe d'Afrique des nations (Cocan) que vous êtes est serein ? François Amichia : Serein, mais, j’ajouterai, pas inquiet mais un peu dans l’angoisse. L’angoisse d’une cérémonie d’ouverture que nous souhaitons totalement réussie, une cérémonie d’ouverture inédite, une cérémonie d’ouverture exceptionnelle. Donc, jusqu’à samedi soir, avant le premier match, il y a un petit brin d’inquiétude.Le pays joue gros dans cette affaire.La Côte d’Ivoire, depuis 2012, est dans une phase ascendante au niveau économique, avec une bonne croissance annuelle. Donc l’organisation de cette 34e édition permet à la Côte d’Ivoire de démontrer sa vitalité économique, mais de montrer également que le sport a joué son rôle de rassembleur, son rôle de réconciliateur. C’est tout un peuple qui se met derrière ces Éléphants  [surnom des joueurs de l'équipe nationale ivoirienne, NDLR], c’est tout un peuple qui se sent ambassadeur de l’organisation de cette CAN. Donc, il y a l’enjeu sportif, mais il y a ce que le pays a connu depuis une dizaine d’années, que nous souhaitons montrer à tous nos amis, à tous ceux qui vont effectuer le déplacement.Parce qu’une CAN, d’autant plus à 24 équipes, ça coûte cher pour un pays, aujourd’hui.Ce n’est pas un investissement perdu. Ce que nous aurions dû faire en dix ans, en quinze ans, nous l’avons fait en quatre ans, cinq ans. Mais après, c’est la gestion de l’héritage. Et le Comité d’organisation de la Coupe d’Afrique des nations, le Cocan, a déjà pensé à cela. Au mois de juin dernier, nous avons organisé un séminaire sur l’héritage, nous avons fait venir des experts et des compétences d’Afrique, mais également d’Europe, pour que l’on sache quelles propositions nous faisons au gouvernement afin qu’au lendemain du 11 février [date de la finale de la CAN 2024, NDLR], toutes ces infrastructures, et également tout le capital humain que nous avons formé pour l’occasion, [nous sachions] comment pérenniser cela, comment cela peut aider, également, les autres pays africains qui auraient à organiser ce grand type d’événement sportif.« Akwaba, soyez les bienvenus », c’est l’accueil, la CAN de l’accueil. Ça, c’est une chose. « La plus belle des CAN », c’est martelé partout, y compris par les Ivoiriens. Ça, c’est autre chose. La CAN de l’hospitalité. Quand vous voyez aujourd’hui dans le monde les problèmes que pose l’immigration, quand vous voyez dans le monde les problèmes que pose la gestion des flux des populations, nous, en Côte d’Ivoire, peuple hospitalier, pays d’accueil nous disons : la CAN de l’hospitalité. Et la CAN de l’hospitalité, ce n’est pas seulement l’accueil, c’est le respect de l’autre, c’est la tolérance, c’est l’acceptation de la diversité, c’est de faire de la diversité une richesse, et c’est ce que nous souhaitons. Et ce rendez-vous que nous organisons, ce n’est pas un rendez-vous pour nous seuls, c’est un rendez-vous pour toute la jeunesse africaine, c’est le rendez-vous du rassemblement de tous les amoureux du football. Donc, l’hospitalité est à toute essence. Et nous avons dénommé notre mascotte Akwaba, parce que chez nous, Akwaba, c’est « bienvenue », et « bienvenue », c’est : nous vous ouvrons nos bras. Vous arrivez en Côte d’Ivoire et vous n’êtes plus originaire de quelque part, vous êtes ivoirien.Mais vous pouvez rester comme le président qui aura organisé la plus belle des CAN, c’est ce que, encore une fois, vous martelez. Quelle pression au moment de débuter « la plus belle des CAN » ?La plus belle des CAN, nous en sommes sur le chemin. Quand vous avez près de 5 200 demandes d’accréditations, alors qu’à la dernière édition, on en était à 2 000 ; quand, au moment où vont s’ouvrir les jeux du Proche-Orient et de l’Asie [la Coupe d’Asie des nations de football, organisée du 12 janvier au 10 février 2024, NDLR], ils en sont à 22 diffuseurs, vous êtes à 77 diffuseurs ; quand dans les rues, vous voyez tout le monde paré des couleurs du drapeau national ou du pagne de la compétition ; quand vous voyez le nombre de demandes de visas ; quand vous voyez le nombre de spectateurs attendus ; vous dites : la meilleure des CAN, elle est déjà là.Il y a la pression sur les Éléphants. Il n’y a pas de CAN réussie dans un pays si sa sélection ne va pas au bout du tournoi.Nous avons deux étoiles [symbole sur un maillot d'une victoire dans un grand tournoi, NDLR]. Nous espérons avoir la troisième étoile, le 11 février 2024. Et je crois que l’équipe nationale se donne les moyens : le choix d’un entraîneur qui est un entraîneur formateur [le Français Jean-Louis Gasset, NDLR] ; la sélection des joueurs qui sont les meilleurs dans leur club et qui évoluent pour la plupart en Europe dans de grands clubs ; et puis, on a vu lors des derniers matches la prestation des Éléphants. Aujourd’hui, les gens ne viennent pas pour disputer un match contre les Ivoiriens, contre les Éléphants, ils ont la crainte des Éléphants. Comment affronter les Éléphants ? Et je crois qu’il y a un avantage psychologique qui devrait profiter à notre équipe nationale, parce que le rêve de tous les Ivoiriens, c’est qu’au soir du 11 février, nous puissions soulever le trophée et le remettre au président Alassane Ouattara.► Côte d'Ivoire-Guinée-Bissau, coup d'envoi donc de cette 34ᵉ CAN, demain samedi à 20h TU à Abidjan. À suivre en direct et en intégralité sur RFI.► Notre dossier CAN 2024►https://www.rfi.fr/fr/tag/les-groupes-de-la-can-2024/ 
1/12/20244 minutes, 38 seconds
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Gambie: «Tout ce qui est dit dans ce procès (en Suisse) pourrait permettre de poursuivre Yahya Jammeh»

L'ancien dictateur gambien Yahya Jammeh, qui a dirigé son pays avec férocité pendant 22 ans, doit suivre de très près le procès qui s'est ouvert ce lundi en Suisse de la Guinée équatoriale où il est réfugié. C'est son ancien ministre de l'Intérieur, Ousman Sonko, qui est jugé pour crimes contre l'humanité au nom de la justice universelle. Et pour sa défense, l'ancien ministre se défausse de plus en plus sur lui. Yahya Jammeh répondra-t-il un jour de ses crimes ? Benoît Meystre, conseiller juridique pour l'ONG Trial International qui est à l'origine du procès actuel en Suisse, est notre invité. RFI : Pour sa défense, l’ancien ministre de l’Intérieur de Yahya Jammeh affirme qu’il n’avait aucun pouvoir opérationnel et que son rôle était purement politique, qu’est-ce que vous en pensez ? Benoit Meystre : C’est effectivement ce qu’il exprime durant ces premiers jours d’audition. Nous pensons que le dossier, qui est dans les mains du ministère public de la Confédération helvétique et du tribunal, dit autre chose. Il y a quand même des pièces au dossier, il y a des actes de violences sexuelles qui se seraient déroulés au début des années 2000, ensuite des actes de torture qui se seraient déroulés en 2006 et puis d’autres actes de torture en 2016. Chaque plaignant est là pour présenter des faits dont ils ont été chacun et chacune victimes.Pour sa défense, Ousman Sonko affirme notamment que les juges suisses n’ont pas le droit d’examiner les crimes commis en Gambie avant 2011, car ce n’est qu’en 2011 que la Suisse s’est reconnue une compétence universelle…Alors c’est effectivement un point très important, qui a été discuté dès le premier jour du procès lundi. Les juges ont répondu à cette contestation en expliquant qu’a priori leur compétence était donnée, y compris pour les faits qui se sont déroulés avant 2011. Il est précisé aussi que la jurisprudence suisse reconnait déjà cette compétence, donc d’un point de vue juridique, pas de problème.Ce procès d’Ousman Sonko doit durer un mois, le verdict doit être connu au mois de mars, mais, au-delà de cet ancien ministre gambien de l’Intérieur, est-ce que la responsabilité criminelle de l’ancien président Yahya Jammeh lui-même ne va pas être évoquée lors de ce procès ? Ce n’est effectivement pas Yahya Jammeh qui est actuellement jugé, c’est Ousman Sonko, l’ancien ministre de l’Intérieur. Cela dit, on écoute avec intérêt le témoignage d’Ousman Sonko. Lorsque la parole lui est donnée, il renvoie assez régulièrement la responsabilité également à Yahya Jammeh, ce qui est effectivement très important pour, nous l’espérons, une future poursuite de l’ancien président.Oui, c’est-à-dire que l’accusé a tendance à se défausser sur l’ancien président ?Voilà, il explique notamment que la National intelligence agency – donc les services de renseignements gambiens, là où se déroulaient la plupart des actes de torture – n’était pas sous sa propre responsabilité, mais tombait sous la responsabilité du président. C’est effectivement un argument pour se défausser, qui est contredit, encore une fois, par les éléments du dossier qui montrent que, tant le président qu’Ousman Sonko, que d’autres hauts responsables, collaboraient, discutaient ensemble des attaques à mener sur la population civile.Et ce procès va peut-être permettre de prendre connaissance de nouveaux éléments à charge contre l’ancien président Yahya Jammeh ? Exactement. Tout ce qui est dit dans le cadre de ce procès en Suisse, bien sûr, fait l’objet de procès-verbaux qui pourront être utilisés dans le cadre d’autres poursuites, que ce soit contre l’ancien président ou d’autres personnes suspectées d’avoir commis des crimes en bande.Alors depuis 2017, Yahya Jammeh est réfugié en Guinée équatoriale et, depuis cette date, plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme, dont Human rights watch et la vôtre, Trial international, multiplient les démarches auprès du président Obiang Nguema pour qu’il livre l’ancien président gambien à la justice, mais ça ne marche pas. Est-ce que vous n’êtes pas découragé ? Je pense que la réponse est assez simple : jamais personne ne sera découragé. La société civile gambienne mène un combat acharné, effectivement, que l’on soutient depuis de nombreuses années. On garde tout espoir que Yahya Jammeh puisse un jour être extradé. Tout cela prendra du temps, c’est sûr, mais l’espoir est tout à fait intact.L’actuel président gambien, Adama Barrow, évoque la possibilité de la mise en place à Banjul d’un tribunal hybride, qu’en est-il ? Oui, c’est vrai et c’est ce qu’on attend de pied ferme, c’est une annonce qui a été faite depuis un certain temps déjà par le président gambien actuel et par les autorités gambiennes. Là encore, tout ça prend beaucoup de temps à se mettre en place, ça demande des moyens financiers importants, mais on encourage les autorités gambiennes à aller au plus vite de l’avant dans la création d’un tel tribunal, effectivement.Un tribunal mixte, à la fois gambien et international ? Oui, absolument, ça permettrait justement la poursuite de l’ancien président pour des crimes internationaux qui n’étaient pas compris dans le droit gambien jusque-là.Mais le problème, Benoit Meystre, c’est qu’il n’y a aucun accord d’extradition entre la Gambie et la Guinée équatoriale… C’est une bonne question. Ce qu’il est intéressant de voir, c’est que et la Gambie et la Guinée équatoriale ont ratifié des textes internationaux importants, telle que la Convention contre la torture, laquelle oblige soit à poursuivre la personne, soit à l’extrader. Donc, en ce sens, les autorités équato-guinéennes ont l’obligation de soit procéder à la poursuite, soit extrader Yahya Jammeh en Gambie. Donc la justice est en route et nous sommes très contents pour les victimes qui se battent pour obtenir justice.
1/11/20247 minutes, 32 seconds
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Accord Somaliland-Éthiopie: «Les organisations ou pays qui hésitent sur la reconnaissance attendent la réaction de l'UA»

Une base navale sur l'océan Indien en échange de la reconnaissance de son indépendance... C'est le marché que le Somaliland espère conclure avec l'Éthiopie. Mais depuis l'annonce, le 1ᵉʳ janvier dernier, d'un accord qui irait dans ce sens, la Somalie proteste avec véhémence et reçoit le soutien de nombreux acteurs de la communauté internationale, qui dénoncent une « tentative de sécession » de la part du Somaliland. Cet accord maritime va-t-il tomber à l'eau ? Pas sûr, répond Robert Wiren, qui a publié chez Karthala Somaliland, pays en quarantaine. RFI : Pourquoi l’Éthiopie recherche un nouvel accès à la mer, alors qu’elle a déjà accès au port de Djibouti ?Robert Wiren : Parce que, pour le moment, elle n’a que l’accès de Djibouti qui a, de ce fait, un genre de monopole sur le transit des exportations et des importations éthiopiennes. Et cela coûte relativement cher à l’Éthiopie – plus d’un milliard de dollars par an – pour ces frais de transit.Alors, dans l’entourage du Premier ministre éthiopien, on affirme que cet accord va sécuriser l’accès à la mer pour l’Éthiopie et qu’il permettra à ce pays de disposer d’une base militaire. Est-ce à dire que l’Éthiopie va reconstruire une marine de guerre, comme au temps où l’occupation de l’Érythrée lui donnait accès à la mer Rouge ?Oui, il en est d’ailleurs question depuis plusieurs mois, bien avant cet accord, puisqu’il y a même eu des contacts avec le gouvernement français pour une coopération afin d’aider l’Éthiopie à redémarrer une marine militaire. Ça, c’est évidemment l’élément politique nouveau qui montrerait, de la part de l’Éthiopie, qu’elle veut développer son rôle de puissance régionale en n’étant pas absente du théâtre de la mer Rouge, qui est une zone chaude en ce moment.Du côté d’Hargeisa, on affirme que l’Éthiopie va formellement reconnaitre la république du Somaliland, mais est-ce que les autorités d’Hargeisa ne vont pas un peu vite en besogne ?Oui, j’ai l’impression que c’est un vœu pieu, c’est-à-dire que, depuis que le Somaliland a repris son indépendance, il essaie d’obtenir une reconnaissance, déjà auprès de l’Union africaine. Donc là, cet accord lui laisse espérer une reconnaissance formelle qui, pour le moment, n’a pas été confirmée par Addis-Abeba qui est prudente, parce que Addis-Abeba est le siège de l’Union africaine et qu’à l’intérieur de cette Union, il n’y a pas consensus.Pour empêcher toute sécession du Somaliland, les autorités de Mogadiscio ont réagi avec une extrême fermeté. Est-ce que, sur le plan du droit international, les arguments de Mogadiscio sont très forts, ou pas ?En fait, il y a eu deux entités en 1960 qui ont eu leur indépendance, le Somaliland et l’ex-Somalie italienne.Parce que le Somaliland n’était pas une colonie italienne, mais une colonie britannique…Voilà, un protectorat britannique. Et donc, dans le désir des Somalis de s’unir, il y a eu une union volontaire, mais dès 1969, il y a eu un coup d’État du général Siad Barre, un coup d’État militaire…À Mogadiscio…Voilà, qui a en fait annulé les arrangements constitutionnels de 1960. Donc, on peut dire que, pour le Somaliland, l’union a déjà été rompue par Mogadiscio.À lire aussiAccord Somaliland-Éthiopie: le président de la Somalie poursuit sa contre-offensive diplomatique en ÉgypteDonc sur le plan historique ?Sur le plan historique, ça ne s’apparente pas vraiment à une sécession, parce que la définition de la sécession, c’est une région qui appartient à un pays qui veut s’en séparer. Or, là, il y avait deux entités indépendantes qui se sont unies et cette union a foiré, si j’ose dire. Et en Afrique, il y a eu des unions qui ont foiré – il y a eu le Mali, entre le Sénégal et ce qu’est devenu le Mali actuel, il y avait deux entités qui ont été acceptées une fois que la fédération a été dissoute, en 1960.Mais vous ne pensez pas que, tout de même, cette mobilisation internationale derrière Mogadiscio, ces manifestations de soutien à Mogadiscio, ne vont pas obliger l’Éthiopie à renoncer à son accord avec le Somaliland ?Déjà, lorsqu’en 2016 il y a eu l’accord avec Dubaï pour le port de Berbera au Somaliland, Mogadiscio avait déjà poussé des hauts cris. Ensuite, en 2018, un partenariat a été annoncé en termes de distribution des actions du port de Berbera, dont 19% seraient revenues à l’Éthiopie. De la même façon, Mogadiscio a protesté et les choses ont continué sans qu’il n’y ait de réactions, disons, physiques.Parce que la Somalie n’a pas les moyens militaires d’intervenir au Somaliland ?Non, la Somalie a d’autres problèmes à régler parce que, depuis des années, elle est soumise à des attaques des shebabs qui commettent des attentats très graves, souvent en pleine capitale, à Mogadiscio.À lire aussiSomaliland: son envoyée spéciale défend «un accord d'amitié avec l’Éthiopie qui va aider l'économie de la région»
1/10/202411 minutes, 12 seconds
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Droits des femmes: «On sera là avec elles, main dans la main afin qu'elles ne soient plus jamais seules»

Après la Bangladaise Taslima Nasreen et la Franco-Rwandaise Scholastique Mukasonga, c'est l'Ivoirienne Marie-Paule Djegue Okri qui reçoit ce mardi à Paris le prix Simone-de-Beauvoir pour la liberté des femmes. Il y a quatre ans, cette étudiante en agronomie à Abidjan a participé à la fondation de la Ligue ivoirienne des Droits des Femmes. Aujourd'hui, elle se revendique comme afro-féministe et se bat notamment pour l'autonomie des femmes en milieu rural. Comment lutter contre une société patriarcale ? La lauréate répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Il y a quatre ans, vous avez fondé avec d’autres femmes la Ligue ivoirienne des droits des femmes, pourquoi cette initiative ? Marie-Paule Djegue Okri : La Ligue répond, en fait, à une mauvaise politique – désolée de le dire. En Côte d’Ivoire, les femmes sont toujours en proie à la société patriarcale, donc aux violences sexistes et sexuelles, à la non-représentativité des femmes en politique. Et donc la Ligue est une réponse à tous ces manquements.L’un de vos principaux combats, c’est la défense des femmes victimes de viol, mais beaucoup de femmes hésitent à porter plainte. À celles qui nous écoutent, quels conseils pouvez-vous leur donner ? Déjà, il faut comprendre que ces femmes-là vivent dans des sociétés qui les tiennent pour co-responsables de l’acte qu’elles ont subi. Déjà, la première question qu’on leur posera : « Comment vous étiez habillée ? », « Pourquoi vous étiez avec cet homme ? », et donc là, on essaie de leur faire partager la responsabilité de cet acte barbare. Donc, déjà, il faudrait qu’elles sachent qu’elles ne sont pas responsables de ce qui leur arrive, et c’est comme ça qu’elles vont prendre la pleine connaissance de devoir porter plainte. Et en portant plainte, elles aident ainsi à sortir la gangrène de la société. Moi, je leur dis là, tout de suite, que la Ligue est là pour les accompagner, peu importent les difficultés qu’elles auront à rencontrer, on sera là avec elles, main dans la main, afin qu’elles ne soient plus jamais seules.Et il ne faut pas avoir honte d’avoir été violée…Effectivement, il ne faut pas avoir honte. Celui qui doit avoir honte, c’est le violeur, c’est lui le criminel.Et dans la famille, il ne faut pas que la jeune femme qui a été violée soit l’objet d’ostracisme, c’est ça ? Effectivement, les femmes violées sont très stigmatisées parce que, malheureusement, on ne parle pas de leur dignité, on ne parle pas de leur santé physique et mentale, on ne parle que de l’honneur de la famille. C’est-à-dire qu’on oublie même la dame qui est là, qui a subi une violence et on parle de l’honneur de la famille qui a été bafoué. On s’en fout, malheureusement, de la personne en face, donc quand on arrivera à penser que les victimes sont des êtres humains, on évitera de mettre en avant l’honneur de la famille lorsqu’il y a un viol.Là, vous en parlez au futur, ça veut dire qu’aujourd’hui, ça n’est toujours pas le cas ? Non, malheureusement. Et donc, pour les personnes en face, le viol, c’est quelque chose d’assez banal, parce que pour eux, une femme, c’est un réceptacle qui est là pour, entre autres, accueillir un pénis. Donc même si elle a été violée, même si c’est malgré elle qu’elle a accueilli un pénis, on s’en fout, ça peut passer. Ils ne voient pas le danger et les conséquences liées à cet acte-là, parce que c’est un crime, et en plus de la santé physique, on a des IST, des infections sexuellement transmissibles, et des MST, des maladies sexuellement transmissibles, que la victime pourra contracter. Il y a une certaine banalisation de ce crime, ce qui fait que les gens en face se disent que bon, ça peut passer, c’est juste un viol et une femme peut vivre avec, peut survivre avec.Le consentement de la femme, on s’en fiche ?Effectivement, le consentement, c’est la chose qu’on nous nie beaucoup dans notre société.Aujourd’hui, Marie-Paule Djegue Okri, vous êtes la lauréate du prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes, parce que vous luttez contre les violences faites aux femmes, mais aussi parce que vous militez pour les femmes en milieu rural, afin qu’elles deviennent autonomes du point de vue financier. Quels sont les problèmes particuliers auxquels elles sont confrontées ? Le problème de ces femmes-là, c’est l’accès à l’éducation. C’est quelque chose qui est vraiment très présent en milieu rural, parce que là, on a des femmes qui, dès qu’elles naissent, sont éduquées, sont amenées à penser mariage. Et donc on ne voit pas l’importance de les amener à l’école, parce qu’on se dit qu’elles vont finir mariées, et donc ces femmes-là ne sont pas scolarisées. Maintenant, les choses commencent à changer avec les revendications, les actions des ONG, et donc je me dis que, dans quelques années, on parlera de ce chiffre-là au rabais [48% des femmes ivoiriennes sont illettrées].Marie-Paule Djegue Okri, vous êtes une actrice de la société civile, mais la politique, est-ce que vous y pensez ? Oui, effectivement, j’y pense. La politique, c’est la gestion de la cité et moi, je prends part à la gestion de la cité, et là, je prévois de me présenter aux élections législatives de 2026.Au sein d’un nouveau parti ou dans un parti déjà existant ? (Rires). En indépendante. Je veux surtout être députée pour proposer de belles lois, parce que, depuis qu’on a nos députés, la seule loi qu’ils ont eue à nous proposer dernièrement, c’est une loi sur la polygamie, donc je veux aller en politique pour proposer mieux, voilà.
1/9/20248 minutes, 59 seconds
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Burundi: avec l'attaque du 20 décembre, «le groupe rebelle RED-Tabara affirme qu'il est toujours actif»

Au Burundi, les autorités ont annoncé une attaque, le 20 décembre 2023, du groupe rebelle RED-Tabara, sur un poste frontière avec la République démocratique du Congo. Le bilan est de 20 morts dont de nombreux civils. Né au début des années 2010, le groupe conteste la légitimité du pouvoir en place au Burundi, mais il s'était fait oublier depuis quelques années, explique Thierry Vircoulon, chercheur associé au Centre Afrique Subsaharienne de l’Institut français des relations internationales (Ifri). RFI : Avant d'évoquer les événements de ces derniers jours, est-ce que l'on peut revenir sur l'origine des RED-Tabara ? C'est un groupe qui est né au début des années 2010 et qui est actif militairement depuis 2015.Thierry Vircoulon : C'est un groupe d'opposition armé burundais qui est né après la crise de 2015 et qui s'est installé au Sud-Kivu, en République démocratique du Congo, à la frontière du Burundi. Et donc, ce groupe a mené des attaques contre les forces burundaises pendant un certain nombre d'années après 2015, mais on peut dire que depuis 2021, il n'avait pas conduit d'action contre l'armée burundaise significative. Leurs revendications, quelles sont-elles ? C'est un groupe d'opposition armé burundais, donc son objectif c'est de mettre fin au régime du CNDD-FDD au Burundi, et de permettre évidemment le retour à tous ceux qui sont partis en exil après la crise de 2015. Mais, ça reste maintenant, si je puis dire, un mouvement qui était un peu un mouvement fantôme qui avait disparu des écrans radar, sa dernière action militaire significative contre l'armée burundaise datant de 2021. Les RED-Tabara ont donc attaqué ce 20 décembre des positions militaires burundaises faisant une vingtaine de morts, des militaires mais également des civils, qui étaient pris entre les deux feux. Pourquoi y a-t-il cette résurgence offensive ? C'était devenu un peu un groupe armé fantôme et cette attaque, qui a eu lieu juste avant Noël, avait un peu une fonction symbolique et sert à rappeler que ce groupe existe toujours, parce que on pouvait en douter. Donc, premièrement, son objectif c'est celui-là, c'est de réaffirmer qu'ils sont toujours actifs, militairement parlant. Ils ont attaqué ce poste frontière, ce qui se faisait assez fréquemment à partir de la RDC. Et puis, ça s'inscrit aussi dans un contexte régional un peu plus large, c'est-à-dire qu’on voit aussi qu'il y a une dégradation des relations entre Bujumbura et Kigali, après une embellie, si je puis dire, il y a quelques années des relations entre Kigali et Bujumbura. Avec la crise du M23 en RDC, on a vu ces relations se tendre de nouveau. Donc, on peut aussi considérer que cette attaque fait partie de de cette dynamique régionale, le RED-Tabara ayant été dans le passé soutenu par Kigali. À ce sujet, Évariste Ndayishimiye le président Burundais, accuse Kigali d'être derrière ces attaques, notamment cette dernière attaque. Est-ce qu'il y a des éléments objectifs qui permettent de telles informations, est-ce qu'il y a des financements ? Est-ce qu'il y a des équipements en armes ? Non, pour le moment il n’y a pas de d'éléments objectifs, mais, comme je le disais à ses débuts, le RED-Tabara a en effet été soutenu par Kigali, donc cette accusation était évidemment assez logique, mais pour le moment il n’y a pas de d'éléments de preuve. On estime que les effectifs des RED-Tabara sont entre 500 et 800 hommes, ce qui paraît assez faible numériquement. Qu'est-ce qui explique que les forces burundaises ne réussissent pas à circonscrire ce groupe ?Ce groupe est installé au Sud-Kivu depuis des années, comme d'autres rebelles burundais avant lui, comme les FNL par exemple, il s'est enraciné au Sud-Kivu. Là-bas, il bénéficie d'un certain nombre de complicités et d'alliances, et donc, il est évidemment très difficile – même si l'armée burundaise est présente au Sud-Kivu depuis un certain temps – d'éradiquer ce genre de groupe. On voit bien que tous les groupes armés qui sont dans l'est de la RDC n'ont pas été éradiqués, donc celui-ci est dans une situation assez classique, on peut le dire. Face à une relative inefficacité des forces burundaises d'une part, des rebelles RED-Tabara qui ne sont pas non plus pléthoriques de l’autre part, on se dit que ce conflit risque de durer encore longtemps entre deux forces qui n'arrivent pas à se neutraliser l'une l'autre. Ça fait des années que les rebelles burundais sont installés au Sud-Kivu. Je disais qu’avant les RED-Tabara, il y avait les FNL qui étaient en situation similaire, donc on a affaire à des guérillas de basse intensité qui n'ont pas, en effet, la capacité de bousculer le régime burundais, mais qui peuvent mener des attaques épisodiques. Et, en effet, on est dans une situation de guérilla de basse intensité. Le RED-Tabara a mené une attaque, mais il n'en avait plus mené depuis longtemps, donc on a comme ça des résurgences en fonction des circonstances, et on va voir si le RED-Tabara mène d'autres actions militaires après celle-ci. C'est ce n'est pas non plus certain.À lire aussiBurundi: 20 morts dans une attaque revendiquée par les RED-Tabara
1/8/20244 minutes, 44 seconds
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Médiation des femmes dans les conflits: «L'Afrique, c'est une histoire de matriarcat»

Fin décembre, Fatou Sow Sarr, commissaire de la Cédéao pour le Développement humain et les affaires sociales, a conduit un atelier de réflexion au sujet de la médiation des femmes dans les crises en Afrique de l'Ouest. Ce travail de témoignage et de collecte de méthodes est destiné, à terme, à être soumis aux chefs d'État de la Cédéao - majoritairement des hommes - pour qu'ils l'appliquent et fasse progresser la place des femmes principales victimes des conflits dans ces médiations. Entretien.
1/7/20244 minutes, 19 seconds
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Élections en RDC: «Nous avons besoin d'une opposition qui participe au jeu démocratique»

En RDC, le processus électoral se poursuit, on attend les résultats de certains des scrutins qui se sont tenus à partir du 20 décembre : législatives, provinciales et municipales partielles. Pour la présidentielle, la Cour constitutionnelle doit encore arbitrer des recours contre la réélection du président sortant. Selon les chiffres provisoires, Félix Tshisekedi l’emporte avec plus de 73% des suffrages. Une large victoire sur laquelle revient son directeur de campagne, Jacquemain Shabani.  RFI : Jacquemain Shabani, vous êtes le directeur de campagne du président Félix Tshisekedi. Selon les résultats provisoires, il remporte cette élection. Alors comment expliquez-vous cette victoire ?  Jacquemain Shabani : Le président Félix Tshisekedi a eu un bilan à présenter au peuple congolais, aux électeurs. Je crois qu’ils l'ont perçu très positivement. Deuxièmement, elle s'explique aussi par la campagne qu’il a mené. Il faut arriver à considérer que sur les 26 candidats inscrits, 19 qui sont partis en campagne, il est le seul à avoir réussi en 27 jours d'ailleurs, à faire les 26 provinces, 53 meetings. Et je crois que le score qu'il a fait à ces élections, 73%, c'est la photographie de tout cela.  On a vu, notamment sur la deuxième partie de la campagne, la montée d'un discours très souverainiste, voire nationaliste. C'est ça qui a convaincu les électeurs ? Ce que vous appelez nationaliste, je crois que vous faites allusion aux réalités principalement du pays. Il ne faut pas qu'on oublie que nous sommes allés aux élections pendant que la République démocratique est agressée, est en guerre. Il y a des terroristes qui attaquent ce pays, des mercenaires avec en tête Paul Kagame et le Rwanda. Donc c'est une thématique qui intéresse tous les Congolais, les électeurs et les non-électeurs. Malheureusement, pour d'autres candidats, ils n'ont même pas réussi à l’aborder, et les électeurs ont compris cela, ils en ont fait aussi un intérêt particulier.  Une partie de l'opposition ne reconnaît pas ces résultats provisoires. Ils n'ont pas fait de requête pour autant, ils appellent à user de l'article 64 de la Constitution et appellent finalement les Congolais à contester. Qu'est-ce que vous avez envie de leur répondre ? C’est d'une certaine manière, on pourrait dire politiquement correct, mais c'est quelque peu malheureux sur le plan républicain. Vous avez accepté de participer à un scrutin, vous ne l'avez pas gagné, il aurait été plus digne pour eux et j'espère qu'ils vont se rattraper pour venir participer à la construction de ce pays. Nous sommes tous ensemble en train de construire une démocratie dans une jeune nation qui est la République démocratique du Congo. Est-ce qu'aujourd'hui il y a des initiatives pour tendre cette main à cette partie de l'opposition ?  Déjà, le message que le président Félix Tshisekedi a prononcé le 31 décembre est une initiative considérable. Il faudrait que tout le monde puisse la saisir pour l'intérêt de notre pays, mais je connais très bien notre classe politique, notre nation même. Je sais que les initiatives vont se multiplier dans ce sens-là. L'opposition, dans une république, a sa place. Elle a son rôle à jouer, un rôle non négligeable, et nous avons besoin d'avoir une opposition qui participe au jeu démocratique.  Il va falloir maintenant attendre de connaître la majorité et de connaître de quoi sera composé le Parlement congolais. Les résultats des législatives se font un peu attendre. On nous les annonçait pour le 3 janvier, on ne les a toujours pas. Qu'est ce qui peut expliquer ce retard ?  J'estime que la Céni [Commission électorale nationale indépendante, NDLR] doit avoir eu des petites difficultés dans son exercice de compilation de ces résultats, mais il nous a été fait savoir que dans les prochains jours, ici très proches, les résultats seront connus. Effectivement, nous tous nous les attendons pour permettre à ce que les institutions de la République soient mises en place dans les délais les plus brefs possibles.  La Céni a reconnu elle-même des irrégularités, elle dit que ça va toucher les résultats des élections législatives, qu'il risque même d'y avoir des annulations. En tout cas, elle a mis en place une commission pour arbitrer ces irrégularités. Comment expliquer que ces irrégularités, elles, ne concernent finalement que les scrutins législatifs et locaux et pas la présidentielle, alors que tout le monde votait en même temps ?  C'est la Céni qui organise les élections, elle en a la responsabilité constitutionnelle. Elle nous a informé de la mise en place de cette commission. Nous attendons tous les résolutions de cette commission. Pour mon compte, j'estime que tout ce qui est considéré comme irrégularité devrait faire l'objet de sanctions. Maintenant, c'est la Céni qui détermine quelles sont ces irrégularités et qu'est-ce que ça a eu comme impact sur les différents quatre scrutins qu'elle a organisés. À lire aussiPrésidentielle 2023 en RDC: un candidat conteste devant la Cour constitutionnelle la victoire de Félix Tshisekedi
1/5/20246 minutes, 43 seconds
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Série «African Empires»: «Il n'existe pas de sources écrites sur la création de l'empire du Mali»

« Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire », disait le président français Nicolas Sarkozy le 26 juillet 2007 à Dakar. C’est notamment en réponse à ce discours très polémique que vient de sortir la série African Empires (Empires africains en français), qui part à la découverte de l’histoire africaine d’avant la colonisation. De la princesse Yennenga à Shaka Zulu, TV5Monde et Canal Plus Afrique nous font connaître au plus près les bâtisseurs de l’Afrique précoloniale. Entretien avec le réalisateur Askia Traoré, auteur de l’épisode consacré au conquérant ouest-africain Soundiata Keïta. À lire aussiLa série «African Empires» part à la découverte de l'histoire africaine d'avant la colonisation
1/4/20246 minutes, 15 seconds
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Sonia Le Gouriellec: «L'accord Éthiopie-Somaliland ajoute beaucoup d'incertitudes au plan régional»

C’est une déflagration dans la Corne de l’Afrique. L’Éthiopie et le Somaliland, une république sécessionniste de la Somalie depuis 1991, ont annoncé la signature d’un protocole d’accord. Le texte autorise Addis Abeba à louer une bande de terre de 20 km le long de la côte au Somaliland, garantissant son accès à la mer, tandis que Hargeisa affirme qu’Addis Abeba va reconnaître son indépendance. La Somalie n’a pas caché sa colère, rappelant son ambassadeur en Éthiopie. Décryptage avec Sonia Le Gouriellec, chercheuse, spécialiste de la région. RFI : Est-ce que la réaction de la Somalie vous surprend ?Sonia Le Gouriellec : Alors non, la réaction de Mogadiscio, finalement, était assez attendue. Elle est très ferme et je vous rappelle que la Somalie ne reconnaît pas le Somaliland comme un territoire indépendant. Mais, il y a déjà des contrats qui ont été signés, notamment en 2018, lorsque DP World, qui a dû quitter Djibouti suite à la nationalisation du port de Djibouti, s’est installé à Berbera et a signé un accord avec le Somaliland. Déjà, à l’époque, la Somalie avait déclaré que cet accord était nul et non avenu et avait fait des recours auprès de plusieurs organisations internationales, sans que ça n’ait beaucoup d’effets pour le moment.La Somalie vient de réagir, mais d’autres voisins pourraient aussi avoir leur mot à dire, non ?Djibouti pourrait à long terme s’inquiéter sur les retombées sur ses activités portuaires de ce nouveau concurrent, puisque 95% à 98% du fret éthiopien passe par Djibouti. Mais effectivement, les entreprises éthiopiennes se plaignent de tarifs portuaires trop élevés, des coûts trop importants des transports, donc Abiy Ahmed, qui voulait libéraliser son économie, avait montré l’importance d’un nouvel accès. J’imagine que l’Égypte va également réagir puisqu’elle voit arriver du coup en mer Rouge un nouveau concurrent, et il y a beaucoup de concurrence et de compétition entre l’Égypte et l’Éthiopie qui n’ont toujours pas trouvé d’accord sur le grand barrage sur le Nil bleu. Et l’Égypte a de plus en plus de navires en mer Rouge, donc voir arriver potentiellement une nouvelle puissance maritime, ça peut être inquiétant effectivement pour l’Égypte. Et se posent plein d’autres questions : qui va former la marine de l’Éthiopie ? Les forces navales auraient dû, normalement, être formées par la France - en tout cas, j’imagine que ça a été au cœur des discussions quand Abiy Ahmed et Macron se sont rencontrés en juin dernier.Donc cet accord semble lancer une nouvelle période de turbulences dans la Corne de l’Afrique, d’autant plus si, au final, l’Éthiopie reconnaît officiellement le Somaliland, c’est ça ?Tout à fait. Si on en sait un peu plus et que finalement, il y a une reconnaissance de l’indépendance du Somaliland, il y a des conséquences pour la Corne de l’Afrique qui sont énormes. Déjà, ça fait un État de plus dans la région. Je vous rappelle qu’en une vingtaine d’années, c’est une région qui a connu la reconnaissance de l’Érythrée, la reconnaissance du Soudan du Sud et là, on aurait un nouvel État. C’est vraiment un enjeu fort pour le Somaliland. Toute sa politique étrangère est basée sur cette demande de reconnaissance. Pour les États occidentaux, il est hors de question de faire du néo-colonialisme et de reconnaître cette indépendance. Pour l’Union africaine, les frontières sont intangibles et il n’est pas question de reconnaître ce pays. Donc c’était aux voisins de l’Éthiopie de le faire, et en particulier à la Somalie et au Somaliland de trouver un accord ensemble. Donc là, l’Éthiopie arrive « avec ses gros sabots ». Est-ce que c’est une provocation de la part d’Abiy Ahmed pour obtenir un accord de la Somalie, juste pour avoir cette présence sans reconnaissance derrière ? Est-ce que c’est un moyen pour Abiy Ahmed de focaliser l’attention des élites, de remobiliser sur le nationalisme éthiopien, sur les problèmes économiques, et donc comme une solution aux difficultés économiques ? C’est plus de questions que de réponses pour l’instant. Mais effectivement, ce serait un sacré tremblement de terre dans la Corne de l’Afrique.Pour autant, sur ce point précis de la reconnaissance, les Éthiopiens restent assez discrets on dirait…Pour l’instant, c’est surtout le Somaliland qui parle d’une reconnaissance. Du côté éthiopien, on a une déclaration plus prudente. Tous les autres voisins pensent plutôt que c’est une déflagration et que ça risque de créer du conflit. Dans un sens, même s’il n’y a pas de reconnaissance formelle, comme le disait mon collègue Alexandre Hory, la conclusion même d’un contrat est une forme de reconnaissance.Est-ce que c’est, selon vous, un accord gagnant-gagnant pour l’Éthiopie et le Somaliland, comme l’a dit l’ancien ambassadeur américain, Tibor Nagy ?C’est une solution économique que trouverait l’Éthiopie pour diversifier ses accès à la mer, ça répondrait aux attentes des entreprises éthiopiennes. Mais d’un point de vue politique, je ne pense pas que ce soit gagnant-gagnant pour tout le reste de la région, et tout simplement, aussi, pour le Somaliland. Au Somaliland, on se bat encore militairement pour l’indépendance du pays, mais pour certains groupes, pour rester aussi dans la République de Somalie.L’Éthiopie est prise dans une série de crises, à la fois intérieures mais aussi extérieures, avec l’Égypte ou encore le Soudan. On a l’impression qu’Abiy Ahmed joue un jeu dangereux avec cet accord, non ?Très certainement. Son positionnement sur la mer Rouge s’est avéré très agressif, puisque c’était devenu la revendication d’un droit historique, quelque chose d’existentiel d’avoir cet accès à la mer pour le développement du pays et en même temps, un appel à la coopération, à la complémentarité régionale, etc. Donc on est toujours dans une ambiguïté, d’autant que les relations avec l’Érythrée sont de nouveau tendues - les troupes érythréennes ne se sont pas retirées du Tigré. Les relations avec les groupes les plus nationalistes ont lancé un nouveau conflit. En région Oromo, vous avez également des conflits. Bref, l’Éthiopie est en train de véritablement d’exploser. On a une situation politique catastrophique, on a une situation humanitaire catastrophique, et ça rajoute beaucoup d’incertitudes également au niveau régional
1/3/20245 minutes
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Tchad: «Cette entrée au gouvernement (de Masra) est un tournant majeur pour les Transformateurs et la transition»

Succès Masra a été nommé Premier ministre du Tchad ce lundi par décret du président de la transition. Celui qui était un des plus farouches adversaires du pouvoir va diriger le gouvernement chargé de mener le pays aux élections d'ici à la fin octobre. Le leader des Transformateurs n'a jamais fait mystère de son objectif d'y participer. Cette nomination est-elle une surprise ? La cogestion de la transition avec Mahamat Idriss Déby est-elle possible ? François Mazet s'entretient avec Remadji Hoinathy, chercheur à l'ISS (International security studies) basé à Ndjamena. RFI : Succès Masra à la primature, est-ce que ça vous surprend ?Remadji Hoinathy : Je pense que plus tôt, dans l’année 2023 ou en 2022, cela aurait beaucoup surpris, mais depuis l’accord de Kinshasa, je pense que c’était une possibilité plus ou moins ouverte. La facilitation de Félix Tshisekedi a permis au minimum aux deux parties de recommencer à discuter - donc possibilité pour les Transformateurs de rentrer, avec un engagement de contribuer pacifiquement au débat politique. Et depuis ce retour, je pense qu’il y avait une certaine accalmie qui rendait possibles les discussions en vue éventuellement d’une nomination comme Premier ministre.Pourquoi a-t-il accepté, selon vous ? Lisant un peu le contexte politique, je me dis certainement que pour les Transformateurs, accéder à ce poste représenterait une possibilité pour eux de se préparer aux échéances à venir, en termes de prendre aussi place - comme les autres partis qui ont été dans la transition - au sein de la machine politique, au sein de l’administration publique, et entrer dans les rouages pour éventuellement se positionner pour les échéances à venir. La question reste simplement : auront-ils les coudées franches pour le faire ?Ce que vous voulez dire, c’est que Succès Masra ne fait pas mystère de ses ambitions présidentielles et que pour lui, c’est un moyen de surveiller au plus près la mise en place du cadre des élections ? Ce serait une des raisons principales qui expliquerait cette acceptation du poste de Premier ministre. Parce qu’au-delà du discours politique et officiel, je pense qu’il ne faudra pas oublier, justement, que c’est un parti avec un agenda politique clair.Alors il va former un attelage avec le président de la transition, est-ce que ça ne pose pas question quand même ? Ils ont le même âge, la même ambition, est-ce que ça peut tenir ? C’est une excellente question. Je pense que ça va tenir le temps que ça devra tenir. Ça va tenir le temps que les agendas ne s'opposent pas de manière trop frontale et je pense que justement, le premier examen de passage sera la liste du gouvernement qui va sortir. C’est à travers cette liste qu’on verra effectivement jusqu’où les Transformateurs ont eu les coudées franches en termes de modeler leur gouvernement : qu’il ne soit pas simplement un gouvernement, comme on l’a vu par le passé, totalement dominé par l’entourage du président de la transition ou bien de l’ancien parti au pouvoir.Les adversaires de la transition disent que Succès Masra se retrouve au service de l’élection de Mahamat Idriss Déby, qu’il en devient le complice. Pensez-vous qu’il risque de se faire rouler dans la farine ? C’est une éventualité qui est ouverte et je pense que cette position des adversaires de la transition n’est pas basée sur du vide, [mais] sur la lecture de la scène politique tchadienne au cours des années. Prenez tous les Premiers ministres qu’il y a eu dans ce pays, lisez leur parcours et lisez, effectivement, quelles capacités réelles ont-ils eu en tant que Premier ministre sur le gouvernement qu’ils ont dirigé et sur la conduite des affaires au quotidien. Je pense que c’est ça qui [amène] à penser la plupart des acteurs et l’opinion publique en général que s’allier avec un gouvernement que l’on a combattu ne laisse pas beaucoup de possibilités en tant qu’opposant pour maintenir son agenda d’opposant. Je pense que cette entrée au gouvernement représente un autre examen de passage pour les Transformateurs. Comment vont-ils convaincre l’opinion publique qu’ils vont dans ce gouvernement, non pas pour se faire avaler comme tous les autres Premiers ministres, qu’ils vont dans ce gouvernement avec une réelle capacité de faire bouger les choses, de les changer de l’intérieur, comme le politicien tchadien aime à le dire ? Cette entrée au gouvernement représente un tournant majeur, aussi bien pour la transition tchadienne que pour l’avenir des Transformateurs. Et les jours à venir nous en diront plus.Pour Mahamat Idriss Déby, en revanche, c’est une très bonne opération en termes d’image ? Oui, je pense qu’en termes d’image, c’est une très bonne opération, parce que ça vient, dans une certaine mesure, combler certaines critiques quant à l’incapacité des autorités de transition à tendre la main, à rester sur l’agenda de base de cette transition qui est l’inclusivité, la réconciliation. D’un point de vue communication et d’image politique, c’est un gain pour le président de la transition, aussi bien pour son propre camp que pour les partenaires à l’extérieur qui le regardent. En revanche, je pense que pour les partis d’opposition en dehors des Transformateurs, ça ne change pas grand-chose en termes d’image.
1/2/20249 minutes, 16 seconds
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Roukiata Ouédraogo: avec la loi immigration en France, «On se tire une balle dans le pied»

Notre Invitée Afriquede ce dimanche 31 décembre 2023 nous emmène au Burkina Faso. Humoriste, actrice, conteuse, Roukiata Ouédraogo est également romancière et publie, dans quelques semaines, son second roman, Un espoir rêvé. Une boule d’énergie, un sourire ravageur et une identité bien tranchée, notamment sur les questions de migrations. C’est avec elle que nous terminons cette année 2023.
12/31/20234 minutes, 36 seconds
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Amzat Boukari-Yabara: «Cheikh Anta Diop s'est intéressé à la viabilité d'une indépendance africaine à long terme»

Le 29 décembre 1923 naissait l'un des grands intellectuels de l'histoire africaine : le Sénégalais Cheikh Anta Diop. Cent ans plus tard, de nombreux hommages lui sont rendus. La Revue d'Histoire Contemporaine de l'Afrique (RHCA) publie ainsi, dans son dernier numéro, un dossier consacré à ce penseur (disponible en accès libre sur Internet). Entretien avec l'un de ses coordinateurs, l'historien Amzat Boukari-Yabara, interrogé par Laurent Correau. Le dossier de la Revue d'Histoire Contemporaine de l'Afrique est disponible ici.Quels sont les idées et les travaux par lesquels Cheikh Anta Diop a marqué l’histoire de la pensée au XXe siècle ?Amzat Boukari-Yabara : Cheikh Anta Diop a marqué l’histoire de la pensée, notamment l’histoire africaine, en montrant en fait la continuité historique de l’histoire de l’Afrique. « Nations nègres et cultures », qui est publié en 1954, est présenté par Aimé Césaire comme le livre le plus brillant et audacieux qu’un intellectuel noir n’a jamais écrit. En 1966, il aura le prix de l’auteur noir le plus important de l’histoire du XXe siècle [lors du premier Festival mondial des arts nègres de Dakar]. C’est vraiment un historien qui a touché aux enjeux de langues, aux enjeux de sciences, aux enjeux de décolonisation des savoirs, avec une dimension visionnaire qui fait que, lorsqu’on célèbre son centenaire, on interroge effectivement l’actualité de sa pensée.Ce qui est impressionnant dans cette figure de Cheikh Anta Diop, c’est l’ampleur de tous les savoirs qu’il a réussi à embrasser. Vous l’évoquiez à l’instant, il est parvenu à travailler sur les sciences dites dures, sur des sciences sociales très différentes : la linguistique, l’archéologie, etc… Oui. Il fait partie des rares penseurs africains, ou même mondiaux, qui sont eux-mêmes une sorte d’institution. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que son nom a été donné à l’université de Dakar. Il a cette formation de littéraire, de scientifique, qui est aussi connectée à la nécessité, notamment dans le cadre de ses travaux sur l’Égypte, de maîtriser les enjeux de datation au carbone 14. Donc, c’est effectivement quelqu’un qui a travaillé avec des physiciens, qui a travaillé sur la question du nucléaire, mais en lien toujours avec la nécessité de se doter d’outils pour produire une histoire de l’Afrique qui soit décolonisée et indépendante.Et quelle place Cheikh Anta Diop occupe-t-il dans la pensée panafricaniste ?Cheikh Anta Diop occupe une place assez particulière parce qu’il ne s’inscrit pas dans les fameux pères de l’indépendance africaine. C’est quelqu’un qui s’intéressait beaucoup plus à la prospective qu’à l’invective, à l’anticipation qu’à l’activisme. Et donc c’est vraiment quelqu’un qui a pensé l’Afrique dans le temps long. Son ouvrage sur « Les Fondements économiques et culturels d'un État fédéral » pose déjà l’Afrique du XXIe siècle. Et c’est également quelqu’un qui s’est intéressé, non pas à la lutte de décolonisation en tant que telle, mais à la condition de viabilité d’une indépendance africaine.Ce qui est peut-être moins connu dans l’œuvre de Cheikh Anta Diop, c’est qu’il pense très tôt l’idée d’une renaissance africaine. Il est aussi visionnaire sur la place qu’une langue locale, comme le wolof, est amenée à prendre au Sénégal…Effectivement, il est de ceux qui estiment que la renaissance africaine adviendra lorsqu’on saura faire de nos langues africaines des langues de sciences. Et dans son engagement politique parallèle donc à ses travaux scientifiques, il nous a expliqué la nécessité d’une scolarité obligatoire jusqu’à 15 ans et d’une alphabétisation dans les langues nationales qui seront ensuite diffusées dans les administrations. Donc, il parlait effectivement de l’outil linguistique comme moteur de la libération du génie africain.Et c’est donc aussi un acteur politique de son pays, le Sénégal, un acteur politique opposé au président Léopold Sédar Senghor. Finalement, les années Cheikh Anta Diop nous montrent la part d’ombre aussi des années Senghor [de 1960 à 1980]…Effectivement, Cheikh Anta Diop a créé plusieurs partis politiques -le Bloc des masses sénégalaises, le Front national sénégalais, le Rassemblement national démocratique-, qui ont tous subi la censure du régime de Léopold Sédar Senghor. Cheikh Anta Diop était un opposant farouche à Léopold Sédar Senghor. Et cette période a été marquée par une répression de toute forme d’opposition intellectuelle, politique ou syndicale vis-à-vis de la politique de Léopold Sédar Senghor, qui était directement liée à la préservation des intérêts français.Cent ans après sa naissance, quelles sont les idées de Cheikh Anta Diop qui continuent à irriguer la pensée des intellectuels contemporains ?La première idée, c’est que l’histoire est vraiment le moteur du changement social. Donc, il n’y a pas de déterminisme dans les travaux de Cheikh Anta Diop. Il montre qu’à partir du moment où l’on prend conscience de ses responsabilités, on peut faire changer l’histoire. Donc, ça c’est un premier élément important. Le deuxième élément, c’est la question des modes de gouvernance. On est dans une période où il y a beaucoup de bouleversements en Afrique de l’Ouest et on est un peu à la recherche de systèmes qui permettraient justement de mieux répondre aux enjeux des sociétés africaines. Et c’est en cela qu’il a une actualité très importante. Il y a un troisième élément, je pense, qu’il faut souligner, c’est la question du transfert de technologies. Lorsque le laboratoire de datation au carbone 14 est installé à l’Ifan [Institut fondamental d'Afrique noire] de Dakar, c’est le premier grand transfert de technologies d’un pays du « Nord » vers un pays du « Sud », parce que cette question est essentielle, notamment au niveau des universités africaines qui ont besoin de se doter de tous les outils pour réellement compétir au niveau scientifique et au niveau international.À lire aussiSénégal: le monde célèbre l’historien et scientifique Cheikh Anta Diop lors de son centenaire
12/29/20234 minutes, 39 seconds
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Jean-Bruno Tagne: pour Samuel Eto'o, la présidence de la République du Cameroun serait «une ambition légitime»

Samuel Eto'o répond-il aux attentes de ses millions de supporters depuis qu'il a été élu président de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) en décembre 2021 ? Pour son ancien directeur de campagne, le journaliste camerounais Jean-Bruno Tagne, la réponse est non. Il critique sévèrement l'ancien triple vainqueur de la Ligue des champions. Mais il reconnaît que Samuel Eto'o est populaire et qu'il peut nourrir un jour des ambitions politiques.  RFI : Le premier reproche que vous faites à Samuel Eto’o, c’est de ne pas avoir amélioré les performances des Lions indomptables. Mais est-ce qu’il n’a tout de même pas réussi à les qualifier pour la Coupe du monde du Qatar au terme d’un match héroïque, comme vous l’écrivez vous-même, contre l’Algérie en mars 2022 ?Jean-Bruno Tagne : Oui. Effectivement, le Cameroun s’est qualifié in extremis pour la Coupe du monde au Qatar, grâce à ce match héroïque contre l’Algérie, il faut le reconnaître. On peut le mettre au crédit de Samuel Eto’o qui venait quand même de changer le sélectionneur dans des conditions assez terribles. Il fallait avoir l’audace de Samuel Eto’o pour oser pareille chose. Par contre, lorsqu’on est allé à la Coupe du monde, Samuel Eto’o a fanfaronné partout pendant des mois qu’il allait au Qatar pour ramener pas moins que le trophée de cette Coupe du monde. Et au final, on ne revient même pas sorti du premier tour. Je pense que cela a été un échec.Autre reproche vis-à-vis de Samuel Eto’o, ce que vous appelez son éventuelle implication dans des matchs truqués pour favoriser la montée de certains clubs en première division du championnat camerounais. Et vous rappelez à juste titre qu’en août dernier, la Confédération africaine de football (CAF) a ouvert une enquête sur « certains comportements inappropriés présumés » de la part de Samuel Eto’o. Mais pour l’instant, à part la diffusion sur les réseaux sociaux d’une conversation téléphonique de janvier dernier entre Samuel Eto’o et le président d’un club de deuxième division, il n’y a pas grand-chose pour étayer ce soupçon ?C’est une conversation téléphonique assez compromettante. Si vous avez un acteur de football qui a ce type d’échanges avec le président de la fédération, c’est assez suffisant pour jeter un soupçon sur la nature des rapports qui peuvent exister entre le président et cette personne-là. Donc, ce ne sont pas des fantasmes. Il y a des faits. Et on est un peu surpris par le temps que cela prend pour la CAF d’essayer soit de disculper totalement Samuel Eto’o, c’est possible, soit de constater qu’effectivement il y a des faits sérieux qui l’impliquent dans des affaires de matchs truqués. Et puis, on prend les mesures qui s’imposent. De toutes les façons, il est important de tirer cette affaire au clair. On ne peut pas continuer comme si de rien n’était. Le public ne demande qu’à savoir.Dans votre livre, vous racontez les coulisses de la campagne de Samuel Eto’o pour être élu à la tête de la Fécafoot il y a deux ans, et notamment l’audience que lui a accordée le directeur de cabinet civil à la présidence camerounaise, Samuel Mvondo Ayolo. Vous révélez qu’au cours de cet entretien, le directeur de cabinet lui a demandé s’il était vrai, comme le disait la rumeur, qu’il visait à terme la présidence de la République du Cameroun, et si c’était vrai que la Fécafoot n’était pour lui qu’un tremplin. Vous racontez que Samuel Eto’o a nié farouchement. Est-ce que vous pensez que le président de la Fédération camerounaise de football nourrit l’ambition de devenir un jour le George Weah [footballeur international devenu président de la République du Liberia] du Cameroun ? Ce serait une ambition légitime, bien que je n’en ai pas parlé avec lui, mais la réalité est effectivement que, quand Samuel Eto’o a été candidat à la Fédération camerounaise de football, il a fait le choix d’une campagne populaire qui tranchait un peu avec ce qui se faisait jusque-là dans une élection à la Fédération camerounaise de football, dont le corps électoral ne constitue même pas 100 personnes. Donc, c’était vraiment une campagne très populaire comme si c’était une élection nationale. Et du coup, cela a fait naître au sein de l’opinion, et surtout au sein d’un certain nombre de pontes du pouvoir, une certaine inquiétude, parce qu’il faut le reconnaître, Samuel Eto‘o est très populaire. Il l’est un peu moins aujourd’hui parce que, depuis ces deux dernières années, il s’est sérieusement démonétisé auprès de l’opinion camerounaise. Mais à l’époque, il était au sommet de sa gloire. Et je raconte dans le livre qu’il faudrait également que, dans ce pays, on arrête de criminaliser l’ambition. Samuel Eto’o est un Camerounais et c’est tout à fait légitime si jamais il voulait briguer le fauteuil présidentiel, qui n’est pas la chasse gardée de qui que ce soit.Et si demain les Lions indomptables gagnent une Coupe d’Afrique des nations, qui sait si Samuel Eto’o ne pourra pas nourrir des ambitions politiques, non ?Ce serait très bien pour lui, encore faudrait-il que les Lions indomptables gagnent d’abord, et je pense qu’une victoire du Cameroun à la Coupe d’Afrique des nations en Côte d’Ivoire pourrait permettre à Samuel Eto’o d’avoir un peu de répit parce qu’en ce moment, il est au cœur de la tourmente.►Jean-Bruno Tagne est l'auteur du livre L'Arnaque aux Éditions du Schabel.À lire aussiCameroun: un journaliste sort un livre pour dénoncer les agissements de Samuel Eto’o à la Fécafoot
12/28/202312 minutes, 14 seconds
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Ahmedou Ould Abdallah: «La reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental par le Mali n'est pas à exclure»

Le dossier du Sahara occidental connaît quelques remous. Il faut dire que le torchon brûle entre le Mali et l'Algérie depuis que l'Algérie a reçu, il y a dix jours, des rebelles touaregs du Nord-Mali. Le Mali a rappelé son ambassadeur en poste à Alger. L'Algérie a fait de même. En ligne de Nouakchott, Ahmedou Ould Abdallah, l'ancien ministre mauritanien des Affaires étrangères, préside une société de conseil, le Centre 4S (Stratégie, Sécurité, Sahel, Sahara). Il livre son analyse. RFI : À l’origine de ce coup de colère des Maliens, il y a l’invitation des rebelles touaregs et de l’imam Mahmoud Dicko à Alger. Mahmoud Dicko a même été reçu par le président Abdelmadjid Tebboune en personne. Pourquoi ce double geste de la part des Algériens ?Ahmedou Ould Abdallah : Il me semble qu’Alger peut-être pensait qu’ayant contribué aux négociations des accords de paix, les tout derniers, il était nécessaire de faire un sondage auprès des principales parties prenantes au conflit. Naturellement, l’usage est de consulter le gouvernement officiel du pays. Je pense que cela a été fait. Si ce n’est pas le cas, ce sont les Maliens qui le savent.Depuis quelques mois, les autorités maliennes mettent dans le même sac les rebelles touaregs du Cadre stratégique permanent (CSP) et les jihadistes du Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans (Jnim) d’ Iyad Ag Ghaly. Ce n’est pas le cas des autorités algériennes, la preuve cette invitation du CSP à Alger. Est-ce que ce n’est pas cela qui fâche le plus les autorités maliennes ?Les autorités maliennes sont fâchées, mais le Mali a connu beaucoup de crises internes. Tous les accords, qu’ils soient de Tamanrasset dans les années 1990 [6 janvier 1991] ou avant, ont été réalisés par l’intermédiaire de la diplomatie et de l’influence algérienne. Mais ceci étant, cela n’exclut pas le rôle du Maroc. Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), l’ancien président, me disait que, dès la montée violente du terrorisme, le Maroc a créé un institut pour former les imams, pour encourager l’islam pacifique et modéré, ce que beaucoup de Maliens, et pas seulement des Maliens, mais des gens de la région, ont apprécié, pensant que le terrorisme venait au contraire d’autres parties du Maghreb en passant par le Sahara, qui effectivement est difficile à contrôler.Cette brouille entre Bamako et Alger est tombée la semaine dernière, au moment où le ministre malien des Affaires étrangères se rendait à Marrakech pour participer à une conférence régionale entre le Maroc et 4 pays sahéliens -le Mali, le Burkina, le Niger, le Tchad-, en vue de resserrer les liens économiques entre le Maroc et le Sahel. Est-ce que le Mali pourrait retirer sa reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique et basculer dans le camp du Maroc ?Ce que je sais, c’est que, sous le général Moussa Traoré [1969-1991], le Mali a reconnu la RASD, le République arabe sahraouie démocratique. Le président IBK m’a toujours dit son souci de vouloir reconnaître la marocanité, comme on dit, du Sahara, mais il ne voulait pas gêner un partenaire algérien qui est très important dans la lutte contre le terrorisme. Beaucoup de Maliens pensent la même chose. Ils ont une frontière commune avec l’Algérie. Donc, il y a ce poids. Mais d’un autre côté, le poids de l’histoire des relations humaines fait qu’il y a une grande sympathie pour les positions du Maroc, que les Maliens ont toujours connu à travers les caravanes qui partaient du Maroc vers le Mali, en particulier Gao, Tombouctou, bien avant la présence européenne, la colonisation, et les échanges non seulement d’or, de sel, et les routes des pèlerinages, tout passait par le Maroc à travers le Sahara.Donc, d’un côté, il y a le poids de l’histoire qui rapproche le Mali du Maroc, mais de l’autre, il y a le poids de la géographie qui rapproche le Mali de l’Algérie, car il y a une frontière commune entre le Mali et l’Algérie. Ce qui n’est pas le cas entre le Mali et le Maroc…Oui. Je me souviens parfaitement de IBK me disant, après son élection [en 2013], son désir de reconnaître la marocanité du Sahara, mais qu’il ne voulait pas, en période de tensions, offenser ou se mettre à dos Alger. Je sais que, pour des tas de raisons, de nombreux Maliens, exceptées quelques populations du Nord qui sont liées par le commerce ou des problèmes humains à l’Algérie, et la plupart des officiels maliens que je connais souhaitent que ce dossier du Sahara soit clos avec une reconnaissance, sinon de la marocanité du Sahara, du moins pas d’activités qui la met en cause. Donc, oui, je pense que cette reconnaissance de la marocanité du Sahara n’est pas à exclure.À lire aussiSahara occidental: les Nations unies appellent le Maroc à libérer des prisonniers sahraouis 
12/27/20237 minutes, 20 seconds
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Jérôme Tubiana: «L'ampleur du conflit au Darfour est plutôt similaire géographiquement à celle d'il y a 20 ans»

L'inquiétude va croissant sur l'évolution de la situation au Darfour. Les civils de cette région de l'ouest du Soudan sont victimes de la lutte de pouvoir qui oppose les généraux Mohamed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », et Abdel Fattah al-Burhan. Il y a vingt ans, les États-Unis avaient qualifié les massacres dans cette région de génocide. Ce à quoi on assiste actuellement est-il réellement similaire à ce qui s’est passé en 2003 ? Réponse de Jérôme Tubiana, conseiller de l'ONG Médecins sans frontières (MSF) sur les questions de réfugiés et spécialiste du Soudan. RFI : Le secrétaire d’État américain Anthony Blinken parle d’ « échos obsédants » au Darfour, des échos de ce qui s’est passé il y a vingt ans. À l’époque, les États-Unis avaient qualifié les massacres dans l’ouest du Soudan de génocide. Ce à quoi l’on assiste actuellement est-il réellement similaire à ce qui s’est passé en 2003 ?Jérôme Tubiana : En 2003, en raison de l’émergence d’une petite rébellion au Darfour qui recrutait parmi les communautés non-arabes, le régime d’Omar el-Béchir, à Khartoum, avait choisi de former des milices arabes, les Janjawids. Et, à l’époque, l’armée et les Janjawids attaquaient plutôt ensemble les communautés civiles non-arabes, en brûlant les villages, en provoquant le déplacement de plus de trois millions de civils. Il y a eu des centaines de milliers de morts, les hommes étaient systématiquement tués, les femmes violées.Aujourd’hui, c’est différent, l’armée ne se bat plus contre les rebelles, mais contre les Forces de soutien rapide (les FSR, du général Hemetti), qui sont le dernier avatar des Janjawids. L’essentiel des combats a lieu entre ces deux forces et les civils ne sont pas forcément pris pour cible, mais plutôt victimes de tirs croisés, de bombardements indiscriminés ou de dégâts collatéraux. Mais il y a tout de même quelques exceptions à ce que je décris là : il y a eu des épisodes de violences durant lesquels les civils ont été pris pour cible en raison de leur appartenance ethnique. Et ça a été surtout le cas au Darfour-ouest, en particulier dans la capitale de cet État, El-Geneina, lors de deux épisodes de violences de masse qui ont eu lieu en juin et novembre 2023.Les milices arabes locales, alliées aux Forces de soutien rapide (FSR) ont pris pour cibles les Masalits, la communauté indigène du Darfour-ouest. Ils ont tué systématiquement les hommes. Ils ont ciblé aussi des personnalités importantes, des notables, et ils ont poussé la plus grande partie des survivants, plusieurs centaines de milliers de personnes, à fuir vers le Tchad. Donc, ce sont ces épisodes de violences qui rappellent surtout les violences de 2003-2004.Est-ce qu’on est capables aujourd’hui d’avoir une idée de l’ampleur de la zone qui est déstabilisée par les violences au Darfour ?Il y a eu des combats dans tous les cinq États du Darfour. Donc, l’ampleur du conflit est plutôt similaire géographiquement à celle d’il y a vingt ans. Ils ont été plus intenses au Darfour-ouest et moins intense au Darfour-est, qui est un État essentiellement arabe, où l’armée semble avoir évacué sans combattre.De quelle manière est-ce que les groupes rebelles du Darfour se positionnent dans cette guerre entre les partisans du général al-Burhan et ceux du général Hemetti ?Au départ, quand le conflit a commencé, le 15 avril, dans la mesure où ils considèrent qu’aussi bien les Forces de soutien rapide (FSR) que l’armée régulière ont été leurs ennemis historiques, ils ont plutôt mis en avant une position de neutralité et un investissement pour protéger les civils, notamment les civils de leur communauté.Après que les Forces de soutien rapide (FSR) ont pris quatre capitales sur les cinq États du Darfour, après qu’il y a eu ces massacres dont on parlait à El-Geneina, ces groupes rebelles ont fait savoir aux Forces de soutien rapide (FSR) que le Darfour-nord et sa capitale, El Fasher, étaient une ligne rouge et que, si elle était franchie, ils entreraient en guerre contre les Forces de soutien rapide (FSR), avec ou sans le soutien de l’armée. Et ils ont mobilisé des forces en vue de cette possible guerre, aussi bien parmi des groupes rebelles ayant signé la paix auparavant que parmi d’autres qui sont toujours en guerre.Il y a eu une mobilisation et une unité sans précédent parmi ces groupes rebelles et parmi leur communauté. Cet ultimatum, pour l’instant, semble avoir fonctionné. Les Forces de soutien rapide (FSR) sont parties attaquer Wad Madani dans la vallée du Nil, mais si elles reviennent ensuite à El Fasher, il sera sans doute impossible d’éviter que le conflit prenne davantage une tournure ethnique entre Arabes et non-Arabes. Et, sans doute, impossible d’éviter que le conflit ne s’étende au Tchad, car les communautés arabes, d’un côté, et les communautés zaghawas, de l’autre, sont aussi particulièrement importantes au Tchad et, sans doute, plus solidaires que jamais avec leurs communautés au Darfour.Le Programme alimentaire mondial (PAM) craint une « famine catastrophique » sur les États du Darfour dans les mois qui viennent. Est-ce que ce sont des craintes que vous partagez ?C’est un peu devenu une habitude de tirer la sonnette d’alarme de la famine dans chaque conflit pour que les bailleurs de fonds se montrent un peu plus généreux, mais le Programme alimentaire mondial a raison d’être préoccupé à mon avis. D’abord, on ne voit pas de fin à cette guerre, il n’y a pas de volonté politique d’un cessez-le-feu, ne serait-ce que pour des motifs humanitaires.Ensuite, l’approvisionnement humanitaire, y compris l’approvisionnement en aide alimentaire, est extrêmement limité à cause de la fermeture des aéroports. On est dans une situation vraiment très inhabituelle. Notamment du fait que tout vient habituellement de Port-Soudan, sur la mer Rouge, qui est aujourd’hui coupé de Khartoum et de l’ouest du Soudan. Par ailleurs, les bailleurs de fonds, malheureusement, sont plus intéressés par d’autres crises que le Soudan. Les dons sont peu importants et vont diminuant… Et même dans l’est du Tchad, qui est pourtant facile d’accès, l’aide, y compris alimentaire, est très inférieure aux besoins.
12/26/20237 minutes, 2 seconds
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Mgr Houngbedji, archevêque de Cotonou: «Mon message est celui de paix, tel que nous y invite la parole de Dieu»

Monseigneur Roger Houngbedji, archevêque de Cotonou au Bénin, est en ce 25 décembre, jour de la fête de Noël, où les catholiques célèbrent la naissance de Jésus-Christ à Bethléem, le grand invité Afrique de RFI. 
12/25/20237 minutes, 30 seconds
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Jowee Omicil: «Le Bwa Kayiman c’est l’insurrection, le moyen où le peuple noir s’est réuni pour trouver sa liberté»

Notre invité ce dimanche 24 décembre est un virtuose. Saxophone, clarinette, trompette, Jowee Omicil est un multi-instrumentiste originaire d’Haïti. L’artiste vient de sortir son dernier disque Spiritual Healing: Bwa Kayiman Freedom Suite, une référence, une quête pour revenir, raconter en musique la révolution des esclaves en 1791 en Haïti, révolution qui va en entraîner d’autres. Ce disque, c'est aussi de nombreuses références à l’Afrique, au Sénégal, à la Guinée où Jowee Omicil est venu chercher ses racines musicales. Un entretien sonore avec Guillaume Thibault.  
12/24/20234 minutes, 30 seconds
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William Bourdon: «Plus les libertés publiques reculent, plus les lanceurs d'alertes seront indispensables»

Il est l'avocat emblématique des affaires de biens mal acquis. William Bourdon publie Sur le fil de la défense, aux éditions du Cherche-Midi, un livre dans lequel il raconte ses quarante années de combat contre l'argent sale et pour la transparence financière, notamment en Afrique centrale. Le fondateur de l'ONG Sherpa se revendique comme un avocat de gauche. Mais est-il pour autant un idéologue et un justicier ? Et que répond-il à ceux qui l'accusent d'être financé par le milliardaire américain George Soros ? L'avocat parisien répond sans détours aux questions de RFI. RFI : Ce qu’on voit dans votre livre, c’est que vous n’êtes pas un justicier jusqu’au-boutiste. Vous reconnaissez qu’il vous est arrivé de conclure des arrangements avec de grands groupes industriels, par exemple avec Areva, au Niger et au Gabon, en échange de la création d’observatoires de santé sur chaque site minier. Vous dites même que cela a fâché l’ONG Survie, qui a rompu avec vous à l’époque…William Bourdon : Alors, il y a deux accords. Il y a cet accord que j’ai passé en 2005, dont je suis très fier, qui est l’accord avec le groupe Total, qui a abondé un compte dédié d’une somme de plus de cinq millions d’euros. C’était sans précédent. C’était inédit. Ça a changé la vie de milliers de réfugiés birmans à la frontière…En Birmanie ? En Birmanie. Donc il ne s’agit pas du tout de mettre ses convictions dans son mouchoir, mais quand on est mandatés par des centaines de personnes pour qu’il y ait des modalités d’indemnisation, qu’est-ce qu’il faut ? Continuer sous la flotte à taper le macadam place de la République [à Paris] et dénoncer Total, les crimes contre l’humanité, etc., etc. ? Ou bien trouver des solutions pratiques ? Moi, j’ai considéré que respecter mon mandat, c’était de trouver une solution pratique. Quant à l’accord avec Areva, j’en suis également très fier, ça a changé la vie, je le sais pour avoir été sur place. Ce n’est pas du tout aussi parfait qu’on l’aurait souhaité, mais a été mis en place un système de veille sanitaire des travailleurs, des anciens travailleurs, sur le site d’Arlit au Niger et sur un site du Gabon. Survie a résilié toute relation avec moi sur une base idéologique, qui était : on ne doit pas négocier avec un géant du nucléaire. Je reste très fier de ce que j’ai fait et j’ai été salué par des chefs touaregs à Arlit qui m’ont dit : « Bravo William pour ce que tu as fait. »Et aujourd’hui, quatre mois après la chute de la dynastie Bongo, est-ce que vous pensez qu’une partie des biens mal acquis par la famille Bongo pourrait être récupérée par l’État gabonais ? Si les nouvelles autorités gabonaises – elles n’ont pas besoin de moi, je les y invite – font une demande de commission rogatoire vers le juge français, en disant : « Nous voulons établir une coopération, nous mettons à la disposition du juge français Serge Tournaire toutes les archives des finances publiques qui lui permettront de tracer plus facilement un certain nombre de flux et de détournement d’argent public. Nous voulons être partie prenante des mécanismes de restitution », bienvenue messieurs, allez-y.Un reproche que l’on vous fait souvent en Afrique, William Bourdon, c’est le double standard. Pourquoi vous traquez le patrimoine du Congolais Denis Sassou-Nguesso, ou de l’Équato-Guinéen, Teodoro Obiang Nguema, et pas le patrimoine du Saoudien, Mohammed ben Salmane, ou du Qatari, Hamad al-Thani ? Évidemment, il y a les pays du Golfe. Tout le monde y pense. Sur les monarchies du Golfe, il y a une vraie difficulté, qui est une difficulté institutionnelle, qui est la confusion entre le patrimoine privé et le patrimoine d’État, liée à la logique dynastique de ces régimes. Donc il y a une espèce d’institutionnalisation des biens mal acquis, presque constitutionnelle. C’est un élément de complexité qui n’est pas forcément un obstacle insurmontable, c’est certainement un chantier qui devrait s’ouvrir dès que possible.Maître Bourdon, comme vous l’écrivez, on vous a accusé d’être un agent du milliardaire américain George Soros, vous dites ne l’avoir jamais rencontré, mais est-ce qu’il vous a aidé financièrement ?Ça a été une des premières attaques lorsque j’ai commencé les premières procédures. Sherpa est financée par Soros. Alors, on a reçu il y a vingt ans, dix-huit ans, je ne sais plus, quinze ou vingt mille euros pour un projet en Afrique, on a utilisé... Enfin bon, voilà.De la part d’une des fondations de Soros ? Oui, voilà. Soros n’est pas un ami. Je ne lui ai jamais parlé, je l’ai croisé très fugitivement dans une conférence. Il a été d’un altruisme incroyable au moment de la chute du mur de Berlin [en 1989], il faut s’en souvenir, toute la société civile post-chute du Mur a pu se structurer grâce à lui. On peut discuter des choix de la politique de Soros. Il y a eu un papier dans Valeurs actuelles, il y a quelques années, où Soros était caricaturé, dans une logique parfaitement antisémite.Oui, parce qu’il est juif Hongrois d’origine. Parfaitement antisémite, donc le seul sentiment qui s’impose, c’est la nausée.Donc, il vous a donné une fois vingt mille euros ? Oui, je crois, dans mon souvenir, oui… Ou peut-être sur un autre projet… Je ne me souviens plus. Mais enfin, à supposer que… Quel est le sujet ? Il n’y a aucun sujet. Une grande fondation philanthropique, voilà… Mais on a toujours été très vigilants.William Bourdon, vous êtes pour beaucoup dans la création de Pplaaf, la plate-forme des lanceurs d’alerte africains. Au niveau mondial, est-ce que ces lanceurs d’alerte, dont le plus célèbre [Edward Snowden] est protégé aujourd’hui par Vladimir Poutine, ne sont pas cantonnés en Afrique et en Occident ? Et est-ce qu’à l’heure de la guerre en Ukraine, ils n’affaiblissent pas le camp des démocraties face aux grandes autocraties, comme la Russie et la Chine ? Alors les lanceurs d’alerte, ça a été aussi une grande affaire que j’ai embrassée à la fin des années 90. Plus les libertés publiques reculent, plus les lanceurs d’alerte seront indispensables. Avec, évidemment, cette difficulté qui est que plus les régimes se durcissent, plus [les lanceurs d’alerte] sont en danger. Et c’est pour cela qu’un jour, il faudra une grande convention internationale de protection des lanceurs d’alerte, mais on en est loin pour l’instant.Mais ces lanceurs d’alerte, ils sont beaucoup plus à Genève ou à Kinshasa qu’à Pékin ou à Moscou…Peut-être qu’il y aura un jour un grand lanceur d’alerte de Pékin, peut-être qu’il y aura un jour un grand lanceur d’alerte qui sera à l’origine de Qatar papers, de Dubaï papers, de Poutine papers, qui a aussi beaucoup d’avoirs à l’étranger. Alors évidemment, les risques étant beaucoup plus élevés, l’anonymat s’impose d’autant plus, c’est proportionnel.
12/22/202318 minutes, 16 seconds
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Guillaume Soto-Mayor: «L’État islamique au Sahel crée une nouvelle génération de combattants»

Les chercheurs malien Boubacar Ba et français Guillaume Soto-Mayor, spécialistes des mouvements jihadistes au Sahel, ont publié le mois dernier (novembre 2023) une étude intitulée « Guerre générationnelle au Sahel : les lionceaux du califat et la dynamique d’insurrection violente au sein de la province de l’État islamique au Sahel ». Une étude réalisée pour le CRTG Working Group, organisation de recherche spécialisée sur le recrutement des enfants soldats à travers le monde. Conduite entre mars et octobre dernier, cette étude révèle notamment l’utilisation par les jihadistes de l’EIS d’enfants et d’adolescents. Comment sont-ils recrutés ? Quel sort leur est-il réservé ? Plus globalement, quelle stratégie pour l’EIS dans cette période de reconfiguration des conflits au Sahel ? Guillaume Soto-Mayor est l’invité Afrique matin de David Baché.   RFI : Votre étude est fondée sur les communications officielles de l’État islamique au Sahel (EIS)–écrites, audio ou vidéo–et surtout, sur des dizaines d’entretiens avec des anciens enfants soldats, des recruteurs, des cadres dirigeants de l’État islamique. C’est assez exceptionnel. Comment avez-vous eu accès à eux ?Guillaume Soto-Mayor : Nous avons eu accès, avec Boubacar Ba, à ces différentes personnes via des intermédiaires du Gourma, de la région de Ménaka ou du Nord du Burkina Faso, originaires des mêmes régions que ces différents combattants avec lesquels nous avons donc pu entrer en contact et qui nous permettent d’avoir des témoignages reflétant véritablement la vision interne de l’État islamique au Sahel.Vous décrivez l’État islamique au Sahel comme principale force de gouvernance sur un vaste territoire, allant de la région de Tillabéri au Niger à celles de Ménaka et Gao au Mali, avec des centaines de villages sous leur domination. Concrètement, pour les habitants, cela veut dire quoi ? Au quotidien ?La première chose, c’est évidemment un projet de société, qui leur est imposé, d’une extrême violence, avec une vision absolutiste du monde, une vision de l’État islamique assez classique, comme on a pu le voir en Syrie ou en Irak. De l’autre côté, c’est aussi une offre d’encadrement des jeunes, c’est une offre également de régulation des flux transhumants, c’est une offre de gouvernance des différents territoires sur lesquels ils sont présents.Vous écrivez aussi : « La population vit dans la peur constante d’être qualifiée de traître ou d’informateur »…Tout à fait, c’est cette dimension totalisante : « Vous êtes avec nous ou contre nous », il n’y a aucun entre-deux. Donc effectivement, il y a une pression constante sur les populations de contribuer à l’effort de guerre, de montrer une validation de la manière de faire de l’État islamique et de ses règles.Vous décrivez le rôle central des enfants dans la stratégie de l’État islamique au Sahel qui compterait, c’est ce que l’on apprend dans votre étude, plusieurs centaines d’enfants et d’adolescents dans ses rangs ?Oui, c’est ce que notre étude révèle ,effectivement. Ce sont des enfants qui, il faut le rappeler, sont victimes véritablement de l’endoctrinement, de la manipulation, quelques fois du recrutement forcé, des kidnappings de l’État islamique. Il y a un nombre très important d’enfants actuellement présents dans des markaz, dans des centres d’enseignement contrôlés, ou proches del’État islamique au Sahel.Ces enfants, ils viennent d’où? Ils sont recrutés comment ?Ces enfants viennent à la fois de différentes régions de présence de l’État islamique, mais viennent également d’au-delà, de différentes régions du Niger, ils viennent de plusieurs régions du Nord duBurkina Faso ou du Mali. Il y a une tradition de kidnappings, de recrutements forcés de l’État islamique et de recrutements, quelques fois, qui se font également par l’attrait financier et par l’encadrement proposé ou la sécurisation proposée par l’État islamique.Vous avez parlé des markaz, les centres d’apprentissage. En quoi consiste l’enseignement qui est dispensé à ces enfants ?Ces enfants apprennent à la fois les différentes sciences islamiques – la sunna, la charia, l’histoire et la vie du prophète et de ses compagnons – et ils apprennent également à remplir différents rôles en soutien aux actions de l’État islamique au Sahel, facilitant leurs opérations. Ils peuvent être à la fois différents aides ménagers, des cuisiniers, ils peuvent apprendre différentes techniques de renseignement, de combat, de propagande, et donc ils pourront être utilisés par le groupe dans le quotidien.Pourtant, parmi ceux qui combattent l’État islamique au Sahel–les groupes armés locaux comme le MSA, les armées nationales malienne, nigérienne, burkinabè, ou auparavant l’armée française–aucun n’a spécialement indiqué la présence, face à eux, d’enfants ?Il y a eu l’attaque de Solhan, au Burkina Faso en 2021,dans laquelle à la fois l’armée burkinabè et puis à l’époque les Nations unies, avaient dénoncé la présence en très grand nombre d’enfants. Il y a ici peut-être une problématique autour de la définition de ce que sont des enfants : un jeune adolescent est parfois appelé un jeune adulte alors qu’en réalité, il est encore un enfant. Ce sont donc des victimes qui sont particulièrement vulnérables à l’endoctrinement de l’État islamique, et qui constituent donc une potentielle génération future au service de l’État islamique et de ses ambitions pour la région.Dans la même logique, vous avez aussi recueilli des témoignages sur la politique des mariages forcés…Oui, absolument. Il y a une logique ici de l’État islamique d’ancrage dans différents territoires, d’utilisation des femmes comme esclaves sexuelles, quelques fois comme esclaves tout court. Les familles de ces jeunes femmes reçoivent très souvent des pressions très importantes, des menaces de mort répétées de la part de l’État islamique, pour offrir leurs jeunes filles à des combattants et qu’elles remplissent leur supposé devoir de venir mettre au monde une nouvelle génération de combattants. Ces femmes, ces jeunes filles, doivent également être protégées de toute urgence.La rivalité entre le groupe État islamique et Al Qaeda est féroce, dans le monde, y compris au Sahel. Après la prise par l’armée malienne et Wagner, le mois dernier, de Kidal, qui était jusqu’ici tenue par les rebelles du CSP, et avec cette nouvelle Alliance des États du Sahel Mali-Niger-Burkina, est-ce que les deux rivaux, Aqmi et l’EIS, pourraient, par opportunité, se rapprocher ? C’est ce qu’il semble déjà se passer. Il y a une accalmie constatée par tous les acteurs sur le terrain qui semble indiquer une intention réciproque de concentrer les efforts sur les armées malienne, nigérienne ou burkinabè. Effectivement, l’affrontement des deux groupes les affaiblissait,et il semble qu’ils aient pour l’instant trouvé opportun de négocier une trêve ou, en tout cas, une forme de cessez-le-feu déjà actif.Iyad Ag Ghaly, dans sa dernière vidéo diffusée le 12 décembre dernier, lance un appel à la mobilisation dans toute la région, mais il ne s’adresse pas directement, pas nommément, à l’EIS…Absolument. Il n’y aura pas, à mon sens, d’alliance de long terme entre les deux groupes. Il y a une trêve de circonstance, qui est due à la présence d’ennemis communs, à la fois des armées du Sahel et du groupe paramilitaire Wagner. Pour l’instant, il y a une convergence d’intérêts à ne pas perdre de ressources financières ou militaires dans un combat entre groupes jihadistes. Mais l’adresse d’Iyad Ag Ghalyse fait aux populations locales, elle ne se fait pas à l’État islamique pour qu’il rejoigne le Jnim d’une quelconque manière que ce soit.
12/21/20236 minutes, 5 seconds
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Maroc-Israël: la relation bilatérale est basée «sur des fondamentaux qui sont solides»

En décembre 2020, le Maroc rétablissait ses relations avec Israël dans le cadre d'accords de coopération connus sous le nom d'« Accords d'Abraham », rapprochement aujourd'hui mis à l'épreuve par la guerre à Gaza et vivement dénoncé par la société civile. Comment les autorités gèrent-elles ces tensions ? Quelles répercussions ont-elles sur l'application de ces accords ? Entretien avec le journaliste Jamal Amiar. RFI : L’application des Accords d’Abraham a-t-elle été gelée par les autorités marocaines après le déclenchement par Israël de la guerre contre Gaza ?Jamal Amiar : Non. On ne peut pas dire que ces relations ont été gelées. Ce qu’on peut dire, c’est que maintenant, il y a moins de choses au niveau bilatéral qui se passent au vu de la guerre régionale là-bas entre Israéliens et Palestiniens. Quelques jours encore après l’attaque du 7 octobre et le déclenchement des représailles israéliennes, il y a eu la signature d’accords ici au Maroc entre les ministres marocain et israélien de l’Agriculture. Donc, non, il n’y a pas de gel et s’il se passe des choses au niveau bilatéral, on ne va pas beaucoup en parler vu l’atmosphère de guerre. Cela étant, ce que j’ai pu apprendre au cours de ces dernières semaines, c’est que les choses qui étaient en cours avant le 7 octobre continuent d’être discutées, continuent d’être négociées, notamment tout ce qui est en rapport avec l’économie, les affaires et les investissements.Donc trois ans après, la communication est beaucoup plus discrète, mais les Accords d’Abraham continuent à être appliqués entre Israël et le Maroc ?Tout à fait. Ils continuent d’être appliqués bien sûr.Mais quel bilan peut-on faire justement trois ans après de ce que ces accords ont permis ?Ces accords en trois ans ont permis une véritable accélération de la coopération bilatérale dans tous les domaines : l’économie, le sécuritaire, le militaire, le touristique, les nouvelles technologies, l’agriculture. Il y a des projets de coopération au niveau de l’industrie militaire, pour la fabrication de drones par exemple. Il y a des investissements dans le tourisme. Il y a des « joint-ventures » au niveau des nouvelles technologies. Il y a des accords d’échanges universitaires très importants entre une douzaine d’universités israéliennes et marocaines, des échanges culturels très importants. La première fois que le grand théâtre Habima de Tel Aviv a joué dans un pays arabe, c’était à Rabat l’an dernier.Donc, ce qui a changé dans l’application de ces accords depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre, c’est a priori plus de discrétion ?Oui. On va dire plus de discrétion, un certain attentisme. Mais ces relations sont solides et sont basées sur des fondamentaux qui sont solides.À quel point l’attaque du Hamas le 7 octobre et la guerre déclarée contre Gaza par Israël ont-elles réveillé la cause palestinienne au Maroc ?La cause palestinienne au Maroc a toujours été importante dans le sens où, à chaque fois qu’il y a des affrontements sérieux en Cisjordanie ou bien entre les forces israéliennes et le Hamas ou le Jihad islamique, il y a toujours eu des réactions. Il y en a eu bien avant le 7 octobre par exemple en 2023. Il y en a eu en mars avec un fameux communiqué du parti du PJD [parti de la justice et du développement]. Il y a eu régulièrement des rassemblements de protestation contre la normalisation. Mais là, il est vrai que ce qui se passe depuis le 7 octobre est d’une autre dimension. Ça a créé depuis le 7 octobre la tenue de plusieurs manifestations chaque semaine dans de nombreuses villes marocaines, c’est-à-dire qu’il n’y a pas une manifestation par ville par semaine, il y en a deux ou trois. Et il est clair que la cause palestinienne est centrale comme ailleurs. Regardez ce qui se passe aux États-Unis, regardez ce qui se passe à Londres.Quelles sont les forces sociales et politiques au Maroc qui s’efforcent de tirer profit de cette nouvelle crise israélo-palestinienne ?Clairement, les islamistes d’abord. Puis le PJD parce qu’il est en chute libre, il a perdu beaucoup de ses députés. Et il a regretté que le Premier ministre du PJD ait été le Premier ministre qui a signé les accords de rétablissement des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël. Puis, Al Adl Wal Ihsane [justice et bienfaisance, mouvement islamiste marocain non reconnu, mais toléré, NDLR] qui essaie aussi de mobiliser là-dessus.Est-ce qu’elles y parviennent ? Est-ce qu’elles rencontrent un certain écho ?Oui, elles rencontrent un certain écho. Ce qu’on peut dire, c’est que les manifestations regroupées au début dans les grandes villes comme Rabat ou Casablanca, 150 000 personnes. Cela fait dix semaines que la guerre continue, que les manifestations sont convoquées. Et aujourd’hui, on a des chiffes qui sont beaucoup plus bas.Au moment de la signature des Accords d’Abraham, les autorités de Rabat envisageaient de mettre en avant les points de jonction, une culture commune judéo-marocaine. Est-ce qui vient de se passer met cette démarche en péril ?Il y a un risque. Il ne faut pas se le cacher parce que cette guerre raidit les appréciations que l’on peut avoir de l’autre. Donc, oui, l’impact est réel et sur le Maroc, il y a des gens qui réfléchissent déjà à ça parce que, ici, il y a un héritage judéo-musulman qui est très important, qui a été revalorisé depuis une vingtaine d’années d’un patrimoine culturel. Ce sont des atouts qu’il s’agit de ne pas perdre, mais ça va dépendre de la façon dont les choses vont se terminer sur le terrain.À écouter aussiGaza: au Maroc, de nombreuses voix s'élèvent pour remettre en cause la normalisation avec Israël *Jamal Amiar est l'auteur de l’ouvrage Le Maroc, Israël et les Juifs marocains.
12/20/20234 minutes, 34 seconds
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Côte d'Ivoire: «C’est Tidjane Thiam qui fait le plus rêver au PDCI» (Sylvain N’Guessan)

En Côte d'Ivoire, l'opposant Tidjane Thiam a subi une déconvenue. Le 16 décembre, l'ancien directeur général du Credit Suisse comptait être élu président du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) et ainsi devenir le successeur du défunt Henri Konan Bédié. Mais le congrès du parti a été suspendu sur décision de justice. L'un de ses principaux adversaires, Kakou Guikahué, peut espérer revenir dans la course. Qui va l'emporter ? Entretien avec l'analyste politique Sylvain N'Guessan, qui vient de publier La sécurité économique de la Côte d'Ivoire face au terrorisme. Est-ce que le bureau politique du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) peut décider d’ouvrir un nouvel appel à candidature ou pas ?Sylvain N’Guessan : À mon avis, ce serait la moindre des choses pour un retour au calme au sein du PDCI. Monsieur Maurice Kakou Guikahué dit que son dossier a été rejeté parce qu’il était sous contrôle judiciaire. À partir du moment où il n’est plus sous contrôle judiciaire, il serait intéressant qu’il y ait un nouvel appel à candidature de sorte qu’ils puissent débrouiller ce dossier et que les élections puissent être tenues dans un climat social apaisé.Oui, car pour l’instant, il n’y a que deux candidats : l’ancien ministre du Plan Tidjane Thiam et le maire de Cocody Jean-Marc Yacé. Donc, pour vous, dans l’intérêt d’un retour au calme au sein du parti, il faudrait que Maurice Kakou Guikahué puisse aussi concourir ?Ce serait tout à fait normal que Maurice Kakou Guikahué puisse concourir et que les électeurs, les congressistes choisissent qui va diriger le PDCI après le 8e Congrès.Pour beaucoup d’observateurs, l’ancien directeur général du Credit Suisse Tidjane Thiam partait favori pour le Congrès de samedi dernier, le 16 décembre. Est-ce que le report de ce Congrès à plus tard est un revers politique pour lui ou pas ?Je ne pense pas. Monsieur Tidjane Thiam... Depuis ce vendredi, il est plutôt question dans tous les échanges du PDCI de ce nouveau candidat qui essaierait de réveiller le PDCI, qui suscite la curiosité, qui est l’objet des échanges. Je pense que ce report permet à monsieur Tidjane Thiam de se faire connaître dans les localités lointaines, ce qui compte énormément pour l’élection présidentielle à venir.Et en cas de duel entre Tidjane Thiam et Maurice Kakou Guikahué, lequel a le plus de chance, selon vous, auprès des congressistes ?Je pense que monsieur Tidjane Thiam part largement favori.Et pour quelles raisons ?D’abord, sa personnalité, le parcours de Tidjane Thiam. Je parle de son parcours professionnel, qui ne laisse personne indifférent. J’ai vu l’effet des trois discours prononcés, j’ai vu ses sorties à Cocody et Yamoussoukro, il y a longtemps qu’on n’a pas vu un tel PDCI. Monsieur Tidjane Thiam a les atouts qu’il faut pour être le futur président du PDCI-RDA [Parti démocratique de Côte d'Ivoire-Rassemblement démocratique africain].Mais Maurice Kakou Guikahué, n’est-il pas le secrétaire exécutif du parti depuis de nombreuses années ? N’a-t-il pas tenu la boutique lors des dernières années de vie de Henri Konan Bédié ?Il a tenu la boutique, il a fait ce qu’il peut. Malheureusement, le PDCI est resté dans l’opposition depuis 1999. Cela amène certains à se dire qu’il serait temps de renouveler l’équipe si le PDCI veut revenir au pouvoir. Et dans une telle optique, monsieur Tidjane Thiam incarnerait ce renouveau capable de faire avancer le PDCI, de ramener le PDCI au pouvoir en Côte d’Ivoire.Est-ce que le pouvoir ivoirien n’est pas tenté de multiplier les obstacles sur la route de Tidjane Thiam. Et est-ce que le pouvoir ivoirien est pour quelque chose dans la décision de justice de vendredi dernier qui a reporté ce Congrès ?Plus ou moins, je vois des grandes familles qui aspirent à des rôles majeurs. C’est une crise interne au PDCI, comme le disait le maire Jean-Marc Yacé : « Le ver est dans le fruit ». Le PDCI devra résoudre en interne ses divisions, ses querelles, de sorte d’être plus uni à l’interne. Et vous pensez à quelles grandes familles en particulier ? La familles Konan Banny par exemple ?Les familles Konan Banny, Yacé, Bombet, Guikahué et ceux qui ont été leurs parrains. C’est un peu tout ça.Et ce sont des rivalités qui affaiblissent ou qui renforcent la candidature de Tidjane Thiam ?Je pense qu’il va sortir renforcé. C’est un peu notre Dallas à l’ivoirienne. L’enjeu du pouvoir à venir va les amener à se retrouver autour d’une table pour décider d’une voie commune.Est-ce qu’à votre avis, le candidat PDCI quel qu’il soit aura une chance à la présidentielle de 2025 ?Je pense que monsieur Tidjane Thiam fait plus rêver. Il fait rêver les nouveaux majeurs, les indécis et même ceux des principaux partis d’opposition que sont le PPA-CI [Parti des peuples africains – Côte d'Ivoire], le Cojep [Congrès panafricain pour la justice et l'égalité des peuples], le MGC [Mouvement des générations capables] de madame Simone Ehivet [Gbagbo]. Monsieur Tidjane Thiam fait plus rêver. D’abord, il a été absent pendant un long moment. Donc, il est un peu difficile de lui imputer des responsabilités dans la longue crise. Il fait un peu visage neutre. Il est plus facile pour lui d’être le candidat de l’opposition dans un éventuel second tour face au candidat du RHDP [Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix].À lire aussiCôte d'Ivoire: des interrogations après la suspension du congrès du PDCI   
12/19/20238 minutes, 35 seconds
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«Si la Cédéao veut consolider la démocratie, les chefs d'État ne doivent pas faire plus de deux mandats»

La limitation du nombre de mandats présidentiels est cruciale pour la stabilité de l'Afrique de l'Ouest et la Cédéao doit donc s'investir de manière plus franche dans la lutte contre les manipulations destinées à maintenir des chefs d'État au pouvoir. C'est le message qui est au cœur du dernier rapport de l'organisation africaine Tournons la Page. L'étude propose des recommandations pour protéger la démocratie dans les pays africains, explique David Dosseh, coordonnateur de Tournons la Page pour le Togo. Le point de départ de ce rapport, c’est un constat qui a été fait à plusieurs reprises par les sociétés civiles africaines. L’organisation régionale ouest-africaine, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) parvient à condamner les prises de pouvoir des militaires, mais elle a plus de difficultés à condamner toutes les manœuvres qui visent à contourner la limitation des mandats…David Dosseh : C’est une réalité. Tout le monde constate effectivement que lorsqu’il y a un coup d’État, les sanctions sont immédiates, elles sont très dures, elles sont même dures à l’endroit des populations alors que lorsqu’il y a un coup d’État constitutionnel ou un coup d’État électoral, la Cédéao est incapable d’apporter une réponse satisfaisante.Quels sont les pays en Afrique de l’Ouest qui illustrent le plus ce décalage ?Je peux citer le cas du Togo. À la mort du général Gnassingbé Eyadéma, nous avons vu les militaires apparaître à la télévision et décider de confier le pouvoir à l’un de ses enfants, c’est le président actuel [Faure Gnassingbé, NdlR]. Et bien sûr, cela s’est fait contre les dispositions constitutionnelles. Au-delà du Togo, vous avez la Côte d’Ivoire où les dispositions constitutionnelles limitaient les mandats à deux. Mais il suffit de dire qu’on a changé la Constitution et cela semble-t-il permet aux chefs d’État en place de remettre à zéro le compteur et de dire que c’est le premier mandat de la nouvelle République. Vous avez le cas de la Guinée où le président Alpha Condé s’est entêté, en dépit des demandes populaires qui étaient fortes, pour qu’il limite son pouvoir à deux mandats. Il a fait un véritable forcing et la Cédéao a avalisé ce qui s’était passé en Guinée. Il a fallu qu’il y ait un coup d’État militaire pour mettre fin à la forfaiture perpétrée par le président Alpha Condé.Le texte que publie Tournons la page établit un rapport entre le recul de la limitation du nombre de mandats et l’instabilité dans la région ouest-africaine. Quel est ce lien précisément ?Lorsque les présidents décident de contourner la limitation de mandats, c’est qu’ils ont décidé de monopoliser et de confisquer le pouvoir avec toutes les conséquences délétères que l’on connait : la corruption, puisque ce système a besoin de ressources pour entretenir ses courtisans ; il faut contrer les systèmes de contrepouvoir, la société civile qui tient à dénoncer certaines situations, il faut la museler ; les partis politiques d’opposition qui veulent venir au pouvoir, il faut les empêcher d’arriver. Et donc, on est obligé de recourir à des situations où la justice est instrumentalisée. On a une restriction de l’espace civique et cela entraîne de vrais conflits sociaux.Ce que vous dites, c’est que la non-limitation du nombre de mandats est le point de départ d’une sorte de délitement de la culture démocratique dans un pays ?C’est une évidence. Cela entraîne un vrai délitement de la démocratie avec des violations fréquentes et flagrantes des droits humains.Le rapport, qui est présenté par Tournons la page, insiste sur le rôle que la Cédéao devrait, pourrait jouer par rapport à cette limitation du nombre de mandats. Il insiste notamment sur cette difficulté de la Cédéao à condamner ceux qui contournent la limitation de mandats. Est-ce que cette difficulté s’explique uniquement par des raisons politiques ou est-ce que les textes mêmes de l’organisation l’entravent de ce point de vue-là ? Les textes existent, ils ne vont pas assez loin et ils ne sont pas contraignants. Et c’est ce que nous, nous voulons aujourd’hui, demander à la Cédéao en termes de réformes indispensables si elle veut véritablement consolider la démocratie dans notre espace communautaire. La Cédéao doit se dire que désormais, en Afrique de l’Ouest, aucun chef d’État ne fera pas plus de deux mandats, quels que soient les subterfuges politico-juridiques mis en branle par ce chef d’État, par ce régime. Et là, je prends peut-être l’exemple de la formule de la République du Bénin qui dit que dans une vie, on ne peut pas faire plus de deux mandats. Ça, c’est important pour aider à véritablement enraciner la démocratie. Et cet enracinement de la démocratie se fera à travers la culture de l’alternance démocratique.
12/18/20234 minutes, 18 seconds
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Culture: «Les artistes sont les premiers à pouvoir parler de ce qui se passe dans leur pays»

Quel est le lien entre les Malgaches Dizzy Brains, le Sud-africain DJ Mujava, le label ougandais Nyege-Nyege ou encore le Nigérian Keziah Jones ? Tous ces artistes du continent africain ont été découverts au festival des Trans Musicales de Rennes dans l’ouest de la France. La semaine passée, c’était la 45e édition de cet événement. Membre fondateur du festival et programmateur des « Trans », Jean-Louis Brossard cherche depuis plus de quatre décennies des pépites sonores du monde entier, un humaniste, militant qui se bat pour que la musique se fasse entendre. À écouter aussiLes Trans Musicales dans un autre monde avec les Sénégalais de Ndox Electrique
12/17/20234 minutes, 31 seconds
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Tony Bolamba: «Je porte le projet de l’austérité afin de faire renaitre l’équité dans mon pays.»

Toute cette semaine, Radio France Internationale donne la parole aux candidats à l’élection présidentielle congolaise. Quels sont leurs projets, quelle est leur ambition ? Tony Bolamba est consultant, c’est un ancien gouverneur de l'Equateur. Il défend un programme basé sur la redistribution, afin de remobiliser les fonctionnaires et de favoriser l’émergence d’une classe moyenne. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?Tony Bolamba : Je suis candidat parce que je dois redonner à mon pays tout ce qu’il m’a donné, tout ce qu’il a fait de moi, et j’ai un projet pour mon peuple. Je fus gouverneur de la province de l’Équateur, raison pour laquelle les plans que j’avais pour l’Équateur sur l’austérité, je souhaiterais amener ça au niveau national afin de créer l’équilibre social et de lutter contre l’injustice sociale. Qu’est-ce qui vous choque le plus à l’heure actuelle dans la société congolaise ? C’est le manque d’équité, parce que moi, je trouve inadmissible qu’un député national puisse percevoir 20 000 dollars américains, un sénateur, 50 000 dollars américains. Et ce qui me choque, ce sont les incompréhensions entre toute la classe politique, oubliant que nous n’avons qu’un seul point commun, qui est la RDC. Les injures ont remplacé un vrai projet social pour notre population.C’est ce projet que vous voulez porter ? Je porte le projet de l’austérité afin de faire renaitre l’équité dans mon pays. Si le peuple nous accorde sa confiance, nous commencerons d’abord par diminuer les salaires de toutes les institutions qui perçoivent de 20 000 à 50 000, voire 100 000 dollars américains le mois, et redistribuerons à ceux de nos fonctionnaires et autres employés qui n’ont pas de gros salaires. Si on augmente les salaires des enseignants, ils auront un devoir de résultats : améliorer l’enseignement. On redistribue aux militaires, ils auront un devoir de résultats : protéger le pays. On améliorera les professeurs, les médecins et ainsi de suite. Donc tout ce que nous prendrons à ceux qui ont des salaires, des rémunérations faramineuses, nous les redistribuerons à ceux qui n’en ont pas pour créer une classe moyenne et créer l’équilibre social et l’équité.Qu’est-ce que cette classe moyenne permettrait en République démocratique du Congo, selon vous ? La classe moyenne permettra la consommation, la consommation permettra l’appel aux nouveaux investissements, la classe moyenne permettra l’équilibre familial, parce qu’aujourd’hui, le tissu familial est détruit suite à la pauvreté, raison pour laquelle il faudrait absolument faire renaître cette classe moyenne.Au-delà de ce plan d’austérité, y a-t-il un autre point important de votre programme ? Mon programme ne sera basé que sur le plan d’austérité parce que tout part de l’inégalité sociale et de l’injustice sociale dans notre pays. Aujourd’hui, on parle des groupes armés, on parle des différents maux qui rongent notre pays, tout est dû à la pauvreté. Donc dès que nous mettrons ce plan en application, je pense que nous allons diminuer petit à petit tous les maux qui rongent notre pays.
12/15/20232 minutes, 21 seconds
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Georges Buse Falay: «Je suis le défenseur de la majorité silencieuse congolaise qui est dans une totale détérioration de vie»

Georges Buse Falay, ancien directeur de cabinet de l'ex-président Laurent-Désiré Kabila, est candidat à l'élection présidentielle du 20 décembre prochain, en République démocratique du Congo. À quelques jours des élections générales en RDC, RFI donne la parole aux candidats. Georges Buse Falay répond aux questions de Laurent Correau. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?Georges Buse Falay : Je suis candidat à l’élection présidentielle pour un but unique : être le défenseur de la majorité silencieuse congolaise qui est dans une totale détérioration de vie, sanitaire, alimentaire, sécurité physique. Il y a un besoin urgent à l’intérieur du pays de décourager le tribalisme. Mais je vous dis, la cause réelle du tribalisme, c’est la pauvreté. Parce que dans une société pauvre, les gens se replient sur leur famille et sur leur tribu. Avec le développement envisagé d’une économie forte et prospère, avec la collaboration de l’Europe et d’autres choses bien entendu, en changeant les mentalités dans la négociation, nous visons une répartition équitable des ressources dans le respect mutuel. Et là, je crois que nous allons sécuriser le Congo par rapport à ce qui se passe en Afrique de l’Ouest. Nous ne voulons pas de coup d’État, nous ne voulons pas un anti-européanisme qui n’a plus de place dans le monde moderne.Selon vous, quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain président ?Restaurer la paix à l’Est de la RDC en attaquant la cause de ce qui se passe de ce côté-là de notre pays. Et cette cause, on sait que ce sont les multinationales qui font tout pour brouiller les cartes et piller les richesses du Congo, qui sèment la panique depuis plus de vingt ans en causant des millions de morts pour lesquels le monde civilisé n’a pas l’air de payer l’attention comme il le fait en Ukraine ou en Israël. La deuxième priorité, mettre fin immédiatement au coulage des recettes de l’État, l’argent qui sort par des voies irrégulières, afin de maximiser toutes les catégories de recettes financières publiques.Pour vous, la lutte contre la corruption est donc un dossier essentiel auquel doit s’attaquer le prochain président ?Le dossier central, inévitable, c’est celui-là : comment faire à très court terme pour mettre en place un audit qui ne va pas durer longtemps pour restructurer la Banque centrale, restructurer les douanes, restructurer les entreprises des économistes et les entreprises publiques qui sont des portefeuilles de l’État. De là, proviendra cet argent qui doit arriver à destination à la Caisse centrale. J’ai l’expérience à la Gécamines [Société générale des carrières et des mines] où j’ai travaillé pendant 22 ans. Nous avons restructuré la Gécamines à l’époque pour résoudre ce genre de problèmes. On peut restructurer ces grandes entités, très vite mettre en place des gens compétents. Très vite, trois mois après, les coulages sont stoppés.
12/15/20232 minutes, 24 seconds
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Erik Nyindu: «Au Congo, la dynamique de la campagne électorale est du côté de Félix Tshisekedi»

« Au Congo, la dynamique de la campagne électorale, elle est du côté de Félix Tshisekedi », affirme sur RFI son porte-parole, Erik Nyindu. « La dynamique en faveur de l'opposant Moïse Katumbi, ce n'est qu'un leurre ». Que fera le président-candidat Tshisekedi pour les salaires des fonctionnaires civils et militaires s'il est élu pour un deuxième mandat ? Cinq jours avant la présidentielle de mercredi prochain, son porte-parole répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Erik Nyindu, quelle est la réalisation dont le président Tshisekedi peut être le plus fier depuis son arrivée au pouvoir ? Erik Nyindu : C’est la mise en place d’une disposition de la Constitution qui est la gratuité de l’enseignement primaire. C’était dans la Constitution de 2006, mais aucun des pouvoirs en place, jusqu’à présent, n’avait osé le faire, n’avait eu le courage de le faire. C’est ça la particularité du président Tshisekedi, c’est qu’il a eu le courage et la volonté politique de le faire, il a mis ça en place. Il y a près de cinq millions de jeunes enfants qui ont repris le chemin de l’école, qui n’auraient pas pu le faire autrement parce que leurs parents n’avaient pas les moyens de payer des études. C’est quelque chose de très important, ça donne un bagage à ces enfants pour pouvoir avancer et se débrouiller dans la vie.Plusieurs candidats de l’opposition affirment que cette gratuité est factice, car les enseignants sont tellement mal payés qu’ils sont obligés de rançonner les parents d'élèves…Ce n’est pas vrai. Ça, c’est un discours de l’opposition qui veut s’opposer à tout. Cette mesure a été une mesure difficile à mettre en place, elle se concrétise de plus en plus et sur toute l’étendue du pays. Il y a des mesures d’accompagnement. Notamment, il y a eu une mécanisation de plus de 100 000 professeurs, donc ça veut dire que leur salaire a été payé de façon bancarisée. On a augmenté aussi le salaire des professeurs, qui atteint aujourd’hui entre 300 et 400 dollars le mois. Et puis, surtout, la construction d’écoles : près de 7 000 écoles sont en chantier, dont près de 80% sont déjà construites, et ça permettra aux enfants de pouvoir y accéder dès la rentrée scolaire de 2024.L’un des problèmes, actuellement, dans votre pays, c’est l’inflation : + 22% en un an, dit le FMI. Comment comptez-vous arrêter la chute du franc congolais par rapport au dollar ?D’abord, il faut dire que ce problème d’inflation est un problème mondial, donc le Congo subit, comme le reste du monde, l’inflation. Une inflation qui, au Congo, est moins forte que celle de plusieurs autres pays africains. Le président, dans son projet politique pour le second mandat - si les Congolais lui font confiance pour le réélire -, a justement décidé de réduire l’impact de l’envolée des prix, notamment les prix des denrées de première nécessité, notamment le carburant, les produits alimentaires. Et aussi, par rapport au taux de change, en accentuant l’efficacité de la dépense publique : mieux dépenser, moins de dépenses de l’État et de meilleures dépenses qui sont bien ciblées, en espérant aussi que la conjoncture mondiale va s’améliorer.Félix Tshisekedi dit vouloir faire du Congo l’Allemagne de l’Afrique, mais dans un pays comme le vôtre où seulement, selon la Banque mondiale, 20% de la population a accès à l'électricité, est-ce que cela ne risque pas d’être un slogan sans lendemain ?Non, ce n’est pas un slogan. Qu’est-ce que c’est, l’Allemagne aujourd’hui ? C’est le moteur de l’économie européenne, un grand pays qui, surtout, a une tradition industrielle. Eh bien, c’est ce qu’on veut faire du Congo, un pays industriel, et pour pouvoir faire des usines, des manufactures, qui vont pouvoir employer la jeunesse congolaise, eh bien vous avez raison, il faut de l’énergie. Alors, il faut comprendre que durant le mandat du président Tshisekedi, on est passés, en 2020, de 12 460 gigawatts produits dans le pays à, en 2022, 15 287 gigawatts, c’est-à-dire une augmentation. On a eu une situation qui était catastrophique à l’arrivée du président Tshisekedi et on travaille là-dessus. Et, notamment, on a mis en place l’ARE, l’Agence de régulation de l’électricité, qui permet justement d’assainir ce secteur. Cette libéralisation va donner toute son efficacité, notamment avec des projets qu’on appelle off-grid, c’est-à-dire des projets hors réseau, des petites centrales hydro-électriques dans les territoires, des petites centrales photovoltaïques dans les territoires, qui vont permettre d’éclairer le Congo et de fournir de l’électricité pour l’industrialisation du pays.Pour redresser la situation militaire dans l’Est du pays, il faut remotiver les militaires, il faut augmenter leur solde - cent dollars par mois, ça ne suffit pas -, disent plusieurs candidats de l’opposition. Qu’est-ce que vous en pensez ? Je pense qu’il faut voir ce problème de façon globale. Ce n’est pas simplement une question de solde. D’abord, je voudrais dire une chose, aucun président, de toute l’histoire du Congo, n’a autant investi dans l’armée congolaise. À son arrivée, le président trouve une armée faite de bric et de broc, pratiquement en décomposition. Qu’est-ce qu’il fait ? Il lance une réforme, il augmente le budget global de la défense, qui passe à 10,4% dans le budget 2023, tout en sachant que, globalement, on augmentait le budget du pays - on est passés de 4 milliards en 2019 à 16 milliards en 2023. Il fallait le faire et c’est le président Tshisekedi qui a permis de le faire. Donc à partir de là, une loi de programmation militaire a été votée cette année, elle est en train d’être mise en application, cela permet justement d’augmenter encore plus la solde des militaires, d’améliorer le social des militaires. Deux grands hôpitaux, par exemple, à Kinshasa, l’hôpital du camp Tshatshi et l’hôpital du camp Kokolo, ont été rénovés, modernisés, ce qui permet aux militaires et à leur famille de se faire soigner là-bas gratuitement, ce qui permet de redonner de la dignité à nos soldats. Dernière mesure, la loi sur la réserve armée, qui permet à près de 40 000 jeunes Congolais, qui ont répondu à l’appel de la patrie, d’être formés aujourd’hui et d’accompagner, justement, l’armée dans son rôle de défense de la patrie.Dans l’opposition, plusieurs candidats pointent la très forte disparité entre les députés congolais, qui gagnent quelque 25 000 dollars par mois, et les nombreux fonctionnaires civils et militaires, qui ne gagneraient qu’entre 80 et 100 dollars par mois. Ils crient à l’injustice. Qu’est-ce que vous répondez ? Tout ce que je dis, c’est que dans le projet du président, il y a une mesure d’harmonisation des salaires de la fonction publique, notamment parce qu’il veut augmenter le pouvoir d’achat des Congolais. Pour ce qui est du salaire des députés, c’est quelque chose qui sera décidé au sein du Parlement. Si, effectivement, il faut baisser le salaire des députés, ça sera décidé ainsi et ce sera fait. Mais le poujadisme, le populisme, qui consistent à pointer du doigt le salaire des députés sans voir le reste, si on peut dire, de l’équation, c’est un discours populiste d’une opposition qui n’a pas d’idées.Pour mieux dénoncer le soutien du Rwanda aux rebelles du M23, le président Tshisekedi n’hésite pas à comparer le président Kagame à Hitler. Est-ce que ce n’est pas une comparaison excessive ? Ce sont des propos qui sont conformes à la réalité. Hitler en son temps, vous le savez très bien, a eu des visées expansionnistes qui ont conduit à une guerre mondiale. Monsieur Kagame a des visées expansionnistes sur le Congo qui peuvent conduire à une guerre mondiale africaine, et c’est pour cela que l’on dit que le président Kagame a une mauvaise politique, et on appelle la communauté internationale à le sanctionner pour que la paix revienne au sein de l’Afrique centrale.Il y a un mois, sur RFI et France 24, Félix Tshisekedi a déclaré : « Je n’ai pas peur de l’opposition, qu’elle soit unie ou pas », mais le ralliement de quatre candidats à Moïse Katumbi, l’affluence aux meetings de ce dernier, est-ce que ce ne sont pas autant d’indices qui montrent qu’il y a dans l’opposition une dynamique pour le candidat Katumbi ? Je crois qu’il y a un leurre, un leurre, d’ailleurs, qui est un piège pour les médias, et vous êtes tombé dans ce piège, monsieur Boisbouvier. D’abord, un, l’affluence aux meetings de Katumbi, c’est une affluence feinte, ils trafiquent leurs images. La réelle affluence se trouve aux meetings du candidat numéro 20, Félix Tshisekedi. Regardez, renseignez-vous et vous verrez que la population vient nombreuse, même au Katanga, là où certains prétendaient que c’était un fief de Katumbi. Le président a fait le plein, on n’avait jamais vu ça. Ça, c’est une première chose. La deuxième chose, le ralliement. C’est quelque chose qui avait déjà été préparé depuis longtemps, donc ils sont en train de feuilletonner ce ralliement pour pouvoir créer une sorte de faux buzz dans les médias, et en fait, ce sont des ralliements d’individus, ce sont des stratégies individuelles, de Sesanga, de Matata, de Diongo. Alors que, dans notre camp, les soutiens du président Félix Tshisekedi sont de véritables ténors politiques : il a monsieur Bemba, il a monsieur Kamerhe, il a monsieur Bahati, il a monsieur Mboso, il a la jeune génération avec le Premier ministre Sama Lukonde, et là, ce sont des partis politiques, des mouvements reconnus comme ayant une véritable assise dans le pays qui ont désigné Tshisekedi comme le candidat. Donc, Tshisekedi est un candidat indépendant, mais soutenu par les militants de l’UDPS, du MLC, de l’AFDC, de l’UNC et d’autres partis qui le soutiennent. Vous le voyez, la dynamique est différente. Nous, c’est une dynamique collective, qui porte un candidat, alors que chez Katumbi, ce sont des ralliements individuels qui ne donneront rien en fin de course.En vue de l’élection de ce mercredi 20 décembre, beaucoup d’opposants n’ont pas confiance dans la neutralité de la Céni, la Commission électorale. Ils encouragent leurs partisans à rester devant chacun des bureaux de vote, jusqu’à l’affichage des résultats. Qu’est-ce que vous en pensez ? (Rires) Je pense que c’est une bonne chose, mais nous, nous ferons la même chose. Je pense que la vigilance populaire est une bonne chose et nous ferons la même chose chez nous. Le président a donné le mot d’ordre à ses militants, à ses électeurs, de rester devant les bureaux de vote. Nous devons surveiller ça parce que nous savons qu’il y a une stratégie, qui a déjà commencé de la part de l’opposition, de dénoncer les résultats, quels que soient ces résultats. Sachant qu’ils vont certainement perdre cette élection, ils commencent déjà à préparer un discours de contestation pour pouvoir créer l’instabilité dans le pays. Nous refusons ça, parce que la démocratie congolaise, c’est quelque chose de fragile, c’est quelque chose de précieux, à laquelle nous tenons. Mais d’un autre côté, je dirais qu’il faut faire confiance à la Céni. La Céni est une instance indépendante, avec à sa tête Denis Kadima qui est l’un des experts mondialement connus de la gestion des processus électoraux. Il n’est pas seul. Il a une équipe de professionnels. Il y a des représentants de l’opposition au sein de la Céni. Il y aura aussi une vingtaine de missions d’observation. Donc, de ce point de vue, ce seront des élections sous surveillance, des élections transparentes, justes et crédibles.
12/15/20238 minutes, 55 seconds
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Loli Nkema Liloo Bokonzi: «Un chef d’État doit s’entourer de collaborateurs réellement soucieux de servir le pays»

Les Congolais sont appelés aux urnes le 20 décembre prochain pour des élections générales et d'ici là, RFI donne la parole aux différents candidats au scrutin présidentiel. Loli Nkema Liloo Bokonzi est homme d’affaires et candidat indépendant. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?Nkema Liloo Bokonzi Loli : Je suis candidat à la présidence de la République pour apporter des solutions concrètes aux problèmes que traverse le pays, des problèmes qui n’ont que trop duré. C’est-à-dire l’insécurité, le chômage, la corruption principalement. Et tant d’autres problèmes.Quels devraient être, selon vous, les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État ?Selon moi, naturellement, c’est la sécurité, comme priorité des priorités. Ensuite, l’agriculture pour relancer solidement notre économie et notamment lutter contre la famine et l’insécurité alimentaire. L’éducation et la santé, les infrastructures (transports, voies de télécommunications...) et enfin la prise en charge de la jeunesse et l’entrepreneuriat.Comment est-ce que vous vous y prendriez pour les mener à bien si vous étiez élu ?Pour réussir son programme et son mandat, la priorité, en matière de gestion, est d’abord de bien s’entourer. Un chef d’État doit s’entourer de collaborateurs réellement soucieux de servir le pays, des collaborateurs compétents et dévoués à la tâche. Ça, c’est la première chose. Et l’autre aspect, c’est de lutter sans ambages contre la corruption qui est devenue chez nous un fléau et qui est nuisible à la bonne marche du pays.Mais concrètement, qu’est-ce que vous allez faire ?Écoutez, nous devons d’abord commencer avec ce que nous avons, naturellement. Et, au-delà de cela, nous allons lever des fonds, ce que, moi, j’appelle des fonds d’investissement, tant dans le public que dans le privé, pour stimuler l’économie, stimuler le budget.Et pour la question de l’insécurité à l’est du pays par exemple, qu’est-ce que vous allez faire ?Le seul moyen de le faire, c’est de réformer l’appareil sécuritaire : l’armée, la police... Les outiller pour leur donner des conditions de travail et des salaires dignes de ce nom. Naturellement, la réforme prendra un certain temps, mais il y a des mesures urgentes que nous devons prendre. C’est-à-dire, il faut disponibiliser les fonds qu’il faut, les intelligences qu’il faut, avoir une diplomatie agissante, qui va nous permettre d’être unis, d’abord au niveau de la région et de l’Afrique, pour pouvoir éradiquer ce problème. Nous allons nécessairement mettre en place des partenariats et des accords, mais qui doivent être sincères. Il n’y a pas d’autres moyens en dehors de cela.
12/14/20232 minutes, 26 seconds
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Marie-Josée Ifoku: «Notre vision: donner naissance à une nouvelle république»

Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à la présidentielle du 20 décembre prochain en République Démocratique du Congo. Marie-Josée Ifoku est originaire de la province de la Tshuapa, dont elle a été vice-gouverneure et gouverneure. Déjà candidate en 2018, elle revient dans la course à la présidentielle pour, dit-elle, créer une rupture avec le système de prédation dont sont victimes les Congolais. RFI : Pourquoi êtes-vous candidate à la prochaine élection présidentielle ?Marie-Josée Ifoku : Je brigue la magistrature suprême pour la simple et bonne raison que j’ai fait un constat amer, c’est que le pays est mourant et qu’il fallait prendre le courage de l’enterrer nous-mêmes et de donner naissance à une nouvelle république puisque nous avons constaté que, depuis que nous sommes nés État indépendant du Congo (nom donné au pays quand il était considéré comme « propriété du roi des Belges » entre 1885 à 1908), en passant par l’Indépendance jusqu’à aujourd’hui, la classe politique s’est transformée en prédateurs. C’est cela qui détruit tout et c’est cela qui empêche le pays d’aller de l’avant.Alors quels devraient être, selon vous, les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État ?Ayant constaté, justement, que la classe politique est malade, nous, nous avons mis en exergue l’Homme congolais. C’est notre plus grand chantier. La première ressource que le Congo a, c’est le Congolais. Donc, nous voulons travailler au niveau de l’éducation, l’éducation classique, l’éducation en termes d’éthique, l’éducation professionnelle, métiers... Nous voulons redonner la valeur à l’Homme congolais et ce n’est qu’à travers l’éducation. Le plus grand chantier, pour nous, ça sera l’Homme congolais, de 0 à 77 ans. Travailler à 360 degrés sur l’Homme congolais. Comme cela, nous aurons toutes les chances d’avoir une nouvelle classe politique.Et sur ce sujet prioritaire, comment comptez-vous vous y prendre ?Tout un programme est mis en place pour nous à travers, d’abord, je vous ai dit, l’éducation classique. Nous voulons changer complètement l’éducation classique. Il va falloir que, quand un Congolais a fini ses études, de manière culturelle, il maîtrise au moins deux langues nationales. Et ensuite avoir un programme qui lui permet directement de travailler avec ces richesses naturelles. Tout le programme, que ça soit au niveau secondaire jusqu’à l’université, visera à avoir beaucoup d’ingénieurs au Congo puisque nous avons trop de richesses pour ne pas pouvoir manipuler ces richesses-là et laisser les autres le faire. Nous devons produire des Congolais qui ont la capacité de le faire. Il y a un programme au niveau de l’infrastructure de base d’abord, qui est l’éducation, donc la construction des écoles, la construction des universités... Sans parler de l’infrastructure de base de manière générale pour permettre au pays d’aller de l’avant, je parle de l’électricité, de l’eau potable, des routes pour pouvoir relier les provinces... je parle aussi de la construction des écoles. Et ces écoles vont fonctionner de manière classique dans l’avant-midi et dans l’après-midi. Ça deviendra toute une machine pour permettre aux adultes ou à d’autres jeunes qui n’ont pas pu aller à l’école de retourner à l’école et leur apprendre des métiers, leur apprendre l’éthique, leur apprendre à aimer leur pays, leur apprendre aussi le patriotisme... Donc, c’est à travers ces structures-là que nous allons pouvoir permettre aux Congolais d’être instruits, d’être éduqués, d’être renouvelés dans leur intelligence afin de nous permettre de donner naissance à une nouvelle république. Parce que c’est cela notre vision : donner naissance à une nouvelle république.
12/14/20232 minutes, 26 seconds
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Noël Tshiani: «Redonner au Congo un nouveau leadership capable de mettre le pays au travail et sur la voie du développement accéléré»

Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à la magistrature suprême en République démocratique du Congo. Quelles sont leurs ambitions, quel est leur projet ? Noël Tshiani est originaire de la province du Lomami. Il est candidat pour la 2ᵉ fois. Sa force, dit-il, c'est son expérience professionnelle. Il a notamment été directeur à la Banque mondiale. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?Noël Tshiani : Je brigue la magistrature suprême de la République démocratique du Congo (RDC), mon pays, pour transformer la vie de nos compatriotes, qui ont trop souffert de la mauvaise gouvernance depuis l’accession du pays à l’indépendance. Pourquoi mauvaise gouvernance ? Parce que le Congo a été dirigé par des leaders qui n’étaient pas préparés, qui n’avaient pas d’éducation, qui n’avaient pas d’expérience professionnelle, qui n’avaient pas le niveau d’intégrité suffisant et qui manquaient de vision.RFI : Selon vous, quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État ?Les chantiers prioritaires sont connus de tout le monde ! D’abord, le rétablissement de la paix et de la sécurité sur l’ensemble du territoire national. La fourniture des services publics de base, c’est-à-dire l’eau, l’électricité, l’accès à l’éducation de qualité et l’accession aux soins de qualité. Mais au-delà de cela, la construction des infrastructures. La RDC, c’est un grand pays, toutes les infrastructures sont délabrées : les routes, les autoroutes, les chemins de fer... Et aussi nourrir la population, arriver à réaliser ce que j’appelle l’autosuffisance alimentaire. Ces choses-là sont très importantes. Mais au-delà de cela, nous devons rétablir la bonne gouvernance, le fonctionnement normal de la justice et surtout la refondation de l’État. Parce que l’État congolais n’existe que de nom aujourd’hui.Et sur ces principaux chantiers prioritaires, comment comptez-vous vous y prendre ? Qu'avez-vous à apporter ?Après avoir été directeur-résident de la Banque mondiale à Washington, j’ai géré des programmes de développement dans plusieurs pays. J’apporte ici une expérience qu’aucun autre candidat n’a. En tant qu’ancien fonctionnaire international, j’ai une vision plus large des choses. Une vision de ce qui se passe dans d’autres pays. J’ai utilisé cela pour préparer une vision de développement que l’on appelle le « plan Marshall de Noël Tshiani pour la reconstruction et le développement de la RDC » qui, s'il est mis en œuvre, va nous permettre de régler chacun des défis de développement que j’ai énumérés tout à l’heure.Par conséquent, avec mon éducation, mon expérience, le niveau d’intégrité qu’il faut parce qu’il y a beaucoup de corruption dans mon pays... Je suis l’un des rares candidats qui porte des gants blancs, parce que jamais corrompu, jamais trempé dans la mauvaise gouvernance, jamais trempé dans les détournements de fonds publics ou la prédation des ressources naturelles. Et surtout, je n’ai pas de sang sur les mains, pour n’avoir jamais été dans les rebellions meurtrières. Je pense que j’apporte le renouveau qu’il faut pour redonner au Congo un nouveau leadership capable de mettre le pays au travail et sur la voie du développement accéléré.
12/14/20233 minutes
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Justin Mudekereza Bisimwa: «la précarité dans laquelle vit le peuple congolais m’a beaucoup interpellé»

Toute cette semaine, Radio France Internationale donne la parole aux candidats à la prochaine élection présidentielle en République Démocratique du Congo. Justin Mudekereza Bisimwa est le président national du Mouvement d’élites pour la démocratie et le vrai changement (MDVC). Originaire du Sud-Kivu, il est également le dirigeant d’une société privée, ADEC Ltd. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?Justin Mudekereza Basimwa : Je suis candidat pour trois raisons : la première raison, c’est que la précarité dans laquelle vit le peuple congolais m’a beaucoup interpellé. La deuxième raison, c’est que le président de la République, monsieur Félix Tshisekedi a, à un moment donné, reconnu que les projets qui sont financés par le gouvernement n’aboutissent pas. Il y a trop de détournements, il y a trop de corruption. Et il a reconnu que c’est un problème de pilotage. La troisième raison, c’est la situation de sécurité dans notre pays : il faut que je puisse juguler cette question avec, bien entendu, le peuple congolais qui pourra me faire confiance.RFI : Selon vous, quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain président ?Il y a tout d’abord la question de la sécurité de notre pays. Vous savez très bien que notre pays est agressé par le Rwanda et d’autres forces mafieuses. Je me dis que ça doit être la première priorité parce que, en tant qu’acteur de développement, je ne (pense) pas (qu')un développement puisse être possible lorsqu’il y a cette insécurité devenue grandissante. Le grand chantier suivant sera le social du peuple congolais. Aujourd’hui, on nous parle d’un budget de 16 milliards de dollars du gouvernement congolais. Mais je pense que ce sont des chiffres farfelus parce que, quand vous voyez, si vous avez déjà été ici à Kinshasa par exemple ou dans d’autres provinces, vous ne pouvez penser que nous avons un budget de plus de 5 milliards de dollars.Quelles seraient vos solutions dans le domaine sécuritaire et du social ?Pour le domaine sécuritaire d’abord, je vais investir des moyens conséquents dans l’armée pour qu’elle soit dissuasive. Et nous pourrons aussi nous efforcer d’utiliser la diplomatie : causer avec ceux qui nous agressent, ce n’est pas mauvais. Et sur la question du social du peuple congolais, nous allons créer des emplois pour que le Congolais puisse travailler du 1er au 31 et avoir son salaire décent. On va aussi créer des logements sociaux, à bon prix bien sûr, pour que le Congolais puisse s’en procurer tout en travaillant. Et, petit à petit, chaque Congolais qui a un emploi pourra se procurer une maison où il peut vivre de manière saine avec sa famille.
12/14/20235 minutes, 44 seconds
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Moïse Katumbi: «Le vrai opposant au président Tshisekedi, c'est la population congolaise»

« Le vrai opposant au président Tshisekedi, c'est la population congolaise », affirme le candidat Moïse Katumbi sur RFI. À une semaine de l'élection présidentielle, ce poids lourd de l'opposition congolaise répond à ceux qui l'accusent d'avoir utilisé dans le passé un passeport zambien. Il réagit aussi au président de la Céni qui promet des élections transparentes. En ligne de Kinshasa, le leader du parti « Ensemble pour la République » répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Vous promettez de mettre fin à la guerre qui sévit à l’Est depuis trente ans, mais si vous êtes élu, qu’est-ce que vous ferez de mieux que Félix Tshisekedi pour redresser la situation militaire ? Moïse Katumbi : Vous savez, d’abord, j’ai un programme pour redresser la situation militaire, parce que monsieur Tshisekedi a oublié l’armée. L’armée est très mal payée. Nos militaires ne sont pas motivés, si un militaire touche moins de cent dollars. Pour moi, on doit résoudre ce problème de salaire. On doit équiper l’armée. Nous avons de très bons militaires, mais très mal payés, donc démotivés.Et si vous êtes élu, vous allez augmenter la solde des militaires de combien ? Si je suis élu, je vais augmenter leur salaire et [celui des] fonctionnaires de l’État et [de] tout le monde, parce que l’argent est là. Pour le moment, vous voyez que nos députés à nous touchent plus ou moins 25 000 dollars par mois et qu’un militaire touche moins de cent dollars, donc ça démotive nos militaires. Au lieu d’aller chercher des mercenaires qui nous coûtent plus de 9 000 dollars par mois alors que le militaire touche moins de cent dollars, c’est un problème. Je n’ai pas les chiffres en tête, mais les militaires seront bien rémunérés.Le président Tshisekedi compare son homologue rwandais, Paul Kagame, à Hitler et l’expansionnisme du Rwanda à celui de l’Allemagne nazie. Est-ce que vous êtes d’accord avec cette comparaison ? Vous savez, moi, je crois que le plus important pour nous, [c’est d’avoir] une très bonne armée. Si notre armée est respectée, les pays voisins vont aussi nous respecter, parce que, pour le moment, le problème, c’est quoi ? Nous avons un président qui pleure chaque jour, ce n’est pas en pleurant ou en attaquant qui que ce soit – Kagame ou un autre – que… Il faut passer à l’action. Si quelqu’un me provoque, je dois me défendre. Donc pour moi, ce qui est important, c’est d’avoir une efficacité, donc l’armée doit agir. On ne doit pas pleurer et dire : c’est de la faute de l’autre. Non. On a tellement pleuré et pleuré qu’on ne nous respecte plus.Si vous êtes élu, vous promettez la fin de la pauvreté, mais justement, Moïse Katumbi, la gratuité de l’école primaire, est-ce que ce n’est pas à mettre à l’actif de Félix Tshisekedi sur le chemin de la lutte contre la pauvreté ? Monsieur Boisbouvier, la gratuité n’existe pas. Comment voulez-vous… Je vous donne l’exemple de la ville de Kinshasa : le salaire d’un enseignant, c’est 247 000 francs, c’est, plus ou moins, 85 dollars. Le loyer d’un enseignant est de 80 dollars, donc il lui reste cinq dollars, donc cette gratuité n’existe pas. Les enfants sont chassés de l’école et on est encore en train de rançonner le parent, et tous ces enfants sont chassés de l’école. Partout où je suis passé pendant la campagne, j’ai posé la question de savoir si la gratuité existait réellement au Congo. Elle n’existe pas. Elle existe dans le discours de monsieur Tshisekedi, mais en réalité, sur le terrain, il n’y a pas de gratuité.Moïse Katumbi, sur le terrain, quelles seront les premières mesures sociales que vous prendrez si vous êtes élu ? D’abord, je vais diminuer le train de vie de l’État, je vais augmenter les salaires des fonctionnaires – donc les enseignants et les militaires – et surtout, je vais lutter contre l’impunité parce que, pour le moment, l’État de droit n’existe plus dans le pays. Et aussi et surtout, pour le social, j’ai un plan pour l’Est du Congo, parce que la province de l’Ituri et celle du Nord-Kivu ont beaucoup souffert. J’ai un plan de cinq milliards de dollars que je vais introduire dans les deux provinces, et vous allez voir par quelles recettes de l’État : je vais augmenter les recettes de l’État pour stabiliser le dollar, diminuer le taux du dollar dans notre pays, parce qu’aujourd’hui, c’est invivable quand le dollar est à 2 800 [francs]. Quand monsieur Tshisekedi a pris le pouvoir, le dollar était à 1 400 [francs], aujourd’hui, c’est le double, donc c’est très difficile pour le pauvre fonctionnaire de l’État, pour la population congolaise, de continuer comme ça. Donc, monsieur Tshisekedi n’a pas de bilan. Moi, quand je serai président de la République, je vais aussi donner de l’électricité à la population, parce que, pour avoir une économie forte – nous avons le barrage d’Inga, nous avons plusieurs centrales hydro-électriques –, on ne peut pas développer le pays s’il n’y a pas d’électricité. J’ai une population qui n’a pas d’eau potable, je vais donner de l’eau potable à la population. Donc, j’ai tout un programme.Moïse Katumbi, vous dites que vous êtes un gestionnaire expérimenté, mais que répondez-vous à Félix Tshisekedi qui a déclaré il y a un mois, c’était sur RFI et France 24, que, quand vous étiez le gouverneur du Katanga, vous n’avez jamais pensé à construire un aéroport international à Kolwezi, la capitale mondiale du cobalt ?(Rires). Ce que je répondrais à monsieur Tshisekedi, c’est qu’il ne connait pas son pays. Qu’il aille dans les archives – et monsieur Boisbouvier, vous pouvez regarder –, j’ai trouvé la piste de Kolwezi, la longueur de la piste était de 1,3 kilomètres, j’ai moi-même agrandi cette piste à 2 500 mètres – les images existent –, donc j’ai fait la piste, j’ai fait la route de Kolwezi jusqu’à Kasumbalesa, j’ai posé plus de vingt-neuf ponts. Donc la piste de Kolwezi, c’est moi. Et il y avait des avions qui atterrissaient directement d’Afrique du Sud. Donc il ne connait pas le pays, c’est un mensonge.Depuis votre entrée en lice, Moïse Katumbi, vous avez bénéficié du désistement de quatre candidats, dont Matata Ponyo et Delly Sesanga, mais il reste plus de vingt candidats. Du coup, dans cette élection à un seul tour, est-ce que le sortant, Félix Tshisekedi, ne part pas favori ? Mais vous savez, le candidat le plus faible aujourd’hui, c’est Félix Tshisekedi. Regardez mes images comparées aux images de Félix Tshisekedi. Moi, j’ai des candidats qui m’ont rejoint, des candidats très valables, qui sont venus parce qu’ils savent que nous devons reconstruire ensemble le Congo. Donc pour moi, que ce soit quand on était partis en 2018 à Genève, Tshisekedi était parti avec Kamerhe, Martin Fayulu était resté avec nous, Kabila était avec d’autres, donc dans notre camp, nous sommes les gagnants, et nous allons gagner ces élections parce qu’il y a un rejet de la population vis-à-vis de monsieur Tshisekedi. Le vrai opposant de monsieur Tshisekedi aujourd’hui, c’est la population congolaise, parce qu’il n’a pas de bilan, il n’a rien fait. Aujourd’hui, il continue de s’attaquer à moi, soi-disant que j’étais le candidat de l’étranger, parce qu’il n’a pas un bilan à présenter à la population. Quand il dit – je l’avais suivi sur RFI – qu’il a augmenté la desserte en électricité de 20 %, c’est très faux. Les chiffres de la Banque mondiale existent. En 2018, quand il prend le pouvoir, on était à 17,8 % et on est à 20 % [aujourd’hui], donc il a augmenté la desserte en électricité de 2 %.Mais tout de même, Moïse Katumbi, le refus du docteur Mukwege de se désister pour vous, est-ce que ce n’est pas un motif de déception ? Non, ce n’est pas un motif de déception. Le docteur Mukwege est candidat, je respecte tous les candidats. Moi, je sais que je suis en train de faire ma campagne, il est en train de faire sa campagne. Les images ne trompent pas, donc je suis sûr et certain que je vais gagner les élections avec mon équipe.Selon plusieurs sources, à l’époque où vous étiez privé de votre passeport congolais, vous avez utilisé un passeport zambien pour voyager. Est-ce que vous ne risquez pas d’apparaitre, comme disent Félix Tshisekedi et Jean-Pierre Bemba, comme un candidat de l’étranger ? Vous savez, c’est un débat de caniveau, je n’ai jamais pris le passeport zambien, j’ai la lettre du ministre de l’Intérieur de la Zambie qui est sur internet, qui a même été réceptionnée par la Cour constitutionnelle. Est-ce que le passeport de Katumbi, c’est ça le bilan de monsieur Tshisekedi ? C’est un débat de caniveau. Je n’ai jamais eu de passeport zambien, je n’ai jamais voyagé avec un passeport zambien, donc cette histoire, c’est un mensonge. Monsieur Bemba lui-même, son père était portugais, il a de la famille portugaise. Moi, je ne vais pas renier mon père à cause de la politique.Le 20 décembre, le président de la Céni, la Commission électorale, Denis Kadima, promet que les élections seront transparentes, est-ce que vous lui faites confiance ? Vous savez, nous espérons que monsieur Kadima va respecter sa parole. Pour avoir la paix dans ce pays, il faut avoir de très bonnes élections. S’il y a de mauvaises élections, ça va diviser le pays. Partout où je passe, je demande à tous nos partisans, à toute la population congolaise, de dormir au bureau de vote jusqu’à la fin du dépouillement et de compter les voix bureau de vote par bureau de vote. On n’acceptera pas d’autres résultats, ce seront les résultats qui seront affichés sur chaque bureau de vote. 
12/14/20238 minutes, 9 seconds
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Tchad: «Une partie du pays est aujourd'hui vent debout et réclame le fédéralisme»

Les Tchadiens votent ce dimanche 17 décembre pour un référendum constitutionnel. La soumission de cette nouvelle Constitution aux électeurs est l'une des étapes du processus de retour à l'ordre constitutionnel. Que prévoit le nouveau texte ? Quels sont les débats qui l'entourent ? Quelles sont les positions en présence ? À quelques jours du referendum, le point avec Ousmane Houzibé, enseignant de droit constitutionnel à l'Ecole Nationale d'Administration de N'Djamena. RFI : Qu’est-ce que le projet de Constitution prévoit par rapport à la nature de l’État tchadien ? Ousmane Houzibé : La nature de l’État proposée actuellement par le gouvernement dans le texte en projet pour le référendum du 17 décembre 2023 est la forme unitaire de l’État. La question de l’État fédéral est un vieux débat depuis la conférence nationale souveraine de 1993 où on a trouvé le compromis entre deux Tchad : une partie réclame un Tchad fédéral et une autre, un Tchad unitaire. Ce débat du fédéralisme est revenu dans le Dialogue national inclusif. La question ne pouvant être tranchée par les délégués réunis au Dialogue, le Dialogue a renvoyé de manière souveraine la question au peuple tchadien, afin qu’il tranche ce choix sur la forme de l’État. Finalement, le gouvernement a fait un seul choix et ne soumet pas deux textes dans l’isoloir : il propose un État unitaire décentralisé. Une partie du Tchad est aujourd’hui vent debout et réclame le fédéralisme.Est-ce que cette question de la nature fédérale ou unitaire de l’État est le seul point qui fait débat, qui fait polémique, actuellement au Tchad ? Ou est-ce qu’il y a d’autres points qui sont débattus à l’heure actuelle ? Effectivement, il y a plusieurs points qui entraînent un débat. D’abord, le premier, c’est la création de la Conorec, Commission nationale d’organisation du référendum, création unilatérale du gouvernement qui n’associe aucune formation politique, ce qui fait qu’aujourd’hui, il y a un doute, et l’opinion publique au Tchad ne se cache pas pour dire qu’on ne peut pas être juge et partie. Un autre point qui suscite des débats, c’est le fait que les textes n’ont pas été rédigés par des juristes constitutionnalistes aguerris, ce qui, également, crée des polémiques entre les Tchadiens. Le troisième, et peut-être dernier point, c’est le fait que des partis politiques qui prônent le fédéralisme estiment que leur point de vue n’est pas pris en compte.Dans ce texte constitutionnel, quelles sont les dispositions qui apportent des changements par rapport à la précédente Constitution ? Ce texte reprend presque toutes les dispositions de l’ancienne Constitution, celle du 31 mars 1996, donc sur le plan juridique, on pourrait considérer que c’est une réactualisation d’une des constitutions que le Tchad a eues et qui est une des meilleures constitutions d’ailleurs. Donc les dispositions ont été reprises, améliorées, pour être proposées aux Tchadiens. L’autre aspect qu’on pourrait remarquer, c’est peut-être l’évolution de l’âge à la candidature à la magistrature suprême qui passe de 45 à 35 ans. C’est une innovation à ce niveau. Cela permet à Mahamat Idriss Déby d’être candidat, tout comme au docteur Succès Masra d’être candidat. La jeunesse pourra les départager dans les urnes.Quelles sont les nouveautés qui sont contenues dans le titre XVII du projet de nouvelle Constitution qui porte sur l’Ange, l’Agence nationale de gestion des élections ?  L’Ange, l’Agence nationale de gestion des élections, remplace simplement l’ancienne Commission électorale nationale indépendante, la Céni. Mais sinon, en termes d’innovation, il n’y a aucune différence avec celle de la Constitution du 31 mars 1996.Quels sont les arguments des partisans du « oui » à ce référendum ?Les partisans du « oui » prônent d’abord l’unité nationale et la cohésion sociale entre les Tchadiens. Pour eux, le Tchad doit rester un et indivisible. Toute idée contraire, c’est-à-dire le fédéralisme que prônent certains Tchadiens, peut être source de divisions, dans la mesure où le Tchad n’est pas suffisamment outillé ou aguerri pour accepter une gestion sur le plan fédéral. Ça, c’est l’argument fondamental du camp du « oui ».Et quels sont les arguments de leurs adversaires, les partisans du « non » ? Pour les partisans du « non », il n’y a pas d’autres alternatives que d’aller vers un Tchad fédéral. Seul le fédéralisme peut prôner l’égalité des chances entre les citoyens et peut-être restaurer une justice, une équité et la redistribution des ressources dans tout le Tchad.Dans ce débat, on a aussi ceux qui défendent le principe de l’abstention, pourquoi défendent-ils l’abstention ? Pour eux, ce référendum constitutionnel est truqué d’avance, à cause de la création unilatérale de la Conorec par le gouvernement. Pour eux, il faut reprendre le processus quitte à repousser le calendrier et impliquer tous les systèmes partisans dans la création d’un organe indépendant et impartial afin de jouer pleinement son rôle dans l’organisation du référendum constitutionnel et la suite des futurs scrutins présidentiel et législatif à venir.
12/13/20234 minutes, 37 seconds
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Rex Kazadi Kanda: «Le problème numéro un au Congo, c’est la sécurité»

Les électeurs de République Démocratique doivent aller aux urnes le 20 décembre prochain. Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à l’élection présidentielle. Parmi eux, Rex Kazadi Kanda, ancien soutien de l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social). Il se présente comme candidat indépendant, et promet de résoudre les enjeux cruciaux de la RDC avec un programme axé sur la sécurité, la diplomatie et le développement social et économique. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?Rex Kazadi Kanda : J’ai vu l’incompétence de la classe politique congolaise. J’ai vu qu’il y avait un manque de volonté de transformer la possibilité que nous avons eu après le changement en 2018... On a quitté une dictature, je pensais que nous avions la possibilité avec le président actuel d’un nouvel élan, étant donné que nous avons soutenu l’UDPS pendant plusieurs années de luttes. Et nous avons pensé que, arrivé au pouvoir, l’UDPS changerait réellement la vie des Congolais. Bon. Nous nous sommes aperçus que rien ne changeait. Au bout de 5 ans, la situation s’est aggravée... Donc, il était temps pour moi de prendre mes responsabilités, en tant que Congolais. J’ai quitté la vie d’activiste pour mettre le costume du politique et présenter un projet sur lequel j’espère l’adhésion de la population congolaise.RFI : Selon vous, quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État ?Écoutez, dans mon programme, le chantier numéro un en République démocratique du Congo, le problème numéro un au Congo, c’est la sécurité. Nous avons un pays qui a perdu presque 9 millions de personnes dans l’indifférence mondiale. Nous avons un pays où l’on tue, où l’on viole, matin, midi et soir. Nous avons un pays où une partie des Congolais ne pourront pas voter, pour la simple et unique raison que le pays est occupé. Nous avons un pays où les militaires se battent quasiment sans moyens. Nous avons un pays où le chef de l’État, au lieu de s’organiser et organiser l’armée congolaise, préfère payer des mercenaires étrangers pour sous-traiter la sécurité des biens et des personnes dans ce pays.Et justement, sur ces sujets, comment est-ce que vous comptez vous y prendre ?Si je suis élu, ma première préoccupation, ça sera d’auditer notre armée, savoir ce qui ne fonctionne pas, rééquiper notre armée. Et puis derrière cela, nous avons une population de 100 millions d’habitants. Il faut mobiliser les Congolais. Il y aura une mobilisation massive pour que notre armée monte en puissance en termes d’hommes, en termes d’équipements, voire d’abord à l’intérieur de notre pays, faire face aux groupes armés. L’État doit reprendre sa place sur l’ensemble du territoire. Donc, la priorité, c’est de donner les moyens, en tout cas d’utiliser les moyens que nous avons aujourd’hui pour faire une armée de métier, une armée sérieuse, une armée digne de défendre les Congolais. Derrière cela, de mettre aussi une police capable, en augmentant les salaires de nos fonctionnaires.
12/12/20232 minutes, 16 seconds
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Floribert Anzuluni: «La quasi-totalité de la classe politique a pris le pays en otage depuis trop longtemps»

Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à la magistrature suprême en République Démocratique du Congo. Quelles sont leurs ambitions, quel est leur projet ? Floribert Anzuluni est l’ancien coordinateur du mouvement citoyen Filimbi. Président du parti Alternative citoyenne et candidat désigné par la société civile, il dénonce le système de prédation entretenu, selon lui, par la classe politique congolaise. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?Floribert Anzuluni : D’abord, c’est une initiative, il est important de le préciser, qui est collective, qui est portée par des acteurs issus de la société civile et de l’engagement citoyen qui ont décidé de prendre un engagement politique partisan pour mettre fin au système de gouvernance que nous appelons « prédateur », qui malheureusement est incarné par la quasi-totalité de la classe politique qui a pris le pays en otage depuis trop longtemps et qui est à la base de la quasi-faillite du pays aujourd’hui. J’ai été mis en avant à travers un processus assez inédit de primaires citoyennes organisées par un réseau d’organisations de la société civile, primaires publiques pour une fois avec des débats publics et à l’issue de ce processus, j’ai été désigné candidat président alternatif.Selon vous, quels devraient être le ou les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État ?Pour nous, les chantiers prioritaires sont à trois niveaux. Le premier niveau, c’est la question sécuritaire. On en parle, il n’y a pas de solution parce qu’il n’y a pas de volonté, et il n’y a véritablement pas de compréhension suffisante. Prioritairement la question de l’Est, mais également d’autres questions d’insécurité à travers le pays. Et la deuxième question, c’est la question de la gouvernance. C’est ce que nous, nous appelons justement le système de prédation, le système de gestion prédateur. C’est ce système qui empêche en réalité le pays de se développer parce que les ressources qui doivent être mises à disposition pour investir, pour reconstruire le pays, sont détournées par un petit groupe de personnes. Et ça, il faut y mettre un terme véritablement en dehors des slogans. Et le troisième segment, très clairement, c'est ce que nous, nous appelons l’économie au service du social. Il faut qu’on mette en place un contexte économique qui permette non pas simplement de surexploiter les quelques entreprises qui existent, mais de mettre un cadre qui va permettre de multiplier les entreprises, principalement des PME locales, qui va leur permettre de créer de l’emploi, augmenter l’assiette fiscale et en bout de ligne, régler les problèmes sociaux des citoyens.Et sur ces sujets, comment comptez-vous vous y prendre ?Sur la question sécuritaire aujourd’hui, la première des difficultés, c’est qu’une bonne partie des personnes qui sont à l’origine et qui ont été impliquées et qui sont à la base des questions sécuritaires, malheureusement sont actives politiquement. Nous avons eu des brassages, des mixages où finalement des personnes, des hommes, qui pour une partie d’entre eux n’étaient pas des militaires, n’étaient pas formés, n’ont pas les règles et puis, ensuite, ne sont pas bien traitées parce que les conditions sociales et formations des policiers ou militaires et à l’intérieur du renseignement ne sont pas bons, ce sont ces mêmes personnes qui doivent résoudre le problème. Ce n’est pas possible. Pour nous, il faut « un nettoyage » de l’espace du système de défense et de sécurité. Il faut extraire toutes les personnes qui ont commis des actes qui nécessitent qu’ils soient extraits, il faut renforcer ceux qui vont rester, mettre en place ces conditions pour que ces agents soient dans de bonnes conditions. Et ensuite, reconstruire l’armée. Pour nous, c’est minimum 5 ans pour avoir une armée au minimum opérationnelle, je dirais, et c’est possible.
12/12/20232 minutes, 26 seconds
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Théodore Ngoy: «L’argent est dans les poches des prédateurs nationaux et internationaux»

Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à la magistrature suprême en République Démocratique du Congo. Quelles sont leurs ambitions, quel est leur projet ? Parmi eux, Théodore Ngoy, universitaire, politologue, juriste et pasteur. Il est originaire du Haut Katanga. Candidat indépendant, il veut « restaurer la justice » pour élever la RDC. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?Théodore Ngoy : Il faut un homme honnête, intègre, qui va mettre fin à la corruption, au détournement de fonds, qui va mettre fin à l’occupation du pays. Un homme indépendant d’esprit, compétent, moralement préparé, à travers les difficultés de la vie, pour pouvoir prendre les décisions qui s’imposent. Parce que le problème au Congo, depuis la conférence de Berlin (conférence de Berlin sur la colonisation de novembre 1884 à février 1885), on nous impose des gardiens des intérêts des autres. Il nous faut un homme qui soit le gardien des intérêts des Congolais et qui va réaliser les programmes qui permettent immédiatement aux Congolais de prendre le contrôle de leur richesse immense, multiforme et multidimensionnelle.Alors, selon vous, quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État ?Il faut travailler sur l’Homme. Il faut réformer l’Homme, le citoyen, le militaire, le policier pour lui inculquer des valeurs de justice, de respect, de bien-public, l’intérêt général, le combat pour la patrie, pour la souveraineté, pour la défense, la protection de nos frontières... D’abord cela, ensuite, prioritairement, il faut désenclaver le pays, il faut permettre aux Congolais de se nourrir et nous avons de la nourriture partout, il faut donc des routes, des dessertes agricoles... Alors, je pense que ce qui ferait du bien au Congo, c’est d’abord refaire les voies ferroviaires, les voies lacustres, les voies maritimes, les voies routières pour amener la nourriture aux Congolais, mais aussi l’exporter. Ça va faire du bien à l’économie, ça va faire du bien au panier de la ménagère. Je pense que c’est par là qu’il faut commencer et tout le reste va suivre.Alors justement, sur ces chantiers prioritaires, comment est-ce que vous comptez vous y prendre ?L’argent est dans les poches des prédateurs nationaux et internationaux. Le Congo est un coffre-fort de ressources pour le monde occidental et il y a ici des Congolais qui s’associent aux prédateurs internationaux. Et cela a pris de l’ampleur à l’ombre du génocide rwandais. On a créé une insécurité pour pouvoir exploiter nos ressources sans rien payer ! Je vais mettre la main sur toutes ces voies de sortie de notre argent qui va dans les poches de gens à l’intérieur et à l’extérieur. Puis le mettre au service de l’accès à l’eau, l’accès à l’électricité, l’accès à un emploi, à un salaire décent. Il faut absolument mettre la main sur leurs ressources. C’est cela qui va me permettre de travailler sur les routes et sur les autres projets.
12/12/20232 minutes, 28 seconds
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Jean-Claude Baende: «Je suis le candidat de la paix et le candidat du pain»

Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à la magistrature suprême en République Démocratique du Congo. Quelles sont leurs ambitions, quel est leur projet ? Jean-Claude Baende, ancien gouverneur de l'ex-province de l'Équateur, résume les maux qui minent la société congolaise en deux mots. Il vient donner, dit-il, « la paix et le pain » aux Congolais. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle en RDC ?Jean-Claude Baende : Le Congolais dans sa vie de chaque jour veut qu’il y ait la paix dans notre pays, à l’Est, dans le Kwamouth, un peu partout où il y a des conflits tribaux. Le Congolais veut aujourd’hui manger à sa faim. Le Congolais veut aujourd’hui pouvoir scolariser ses enfants dans de meilleures conditions, qu’il y ait des structures de santé de bonne qualité, etc. Et le Congolais dans cette quête d’une bonne vie exprime le besoin d’être considéré, d’être écouté par les acteurs politiques. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’être candidat à la présidence de la République.Quels devraient être, selon vous, les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État de la RDC ?Je suis le candidat de la paix et le candidat du pain. Les deux concepts nous ouvrent la voie vers le développement de notre pays. La priorité pour moi aujourd’hui, c’est remettre la paix dans notre pays. Le Congolais aujourd’hui vit dans une situation où le pays est divisé. Il y a des familles entières qui se sont déplacées et qui ont quitté leur milieu naturel et on ne peut pas continuer avec cette partition tacite du pays où il y a une partie qui est occupée par les factions rebelles et une autre partie qui est dirigée par le gouvernement central. Nous voulons la réunification de notre pays et ce sera la priorité.Comment vous vous y prendriez pour faire face à ce défi ?Nous savons que l’ennemi numéro 1 de la RDC, c’est le Rwanda. L’ennemi numéro 2 de la RDC, c’est l’Ouganda. Cela fait deux pays qui malheureusement protègent les ennemis de la République pour qu’ils puissent continuer à déstabiliser la partie est de notre pays. Je pense qu’on ne peut pas toujours continuer à tendre la main vers les armées étrangères. Dans le cas d’une coopération pour la formation militaire, oui, on pourra tendre la main vers nos partenaires traditionnels pour qu’ils puissent nous accompagner dans les réformes que nous allons imposer au niveau de nos forces armées. Dans l’immédiat, une fois que nous allons identifier les vrais militaires qui servent loyalement le pays, nous allons essayer de dégager une unité combattante qui sera au front pendant ce temps-là. Nous allons commencer maintenant le recrutement et la formation de jeunes gens qui seront prêts à aller au combat et qui n’auront comme souci que de défendre la patrie.
12/12/20232 minutes, 28 seconds
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Pasteur Aggrey Ngalasi Kurisimi: «Devenir président de la République, c’est de l’apostolat»

RFI donne la parole toute cette semaine aux candidats à la présidentielle du 20 décembre prochain en République Démocratique du Congo et leur donne l’occasion de présenter leur projet et leurs ambitions. Le pasteur Aggrey Ngalasi Kurisimi a 69 ans. Il est médecin retraité. Il présente une candidature inspirée par ses convictions religieuses. Pasteur Aggrey : Je voudrais être un instrument de la gestion « autrement » de notre nation, faire les choses en toute intégrité, honnêteté, loyauté et amour de la patrie. C’est cette grâce-là qui m’a conduit à déposer ma candidature en tant que candidat à la présidence de la République.RFI : Selon vous, quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain président ? C’est très important que le social soit privilégié, que la sécurité, ensuite, nous pousse à jouir de tous les bienfaits… et nous voulons que la droiture puisse être l’élément principal de notre gestion afin, qu’étant un pays très riche, il y ait une répartition équitable des richesses du pays jusqu’au plus petit peuple de notre nation.Vous évoquiez à l’instant le social, que souhaiteriez-vous faire concrètement en matière sociale ? Par exemple, il faut que chacun arrive à une auto-suffisance alimentaire, à pouvoir travailler et recevoir le salaire de son travail minimum. Dans le domaine de la santé, les soins primaires doivent être assurés sur toute l’étendue de la République, et cela est possible et nous allons le faire.Mais concrètement, comment est-ce que vous vous y prendriez pour obtenir ce résultat ?  Il nous faut des moyens financiers. Le Congo est dans un état d’urgence sanitaire.Où trouver, selon vous, les moyens nécessaires pour cette politique ? Les moyens, nous les trouverons. Un peu de bonne volonté et d’honnêteté dans un pays si riche, et quand c’est bien canalisé par les recettes, on assurera les soins de santé primaire de tout le monde. C’est un aspect primordial, parce que nous estimons que devenir président de la République, c’est de l’apostolat, et lorsqu’on parle de l’apostolat, ça sous-entend – et moi, en tant que pasteur – que nous devons servir et non se servir. Nous savons que cela est possible s’il y a une bonne justice, mais aussi un civisme, de l’amour pour ce peuple.
12/12/20232 minutes, 20 seconds
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Denis Mukwege: «Notre projet de société prévoit de mettre fin à la guerre, fin à la faim et fin aux vices»

Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à la présidentielle du 20 décembre prochain en République Démocratique du Congo. Parmi eux, Denis Mukwege, prix Nobel de la paix en 2018. Âgé de 68 ans, le célèbre médecin a été surnommé « l’homme qui répare les femmes » pour les soins prodigués aux femmes congolaises victimes de viols et de mutilations sexuelles dans l’est du pays. Il se présente en tant que candidat indépendant avec l’ambition de « réparer » le Congo. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?Docteur Denis Mukwege : Pendant plus de 20 ans, j’ai mené des plaidoyers en faveur de la paix, surtout lutter contre l’impunité dans la région où malheureusement le corps des femmes a été utilisé comme champ de bataille. Et malgré tout ce que nous avons essayé de faire pour ramener la paix, nous avons trouvé des obstacles. En fin de compte, on nous ramène toujours à ce que ça soit les hautes autorités de notre pays qui puissent répondre à ces atrocités. Cela n’a pas été fait. Donc, au lieu de continuer à demander aux autres, j’ai décidé de prendre cette décision, qui est difficile, mais nous avons franchi cette étape.Quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État de la RDC ?Je viens de le dire. Je crois que notre priorité, c’est de rétablir la paix en République démocratique du Congo. Il n’y a aucun projet de développement qui peut se faire dans ce pays tant qu’on aura des groupes armés des pays étrangers qui sèment la mort ici à l’est du Congo.Comment allez-vous vous y prendre pour y faire face si vous êtes élu ?Notre projet de société prévoit de mettre fin à la guerre, fin à la faim et fin aux vices. Nous allons réformer le secteur de la sécurité. Dans un pays comme la République démocratique du Congo – depuis 1996, quand nous avions été envahis, agressés – l'armée en République démocratique du Congo a été constituée par un mixage, brassage de groupes armés et, en évidence, on voit très bien que ces groupes n’arrivent pas à travailler ensemble comme un corps d’armée. Notre première réaction sera de réformer le secteur de la sécurité pour avoir une armée qui est capable de sécuriser nos frontières, de garantir l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo. Pour imposer la paix, nous allons avoir recours à une mission internationale d’imposition de la paix, pas de maintien de la paix, mais d’imposition de la paix. Et pour ça, nous avons les expériences des missions qui ont imposé la paix dans d’autres pays, et même en République démocratique du Congo, le cas de l’Ituri, c’est un cas parlant. Et une fois qu’on aura cette stabilité, effectivement, nous avons un programme de développement que nous allons pouvoir mettre en place.Une des critiques qu’on vous fait souvent est de ne pas avoir de base électorale. Est-ce que ce n’est pas un handicap pour vous ? On verra ça le 20 décembre. Je suis déjà en pleine campagne et je suis satisfait de la mobilisation. Partout où nous passons, nous voyons que la population nous écoute avec attention et la population accueille notre projet de société. Donc, je laisse à ceux qui prétendent qu’on n’a pas de base continuer à croire à ça. Partout où je suis passé, la population est derrière le projet de société que nous avons présenté.Mais si vous gagnez les élections, avec quelle majorité allez-vous diriger ?Cette majorité peut se constituer sur la base de ces députés qui vont adhérer à notre vision. Et avant même qu’on soit élus, on a déjà à plusieurs députés qui font notre campagne alors qu’ils sont dans des partis politiques traditionnels. Et cela montre très bien qu’il y a beaucoup de Congolais, pas seulement des Congolais, même des politiciens, qui croient à notre projet de société.Nous sommes à quelque trois semaines du début de la campagne électorale en RDC, est-ce que vous ne regrettez pas de vous être lancé dans l’arène politique ?Pas du tout. Pour moi, c’est une question de responsabilité. Cela fait trente ans, c’est depuis 1993 d’ailleurs, que les troubles ont commencé à l’est du Congo. Et donc, je ne pouvais pas rester indifférent. Et à mon humble avis, les Congolais vont comprendre, que la lutte que nous menons depuis vingt ans pour ramener la paix et la justice en République démocratique du Congo, mérite leur soutien à ce suffrage universel pour se choisir un président qui voit dans la même direction que le peuple congolais.
12/12/20234 minutes, 35 seconds
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Constant Mutamba: «Je veux rompre avec les antivaleurs des gestions du passé»

Les Congolais sont appelés aux urnes le 20 décembre prochain pour des élections générales et d'ici là, RFI donne la parole aux différents candidats au scrutin présidentiel. Avec son slogan « Rupture 2023 », le plus jeune des vingt-six candidats à l'élection présidentielle promet de mettre en place des mesures ambitieuses pour son pays. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat ?Constant Mutamba : Je suis candidat à l’élection présidentielle de décembre prochain pour rompre avec les antivaleurs des gestions du passé, rompre avec les vieux et anciens visages politiques, rompre avec les mêmes idées et les mêmes projets politiques, rompre avec l’insécurité à l’est du pays, rompre avec la faim, le chômage, rompre avec le délabrement de nos routes, bref rompre avec les maux qui rongent la société congolaise.Selon vous, quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État ?C’est la sécurité qui sera mon premier chantier prioritaire. Je vais mettre en place une unité spéciale chargée du rétablissement de la paix non seulement dans la partie est du pays, mais aussi et surtout sur l’ensemble du pays. Le deuxième chantier prioritaire sera les mines. Il va falloir transformer nos minerais localement afin que nous puissions leur donner de la valeur ajoutée, qui pourra contribuer à la création d’emplois, à la stabilité de notre économie. Troisième chantier prioritaire pour nous, ça va être l’éducation. Nous allons faire en sorte de remettre en selle la fonction enseignante. Quatrième chantier, ça va être la santé. Nous mettrons en place le système de santé intégré qui permettra de prendre en charge gratuitement des millions et des millions de nos compatriotes. Nous allons également prioriser le chantier justice. Il faudrait de manière urgente mettre en place un parquet économique et financier spécial qui aura pour mission de traquer tous les délinquants économiques et financiers. Nous allons également créer un tribunal spécial contre la corruption afin de pouvoir lutter efficacement contre toute sorte de malversations, toute forme de détournement et d’antivaleur de gestion.Comment est-ce que vous comptez vous y prendre ?Nous allons mobiliser suffisamment de moyens à travers les réformes que nous apporterons dans les secteurs des finances publiques. Nous allons mettre en place une politique de maximisation des recettes, de collectes des recettes publiques qui puisse permettre de renflouer davantage les caisses de l’État. Nous allons également faire en sorte que la dépense publique soit efficace, ceci en mettant fin à toute forme d’interférence dans la chaine des recettes publiques. Ceci nous permettra de mobiliser suffisamment de recettes qui nous permettront de financer tous les projets que nous comptons réaliser une fois élu président de la République.
12/11/20232 minutes, 29 seconds
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Joëlle Bile: «Mon slogan, c’est la République des valeurs»

Plus que quelques jours pour convaincre ! Les électeurs de République démocratique du Congo sont appelés aux urnes le 20 décembre prochain et d’ici là, les candidats à l’élection présidentielle battent campagne. RFI leur donne la parole toute cette semaine. La candidate indépendante Joëlle Bile déroule un programme qui insiste sur la méritocratie et la solidarité. RFI : Pourquoi êtes-vous candidate à la prochaine élection présidentielle ?Joëlle Bile : J’ai décidé de briguer la magistrature suprême en RDC parce que je suis désolée, navrée et triste de voir dans quelles conditions mes compatriotes vivent. Le chaos est profond, l’insécurité est grandissante, les injustices sociales sont légion. Et à côté de cela, la corruption, le népotisme, le clientélisme ne disent plus leur nom. Je me suis dit qu’il est temps de quitter le confort de la critique et de passer effectivement de l’autre côté de la rive et de pouvoir me mettre au service de mon peuple.Quels devraient être, selon vous, les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État ?Les priorités sont énormes. Tout est prioritaire en RDC. Mais c’est sûr qu’au-delà de relever le niveau de vie de la population en mettant un accent particulier sur le relèvement des besoins sociaux de base, j’aimerais moi vous parler beaucoup plus de tout ce qui touche au recensement. Vous savez qu’il est difficile aujourd’hui de prévoir quelque plan de développement ou de croissance pour la RDC étant donné que nous ne savons même pas combien nous sommes. Nous ne savons pas qui est Congolais dans la société et il est difficile d’établir quelque plan que ce soit. Donc, au-delà de tout ce qui sera fait en termes de sécurité que ce soit la sécurité intérieure, mais aussi tout ce qui est criminalité urbaine, je mettrai un accent particulier sur le recensement de la population pour donner à mes compatriotes une pièce d’identité qu’ils n’ont pas, qui leur permet de pouvoir voyager et de vaquer à leurs occupations, et pour faire en sorte que nous soyons dignes d’appartenir à la République démocratique du Congo.Et sur ces sujets prioritaires, comment comptez-vous vous y prendre ?Je militerai pour que la réduction du train de vie des institutions soit effective, que la mise en place ou la mise en œuvre, l’application des textes soit la première des choses, parce que mon slogan, c’est la République des valeurs. Je pense que la RDC est appelée à revenir à la norme, à revenir à la normalité parce que nous fonctionnons un peu comme si on y allait à l’aveuglette. Il est réellement temps de s’arrêter, de remettre chaque chose sur les rails, que ces textes soient définitivement appliqués et que ces autorités-là justement lorsqu’elles ne respectent pas ce pourquoi nous les avons placées au devant, elles soient traduites devant la justice. À partir de ce moment-là, avec la corruption qui doit être complètement abolie, on arrivera à un moment donné à remettre effectivement les choses sur les rails.
12/11/20232 minutes, 21 seconds
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Adolphe Muzito: «Je suis candidat pour libérer mon pays»

La campagne des élections générales prévues le 20 décembre prochain entre dans sa dernière ligne droite en République démocratique du Congo. Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats au scrutin présidentiel et les interroge sur leur projet. L’ancien Premier ministre Adolphe Muzito part à la conquête des suffrages sous la bannière de son parti politique « Nouvel Élan ». Il accorde une importance particulière aux dossiers de la défense et de la sécurité. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ? Adolphe Muzito : Je suis candidat pour libérer mon pays sous occupation rwandaise à l’est de la République, libérer mon pays aussi de l’exploitation dont il est l’objet de la part de la communauté internationale et de la part des multinationales, actuellement à l’est du pays, mais même à l’Ouest, mais libérer les Congolais de la pauvreté, du chômage. Voilà principalement ce qui est le cheval de bataille de ma candidature au niveau de la présidentielle.Quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État congolais ?Le chantier prioritaire d’abord, c’est le chantier de la défense et de la sécurité. Sur le plan interne, il y a beaucoup d’insécurité du fait de jeunes gens qui s’attaquent aux citoyens, aussi bien dans la ville de Kinshasa qu’à l’intérieur du pays du fait du chômage et de la pauvreté. Il faut beaucoup de sécurité sur le plan intérieur, mais aussi donner du travail à ces jeunes. Ensuite, la sécurité extérieure. Notre pays à l’est est sous occupation rwandaise. Il faut préparer la guerre et il faut amener le pays à être en position diplomatique telle que le Rwanda puisse comprendre que si véritablement, il ne se retire pas, le Congo va l’attaquer pour se défendre. Le deuxième chantier, c’est celui des infrastructures. Le Congo a un retard de 5 ans à rattraper dont 20 000 kilomètres de routes nationales et 30-35 000 kilomètres de routes provinciales. Il y a aussi 5 à 6000 kilomètres de chemins de fer à rattraper, parce que depuis le départ des Belges, on n’a plus réhabilité ces chemins de fer… des ports, des aéroports, faire l’adduction d’eau, etc. en faveur de la population. Il faut ajouter les routes de desserte agricole pour relancer l’agriculture qui aujourd’hui est le parent pauvre dans un pays qui a la terre nécessaire pour donner à manger à son peuple.Comment allez-vous réaliser ce programme si vous êtes élu ?J’ai fixé un cap de 300 milliards de dollars pour les dix années à venir, parce que le Congo ne peut pas se construire en 5 ans comme beaucoup de candidats à la présidence de la République semblent le dire dans le cadre de leur programme. Il faut dix ans en augmentant la croissance du pays jusqu’à deux chiffres, en commençant par 7 ou 8%, nous pouvons passer d’un pays aujourd’hui à 50 milliards à un pays de 100 milliards à l’horizon de la décennie. Et donc, nous devons répartir ces ressources entre les provinces et l’État pour que les provinces participent à la construction du pays, notamment en ce qui concerne les infrastructures.
12/11/20232 minutes, 25 seconds
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Patrick Majondo Mwamba: «Notre priorité, c’est de pouvoir dynamiser la jeunesse congolaise à travers l’éducation et la formation»

Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à l’élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC) et leur permet de dérouler leur programme de campagne. Après avoir défendu ses couleurs sur les stades de football américain, Patrick Majondo Mwamba s’est lancé dans la course à la magistrature suprême. À la tête du mouvement Notre Congo, notre fierté (UCCO), il affirme son ambition pour la jeunesse congolaise. RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à l’élection présidentielle ?Patrice Majondo Mwamba : Très simplement, je suis un Congolais concerné, concerné parce que mon pays, le Congo, joue un rôle extrêmement important et majeur pour l’écosystème mondial. Aujourd’hui, le Congo a un rôle très important pour tout ce qui est climat et tout ce qui est ressources naturelles. Plus que jamais, le Congo a besoin de retrouver son identité. Et cette identité congolaise ne peut être trouvée que par sa jeunesse… La République démocratique du Congo a aujourd’hui une démographie avec une population de plus ou moins 60 à 70% de Congolais qui ont entre l’âge de 25 et 30 ans. Pour moi, les jeunes Congolais sont les oubliés. C’est une démographie qui, jusqu’à ce point-ci, n’a jamais eu un rôle important à jouer et on attend très fortement à changer cette compréhension.Selon vous, quels devraient être les chantiers prioritaires du prochain président ?Aujourd’hui, le premier chantier qui sera la priorité pour notre mouvement « Notre Congo, notre fierté » (Ucco), c’est la jeunesse, c’est de pouvoir créer justement une dynamique, une plateforme qui va dynamiser la jeunesse congolaise à travers l’éducation et surtout la formation, que ce soit la formation au point de vue infrastructurel, mais aussi au point de vue agricole, comme ils disent en anglais « Food security ». L’autre priorité, qui est très importante aujourd’hui, c’est de pouvoir créer une certaine compréhension pour apaiser les malentendus qu’on a aujourd’hui au point de vue sécuritaire. On a un problème qui persiste depuis un peu plus de deux décennies à l’est du Congo. Et je pense, autant que mes partisans et notre mouvement, qu’il est temps de pouvoir s’asseoir à la table avec les protagonistes du sujet et de trouver une solution ensemble.Dans ces deux domaines, comment comptez-vous agir ? En investissant davantage ?On est convaincus qu’on est capable de trouver déjà les capacités économiques pour créer ces multitudes de centres de formation… parce qu’on a besoin de construire le Congo et non pas le reconstruire. Dans l’économie, dans le budget actuel que le Congo a, il y a les capacités économiques qui nous permettront de pouvoir construire des centres de formation sur l’étendue des 26 provinces, ce qui permettrait déjà une certaine dynamisation pour la jeunesse congolaise. Et au point de vue sécuritaire, il faut pouvoir s’asseoir à la table et trouver comment mettre en œuvre les solutions qu’on connait, parce que comme je dis, les problèmes, on les vit, les solutions, je pense qu’on les a déjà depuis plusieurs années. Mais comment « implémenter » ces solutions ? Je pense que c’est là que le grand challenge se fait… comme il est de droit, à l’africaine, entre frères et sœurs. Ça, c'est très important.
12/11/20232 minutes, 24 seconds
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Henock Ngila: «Je priorise l’économie, je veux libérer les champs»

Toute cette semaine, RFI donne la parole aux candidats à la magistrature suprême en République démocratique du Congo (RDC). Quelles sont leurs ambitions, quel est leur projet ? Henock Ngila est le candidat du parti Démocratie universelle et inclusive (DUI). Il se présente comme « Léopard, Écrivain, Apôtre ». RFI : Pourquoi êtes-vous candidat ?Henock Ngila : Après avoir vu pendant des années la souffrance de ce peuple qui a un pays très riche et qui reste toujours dans la précarité, j’ai compris qu’il y a une mauvaise gouvernance. Le manque de leadership, de « legacy ». C’est une matière dont je dispose. J’ai trouvé, avec les idées que j’ai, que je pourrais aider mon pays.Quels devraient être selon vous les principaux chantiers, les chantiers prioritaires du prochain chef de l’État ?Dans un pays, il y a l’économie et la politique. Je priorise l’économie. Mais dans le cas du Congo, il y a un problème de sécurité qui est en train de détruire le pays. Donc, je veux non seulement travailler sur l’économie pour donner plus de moyens à la sécurité, mais m’atteler beaucoup à la sécurité.Comment vous y prendriez-vous si vous êtes élu ?Je vais commencer par l’économie. Nous avons une économie linéaire aujourd’hui qui n’aide pas le pays. Il faut une économie circulaire. Je veux libérer les champs, c’est-à-dire déclarer l’espace « green » pour permettre aux investisseurs de venir investir dans le pays. Ils ne vont pas payer l’impôt ni les taxes. Je veux créer des banques locales pour permettre à la population d’avoir accès au financement. Et avec cette formule, je veux industrialiser l’agriculture, l’élevage et la pêcherie. Et le pays a un problème de routes. Pour construire les routes, je prends l’exemple de la France qui a des autoroutes, mais les routes ne sont pas construites par le gouvernement français. Ce sont des investisseurs privés qui ont construit et ils récupèrent l’argent par le péage. Cela est un exemple simple pour pousser à développer notre pays.Et sur la question de l’insécurité ? Comment allez-vous agir ?D’abord, nous avons un grand pays qui n’a pas assez de services de sécurité. Nous allons beaucoup augmenter les services de sécurité dans l’armée, dans la police, à court et long terme. Le côté Est surtout est le côté qui a beaucoup de problèmes. Je vais faire appel aux anciens de la FAZ [forces armées zaïroises, Zaïre ancien Congo], l’armée du temps de Mobutu, pour gonfler l’effectif que nous avons aujourd’hui. Avec cette armée, je sais que nous ferons beaucoup de bonnes choses. Et nous allons calmer le problème qu’eux ont déjà connu, eux étaient à la base de la paix qui était à l’est du pays.
12/11/20232 minutes, 22 seconds
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Martin Fayulu: «Ce n’est ni l’argent, ni la tricherie qui doivent voter»

La campagne électorale des élections générales en République démocratique du Congo entre dans sa dernière ligne droite. Les Congolais sont appelés aux urnes le 20 décembre prochain et d'ici là, RFI donne la parole aux différents candidats au scrutin présidentiel. Pour ouvrir cette séquence politique, nous écoutons ce lundi 11 décembre 2023 Martin Fayulu, qui était arrivé deuxième selon les chiffres officiels de l'élection présidentielle de 2018. Il avait à l'époque revendiqué la victoire à ce scrutin. Quels sont les thèmes sur lesquels il bat campagne, comment voit-il le scrutin à venir ? RFI : Quel bilan faites-vous du mandat de Félix Tshisekedi à la tête du pays ?Martin Fayulu : Totalement négatif. Monsieur Félix Tshisekedi a exacerbé la situation sécuritaire au Congo. Il est parti s’allier à Paul Kagame qui l’a amené à l’EAC, East African Community [Communauté de l'Afrique de l'Est], avec à la clé une partie de notre pays, le Masisi et le Rutshuru, qui aujourd’hui sont sous administration rwandaise avec ses supplétifs du M23. Deuxièmement, monsieur Félix Tshisekedi a rendu le pays beaucoup plus corruptible. Son gouvernement s’est distingué par le vol et la corruption. Il a fait le projet des 100 jours, 660 millions de dollars disparus. Avec son ami Vital Kamerhe, il a eu un projet de 57 millions de dollars de maisons préfabriquées, disparus. Non, monsieur Félix Tshisekedi a usurpé le pouvoir du peuple congolais en 2018 et, aujourd’hui, voilà l’état dans lequel il a mis le Congo. Le Congo s’est totalement affaibli et est devenu la risée du monde.Quel sera votre chantier prioritaire si vous êtes élu ?Mon chantier prioritaire, c’est d’abord les préalables, les fondations d’un édifice, c’est-à-dire l’intégrité territoriale et la pacification totale du pays. L’État de droit et la légitimité du pouvoir. Troisièmement, la cohésion nationale, c’est essentiel pour nous. Et quatrièmement, la gouvernance intègre, c’est-à-dire la tolérance zéro corruption. Monsieur, madame, vous volez, votre place est en prison. Pas simplement en prison, on fait une enquête sur vous, sur tout ce que vous avez et si vous n’arrivez pas à les justifier, on vous retire tout. Ça, ce sont les prérequis, les préalables pour avoir un pays normal.Concernant maintenant la situation dans l’est de la République démocratique du Congo, comment peut-on ramener la paix et la stabilité dans cette partie du pays ?Nous allons avoir une armée aguerrie, formée, entraînée, équipée. Nous allons construire des camps militaires, surtout dans les provinces de l’Est. Et puis le patriotisme… nous allons éduquer la population congolaise avec les cours d’alphabétisation, d’éducation civique pour dire que nous sommes un et indivisible, nous sommes un peuple uni avec nos diversités. Et nous allons dire à l’ONU, l’organisation des Nations unies, qu’elle doit extirper les éléments des FDLR [Forces démocratiques de libération du Rwanda] du Congo – ils sont 1 500 ou 2 000, je ne sais pas – et les amener loin du Congo. Nous allons demander aussi aux Nations unies d’éloigner de notre pays les ADF ougandais [Forces démocratiques alliées]. Et dire à monsieur Paul Kagame et à monsieur Yoweri Museveni que le Congo n’est pas un pays à prendre.Quel regard portez-vous sur la façon dont le scrutin du 20 décembre est organisé ?Chaotique. Le scrutin est organisé dans le sens de faire élire par la fraude monsieur Félix Tshisekedi. Il a mis en place une Cour constitutionnelle acquise totalement à sa cause. Il a mis en place une commission électorale à lui et il a fait adopter à l’Assemblée nationale une loi électorale favorable à lui. Mais nous sommes là, nous veillons. Nous sommes candidats à ces élections, pas pour accompagner monsieur Félix Tshisekedi ou monsieur Denis Kadima, les deux dans leurs forfaitures, mais c’est pour surveiller et donner aux Congolais la vérité des urnes. Et c’est cela que je dis à tous les Congolais que je vois : vous devez voter pour celui ou celle qui doit résoudre les problèmes du Congo. Ce n’est pas l’argent qui doit voter, ce n’est pas la tricherie qui doit voter, mais c’est la personne qui est capable d’articuler un programme, capable de défendre ce programme, capable de défendre les intérêts du Congo sous le ciel international, et non des marionnettes qui veulent le pouvoir pour le pouvoir.
12/11/20234 minutes, 30 seconds
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Festival Ciné droit libre au Burkina Faso: «Réfléchir sur les liens entre corruption et terrorisme»

Depuis le samedi 9 et jusqu’au 16 décembre se tient, à Ouagadougou, la 17ᵉ édition deCiné droit libre. C’est un festival qui est symbolique, au Burkina Faso et plus largement en Afrique de l'Ouest, de la volonté de défendre les droits humains et la liberté d'expression, à travers des projections de films sur ces thèmes, et qui sont généralement suivis de débats passionnés et passionnants. Le coordinateur et directeur de ce festival, Abdoulaye Diallo, est l’invité de RFI.  ► Le festival Ciné droit libre, jusqu'au 16 décembre 2023 à Ouagadougou, au Goethe Institut et au centre Jean-Paul-Zoungrana, pour regarder des films et débattre sur la liberté d'expression et les droits humains.
12/10/20234 minutes, 29 seconds
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Guinée-Bissau: «Il y a une tentative de coup d'État institutionnel envers l'Assemblée nationale»

En Guinée-Bissau, le bras de fer se poursuit entre le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) et le président Umaro Sissoco Embalo. Le chef de l'État accuse le chef du parlement, Domingos Simoes Pereira, d'être directement impliqué dans ce qu'il décrit comme une tentative de coup d'État. Réponse de l'intéressé ce vendredi sur RFI. Domingos Simoes Pereira accuse le président d'avoir cherché un prétexte pour dissoudre l'Assemblée et il rejette cette décision de dissolution.  RFI: Le président Umaro Sissoco Embalo affirme que vous êtes personnellement derrière ce qu’il a qualifié de « tentative de coup d’État ». Que lui répondez-vous ?Domingos Simoes Pereira : Personne ne croit à cela, d’abord parce que j’étais en réunion avec trois autres éléments à ma maison quand on a appris que les deux ministres sont arrêtés. Et j’ai continué en compagnie de ces éléments jusqu’au moment où l'information est arrivée, qu’il y a eu un coup de force pour les libérer. Mais ce qui est aussi étonnant : aller prendre deux éléments qui sont arrêtés pour les transférer à la garde nationale, comment cela peut représenter une tentative de coup d’État, comment ? Comme je l’ai dit depuis le début, monsieur Emballo avait besoin d’un cadre d’anormalité pour justifier sa dissolution de l’Assemblée.Pour vous, il n’y a pas eu de tentative de coup d’État à la fin de la semaine dernière ?Il n’y a pas eu de tentative de coup d’État. C’est maintenant qu’on a même une tentative de coup d’État institutionnel envers l’Assemblée nationale populaire. Quand vous regardez notre Constitution, il est clair que le président n’a pas la compétence de dissoudre l’Assemblée nationale populaire.Sur cette question, le président Umaro Sissoco Embalo affirme que dans un cas où l’implication de l’Assemblée est établie, il a le droit de prendre une telle mesure de dissolution du Parlement…D’abord, où cela est-il écrit ? À quelle disposition de la Constitution fait-il référence ? Tous les constitutionnalistes qui connaissent notre Constitution soit en Guinée-Bissau, soit au Portugal, soit au Cap-Vert, sont en train de répéter exactement la même chose : C’est une violation flagrante et qui ne correspond qu’à l’intérêt politique de monsieur Emballo de charger l’Assemblée nationale populaire parce que c’est Domingos [Simoes Pereira] le président de l’Assemblée, donc il faut de toute manière l’empêcher d’être candidat dans l’élection présidentielle qui doit se tenir l’année prochaine.Est-ce que vous entendez vous et le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) faire obstacle d’une manière ou d’une autre à la dissolution du Parlement ?Il n’y a pas de dissolution. Non, il a fait un arrêté dans lequel il propose de dissoudre le Parlement. Le Parlement est là. Ce n’est pas l’arrêté qui dissout le Parlement. Aujourd’hui, la garde prétorienne empêche les députés d’accéder à l’Assemblée. Donc, il faut trouver un autre moyen pour qu’on puisse continuer à travailler. Et on va le faire.Ce que vous dites, c’est que la décision du président de dissoudre le Parlement n’a pas de valeur juridique ?Oui, car elle n’est pas en accord avec la Constitution, article 8.Donc pour vous, cette dissolution est nulle et non avenue ?Cela n’existe même pas. Ce n’est pas une question de nullité. Elle n’existe pas.Est-ce que pour vous, on est potentiellement au début d’une nouvelle crise politique majeure en Guinée-Bissau ?S’il y a ce risque, c’est un risque qui a été provoqué. On a un président de la République qui est intéressé à ce qu’on soit encore une fois dans une situation de crise alors qu’on vivait un moment d’espoir. Les Bissau-Guinéens étaient convaincus que c’était la bonne fois... les choses marchaient bien... Donc, le président était le seul intéressé à créer ce cadre de déstabilisation, à se donner la compétence de dissoudre le Parlement. Heureusement, notre Constitution ne lui donne pas cette compétence.Comment peut-on sortir de cette crise, selon vous ?Il ne faut pas contraindre les institutions au silence. Laissons l’Assemblée nationale populaire travailler. Le président sait déjà qui est coupable, il a dissout le Parlement, il va former un gouvernement de son initiative. Ce n’est pas ça la définition de la démocratie.La communauté internationale reste pour l’instant très prudente sur la crise actuelle. Qu'attendez-vous d’elle aujourd’hui ?La communauté internationale a un devoir envers la Guinée-Bissau parce qu’elle accompagne la situation interne, elle sait que nos institutions restent faibles. Et le sommet des chefs d’État qui va se produire ce dimanche à Abuja sera une opportunité que les chefs d’État auront pour demander que les institutions soient rétablies, pour que la normalité institutionnelle puisse fonctionner. 
12/8/20234 minutes, 27 seconds
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Enrôlements forcés jugés illégaux au Burkina Faso: une «victoire morale pour la société civile»

Le tribunal administratif de Ouagadougou a rendu une décision importante ce 6 décembre au sujet des enrôlements forcés de figures de la société civile dans la lutte anti-jihadiste, que l'on appelle les « réquisitions ». Le tribunal a déclaré illégal l'ordre de réquisition des plaignants et a demandé à ce que son exécution soit suspendue. Quelle est la portée de cette décision ? Quels sont les points qui continuent à mobiliser les adversaires de ces réquisitions ? Entretien avec Ousmane Diallo, chercheur sur le Sahel à Amnesty international. RFI : Ousmane Diallo, à quel point la décision du tribunal administratif de Ouagadougou a-t-elle un caractère inédit ?Ousmane Diallo : Depuis le décret de mobilisation générale et de mise en garde, c’est la première fois qu’un tribunal donne raison aux acteurs de la société civile en disant que cet ordre de réquisition-là viole leur liberté. On a vu plusieurs acteurs de la société civile être réquisitionnés et envoyés au front. En septembre, c’était le cas du docteur Arouna Louré qui avait été réquisitionné pour un mois juste après sa critique de la réponse des autorités à l’attaque à Koumbri, dans le nord au Burkina. Au mois de mars, c’était Boukary Ouédraogo, de L’Appel de Kaya, un mouvement de la société civile, qui était aussi enrôlé de force comme VDP [volontaires pour la défense de la patrie, NDLR], et qui a été envoyé dans les centres d’entraînement. Et pour la liste qui a été annoncée le 4 novembre, donc qui concernait les 12 figures de la société civile, plusieurs de ces figures-là s’étaient cachées en attendant la décision de la justice burkinabè. Je pense que c’est une forte victoire morale pour tous les acteurs de la société civile et des syndicats qui étaient arbitrairement ciblés par ce décret de mobilisation et de mise en garde. Aujourd’hui, le jugement du tribunal leur donne raison sur le fond.Combien de personnes sont concernées par cette décision ? Est-ce que c’est l’ensemble des réquisitionnés qui vont bénéficier de cette décision ou seulement pour l’instant, un petit nombre de personnes ?En fait, cette décision portait sur trois personnes : Issaka Lingani [directeur du journal L’Opinion, NDLR], Bassirou Badjo et Rasmané Zinaba [tous deux membres du Balai Citoyen, NDLR]. Mais je pense qu’au-delà de ces trois personnes, d’autres recours vont avoir lieu pour contester cette tentative d’intimidation et de harcèlement des autorités burkinabè contre des acteurs de la société civile.Cela n’est donc pas la dernière bataille dans cette question des réquisitions. Quelles sont les autres batailles qui s’annoncent ?Il y a d’autres batailles qui s’annoncent sur la transparence de ces réquisitions. Les réquisitions qui sont contestées et qui sont connues sont celles qui ont été dénoncées publiquement par leurs sujets. Mais jusqu’ici, depuis le début de l’application de ce décret, on ne sait pas combien de personnes ont été réquisitionnées au Burkina Faso, on ne sait pas pour combien de temps, on ne sait pas sur quels critères se basent les demandes de réquisitions. Le décret de promulgation qui se base sur une loi de 1994 dit que les réquisitions sont pour fin de défense nationale et que sont réquisitionnables les personnes âgées de 18 ans et aptes au service militaire. Si c’est un décret qui s’applique à toute la population burkinabè, on peut se demander pourquoi cela cible quelques personnes spécifiques qui sont connues pour leur indépendance, pour leur liberté d’action et d’opinion, et pourquoi les autorités ne font pas ce qu’elles ont fait pour leur campagne de recrutement des volontaires pour réquisitionner les populations de manière générale et sélectionner ceux qui sont aptes au service militaire.Vous voulez dire que le caractère sélectif des réquisitions offre prise à une contestation juridique ?Oui, le caractère sélectif offre prise à une contestation juridique et c’est ce qui a déjà été enclenché par cette procédure et par ce jugement-là. Maintenant, il y a d’autres éléments, c’est-à-dire il faut qu’il y ait des données claires sur le processus qui amène à ces réquisitions, sur le nombre de personnes qui ont été réquisitionnées depuis la mise en application de ce décret de mobilisation générale et de mise en garde, mais aussi sur le fait que certaines des personnes qui étaient réquisitionnées initialement pour un mois ont fait trois mois. Et on ne sait toujours pas où elles se trouvent et dans quel état.Des photos de certaines personnes ayant été réquisitionnées ont été diffusées sur les réseaux sociaux. Est-ce que tout cela participe d’une stratégie réfléchie concernant ces activistes ?Oui. Clairement. Et je pense que c’est malheureusement l’un des souhaits des autorités. On peut le voir avec le cas du docteur Daouda Diallo [défenseur des droits de l'homme, NDLR], qui a été enlevé à Ouagadougou vendredi dernier [1er décembre, NDLR]. Et dès ce lundi, on pouvait voir par exemple des photos de lui en tenue militaire, débrayé, au fond d’un véhicule, manifestement sans son consentement. Donc, il y a vraiment une volonté de punir les voix indépendantes au Burkina Faso. Il y a un message qui dit : si vous êtes trop critiques de nos choix en termes de réponse à l’insécurité, vous n’avez qu’à aller au front, et on va voir si vous allez faire mieux.À lire aussiBurkina Faso: un tribunal juge illégales les réquisitions militaires de certaines personnalités
12/7/20234 minutes, 23 seconds
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Guinée-Bissau: «Ce qui s'est passé ne ressemble pas du tout à un coup d'État»

La Guinée-Bissau connait depuis la fin de la semaine dernière un nouvel épisode de crise. Des militaires sont allés chercher des ministres dans les locaux de la police... Le président Umaro Sissoco Embalo parle de « tentative de coup d'État » et a décidé de dissoudre l'Assemblée nationale... Mais que s'est-il réellement passé ces derniers jours à Bissau ? Le pouvoir a-t-il été menacé par des militaires ou le chef de l'État bissau-guinéen profite-t-il des derniers événements pour tenter de reprendre le dessus face à son opposition ? Décryptage avec notre invité, Vincent Foucher, chercheur au CNRS et spécialiste de la Guinée-Bissau. RFI : Le président bissau-guinéen affirme que les affrontements de jeudi dernier étaient une tentative de coup d’État de la garde nationale. Est-ce qu’on a des raisons de penser qu’il s’agissait effectivement de cela ?Vincent Foucher : Dans le contexte actuel en Afrique de l’Ouest, on a vite tendance à mettre l’étiquette « coup d’État » sur les adversaires ; ça permet de gagner de la légitimité, de simplifier et d’expliquer de manière percutante une situation, d’essayer d’attirer de la sympathie. En l'occurrence, ce qui s’est passé ne ressemble pas du tout à un coup d’État. C’est la garde nationale qui s’est rendue à la police judiciaire pour libérer deux membres du gouvernement sous investigation pour des allégations de détournement. Il n’y a pas vraiment eu plus que cela. Il n’y a pas eu de tentative par la garde nationale de prendre le pouvoir, de prendre le Palais, de prendre la radio, enfin tout ce qu’on attend dans des situations de coup d’État. Par ailleurs, la garde nationale n’est pas vraiment en position de lutter contre l’armée qui est beaucoup plus puissante.Est-ce que du coup, Vincent Foucher, ce qui se joue actuellement, ça n’est pas plutôt un nouvel épisode du long bras de fer engagé par le président Embalo avec le parti PAIGC, un bras de fer qui le contraint à l’heure actuelle à une cohabitation avec le Premier ministre, Geraldo Martins ?Oui, absolument, c’est essentiellement de ça dont il s’agit. L’arrestation des ministres qui avait été ordonnée par le procureur de la République, lui-même nommé par le président, ressemble à un coup dans la longue partie d’échec jouée entre le PAIGC, qui contrôle le gouvernement et l’Assemblée nationale, et le président de la République, qui est issu d’un autre parti. Dans une constitution comme la constitution bissau-guinéenne où on est dans un régime mixte, ni présidentialiste ni parlementaire, structurellement, on a cette tension entre le président et le Premier ministre. C’est quelque chose d’ailleurs qui existait avant la prise de fonction de Embalo en 2019.Umaro Sissoco Embalo a décidé de dissoudre le Parlement, ce que le président de ce Parlement, Domingos Simoes Pereira, adversaire de longue date du président Embalo, qualifie de coup d’État constitutionnel. Est-ce que les textes donnent raison à l’un ou à l’autre ?La Constitution est très claire dans son article 94 : l’Assemblée nationale ne peut pas être dissoute durant les douze premiers mois suivant son élection, et là on en est à huit mois. Donc voilà, le texte constitutionnel est clair. Maintenant, la justice constitutionnelle elle-même est très politique en Guinée-Bissau, elle peut être soumise à des pressions, donc le jeu est sans doute ouvert.Est-ce que le risque, Vincent Foucher, ça n’est pas qu’une nouvelle fois, l’armée fasse intrusion dans le jeu politique bissau-guinéen pour arbitrer le conflit en cours ?C’est exactement cela qu’il se passe. En Guinée-Bissau, depuis le coup d’État de 2012, l’armée a compris qu’assumer directement le pouvoir c’était très compliqué pour elle, et au fond, elle exerce une influence, en mettant son poids derrière tel ou tel acteur politique et en se ménageant comme cela des marges de manœuvre. On a vu l’armée intervenir régulièrement en faveur d'Embalo à des moments clé - en 2019, au moment où son élection était très contestée. Et puis, cette fois-ci encore, elle est intervenue contre la garde nationale pour reprendre les deux membres du gouvernement et les remettre en détention. Tout est là, c’est-à-dire qu’on a une armée qui exerce une influence indirecte très importante. Les tentatives de réformes de l’armée bissau-guinéenne, qui est une armée qui, pour des tas de raisons, est compliquée - c’est une armée très âgée, avec une structure déséquilibrée, avec beaucoup de gens en haut et peu de gens en bas dans les rangs, des problèmes de formation, des problèmes de représentativité… toutes les tentatives pour réformer l’armée jusqu’à présent ont échoué. L’armée fait en sorte que le pouvoir en place ne touche pas à ses intérêts, à ses structures.Est-ce qu’une incursion violente de l’armée dans ce qui est en train de se passer est une hypothèse envisageable ?Il me semble que ce n’est pas la trajectoire de l’armée bissau-guinéenne de ces dernières années. Encore une fois, le coup d’État de 2012 a été un moment d’apprentissage et l’armée a compris qu’elle avait plus à gagner à défendre ses intérêts de loin, ne pas assumer directement le pouvoir. Maintenant, on peut imaginer des choses. L’armée elle-même d’ailleurs est traversée par des luttes factionnelles, elle n’est pas du tout un acteur totalement unifié. On peut aussi imaginer des jeux de ce point de vue-là.Que sait-on des affinités politiques de cette armée ? Est-ce qu’elles sont plutôt au PAIGC et au gouvernement d’un côté, ou à la présidence de l’autre ? Ou est-ce que cette armée est divisée ?Parmi les pouvoirs dont le président bénéficie et qui lui donnent un levier particulier, il a un rôle particulier dans la désignation des chefs militaires et donc, évidemment, ça lui donne une influence sur l’armée. Et puis, au-delà de ça, il y a une forme d’alliance un peu structurelle entre l’armée et Embalo qui n’est pas nouvelle. On a vu d’ailleurs Embalo prendre la parole ces derniers jours portant la tenue militaire - lui-même a eu un petit parcours dans l’armée, il en est sorti général, tout de même - on a donc une vieille association.
12/6/20234 minutes, 41 seconds
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Niger: «Je pense que les gens demandent trop de choses contradictoires à Mahamadou Issoufou»

Au Niger, depuis le 26 juillet dernier, certains acteurs suspectent l’ancien président Mahamadou Issoufou d’avoir joué un rôle trouble dans le coup d’État qui a renversé le président Mohamed Bazoum. La semaine dernière sur nos antennes, Moussa Tchangari, le secrétaire général de l'association Alternative Espaces Citoyens, l’accusait même d’être « très lié » à ce putsch. Des accusations que rejette son entourage. Pourquoi Mahamadou Issoufou n’a-t-il pas condamné fermement la prise de pouvoir du général Tiani ? Pour quelle raison est-il aussi discret depuis le coup d’État ? L’ancien député du PNDS Ghousmane Abdoulmoumoune, proche de Mahamadou Issoufou, répond aux questions de RFI.  RFI : Que répondez-vous à ceux qui accusent Mahamadou Issoufou d’être lié au coup d’État du 26 juillet ? Ghousmane Abdoulmoumoune : Je pense que c’est certainement des personnes qui ignorent totalement qui est Mahamadou Issoufou et quels sont les rapports que Mahamadou Issoufou avait avec le pouvoir de l’ancien président Mohamed Bazoum. Nous, nous savons très bien quels rapports le président Issoufou avait avec le gouvernement de Bazoum. Nous savons très bien que le président Issoufou, à partir de la date où Bazoum a été investi, s’est totalement retiré de la gestion de la chose publique. Issoufou n’a jamais rien demandé au président Mohamed Bazoum. Tout ce qu’il a fait, il l’a fait parce qu’il jugeait que c’était bon pour lui.Ce qui a semé le trouble, c’est le silence de Mahamadou Issoufou juste après le coup d’État. Il s’exprime une première fois sur les réseaux sociaux quatre jours après le putsch, puis trois semaines après, dans la presse. Mais, sans jamais condamner la prise de pouvoir du général Tiani.Quand il a parlé, il l’a fait dans des termes qu’il a jugé appropriés.Mais il ne condamne pas ouvertement la prise de pouvoir du général Tiani ?Oui, je dis qu’il l’a fait dans des termes appropriés parce qu’il s’était engagé dans une action de négociations. Il ne pouvait pas être juge et partie. En condamnant automatiquement les militaires, il se met en posture de belligérance et donc, ça a une explication. Ce qu’il s’est passé, c’est que juste après le coup d’État, le cabinet - ou l’entourage de Bazoum - est entré dans une communication hostile contre le président Issoufou pour ses relations, pour ses liens qui ne sont pas du tout avérés, de toute façon, avec le général Tiani.On rappelle qu’il a longtemps été proche, et qu’il l’est peut-être encore, du général Tiani. C’est lui qui l’a nommé à la tête de sa garde présidentielle en 2011.Ils n’avaient que des rapports professionnels. De toute façon, c’est un militaire. S’il l’a nommé, c’est vrai, c’est qu’il avait confiance en lui. Mais après qu’il est parti de la présidence, c’était fini, il n’y avait plus aucun rapport entre eux. Donc je pense que les gens demandent trop à Issoufou, en même temps des choses contradictoires. On demandait à Issoufou de se retirer, de ne plus s’intéresser à la gestion de l’État, et en même temps, on lui demande de jouer le premier rôle pour jouer le pompier, mais ce n’est pas juste.Mais Ghousmane Abdoulmoumoune, pourquoi la parole de Mahamadou Issoufou est-elle toujours aussi rare aujourd’hui ? Je précise que nous lui avons proposé de s’exprimer sur nos antennes mais qu’il n’a pas souhaité répondre à nos questions.Je n’ai pas d’explications à cela. Mais je comprends que le président de la République, depuis que ces événements sont advenus, communique très peu, et je pense qu’il a de bonnes raisons de le faire. Les termes que les gens voudront qu’il utilise, il ne peut pas les utiliser parce qu’il se mettra dans une posture où il ne peut pas être utile à la résolution de la situation. Je vous le répète, c’est une méthode de travail qu’il a adoptée et nous avons confiance que ça va porter ses fruits.Quel rapport entretient-il aujourd’hui avec le général Tiani ?Je pense que le chef de l’État actuel, le général Tiani, le respecte et l’écoute bien. Mais il y a certaines choses, certainement, qui sont en train d’être faites pour lever toutes les inquiétudes et vraiment passer un accord qui permettra de libérer ou de mettre le président Bazoum dans une situation plus confortable.Quels pourraient être les termes de cette sortie de crise que vous évoquez ?Je pense que nous avons une amorce de solution de la Cédéao, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. Nous avons entendu cette semaine une évolution de leur situation, qu’ils ne cherchent plus à restaurer le président Bazoum dans ses fonctions, et qu’on peut tourner la page et avancer dans la transition. Je pense que c’est une solution, ou plutôt un début de solution, si on ne demande plus à ce que l’ancien président Bazoum soit rétabli dans ses fonctions de président. Je pense qu’on peut trouver une solution, puisque de toute façon, tout le monde sait que ce n’est pas quelque chose qui est envisageable.Donc ça voudrait dire, si on vous entend bien, qu’on pourrait arriver dans les prochains jours, les prochaines semaines, à une sortie de crise entre la Cédéao et les autorités nigériennes ?Nous sommes sûrs qu’il y aura une solution entre eux puisque la Cédéao se réunira dans une poignée de jours. Certainement à l’issue de ce sommet, une solution à la crise va sortir. Le président Issoufou y travaille. Je pense que le tout va aboutir à un accord vraiment incessamment.
12/5/20234 minutes, 13 seconds
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Première greffe de rein au Sénégal: «Nous n'avons fait que combler un retard», estime le professeur Babacar Diao

C’était une grande première au Sénégal. Il y a une semaine (les 26 et 27 novembre dernier) le corps médical sénégalais, appuyé par des spécialistes turcs, a réalisé avec succès les trois premières transplantations rénales du pays. Réalisées grâce à la collaboration du CHU Le Dantec de Dakar et de l’hôpital militaire de Ouakam, ces opérations suscitent l’espoir chez les personnes atteintes d’insuffisance rénale, environ 5 % de la population et pour qui, la maladie est un fardeau physique autant que financier. Le professeur Babacar Diao, chirurgien urologue à l’hôpital militaire de Ouakam a coordonné ce travail d’équipe, est notre invité. RFI : D’un point de vue médical, c’est une opération compliquée à faire une greffe de rein ?Babacar Diao : La greffe de rein, sur le plan technique, n’est pas compliquée, mais c’est l’organisation qui est derrière la greffe de rein, la rigueur qu’il faut mettre dans cette organisation, le fait de pouvoir travailler en équipe. Plusieurs personnes vont intervenir et il ne doit pas y avoir de maillons faibles dans cette chaine. Ce qui rend la greffe difficile en Afrique, c’est que nous, Africains, n’avions pas la culture d’avoir certaines organisations en milieu hospitalier. Il faut éviter les va-et-vient. Ici, la culture africaine, c’est que si vous avez un malade quelque part, toute la famille peut venir dire "Bonjour". Ici, ce n’est pas possible, donc c’est cette organisation-là qu’il fallait mettre en place et qui n’est pas habituelle chez nous, c’est ça qui était difficile. Je pense que pour ces premières greffes, nos équipes ont vu comment on doit travailler dans le cadre de la greffe et je pense qu’ils l’ont compris. Mais sur le plan technique, nous faisions déjà des interventions beaucoup plus complexes pour les cancers du rein ou les reins détruits.C’est un acte médical qui est encore peu pratiqué sur le continent, les greffes, pourquoi ?En Afrique, pourquoi ce n’est pas encore pratiqué dans plusieurs pays de la sous-région ? C’est que pour aller vers la greffe rénale, il faut l’encadrer, il faut des textes pour éviter le trafic d’organes et ça, c’est très important. Je pense que le pari qu’on a gagné au Sénégal, c’est d’avoir mis en place des textes solides. Il y a une loi, il y a un décret d’application, il y a des arrêtés, il y a un organe central qu’on appelle le Conseil national du don et de la transplantation. Si un hôpital veut greffer, l’hôpital dépose sa candidature et on lui envoie des évaluateurs. C’est après évaluation de ses ressources humaines, de son infrastructure et de ses équipements que l’hôpital peut avoir l’agrément. C’est ce qui nous protège et cette loi au Sénégal n’autorise que le donneur vivant apparenté, c’est pour éviter aussi que le don de rein soit monnayé.Le fait que seules les transplantations soient possibles à partir de donneurs vivants apparentés, est-ce que ça ne limite pas beaucoup les possibilités de greffe ?C’est vrai que pour avoir plus de reins, il faut aller vers le donneur cadavérique, mais sur le plan éthique, si vous n’avez pas ce qu’il faut dans les service d’urgence ou de réanimations pour sauver le patient, pensez-vous que les parents vont accepter sur le plan éthique de le transférer vers une infrastructure hyper-équipée pour lui prendre ses organes ? Je pense que ce n’est pas éthique. Pour aller vers le don d’organes venant de cadavres, il faut d’abord mettre aux normes nos services de réanimation et d’urgence et prendre en charge financièrement les personnes qui arrivent aux urgences.Qu’est-ce que ça représente cette réussite médicale pour le Sénégal ?Je pense que c’est une bonne chose pour le Sénégal. Comme je l’ai dit à tous les membres de l’équipe quand je les ai félicités, nous n’avons pas fait quelque chose d’extraordinaire, non, mais nous avons fait quelque chose de bien pour nos populations. Nous avons essayé de combler un retard. En Europe, les gens transplantent depuis plus d’un siècle donc il nous faut rattraper ce retard-là. C’est tout ce que nous avons fait. Nous n’avons pas innové donc je trouve que c’est une excellente chose de pousser son État à aller vers ce que j’appelle la souveraineté sanitaire, c’est-à-dire prendre en charge tous ses patients au pays.Pour avoir un ordre d’idée, au Sénégal, il y a une problématique importante autour des maladies du rein ? Il y a beaucoup de patients ?Il y a des milliers de patients qui sont sur les listes d’attente pour entrer en dialyse. Pour vous donner une idée, il n’y a pas suffisamment de postes de dialyse pour tous les malades. Il y a des milliers de malades qui attendent pour entrer en dialyse, donc la transplantation, c’est une excellente chose, parce qu’un malade transplanté avant qu’il n’entre en dialyse, le greffon a une meilleure survie, il y a moins de complications dessus. Si nous parvenons à trouver une solution pour la subvention de la greffe de rein au Sénégal, cela règlera beaucoup de problèmes.Vous parlez de subvention de l’État, car la greffe coûte cher ?Oui c’est une intervention très onéreuse, les frais se situent autour de 13 millions de francs CFA par patients. Mais vous savez, au Sénégal, on a la chance de ne pas demander trop aux populations en termes de soin. Par exemple, avec le cancer de la prostate, pour le même résultat final au Sénégal vous payez 20 fois moins cher au Sénégal qu’en France ou aux États-Unis. Je pense que si on réfléchit bien, on pourra trouver une astuce avec les autorités pour pouvoir prendre en charge ces patients insuffisants rénaux chroniques pour la transplantation à des coûts acceptables, soit par l’État du Sénégal, soit par les assurances.Le fait que vous ayez réussi cette greffe au Sénégal, est-ce que ça aura une répercussion pour d’autres pays du continent, selon vous ?Oui, je pense qu’il y aura des répercussions en Afrique subsaharienne parce que nous avons des collègues de la sous-région du Burkina, de la Guinée, qui étaient en train de travailler sur des programmes de transplantation. Le fait que le Sénégal ait pu réaliser trois greffes pourra aider à aller plus vite parce que je pense que nous n’hésiterons pas à voyager, et à aller dans ces pays-là, voir où est-ce qu’ils en sont pour partager avec eux ce que nous avons mis en place, aussi bien dans le domaine des textes que dans le domaine de la mise en œuvre de nos programmes de transplantation.Est-ce que cela dit quelque chose que ça soit une équipe turque qui vous a accompagné dans cette première transplantation, plutôt qu’une équipe française ou américaine ?Vous savez, un scientifique, il travaille avec celui qui lui offre le plus de possibilités. J’ai été formé en France, et j’aurais aimé pouvoir emmener mes équipes se faire former en France comme moi, mais il est plus facile pour moi d’obtenir un visa turc que d’obtenir un visa français. Pour mes assistants, pour les envoyer en stage, il leur est plus facile d’obtenir un visa turc que d’obtenir un visa français. Vous voyez, ça crée des difficultés et on ne peut pas être là à attendre parce que la médecine est universelle. Maintenant, si l’accès devient difficile, on va vers le pays qui nous facilite le plus la chose.
12/4/20234 minutes, 29 seconds
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L’humoriste Edgar-Yves au Théâtre des Mathurins à Paris: « Avoir une parole libre ! »

Edgar-Yves est à l’affiche au Théâtre des Mathurins à Paris. L'humoriste est l’une des figures montantes du stand-up actuellement en France. Français et Béninois, Edgar-Yves est le fils d’un ex-ministre béninois. Un père qu’il n’épargne pas vraiment dans l’un de ses sketchs. D’ailleurs, son humour au vitriol et sa double nationalité lui permettent un discours redoutable à propos des travers des sociétés françaises et africaines. RFI : Votre papa a été ministre des Affaires étrangères en 1995, il a été ambassadeur ici en France et un peu partout en Europe au début des années 2000. À quel moment vous êtes-vous rendu compte qu’il faisait partie des maillons de la chaîne de la corruption et de la prévarication en Afrique ?Edgar-Yves : Moi, en fait, j’étais gamin, après j’ai grandi, je me suis mis à faire du stand-up, et puis un jour, on m’a dit : « Faites attention, quand on tape votre nom sur Google on tombe sur un mec qui est dans des affaires louches ». Je me suis dit : « Bon, il doit parler de mon père à tous les coups ! »  Et je vais sur Google et je tombe sur une histoire de corruption dans laquelle mon père aurait soi-disant trempé, et ça m’a inspiré pour mes sketchs, ni plus ni moins. Voilà, c’est ça l’histoire.Et comment on ose en faire un sketch quand on est le fils de son père et de dire que son père a trempé dans des affaires louches ?  Je suis né naturellement irrévérencieux et je pense que cette irrévérence ne fait que croître avec le temps. Moi, je ne me soucie pas vraiment de ce que les gens pensent. Quand je fais mon travail, je le fais et j’essaie de le faire le mieux possible, de divertir les gens en passant mon message. Après, comment les gens le reçoivent ? Ma famille y compris, c’est leur problème, pas le mien.En matière de corruption, il y a un sketch qui vous a rendu célèbre : vous parlez d’un certain homme d’affaires français qui a obtenu des contrats portuaires moyennant justement : corruption, on parle de Vincent Bolloré, on parle d’Alpha Condé en Guinée Conakry. Là aussi, à quel moment vous vous êtes dit : tiens, il faut que je parle de ça et que j’en parle de telle manière ?J’ai commencé par le sketch sur la corruption en mettant mon père en cause et après, j’ai voulu pousser le délire, je me suis dit : attends, allons au bout parce que là, je parle de moi, ça fait rire les gens, il y a une vraie situation avec la Françafrique qu’on pourrait évoquer durant les sketchs. Et si on peut rire en s’éduquant, si on peut rire en dénonçant, vas-y, on le fait. Moi, c’est ce qui m’a donné envie de faire de l’humour et je sais que quiconque embrasse la dimension socio-politique du métier d’humoriste a des chances de marquer son époque.Ce sketch, il a été censuré sur C8 et Comédie. Là aussi, ce sont des chaines qui appartiennent à Vincent Bolloré. Ça a ajouté à la notoriété de ce sketch et de vous-même, en tant que comique ?Oui, ça a ajouté à ma légende personnelle déjà, parce que moi, j’aime bien faire chier les gens et là, j’étais sûr que c’était fait au plus haut point possible, donc, j’étais plutôt content de moi, de pouvoir me regarder dans la glace le soir, de ne pas avoir honte de mon comportement, de ne pas me dire : putain, pourquoi t’as baissé la tête et courbé l’échine alors que là, tu n’aurais pas dû le faire ? Ça a fait un tollé parce que du coup, beaucoup de gens se sont emparés du sujet et ça m’a rendu plus visible, c’est sûr.Ça vous inspire quoi d’être censuré en 2023, ici, en France, pour un « simple sketch » ?Ça m’inspire qu’il faut arrêter de nous dire qu’en Afrique, on a du progrès à faire sur le plan du respect des libertés individuelles. A priori, on est tous le Congolais de quelqu’un, ici aussi. En France aussi, si tu vas dans une émission et que tu dis un truc qui n’est pas prévu, on te coupe. Ça marche aussi comme ça en France. Donc la conception de la liberté est à deux vitesses sans doute et assez relative, et on a envie de dire à l’Europe de balayer devant leur porte avant de faire le gendarme du monde ! Voilà ce que cela m’inspire.En même temps, là je m’adresse plutôt au comique béninois, vous feriez des sketchs, alors peut-être pas au Bénin, mais dans un pays africain, en vous en prenant à des hommes de pouvoir en Afrique, est-ce que vous auriez aussi cette même liberté de ton et la liberté de circuler ?La réponse est non. Mais nous, au moins, en Afrique, on a le mérite de ne pas se faire passer pour ce qu’on n’est pas !! (rires). Bah oui mon gars ! Nous on ne dit pas qu’on est des lumières tu vois ce que je veux dire ?!? Parce que quand tu dis que tu es propre, on a tendance à regarder à la loupe s’il n’y a pas une tache sur le jean. Bon ben, sur le jean européen, il y en a deux, trois, quatre des taches, je te le dis, donc il faut arrêter de se faire passer pour ce qu’on n’est pas, tout le monde doit faire de son mieux et essayer de progresser. Et a priori, l’Europe n’est pas le phare du monde.Vos sketchs, on les voit partout sur les réseaux sociaux donc on les voit aussi en Afrique, à Cotonou ou à Ouidah. C’est quoi les retours que vous avez ?Les gens sont contents de voir un gamin de chez eux dire ce que je dis. Ils m’encouragent, ils me soutiennent, ils me donnent beaucoup de force et pour moi, c’est un vrai carburant, parce que vu le discours que je tiens, je ne serai mis en avant ni par les instances politiques, ni par les médias, ni par les médias français. C’est compliqué un discours comme le mien à la télévision, et on le sait très très bien en fait, à part les hypocrites, les menteurs, les voleurs, les tricheurs. Sur quelle émission de TF1 ou de M6 je pourrais dire ce que je suis en train de te dire là ?Il n’y a pas que TF1 et M6 dans le paysage médiatique français…Non, c’est vrai ! Mais si tu prends les médias principaux, les mainstreams, sur lequel d’entre eux je pourrais dire ce que je dis là ?On choisit ses médias en fonction de ce qu’on a envie d’entendre…Exactement ! donc moi, je choisis les médias en fonction de ce que je peux dire et c’est ce que je suis en train de faire, voilà pourquoi je suis à RFI, pourquoi je passe sur Blast, sur plein de médias indépendants, c’est pour avoir une parole libre. Les gens sont contents que je dise ce que je dis, ils me donnent de la force et ça me suffit. Moi, je n’ai besoin que de moi et des gens, je n’ai besoin de la validation de personne d’autre.► L'humoriste Edgar-Yves est au théâtre des Mathurins à Paris jusqu’au 31 décembre 2023.
12/3/20234 minutes, 49 seconds
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Centrafrique: «Nous voulons être une troisième voix», dit l'ex-Premier ministre Henri-Marie Dondra

En Centrafrique, Henri-Marie Dondra a récemment effectué son retour sur le devant de la scène politique. Silencieux depuis de longs mois, l’ancien Premier ministre de Faustin-Archange Touadéra, qui fut également son ministre des Finances de 2016 à 2021, vient de lancer sa propre formation politique, Unir. A-t-il ainsi l’ambition de se présenter à la présidentielle de 2025 ? Son parti présentera-t-il des candidats aux élections locales de l’an prochain ? RFI : Henri-Marie Dondra, après 21 mois de silence, vous étés de retour dans le jeu politique avec ce parti que vous venez de lancer, Unir (Unité républicaine). Pourquoi revenir maintenant sur le devant de la scène ?Henri-Marie Dondra : Si vous regardez bien mon parcours, vous constaterez que j’ai toujours, depuis mon jeune âge, participer à l’animation de la vie publique de mon pays. Ne faisant plus partie de mon ancienne famille politique, j’ai voulu poursuivre mon engagement politique à travers cette nouvelle formation qui, à mon avis, cadre avec les idéaux que j’ai toujours défendus, notamment la promotion de la paix, la justice sociale, la démocratie, l’inclusion, et être aussi une force de proposition pour le pays.Mais pourquoi revenir maintenant ?J’ai dû prendre le temps. Après 6 ans passés auprès du président de la République qui m’a fait l’honneur d‘ailleurs de me nommer ministre, puis Premier ministre, il fallait réfléchir. Et nous avons jugé que le temps était venu pour que je revienne sur la scène politique.Le parti Unir sera-t-il votre rampe de lancement pour l’élection présidentielle de 2025 ?(Rires) Non, non. Je ne pense pas. Pour l’instant, nous essayons d’implanter d’abord les organes de notre parti et notre première ambition n’est pas forcément d’être candidat aux élections présidentielles, parce que tout simplement, il y a beaucoup de priorités pour l’instant. En ce qui nous concerne, les questions de précarité, les questions de survie de nos compatriotes et nous devons déjà tout faire pour animer cette vie politique. Je pense que la question pour l’instant n’est pas d’actualité.La scène politique centrafricaine est très polarisée. Où vous situez-vous précisément aujourd’hui ?Nous, nous voulons être précisément au centre. Nous avons constaté que les deux extrémités ne se parlaient plus, et nous voulons être une troisième voie. Nous n’avons pas forcément vocation à faire de l’opposition systématique : accepter ce qui peut être acceptable venant du gouvernement, réfuter ce qui ne va pas. Notre culture, c’est déjà l’apaisement, la modération, c’est le rassemblement.Cela veut dire qu’aujourd’hui, vous parlez avec tout le monde à la fois avec le pouvoir et aussi avec l’opposition ?Oui, nous parlons avec l’opposition, nous parlons avec le pouvoir et nous voulons que cela soit ainsi. Je suis un homme assez tolérant. Et donc, j’estime pour ma part que pour construire un pays, on a besoin de tout le monde.Votre parti participera-t-il aux élections locales prévues l’an prochain ?C’est notre ambition. Je pense que la question sera débattue avec les membres du bureau politique. Mais je crois que c’est l’une des ambitions du parti et que nous allons tout faire pour justement participer, notamment à ces élections locales.Le président Faustin-Archange Touadéra s’est tourné vers de nouveaux partenaires comme la Russie et le Rwanda. Que pensez-vous de ces alliances ?Je crois qu’en tant que pays souverain, nous devrions en principe développer la coopération avec tous les pays du monde. Moi, je pense à la France, à la Fédération de Russie, la République populaire de Chine, les relations dans le cadre de la coopération Sud-Sud, les États-Unis... Donc, pour moi, qu’il s’agisse du Rwanda ou de la Russie, c’est davantage une ouverture dans le cadre de la coopération avec ces pays-là, puisque la République centrafricaine est un État souverain. Bien évidemment, ces rapports-là doivent être des rapports gagnant-gagnant, que ces rapports ne viennent pas permettre une forme de domination par rapport à notre nation et il faut assurer que la nation ne soit pas lésée dans le cadre de ces rapports-là.Vous estimez qu’aujourd’hui, la nation centrafricaine est lésée dans certains de ses rapports ?Je ne le dis pas puisque je ne suis pas aux commandes pour mieux apprécier. Mais j’estime pour ma part que nos dirigeants doivent veiller à ce que les rapports ne puissent pas léser nos populations.Les États-Unis font aujourd’hui pression pour que les autorités centrafricaines se détournent de Wagner. Craignez-vous une nouvelle déstabilisation du pays ?J’estime que les autorités ont suffisamment la maitrise de cette question pour pouvoir mieux discuter avec les États-Unis. Maintenant, je rappelle que la coopération avec la fédération de la Russie a permis quand même au président de la République de développer une autre forme de coopération qui vraiment a permis de stabiliser le pays pendant que le pays a connu quelques problèmes de sécurité.Donc, si demain, vous-même vous reveniez aux affaires, est-ce que vous reverriez ces accords de partenariat-là ou est-ce que vous vous étendriez à d’autres pays ?Je vous ai déjà dit que pour l’instant, cela n’est pas une priorité pour moi en ce qui concerne bien évidemment les questions liées à l’élection présidentielle à venir. Donc, si cela devait arriver, en son temps, ces discussions pourraient être soulevées.
12/1/20234 minutes, 39 seconds
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Gabon: «Brice Oligui Nguema est notre messie car il a changé de régime sans effusion de sang»

Au Gabon, voilà trois mois jour pour jour que le régime d'Ali Bongo est tombé et que le général Oligui Nguema conduit une transition en vue d'élections libres promises en août 2025. Jean-François Ndongou préside l'Assemblée nationale de transition, dont les 98 députés ont tous été nommés par le nouveau chef de l'État. Que pense-t-il des dispositions de la Charte qui interdisent à tous les acteurs de cette transition d'être candidats en 2025 ? Entretien.  Dans l’Assemblée nationale, il y a beaucoup de représentants de l’ancien parti au pouvoir, le Parti démocratique gabonais (PDG). Est-ce qu’on peut faire du neuf avec du vieux ?Jean-François Ndongou : Il n’y a pas beaucoup de députés de l’ancien parti PDG. Sur les 98, il y a 32 députés. Donc, si on fait bien la soustraction, il reste 66 députés qui ne sont pas du parti PDG. Et pour construire une nouvelle République, telle que le souhaite le président de la République, on a besoin de toute la population. En tant que militant du PDG, je peux dire ce qui a bien marché et ce qui n’a pas marché et ce qu’on doit faire pour que le Gabon retrouve ses lettres de noblesse.Ce qui a marqué l’ancien régime, c’est notamment la mauvaise gouvernance et la corruption. Est-ce que vous ne craignez pas que les dignitaires de l’ancien régime, qui ont survécu au putsch du 30 août dernier, ne perpétuent les pratiques du passé ?Peut-être qu’il faut que je vous dise que moi-même j’ai eu des fonctions assez importantes dans ce pays [ministre de l’Intérieur et ministre des Affaires étrangères]. Et on peut mener des enquêtes sur mon patrimoine mobilier et immobilier, on verra que je n’ai pas un patrimoine de manière exagérée. J’ai travaillé et j’ai été rémunéré en fonction des positions que j’ai occupées. Et je reste ce citoyen assez honnête pour servir mon pays de manière très honnête. Il y a certainement des compatriotes qui ont commis des forfaits, ils doivent répondre de leurs forfaits devant la justice et les tribunaux sont en train de travailler dans ce sens.L’une des grandes questions à venir, c’est celle de savoir qui pourra être candidat à la présidentielle de 2025. Pour l’instant, les acteurs de la transition, y compris vous-même, ne pourront pas se présenter. Qu'en pensez-vous ?À partir du moment où j’ai été nommé après la promulgation de la charte, qui précise que les personnalités placées dans certaines positions, tel que le président de l’Assemblée nationale, ne seront pas candidates pour la prochaine l’élection à l’issue de la transition, moi j’ai accepté cela en connaissance de cause. Lorsque j’ai été nommé président de l’Assemblée nationale de la transition, je savais pertinemment que cette position m’empêchait d’être candidat à la prochaine élection présidentielle au sortir de la transition. Donc, je n’ai pas d’objection à cela, j’assume ma charge jusqu’à ce que nous arrivions aux élections.Mais est-ce que vous n’espérez pas, comme par exemple l’actuel Premier ministre Raymond Dong Sima, que le grand dialogue national de l’année prochaine changera les règles du jeu et pourra vous permettre de devenir candidat ?Si le dialogue national arrive à modifier les dispositions indiquées dans la charte, oui, il peut y avoir parmi nous, parmi les responsables qui accompagnent le président dans le cadre de la transition, des gens qui ont l’intention de se porter candidat à l’élection présidentielle. Mais pour ma part, je n’ai pas cette prétention. J’ai un chantier aujourd’hui, c’est de gérer l’Assemblée nationale de la transition, je m’attelle à cette tâche et je voudrais terminer ce chantier dans des conditions tout à fait favorables pour la transition de la République gabonaise.Dans ces dispositions sur 2025, il y a une exception. C’est celle du président de la transition, le général Brice Oligui Nguema, qui pourrait être le seul acteur de la transition à pouvoir être candidat. Qu'en pensez-vous ?Cette question sera évoquée également au cours du dialogue national. Les participants à ce dialogue pourront juger et apprécier si le président de la transition, chef de l’État, peut se porter candidat à la fin de la transition.Mais vous, personnellement, vous êtes pour ou contre cette exception ?Je n’ai pas d’opinion. Je me prononcerai en fonction de ce que dira le plus grand nombre de concitoyens gabonais.Vous avez peut-être entendu madame la ministre de la Communication, Laurence Ndong la semaine dernière, le 22 novembre, sur RFI. Elle disait que beaucoup de Gabonais considèrent le général Brice Oligui Nguema comme un messie, comme un bienfaiteur et qu’elle souhaitait qu’il soit candidat en 2025. Vous partagez son avis ou pas ?Je partage son avis en disant que oui, le président Brice Oligui Nguema est notre messie puisqu’il a procédé à un changement de régime sans effusion de sang. Et ce changement a été salué deux heures après par l’ensemble de la population gabonaise et dans toutes les villes du Gabon. Donc, c’est un messie. Sans effusion de sang, c’est quelque chose de remarquable.Et est-ce que vous partagez la même conclusion que madame la ministre Laurence Ndong, à savoir qu’il faudrait que le général Brice Oligui Nguema puisse être candidat en 2025 ?C’est au dialogue national de se prononcer sur cette question et de décider si oui ou non il peut se présenter comme candidat à l’élection présidentielle.
11/30/202310 minutes, 47 seconds
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Commission mixte sur la colonisation: «Il faut davantage de moyens» pour les historiens français et algériens

La commission d’historiens français et algériens s’est réunie la semaine dernière pour la première fois à Constantine en Algérie. Cette commission, créée en août 2022 par les présidents Tebboune et Macron, a pour but de faire la lumière sur le passé commun des deux pays, du début de la colonisation à la fin de la guerre d’indépendance. À l’occasion de cette réunion, les dix historiens ont notamment proposé la restitution à l’Algérie des biens de l’émir Abdelkader, héros de la résistance à la colonisation française. Entretien avec l’historien Benjamin Stora, co-président de cette commission. À lire aussiAlgérie: la commission mixte d'historiens sur la colonisation s'accorde sur plusieurs points
11/29/20234 minutes, 39 seconds
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Présidentielle à Madagascar: «Rajoelina débute un nouveau mandat sans qu'on lui demande de comptes»

À Madagascar, le président Andry Rajoelina a été officiellement réélu dès le premier tour, avec près de 59% des suffrages exprimés. Quel bilan tirer de ce scrutin du 16 novembre ? Quelques jours avant la présidentielle, avec son collègue Juvence Ramasy, l'économiste Olivier Vallée a publié dans la revue Le Grand Continent, une tribune où il s'est interrogé sur la possibilité d'un coup d'État institutionnel de la part du président sortant. En donnant la priorité aux attaques personnelles, il constate que l'opposition n'a peut-être pas choisi la bonne stratégie. RFI : Olivier Vallée, le taux de participation est en baisse par rapport à 2018, il n’atteint que 46%. Est-ce un fait majeur dans l’élection de cette année ?Olivier Vallée : Une bonne partie de ce qui mobilise les électeurs, ce sont les rétributions souvent très minimes : un tee-shirt, un sac de riz à se partager à dix, un peu d’argent liquide... Mais la mobilisation électorale, le jour du vote, se fait par des rétributions. À partir du moment où dix candidats, dont certains étaient des candidats d’une relative notoriété et habitués justement à une certaine générosité au moins dans leur zone d’influence, ont refusé de participer, il ne restait que deux candidats qui ont été très généreux : le président sortant et son challenger [Andry Rajoelina et Siteny Randrianasoloniaiko, NDLR] qui ont été en mesure, eux, de mobiliser beaucoup de votants. Et finalement, je trouve que 40% à deux, c’est un assez bon score en matière de participation.Dans l’opposition, il y a un candidat qui n’a pas boycotté, c’est  Siteny Randrianasoloniaiko. Il a été battu donc par le président sortant Andry Rajoelina. Mais n’a-t-il pas pris date pour l’avenir ?Je ne sais pas si on peut vraiment parler d’avenir pour quelqu’un qui avait là une voie royale pour faire un score qui lui aurait vraiment permis de s’imposer comme leader alternatif au président sortant. Or, son score, qui fait à peu près 17%, reste relativement faible, même s’il est le deuxième après le président sortant. Donc, il y a un écart considérable. Sa campagne a été une campagne très coûteuse. Je ne suis pas sûr qu’il puisse retrouver dans quelques années cette même énergie et ce même montant de ressources face à un électorat urbain et des hauts plateaux qui reste très réticent finalement à sa personnalité d’homme du Sud, de côtier. Et il a fait également l’objet d’une campagne de dénigrement, souvent relayée d’ailleurs à Paris, en l’accusant d’être le candidat de Poutine, d’avoir des amis peu fréquentables. Qui peut se vanter d’ailleurs d’avoir des amis fréquentables ? Mais en l’occurrence, ces coups ont porté.Et en tout cas, la polémique sur la nationalité française du président Rajoelina semble avoir fait pschitt ? Tout à fait. Je crois qu’il y a certainement d’autres personnes de la classe politique malgache qui sont également françaises, qui sont également des hommes politiques connus. Donc, ça n’a rien d’une étrangeté ou d’une trahison. Le jugement sur la « malgachité » se fait non pas sur le passeport mais sur le faciès.Est-ce que les ex-présidents Marc Ravalomanana et Hery Rajaonarimampianina ont donné la priorité aux attaques personnelles par rapport à la défense d’un nouveau programme économique ? Oui, c’est indéniable. On a beaucoup plus attaqué le président Andry Rajoelina sur justement sa nationalité française, sur sa proximité avec le milliardaire Maminiaina Ravatomanga, mais sans s’attaquer à la véritable faillite économique avec la destruction de la filière de la vanille, l’absence de devises, une inflation qui maintenant a pris un rythme qui menace une bonne partie de la population, la destruction du réseau routier... La liste est interminable. Alors est-ce qu’ils ont renoncé à faire ce palmarès ? En tout cas, c’est une analyse qui permet au président de recommencer un nouveau mandat avec des promesses nouvelles sans qu’on lui demande de comptes sur ce qu’il a réalisé auparavant. Et ce que signe un petit peu la réélection aux forceps d’Andry Rajoelina, c’est un aveu de faiblesse de sa part et finalement, à mon avis, une relative décomposition du pouvoir central, malgré les muscles que ses militaires essaient de montrer à chaque fois qu’il y a une contestation dans la rue.À lire aussiVictoire annoncée d'Andry Rajoelina à Madagascar: la population dans l'attente, l'opposition réfléchit à la suite
11/28/202311 minutes, 7 seconds
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Niger: «Le président Bazoum n’a pas eu le soutien de son propre camp» affirme Moussa Tchangari

Au Niger, il y a quatre mois, le général Abdourahamane Tiani et les militaires se sont installés au pouvoir, renversant le président Mohamed Bazoum. Le 23 novembre, le chef de la junte a effectué sa première sortie à l’étranger, se rendant successivement à Bamako où il a rencontré le colonel Assimi Goïta et à Ouagadougou où il s’est entretenu avec le capitaine Ibrahim Traoré. Ces trois pays ont mis sur pied il y a deux mois l’Alliance des États du Sahel, qu’ils souhaitent désormais rendre opérationnelle. Quatre mois après le coup d’État, où en est le Niger qui vit toujours sous sanctions de la Cédéao ? Comment analyser aujourd’hui le coup d’État du 26 juillet dernier ? Qu’est-ce qui a provoqué la chute du président Bazoum ? Pour tenter de comprendre, RFI reçoit Moussa Tchangari, Secrétaire général de l'association Alternative Espaces Citoyens, un mouvement de la société civile nigérienne. RFI : Moussa Tchangari, quel regard portez-vous sur l’évolution de la situation au Niger depuis quatre mois ?Moussa Tchangari : Depuis les événements du 26 juillet, on peut dire que la situation est plutôt difficile dans le pays. Sur le plan social, économique, on peut dire qu’elle se dégrade, surtout sous l’effet des sanctions de la Cédéao et aussi des sanctions prises par d’autres organismes qui ont coupé leurs appuis, etc., au pays. Ça se ressent sérieusement dans le quotidien des Nigériens, donc la situation est difficile de ce point de vue, mais également sur le plan sécuritaire, la situation semble devenue encore plus compliquée qu’elle ne l’était avant les événements.Dans un texte que vous avez récemment publié, vous tentez d’analyser la prise de pouvoir par les militaires. D’abord, vous estimez que c’est le principe même de la démocratie qui est mis en cause par une partie de la population ?Absolument. Vous savez, beaucoup de gens sont déçus par notre processus de démocratisation qui, effectivement, n’a pas permis de faire de très grandes avancées, notamment sur le plan social, même sur le plan économique à certains égards, parce que des millions de gens sont parfois confrontés à des difficultés, même pour manger. Des secteurs sociaux, tels que l’éducation, la santé, etc., n’ont pas connu vraiment d’avancées significatives durant toutes ces années-là de la démocratisation. Et donc, beaucoup de gens jugeant le bilan des années de démocratisation plutôt mitigé, voire décevant, sur le plan social, pensent que c’est peut-être le moment de sortir de cela et d’entrer dans l’ère des régimes militaires, des régimes autoritaires.Sur le plan politique, vous estimez que le président Bazoum a tenté d’améliorer la gouvernance du pays et de privilégier le dialogue avec les acteurs politiques et sociaux, mais il s’est heurté, dites-vous, à de nombreuses résistances, à commencer par celles de son propre camp…Absolument. Tout le monde reconnait qu’il a essayé, quand même, de décrisper un peu le climat politique et social dans le pays. Il l’a fait de bonne foi, il l’a fait de façon assez volontariste. Mais il n’avait pas, naturellement, le soutien de son propre camp. Et du reste, c’est quand même son propre camp qui a orchestré le coup d’État qui l’a renversé, donc c’est la preuve que cette politique de décrispation n’était pas perçue comme nécessaire, comme la politique qu’il fallait mener par une partie de son propre camp.Quand vous parlez de son propre camp, vous pensez forcément à Mahamadou Issoufou avec qui vous êtes assez sévère dans ce texte…Oui, de notoriété publique, je pense que tout le monde a compris maintenant qu’il est certainement très lié à ce coup d’État-là - s’il n’en est pas l’instigateur. C’est ce que beaucoup de gens pensent. La position qu’il a adoptée, et qu’il continue d’adopter, montre quelque part qu’il est très lié à cela. C’est un secret de polichinelle son implication dans ce qui est en train de se passer.La junte militaire ne s’est pas clairement démarquée de Mahamadou Issoufou, est-ce que ce positionnement ne risque pas de la fragiliser à terme ?C’est évident que beaucoup de gens qui soutiennent la junte, c’est dans l’espoir de voir que le système incarné par Issoufou ne va pas perdurer. Mais bon, on voit bien que la junte n’a pas l’air de prendre ses distances véritablement par rapport à lui et donc ça va probablement lui coûter cher, parce que beaucoup de gens ne peuvent pas continuer à soutenir la junte s’ils sentent qu’elle a partie liée avec l’ancien président.Les Nigériens attendent beaucoup de la mise en exploitation de leurs ressources pétrolières. De ce point de vue, quel est le défi des nouvelles autorités, selon vous ?Ce n’est pas seulement des nouvelles autorités, c’est le défi de tout le pays. En fait, tout le monde espère que ces ressources seront exploitées de façon à améliorer la vie de tout le monde. On sait que ces revenus-là suscitent aussi des convoitises et selon certaines informations, c’est aussi la gestion future de ces revenus qui a été un élément de friction, semble-t-il, entre le président Bazoum et son prédécesseur, qui avait d’ailleurs placé son fils pour gérer ce secteur-là. Donc, le défi serait de tout faire pour que ces ressources-là profitent davantage aux populations qu’à une certaine élite.
11/27/20234 minutes, 29 seconds
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Dr Charles Shey Wiysonge (OMS): ces vaccinations sont «une étape historique» dans la lutte antipaludique en Afrique

Annoncées en octobre 2021 par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les premières livraisons du vaccin antipaludique (RTS, S) ont démarré le 21 novembre. Plus de 330.000 doses du vaccin ont ainsi été livrées au Cameroun après une phase pilote au Ghana, au Kenya et au Malawi. Une étape clé qui prépare le terrain pour une vaccination à grande échelle sur le continent. Pour le docteur Charles Shey Wiysonge, chargé de l'immunisation au bureau régional de l'OMS, cette tournée de vaccinations marque « une étape historique » dans la lutte contre le paludisme. Il est l'invité de Christina Okello. RFI : Quelle est la spécificité du vaccin RTS,S ?Charles Shey Wiysonge : Il s’agit du premier vaccin antipaludique recommandé par l’OMS pour prévenir le paludisme chez les enfants. Le vaccin agit contre le Plasmodium falciparum qui est le parasite du paludisme le plus meurtrier dans le monde et celui qui est le plus présent en Afrique. Les recommandations de l’OMS concernant ce vaccin antipaludique reposent sur les résultats du programme pilote de mise en œuvre du vaccin qui a été conduit dans trois pays, au Ghana, Kenya et Malawi.Le Cameroun n'avait pas participé au programme pilote de vaccination, pourquoi a-t-il été choisi pour recevoir les premières doses ?Le Cameroun, et d’autres pays, vont recevoir la livraison dans les prochaines semaines, ce sont les premiers pays qui ont soumis une demande de soutien à Gavi, l’Alliance du vaccin. Puisque la forte demande a dépassé l’offre disponible, on a limité l’allocation de stocks parce qu’on a environ 18 millions de doses, donc avec 28 pays, c’était difficile. Donc il y en a un quart qui a été développé avant que les pays ne fassent la demande.Quelle est la situation du paludisme au Cameroun, et ailleurs ?Dans les pays comme le Cameroun, le Nigeria, c’est vraiment un grand problème de santé publique. Il y a au moins 10% de la population qui est atteinte du paludisme.Quelle est l'importance de ce vaccin pour la lutte contre le paludisme ? C’est une étape très importante parce que le vaccin est très efficace pour réduire le nombre de cas de paludisme causé par le Plasmodium falciparum chez les jeunes enfants et il réduit les formes graves. Après l’introduction du vaccin dans le programme pilote, on a constaté une baisse très remarquable du nombre d’enfants hospitalisés et une diminution du nombre de décès chez les enfants d’environ 13%. Donc c’est vraiment important.Quelle est l'efficacité du vaccin RTS,S compte tenu de la résistance du paludisme aux médicaments ?Il y a une résistance seulement quand quelqu’un a déjà le paludisme. On a vu qu’après trois doses de ce vaccin, il y a une diminution de 75% des cas de paludisme pendant la première année. C’est vrai que l’efficacité diminue, c’est pour cela qu’on recommande qu’un an après la troisième dose, il faut en donner une quatrième, et aussi un an après ça, il en faut une cinquième. Qui peut prendre le vaccin RTS,S ?On recommande quatre doses aux enfants à partir de l’âge de cinq mois. Par exemple, au Cameroun, le calendrier vaccinal prévoit qu’il y ait quatre doses, à six mois, à sept mois, à neuf mois et à vingt-quatre mois d’âge. C’est seulement pour les enfants.Le mois dernier, l'OMS a donné son feu vert à l'utilisation pour les enfants d'un deuxième vaccin antipaludique, le R21, quelle est la différence avec le vaccin RTS,S ?Il n’y a pas de différence, les deux vaccins agissent de la même manière. Mais pour le premier vaccin, il y a seulement, environ, dix-huit millions de doses qui seront disponibles d’ici 2025. Ce n’est pas suffisant. Au moins vingt-huit pays d’Afrique envisagent d’introduire ces vaccins contre le paludisme dans leur programme de vaccination d’enfants. Mais ce qui est aussi important, c’est que l’autre vaccin, le fabriquant a dit qu’ils vont produire beaucoup plus de doses que dix-huit millions, donc d’ici la fin de l’année prochaine, on n’aura pas de problèmes de stocks limités.Après le Cameroun, quels sont les prochains pays destinataires du vaccin?Après le Cameroun, il y aura le Burkina Faso, le Liberia, il y aura le Niger et la Sierra Leone. D’après les nouvelles qu’on a, le gouvernement du Cameroun prévoit de commencer la campagne de vaccination le 12 décembre. Quand va démarrer la vaccination à grande échelle sur le continent ?Chaque pays a son calendrier. Par exemple, le Cameroun va commencer en décembre. Il y a d’autres pays, comme le Burkina Faso, il y a le Burundi, il y a la RDC, on prévoit qu’il y aura cinq pays entre janvier et juin, parce qu’on pense que l’autre vaccin R21 sera disponible à partir de juin. Donc on pense qu’il y aura un peu plus de pays après juin.Et que signifie pour l'Afrique cette vaccination à grande échelle ?Chaque année, il y a autour de 500 000 enfants qui meurent dans le monde et la plupart, 95%, sont en Afrique. Si on a un vaccin, il va diminuer ce taux de mortalité. On a vu la réduction du taux de mortalité au Ghana, au Kenya, au Malawi, autour de 13%. Vous imaginez, un taux de réduction de 13% de la mortalité ? Et il y a une diminution des cas de paludisme de 75%. Donc c’est un grand atout pour la lutte contre le paludisme, je pense que c’est un moment historique pour l’Afrique et pour la vaccination en général.
11/26/20234 minutes, 50 seconds
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Bergès Mietté: au Togo, «Il est peu probable que les élections se tiennent selon le calendrier constitutionnel»

Au Togo, le mandat des députés expire le 31 décembre, mais pour l'instant, aucune date n'est fixée pour les prochaines législatives. Va-t-on vers un report des élections ? Si oui, pourquoi ? L’analyse de Bergès Mietté, qui est chercheur associé au laboratoire pluridisciplinaire « Les Afriques dans le monde », à Sciences Po Bordeaux, dans le sud-ouest de la France. RFI : Le mandat des députés togolais expire le 31 décembre, mais on ne connait toujours pas la date des prochaines législatives. Est-ce qu’on va vers un « glissement », comme on dit au Congo ? Bergès Mietté : Effectivement, on s’interroge aujourd’hui sur la capacité du Togo à tenir cet engagement-là, avec l’organisation des élections législatives et locales à la date indiquée.Oui, parce qu’il faut le temps de faire campagne…Effectivement.Donc on ne votera pas avant le 31 décembre ? Au regard de la situation actuelle, il est peu probable que les élections se tiennent effectivement selon le calendrier constitutionnel.S’il y a glissement, ce sera une première dans l’histoire du Togo depuis l’arrivée au pouvoir de Faure Gnassingbé en 2005. Est-ce parce que le pouvoir ne veut plus d’aide étrangère pour financer les élections et est-ce parce qu’il manque d’argent ? Je pense que cette idée fait sens. J’ignore l’état réel de la trésorerie togolaise à l’heure actuelle, mais certaines sources évoquent des difficultés de trésorerie pour organiser efficacement les élections législatives et locales prévues cette fin d’année.En 2018, l’opposition avait boycotté les législatives. Cette fois-ci, l’ANC de Jean-Pierre Fabre et la DMP de Brigitte Adjamagbo-Johnson disent vouloir aller à ce scrutin, pourquoi ce changement de stratégie ?  Ce qu’il faut dire, c’est que la C14, la principale coalition politique de l’opposition, avait boycotté les législatives de décembre 2018, effectivement, en raison des irrégularités constatées. Force est de constater que cet appel au boycott n’avait pas fait consensus au sein de l’opposition, puisque d’autres partis de l’opposition ont bel et bien participé à ce scrutin, c’est notamment le cas de l’UFC de Gilchrist Olympio, qui était presque en état fantomatique depuis son alliance avec le RPT (au pouvoir) en 2010. À bien des égards, la non-participation de l’ANC à ce scrutin a permis à l’UFC, qui a en partage le même bastion politique que l’ANC, de se régénérer et de renouer avec l’Assemblée nationale en tant que principal parti institutionnel de l’opposition nationale. On compte également le parti d’Agbéyomé Kodjo, l’ancien Premier ministre, le MPDD, ainsi que le parti de Gerry Taama, le Nouvel engagement togolais. Je pense que l’ANC et bien d’autres partis ont pu tirer des enseignements de ce boycott passé, c’est pour cette raison qu’ils ont décidé pour les élections législatives et locales à venir de participer activement et ont appelé leurs sympathisants à se mobiliser.Pour préparer au mieux ces législatives, l’opposition a fortement mobilisé ses partisans lors du dernier recensement de la population. C’était il y a six mois. Mais ce recensement fait polémique. Pourquoi ? L’opposition dénonce les processus en cours parce qu’il y a eu des irrégularités. Plusieurs citoyens togolais n’ont pas pu s’enrôler.Oui, beaucoup d’opposants disent que les difficultés d’enrôlement, c’était dans le sud du pays qui est, comme par hasard, le fief de l’opposition… Tout à fait. Selon l’opposition, le but, c’est que ces populations ne participent pas véritablement au processus électoral, à la différence des Togolais de la région septentrionale, par exemple, parce que, selon l’opposition, la forte participation des Togolais du Sud peut effectivement avoir des conséquences sur la primauté du parti au pouvoir. Et selon l’opposition, durant les processus d’enrôlement sur les listes électorales, tout est fait de manière à ce que certains Togolais du Sud ne puissent pas y participer.Autre sujet polémique, le découpage électoral. Pourquoi est-ce une telle pomme de discorde au Togo ? Ce qu’il faut dire, c’est que la problématique du découpage électoral est un sujet de discorde permanent dans le pays. L’opposition appelle à un découpage à partir du critère démographique, de sorte que chaque député représente exactement le même nombre de citoyens au Parlement. Il se trouve malheureusement que, depuis 1991, il existe d’énormes disparités et incohérences que l’opposition et la société civile togolaise dénoncent. Pour vous donner quelques chiffres, le Parlement togolais compte 91 députés et la région maritime – la plus peuplée, au sud du pays, avec Lomé et sa périphérie ­– qui abrite un peu plus de 3,5 millions d’habitants compte effectivement 25 sièges de député, autant que la région des plateaux, dont la population ne représente que le tiers de celle de la région maritime. Ce sont ces disparités-là que les partis politiques de l’opposition et la société civile dénoncent.Donc le fief de l’opposition est sous-représenté à la Chambre alors que le fief du pouvoir est sur-représenté ? Effectivement. Je pense que c’est le nœud de discorde au Togo.
11/24/20236 minutes, 28 seconds
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Liberia: «Le président Weah n'a pas pu produire les résultats, il a déçu», estime Mathias Hounkpè

Le Liberia s’apprête à tourner une page : celle des années George Weah. L’ancien footballeur, largement élu président en 2017, a été battu d’un cheveu la semaine dernière, lors du second tour de la présidentielle, par un vieux routier de la politique libérienne : Joseph Boakai, 78 ans, qui a été durant douze ans le vice-président d’Ellen Johnson Sirleaf. Vaincu en 2017 par George Weah, Joseph Boakai a donc pris sa revanche. Comment analyser ce résultat ? George Weah a-t-il fait les frais d’un bilan jugé par certains très décevant ? Et quel avenir désormais pour le pays ? Mathias Hounkpè, directeur pays de la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES) au Mali, est notre invité.  RFI : Joseph Boakai a été déclaré lundi vainqueur de l’élection présidentielle avec 50,64% des voix, une victoire à l’arraché. Mais dès vendredi, avant même la proclamation des résultats, George Weah avait reconnu sa défaite. C’est là un geste très rare ?Mathias Hounkpè : Disons que c’est un geste assez rare lorsque vous êtes en Afrique subsaharienne et en Afrique de l’Ouest, et donc je pense qu’il faut saluer le président sortant George Weah pour avoir posé cet acte qui a réduit de façon considérable les risques de protestation ou les tensions dans le pays, surtout lorsqu’on sait que les résultats de la présidentielle étaient très serrés.Les soutiens les plus radicaux de George Weah appelaient l’ex-chef de l’État à contester les résultats du scrutin. Lundi, à Monrovia, une voiture a foncé sur une foule de partisans du vainqueur, faisant plusieurs morts. Avec ce résultat très serré, un peu plus de 20 000 voix d’écart, doit-on craindre une montée en tension dans le pays, selon vous ?Je pense que ça dépendra en partie de la manière dont le nouveau président, donc le président Boakai, va gérer le pays. Parce que lorsqu’on hérite d’un pays aussi divisé, il faut d’abord attendre et voir les résultats des élections au niveau du Sénat et de l’équivalent de l’Assemblée nationale, la première chambre, pour voir si à ce niveau également les chambres ne seront pas pratiquement divisées en deux parce que ça, ça peut rendre la gouvernance politique même difficile. Et ensuite, le nouveau président, comme je le disais, aura la responsabilité de réunir le pays. Et lorsque vous écoutez le discours de Weah où il a concédé la victoire au nouveau président, l’un des défis sur lequel il a attiré son attention, c’est justement la nécessité d’unir le pays. Joseph Boakai a donc pris sa revanche sur George Weah, après son revers de 2017. George Weah a-t-il fait les frais de son bilan, jugé décevant par certains, voire même très décevant ?Oui, à mon avis, la raison fondamentale, c’est vraiment que George Weah n’a pas eu de résultats, et ceci pour diverses sortes de raisons. En-dehors de quelques secteurs, par exemple les infrastructures, un peu quand même dans le domaine de l’emploi, je crois que le président Weah n’a pas pu vraiment produire des résultats, a déçu et aussi a adopté des comportements qui donnaient le sentiment que s’occuper des préoccupations des citoyens n’était pas vraiment sa première préoccupation. Par exemple, lorsqu’on l’a vu passer une dizaine de jours pendant la Coupe du monde [de football au Qatar en 2022] pour aller regarder les matchs, on a vu que dans le pays, il était devenu comme un prêtre qui animait des messes, il a construit une maison de composition en musique, etc. Donc je pense que les citoyens ont eu le sentiment à un moment donné que le président Weah n’avait pas vraiment à cœur leurs préoccupations.Vous diriez que ce sont ses résultats en matière de lutte contre la pauvreté et contre la corruption qui lui ont coûté l’élection ?Oui, surtout la lutte contre la corruption. Je pense que Weah n’a pu rien faire contre ça. Vous vous rappelez que dans ce pays, il y a deux ou trois juges de l’équivalent de la Cour des comptes qui ont été tués, simplement parce que l’équivalent de la Cour des comptes était sur un dossier qui était très sensible. Donc je pense que non seulement il n’a pas réussi mais il n’a même pas laissé la marge aux institutions mises en place pour aider la lutte contre la corruption. De mon point de vue, c’est l’un des grands défis auxquels le nouveau président aura à se confronter.Pour gagner, Joseph Boakai a bénéficié du soutien du très influent Prince Johnson. Or, ce sénateur est un ancien chef de guerre accusé de nombreux meurtres pendant la guerre civile. Est-ce à dire que le Liberia ne va jamais juger ses bourreaux des années 90 ?Je pense que ça va être très difficile pour lui et pour le Liberia, parce que j’ai le sentiment, en ce qui me concerne, que l’un des prix pour obtenir la stabilité dans le pays c’est aussi de savoir gérer cet aspect de leur histoire et essayer d’éviter de rechercher nécessairement à sanctionner, à punir, etc. Ce n’est pas surprenant que Prince Johnson continue d’être dans l’espace politique, comme Charles Taylor à travers son parti politique. Donc, je pense qu’ils ont peut-être décidé de s’accommoder de ça, afin de garantir la stabilité et éviter encore des facteurs qui pourraient contribuer à raviver les plaies qui peut-être avec le temps sont en train de se cicatriser.
11/23/20234 minutes, 35 seconds
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Laurence Ndong, ministre gabonaise: «Il y a mieux à faire que de supputer sur la candidature du général Nguema»

Au Gabon, les autorités militaires, qui ont pris le pouvoir le 30 août, ont annoncé la semaine dernière que la prochaine présidentielle pourrait se tenir en août 2025. Mais ce calendrier est-il ferme et définitif ? Et le chef de la transition, le général Oligui Nguema, a t il l'intention de se présenter à cette future élection ? Du temps du régime d'Ali Bongo, Laurence Ndong était une figure de l'opposition au sein de la diaspora gabonaise en France. Aujourd'hui, elle est ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement gabonais. De passage à Paris, elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
11/22/202313 minutes, 17 seconds
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Algérie: «Nadir Larbaoui va devoir restaurer la confiance des citoyens sur le pouvoir d'achat»

En Algérie, Abdelmadjid Tebboune a changé de Premier ministre le 11 novembre. Nadir Larbaoui a remplacé à Aymen Benabderrahmane qui était en poste depuis juin 2021. Discret, ce dernier était la cible de critiques à peine voilées de la part du chef de l’État. Son successeur est un ancien diplomate, âgé de 74 ans, proche d’Abdelmadjid Tebboune. Il était jusque-là son directeur de cabinet au palais El-Mouradia. Ce revirement ministériel intervient à treize mois de l’élection présidentielle. Comment analyser ce changement ? Entretien avec Dalia Ghanem, analyste à l'European Union Institute for Security Studies (EUISS). RFI : Dalia Ghanem, la nomination de Nadir Larbaoui au poste de Premier ministre marque-t-elle le coup d’envoi de la campagne du président Abdelmadjid Tebboune pour sa réélection ?Dalia Ghanem : Oui, absolument. Ce n’est pas une surprise parce que cela fait déjà quelques mois que le président Abdelmadjid Tebboune n’était pas très content avec son ancien ministre Aymen Benabderrahmane. Par contre, il y a une surprise sur le profil du nouveau Premier ministre. Il a une grande et belle carrière de diplomate. Avant cela, il a été directeur du cabinet. On dit que c’est l’homme de confiance du président Abdelmadjid Tebboune. Donc, il n’a pas le profil qu’on peut attendre. Certains lui reprochent déjà de ne pas connaître assez bien les dossiers de la politique algérienne intérieure. Mais je pense qu’il faut donner quand même sa chance à Nadir Larbaoui.Vous le disiez, Nadir Larbaoui était jusque-là directeur de cabinet du président. Il était perçu comme un Premier ministre bis. Son arrivée à la primature signifie-t-elle qu’Abdelmadjid Tebboune souhaite désormais s’appuyer sur son clan à un an de la présidentielle ?Oui, je pense qu’on peut faire aussi cette lecture. Il n’a pas encore annoncé sa candidature, cela ne saurait tarder. Les élections présidentielles sont toujours des moments charnières en Algérie, surtout là un peu plus qu’avant. Il faut rappeler aussi qu’il y a eu le Hirak en 2019 [Mouvement populaire opposé à la candidature d'Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat à la présidence], que Abdelmadjid Tebboune a été mal élu si j’ose dire. Depuis, la rue a changé d’opinion, mais il y a quand même encore la peur du renouveau de la contestation. Donc, effectivement, l’élection présidentielle est dans tous les esprits.Est-ce à dire que le nouveau Premier ministre va mettre l’accent sur l’économie et le social ?Absolument ! Je pense que la question sociale n’était pas au cœur du Hirak lorsqu’il a commencé. Mais si le Hirak devait revenir, la question sociale va être au cœur de ce Hirak. Et donc, Nadir Larbaoui a plusieurs dossiers qui l’attendent, notamment le pouvoir d’achat des Algériens, les investissements, les exportations et aussi ce qu’on appelle maintenant la raréfaction suspecte de certains produits. On a vu quand même beaucoup de produits alimentaires disparaître pour des raisons qu’on ignore. Et donc, il va falloir aussi restaurer la confiance notamment avec les entrepreneurs et les opérateurs économiques qui souffrent d’une bureaucratie très lourde. Il va falloir aussi rassurer les investisseurs étrangers. Mais la première mission sera de restaurer la confiance avec le citoyen algérien concernant surtout le pouvoir d’achat.Sur les événements à Gaza, l’Algérie a pris fait et cause pour le Hamas. Ce positionnement très marqué peut-il évoluer avec l’arrivée de cet ancien diplomate Nadir Larbaoui ?On entend dire de Larbaoui qu’il a une ligne très nationaliste. Je pense qu’il y a deux questions sur lesquelles Alger ne changera pas d’avis : c’est la cause palestinienne et la cause sahraouie [soutien au Front Polisario, mouvement de libération du Sahara occidental]. La politique étrangère de l’Algérie vis-à-vis de ces deux questions a toujours été très cohérente. Donc, il y aura un soutien inconditionnel à la cause palestinienne. Maintenant, quelle forme il va prendre ? Tout dépendra aussi de l’évolution de la situation à Gaza, mais aussi de la position des voisins arabes sur la question.Mais est-ce que cette position radicale de l’Algérie sur ce sujet ne fragilise-t-elle pas le pays sur un plan international ?Je pense que ce n’est pas une question que le leadership algérien se pose, c’est-à-dire comment va être perçu notre soutien inconditionnel à la Palestine. Il peut être, oui, effectivement comme vous avez employé le mot « radical ». Je pense qu’ils vont garder cette ligne, même si cela doit mettre mal à l’aise ou mettre en péril leur relation avec d’autres pays occidentaux, mais pas que. Il y a d’autres pays arabes aussi qui n’ont pas la même ligne, en tout cas pas aussi radicale. Mais je pense qu’Alger ne changera pas d’avis sur cette question palestinienne.
11/21/20234 minutes, 10 seconds
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Vagondo Diomandé, ministre ivoirien: «Guillaume Soro peut rentrer en Côte d'Ivoire quand il veut»

À l'occasion de sa visite en France et notamment au salon Milipol, le ministre ivoirien de l'Intérieur et de la sécurité Vagondo Diomandé est l'invité de RFI. Il réagit à l'organisation de la CAN de football en Côte d'Ivoire qui doit débuter en janvier 2024, au voisinage parfois compliqué avec le Burkina Faso. Vagondo Diomandé évoque aussi le cas Guillaume Soro condamné par la justice ivoirienne, en exil mais qui fait part de son souhait de rentrer dans son pays.  RFI : Monsieur le ministre, qu’est-ce qui est le plus à craindre pour la CAN 2024 ? Les mouvements de foule ou bien les attaques terroristes ?Vagondo Diomandé : Pour la CAN 2024, en tant que ministre de la Sécurité, j’ai fait évidemment avec mes collaborateurs toutes les hypothèses qui nous permettront de prendre les mesures qu’il faut pour faire face à tout type de situation. Je crois comprendre à travers votre question que nous sommes dans un contexte où beaucoup de gens ont de bonnes raisons de s’inquiéter. Mais je peux vous assurer que nous avons pensé à tout type de situation. Nous avons formé nos collaborateurs en conséquence, équipé aussi en conséquence, nous avons fait le recrutement conséquent et surtout la formation qui accompagne avec les exercices de simulation grandeur nature pour être fin prêts le jour du lancement de cette grande compétition. Et d’ailleurs, nous venons de faire un test grandeur nature avec la Coupe d’Afrique des champions féminine [Ligue des championnes de la CAF, NDLR] qui se déroule très bien et nous en tirerons tous les enseignements pour réadapter au besoin le dispositif qui a été conçu pour la CAN.Une question sur une autre thématique, sur Guillaume Soro, ex-Premier ministre, ancien président de l’Assemblée nationale qui est en exil depuis plus de 4 ans. Son entourage affirme que les autorités ivoiriennes avaient prévu de le kidnapper en Turquie…Laissez-moi vous dire très clairement que j’ai été parmi les premiers à être surpris par cette information. À ma connaissance, la Côte d’Ivoire n’a absolument rien fait dans ce sens. Permettez aussi que je vous dise : Guillaume Soro comme tout autre Ivoirien peut rentrer en Côte d’Ivoire quand il veut. Guillaume Soro ne restera pas éternellement loin de son pays.En l’occurrence, si Guillaume Soro revient demain à Abidjan, vous serez à l’aéroport pour l’accueillir et l’emmener en prison ?Ah, mais non, vous ne parlez pas de prison.Il a été condamné…Je ne suis pas le ministre de la Justice, vous comprenez. Je vous assure que Guillaume Soro est le bienvenu dans son pays.Mais il faudra qu’il rende des comptes quand même par rapport aux décisions de justice, justement ?Oui, mais vous n’allez pas m’amener à dire que « oui, quand Guillaume Soro va arriver, voilà ce qui va se passer... » Mais non ! Les autorités judiciaires sont mieux placées que moi pour apprécier.À votre avis, le choix d’être accueilli à Niamey, reçu par le général Abdourahamane Tiani, est-ce que c’est une forme de provocation de la part de Guillaume Soro vis-à-vis d’Alassane Ouattara ?Je n’ai pas les contours de la visite de Guillaume Soro au Niger. Et vous me voyez très mal à l’aise d’en parler de peur de dire des choses qui ne sont pas totalement vraies.Un autre sujet délicat, c’est la question de ces deux gendarmes qui ont été arrêtés par des autorités burkinabè à la frontière ivoirienne, c’est-à-dire à la frontière burkinabè en l’occurrence. Ils sont toujours retenus actuellement à Ouagadougou. Où en êtes-vous des négociations ?Je ne suis pas informé d’une quelconque négociation sur cette question. Je suis toujours dans la logique que nos frères du Burkina décident de nous remettre nos deux gendarmes, exactement comme nous avons eu l’habitude de le faire entre nous. Par le passé, nous avons eu des cas similaires où des membres des forces de défense et de sécurité burkinabè se sont retrouvés en territoire ivoirien par mégarde. Nous nous sommes arrangés avec nos frères du Burkina pour faire les échanges entre autorités préfectorales ou alors entre autorités policières. Ce n’est pas allé au-delà de ça. Donc, je suis toujours dans la même logique.Est-ce qu’on peut penser que les tensions ou la mésentente qui existe en ce moment entre Abidjan et Ouagadougou - on ne peut pas le nier -, est-ce que vous pensez que ces problèmes de relations entre les deux pays facilitent le travail et la tâche des terroristes à la frontière ?Non. Il ne faut pas dramatiser. Le Burkina mène des opérations le long de sa frontière sud avec la Côte d’Ivoire. De la même manière, la Côte d’Ivoire mène les opérations le long de sa frontière nord avec le Burkina. Donc, je ne veux pas croire que la tâche est facile pour les terroristes. Mais l’accord qui a été trouvé, c’est que chacun sécurise ses frontières. À lire aussiCôte d'Ivoire: l'ancien Premier ministre Guillaume Soro annonce mettre «fin» à son exil
11/20/20234 minutes, 28 seconds
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Burkina Faso: «La culture et le cinéma sont des armes de construction massives»

Ouagadougou est décidément la place forte du cinéma ouest-africain. On connaissait déjà le Fespaco qui se tient tous les deux ans dans la capitale burkinabè. Et depuis ce samedi 18 novembre, se tient la deuxième édition de Ouaga côté court, un festival de courts métrages internationaux qui attend tous les Ouagalais jusqu’au 25 novembre. Entretien avec l’actrice et réalisatrice Irène Tassembedo qui organise le festival. À lire aussiLe cinéma tunisien triomphe au Fespaco 2023
11/19/20236 minutes, 20 seconds
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RDC: «Je n’ai aucune leçon à recevoir de la part de [l'opposant] Moïse Katumbi», affirme le président-candidat Félix Tshisekedi

Le président-candidat en République démocratique du Congo Félix Tshisekedi accorde une interview exclusive à RFI et France 24. Il affirme que les financements pour la tenue de l’élection présidentielle du 20 décembre prochain seront assurés et que les délais seront respectés. Il se dit confiant, estimant que son bilan parle pour lui, et se refuse à commenter les discussions en cours au sein de l’opposition. Il commente l’arrestation du correspondant de Jeune Afrique, Stanis Bujakera. Pour la première fois, il admet que les tensions sécuritaires au Nord-Kivu empêcheront la tenue du scrutin dans le Rutshuru et le Masisi et accuse une nouvelle fois le président rwandais Paul Kagame d’être le véritable chef du M23. Félix Tshisekedi répond aux questions de Christophe Boisbouvier de RFI et de Marc Perelman de France 24.
11/16/202319 minutes, 54 seconds
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Didier Alexandre Amani (Tournons la page): «Il faut veiller au retour à l’ordre constitutionnel au Mali, Niger, Burkina et Gabon»

La coalition internationale d'ONG Tournons La Page a un nouveau président : le militant ivoirien Didier Alexandre Amani. Tournons La Page réunit plus de 250 associations d'Afrique et d'Europe. La coalition cherche à promouvoir la démocratie et l'alternance en Afrique. Quelles seront les priorités du nouveau président, quels sont ses principaux sujets de préoccupation ? Didier Alexandre Amani est notre grand invité Afrique du jour,  au micro de Laurent Correau. RFI : Didier Alexandre Amani, quel est le dossier qui vous préoccupe le plus, en ce début de mandat ? Didier Alexandre Amani : Moi, mon mandat, je le commence en tournant le regard vers les États qui ont connu des changements d’ordre non-constitutionnel, notamment le Niger, la Guinée, le Mali, le Gabon, mais aussi le Burkina Faso. Il faut veiller à ce que l’ordre constitutionnel soit rétabli à travers des élections justes, transparentes et inclusives.La priorité des priorités sera pour nous le Niger. Tournons La Page a condamné tous les coups d’État dans tous les États. Dans le même temps, nous allons travailler à la levée des sanctions parce que les victimes sont les populations qui déjà subissent les effets du coup d’État et subissent encore les sanctions. Donc, avec d’autres mouvements, nous comptons lancer une campagne de plaidoyer pour la levée des sanctions au Niger.Il y a les élections à venir en RDC, mais surtout au Sénégal où, de plus en plus, l’espace civique est fermé, avec l’arrestation d’élus d’opinion, d’opposition, l’arrestation de journalistes, mais surtout l’arrestation de militants. Notamment l’arrestation d’Aliou Sané, coordinateur du mouvement Y’en a marre, qui est aujourd’hui en prison pour ses opinions. Le pouvoir de transition au Burkina Faso a décidé d’enrôler de force dans la lutte anti-terroriste des opposants, des voix discordantes. Qu’est-ce que cela dit, selon vous, de la gouvernance qui est maintenant en place à Ouagadougou ? Ces réquisitions sont des actes de bâillonnement, de fermeture pour l’expression des libertés. Les activistes, les syndicats et toutes les couches sociales doivent pouvoir s’exprimer. Nos camarades du mouvement Balai citoyen, Rasmane Zinaba et Bassirou Badjo, ont été arbitrairement réquisitionnés par le MPSR (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration). Nous condamnons ce genre de pratiques. Ce n’est pas une manière de créer des conditions idoines pour ramener la démocratie dans un État qui souffre déjà d’une question de gouvernance sécuritaire.  Lors de l’Assemblée générale des Nations Unies, le chef de la junte guinéenne, Mamadi Doumbouya, a eu des mots terribles pour la démocratie : il a parlé d’un « modèle de gouvernance qui nous a été imposé et qui ne fonctionne pas ». Est-ce que vous êtes d’accord avec cette analyse ? Nous ne partageons pas cette analyse du président Doumbouya. La question de la démocratie est un combat africain. Ce combat traverse les temps et les générations. Et surtout la nouvelle génération qui est beaucoup et intimement liée aux questions démocratiques qui sont les seuls moyens d’exprimer des opinions vis-à-vis des dirigeants africains actuels. Dans plusieurs pays, on voit la liberté d’expression se rétrécir, quelles sont les mesures pour lesquelles vous souhaitez vous battre ou vous engager en matière de restauration de cette liberté d’expression ? Aujourd’hui, on constate que, dans nos États, des lois liberticides ne permettent pas aux populations de s’exprimer et surtout au niveau des réseaux sociaux. Le bâillonnement s’est déplacé du monde physique au monde numérique. Donc, aujourd’hui, [l’objectif] c’est de travailler à ce que nous ayons des lois qui permettent aux populations de s’exprimer, qui garantissent la liberté d’expression. C’est ça le défi. Vous êtes un spécialiste de la désinformation en période électorale et ces réseaux sociaux sont justement un canal important de désinformation. Est-ce que les signaux que vous recevez pour les scrutins qui s’annoncent sont rassurants ou préoccupants ? Les signaux sont préoccupants parce que les manipulations des opinions sont aussi une manière aujourd’hui de meubler le jeu politique. La désinformation manipule le citoyen : c’est son choix. Mais la désinformation discrédite les organes de gestion de l’élection, la désinformation fausse la légitimité des dirigeants. Le cas de la Côte-d’Ivoire, particulièrement, où, en période de pré-campagne, il y a eu de la désinformation sur la question de la CEI (Commission électorale indépendante), sur le fichier électoral, sur les outils et les méthodes de vote. Dans les pays où nous sommes en période de pré-campagne, au mouvement Tournons La Page, nous avons mis en place des mécanismes de prévention sur Internet pour contrer cette désinformation.
11/16/20233 minutes, 52 seconds
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Albert Yaloke Mokpeme (RCA): «Je ne pense pas que ça fasse partie du mandat de la MINUSCA de demander un dialogue inter-centrafricain»

Notre invité ce mercredi 15 novembre est le porte-parole de la présidence centrafricaine Albert Yaloke Mokpeme. Accusations d'autoritarisme et de prévarication contre les dirigeants du pays, situation sécuritaire, et proposition d'un dialogue inclusif formulé par l'ONU, il répond aux questions de François Mazet. RFI : Récemment sur notre antenne, et dans une analyse publiée par SciencesPo Paris, le chercheur Roland Marchal a dépeint la Centrafrique comme un État déliquescent, et un autoritarisme en fabrication sous la présidence de Faustin-Archange Touadéra. Que pensez-vous de cette analyse ?Albert Yaloke Mokpeme : Je suis surpris d’écouter des choses comme ça. Malheureusement, il y a beaucoup d’autorités qui écoutent sans cesse ce genre d’analyse qui les met complètement dans l’erreur. Nous savons ce que nous avons vécu. Et dans quelles conditions nous avons vécu les pires horreurs dans notre pays. Et voilà que nous pensons qu’il est intéressant justement de diversifier nos relations et de prendre ce qui peut être profitable pour notre pays pour amener la paix dans notre pays. Nous voyons les résultats.Ce que dit Roland Marchal, c’est que l'élite politique centrafricaine a utilisé la prodigalité internationale pour reconstruire sa richesse plutôt que le pays. N'est-ce pas une critique entendable étant donné la difficulté de la population à vivre au quotidien ?Si pour quelqu’un qui connait la République centrafricaine, parler des autorités, de leurs richesses, et ainsi de suite… Nous avons beaucoup de chemin à faire, et il se trouve qu’aujourd’hui, notre volonté est de passer d’une exploitation artisanale de nos ressources à une exploitation semi-industrielle ou industrielle au profit du peuple centrafricain. Les Centrafricains sont très bien placés pour le savoir, ils voient la différence entre ce qui se passait avant et ce qui se passe aujourd’hui.Un autre point, c'est la fracture, très ancienne mais jamais résolue, entre Bangui et les provinces où les conditions de vie sont précaires. N'est-ce pas un constat que vous pouvez partager ?Opposer Bangui et l’arrière-pays, c’est quelque chose qui a toujours existé. Il y a une sorte de centralisation contre laquelle nous nous battons. Mais parler d’une richesse à Bangui et d’une pauvreté dans l’arrière-pays, c’est trop. Aujourd’hui, les soucis des Centrafricains sont passés des problèmes de sécurité aux problèmes d’amélioration de la vie quotidienne – avoir de l’eau courante, avoir de l’énergie, avoir de l’électricité – parce que le renforcement du niveau de nos Forces de défense et de sécurité a marché. Il n’y a que quelques poches de délinquance qui s’en prennent par-ci par-là à la population et qui disparaissent dans la nature.Sur le plan sécuritaire, le groupe MPC, Mouvement patriotique pour la Centrafrique, de Mahamat Al-Khatima dit vouloir rejoindre le processus de DDRR, démobilisation-désarmement, et quitter la coalition rebelle CPC. Est-il le bienvenu à Bangui alors qu’il a été condamné à la perpétuité en septembre avec les autres chefs de la CPC ?Ce que je peux dire, c’est que nous nous souhaitons le silence des armes. Le président de la République, Faustin-Archange Touadéra, l’a toujours rappelé, il est prêt à travailler avec tout le monde. Mais ceux qui ont des comptes à rendre à la justice devront répondre de leurs actes, parce que c’est ce que les Centrafricains attendent.Donc, pour l’instant, il n’est pas question de travailler à une amnistie de Mahamat Al-Khatim ou d’autres leaders de la CPC condamnés en septembre qui pourraient revenir dans le cadre de l’APPR – accords de Khartoum (de 2019) ?Il y a beaucoup de gens qui ont oublié que nous avons eu un dialogue en 2022 qui a affirmé clairement qu’il n’est pas question qu’il y ait une quelconque amnistie pour ceux qui ont [commis] des crimes de sang. Et aujourd’hui, il y en a qui s’arrogent le droit de demander un dialogue. Dialogue avec qui ? Avec les groupes armés, c’est-à-dire ceux qui ont pris les armes au sein la CPC et qui ont tué le peuple centrafricain. Ce serait une erreur politique.Quand la cheffe de mission de l'ONU, Valentine Rugwabiza, demande un « dialogue inclusif », pour vous, c'est non ?Elle ferait mieux de s’occuper justement de la mission qui est celle de la MINUSCA, c’est-à-dire travailler auprès du gouvernement centrafricain pour amener la paix dans ce pays. Je ne pense pas que ça fasse partie du mandat de la MINUSCA que de demander un dialogue inter-centrafricain. On attend de la MINUSCA qu’elle nous aide à ramener la paix, non pas à s’ingérer dans les affaires du peuple centrafricain.Est-ce que de prochaines discussions avec les groupes qui restent dans la CPC ne sont pas possibles néanmoins ?Je vous l’assure, le président ne dit pas autre chose. Il y a des groupes qui se sont engagés dans la CPC qui s’en sont retiré, ils se sont rendu compte que c’est un combat vain, c’est-à-dire que le pays ne peut pas être constamment dans l’insécurité, dans les tueries. Voilà pourquoi un à un, ils vont sortir de la CPC, parce qu’ils savent qu’ils ne travaillent pas dans l’intérêt du peuple.
11/15/20237 minutes, 39 seconds
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Jérôme Tubiana: «Le conflit au Darfour peut provoquer une extension à l’intérieur du Tchad»

Depuis le début du mois de novembre, la région du Darfour, dans l'ouest du Soudan, fait face à une nouvelle flambée de violences, alors que les Forces de soutien rapide (FSR) du général Hemedti affirment leur contrôle sur cette région. Pour en parler, François Mazet s'entretient avec le chercheur Jérôme Tubiana. Spécialiste de cette région, il est conseiller aux opérations de Médecins sans frontières (MSF), pour qui il s'est rendu très récemment au Darfour et dans l'est du Tchad où sont accueillis des centaines de milliers de réfugiés.  RFI : Jérôme Tubiana, pour parler de la flambée de violences au Darfour depuis le début du mois, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a employé le terme de « nettoyage ethnique » mené par les Forces de soutien rapide (FSR) du général Hemedti. Ce terme est-il approprié, selon vous ?Jérôme Tubiana : Il faudrait peut-être le détailler, mais il y a eu certainement à certains endroits du nettoyage ethnique. C’est en particulier le cas au Darfour occidental, donc y compris dans sa capitale, la ville d’el-Geneina, où clairement, la principale communauté indigène non-arabe (les Masalit) a dans sa quasi-totalité dû fuir la zone pour se réfugier au Tchad. Il y a un énorme camp de transit dans la ville d’Adré, avec plus de 100 000 réfugiés qui sont principalement arrivés en juin, mais aussi environ 10 000 qui sont arrivés récemment, après les nouvelles violences de ce mois-ci.Que sait-on exactement de ce qu’il s’est passé dans le camp de déplacés d’Ardamata, dans le Darfour occidental, où au moins 800 personnes selon l’ONU – peut-être même 1 200 ou 1 300 selon d’autres sources – ont été tuées en milieu de semaine dernière ?La garnison de l’armée soudanaise avait réussi à maintenir une présence dans cet endroit qui s’appelle Ardamata, qui n’est pas seulement un camp de déplacés mais aussi un lieu historique pour les Masalit anciens. Il y avait un camp de déplacés, il y avait des combattants masalit de groupes rebelles, de groupes d’auto-défense qui s’étaient aussi réfugiés là. L’élite arabe – chefs traditionnels, chefs politiques – promettait qu’il n’y aurait plus de nouvelles violences, ça n’a pas tenu. Il semble que l’armée ait négocié son propre retrait sans combat, et donc laissé les civils et les combattants masalit être de nouveau victimes d’attaques par les milices arabes, dont les Forces de soutien rapide, et de nouveau, une fuite vers le Tchad pour les survivants.Les Forces de soutien rapide et d’autres milices locales prendraient pour cible les Masalit, qui est une tribu darfourie non-arabe. Comment est-ce qu’on peut expliquer ce ciblage ?Je pense que sur el-Geneina, le conflit entre Masalit et Arabes – Masalit qui sont les détenteurs d’un sultanat ancien et donc les détenteurs des droits fonciers sur cette région ­–, ce conflit déjà ancien remonte aux années 1990. Il a été beaucoup attisé par l’ancien régime soudanais, le régime d’Omar el-Béchir qui a donc recruté les communautés arabes pour en faire des milices, qu’on a appelé les Janjawid. Certains de leurs chefs historiques sont encore présents, les tensions sont restées très fortes. Les Masalit, après la révolution qui a mis fin au régime d’Omar el-Béchir, en ont profité pour revendiquer leurs droits historiques sur les terres, ont demandé leur droit au retour. Ils n’ont pas été entendus. Donc il y a eu régulièrement des violences dans les années 2021. Hemedti, le chef des Forces de soutien rapide, s’est lui-même impliqué pour ramener la paix, ça a duré quelques mois, mais ça n’a pas duré, les tensions sont restées très fortes. C’est un cas assez unique : ailleurs au Soudan, on n’a pas encore observé une telle intensité, des tensions aussi fortes du point de vue ethnique, même s’il n’y a pas que les Forces de soutien rapide qui sont en cause dans la région, on parle aussi de milices arabes, parfois proches des Forces de soutien rapide, mais qui auraient leur propre agenda local, assez distinct de l’agenda politique des Forces de soutien rapide de prise de pouvoir à Khartoum.Après avoir pris Nyala, Zalingei, el-Geneina, les FSR d’Hemedti ont le contrôle quasi-total des régions du Darfour, ils visent désormais El Fasher. Quel est, selon vous, leur prochain objectif ? Est-ce qu’ils ont pris un avantage décisif ?Ils ont certainement pris un avantage décisif. Sur El Fasher, c’est un peu différent, ça semble être logiquement le prochain objectif. Est-ce que la communauté internationale va mettre le holà sur El Fasher en particulier ? D’autant qu’El Fasher est un cas un peu différent parce qu’il y a une très forte présence des groupes rebelles qui ont signé l’accord de paix de Juba en 2020 qui se sont constitués en forces jointes et se sont donné pour mission de protéger notamment les civils, et qui ont envoyé aux FSR le message assez clair que pour eux, El Fasher était un petit peu une ligne rouge. Donc si les FSR insistent pour attaquer El Fasher, il risque d’y avoir une opposition plus forte qu’ailleurs de ces groupes rebelles. Ça pourrait dégénérer en un conflit de nouveau ethnique, cette fois entre communautés arabes et, non pas les Masalit, mais d’autres communautés non-arabes, celles qui sont plus présentes sur El Fasher au Darfour nord, c’est-à-dire les Zaghawa et les Four. Ces communautés sont beaucoup plus fortes, beaucoup plus nombreuses, beaucoup plus étendues géographiquement et mieux armées que les Masalit. Donc, ce conflit pourrait être plus violent. Et par ailleurs, les Zaghawa en particulier, c’est une communauté qui est prédominante au sein du pouvoir et au sein de l’armée tchadienne, donc ça pourrait aussi avoir des conséquences et provoquer une expansion du conflit à l’intérieur même du Tchad.
11/14/20237 minutes, 33 seconds
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François Louncény Fall, ex-Premier ministre guinéen: «Je serai candidat à la prochaine présidentielle»

Il avait pensé prendre sa retraite politique. Mais depuis cet été, le diplomate guinéen et ancien Premier ministre François Louncény Fall a finalement décidé de reprendre le combat politique. Il vient de recréer l'Union nationale des patriotes de Guinée (UNPG). Un parti en train de s'implanter à l'intérieur du pays, et qui va organiser dans les semaines qui viennent des meetings en Allemagne et en France. Pourquoi ce retour et avec quelles ambitions ? Entretien. RFI : François Louncény Fall, vous êtes revenu dans l’arène politique avec la création d’un nouveau parti, l’Union nationale des patriotes de Guinée (UNPG). Qu’est-ce qui vous a poussé à sortir de votre retraite politique ?François Louncény Fall : J’avais décidé, après mes activités avec les Nations Unies en Afrique Centrale, de prendre une retraite, de m’occuper d’une plantation d’ananas. Mais c’est au regard des enjeux actuels de la Guinée que plusieurs compatriotes m’ont encouragés. Parce que, vous savez, l’image de notre pays, c’est l’image d’un paradoxe inexplicable. Un pays qui a des ressources extraordinaires : un tiers des réserves mondiales de bauxite, d’importantes potentialités agricoles et un réseau hydro-électrique très important. Malgré tout cela, les Guinéens vivent dans un état de pauvreté. Et au regard de cette situation, j’ai décidé de me réengager pour mettre fin à ce paradoxe en proposant aux Guinéens une nouvelle politique.Vous avez signé un document intitulé « Ma vision pour la Guinée : mettre fin au paradoxe guinéen », un document qui déroule tout un programme pour le pays. Est-ce que votre objectif, c’est une candidature à la présidentielle qui aura lieu à la fin de la transition ?Bien entendu, je me prépare à être candidat aux prochaines élections présidentielles.Vous avez émis l’hypothèse de rejoindre le dialogue politique que veulent organiser les autorités de la transition. En l'état actuel des choses, ce dialogue s’annonce comme non-inclusif puisque de nombreuses forces ne souhaitent pas s’y associer. Qu’est-ce qui vous pousse, vous, à vouloir vous asseoir à la table des discussions de ce dialogue politique ?Mon souhait aurait été, bien sûr, que ce dialogue soit inclusif. Mais comme vous savez tout au long de mon parcours professionnel, je n’ai jamais cessé de prôner le dialogue. C’est ce que j’ai demandé, recommandé, dans tous les pays où j’ai servi au nom des Nations Unies, et même en Guinée. J’ai présidé un dialogue politique en 2013 en Guinée qui a mis fin, justement, à trois années d’instabilité et qui a permis au gouvernement guinéen d’organiser des élections législatives. En tant qu’homme de dialogue, je ne pouvais pas ne pas participer à ce dialogue.Est-ce que vous êtes inquiet sur la capacité des autorités actuelles de tenir les délais fixés pour cette transition ? On parle, je le rappelle, d’une transition qui devrait prendre fin à l’issue de l’année 2024.C’est vrai que beaucoup de personnes s’inquiètent pour le retard dans l’exécution des différentes étapes de ce chronogramme. Mais je reste confiant dans le fait que le CNRD [Comité national du rassemblement pour le développement, NDLR] tiendra parole et que les élections se tiendront en Guinée. Et surtout que le CNRD s’engagera à ce qu’aucun membre du CNRD ou du gouvernement ne soit candidat. C’est mon souhait et c’est ce que j’espère.Est-ce que cette position et ce que vous venez de nous dire par ailleurs sur le dialogue politique ne fait pas de vous un allié de fait du CNRD à l’heure actuelle ?Au contraire. Je pense qu’en participant au dialogue je ferai valoir mon point de vue. Ce que je viens de vous dire tout à l’heure, je le dirai si je viens au dialogue : à savoir que la charte de la transition soit respectée, qu’on arrive à un retour à l’ordre constitutionnel et que les engagements qui ont été pris dans la charte de la transition soient respectés par tous.Qu’est-ce que vous répondez à nos confrères du journal en ligne ledjely.com qui vous présentent comme « celui qui veut poursuivre l’œuvre du CNRD » au regard du contenu de votre programme ?Moi, je ne suis pas un membre du CNRD, je ne suis pas non plus un allié du CNRD. Tout le monde connaît mon indépendance. Je pense que j’ai fait preuve d’indépendance vis-à-vis de tous les régimes qui sont passés en Guinée. Moi, je suis venu cette fois-ci avec une idée très précise : il faut que les Guinéens puissent bénéficier, enfin, des immenses ressources naturelles dont le pays a été doté, il faut qu’on sorte de la pauvreté.L’actualité guinéenne a été marquée la semaine dernière par la tentative d’évasion de plusieurs personnes jugées dans le procès du massacre du 28 septembre 2009. Est-ce que cette tentative d’évasion nous dit quelque chose des tensions qui perdurent au sein des forces armées ?Je ne crois pas que ce qui s’est passé à Conakry s’explique par des tensions au sein des forces armées. Je pense qu’il n’y a pas trop à s’inquiéter. Il y a eu beaucoup de bruit au cours de ce problème. C’est vrai que c’était une opération un peu rocambolesque… Mais je ne pense pas que la stabilité de la Guinée soit remise en cause avec cet événement. Ce qui est souhaitable, c’est que la transition se passe dans des conditions apaisées, afin que le retour à l’ordre constitutionnel soit assuré. Je pense que c’est le plus grand besoin pour les populations guinéennes aujourd’hui.
11/13/20235 minutes, 36 seconds
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Smarty, rappeur burkinabè: «C'est important d'avoir un discours qui unit les gens et leur donne espoir»

Gagnant de l'édition 2013 du prix Découvertes RFI, le rappeur burkinabè Smarty propose un concert gratuit pour les Ouagalais le 18 novembre. Le mot d’ordre est « Peace and Unity » et tenue blanche pour chaque participant, afin de montrer son unité et sa volonté de paix. Comment se prépare ce grand spectacle gratuit qui aura lieu place du Camp-fonctionnaire à Ouagadougou ? Entretien. À lire aussiBiographie de Smarty
11/12/20237 minutes, 20 seconds
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Mahamat Saleh Annadif, ministre tchadien: «J'aurais aimé une séparation amicale entre l'ONU et le Mali»

Le Tchad n'a pas aimé la façon dont le Mali a organisé l'évacuation de ses soldats de la base de Kidal. Le ministre tchadien des Affaires étrangères, Mahamat Saleh Annadif, le dit franchement sur RFI. Il déplore que ses compatriotes aient été obligés de prendre la route entre Kidal et Gao, au risque de sauter sur des mines. Mahamat Saleh Annadif le dit depuis Riyad, où se tient ce vendredi un sommet de chefs d'État entre l'Arabie saoudite et plusieurs pays africains. RFI : Monsieur le ministre, vous êtes à Ryad pour un sommet entre l’Arabie saoudite et les pays africains. Quelle est l’urgence au vu du conflit sanglant entre le Hamas et Israël ?Mahamat Saleh Annadif : Notre pays a appelé à un cessez-le-feu et nous avons même rappelé notre chargé d’affaires là-bas. Et on compte vraiment sur un cessez-le-feu rapide pour plutôt se pencher sur le fond de la question : la création de deux États, côte à côte, c’est ça le fond du problème.La semaine dernière en effet, vous avez rappelé votre chargé d’affaires en Israël. Est-ce qu’on va vers une rupture des relations diplomatiques entre le Tchad et l’État hébreu ? Nous n’avons pas dit cela. Nous avons simplement rappelé notre chargé d’affaires pour des consultations.Au terme d’un accord conclu à Kinshasa, l’opposant Succès Masra est rentré à Ndjamena après un an d’exil forcé. Est-ce qu’on va vers une fin de transition apaisée ou pas ?En tout cas, nous l’espérons parce que nous estimons que l’accord qui a eu lieu est un bon pas dans le sens de l’apaisement. Et nous espérons tout simplement que les uns et les autres respecteront leurs engagements. Le gouvernement a commencé déjà à respecter ses engagements, notamment l’amnistie qui vient d’être décidée en Conseil des ministres ce mercredi.Alors cette loi d’amnistie, de nombreuses organisations comme Amnesty International s’inquiètent parce que les violences du 20 octobre 2022 ont fait plusieurs centaines de morts. Et ces organisations dénoncent le fait que les violences commises par les militaires, si elles ne sont pas jugées, si elles ne sont pas condamnées, vont renforcer la culture de l’impunité dans votre pays…Les événements du 20 octobre font partie de l’histoire du Tchad. Nous les avons tous regrettés, dénoncés. Ce sont quand même des Tchadiens qui sont morts. Mais je voudrais tout simplement dire aux uns et aux autres que les violences au Tchad n’ont pas seulement commencé depuis le 20 octobre 2022. Durant notre cheminement, nous avons connu beaucoup de violences, et toute amnistie qui tend à réconcilier les Tchadiens est à saluer.Au Nord-Mali, la Minusma n’a pas obtenu toutes les autorisations de vol demandées pour évacuer et sécuriser le retrait de vos casques bleus tchadiens. Plusieurs de vos compatriotes ont été grièvement blessés par des explosifs. Quelle est votre réaction ?Le Tchad a envoyé depuis 2013 un contingent au niveau du Mali. Évidemment, nous aurions aimé une séparation entre la Minusma et le gouvernement malien dans des conditions plus apaisées. Malheureusement, les choses ne se sont pas passées comme elles doivent se faire. Le cas du contingent tchadien, c’est vrai qu’il y a eu des pertes. Vous savez que, depuis le déploiement de la Minusma en 2015, les Tchadiens qui sont morts constituent un tiers de tous les décès que la Minusma a connus. Donc, le Tchad a déjà perdu beaucoup, mais nous estimons que c’est pour la bonne cause, c’est pour aider à ce qu’il y ait la paix au niveau du Mali. Maintenant, nous nous sommes retirés, peut-être pas dans des conditions idéales. Les troupes sur leur parcours ont eu quelques incidents. Il y a eu des blessés, c’est vrai. On a évacué des gens sur Ndjamena. Mais de façon globale, j’aurais aimé, j’aurais souhaité en tout cas, une séparation entre les Nations unies et le gouvernement malien dans des conditions plus amicales.Est-ce que vos amis maliens ne sont pas un petit peu ingrats à l’égard des Tchadiens après tous les sacrifices que ceux-ci ont consentis pour le Mali ?Ce sont des mots que je n’emploie pas. Je souhaite la paix surtout au Mali.En tout cas, cette séparation ne se passe pas, comme vous dites, de façon très amicale…Ça, c’est clair. J’aurais aimé que cette séparation soit plus amicale que cela.Les relations entre Ndjamena et Bamako étaient fondées sur la confiance. Est-ce qu’elles vont pouvoir rester confiantes ?Le Mali traverse une phase difficile. Souhaitons seulement qu’il sorte de cette phase difficile. Les relations entre les États peuvent connaître des moments de difficulté, mais dans tous les cas, nous demeurons des pays amis avec le Mali.Et que pensez-vous de cette tentative de reconquête militaire des ex-bases Minusma du Nord-Mali par les Forces armées maliennes avec leurs supplétifs russes de Wagner ?Je souhaite que la sagesse l’emporte et que cette guerre-là puisse s’arrêter, et qu’on revienne plutôt à la table des négociations, et qu’on revienne surtout à l’accord pour la paix que personne pour le moment n’a dénoncé.À lire aussiGabon: Brice Oligui Nguema à Riyad pour le premier sommet Arabie saoudite-Afrique
11/10/202310 minutes, 41 seconds
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Burkina Faso: «On s’en prend au totem burkinabè, le droit à la parole»

Ahmed Newton Barry, journaliste et ex-président de la Commission électorale burkinabè, fait partie - avec d'autres personnalités : journalistes, syndicats, représentants d'organisation de la société civile - de ceux qui sont dans le collimateur du pouvoir à Ouagadougou du fait de ses prises de positions et critiques à l'encontre du régime en place. Le dernier épisode en date dans le bras de fer entre le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration et ses détracteurs : la dizaine de convocations militaires que le pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré a envoyées à ceux qui ont critiqué sa gestion et voulu organiser un meeting le 31 octobre dernier.   Est-ce que vous êtes étonné du bras de fer qui se joue en ce moment entre le gouvernement de transition et de nombreux acteurs de la société civile burkinabè ? Ahmed Newton Barry : Non, parce que ça a commencé petitement. Ils ont essayé sur les marginaux depuis mars, c’est-à-dire un certain nombre de personnes qui ne représentaient pas forcément grand-chose au sein de la société. Ils se sont rendu compte qu’il n’y avait pas de réaction. Donc naturellement, aujourd’hui, ils s’attaquent à ceux que les militaires pourraient dire les cibles dures. « Les cibles dures », c’est le Balai citoyen, la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B), le Mouvement des droits de l’homme… Oui, absolument. Tous ceux que, jusqu’à présent, on a considéré comme des personnes inattaquables, en tout cas intouchables, qui sont donc au niveau des syndicats. Vous savez dans notre histoire politique, les syndicats ont été les éléments quand même extrêmement respectés. Dans le cas de la société burkinabè, c’est vrai par le passé, il y a eu des répressions. Mais tous les régimes qui ont fait ça l’ont payé cash. Donc, ce qui fait qu’il y a beaucoup de respect pour les syndicats. Et jusqu’à présent aussi, curieusement, je pense que c’est ça aussi ce que les uns et les autres paient parce qu’on a laissé faire. Aujourd’hui, ils s’attaquent comme je le dis vraiment aux cibles dures, c’est-à-dire les responsables syndicaux, les responsables d’OSC [organismes de la société civile] et puis des journalistes qui sont critiques vis-à-vis du régime. L’une de ces entités symboliques s’il en est, c’est le Balai citoyen qui en 2014, on le sait, a été un acteur majeur de la chute de Blaise Compaoré. Que l’autorité en place actuelle s’en prenne au Balai citoyen, qu’est-ce que ça dit du pays ? Cela veut dire que progressivement, le régime est en train de visser toutes les possibilités d’expression, c’est-à-dire toutes les structures, qui représentent quelque chose et qui sont en capacité de porter la contradiction au régime, sont évidemment dans le collimateur et doivent se taire. Moi, je le disais en décembre l’année dernière, lorsque pour la première fois ils s’en sont pris à RFI, avec la suspension de RFI en décembre, j’étais l’un des rares journalistes à dire : attention, ça commence comme ça et après ça va museler en interne, et ainsi de suite. Donc, progressivement, on a grignoté les libertés. On en est aujourd’hui à une situation qui effraie tout le monde et tout le monde se sent aujourd’hui en danger. Au pays de Norbert Zongo [journaliste assassiné en 1998, qui dénonçait les malversations du régime Compaoré, la corruption, les détournements de fonds, mais aussi les atteintes aux libertés], comment se fait-il qu’on ne puisse plus s’exprimer aussi librement que par le passé ? C’est ce qui est paradoxal, parce qu’on avait pensé deux choses, c’est-à-dire qu’on pensait qu’au Burkina-Faso, il y a un certain nombre de choses qui sont considérées comme acquises et pour toujours. Ensuite, nous avons affaire quand même à Ibrahim Traoré qui est un jeune, qui a donc participé à la lutte du collectif, et puis également qui est imprégné des idées de liberté et de démocratie. Il se trouve que c’est à la fois lui qui s’en prend à ce qui est considéré comme le totem burkinabè, le droit à la parole, pour laquelle Norbert Zongo s’est sacrifié et pour laquelle vraiment, depuis 1960, l’ensemble des générations successives ont considéré que c’était réellement la ligne rouge. C’est très très grave. Maintenant, le vrai problème, c’est qu’on avait avant une démocratie sans démocrates, et maintenant on n’a plus de démocratie. On est aujourd’hui à la croisée des chemins. On a vu un florilège de réquisitions militaires fleurir depuis le 31 octobre, ce fameux meeting qui n’a finalement pas eu lieu. Est-ce que vous êtes vous-même concerné ? C’est ce que j’entends. J’avoue que jusqu’à présent, je n’ai pas été notifié, mais je ne suis pas surpris. Comme je vous dis, depuis longtemps, toutes les voix discordantes sont dans le collimateur du pouvoir et sont vouées à se taire. Il ne faut pas mettre ça sous l’angle de la réquisition militaire. Il faut le mettre sous l’angle de la répression de la liberté et de la liberté d’expression. C’est-à-dire que c’est un régime qui en fait est irritable vraiment sur les questions de la contradiction. Malheureusement, c’est devenu aujourd’hui une sorte de punition pour ceux qui ne sont pas d’accord avec le régime. En fait, une sorte de camp de rééducation à la nouvelle morale politique instituée par le régime du capitaine [Ibrahim Traoré]. 
11/9/20234 minutes, 23 seconds
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Jeux olympiques de la Jeunesse de Dakar: «L’olympisme charrie des valeurs que nous avons besoin de disséminer» (Ibrahima Wade)

Alors que les Jeux olympiques de Paris 2024 se rapprochent à grands pas - nous ne sommes plus qu'à 261 jours de la cérémonie d'ouverture - le Sénégal continue d'avancer dans l'organisation des Jeux olympiques de la Jeunesse de Dakar, du 31 octobre au 13 novembre 2026. Plusieurs milliers d'athlètes âgés de 15 à 18 ans se rassembleront à travers 35 disciplines. S'il reste évidemment beaucoup à faire à trois ans de l'échéance, les différents dossiers avancent à un bon rythme et les jeunes Dakarois commencent à se prendre aux Jeux, comme l'explique le coordinateur général de ces JOJ, Ibrahima Wade. Il est l'invité d'Afrique matin et il est avec notre envoyé spécial Christophe Diremszian. RFI : Il y a maintenant trois semaines, à la session du CIO [Comité international olympique] à Bombay en Inde, vous avez fait un point d’étape de l’organisation de ces JOJ 2026, notamment du point de vue des infrastructures. Est-ce que, sincèrement, on est dans les temps ? Ibrahima Wade : Nous sommes très très bien dans les temps, à tous égards. Vous avez évoqué la question des infrastructures, je voudrais simplement préciser que le projet de Dakar concerne très peu d’infrastructures en construction ou en réhabilitation, parce que le projet est adossé, pour les sports d’eau et de plage sur Saly avec des installations temporaires. Au niveau de Diamniadio, qui est l’épine dorsale du dispositif, vous avez vu toutes ces belles infrastructures sportives. Le point nodal est l’université d’Amadou Mahtar Mbow qui devrait abriter le village olympique, cette université est aujourd’hui prête, ouverte, occupée par les étudiants. Bien entendu, il y a ces deux infrastructures que nous avons pris le parti de réhabiliter, mais plus dans une logique d’héritage, il s’agit du stade Iba Mar Diop et de la piscine olympique. La prise de position du site est effective et les travaux devraient démarrer incessamment, premier semestre 2024.Ces JOJ, du point de vue du financement, ne reposeront pas essentiellement sur la billetterie, néanmoins, il va quand même exister un système de billetterie, mais gratuite.Dans le cadre du programme de bouclage financier, nous n’avons pas du tout intégré la billetterie comme poste de ressources. Par contre, nous avons décidé de garder un système de billetterie, mais gratuite, pour deux raisons : la première, c’est pour des raisons évidentes de sécurité, savoir combien de personnes peuvent accéder au niveau des infrastructures et pouvoir justement gérer le principe de la jauge.L’aspect le plus important de ces Jeux olympiques de la jeunesse, c’est surtout l’héritage et la capacité d’accélération de l’éducation sportive des jeunes. Dans ce domaine, qu’est-ce qui est déjà en place et qu’est-ce qui est prévu ? Nous avons à ce niveau beaucoup d’éléments. Nous avons d’abord tout un département que nous avons appelé Engagement et mobilisation de la jeunesse. Nous venons de sortir justement de la deuxième édition du festival « Dakar en jeux », qui allie sport, culture, jeunesse, qui a été un excellent grand succès après la première édition. Deuxième élément, c’est le « Kids olympic skills », c’est-à-dire, aujourd’hui, généraliser la pratique du sport dans la perspective des JOJ et il s’agit de porter la découverte de certains nouveaux sports qui sont au programme des JOJ mais qui ne sont pas pratiqués au Sénégal, vers les écoles, vers les quartiers. Troisième élément, c’est le Brevet olympique civique et sportif. Vous savez que l’olympisme charrie des valeurs qui sont extrêmement importantes que nous avons besoin de disséminer aujourd’hui dans ce monde en turbulences, où la jeunesse a besoin de repères, de valeurs. Et justement, nous l’avons combiné avec ce qu’on appelle l’initiation au civisme que nous contribuons à disséminer déjà dans les 11 000 établissements scolaires du pays pour une cible de 900 000 élèves. Donc la phase de pré-héritage a été lancée, et c’est pour ça que le CIO a l’habitude de dire qu’avec les Jeux de Dakar, on a l’héritage avant les Jeux.Il existe une convention de partenariat entre Dakar-2026 et Paris-2024, quel est le niveau de cette collaboration ? Et plus généralement avec l’État français ? Nous avons un excellent cadre de partenariat qui s’inscrit sur deux axes. D’abord, d’une manière globale, sur le pilotage et la co-présidence de l’alliance Dioko, ce cadre de partenariat autour du sport entre institutions françaises et institutions sénégalaises. Paris-2024, c’est également un héritage sur le matériel post-Paris, sur lequel nous continuons les discussions en termes de matériel, d’équipements sportifs, pour qu’une fois les Jeux de Paris terminés, il soit transféré à Dakar. Les équipes de Dakar, dans quelques mois, quelques semaines, vont aller rejoindre les équipes de Paris totalement en immersion, imbriquées avec elles, pour se faire la main. Et troisième élément, c’est tout ce réseau de ressources humaines, comme je le dis souvent, de binationaux sénégalais-français, qui sont là-bas, qui travaillent dans l’équipe de Paris, et qui ont bien envie de venir appuyer l’organisation des Jeux olympiques dans leur premier pays, ou dans leur deuxième pays.Et Dakar-2026 sera également présent, physiquement, en termes de représentation lors des Jeux olympiques de Paris, de quelle manière ? Nous avons retenu d’organiser le club Dakar-2026 au niveau de l’Île-Saint-Denis, où nous avons toutes les commodités pour pouvoir véritablement montrer ce que nous sommes en train de faire, tenir des cycles de conférences scientifiques avec des universités en France en relation avec des universités sénégalaises, ou la diaspora intellectuelle sénégalaise, et même tout simplement la diaspora, leur montrer qu’après Paris, ce sera le tour de l’Afrique à Dakar. Nous avons justement retenu avec Paris 2024 d’avoir, à quelques jours de la cérémonie de clôture, une conférence de presse conjointe pour annoncer le rendez-vous de Dakar.
11/8/20234 minutes, 31 seconds
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Paulette Missambo, présidente du Sénat au Gabon: «Une transition ne peut égaler la durée d’un mandat»

Il y a quatorze ans, Paulette Missambo, ancienne proche collaboratrice d’Omar Bongo claquait la porte du PDG, l’ancien parti au pouvoir. Elle était devenue l’une des farouches opposantes au régime défunt. Elle été nommée présidente du Sénat par les autorités de la transition et lundi dernier, elle a ouvert la première session du Sénat de transition. A-t-elle renoncé à son rêve de devenir présidente de la République ? Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la transition, peut-il briguer le fauteuil présidentiel ? Quelle est la durée de la transition ou encore le Gabon doit-il aussi chasser les militaires français ? Paulette Missambo répond à notre correspondant Yves-Laurent Goma. RFI : Paulette Missambo, il y a une semaine, vous avez prononcé le discours inaugural du Sénat de la transition. Sur le podium, à ce moment-là, à qui ou à quoi pensiez-vous ? Paulette Missambo : C’était un moment d’intense émotion. J’ai d’abord pensé à tous ceux qui ont mené ce combat de la liberté avec moi, et qui nous ont quitté trop tôt. Ensuite, j’ai pensé au peuple gabonais, qui a bien accueilli le « coup de liberté », comme le dit le président de la transition, et j’ai réalisé l’importance de ma mission, le poids de la responsabilité pour que nous fassions de cette transition une réussite.Le général Brice Clotaire Oligui Nguema promet des élections libres, mais il ne dit pas quand. Est-ce que cela ne vous inquiète pas ? Non, cela ne m’inquiète pas, parce qu’il a en même temps affirmé qu’il laissait la possibilité de l’organisation d’un dialogue national, et que c’est ce dialogue national qui devrait mettre en place les conditions d’organisation des élections. L’important pour moi, c’est de contribuer à la mise en place des conditions d’organisation d’élections libres, transparentes et crédibles.Parmi les grandes zones d’ombre qui restent de l’ancien régime d’Ali Bongo, il y a la répression meurtrière qui a suivi la présidentielle de 2016. Certains parlent même de 300 morts. La transition actuelle peut-elle être l’occasion de connaître la vérité ? D’abord, c’est un souvenir très douloureux. S’il y a une justice transitionnelle à mettre en place, je pense qu’il n’y a que le dialogue national qui peut créer les contours de cette justice, mettre en place une commission vérité et réconciliation. Je pense qu’il n’y a que le président élu après la période de la transition qui pourra mettre en œuvre les décisions que pourraient suggérer le dialogue national.Selon la charte de la transition, tous les dirigeants de la transition ne peuvent être candidat à l’élection présidentielle qui sera organisée pour mettre fin à cette même transition. Doit-on croire que vous, vous avez accepté de mettre un terme à votre rêve de devenir présidente de la République du Gabon ? D’abord, être présidente n’a jamais été une obsession pour moi. J’ai fait le choix, moi, de m’engager pour qu’au cours de cette transition, on crée les conditions d’organisation d’élections libres, transparentes, et crédibles. Et compte tenu des combats que j’ai menés avec tous ceux qui ont souffert pendant des années d’élections tronquées – et le cas de 2023 est encore plus parlant, parce que là, c’était vraiment un braquage honteux –, en ce sens, j’ai estimé que c’était le moment.Le général Oligui Nguema semble ne pas être concerné par cette restriction. Qu’en pensez-vous ? Le sentiment que j’ai eu en rencontrant le président de la transition, à chaque fois, c’est qu’il est volontaire et décidé à faire de la place aux politiques, à toutes les forces vives de la nation, pour qu’on décide ensemble de l’avenir de notre pays, donc je lui fais confiance.On parle d’un projet de dialogue national. Vous l’avez d’ailleurs dit. À votre avis, quelles seront les principales thématiques qui devront être débattues durant cette rencontre ? Déjà, il y a le problème de la Constitution. Et puis, il y a tout ce qui a trait à la question électorale. Nous avions d’ailleurs à l’époque présenté un mémorandum au gouvernement sortant, et ils n’en ont pas tenu compte.Quelle est la durée que vous souhaitez ? Deux ans ? Trois ans ? Ou cinq ans au pouvoir, des militaires ? Une transition ne peut pas égaler la durée d’un mandat. Donc, il appartiendra au dialogue national et au président de la transition de faire le point et de trouver la moyenne mesure.Depuis deux ans, les militaires français ont été chassés de trois pays africains. Le Gabon, votre pays, doit-il suivre cet exemple ? D’abord, il faut noter que les pays concernés vivent une situation de crise sécuritaire liée au terrorisme. Et donc, ce n’est pas du tout la situation du Gabon. Je voudrais également souligner que les accords de défense sont du domaine réservé du chef de l’État, et donc je pense que c’est à lui qu’il faudrait poser la question. Mais en tant que citoyenne, je voudrais simplement souligner et recommander à la France d’entendre les peuples africains, d’entendre ceux qui rêvent d’un mieux-être, qui rêvent de liberté.
11/7/20237 minutes, 38 seconds
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Guinée: «Le colonel Pivi a très peu de chances de s'échapper», affirme le ministre Ousmane Gaoual Diallo

Le week-end a été agité à Conakry avec l'évasion samedi à l'aube de quatre des accusés dans le procès du massacre du 28 septembre 2009. Trois d'entre eux, donc l'ex-chef de la junte Moussa Dadis Camara ont regagné leur prison dès samedi soir. Son avocat affirme qu'il avait été emmené à son insu. Ce lundi matin, le colonel Claude Pivi, son ancien ministre de la Sécurité, est en revanche toujours introuvable. Son fils aurait organisé l'opération. Que s'est-il passé ? Y a-t-il eu des complicités ? Le procès en cours va-t-il pâtir de cet événement ? RFI a posé ces questions au porte-parole du gouvernement guinéen de transition Ousmane Gaoual Diallo. RFI : Des quatre personnes qui ont quitté samedi matin la maison centrale de Conakry, seule une, le colonel Claude Pivi, est encore en cavale, que sait-on sur sa situation ?Ousmane Gaoual Diallo : Écoutez, ce que l’on peut en dire, c’est que des dispositions sont mises en place pour faire en sorte qu’il revienne rapidement à la maison centrale sain et sauf et qu’il puisse participer à la manifestation de la vérité sur les événements du 28 septembre. Maintenant, s’il n’était pas retrouvé rapidement, cela ne pourrait pas, de toute façon, entraver la conduite du procès.Pour vous, il n’a aucune chance de s’échapper ?Écoutez, compte tenu des dispositifs mis en place, il y a très peu de chances, on ne peut pas dire aucune, mais il y a très peu de chances qu’il s’échappe. Le mieux serait qu’il trouve le moyen de se mettre à disposition de la justice. Il faut faire en sorte que tout ceci s’arrête et qu’on puisse tranquillement dérouler ce procès.Ce dimanche soir de nouvelles informations ont été portées à la connaissance des autorités laissant entendre qu’il y a bien eu des complicités internes au niveau de la maison d’arrêt.Oui, il y a eu une accélération des enquêtes qui ont apporté des éléments de clarification montrant que le commando a pu entrer parce que des agents postés sur place les ont laissé entrer, leur ont ouvert. Des éléments objectifs sont disponibles pour attester cela et la conséquence immédiate, c’est que des décisions fortes ont été prises à ce niveau-là. Toutes les personnes qui ont été identifiées formellement ont été radiées, qu’ils appartiennent à l’armée, à la gendarmerie ou qu’ils soient des agents pénitenciers. Ils sont tous radiés des effectifs et la prison de Coronthie passe sous un régime de haute-sécurité avec une très forte présence des agents des Forces de défense et de sécurité qui vont continuer à sécuriser les lieux aussi longtemps que possible.Qui sont les personnes radiées ?Dadis [Camara] n’était plus militaire depuis un moment, donc les trois évadés sont les colonels Tiegboro, Goumou et Pivi. À cela s’ajoute près de 75 autres personnes, qu’ils appartiennent aux bérets rouges du bataillon qui était en faction sur place, qu’ils appartiennent à la garde républicaine au camp de Camayenne dont certains étaient chargés de surveiller ce tronçon-là, ainsi que des gendarmes qui étaient sur les lieux et des gardes pénitenciers.Avec ces complicités importantes, ne craignez-vous pas d’autres événements déstabilisateurs ?Non, il n’y a pas d’inquiétude particulière. C’est un fait, qui est avéré. Les enquêtes se sont accélérées avec la gendarmerie impliquant cela sous la coupe de l’appareil judiciaire. Et je pense que, dans les heures qui vont suivre, des informations plus larges seront communiquées. De toute façon, c’est la suite logique de ce qui devrait arriver lorsque des complicités sont avérées. Pour ce qui est de l’armée, ils prennent leurs dispositions. Je pense que la justice devrait suivre.On a entendu sur notre antenne l’avocat de Moussa DadisCamara défendre la bonne foi de son client, assurer qu’il avait été emmené à son insu. Mais vous, vous estimez bien qu’il s’est évadé ?C’est difficile de dire que quelqu’un a été transporté sur moto à son insu. C’est difficile à expliquer. Maintenant on va attendre d’avoir les explications. Nous, ce que nous ne voulons pas, c’est d’entrer dans des jeux de polémiques avec des avocats. Je pense que l’avocat, il a dû peut-être parler de bonne foi en fonction des informations qu’il avait à l’instant où il communiquait. Mais il faut attendre de comprendre comment tout ça s’est passé, ça permettra de donner la bonne version à toutes les parties. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire sur la récupération de Moussa Dadis Camara et son retour à la maison centrale ?Ça s’est très bien passé. Il n’y a pas eu de résistance ni d’échange de coups de feu, ça s’est très bien passé. Maintenant, ce qui est clair, il faudrait bien qu’on comprenne que le procès du 28 septembre, ce n’est pas seulement un procès pour punir des coupables, c’est aussi un procès pour réconcilier les Guinéens avec leur Histoire. Et c’est important pour nous, c’est important pour l’Histoire, c’est important pour le peuple de Guinée et même pour l’Afrique.Mais vous, vous ne craignez pas d’impacts, même à terme, de cet événement sur le procès ?Non, pas à ce stade. On aurait pu craindre si on n’avait pas pu retrouver les fugitifs. Maintenant, à ce stade où l’essentiel des personnes qui ont tenté de s’exfiltrer de la prison ont été retrouvées, cela devrait faciliter le déroulement du procès. Et nous espérons que la quatrième personne qui est encore en cavale va regagner la prison, pour faire en sorte que le procès puisse continuer tranquillement et que les Guinéens puissent finalement continuer à suivre ça. C’est un procès qui passionne, sur lequel nous avons tous une attention particulière. Et donc à ce stade, on n’a vraiment pas à craindre le pire.►NB : les audiences devaient reprendre ce lundi mais sont reportées en raison d'une grève des avocats qui dure au moins toute la semaine.
11/6/20234 minutes, 40 seconds
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«Derrière ton masque»: le nouvel opus du musicien camerounais Henri Dikongué

Portrait d’un revenant sur la scène musicale africaine. Le Camerounais Henri Dikongué revient après presque une décennie d’absence avec un nouvel album intitulé « Derrière ton masque ». Le chanteur de « C’est la vie » n’a rien perdu de sa voix claire et de son sens de la mélodie.
11/5/20235 minutes, 30 seconds
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Crises au Sahel: «L'aide internationale au développement a échoué dans ses grands objectifs stratégiques»

L'anthropologue Jean-Pierre Olivier de Sardan vient de faire paraître un ouvrage intitulé L'enchevêtrement des crises au Sahel (éditions Karthala). Qu'elles soient agro-pastorales, politiques, sécuritaires, qu'elles touchent à l'emploi, aux services publics ou aux armées, les multiples crises n'ont jamais connu de solutions satisfaisantes, ni de la part des dirigeants des pays concernés, ni de la part de l'aide au développement internationale qui n'a jamais eu les effets escomptés, selon le chercheur franco-nigérien. 
11/3/20234 minutes, 16 seconds
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Assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon: «Il ne faut jamais clôturer vite un dossier comme celui-là»

Il y a dix ans, ce 2 novembre, que nos collègues de RFI Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été assassinés à Kidal, dans le nord du Mali. Ils étaient en reportage lorsqu’un commando d’Al-Qaïda au Maghreb islamique les a enlevés avant de les exécuter, moins d’une heure plus tard, aux portes de la ville. Aujourd'hui, l’enquête judiciaire est toujours en cours en France. Des avancées ont été réalisées, des certitudes acquises, mais des zones d’ombre demeurent. Pour faire le point sur la procédure, Marie-Pierre Olphand et David Baché ont interrogé maître Marie Dosé, l’avocate de l’Association des amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Marie-Pierre Olphand : Dix ans après l’assassinat de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon, l’enquête est toujours en cours. Vous vous attendiez à ce que le combat pour établir la vérité soit si long ?Maître Marie Dosé : Ce sont des dossiers qui prennent nécessairement énormément de temps et parfois même, ils aboutissent à beaucoup moins d’informations mises en lumière que dans ce dossier précisément. Les membres du commando sont identifiés. Nous savons qui ils sont, c’est déjà beaucoup ! Moi, j’ai l’habitude, et je ne veux pas faire de parallèle avec des dossiers précis, mais on sait combien il est difficile dans ces pays de mener des investigations, d’obtenir de vraies coopérations judiciaires. En tout état de cause, là au moins, ce qui s’est passé est délimité. Et ceux qui ont enlevé et tué Ghislaine Dupont et Claude Verlon sont identifiés.David Baché : Le juge d’instruction en charge de l’affaire a rencontré les parties civiles la semaine dernière. Vous avez participé à cette réunion. Jean-Marc Herbaut a-t-il fait état d’avancées particulières, notables ?Il y a eu des avancées sur lesquelles il est revenu et notamment des exploitations téléphoniques qui ont permis de mettre en exergue le fait que Ghislaine et Claude étaient surveillés et que d’autres complicités doivent pouvoir être travaillées, parce que ça ne s’est pas arrêté au simple commando. Il y a eu d’autres complicités extérieures. Ça, c’est le premier point. Ensuite, la dernière requête en déclassification auprès du ministère de la Défense a été plutôt fructueuse. Il [le juge d’instruction, NDLR] a obtenu des renseignements précis sur ceux qui portent la responsabilité de ces enlèvements et de ces deux assassinats.D.B. : Des éléments de biographie ?Des éléments d’identification et de biographie, mais des éléments suffisamment précis pour pouvoir être exploités. Par contre, ce qui ressort de cette audition de parties civiles, mais nous le savions, c’est qu’il n’y a plus aucune coopération judiciaire entre la France et le Mali, et que là nécessairement, cette instruction va être gelée, ou en tout cas, pendant des mois, peut-être des années, elle va être extrêmement difficile à poursuivre puisque, tout simplement, il n’y a plus de travail possible au Mali aujourd’hui.M.P.O. : Est-ce que cela veut dire qu’il n’y a plus d’échanges du tout avec le juge malien en charge de l’instruction ?Mais c’est pire que ça, il n’y a plus de juge malien en charge de l’instruction ! Il a existé, ils ont pu travailler [les juges français et malien, NDLR]. Il a aidé notamment s’agissant de la récupération de certaines données qui permettent aujourd’hui d’avancer dans la manifestation de la vérité. Mais là, il n’y a plus d’interlocuteur, donc il n’y a plus de coopération. C’est fini.D.B. : Vous avez parlé de l’exploitation des données téléphoniques. Aujourd’hui, ces données téléphoniques permettent d’établir qu’il y a eu un réseau de complicité plus large qu’imaginé au départ ? C’est sur cela que portent les investigations actuellement ?Je pense que les magistrats instructeurs n’imaginent rien. Ils ouvrent des portes, puis ils les ferment. Là, en l’occurrence, les exploitations téléphoniques ont montré que depuis leur arrivée à Kidal, il semblerait que Ghislaine et Claude étaient surveillés. Donc, en tout état de cause, il y a eu des complicités extérieures aux membres du commando.À lire aussiAssassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon: dix ans après, des certitudes et des doutesM.P.O. : Est-ce qu’on sait si ces complicités concernent des personnalités encore vivantes aujourd’hui ?Il est tout à fait possible que certaines personnes encore vivantes soient actuellement à Kidal et puissent avoir été complices de cette opération. Mais je dis bien qu’il est « tout à fait possible », je ne peux pas vous l’affirmer avec précision aujourd’hui.D.B. : Cela fait quatre années que le juge d’instruction demande des documents aux Nations unies, notamment des photos qui ont été prises à Kidal par des Casques bleus, peu avant l’enlèvement de Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Où en est-on de cette demande ?Alors, j’avoue que je comprends très mal ce qui se passe avec l’ONU parce que, dans ce dossier, l’ONU a été très ferme sur le Secret Défense et a d’ailleurs vilipendé la France en expliquant que le Secret Défense freinait la manifestation de la vérité. Mais force est de constater que depuis quatre années maintenant, nous attendons des photographies qui ne viennent pas. Le magistrat instructeur n’a tout simplement aucune réponse ! L’Association des amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon s’est adressée directement à l’ONU. J’ai écrit ! J’ai écrit au nom de l’association directement à l’ONU en leur demandant de transmettre ces photographies. Et nous n’avons aucune réponse. Il semblerait que l’ONU ait adressé une réponse qui serait sur le bureau du ministère des Affaires étrangères, et toujours pas transmise au juge d’instruction en indiquant qu’aucune photographie n’avait été prise. Ce qui est absolument impossible. Évidemment que des photographies existent et je ne comprends pas cette réticence, en tout cas ces quatre années où strictement rien ne s’est passé s’agissant de cette coopération.M.P.O. : Pourquoi ces photos sont-elles importantes pour vous ?Les photographies sont toujours importantes, notamment parce que trois, quatre jours avant leur enlèvement, il y a eu une manifestation où, peut-être que des complices étaient présents. Peut-être même des membres du commando ? Les photographies doivent toujours être dans les dossiers d’instruction pour pouvoir être exploitées et comparées au fur et à mesure des investigations menées. Donc, c’est toujours extrêmement important.D.B. : Le juge d’instruction a récemment auditionné Olivier Dubois, journaliste et ex-otage au Mali d’Al-Qaïda, libéré en mars dernier. Olivier Dubois s’est retrouvé face à Seidane Ag Hitta, l’un des principaux chefs du Jnim lié à al-Qaïda, et qui avait personnellement commandité l’enlèvement de Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Est-ce que cette audition a apporté de nouveaux éléments ?Elle a d’abord permis de confirmer une chose : c’est que c’est bien ce véhicule qui était en panne et qui a empêché les ravisseurs de poursuivre leur route, et qui a fait que la voiture s’arrête et que donc, tout le monde descend. Ensuite, ce qu’il a pu préciser, c’est que ce n’est pas lui qui avait ordonné l’assassinat. Cela n’a pas empêché évidemment la revendication. Mais ce n’est pas lui qui l’avait ordonné, ça a été une décision des membres du commando au moment où justement ils ont été obligés de prendre la fuite, ce qui d’ailleurs ne semblait pas avoir surpris ce témoin en expliquant que de toute façon, les jihadistes expliquent qu’à un moment donné lorsque l’on fuit et que les otages refusent de fuir, ils sont exécutés. Je ne sais pas si Ghislaine et Claude ont refusé de fuir. Leurs amis, leurs proches indiquent aujourd’hui, eu égard à ce qu’ils étaient et à leur expérience, que c’est absolument impossible. Là, on ne va pas pouvoir, de toute façon, tisser exactement le scénario de ce qui s’est passé. Mais au moins, cette audition aura permis de confirmer que la voiture s’est arrêtée, qu’ils n’ont pas pu poursuivre leur trajet et qu’à partir de là, tout le monde est descendu et les otages ont été assassinés.À lire aussiLe journaliste Olivier Dubois présent lors d'un hommage rendu à Ghislaine Dupont et Claude Verlon à ParisM.P.O. : Un seul des quatre ravisseurs présumés est toujours vivant. Peut-on envisager qu’il soit appréhendé, interrogé dans le contexte actuel des relations entre la France et le Mali ?Dans le contexte actuel, non. Absolument pas. Mais il ne faut jamais clôturer vite un dossier comme celui-là. Il faut attendre, il faut persévérer. Il faut essayer malgré tout de travailler. Et puis surtout, il faut espérer que dans un an, deux ans, trois ans, une coopération puisse de nouveau être effective entre les deux pays. Il n’est jamais trop tard, jamais.
11/2/20237 minutes, 12 seconds
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«Centrafrique: la fabrique d'un autoritarisme»: avec le changement de Constitution, «Touadéra a une assurance de rester au pouvoir»

« Centrafrique : la fabrique d'un autoritarisme ». C'est le titre d'une étude publiée par le Centre de recherche international de SciencesPo et qui explore la construction du pouvoir du président Touadéra depuis 2017. À la fois dans la continuité des pratiques historiques dans le pays et du contexte international de notre époque. Entretien avec le chercheur Roland Marchal, spécialiste de la région et auteur de l'étude. À lire aussiCentrafrique: le président évoque «des avancées majeures» dans le processus politique et de pacification du pays
11/1/20234 minutes, 59 seconds
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Congo-Brazzaville: «Les agriculteurs n'ont pas été indemnisés» dans le cadre du projet forestier BaCaSi

Il y a près de deux ans, TotalEnergies lançait, avec l’État congolais, le projet BaCaSi, dans le département des Plateaux. L'objectif était de créer un massif forestier sur près de 40 000 hectares en l’espace de dix ans et développer l’agroforesterie. Problème, ce projet se serait développé au détriment des populations locales, dénonce le Secours catholique, le CCFD-Terre Solidaire et la Commission diocésaine Justice et Paix de Pointe-Noire, dont Brice Mackosso est le secrétaire permanent. RFI : Brice Mackosso, ce projet BaCaSi a donc été inauguré en novembre 2021, 55 000 hectares ont donc été alloués à TotalEnergies. Ces terres-là, vous dites, sont constituées de savanes et de forêts galeries utilisées notamment pour la culture du manioc. Le premier problème, dites-vous, c’est que les populations locales ont été évincées de ces terres avec l’arrivée de ce projet…Brice Mackosso : Exactement, puisqu’il a été demandé à tous les agriculteurs de cesser les activités sur cette zone. Les autochtones également ont été priés de ne plus mener d’activités dans ces forêts galeries [forêts denses fermées qui accompagnent les cours d'eau dans les régions de savanes, NDLR] ceci avant que le plaidoyer de nos trois organisations ne soit mis en place.Est-ce que les populations locales ont été prévenues en amont de ce projet ?D’après le gouvernement et TotalEnergies, évidemment les populations ont été prévenues. Mais lorsque nous avons discuté avec ces mêmes populations, elles nous ont fait savoir qu’elles ne comprenaient pas très bien le projet et qu’il y a eu beaucoup de surprises aussi bien du côté des terriens que des agriculteurs sur le développement actuel du projet.Ce que vous dites un petit peu dans ce rapport, c’est que, pour vous, il n’y a pas eu vraiment de concertation entre TotalEnergies et les populations locales…Exactement. Je parlerai des terriens par exemple à qui on dit qu’ils ont vendu la terre, alors que, d’après les terriens de la zone, il y a eu juste une compensation symbolique, un franc symbolique qui a été donné aux populations. Le gouvernement a dit : nous prenons vos terres pour développer le pays. Mais après le discours qui a été servi, c’est que les terriens ont vendu la terre et que ça, ces terriens Batéké qui ne vendent jamais leurs terres sont un peu frustrés de ce comportement mercantiliste qui leur a été attribué.Et les populations après coup n’ont pas été indemnisées par TotalEnergies dans le cadre de ce projet ?Dans le cadre de ce projet, les agriculteurs n’ont pas été indemnisés. Il leur a juste été demandé de faire les récoltes et de cesser toute autre activité agricole dans la zone. Mais il n’y a pas eu d’indemnisation dans le sens où ces agriculteurs, qui avaient investi des sommes d’argent déjà pour louer la terre auprès des terriens, et également pour travailler cette terre, ces agriculteurs n’ont pas été indemnisés pour les fonds investis dans le cadre de leur activité qu’ils menaient dans la zone.À travers ce projet BaCaSi, ce que vous dénoncez, c’est ce système de compensation carbone utilisée par les multinationales comme TotalEnergies. Expliquez-nous-en quelques mots ce que c’est cette compensation carbone…La compagnie décide de planter des acacias pour séquestrer du carbone. Mais là encore, nous ne comprenons pas très bien le projet de la compagnie. Est-ce que c’est le carbone qu’ils vont mettre sur le marché international des carbones ou est-ce que c’est juste pour compenser leur bilan carbone ?Il est demandé aux entreprises multinationales, notamment celles qui travaillent dans les fossiles [énergies, NDLR], de réduire leur empreinte carbone. Et les multinationales pensent, et notamment aussi avec l’Accord de Paris qui a prévu ce mécanisme qu’il est possible de mener des projets d’agroforesterie pour pouvoir compenser ces carbones. Pour nous, nous pensons que les entreprises devraient beaucoup plus améliorer leur technique, réduire l’empreinte carbone en améliorant ou en réduisant les gaz à effet de serre. Mais ce n’est vraiment pas en utilisant cette technique de compensation via des forêts d’agroforesterie qu’on va vraiment réduire l’empreinte carbone dans le monde.Aujourd’hui, il y a des discussions avec TotalEnergies. Vous êtes parvenu à entrer en contact avec la multinationale qui avait déjà été mise en cause l’an passé sur ce même projet par d’autres organisations ?C’est cela. Aujourd’hui, nous avons un dialogue constructif avec la multinationale sur ce sujet afin de permettre aux agriculteurs de reprendre leur travail, mais aussi aux autochtones de repartir mener leurs activités dans les forêts galeries. Pour les autochtones, cela a été acté. Ils ont aujourd’hui accès aux forêts galeries grâce évidemment au plaidoyer que nous avons mené. Il y a un projet d’accord entre les agriculteurs et la compagnie afin que ceux-ci repartent travailler. Nous avons bon espoir que cet accord va être signé assez rapidement. Mais nous posons tout de même la question pour savoir quelles formes d’accompagnement la compagnie va pouvoir faire vis-à-vis des agriculteurs qui ont déjà, pendant deux ans, perdu les moyens de subsistance. Comment ces agriculteurs pourront redémarrer une activité après avoir perdu les moyens financiers ?
10/31/20234 minutes, 32 seconds
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Joshua Osih: «Il faut absolument un agenda social-démocrate au Cameroun, le SDF est la réponse»

Le dixième congrès ordinaire du Social Democratic Front (SDF) s'est achevé hier, dimanche 29 octobre, à Yaoundé avec l'élection du tout du nouveau président de cette formation politique de l'opposition, fondée en 1990. Et c'est, comme annoncé, le favori qui a été élu. Il s'agit du député Joshua Osih. Il remplace le fondateur, Ni John Fru Ndi qui a dirigé le parti jusqu'à son décès en juin 2023. Quel état des lieux fait-il de la situation du parti ? quelles sont ses ambitions pour le SDF ? Sera-t-il favorable à une candidature unique de l'opposition pour la prochaine élection présidentielle ? Joshua Osih répond aux questions de notre correspondant. RFI : Joshua Osih, vous êtes le tout nouveau président élu du SDF, au terme d’un congrès qui s’est achevé dimanche matin à Yaoundé. Vous étiez annoncé largement vainqueur, mais finalement, l’élection s’est avérée houleuse et tendue. Quels commentaires avez-vous ? Joshua Osih : Premièrement, j’aimerais remercier tous les délégués qui m’ont exprimé leur confiance en me donnant leurs voix. Deuxièmement, il n’y a aucune élection facile. Et je pense, troisièmement, que nos congrès sont toujours des moments de grande convivialité et des moments où la démocratie s’exprime, donc je ne peux que m’en féliciter.Vous accédez à la tête du SDF à un moment où le parti a considérablement perdu en poids électoral et en influence. Quelles sont donc les priorités de votre mandat ? Je ne pense pas qu’on peut parler de perte de vitesse. Vous savez très bien que nous avons perdu plusieurs sièges par le fait que nos différentes lois ne permettent pas que les élections qui sont annulées par le Conseil constitutionnel aient une autre issue qu’une reprise. Alors il se trouve que nous avons obtenu du Conseil constitutionnel que treize circonscriptions sur lesquelles nous avons fait des recours ont été annulées pour le fait que ces circonscriptions sont en guerre. Et malheureusement, tout ce que le Conseil constitutionnel a pu faire, c’est de reprogrammer des élections sans d’abord arrêter la guerre, et donc nous nous sommes retrouvés dans une situation où nous ne pouvions pas placer nos candidats comme des chairs à canon dans ce conflit, et nous avons décidé de ne pas continuer dans la procédure. Donc je ne considère pas tout cela comme étant perte de vitesse, au contraire, aujourd’hui je pense qu’avec l’affluence que vous avez vu lors de ce congrès, avec tout ce qui s’est passé lors des obsèques de notre président national, Ni John Fru Ndi, je pense que vous devriez plutôt me dire : comment ça se fait que le parti soit aussi vivant aujourd’hui ?Vous êtes avec d’autres partis de l’opposition, dont le MRC et le PCRN, dans une plate-forme qui appelle de tous ses vœux à la réforme du Code électoral avant la prochaine élection présidentielle de 2025. Cette dynamique peut-elle aller dans le sens de la désignation d’un candidat unique de l’opposition face à celui que présentera le RDPC [le parti au pouvoir] ? J’aimerais déjà dire que le travail qui a été fait et qui est encore d’actualité aujourd’hui avec les autres partis de l’opposition camerounaise, c’était pour mettre en commun les points que nous pensions être les points saillants pour un code électoral acceptable au Cameroun. Ce travail a été fait, il a été publié en anglais et en français. Maintenant, nous pouvons nous asseoir sur ce travail-là et le fait que nous nous sommes rapprochés pendant ces travaux pour aller plus loin, pour fédérer nos forces, pourquoi pas une coalition à une élection. Mais nous n’en sommes pas encore à ce point.Le SDF se croit-il encore capable, comme du temps de Ni John Fru Ndi qui en a été proche, de gagner à lui tout seul une élection présidentielle au Cameroun ? Il faut quand même restituer la vérité, nous n’en avons pas été très proches, nous avons gagné l’élection de 1992 qui nous a été volée. Maintenant, si nous pouvions gagner en 1992, nous pouvons aussi gagner en 2025, donc nous ne sommes pas loin de là. Il faut absolument qu’il y ait une alternance au Cameroun, il faut absolument délivrer le peuple camerounais de 60 années de néocolonialisme, il faut absolument un agenda social-démocrate au Cameroun, et le SDF est la réponse, et c’est pour cela que nous nous levons tous les matins pour apporter cet agenda aux Camerounaises et aux Camerounais.Depuis 33 ans, le SDF n’a jamais participé à un gouvernement du RDPC, est-ce qu’avec votre avènement à la présidence de ce parti, on peut voir le SDF demain dans un gouvernement d’union ? Si oui, à quelles conditions ? Je pense que ce n’est pas à l’ordre du jour. Pour l’instant, nous avons une majorité obèse qui n’a pas besoin d’union, qui dilapide un peu tout ce qu’elle trouve sur son chemin, ce qui est un véritable problème pour tous les Camerounaises et les Camerounais, et donc nous n’avons aucune envie d’aller rejoindre un problème. Nous voulons plutôt être du côté des solutions. Si demain on est dans une situation où une solution est posée sur la table, nous pouvons y participer.
10/30/20234 minutes, 30 seconds
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Stuart Reid : «La CIA a recommandé à Mobutu d'organiser la liquidation définitive de Lumumba»

C'est une enquête historique remarquablement documentée que vient de publier le journaliste américain Stuart Reid. Le livre est intitulé The Lumumba Plot – Le Complot Lumumba – et il revient notamment, archives à l'appui, sur le rôle joué par les autorités américaines et la CIA dans l'élimination de Patrice Emery Lumumba, le charismatique Premier ministre du Congo indépendant. Stuart Reid est ce matin l'invité Afrique de RFI, interrogé par Laurent Correau. RFI : Votre livre est intitulé Le Complot Lumumba. Pourquoi parlez-vous de « complot » ?Stuart Reid : Parce qu’il y avait un véritable complot visant à saper l’autorité de Lumumba, à le renverser et le tuer. Il y avait bien sûr plusieurs conspirateurs. Les Belges étaient très désireux de se débarrasser de lui. Mais personne n’était aussi puissant que les Américains. Et donc, ce qu’ils ont fait, c’est que cinq semaines après le début du mandat de Lumumba en tant que Premier ministre, la CIA a encouragé le président congolais à le destituer du pouvoir, et les manifestations et la propagande financées par la CIA lui ont permis de le faire plus facilement. La CIA a encouragé Joseph Mobutu à prendre le pouvoir, l’a financé ainsi que d’autres membres de son régime illégal... et elle lui a recommandé d’organiser la « liquidation définitive » de Lumumba.Vous rappelez dans votre livre un fait essentiel, à savoir cette instruction donnée par le président Eisenhower le 18 août 1960, lors d’une réunion du Conseil national de Sécurité. Il demande alors qu’on élimine Lumumba… Mais au-delà de cela, vous nous faites découvrir de nombreux échanges qui ont eu lieu au sein des milieux dirigeants américains, de l’ambassade à la Maison Blanche… et l’on comprend que pendant qu’il occupe le poste de Premier ministre, Lumumba est perçu de manière croissante comme un ennemi par de nombreux responsables américains…C’est exact. En fait, c’est un grand malentendu, car Lumumba était assez sympathique à l’égard des États-Unis. Il voulait envoyer les jeunes Congolais dans les écoles américaines. Il faut savoir qu’à un moment, il a confié l’avenir économique de son pays à un Américain ! Il a signé un contrat de 2 milliards de dollars cédant toutes les ressources minérales et hydroélectriques du Congo à un entrepreneur américain. Et il a même demandé l’envoi de troupes américaines au Congo. Ce n’est pas vraiment ce que l’on attendrait d’un communiste, en termes de paroles et d’actions !De quelle manière les responsables américains de l’époque, à l’ambassade, au département d’État, à la CIA ou à la Maison Blanche, décrivent-ils Lumumba ? Le thème principal était que Lumumba était irrégulier, instable et peu fiable. Il y avait aussi beaucoup de racisme. Clare Timberlake, l’ambassadeur des États-Unis au Congo, a par exemple plaisanté dans une lettre en disant que Lumumba était un cannibale. Il y a aussi cette peur récurrente des dirigeants américains de voir Lumumba se rapprocher de l’Union soviétique... On est en pleine guerre froide... À quelle occasion est-ce que cette peur s’exprime ?Cette crainte a été exprimée à plusieurs reprises par les responsables du gouvernement américain, en particulier après que Lumumba ait demandé l’aide militaire de l’Union soviétique. Le 18 août 1960, Larry Devlin envoie par exemple un câble inquiétant dans lequel il dit : « L’ambassade et la station pensent que le Congo fait l’expérience d’un effort communiste classique pour prendre le pouvoir. » Le même jour, le président Eisenhower ordonne à la CIA de se débarrasser de Lumumba.La CIA va donc mettre en place différents plans pour assassiner Lumumba. Pourquoi est-ce que ces différents plans n’aboutissent pas ?La méthode initiale consistait à empoisonner son dentifrice ou sa nourriture. Pour cela, la CIA a envoyé du poison au Congo. Le problème, c’est que Lumumba était assigné à résidence et que les Américains ne pouvaient pas accéder à sa maison. Le chef du bureau de la CIA au Congo à l’époque, Larry Devlin, a donc proposé d’autres méthodes, comme lui tirer dessus avec un fusil puissant. Mais comme vous l’avez dit, aucun de ces projets n’a abouti.L’un des nœuds de l’histoire de l’assassinat de Lumumba, c’est le moment où les autorités de Léopoldville, prennent la décision de le sortir du camp de Thysville où il est détenu… et de l’envoyer soit à Bakwanga, l’actuelle Mbuji-Maï au Kasaï, soit à Elisabethville au Katanga, l’actuelle Lubumbashi. Ces deux zones sont tenues par des ennemis jurés de Lumumba et il y a peu de doutes qu’un tel transfert conduira à sa mort. Le chef de poste de la CIA à Léopoldville, Larry Devlin apprend le 14 janvier que ce transfert a été décidé, trois jours avant qu’il ait lieu… mais il ne fait rien. Et, écrivez-vous, « Ce silence a scellé le destin de Lumumba ». Pourquoi ?Eh bien, cela a été pris comme un feu vert. Mobutu et les autres membres de son gouvernement à Léopoldville s’entretenaient régulièrement avec Larry Devlin, le chef de poste de la CIA, et le consultaient en permanence. Il avait une énorme influence sur eux. Les autorités lui ont dit qu’elles étaient sur le point de transférer Lumumba dans un endroit où il était certain qu’il mourrait. En fait, en ne disant pas à Mobutu et à ses sbires de protéger Lumumba, Devlin a scellé le destin du Premier ministre. Lumumba a été transféré au Katanga et abattu peu après son atterrissage.Pourquoi d’après vous, Larry Devlin évite-t-il de tenir Washington informé de cette information essentielle ?Parce que le président américain Dwight Eisenhower était sur le point de finir son mandat, que John F. Kennedy était sur le point d’entrer en fonction, et que le gouvernement américain ne voulait pas que de grandes décisions soient prises pendant la transition. Larry Devlin s’est rendu compte que s’il avait informé ses supérieurs du projet de déplacer Lumumba, ils lui auraient probablement dit d’intervenir et d’arrêter le transfert. Mais Devlin considérait Lumumba comme trop dangereux pour le laisser vivre.L’arrière-plan de cette histoire, lit-on dans votre livre, ce sont les liens que Larry Devlin va tisser avec ce qu’on a appelé « le groupe de Binza » constitué autour du général Mobutu. Que sait-on de ces liens et de l’intérêt de la CIA à soutenir le groupe de Binza ?Larry Devlin était très proche du groupe de Binza. On pourrait presque le qualifier de membre honoraire. En fait, le groupe doit son nom à la banlieue chic de Léopoldville où vivaient la plupart de ses membres. Il s’agit d’un groupe informel qui était centré sur Mobutu, avec également Justin Bomboko, le ministre des Affaires étrangères, et Victor Nendaka, le chef des services de sécurité.Pourquoi la CIA a-t-elle soutenu le groupe de Binza ? Parce qu’en fait, c’est là que se trouvait le véritable pouvoir et que ses membres, surtout, étaient considérés comme proaméricains. Les États-Unis avaient contribué à l’installation de Mobutu au pouvoir, et le groupe de Binza, c’était le cercle des conseillers de Mobutu.De manière générale, à quel point la CIA va-t-elle chercher à peser dans les intrigues congolaises de cette époque ?   À partir d’août 1960, c’est-à-dire moins de deux mois après l’indépendance, la CIA a été étroitement impliquée dans la politique congolaise. Non seulement elle a participé aux événements qui ont conduit à la mort de Lumumba, mais après ça, elle a continué à soutenir Mobutu. La CIA a soudoyé les politiciens qui étaient pro-Mobutu et a sapé ceux qui ne l’étaient pas. Elle s’est précipitée au secours de Mobutu lorsque des rébellions ont éclaté dans son pays en 1964. La CIA a alors mis en place ce qui, à ce moment-là, était l’opération paramilitaire la plus coûteuse de son histoire. Elle a créé une force aérienne pour le pays. Pendant des décennies, une grande partie de cette histoire a été classifiée. Mais maintenant, nous voyons enfin à quel point la CIA s’est immiscée au Congo.
10/29/20238 minutes, 34 seconds
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Boxe: «Je suis ambitieux», confie Francis Ngannou avant son combat contre Tyson Fury à Riyad

Ce samedi 28 octobre est une journée doublement historique pour le sport africain, avec l'Afrique du Sud en finale de la Coupe du monde de rugby en France face à la Nouvelle-Zélande dans un premier temps, avant un combat de boxe ultra-médiatisé à Riyad en Arabie saoudite. Il oppose l'invincible poids lourd anglais Tyson Fury, invaincu en 34 combats et le champion de MMA Francis Ngannou, qui n'a jamais combattu en professionnel en boxe anglaise, mais qui fera face au géant britannique pour 10 rounds de 3 minutes. Un affrontement que le Camerounais espérait depuis des années... À 37 ans, le voilà face au combat de sa vie. À quelques heures de monter sur le ring, il s'est confié à Martin Guez. RFI : Francis Ngannou, comment est-ce que vous vous sentez avant ce grand combat ?Francis Ngannou : Je vais très bien, là, je me sens bien. Samedi passé, on a fini les entrainements, des entrainements intenses. Là, on est entré en phase de récupération et on essaie de continuer à maintenir un peu la forme, pour arriver au pic de sa forme le jour J.Justement, racontez-nous un petit peu comment vous vous êtes préparé pour un tel combat. Vous êtes arrivé assez tôt en Arabie saoudite pour vous acclimater, et j’ai cru comprendre que vous vous leviez au beau milieu de la nuit, vers 2h du matin, pour vous mettre en condition pour le jour du combat.Oui, ma préparation s’est faite à Las Vegas, où je me suis entraîné pour trois mois et après, il a fallu que je vienne un peu plus tôt, vu qu'il y a 10 heures de décalage horaire, avec Las Vegas déjà. Et autres paramètres pour pouvoir s'acclimater : habituer son organisme à être éveillé et actif à ces heures qui seront les heures du combat.On ne vous donne pas forcément favori de ce combat, d’ailleurs vous n’allez pas évoluer tout à fait dans votre discipline. Vous, vous êtes plutôt MMA [1]. Là, ça va être un combat de boxe anglaise. Même si vous l’avez pratiquée à vos débuts, est-ce que ça vous plaît d’être un petit peu dans cette position de challenger ?Le fait de ne pas être favori, ça ne me dérange pas du tout. Moi, je ne suis pas là pour être favori, je suis là pour poursuivre mon rêve. Et a priori, ça se passe bien. D'aussi longtemps que je me souvienne, je n’ai jamais lâché, et je ne fais que suivre ma feuille de route. Et tout se passe bien. Donc, c’est déjà une victoire en elle-même. Après, le combat sera une autre victoire qu’on ira chercher samedi soir. Mais, ça ne me dérange pas. En plus, j’ai l’habitude de ne pas être favori.On peut dire que le décor est bien planté autour de ce combat. Il y a eu beaucoup de petites phrases en amont. On a annoncé que ce serait la « bataille des "baddest" ». En français, ça donne la « bataille des "plus méchants" ». Mais quand on entend votre voix douce, on a du mal à y croire. Est-ce que vous êtes méchant, Francis Ngannou ?« Baddest », c’est dans la mesure de la détermination. Et quoi que vous fassiez dans la vie, vous devez être déterminé. Que ce soit combattre sur le ring, ou être journaliste comme vous l’êtes, vous devez être déterminé une fois que vous êtes sur votre champ de bataille. Vous allez tout donner. Et c’est ça la détermination en fait, c’est ça l’incarnation du mot « baddest ».Un autre méchant, en tout cas quelqu’un qui a été très déterminé dans sa vie, c’est un certain Mike Tyson, avec qui vous vous êtes préparé. Qu’est-ce que cette légende de la boxe vous a apporté dans la préparation de ce combat ?La présence de Mike Tyson, ce fut quand même un truc psychologique aussi. D’un autre côté, un peu un côté fan, tu vois, le rêve de ce petit garçon fan de Mike Tyson qui, aujourd’hui, est à ses côtés. Ça a eu plusieurs apports.Il y a une promotion vraiment énorme autour de cette soirée, autour de votre combat à vous, Francis Ngannou, contre Tyson Fury. On a même pu apercevoir Cristiano Ronaldo dans la bande-annonce de l’événement. Est-ce que vous avez déjà connu un pareil engouement pour un de vos combats ?Non, honnêtement, pas du tout. Ça n’a rien à voir avec ce que j’ai connu auparavant. Ça a été un peu nouveau pour moi. C’est possible d’être concentré. Au bout du compte personne ne vous empêche de vous entraîner, d’aller vous coucher ou de faire quoi que ce soit. Donc c’est à vous maintenant de garder les yeux rivés sur l’objectif.Est-ce que vous pensiez en arriver là un jour, vous l’enfant de Batié, dans l'ouest du Cameroun, qui a connu la grande précarité ou la misère et les chemins de la migration, vous avez un parcours très atypique et un destin assez incroyable, finalement ?J’ai toujours rêvé, je me suis permis de rêver. Je me suis permis de visualiser. Tellement que parfois, j'ai l'impression d'avoir vécu certains événements, même s'ils sont tous nouveaux. Mais j'ai l'impression d'avoir vécu, c'est tellement dans mes rêves. Nul n'aurait pu le savoir. Mais, au départ, même moi je ne savais pas que c'était possible. Il était juste question d'essayer et de tout donner. On peut avoir une influence sur son avenir, de par sa détermination et sa foi.Est-ce que vous diriez que c’est le plus grand combat de votre vie ?Pour l’instant, oui. Mais, comme on dit souvent, le meilleur reste à venir. Je ne m’arrête pas là. Mais juste pour l’instant, oui, ça reste le plus grand, de loin le plus grand.Et ça ne sera pas le dernier ?Non, je ne compte pas m’arrêter là. Je suis ambitieux, moi.Un autre ambitieux, Tyson Fury, a préparé un autre combat contre l'Ukrainien Oleksandr Usyk un petit peu plus tard. Est-ce que vous l’avez pris comme une provocation, est-ce que c’est un manque de respect ?Non, parce que ça n’a pas la même ampleur que ce combat. Donc, du coup, ça ne me dérange pas du tout. C’est peut-être une décision professionnelle, effectivement, parce qu’ils ont fait ça dans le but de remplir des obligations, mais pas parce que c’était un plus grand combat. Mais moi, ça ne me dérange pas.[1] Sport de combat en un contre un autorisant l'utilisation de différentes techniques de percussion (coups de poings, pieds, genoux, coudes...) et de préhension debout et au sol.
10/27/20235 minutes, 12 seconds
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Bénin: Thomas Boni Yayi «n’aura jamais été loin de la scène qu’il n’a jamais quittée», selon Wilfried Houngbédji

Au Bénin, Thomas Boni Yayi a effectué le 15 octobre dernier un retour inattendu sur le devant de la scène politique. L’ancien chef de l’État a pris la direction de son parti Les Démocrates, jusque-là occupé par Eric Houndété. Comment le pouvoir béninois interprète-t-il ce retour au premier plan de l'ancien président ? Que répond le gouvernement à ceux qui accusent le président Patrice Talon d’avoir mis à mal le modèle démocratique béninois ? Quel avenir pour l’opposante Reckya Madougou et pour le constitutionnaliste Joel Aivo, emprisonnés depuis plus de deux ans ? Wilfried Houngbédji, le porte-parole du gouvernement béninois, est ce matin l’invité de RFI. Il répond aux questions de Pierre Firtion. 
10/26/20234 minutes, 2 seconds
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Gabon: «Beaucoup considèrent que le coup d’État du 30 août est un coup de liberté»

Combien de temps les militaires gabonais vont-ils rester au pouvoir ? C’est la question que beaucoup se posent après le coup d’État du 30 août. Marc Ona Essangui est la principale figure de la société civile gabonaise. Comme troisième Vice-président du Sénat, il a accepté d’entrer dans les instances de transition mises en place par le général Oligui Nguema. Mais il espère qu’à la différence d’autres militaires africains, les officiers gabonais vont sortir de la logique de se maintenir au pouvoir. Entretien. RFI : Le général Oligui Nguema aime à dire que l'opération du 30 août a été un coup de liberté, mais est-ce que ce n'est pas avant tout un coup d'Etat militaire comme il y en a eu plusieurs ces dernières années sur le continent ?Marc Ona Essangui : C'est un coup d'Etat militaire, c'est aussi un coup de liberté pour les Gabonais, parce que quand on a vécu 56 ans avec une famille, les Bongo, qui ne voulaient absolument pas lâcher le pouvoir malgré les élections, les Gabonais ont respiré. C'est pour cela que beaucoup de Gabonais considèrent que ce coup d'Etat est un coup de liberté.Le général Oligui Nguema dit qu'il ne supportait plus d'être insulté par Nourredine Bongo, est-ce que le commandant de la garde républicaine se sentait menacé dans ses fonctions ?Je pense que quand on est responsable et quand on est père de famille, on ne peut pas se laisser insulter par un enfant. Quand on commence à être insulté par le fils d'un président complètement amaigri et que tous les Gabonais estiment qu'Ali Bongo n'est plus aux commandes, si Ali Bongo déclaré vainqueur à 64% avait eu la possibilité de prendre le pouvoir, je pense effectivement qu'ils auraient remplacé monsieur Oligui après avoir été insulté par Nourredine, comme lui-même l'a déclaré.Le général Oligui Nguema promet des élections libres, mais il ne dit pas quand, est-ce que cela ne vous inquiète pas ?Nous avons, au niveau de la société civile, estimé que la transition pouvait durer entre six mois et un an. Le Premier ministre Raymond Ndong Sima a déclaré que la transition pourrait durer deux ans. Chacun a sa position, d'autres pourraient peut-être penser qu'on peut aller plus loin, ça peut durer le temps que ça peut durer. Toujours est-il que la décision revient à la conférence nationale qui va trancher sur cette affaire. Mais nous, nous estimons au niveau de la société civile, qu'il faut une transition beaucoup plus courte pour revenir à l'ordre constitutionnel.Et quand vous dites que certains voudraient que la transition dure plus de deux ans, craignez-vous que les militaires veuillent rester trois, quatre, voire cinq ans au pouvoir ?Nous avons l'exemple des autres militaires dans différents pays, ils ne veulent pas lâcher le pouvoir. Peut-être que nous souhaitons que les militaires gabonais sortent un peu de cette logique de se maintenir au pouvoir et c'est notre vœu le plus absolu. Ça permet effectivement de mettre en place des institutions plus fortes rapidement et d'organiser des élections dans les plus brefs délais.D'après la charte de la transition, aucun acteur de celle-ci ne pourra être candidat à la prochaine élection présidentielle. Aucun sauf le chef de cette transition, le général Oligui Nguema. Qu'est-ce que vous en pensez ?Ce n'est pas le général Oligui Nguema qui doit décider s'il se présente ou pas, ce sont les Gabonais qui vont se retrouver pendant la conférence nationale et qui vont trancher sur la question.En tout cas, lui a déjà dit que, dans son interprétation de cette charte, il pouvait se présenter à la fin de la transition...Je pense que c'est un citoyen, c'est un acteur majeur de la transition. S'il y a des restrictions, il faut aussi définir le statut du président de la transition : il appartient, encore une fois, aux séminaristes des assises de définir ce statut. S'il se présente, je pense que les Gabonais aussi vont prendre leurs responsabilités en rappelant que lui-même, le premier jour du coup d'Etat, il avait déclaré que les militaires vont laisser le pouvoir aux civils, ce sont ses premières déclarations.Vous avez donc accepté d'entrer dans les instances de cette transition. Si vous accompagnez celle-ci jusqu'à la candidature éventuelle du général Oligui Nguema à la présidentielle, est-ce que vous ne craignez pas de ternir votre réputation d'homme libre et farouchement indépendant ?Je prendrai ma responsabilité le moment venu.Parmi les grandes zones d'ombre qui restent de l'ancien régime Ali Bongo, il y a la répression meurtrière qui a suivi la présidentielle de 2016, certains parlent de 300 morts... La transition actuelle peut-elle être l'occasion de connaitre enfin la vérité ?La transition sera beaucoup plus courte pour savoir exactement ce qui s'est passé chez le président Jean Ping en 2016 au quartier général du président Jean Ping. Je pense que la transition doit planter le décor de ce qui va être fait dans le cadre d'une stratégie vérité et réconciliation. Et ces enquêtes sont extrêmement longues, et on ne peut pas le faire pendant la transition, on peut planter le décor pour que le Gabon d'après la transition puisse se pencher sur ces injustices, ces familles qui ont perdu leurs proches.Depuis deux ans, les militaires français ont été chassés de trois pays africains, pensez-vous que le Gabon doive dénoncer son accord de coopération militaire avec la France, et doive demander le retrait des 400 soldats français qui stationnent sur son territoire ?Je pense qu'au niveau du Gabon, la présence de l'armée française à Libreville, le problème n'a jamais été posé et je ne pense pas que jusque-là le débat soit sur la table. Et je fais partie de ceux qui pensent que ne nous ne voulons pas être dans la logique du bouc émissaire, nous devons être dans la logique de la responsabilité. Ce qui se fait en Afrique aujourd'hui est de la responsabilité des Africains et peut-être des colonisateurs, mais le gros, c'est nous-même, parce que les sommes que nous avons retrouvées dans les domiciles de beaucoup de personnes dans notre pays, alors qu'il n'y a pas d'eau au Gabon au robinet, nous avons des sommes colossales, des milliards qu'on a retrouvés, ce ne sont pas les Français qui le font, ce n'est pas l'armée française, c'est la responsabilité des Africains, la cupidité des Africains, l'égoïsme des Africains qui est en jeu. 
10/25/202310 minutes, 9 seconds
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Mamadou Diouf, historien sénégalais: «Le récit de l'histoire de l'Afrique est encore invisibilisé»

L'historien sénégalais Mamadou Diouf, qui enseigne à la prestigieuse université Columbia de New York, vient de publier L'Afrique dans le temps du monde. Un essai dans lequel il montre l'étendue du regard africain et afro-américain sur l'histoire africaine. Entretien.
10/24/20239 minutes, 12 seconds
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«Commission mémoire» sur le rôle de la France au Cameroun: «Nous avons une fenêtre pour travailler cette histoire»

Un peu plus de six mois après sa création, la commission « histoire et mémoire » sur le rôle et l'implication de la France contre les mouvements indépendantistes et d'opposition au Cameroun s'est rendu sur le terrain. La chercheuse et historienne française Karine Ramondy et le chanteur camerounais Blick Bassy, co-directeur de cette commission, ont rencontré à Yaoundé quelques témoins encore vivants de cette période largement méconnue de l'histoire du Cameroun.   RFI : Vous co-dirigez avec le chanteur camerounais Blick Bassi la Commission mémoire, instituée par le président français Emmanuel Macron, sur la période pré et post-indépendance au Cameroun. Où en êtes-vous de vos travaux, de vos recherches, six mois après votre prise de fonction ?Karine Ramondy : Alors, je voudrais déjà commencer, par peut-être avant de répondre au cœur de votre question, à la présentation de la commission. La commission est une commission mixte, pluridisciplinaire, franco-camerounaise, qui a été créée sous l'impulsion des sociétés civiles françaises et camerounaises à Montpellier, qu'il y a deux volets, il y a un volet recherches dont j'assume la présidence, et un volet artistique, culturel et patrimonial qui est dirigé par Blick Bassy.La vocation de cette commission est véritablement de travailler de façon indépendante sur le rôle et l'engagement de la France au Cameroun dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d'opposition de 1945 à 1971. Où on en est de notre travail ? Eh bien, la commission a été impulsée et elle a été, on va dire, mise en place lors de notre voyage avec Blick Bassy, début mars 2023, et nous avons vocation depuis à travailler, et nous sommes au travail.Alors on parle des faits qui se rapportent pour certains à plus de 70 ans. Est-ce que, du coup, ça ne rend pas votre travail un peu plus difficile compte tenu de l'érosion du temps justement, parce que les témoins, certains d'entre eux, la plupart, sont malheureusement décédés aujourd'hui ?Alors, c'est sûr que si vous m'aviez dit de commencer ce travail il y a dix ans, je pense que ça aurait été beaucoup plus simple, ça aurait été bien mieux, c'est évident. Mais c'est vrai que nous avons encore des témoins vivants, il faut en profiter, il faut se dépêcher, c'est pour ça que j'ai trouvé que l'équipe de Blick a commencé par interviewer les personnes les plus fragiles, les plus âgées, ce que nous, nous n'avons pas aussi ponctuellement manqué de faire quand c'était nécessaire pour attester certains points de nos archives officielles. Je pense que c'est une chance, même si les témoins sont peu nombreux, c'est une chance folle de pouvoir récoler encore la parole de ces ainés et de pouvoir les intégrer dans ce travail. Avez-vous déjà pu accéder aux archives camerounaises, et si oui, dans quel état sont-elles ?Ecoutez, les archives camerounaises, elles sont évidemment très importantes parce que nous avons besoin de croiser les archives, même si une partie des archives dites coloniales sont souvent présentes dans les centres en France et au Cameroun, oui nous avons déjà pu avoir accès à certaines archives, notamment à Buéa, à Bamenda, dans des archives  préfectorales, sous-préfectorales. En mars dernier, nous avions rencontré avec Blick Bassy, le ministre du Minac [ministère des arts et de la culture, NDLR] qui nous avait autorisé l'accès aux archives nationales de Yaoundé, mais comme vous le savez ces archives sont aujourd'hui en déménagement. Donc, pour l'instant, on n'a pas pu encore voir une partie de ces archives... Il y avait énormément d'archives en France, il y avait une très grande attente aussi des chercheurs camerounais de la commission par rapport à ces archives, et on a voulu les rassurer aussi en leur montrant que toutes ces archives étaient accessibles, notamment les archives militaires, notamment les archives diplomatiques. Nous avons déjà scanné une très très grande partie des archives militaires française qui étaient un peu, on va dire, ces archives que tout le monde pensait ne pas pouvoir voir... Et puis, les chercheurs de la commission, Camerounais, Français, ont vocation à travailler sur des archives classifiées en cours de déclassification.Alors vous êtes depuis six mois pied au plancher. Est-ce que, du coup, à ce stade, vous êtes satisfaite du niveau de vos découvertes ?Moi je suis très satisfaite, parce que je pense que nous avons une fenêtre pour travailler cette histoire. Que ce soit au Cameroun, mais que ce soit aussi en France, c'est un pan d'histoire qui n'est pas connu des Français ou très peu connu des Français, du grand public, et nous avons vocation aussi à faire rentrer cette histoire dans les programmes scolaires, comme la guerre d'Algérie qui a mis par exemple très longtemps à rentrer dans les programmes scolaires français, qui aujourd'hui y est bien installée et il y a vraiment beaucoup à faire aussi du point de vue français.Le choix qui a été porté sur vous-même et le chanteur Blick Bassy a été critiqué par certains historiens et des figures de l'Intelligentsia camerounaise. Est-ce que depuis vous avez pu échanger avec certains de ces critiques et êtes-vous parvenue à dissiper leurs doutes sur votre légitimité à conduire cette commission ?Ecoutez, moi je ne sais pas, je ne vais pas répondre pour Blick, je pense qu'il s'est déjà exprimé sur ce sujet, donc je ne vais pas répondre à sa place. Mais ce que je peux dire c'est que pour ceux qui doutaient de la sincérité de mon travail, je les enjoins à peut-être, avant de critiquer, lire ma thèse qui est publiée chez L'Harmattan, qui s'appelle "Leaders assassinés en Afrique Centrale au tournant des indépendances", et qui traitait des cas de Félix Moumié et de Ruben Um Nyobe. Et je ne peux pas considérer que je pourrais être potentiellement la seule à pouvoir diriger cette commission. En tous les cas, les orientations de mes travaux de recherches, les dix ans qu'il m'a fallu pour faire cette thèse, les nombreux colloques que j'ai faits, les articles que j'ai pu écrire, et tout l'engagement qui me caractérise, font que peut-être que je ne pouvais pas être la seule à diriger cette commission. Mais en tous les cas, je ne me sens pas du tout illégitime à le faire.À lire aussiCameroun: les membres de la «commission mémoire» sur le rôle de la France réunis à Yaoundé
10/23/20235 minutes, 26 seconds
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Golfe de Guinée: «Le Mistral est ici pour lutter contre les trafics illicites»

Au total, 200 mètres de longueur, 22 000 tonnes d'acier avec la capacité d'accueillir seize hélicoptères légers, 110 véhicules blindés et plus de 400 soldats. Le Mistral, l'un des plus gros bateaux de la marine française, est actuellement déployé dans les eaux du golfe de Guinée. Il a pris le relais de la mission Corymbe, une mission de sécurité des mers en œuvre depuis 1990. Son arrivée n'est évidemment pas passée inaperçue et a fait couler beaucoup d'encre sur les réseaux sociaux en ces temps de crises militaires et diplomatiques. Entretien avec son capitaine, le commandant Olivier Roussille. Par Sophie Bouillon
10/22/20234 minutes, 57 seconds
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Mahamat Nour Ibédou: «Un an après les violences du jeudi noir, justice n'a pas été rendue» au Tchad

Il y a un an, jour pour jour, le Tchad était plongé dans la violence du « jeudi noir », la répression meurtrière de manifestations de l'opposition contre la prolongation de la transition. Les bilans de cette journée continuent à faire polémique. Les responsabilités aussi. La CNDH, la Commission nationale des droits de l'homme est une autorité autonome. Dans les mois qui avaient suivi la répression, elle avait publié un rapport d'enquête et émis des recommandations. Un an plus tard, quel bilan fait-elle des progrès qui ont été réalisés ? Son président, Mahamat Nour Ibedou est notre invité.
10/20/20234 minutes, 52 seconds
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Andry Rajoelina, président de Madagascar: «L'opposition essaye de manœuvrer pour qu'il n'y ait pas d'élection»

C’est une campagne électorale présidentielle sous tension que connaît Madagascar. Onze candidats sur les treize dénoncent une inégalité de traitement des pouvoirs publics. Plusieurs ambassades ont déploré « l’usage disproportionné de la force pour disperser les manifestations de l’opposition ». La présidente de l’Assemblée estime que le pays est dans l’impasse. L’un des candidats voit dans ce contexte tous les regards se tourner vers lui : le président sortant, Andry Rajoelina, qui se présente pour sa réélection. Quelle lecture fait-il de la situation, que répond-il aux polémiques en cours sur sa candidature, sa double nationalité, les menaces que le président du Sénat dit avoir subies, ou l’utilisation par les autorités du logiciel espion Predator ? Que dit-il sur son acquisition de la nationalité française ? Andry Rajoelina est l’invité exceptionnel de RFI et France 24, il répond aux questions de Marc Perelman et Laurent Correau. RFI et France 24 : Monsieur Rajoelina, la campagne électorale pour la présidentielle, qui est dorénavant prévue le 16 novembre, a commencé, mais elle est boycottée par onze des treize candidats. On a vu qu’elle a déjà été émaillée d’incidents violents, à tel point que neuf chancelleries occidentales dénoncent un « climat politique tendu » et les Nations unies déplorent un « usage disproportionné de la force ». Que répondez-vous à ces critiques ? Andry Rajoelina : Comme vous le savez, en démocratie, c’est la population qui choisit celui qui doit diriger un pays. L’opposition cherche, par toutes les voies et moyens, à empêcher la tenue des élections, car ils savent pertinemment que je serai élu, et la réalité sur le terrain le démontre. Aujourd’hui, ce qu’il se passe, c’est que les dates de l’élection ont déjà été arrêtées, la liste des candidats a été publiée par la Haute cour constitutionnelle, mais malheureusement, force est de constater que les autres candidats veulent justement confisquer ce choix du peuple.L’opposition, Monsieur le Président, a une lecture complètement différente de la situation. Elle dénonce ce qu’elle appelle une situation de « deux poids deux mesures. » Elle dit qu’elle ne peut pas manifester pacifiquement tandis que vous, vous pouvez battre campagne. Est-ce que vous reconnaissez, en tant que candidat, cette situation de deux poids deux mesures ? Non, il n’y a pas du tout deux poids deux mesures, parce que les candidats peuvent s’exprimer. Ils ont le droit, justement, de tenir des meetings dans le cadre de la campagne électorale. Je tiens à vous dire, aujourd’hui, que l’opposition essaie justement de manœuvrer pour qu’il n’y ait pas d’élections pour aller vers une transition, et ce sont ces pratiques politiques, justement, qui ont détruit le pays depuis des décennies. Suivant l’article 10 de la Constitution, les libertés d’opinion, d’expression, de réunion, de circulation, sont garanties à tous, et ne peuvent être limitées que par le respect des libertés des droits d’autrui. Aujourd’hui, l’opposition essaye justement d’entraver le processus électoral. Et c’est pour cette raison que je condamne fermement toute action qui tend à diviser les Malgaches, car Madagascar a besoin d’un leader, d’un homme d’État qui rassemble, qui unit le peuple, toutes les régions et fédère les forces armées. On n’a plus besoin de crises politiques à Madagascar qui divisent les Malgaches, nous avons besoin de paix et de stabilité.En 2014, Andry Rajoelina, vous avez obtenu la nationalité française. Or, selon le Code de la nationalité malgache, l’acquisition volontaire d’une autre nationalité fait perdre la nationalité malgache, ce qui vous empêche, selon l’opposition, de vous présenter à l’élection. Qu’est-ce que vous répondez à ces arguments juridiques ? C’est tout faux. Vous savez, le débat est clos là-dessus. La binationalité est acceptée par le Code de nationalité malgache. Les descendants des binationaux peuvent jouir de la nationalité française. L’opposition, comme je le disais, cherche par toutes les voies et moyens d’empêcher les élections et essaie de trouver des arguments. La Haute cour constitutionnelle a rendu sa décision, arrêtant la liste des candidats, et aucun décret déclarant la perte de la nationalité malgache, en application de l’article 42, n’a été pris depuis son application. Donc, aujourd’hui, ce débat est clos. C’est un argument avancé par l’opposition qui ne tient pas debout. Et d’ailleurs, à ce sujet, il y a plusieurs chefs d’État qui ont d’autres nationalités, à l’image de Shimon Peres, qui est l’ancien président israélien, qui était d’origine polonaise, le président Sarkozy est d’origine hongroise, le président Barack Obama est d’origine kényane. Et à Madagascar, ce sont ces politiciens, aujourd’hui, qui posent problème sur ce sujet, mais la population malgache ne pose aucun problème sur cette question de binationalité.Il y a quand même une question, au-delà des arguments patriotiques, juridiques, c’est pourquoi vous ne l’avez pas révélé auparavant ? Et uniquement après que la presse a fait ces révélations, il y a quelques mois ? Je n’ai rien caché. Mon arrière-grand-père était de nationalité française en 1932. Donc comme la loi disait que les descendants des binationaux peuvent jouir de la nationalité, quand je suis parti en France, quand je me suis retiré de la vie politique, mes enfants poursuivaient leurs études en France et à ce moment-là, pour faciliter leur installation en France, bien évidemment j’ai demandé la naturalisation par filiation. Qui sont les parents qui ne peuvent pas faire de sacrifices et qui ne feront pas tout pour l’avenir de leurs enfants ? Moi, je l’ai fait pour mes enfants. Donc je n’ai rien caché, parce que quand on parle de naturalisation, tout ça, ça sort par décret, par journal officiel. Donc quand ça a été déclaré et validé par le journal officiel, personne ne me l’a demandé.Mais vous auriez pu le dire, Andry Rajoelina…Le dire à qui ? Et comment ?Publiquement. Mais personne ne me l’a demandé.En tout cas, Andry Rajoelina, c’est vous qui avez demandé la nationalité française ? J’ai demandé la nationalité française par naturalisation afin de faciliter l’installation de mes enfants, afin qu’ils puissent poursuivre leurs études, mais j’aimerais vous dire que ce bout de papier n’enlève en rien le sang qui coule en moi, le patriotisme qui est en moi, et surtout le devoir de relever, de faire briller, de faire avancer et de développer mon pays.Autre sujet de controverse, Andry Rajoelina, la question de l’intérim à la présidence. Il doit être assuré par le président du Sénat, selon la loi, or des témoignages très précis nous indiquent que vous avez forcé l’ex-président du Sénat, monsieur Herimanana Razafimahefa, à renoncer à prendre le pouvoir par intérim. Le 8 septembre dernier, alors qu’il se rendait au palais présidentiel pour les formalités de passation, vous l’auriez contraint à signer une lettre de démission déjà rédigée, que répondez-vous ? Ce n’est pas du tout dans notre méthode de forcer les gens. Nous avons notre parti politique, nous avons notre ligne et notre vision par rapport à la gestion de la nation. Nous, on a dit, par rapport à cette organisation, que c’était de son plein gré. Et d’ailleurs, le président du Sénat a fait une déclaration auprès des sénateurs, il n’y avait pas du tout eu de forcing… il a fait une déclaration, il a accepté. Vous savez, parfois, le pouvoir corrompt, le pouvoir change les gens, et c’est pour cette raison que tout le monde voudrait être à ma place, et c’est pour cette raison qu’il y a des divisions, et je l’accepte. Au sein de notre parti aujourd’hui, il y a une guerre fratricide de succession pendant cette période où je ne suis pas à la tête de l’État.Mais tout de même, pourquoi le Sénat a décidé, suite aux accusations de son président contre vous, finalement, Andry Rajoelina, de le destituer pour déficience mentale, plutôt que de créer une commission d’enquête, par exemple ? L’opposition dénonce, évidemment, un nouveau coup de force. Vous avez voulu écarter quelqu’un qui a dénoncé vos méthodes ?Non, comme je le disais, par rapport à la Constitution, quand l’ancien président sortant était candidat, il y avait eu une organisation dans leur parti. Le président du Sénat était un grand juriste, mais il a été remplacé par le secrétaire général du parti de l’ancien président, mais on n’en a pas du tout fait un problème. C’est une affaire interne de notre parti politique, et les autres partis n’ont pas du tout, aucunement, à interférer dans l’organisation de notre parti et de notre organisation.Un consortium de médias européens a révélé que sous votre mandat, Madagascar a acquis le système de cyber-espionnage Predator, pour un montant de 14 millions d’euros. Selon l’enquête, le propriétaire du journal La Gazette de la Grande île, Lôla Rasoamaharo, qui a révélé en mars dernier votre double-nationalité, était sur écoute. Il est aujourd’hui en prison. Le lanceur d’alerte Malama, l’opposant politique Rolly Mercia, sont aussi en prison. Le logiciel Predator a-t-il été acheté, Andry Rajoelina, pour surveiller vos détracteurs et vos opposants ?  Tout ce que nous faisons, c’est dans un cadre légal, j’aimerais vraiment vous le dire. Notre objectif, c’est justement de pouvoir éradiquer et démanteler tout ce qui est réseau de corruption, mais surtout, nous avons démantelé le réseau de kidnapping à Madagascar, comme vous le savez. Ce qui se passe aujourd’hui, même en Israël, prouve que chaque État a besoin d’un système d’information contre toute menace extérieure ou intérieure, et tout ça, c’est dans la légalité. Donc effectivement, on parle de valises diplomatiques, etc., j’aimerais dire que oui, il y avait eu un matériel d’essai qui a été rendu en France, à travers cette société qui s’appelle IMSI-catcher. C’est de l’interception légale, que chaque État, dans le monde entier, possède. Et ce n’est pas un crime que Madagascar utilise aussi les voies et moyens pour protéger notre nation contre toute attaque extérieure ou intérieure, et/ou déstabilisation de notre pays.Mais ce n’est pas la même chose d’écouter de potentiels ennemis, que d’écouter éventuellement des opposants ou des gens qui vous déplaisent, Andry Rajoelina ?On n’écoute pas nos opposants, d’ailleurs, on était en période d’essai, et l’ensemble du matériel n’a pas été installé, une grande partie a été retournée en France, et je pense que les journalistes sont bien au courant de cette affaire.Je vais en venir à votre bilan, si on regarde les indicateurs économiques et sociaux, on voit que le taux de pauvreté a augmenté, 81% selon la Banque mondiale en 2022, le niveau des inégalités a augmenté selon des classements, le taux d’inflation au-delà de 10%, coupures d’eau, coupures de courant, c’est difficile de se dire que le bilan est positif Andry Rajoelina, non ? Alors ça, c’est votre perception, mais la réalité est toute autre.Ce sont les indicateurs. J’ai promis à la population de rattraper le retard de développement à Madagascar. En termes de croissance, puisque vous voulez un chiffre, la croissance économique moyenne en Afrique en 2022 était de 3,6%, mais à Madagascar, nous avons fait 4,4%. Donc le pays se développe, le pays avance. Malgré cela, je suis tout à fait conscient que la pauvreté est là, que la pauvreté persiste, c’est pour cette raison que même si beaucoup d’efforts ont été déployés, beaucoup reste à faire pour éradiquer la pauvreté à Madagascar. Et bien évidemment, par rapport à tout ce que vous avez cité tout à l’heure, les défis sont énormes dans le domaine de l’électricité, l’adduction d’eau, et aussi pour la lutte contre la pauvreté.
10/18/202311 minutes, 45 seconds
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Éric Houndété : «Nul ne peut être président du Bénin plus deux fois, Talon l’a été, c’est terminé»

La parole ce 18 octobre est à l'opposition béninoise : l'ancien président Thomas Boni Yayi prend les rênes de son parti, Les Démocrates, décision annoncée dimanche dernier à l’issue du 1ᵉʳ Congrès ordinaire des LD. Le principal parti de l'opposition du Bénin se met en ordre de bataille en vue de la présidentielle de 2026 et Éric Houndété, qui était président, devient numéro 2, avec le titre de vice-président des LD.
10/18/20235 minutes, 2 seconds
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Hamas-Israël: «On s'installe dans une idéologie des tribus», estime le philosophe Souleymane Bachir Diagne

Au moment où Israël prépare une importante opération terrestre dans la bande de Gaza en riposte à l'attaque sanglante du Hamas du samedi 7 octobre, notre invité ce matin est l'une des voix africaines les plus respectées aujourd'hui : le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne, professeur de philosophie à l'Université de Columbia à New York. Il confie toute son inquiétude. RFI : Souleymane Bachir Diagne, comment vivez-vous ce qui se passe en Israël et à Gaza ?  Souleymane Bachir Diagne : Je le vis dans la terreur la plus absolue, des désastres absolument sans nom qui ont déjà eu lieu et, malheureusement, la perspective également des désastres à venir. Ce qui s’est passé, des jeunes, par exemple, qui étaient dans un festival et qui ont été massacrés alors qu’ils faisaient la fête, et qu’ils célébraient, semble-t-il, même la paix, cela a été insupportable. Et puis, d’un autre côté, on a l’image de Gaza sous les bombes aujourd’hui, avec des immeubles qui s’effondrent, et on peut sans difficultés imaginer toutes les vies qui sont soufflées. Tout cela, ce sont des images absolument terrifiantes que l’on vit tous de manière tout à fait traumatisante.  L’Iran menace… Alors ça, c’est encore une perspective absolument terrifiante, parce que si ce conflit, qui est déjà atroce en lui-même, provoque un effet boule de neige, comme on pourrait l’appeler, cela va devenir totalement incontrôlable.  Le Hamas veut détruire Israël, Israël veut détruire le Hamas…  Et oui ! Alors évidemment, on dit toujours que le Hamas utilise des boucliers humains, mais si vous êtes dans une ville de deux millions d’habitants, par définition, tout le monde est votre bouclier humain.  De nombreux gouvernements africains ont condamné la violence de l’attaque du Hamas, mais avec un « mais », en rappelant les responsabilités d’Israël, qu’en pensez-vous ?  Il faut éviter de faire en sorte que ce soit un « mais », parce qu’un « mais », ça donne toujours l’impression qu’on passe très rapidement sur quelque chose sur quoi il faut s’arrêter. Il faut s’arrêter sur la sidération, l’effroi qui ont été les nôtres, et dire que ceci est inacceptable. Et il est bon que les États africains, de ce point de vue-là, l’aient dit et l’aient dit ensemble. Il ne faut pas en plus qu’ils ajoutent ce qu’ils ont ajouté, qui consiste à rappeler la nature de la cause palestinienne et la nature d’un combat pour que les droits des Palestiniens soient aussi reconnus à côté du droit d’Israël à l’existence. Il ne faut pas que ce deuxième aspect de leur déclaration ressemble à une sorte d’adoucissement de ce qui se serait passé. Il faut le comprendre, et j’espère que c’est comme cela qu’eux-mêmes l’ont compris, comme une projection vers l’avenir, disant que la sortie va consister à faire en sorte qu’un véritable climat de paix profitable à la négociation s’installe.  Est-ce que le discours anti-occidental qui se développe depuis des années en Afrique ne renforce pas ceux qui prônent un mode d’action violente ?  Oui, nous vivons dans un monde inquiétant. Je parle beaucoup dans mon travail de tribalisme, et je crois que nous sommes en train de mourir de notre tribalisme aujourd’hui. On se retrouve toujours dans une forme de tribu et on en oublie de s’identifier à l’autre, simplement parce qu’il semble être d’une tribu différente de la mienne. Je veux dire, s’identifier immédiatement à la cause des Palestiniens, je peux le comprendre, c’est le sens de votre question, et effectivement, on le voit aujourd’hui dans les réactions, mais il faut pouvoir aussi s’identifier, avoir de cette empathie, pour des jeunes qui dans un festival, ceux qui ont survécu ont vécu le massacre de leurs amis autour d’eux. Et donc voilà, le côté humain de l’empathie et de l’identification avant de se séparer dans des tribus qui seraient des tribus irréconciliables. Ce qui m’inquiète, c’est que le cynisme s’installe, qu’on considère que penser, se projeter dans un horizon d’humanité commune, se projeter dans la paix, ce soit de la naïveté, que cela nous amène à ricaner. Ce qui m’inquiète, c’est précisément qu’on s’installe dans une idéologie des tribus plutôt que de se projeter vers un horizon d’universalité.  Comment voyez-vous les jours qui viennent ? Certains n’imaginent qu’obscurité, gardez-vous espoir ?  Il faut espérer que ceci se termine au plus vite, et essayer de faire en sorte de faire renaître le climat dans lequel des accords, comme les accords d’Oslo, avaient été possibles, ce magnifique moment où quelqu’un comme Yitzhak Rabin et Yasser Arafat s’étaient serré la main et avaient porté une forme de promesse. La personne qui nous manque probablement le plus dans un moment aussi sombre, c’est une personne comme Yitzhak Rabin, qui a su à la fois faire la guerre et la terminer, et se donner une vision d’avenir. Malheureusement, ceux qui l’ont assassiné, précisément parce qu’ils ne voulaient pas de cette vision-là, semblent avoir raison aujourd’hui. Il faut cesser de donner raison à ceux qui ont assassiné Yitzhak Rabin.
10/17/20234 minutes, 57 seconds
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Succès Masra reporte son retour au Tchad: il faut «avancer dans le sens de la réconciliation»

Succès Masra avait annoncé son retour au Tchad pour ce mercredi 18 octobre. Soit deux jours avant le premier anniversaire du « jeudi noir », quand la répression d'une manifestation contre la prolongation de la transition avait officiellement fait 73 morts, et plus de 200 selon l'opposition et des ONG. L'opposant tchadien qui avait quitté le pays juste après, reporte finalement son retour à début novembre. Entretien.  À écouter aussi (17/08/2023)Succès Masra, opposant tchadien: «Nous devons résoudre les conséquences du 20 octobre»
10/16/20234 minutes, 59 seconds
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Afrique du Sud: «La transformation du rugby est très bien lancée»

Ce dimanche soir, l'Afrique du Sud et la France se disputent une place en demi-finale de la Coupe du monde de rugby. Le tenant du titre affronte le pays hôte. Le rugby est un sport associé à l'histoire sud-africaine. Il a été instrumentalisé par le régime raciste de l'apartheid au nom d'une pseudo supériorité blanche, et a mis longtemps à intégrer des joueurs noirs et métis, comme c'est davantage le cas aujourd'hui. Pourtant, dès l'origine, il a été pratiqué par des couches très diverses de la population, comme le souligne l'universitaire Bernard Cros. Bernard Cros, spécialiste de l'histoire moderne de l'Afrique du Sud, professeur à l'Université Paris 8-Saint-Denis, est l'auteur d'un ouvrage en cours de parution : Rugbys d'Afrique du Sud, 1862 - 2022, du hors-jeu à la Transformation, aux Presses Sorbonne Nouvelle.À lire aussiCoupe du monde de rugby: la France et Antoine Dupont face à l’ogre sud-africain
10/15/202312 minutes, 21 seconds
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Nicolas Kazadi, ministre des Finances: «La RDC a quasiment triplé ses ressources propres»

Renégociation des contrats miniers, désenclavement des provinces, diversification de l’économie, liberté de la presse, le ministre des Finances congolais Nicolas Kazadi répond aux questions de RFI alors qu’approche le scrutin présidentiel.    D’abord nommé ambassadeur itinérant après l’élection de Félix Tshisekedi, Nicolas Kazadi est depuis 2021 ministre des Finances du gouvernement congolais. Membre du premier cercle du chef de l’État, l’économiste, qui a notamment travaillé quinze ans pour le programme des Nations unies pour le développement, revient pour RFI sur les grands dossiers économiques qui mobilisent les autorités et dresse un bilan de leur action un peu plus de deux mois avant l’élection présidentielle prévue le 20 décembre. RFI : Vous étiez cette semaine aux assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale à Marrakech. Quel message avez-vous transmis de la part du chef de l’État aux partenaires de votre pays ? Nicolas Kazadi : Que nous devons absolument consolider le nouvel élan en cours en RDC, les efforts d'assainissement et d'amélioration de la gouvernance économique et politique. Nous allons bientôt tenir une élection générale. Et comme j'ai l'habitude de dire, si l'élection de 2018 était la plus pacifique, celle de 2023 sera en plus la plus transparente. La semaine dernière, vous avez participé à un important forum agricole à Kinshasa. Le sol-a-t-il une revanche à prendre sur le sous-sol en RDC, comme le dit depuis quelques années le gouvernement ? Oui, absolument. Pour ceux qui connaissent l'histoire de ce pays, c’est entre autres la culture de l'hévéa, qui a généré les revenus permettant de financer l'exploitation minière. Malheureusement, la montée en puissance des mines s'est faite au détriment de l'agriculture qui était la véritable vocation du pays. La RDC importe encore massivement pour répondre aux besoins alimentaires des populations. Cela contribue aux déséquilibres de la balance commerciale et renforce l’inflation. Comment comptez-vous réduire cette dépendance vis-à-vis de l’extérieur ?Il faut que l'on crée les conditions pour rétablir la compétitivité du secteur agricole. Elle a été perdue. D'abord parce qu’il y a eu une destruction des infrastructures essentielles, notamment de transport, indispensables pour le développement agricole et aussi à cause d'une gouvernance qui n'a pas toujours été favorable. Notre stratégie actuelle, c'est de tout faire pour créer les conditions qui inciteraient les gens à aller dans le secteur agricole plutôt que de se cantonner dans le secteur minier, qui reste une enclave et qui n'est pas aussi porteur de développement que peut l'être l'agriculture. Mais le secteur minier représente encore plus de 40% du produit intérieur brut de la RDC, contre 20% pour l'agriculture. Est-ce que dans ce domaine, la RDC a retrouvé au cours du mandat de Félix Tshisekedi une partie de sa souveraineté ?Oui, absolument. Nous avons une gestion des contrats qui aujourd'hui est totalement transparente et cela s'est d’ailleurs traduit par une amélioration sensible de notre notation auprès de l'Initiative sur la transparence dans les industries extractives (Itie). Mais nous ne voulons pas revenir à une période où l’État contrôlait le secteur via la Gécamines. Ce qui est important, c'est que le pays tire le plein bénéfice de ses ressources. Il faut que l’activité minière et la fiscalité permettent de diversifier l'économie en accélérant notamment le financement des infrastructures pour promouvoir les autres secteurs, au premier rang desquels l'agriculture. Mines contre infrastructures, c’est l’objet de la convention signée en 2008 avec la Chine. En février dernier, l'Inspection générale des finances pointait un déséquilibre majeur en défaveur de la RDC pour ce que les autorités avaient qualifié à l’époque de « contrat du siècle ». Est-ce que ces termes vont être rééquilibrés ?Il est en cours de réexamen, mais il n'y a pas que ce contrat-là. Il y a aussi des ajustements concernant la mine de Tenke Fungurume (TFM). TFM a repris ce qui était la plus grande mine de cuivre, de cobalt du Congo. Il y a eu les évolutions qu’on attendait au profit de la Gécamines et donc, de l'État congolais (obtention de 800 millions de dollars en paiement compensatoire et d’au moins 1,2 milliard de dollars de dividendes sur plusieurs années, garantie de l’octroi de 20% de la valeur de la sous-traitance du projet). Concernant Sicomines – consortium qui réunit les intérêts congolais et chinois dans le cadre du contrat du siècle – ça va être un peu plus long parce que c'est un peu plus compliqué. Le programme de développement des 145 territoires est aussi un projet phare du gouvernement. À l’origine, il était prévu sur la période 2021-2023. À près de deux mois de l'élection présidentielle, où en est-on ?Dans tous les projets, et surtout dans un contexte marqué par un important déficit en infrastructures de transport, il y a toujours des décalages entre le timing prévu et les réalisations. Mais nous pouvons dire que la première phase, celle de construction des bâtiments essentiels pour marquer la présence de l'État et des bâtiments à caractère social comme les écoles et les centres de santé, évolue bien. Cette phase va se poursuivre en 2024. La seconde étape concerne notamment les routes de desserte agricole. Celle-ci a pris aussi un petit peu de retard. Nous avons conçu un grand programme d'acquisition de plus de 5 000 engins lourds à répartir sur les 145 territoires. Leur gestion se fera dans le cadre d’un partenariat public-privé (ppp) pour qu’elle soit efficace et ainsi reconquérir les milliers de kilomètres de routes que nous avons perdus faute d'entretien pendant des décennies. En même temps, nous avons eu au niveau national un grand débat sur la caisse nationale de péréquation, prévue dans la constitution depuis 2006, mais qui n'est opérationnelle que depuis l’année dernière et va monter en puissance. C’est elle qui évalue les disparités entre les territoires et formule des plans pour les résorber. Autres ouvrages emblématiques du potentiel de la RDC et des difficultés à le réaliser, les barrages d'Inga. Pourquoi actuellement Inga 1 et Inga 2 ne fonctionnent pas à plein régime ?Inga 1 et Inga 2 ont subi ce que le pays a subi pendant quelques décennies. Mais nous travaillons à leur réhabilitation, qui pourrait accroître de plus de 1000 mégawatts leur capacité. Reste que nous avons besoin d'aller plus loin parce que nous voulons transformer nos minerais et que ces activités sont très consommatrices d'énergie électrique. Ce sont des milliers de mégawatts dont nous aurons besoin très rapidement. Et puis nous espérons que, au regard des enjeux climatiques mondiaux, qu'enfin la communauté internationale va s'intéresser davantage à ce projet qui est essentiel, pas seulement pour le pays, mais pour l'Afrique et même un peu pour le monde. Justement, est-ce qu'on assiste pour le projet Inga 3 à un regain d'intérêt de l'Afrique du Sud ?L'intérêt de l'Afrique du Sud est permanent et j'en veux pour preuve les propos tenus par le président sud-africain à Paris lors du récent sommet organisé par le président Macron.Le gouvernement congolais vient de présenter un budget en très forte augmentation, en franc congolais.L'augmentation est nominale – environ 20% -, mais en termes réels, elle n'est pas considérable, parce que nous devons être prudents. Nous n'anticipons pas une hausse importante, ni de la production, ni du coût de nos principaux produits d'exportation. En dollars constants, nous sommes donc à peu près au même niveau que le budget voté pour 2023. Un peu moins d'un tiers repose sur l’aide publique au développement qui a connu une certaine augmentation ces 3, 4 dernières années. Mais nous avons aussi quasiment triplé nos ressources propres ces trois dernières années, ce qui est un exploit considérable et nous pensons que nous pouvons aller plus loin. Il y a eu un accroissement important de la production minière, rien que pour le cuivre, on est passé de 1,8 million de tonnes en 2021 à 2,5 millions de tonnes en 2022. Nous avons également bénéficié d'une bonne tenue des cours, mais cela, nous ne le maîtrisons pas totalement. Parce qu'au niveau des conditions de vie des Congolais, beaucoup reste à faire. Elles ont peu évolué.C'est vous qui le dites. Depuis 2019, nous avons introduit la gratuité de l'enseignement primaire. Cela a permis de transférer du budget de l'État vers les ménages plus d'un milliard et demi de dollars. Et là, nous venons d'ajouter la gratuité de la santé en commençant par les accouchements. Tout cela, ce sont des transferts qui se traduisent par une amélioration du bien-être des populations. Nous avons également beaucoup fait pour limiter la hausse du prix du carburant. C'est aussi une façon de protéger les Congolais. C’est difficile de dire que personne ne le ressent. C’est vrai que ce qui reste à faire reste très important. Mais nous avons réduit le taux de pauvreté selon certaines analyses de 10 points de pourcentage. Nous serions passés d'environ 72% à 62%.  Est-ce que le financement des élections est assuré ? On a vu que la Ceni avait recours à des prêts en attente des versements de l'État.Oui, mais ces prêts sont faits avec la garantie du Trésor, donc il n’y a rien d'anormal. Nous faisons face à beaucoup de contraintes et de pression, mais les élections se tiendront bien à la date prévue. Depuis un mois, le journaliste Stanis Bujakera Tshiamala, directeur adjoint du site Actualité CD, collaborateur du média Jeune Afrique et de l'agence Reuters, est emprisonné. La justice congolaise a annoncé qu'il serait jugé. Pourquoi fait-il l'objet d'un traitement aussi dur ?Parce qu'il ne s'agit pas d'une affaire de journalisme, mais de sécurité intérieure. Donc ce serait une grave erreur que de se réfugier derrière le statut des journalistes. Notre pays est fragile, en construction, et il ne faut pas profiter de cette faiblesse pour mettre en péril sa stabilité, surtout à l'approche des élections.  À quelques semaines de la présidentielle, la place d'un journaliste peut donc être en prison.S’il en va de la sécurité du territoire, de la protection de l'intégrité d'une élection pour la protéger de manipulations diverses, oui, je trouve que c'est normal. Mais attendons que la justice nous éclaire sur ce dossier.
10/13/20234 minutes, 44 seconds
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Présidentielle à Madagascar: «Les onze candidats de l'opposition ont enchaîné les ultimatums»

À Madagascar, le face-à-face entre le camp du président Rajoelina et la coalition de onze candidats de l'opposition est de plus en plus tendu. Les Églises renoncent à leur médiation. L'un des candidats blessés lors de la dispersion d'une manifestation demande un report du scrutin. Le président du Sénat dit qu'on l'a menacé pour qu'il renonce à assurer l'intérim à la présidence pendant le processus électoral. Quelles peuvent être les conséquences de ces rebondissements ? Entretien avec Ketakandriana Rafitoson, chercheuse en sciences politiques et directrice exécutive de Transparency International Madagascar. À lire aussiMadagascar: Andry Rajoelina lance sa campagne pour l'élection présidentielle
10/12/20234 minutes, 58 seconds
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Guerre Israël-Hamas: les dirigeants africains «ne veulent pas effaroucher leur propre opinion publique»

Depuis l'assaut du Hamas contre Israël, samedi dernier, les réactions sont très contrastées sur le continent africain. Les uns soutiennent l'État hébreu, les autres défendent avant tout la cause palestinienne. Est-ce à dire que l'Afrique est coupée en deux ? Pas si simple, répond le chercheur sénégalais Pape Ibrahima Kane, qui est spécialiste des questions régionales en Afrique et qui est l'un des responsables de la Raddho, la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme. En ligne de Dakar, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Depuis samedi dernier, le Congo-Kinshasa, le Kenya, le Togo affichent leur soutien à Israël, tandis que l’Algérie, la Tunisie, l’Afrique du Sud dénoncent l’occupation illégale de la Palestine comme cause de tous les malheurs qui arrivent en ce moment. Peut-on dire que jamais l’Afrique n’a été aussi divisée sur la question israélo-palestinienne ?  Pape Ibrahima Kane : Pas tout à fait, parce que, quand vous jetez un coup d’œil sur ceux qui ont vraiment montré leur soutien à Israël, cela ne fait pas plus de six ou sept pays. Ce qui caractérise le continent dans cette affaire, c’est le silence de la grande majorité des États, et pour moi, ce silence est simplement lié au fait que ces dirigeants ne veulent pas effaroucher leur propre opinion publique, surtout lorsqu’il s’agit de la Palestine, des relations entre la Palestine et Israël.  Et l’un des pays qui affiche le plus fortement son soutien à la cause palestinienne, c’est l’Afrique du Sud, pourquoi ? Parce que l’Afrique du Sud a vécu l’apartheid, l’Afrique du Sud a connu tout ce qui constitue aujourd’hui la cause de ce conflit.L’ANC qui a rappelé ces derniers jours qu’à ses yeux, « l’histoire de l’apartheid en Afrique du Sud était la réalité de la Palestine occupée aujourd’hui »…  Oui, ce qui caractérise ce conflit, au-delà de ces événements douloureux que nous avons vécus samedi, c’est qu’il y a une histoire faite de spoliation de terres, faite de discrimination, faite d’humiliation, et ça, beaucoup de pays africains le sentent amèrement, et beaucoup de pays africains aussi ont le sentiment que la communauté internationale n’a jamais pris à bras-le-corps la question palestinienne. Tout le monde sait que la solution minimale, c’est une solution à deux États, mais personne ne soutient la cause palestinienne. Et les États africains le rappellent à toutes les réunions, tous les mois de janvier, lors des sommets de l’UA, les États africains rappellent cela. Alors, vous dites que les États africains qui soutiennent Israël sont minoritaires, mais ils le soutiennent bruyamment. Le Kényan William Ruto affirme que rien ne justifie le terrorisme, et le Congolais Félix Tshisekedi proclame sa solidarité avec le peuple israélien.  Oui, absolument, sur les 55 États membres de l’Union africaine, il y en a 43 qui ont reconnu l’État d’Israël, et dans ces 43 pays, il y a au moins une ambassade israélienne. Pourtant, lorsque cette crise a éclaté, ils sont moins de six à avoir la position que vous venez de décrire. Des États comme le Maroc, le Rwanda, qui sont pourtant très très proches d’Israël, n’ont pas pris de position, ça vous donne une idée des difficultés de ces États, surtout pour un pays comme le Maroc, où, malgré la prise de position du gouvernement qui était très diplomatique, il y a eu des manifestations à Marrakech, Casablanca et Rabat pour la cause palestinienne. Ça vous donne une indication sur le fait qu’avoir des relations avec Israël, c’est une chose, et ce que pense l’opinion publique est encore plus important dans beaucoup de pays.  Suite au dernier sommet de l’Union africaine, où une diplomate israélienne a été expulsée des débats, le gouvernement israélien a regretté que « l’Union africaine soit prise en otage par un petit nombre de pays extrémistes, comme l’Algérie et l’Afrique du Sud. » Non, je ne pense pas que cet incident-là soit lié à une main mise d’un certain nombre de pays sur l’Union africaine, c’est plutôt qu’il s’agissait d’accorder un statut d’observateur à Israël auprès de l’Union africaine et la procédure, apparemment, n’avait pas été bien suivie. Et je me souviens qu’à l’époque, encore, il y avait eu des événements douloureux qui avaient causé la mort de milliers de Palestiniens, et à l’époque, les États africains ne voulaient pas qu’il y ait un lien entre l’admission d’Israël et cette situation, et c’est pourquoi ils avaient demandé à ce que ce dossier soit retiré. Et jusqu’à présent, d’ailleurs, ce dossier n’a pas été remis sur la table par le président de la Commission de l’UA, c’est vous dire, encore une fois, la sensibilité des Africains par rapport à la cause palestinienne.  Est-ce qu’après l’assaut du Hamas contre Israël samedi dernier, les relations entre Israël et les pays africains vont changer, ou pas ?  Changer, je ne dirais pas, mais au moins, il y aura un léger froid, parce que les Africains ont le sentiment qu’Israël devrait chercher à changer d’attitude, de comportement, vis-à-vis des Palestiniens de manière générale, parce que ce que les Africains veulent éviter, c’est que le Hamas soit assimilé à tous les Palestiniens. Beaucoup d’Africains ne sont pas d’accord avec les méthodes du Hamas, ne sont pas d’accord avec les stratégies du Hamas, mais les citoyens et les États africains refusent qu’on assimile tous les Palestiniens, les millions de Palestiniens. Ils refusent qu’Israël les traite de la même manière.  Donc un sommet Afrique-Israël, comme a voulu l’organiser le Togo il y a quelques années, ce n’est pas pour demain ?Tout à fait, ce n’est pas pour demain.   
10/11/20234 minutes, 56 seconds
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«L’Afrique stimulera toute l’économie mondiale», croit Abebe Sélassié, directeur Afrique du FMI

Le FMI et la Banque mondiale sont en Assemblées annuelles toute la semaine à Marrakech. Deux institutions scrutées de près, souvent critiquées pour les politiques d'austérité qu'elles imposent. Le Fonds monétaire international est très attendu à Marrakech sur la question de l'aide aux pays endettés. Abebe Sélassié, le directeur Afrique du FMI, répond aux questions d'Alexis Bédu. RFI : Les Assemblées annuelles du FMI et de la Banque Mondiale ont débuté ce lundi 9 octobre à Marrakech, dans un contexte toujours très difficile pour les pays africains. Inflation, explosion de la dette publique, manque de financements… Au moment d’aborder ces Assemblées, est-ce qu’il y a vraiment des motifs d’espoir ?Abebe Sélassié : Les deux dernières années ont été très difficiles pour la plupart des pays en Afrique. Ce n’est pas très surprenant étant donné la gravité des chocs exogènes qui ont touché ces pays. La pandémie de Covid-19 a été rapidement suivie de nombreuses perturbations sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, ce qui a fait grimper les prix. Et puis, comme si tout cela ne suffisait pas, il y a eu l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a encore une fois été un choc sismique dans l’économie mondiale et qui a eu des répercussions sur les pays africains : l’augmentation des prix du carburant et des prix alimentaires.Mais nous observons encore beaucoup de résilience sur le continent, en particulier dans le secteur privé. Nous prévoyons d’ailleurs une reprise de la croissance en 2024.Je crois que l’Afrique stimulera l’économie mondiale compte tenu de la dynamique démographique, mais aussi des possibilités de rattrapage. En Afrique subsaharienne, les perspectives de croissance sont énormes. Donc, je suis optimiste.Une Afrique « résiliente », qui bénéficie « d’un fort potentiel de développement », ces mots sont prononcés chaque année, à chaque grand rendez-vous économique, et pourtant, la dette se creuse, le fossé entre les pays en termes de développement s’agrandit, qu’est-ce qui ne fonctionne pas ?Il y a deux ou trois choses que les gens négligent lorsqu’ils font valoir ce point. D’abord, je pense que si nous examinons un ensemble plus large d’indicateurs de développement, et pas seulement le revenu par habitant, nous voyons une transformation énorme. L’espérance de vie, la mortalité infantile, le taux de mortalité maternelle : ce sont des indicateurs fondamentaux de développement. Au cours des 25-30 dernières années, il y a eu une énorme transformation, une énorme réduction de l’écart par rapport aux pays avancés.Alors concernant la dette. Pourquoi augmente-t-elle ? Les pays ont fait beaucoup d’investissements. Dans l’infrastructure, l’éducation, le sanitaire… Des investissements qui étaient nécessaires. Mais l’aide étrangère étant moins disponible, une bonne partie des pays africains ont dû emprunter au prix du marché, ce qui a conduit à l’augmentation de la dette. Ces pays doivent faire plus… après avoir beaucoup investi, ils doivent chercher un retour sur investissement via le régime fiscal.Quelle situation vous inquiète particulièrement ?Une des questions sur lesquelles nous travaillons très activement avec les décideurs à l’heure actuelle est, bien sûr, la façon dont nous pouvons les aider à traverser cette difficile période de manque de financement. C’est un défi très important pour la plupart des ministres des Finances et des gouverneurs de banques centrales qui sont à Marrakech cette semaine.La solution nécessitera des restructurations de dette. Des pays comme le Ghana et la Zambie sont passés par là. Dans d’autres cas, je pense qu’un financement important est nécessaire POUR soutenir les réformes, et c’est là que la communauté internationale doit intervenir.En avril, 45 ministres africains des Finances appelaient à une réforme du système des DTS (les Droits de tirages spéciaux alloués par le FMI), ils critiquent une répartition injuste. Y a-t-il eu des avancées ?D’autres réformes sont-elles nécessaires ? Doit-on faire plus ? Absolument. Nous allons nous pencher lors des réunions annuelles sur la mobilisation de ressources pour notre programme sur la réduction de la pauvreté et la confiance dans la croissance. Avec de nombreux pays de la région, nous avons des discussions actives, afin que les donateurs, la communauté internationale, puissent mettre plus de ressources afin que nous puissions continuer à accorder des prêts à taux zéro sur le continent, ce dont nous avons désespérément besoin.Y a-t-il eu des résultats concrets après les engagements du dernier sommet de Paris ?On est quasiment au chiffre de 100 milliards de DTS qui était annoncé. Ils sont allés sur deux de nos programmes. Il y a eu énormément de progrès.La situation au Niger. Un financement de 131 millions de dollars avait été approuvé en juillet. Avant le coup d’État. La Banque mondiale a suspendu ses versements. Est-ce le cas du FMI ?Bien sûr. Il y a un programme pour le Niger, mais depuis le coup d’État en juillet, nous n’avons décaissé aucun fonds. Il faudra une entente avec un gouvernement officiellement reconnu avant de pouvoir avancer.
10/9/20235 minutes, 1 second
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RDC: «Le défi de l'opposition sera de créer une nouvelle dynamique autour d'une ou deux candidatures»

En RDC, on sait maintenant qui est sur la ligne de départ pour la présidentielle du 20 décembre. Le dépôt des candidatures est terminé depuis ce 8 octobre soir. De Félix Tshisekedi à Moïse Katumbi en passant par Martin Fayulu et le docteur Mukwege, tous les poids lourds sont là, ou presque. Le scrutin étant à un seul tour, le Président sortant espère pouvoir profiter de la multitude de candidats de l’opposition. Ceux-ci vont-ils être capables de se regrouper ? Trésor Kibangula est analyste politique à Ebuteli, l’Institut congolais de recherches sur la politique, la gouvernance et la violence. En ligne de Kinshasa, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Enseignement primaire gratuit, début de la couverture maladie universelle : le Président Tshisekedi défend son bilan pour se présenter à un second mandat. Mais est-ce qu’il a une chance dans un pays où les fonctionnaires ne gagnent même pas 200 dollars par mois ?Trésor Kibangula : C’est vrai que le Président Tshisekedi a essayé, pendant ce premier quinquennat, de pousser pour certaines mesures sociales. Il y a eu cette gratuité de l’enseignement de base où des millions de jeunes écoliers sont retournés à l’école, il y a le début de la couverture de santé universelle, avec toutes les critiques autour de ces deux mesures phare – le fait que ça n’ait pas été progressif, et que ça impacte même la qualité de l’enseignement. Mais, en même temps, le Président sortant Félix Tshisekedi n’a pas encore atteint le même niveau de désamour qu’avait son prédécesseur, certains lui accordent même quelques excuses parce que le pouvoir a commencé avec une sorte de cohabitation qui a duré au moins deux ans. Il y a beaucoup de promesses, beaucoup de bonnes intentions, mais la manière de mettre ça en place, c’est vrai que ça prend un peu plus de temps.Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Adolphe Muzito, Matata Ponyo, Delly Sesanga, et maintenant le docteur Mukwege et Floribert Anzuluni pour la société civile : est-ce que la présidentielle à venir ne risque pas d’être saturée de candidats de l’opposition et de la société civile ? Je pense que le défi de ce camp aujourd’hui contre Félix Tshisekedi, ce sera de parvenir à recréer une nouvelle dynamique autour d’au moins une ou deux candidatures. Partir comme ça, très dispersé, risque de ne pas être efficace, parce que pour une présidentielle, il faut le rappeler, à un tour, mieux vaut aller groupé que dispersé. D’autant qu’en face de ce camp anti-Tshisekedi, certains grands noms de la scène politique congolaise, Jean-Pierre Bemba et Vital Kamerhe, se sont déjà alignés pour soutenir Félix Tshisekedi.Il y a cinq ans, Martin Fayulu avait réussi une grosse performance électorale, mais n’avait pas été proclamé Président, est-ce qu’il peut prendre sa revanche ? C’est possible, ça dépendra de la dynamique de campagne, Martin Fayulu retourne au charbon. À la différence de 2018, ses soutiens d’hier sont aujourd’hui des concurrents, parce que tous sont aussi dans la course, donc ça va être difficile, mais le combat pour parvenir à cette revanche dépendra aussi de la qualité des élections.Il y a trois mois, Martin Fayulu avait dit qu’il boycotterait le scrutin à venir tant que le fichier électoral ne serait pas audité, or rien n’a été audité, et pourtant, aujourd’hui, Martin Fayulu change d’avis et se présente. Est-ce qu’il faut craindre une fraude massive de la part de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) ? Lorsqu’on regarde les candidats sortir du bureau de la Céni pour déposer leur candidature, leur dossier, tous appellent à plus de transparence. C’est-à-dire que les gens craignent qu’il y ait des fraudes massives. Après le refus de l’audit [du fichier électoral] par un cabinet indépendant, avec l’OIF qui aurait été partie, les Églises ont demandé à ce que la Céni autorise ne serait-ce qu’un audit citoyen. Là aussi, la Céni a dit non, donc un processus électoral, qui avance sans que les parties prenantes ne fassent confiance à ce qui est en train d’être fait, pose le décor des contestations et, malheureusement peut-être, de violences électorales.Moïse Katumbi fait souvent de bons chiffres dans les sondages de ces dernières années, mais n’a jamais pu encore se présenter. C’est sa première candidature. Quelles sont ses chances ? C’est vrai qu’on va quand même souligner cette volonté du côté du pouvoir de ne pas empêcher quiconque de se présenter, on voit beaucoup de candidatures de l’opposition s’aligner. Aujourd’hui, je pense que c’est très difficile de mesurer les chances des uns et des autres. Moi, je pense que le principal défi de l’opposition ce sera d’arriver à recréer un momentum comme on a vu à Genève la dernière fois, en novembre 2018, autour d’une candidature commune, parce que ce sera très difficile d’avoir un seul candidat de l’opposition. Mais s’ils arrivent, si de grands leaders de l’opposition arrivent à pousser une candidature, là on pourra parler de vraies chances de ceux qui vont se présenter face à Félix Tshisekedi.Voulez-vous dire qu’il faudrait qu’au moins Martin Fayulu et Moïse Katumbi parviennent à s’entendre ? Je pense qu’il faut élargir ce cercle, en y ajoutant Delly Sesanga et Matata Ponyo, plus le docteur Denis Mukwege qui vient s’ajouter, donc les cinq doivent aujourd’hui discuter pour trouver ensemble une stratégie. Certains candidats doivent accepter de s’aligner derrière une ou deux candidatures de ce camp anti-Tshisekedi.Le prix Nobel 2018, Denis Mukwege, est novice en politique. Est-ce que le docteur peut faire une percée ou est-ce que c’est trop tard ? Je ne pense pas que ce soit trop tard, c’est une candidature qui vient redistribuer les cartes, notamment au niveau de l’opposition, parce que c’est quand même quelqu’un de très respecté qui entre en jeu, et est-ce que certains opposants ne pourraient pas s’aligner derrière cette candidature ? Ce sont des choses qui sont en train, je pense, d’être discutées en ce moment.
10/9/20237 minutes, 28 seconds
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Un mois après le séisme au Maroc: «L'espérance» d'Hamed Hammouche, restaurateur à Marrakech

Une douleur nationale et une réponse, une solidarité exceptionnelle. Deux jours après le séisme, notre envoyé spécial Guillaume Thibault avait croisé la route d’Hamed Hammouche. Ce restaurateur de Marrakech était venu aider dans les villages au-dessus de la ville d’Amizmiz et s’était retrouvé à organiser les secours pour près de 2 000 sinistrés. « La priorité, c'est de remettre toutes les personnes au travail », nous confie-t-il un mois après. 
10/8/20235 minutes, 13 seconds
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Herman Cohen: «Les relations entre la France et l'Afrique sont toujours très importantes»

Nous vous l'annoncions hier en exclusivité, l'armée française a commencé son désengagement du Niger, nouveau rebondissement dans la crise qui se joue actuellement avec les autorités militaires de Niamey, Ouagadougou et Bamako. Cette question des relations franco-africaines est suivie de près aux États-Unis, où les spécialistes de la politique africaine ont des avis diamétralement opposés. Alors que Michael Shurkin, de l'Atlantic council, estimait dans une analyse récente que « le temps de la France est fini en Afrique », Herman Cohen, ancien secrétaire d'État adjoint chargé des affaires africaines, met en garde sur les effets de loupe et les manipulations des pouvoirs autoritaires. Entretien. À lire aussiLa France engage son retrait militaire du Niger
10/6/20234 minutes, 57 seconds
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Haïti: «L'arrivée de la force kényane est le résultat d'un deal conclu avec les Américains»

Pourquoi le Kenya s'est-il porté volontaire pour envoyer 1 000 policiers en Haïti afin d'essayer d'y rétablir l'ordre ? Pourquoi cette offre vient-elle d'un pays d'Afrique et pas d'un pays du continent américain, comme les États-Unis ou le Canada ? Bref, quelles sont les raisons avouables et peut-être moins avouables de cette initiative surprenante ? L'anthropologue béninois Brice Ahounou connaît bien Haïti. Cet enseignant-chercheur est à Paris, correspondant du journal Haïti-Observateur de New York. RFI : « Nos frères et sœurs haïtiens sont les premiers à avoir gagné leur combat pour la liberté face à la tyrannie coloniale. Et leurs cris sont arrivés jusqu’à nos oreilles », a lancé le président kényan William Ruto, c’était à la tribune de l’ONU il y a quelques jours. Brice Ahounou, quelle place occupe Haïti dans le cœur des Africains ?Brice Ahounou : Haïti est une Afrique très avancée dans la mer des Caraïbes. Et effectivement, Haïti occupe une place importante. Mais je dois dire, il y a de cela quelques années, la République Haïti était rentrée à l’Union africaine en 2012, et elle a mis 4 années à en sortir. Cela nous a amenés à nous interroger aujourd’hui pour savoir si, par exemple, les dirigeants politiques africains s’intéressent vraiment à Haïti, puisque la République de Haïti n’est plus membre de l’Union africaine.Pourquoi est-elle sortie de l’Union africaine ?Parce que, au départ, elle avait un statut de membre observateur et les dirigeants de l’Union africaine ne se sont pas tout à fait mis d’accord. Ils ont invoqué un article de la charte de l’Union africaine et ils ont mis Haïti dehors.Il y a eu un sentiment de solidarité après le tremblement de terre de 2010. C’est peut-être pour cela qu’Haïti y est entrée en 2012 ?Absolument. Et je dois dire que cette solidarité s’était aussi étendue à plusieurs pays comme le Sénégal.Pourquoi dites-vous que, pour les Africains, Haïti est à la fois loin et proche ?Loin, d’abord par la distance géographique. Vous verrez par exemple que le Kenya, qui accepte de prendre la tête d’une force internationale en Haïti, est à plus de 12 000 kilomètres. Et proche, parce que culturellement les Africains, notamment ceux de l’Ouest, considèrent que Haïti est une partie de leur culture. Le plus classique, c’est le vaudou et tout le reste. Quand on va en Haïti, on voit qu’il y a une grande ressemblance des gens qu’on voit, des modèles culturels et tout le reste. On pourrait se croire en Afrique quand on arrive en Haïti. Mais en même temps, les Haïtiens ont fait un trajet historique très important au cours des 200 dernières années et que Haïti est un pays de l’hémisphère nord-américain.Vous parlez du vaudou qui relie Haïti à l’Afrique de l’Ouest et au Bénin. Pourquoi plutôt le Kenya que le Bénin pour manifester cette solidarité concrète en Haïti ? C’est ce qu’il y a de plus étrange dans cette affaire justement. Mais en fait, nous savons très bien que l’arrivée des Kényans en Haïti est le résultat d’un deal conclu avec les Américains. C’est-à-dire que Washington a été depuis toujours, en tout cas depuis ces dernières années, un peu la puissance tutélaire en Haïti à travers le Core Group par exemple [Ambassadeurs d’Allemagne, du Brésil, du Canada, d’Espagne, des États-Unis d’Amérique, de France, de l’Union européenne, du représentant spécial de l’Organisation des États américains et de la représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies], ce club de pays du Nord qui s’ingèrent dans les affaires haïtiennes. Donc, le Kenya a répondu à une demande américaine en fait. Joe Biden met sur la table, je crois, 100 millions de dollars. Donc, le Kenya a accepté. D’ailleurs, on remarque très bien que l’opposition kényane, quelques voix de l’opposition kényane, s’étonne de cette offre que le Kenya accepte. Donc, je dirais que c’est un projet américain auquel le Kenya a répondu.Il y a un opposant kényan qui a été candidat en 2017, Ekuru Aukot, qui dit que « les policiers kényans sont envoyés en Haïti pour nettoyer le sale travail des États-Unis et de la France »…Il n’a pas tout à fait tort, c’est un peu crûment dit. Mais il n’a pas tout à fait tort, parce que le Premier ministre haïtien actuel, qui est un Premier ministre intérimaire, qui n’a jamais été élu et dont la légitimité pose question, ce Premier ministre là est quand même piloté quelque part par le département d’État américain. Il est membre du Core Group dont je vous ai parlé. Donc, l’opposant kényan, quand il dit cela, il se rend bien compte que c’est une espèce d’échec quelque part franco-américain en Haïti et que les Américains ne veulent plus entrer dans les affaires haïtiennes directement, puisque les dernières missions des Nations unies, qui ont été en Haïti, ont été entachées de divers scandales. Et elles n’ont pas répondu justement à la volonté première qui était de relever Haïti. Donc, ces pays sont devenus frileux, je veux dire la France et les États-Unis, qui ne veulent plus y aller directement et préfèrent s’adresser peut-être à une nation proche visuellement des Haïtiens puisqu’il s’agit là des Kényans qui vont y aller. Mais dernière chose concernant quand même le Kenya, on peut s’interroger sur la police kényane. Amnesty International, au mois d’août par exemple, a adressé une lettre au Conseil de sécurité pour s’alarmer du fait que la police kényane n’a pas une grande réputation de tendresse en matière des droits de l’homme. On peut se réjouir qu’enfin, des forces viennent pour aider les Haïtiens à sortir de la question des gangs, mais, en même temps, des questions importantes se posent sur ce qui risque d’arriver.Même si les Américains et les Français se cachent derrière les policiers kényans pour ne pas être rejetés par la population haïtienne, est-ce que ce n’est pas tout de même une main tendue à tous ces malheureux Haïtiens qui vivent sous la terreur des gangs ?Je dirais oui et non. Oui, dans un premier temps, on est d’accord parce qu’il faut bien que quelqu’un puisse les aider, puisque, quand on a vécu cette terreur en Haïti, on voit comment les gens sont tués avec cruauté. Donc, dans un premier temps, c’est intéressant qu’on vienne les aider. Mais, qu’est-ce qui vient par la suite ? Cette main tendue est une main bienvenue pour au moins soulager les populations dans un premier temps. Mais tout reste à construire.À lire aussiHaïti: l’envoi d’une force kényane inquiète les ONG après un historique de violences policières
10/5/20236 minutes, 45 seconds
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Côte d’Ivoire: «Je vais organiser les États généraux de Yopougon», dit le maire Adama Bictogo

En Côte d’Ivoire, le Conseil d’État a confirmé hier mardi, l’élection d’Adama Bictogo à la tête de la mairie de Yopougon. Il avait recueilli 40,33% des voix, selon les résultats de la Commission électorale indépendante. Yopougon est la commune la plus peuplée du district d’Abidjan, réputée être le fief de l’ex-président Laurent Gbagbo. Originaire d’Agboville, le président de l’Assemblée nationale réussit un coup d’éclat. Comment compte-t-il développer cette commune ? Quels sont ses projets ? Entretien. Votre élection survient sur fond de soupçons de fraude que le Conseil d’État a écartés. Comment comptez-vous rassembler les habitants qui, à priori, ne vous sont pas favorables ?Adama Bictogo : Ça, c’est vous qui le dites. Les soupçons ne sont pas portés sur les résultats. Ils ont posé des réclamations contre le matériel de la CEI [Commission électorale indépendante]. Mais on était tous concernés par le retard d’ouverture de certains bureaux. Donc, moi, je ne m’attarde pas sur les réclamations. Pour ce qui est du rassemblement des populations de Yopougon, à la vérité, le rassemblement se fera par la réalisation des projets.Toujours est-il que l’élection s’est déroulée le jour J dans une certaine indifférence. Deux tiers des électeurs de Yopougon ne sont pas allés voter. Comment comptez-vous faire pour essayer de rétablir la confiance qui semble aujourd’hui brisée entre les électeurs et la classe politique en général ?Je reste convaincu que le monde managérial que je vais mettre en place, qui va me rapprocher des populations, la digitalisation de la mairie, la facilité avec laquelle les populations de Yopougon vont avoir accès à leur extrait de naissance, aux bourses familiales… Autant d’éléments qui vont créer une vraie ambiance de fraternité. Je bâtis la stratégie de ma campagne autour du consensus. Les populations ne sont pas figées. Ce ne sont pas des meubles. On a fait une offre. Ils ont adhéré à cette offre. C’est à nous de mériter la confiance donc des populations à partir des réalisations que nous allons faire.Quelles sont les premières mesures que vous comptez mettre en œuvre pour améliorer le cadre de vie des habitants de Yopougon ?Très rapidement, je vais mettre en place un programme d’urgence communal à Yopougon, relativement la fluidité routière, l’assainissement, l’eau. Tout ce qui relève du quotidien, du social. Au lendemain de mon installation, je vais donc organiser les États généraux de Yopougon.Tout cela, ce sont des projets ambitieux : refaire l’assainissement, refaire les routes… sur quel budget ?L’assainissement est un programme de l’AFD [Agence française de développement, ndlr].Il y a le budget gouvernemental. La mairie de Yopougon ne s’exclut pas. Ce n’est pas une mairie autonome. Yopougon est pris en compte dans le PND, le Plan national de développement jusqu’en 2025. Ce que je veux dire, c’est qu’il y a déjà des projets pour lesquels les financements sont disponibles. J’ai donc échangé avec le responsable de l’AFD en ce qui concerne l’assainissement.Pour vous, avoir remporté cette élection, c’est quand même aussi un tremplin. Est-ce que ça va vous encourager, dans deux ans, à présenter votre candidature au sein du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) pour la présidentielle ?(rires) Laissez-moi savourer mon élection à la tête de Yopougon. Nous sommes un parti organisé. J’ai toujours été au côté du président Alassane Ouattara. Il m’a toujours confié des missions, même des missions difficiles. Celle de Yopougon n’était pas une mission acquise. J’ai toujours été là pour répondre à ses appels. Pour 2025, c’est au président Alassane Ouattara, président du parti, qui devra donc donner les orientations de 2025. Pour l’heure, je me concentre sur l’Assemblée, je vais faire mon job de président de l’Assemblée. Je vais faire mon job de maire de la commune de Yopougon. Mais je suis une personne-ressource qui compte au sein du RHDP et les orientations que le RHDP voudra bien prendre pour 2025, ces orientations se feront sous la houlette du président Alassane Ouattara.La session parlementaire a repris lundi. Pourquoi la proposition de loi sur la limite d’âge à 75 ans concernant les candidats à la présidentielle a-t-elle disparu des débats parlementaires ?Aucun texte ne disparaît à l’Assemblée, je voudrais déjà recentrer les choses. C’est une proposition de loi qui émane d’un député, comme plusieurs propositions de loi qui nous sont parvenues. L’ensemble de ces propositions de loi ont fait l’objet d’analyse au niveau du bureau de l’Assemblée et ces propositions de loi sont transmises au Conseil constitutionnel pour analyse, parce qu’il y a des conditions de recevabilité aussi de ces propositions de loi. Donc, nous sommes dans l’entente du retour des résultats du Conseil constitutionnel.En tant que président de l’Assemblée nationale, est-ce que vous avez la possibilité, la latitude de pouvoir relancer cette institution ?Si le bureau venait à être saisi à nouveau par les députés qui ont initié ces propositions de loi, naturellement que je me ferai fort de relancer le Conseil constitutionnel. Mais je ne suis pas moi, l’initiateur de ces propositions de loi.
10/4/20234 minutes, 56 seconds
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Burkina Faso: «Près de la moitié du territoire échappe au gouvernement en place»

Au Burkina Faso, c’était il y a quasiment un an jour pour jour : le capitaine burkinabè Ibrahim Traoré renversait le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba et prenait le pouvoir. Un second putsch en l’espace de seulement huit mois justifié par l’incapacité du pouvoir à faire face à la poussée des groupes jihadistes dans le pays. Le 28 septembre, le gouvernement a annoncé avoir déjoué une tentative de coup d’État. Un an après l’arrivée du capitaine Traoré, où en est le Burkina Faso sur les plans sécuritaire et politique ? Entretien avec Francis Kpatindé, spécialiste de l'Afrique de l'Ouest et maître de conférences à Sciences Po Paris.  RFI : Francis Kpatindé, quel bilan peut-on dresser de l'action du capitaine Traoré, un an après sa prise de pouvoir ?Francis Kpatindé : Bilan très très très mitigé. Le territoire n'est pas libéré, bien entendu. Il y a deux millions de déplacés internes, il y a des milliers de réfugiés dans les pays voisins, surtout au nord de la Côte d'Ivoire, et il y a quand même aussi des milliers de morts. Cette situation désarticule non seulement le Burkina Faso, mais fragilise les pays voisins et ouvre des corridors d'accès à la mer aux jihadistes.Vous le disiez, les chiffres ne plaident pas en faveur de la junte : 6 000 personnes ont été tuées depuis le début de l'année, un chiffre en nette augmentation. Il y a ces deux millions de déplacés, un million d'enfants déscolarisés, car certaines zones dans le nord et dans l'est sont, de fait, sous blocus jihadiste.Absolument ! Le régime n'arrive pas à faire ce qu'il reprochait à ses prédécesseurs : c'est-à-dire ne pas assurer la sécurité. Le situation va de mal en pis, puisqu'aujourd'hui il y a près de la moitié du territoire burkinabè qui échappe au gouvernement en place. Et ce n'est pas avec le concours des VDP, des supplétifs civils de l'armée, qu'on va pouvoir faire peut-être avancer les choses.Est-ce que le problème ne vient pas justement de cette stratégie du tout sécuritaire ?Le problème c'est qu'il n'y a plus de vie politique au Burkina depuis l'avènement du capitaine Ibrahim Traoré. Ils ont suspendu les activités politiques. Donc, il n'y a que le tout sécuritaire. Ça peut se comprendre, à condition que ça ne dure pas éternellement. Un pays a besoin d'idées neuves, a besoin de confrontations d'idées pour nourrir la sécurité. Cette sécurité, c'est une chose trop sérieuse pour être uniquement confiée aux militaires.Les soldats français ont quitté le pays en février dernier à la demande des autorités burkinabè. Ouagadougou s'est depuis rapprochée de Moscou comme on a pu le voir lors du Sommet Russie-Afrique de fin juillet. La Russie aide-t-elle aujourd'hui le pays à lutter contre les groupes jihadistes ?Le Burkina ce n'est pas tout à fait comme le Mali où la présence du groupe Wagner est avérée et massive. Au Burkina, ils sont beaucoup plus discrets. Le problème, c'est ce que je disais tout à l'heure : quitter la France, en-soi, on peut comprendre... Mais est-ce que quitter un maître, un ancien colonisateur, pour une allégeance avec un nouveau, ce n'est pas une libération, ce n'est pas retrouver une pleine souveraineté, que de confier son destin à d'autres. Ce qu'il faut, c'est à la fois s'organiser ou défendre le territoire et essayer d'organiser des élections dans la foulée, mais une élection qui soit incontestable et qui évite que dans les mois à venir, les années à venir, des militaires ne soient tentés de se saisir à nouveau du pouvoir.Lors du sommet de Saint-Pétersbourg entre la Russie et l'Afrique, le capitaine Traoré s'en est pris à ses homologues africains qui tendent la main aux Occidentaux « comme des mendiants », a-t-il dit. Ce qui a donné lieu à une passe d'armes entre lui et le Sénégalais Macky Sall. Le numéro un burkinabè veut jouer les troubles fêtes à la façon de Thomas Sankara dont il revendique l'héritage. En a-t-il l'envergure selon vous ?Moi, je fais partie des journalistes qui ont connu Thomas Sankara. C’était une autre dimension, c'était autre chose, c'était quelqu'un qui connaissait le monde entier, qui connaissait les rapports de forces, et qui jouait avec ça. Ce qui s'est passé à Saint-Pétersbourg, c'est à mettre sur le compte de l'extrême jeunesse politique du capitaine Ibrahim Traoré.Depuis un an, certains notent un vrai recul des libertés individuelles. La liberté de parole existe-t-elle encore au Burkina Faso ?Difficilement, même si j'ai noté que les trois journalistes qui ont interviewé le président Ibrahim Traoré l'ont fait de manière assez libre : certaines questions gênantes ont été posées. Mais le fait est là qu'il n'y a plus d'activité politique et qu'il y a des mesures de rétorsion injustifiées contre certains médias. Le dernier en date c'est Jeune Afrique, dont les publications ont été suspendues là-bas pour avoir parlé d'un malaise dans l'armée, que quelques jours plus tard le capitaine Ibrahim Traoré a lui-même reconnu.Et puis on retiendra aussi ces déclarations du capitaine Traoré : « Les libertés individuelles ne doivent pas primer sur les libertés collectives. Soit vous êtes avec la patrie, soit vous êtes contre la patrie... »C'est assez étonnant aujourd'hui d'entendre ça, ça ne se justifie pas. Les gens ont besoin de partager leur opinion, leurs avis avec la junte qui n'a pas le monopole de la vérité, qui n'a pas le monopole de la pensée, qui ne peut pas avoir le monopole du débat politique.La situation au sein de l'armée est visiblement tendue : le gouvernement a annoncé la semaine dernière avoir déjoué une tentative de coup d'État. Diriez-vous que le pouvoir du capitaine Traoré est aujourd'hui fragile ?Absolument. Il est déjà fragile par la situation sociale, la situation économique, la situation sécuritaire… Et ajouté à cela le malaise au sein de l'armée. Visiblement certains officiers supérieurs ne sont pas d'accord avec la ligne qui est suivie aujourd'hui et essayent de le faire entendre. Il n'est pas exclu qu'il y ait eu des tentatives de putsch. Mais toujours est-il qu'on a annoncé officiellement qu'il y a quatre officiers qui ont été arrêtés et qu'il y en a deux qui sont en fuite, notamment des gens du renseignement.À lire aussiLe capitaine Traoré n'envisage pas d'élections avant la sécurisation de tout le Burkina Faso
10/3/20235 minutes, 8 seconds
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Paul-Marie Gondjout, ministre gabonais de la Justice: «Il faut que notre système politique soit plus juste»

C'est une interview exclusive sur RFI. Le ministre gabonais de la Justice s'exprime pour la première fois depuis sa nomination au sein du gouvernement de transition le 9 septembre. Une équipe mise en place suite au coup d'État il y a un mois qui a fait chuter le président Ali Bongo, après des élections très controversées. Paul-Marie Gondjout est le président du parti UNI, dans l'opposition sous l'ancien régime. Il prend la parole ce matin alors que l'ancienne première dame Sylvia Bongo et l'ex-ministre de l'Intérieur Lambert Noël Matha ont été inculpés vendredi. Le ministre répond aux questions de Sébastien Nemeth. RFI : Monsieur le ministre, Sylvia Bongo, Lambert Noël Matha, une dizaine d'anciens hauts responsables, sont désormais poursuivis par la justice. Certains sont emprisonnés. Faut-il s'attendre à d'autres interpellations?Paul-Marie Gondjout : Il y a une opération « Dignité » qui a été mise en place. Il y a eu des flagrants délits qui vont emmener à approfondir les enquêtes. Le procureur de la République nous dira ce qu'il en est, d'arrestations ou non des personnes qui auraient commis des forfaits.Beaucoup de personnes interpellées font partie de l'entourage de Sylvia Bongo. Qu'en est-il d'Ali Bongo?Le président de la République sortant a été élargi par le Comité de transition et de la restauration des institutions. Pour l'instant, aucune poursuite n'est engagée contre lui. Si dans le cours des choses, il y a des éléments qui permettent de le faire, à ce moment-là on avisera, mais pour l'instant je pense que rien n'a été engagé contre lui.Certains Gabonais s'interrogent néanmoins. Est-ce qu'on se dirige vers une possible impunité pour l'ancien président Bongo?Nous n'allons pas focaliser sur une personne mais sur un système qui a mis le pays à sec. Donc il ne faut pas orienter les choses vers une personne alors qu'il y en a d'autres. Il y a des faits notoires qui ont été mis à jour. De l'argent qui a été retrouvé dans des maisons, de manière indécente. Il y a la task force pour vérifier un certain nombre de choses sur la dette de l'État et des méfaits qui auraient pu être commis, avec des ramifications au Gabon et à l'extérieur. Il y aura peut-être évidemment des commissions qui vont être mises en place pour aller rechercher partout où c'est nécessaire tout ce qui aura été fait.Est-ce que vous souhaitez un assainissement total du système et qu'on récupère tout ce qui aurait pu être détourné ?Le Gabon a été spolié. Les finances de l'État sont à mal. Le fait qu'il y ait des personnes qui ont certainement caché de l'argent du Gabon à l'extérieur du pays, il va falloir retrouver cet argent. Cette opération « Dignité » nous fait découvrir nombre de choses incroyables. C'est un système qui a mis le pays en coupe réglée. C'était un peu comme une épicerie où ils se servaient à volonté. Maintenant le gérant de l'épicerie demande effectivement que des comptes soient faits.Qu'est-ce qui va être fait de toutes ces saisies?Le président de la transition a demandé que ces biens soient retournés à celui qui normalement doit être le propriétaire, c'est à dire l'État. Ce sont les Gabonais qui doivent effectivement pouvoir profiter de ces biens parce que ce sont les leurs. L'opération « Dignité », elle durera le temps nécessaire, il n'y a pas de limite de temps. Vous savez ce qui a été fait aujourd'hui au moment où nous parlons peut avoir des ramifications 10 ans avant ou 15 ans avant. Nous allons remonter jusque là-bas.Certains avocats, notamment ceux de l'ancienne première dame Sylvia Bongo, accusent le pouvoir de séquestration arbitraire, voire parfois de prise d'otage. Que répondez-vous aujourd'hui?Je pense que c'est tout à fait exagéré. Le 30 août, il y a eu une opération pour stopper tout le processus électoral engagé qui était totalement biaisé, toxique et dangereux pour le Gabon. À l'issue de cela, il y a eu des arrestations, mais il y a surtout eu la mise en sécurité du chef de l'État sortant et de sa famille. Il n'y a pas eu de séquestration arbitraire. Il n'y a pas eu de prise d'otage. Il y a simplement eu la mise en sécurité de la première dame sortante, pour éviter qu'il n'y ait de graves dommages à sa personne. Notre pays reste lié par les instruments internationaux et régionaux des droits de l'homme. Je tiens à cela.Savez-vous où se trouve Sylvia Bongo aujourd'hui ? Ses avocats s'inquiètent. Ils ne le savent pas.Ha si, ils doivent le savoir ! À partir du moment où elle est passée en instruction, les avocats doivent le savoir. S'ils ne le savent pas c'est qu'ils sont de mauvaise foi.Vous prenez votre poste au moment où les magistrats connaissent une grève d'une durée exceptionnelle, depuis le mois de décembre. Comment sortir de l'impasse aujourd'hui?Les magistrats ont levé leur mouvement de grève vendredi. Nous avons pu effectivement régler pratiquement 80 à 85% des problèmes qui sont les leurs. Le texte sur le statut particulier des magistrats va être, je dirai, promulgué. Sur leurs situations administratives et pécuniaires, ça aussi c'est en voie de règlement. Pour ce qui concerne les avocats, effectivement, la situation était un peu plus complexe puisqu'elle ne touche pas au fonctionnement du ministère de la Justice ou d'un lien qui existerait entre le ministère de la Justice et les avocats. Ils n'ont pas de bâtonnier. Ils n'ont pas de conseil de l'ordre à l'issue de l'annulation de l'élection de cela par le Conseil d'État. Ils ont souhaité que le ministre de la Justice nomme un bâtonnier intérimaire. Ce n'est pas mon rôle. Je pense qu'en ayant reçu les anciens bâtonniers à mon cabinet de travail, je pense qu'ils ont compris en sortant de là, qu'il fallait effectivement que eux-mêmes puissent prendre leurs responsabilités en mettant en place tout de suite une Assemblée générale qui va se charger d'élire un bâtonnier et un conseil de l'ordre. Il en va de la bonne administration de la justice et des citoyens et même des entreprises qui ont besoin que les choses se passent correctement à ce niveau-là. La rentrée judiciaire c'est ce lundi [2 octobre, NDLR], nous allons pouvoir effectivement rentrer et se mettre au travail.L'une des revendications des magistrats c'est que le chef de l'État ne soit plus président du Conseil de la magistrature pour que la justice soit plus indépendante. Est-ce que vous seriez d'accord pour une réforme là-dessus ?Nous sommes en train de travailler avec une commission que je vais mettre en place dans les jours à venir, qui va travailler sur la réforme du système judiciaire à tous les niveaux, sur les plans pénal, civil, commercial. Pour que ces propositions de réformes soient présentées au cours des discussions nationales qui vont avoir lieu dans les mois à venir. La question de la présidence du Conseil supérieur de la magistrature se posera certainement. Mais mon avis sur la question, c'est que le lien qu'il y a entre la magistrature et l'exécutif soit le moins directif possible. Il faut laisser à ce corps le soin de décider puisqu'il juge au nom du peuple gabonais. Au-delà même de cette question, il va falloir aussi que nous revoyions un certain nombre de comportements qui n'ont pas été dignes. En arrivant ici je découvre un certain nombre de choses qui sont incroyables. Des comportements peu recommandables qui méritent des conseils de discipline ou du moins des sanctions. Il y a des faits de corruption qui sont avérés. Des liens avec la politique qui ne sont pas acceptables. Nous allons faire le travail mais tout en respectant effectivement les droits des uns et des autres. Parce qu'il n'y aura aucune chasse aux sorcières.Est-ce qu'il y a d'autres réformes qui vous semblent essentielles, que vous souhaiteriez porter, pour garantir l'indépendance de la justice soit garantie ?J'ai mis en place une commission pour réformer le système judiciaire. Ces réformes du système judiciaire doivent appeler à plus d'indépendance, mais surtout à plus de respect du droit des citoyens. Parce que le principe c'est la liberté. L'exception, c'est la privation de liberté. Nos prisons sont engorgées. Actuellement, nous avons plus de 5 000 prisonniers. Alors que la capacité est bien moindre que ce nombre. Les deux-tiers des personnes qui sont dans les prisons sont plutôt des prévenus, donc des personnes en attente de jugement. Nous devons faire baisser ce nombre. Plus de 1 700 condamnés et un peu plus de 3 000 prévenus, ce n'est pas normal.La transition doit refonder des textes très importants. Notamment la constitution. Selon vous, quelle est l'ampleur de la réforme nécessaire pour le corpus juridique gabonais ?Ce qui me semble le plus important aujourd'hui, c'est de savoir quel système politique nous voulons avoir pour notre pays. Nous avons fonctionné depuis 1960 sous un système présidentiel. Aujourd'hui, nous nous rendons compte que ce système a fait son temps. Il faut une dose de système parlementaire plus importante, et il faut un système de représentation qui soit plus large et qui garantisse à tous, aux minorités, aux différentes sensibilités, leur accès aux charges soit de l'État soit des collectivités. Le Gabon en a bien besoin aujourd'hui. Parce que vivre avec un président monarque qui décide de tout et qui fait tout, il faut revoir cela, pour que notre système politique soit plus juste.Les militaires prônent l'unité mais on voit quand même un retour d'anciens responsables notamment du temps d'Omar Bongo et qui étaient tombés en disgrâce sous Ali Bongo. Certains craignent qu'ils ne fassent dérailler la transition et que l'ancien régime empêche toute renouveau. Qu'en pensez-vous ?Quand vous avez grandi au village, imprégné de nos traditions locales, vous devez savoir que les « vieux » comme on dit chez nous sont les yeux du passé, ce sont eux qui vous ouvrent les yeux de l'avenir. Si vous ne tenez pas compte des avis des anciens, je ne vois pas comment votre avenir peut être radieux. Et ce que fait actuellement le chef de l'État, c'est effectivement de parler avec tout le monde. Lorsque vous voyez les nominations qui sont faites, ça intègre le Gabon de manière générale. Il ne faut pas que nous ayons un Gabon des uns contre les autres.La nouvelle cour constitutionnelle ne compte aucun spécialiste de droit constitutionnel, alors que c'est justement l'expertise de cette cour. Ils sont pour les deux-tiers issus du droit privé, donc certains s'interrogent sur la légitimité, la compétence des nouveaux arrivants. Qu'en pensez-vous?Non, je pense que lorsque vous regardez la composition des juges, mais surtout des assistants autour d'eux, ce sont pour la plupart des publicistes, des spécialistes de droit administratif, de droit constitutionnel. Et le juge s'entoure de ces compétences-là, ce qui lui permet de pouvoir prendre les décisions de manière appropriée. Ce n'est pas un problème.
10/2/20239 minutes, 38 seconds
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Excision en Guinée: «Le plus grand travail reste à faire au niveau de la sensibilisation»

Engagée contre l’excision et les mariages précoces depuis dix ans, Hadja Idrissa Ba milite pour son avenir et celui de ses sœurs, qu’elle veut voir échapper à l’excision. Une pratique encore très répandue en Guinée, malgré une loi contre son application. Ba elle-même a été excisée à l’âge de dix ans lors de prétendues « vacances ». Sa renommée lui vaut d’être sélectionnée pour des prix et d’être invitée à de grandes conférences internationales où elle continue à marteler son message. Elle a participé au Forum mondial Normandie pour la paix, et a répondu à Christina Okello en marge de ce rassemblement. RFI : Vous menez ce combat en faveur des droits des femmes en Guinée depuis dix ans, est-ce que vous avez constaté un changement, ou au contraire, est-ce que le poids de la tradition est toujours aussi fort ?Hadja Idrissa Ba : Aujourd’hui, la tradition continue de peser sur nos parents. La pression est structurelle, et malheureusement, les pratiques continuent de prendre de l’ampleur. Et même s’il y a une petite prise de conscience de certains – mais qui n’osent pas l’avouer –, le plus grand travail reste à faire au niveau de la sensibilisation de la nouvelle génération, parce que c’est là qu’est le risque. Si nos parents n’ont pas réussi à accepter le message que nous sommes en train de faire passer, notre espoir se porte sur cette jeunesse que nous sommes, parce que si nous on comprend, c’est sûr que nos prochains enfants seront protégés.Justement, sur la question de la sensibilisation, en 2016, vous avez créé le Club des jeunes filles leaders de Guinée, pour prévenir notamment les mariages précoces. Avez-vous enregistré des cas de réussite ? Bien évidemment, la création du Club de jeunes filles a créé de belles avancées du côté du respect du droit des jeunes filles. Du côté des filles, elles-mêmes ont pris conscience et elles ont compris qu’elles ont des droits et qu’elles peuvent aussi se réveiller et réclamer leurs droits. Donc je dirais que le succès, grâce au Club des jeunes filles que j’ai mis en place (au début, on était cinq, aujourd’hui on peut compter plus de 500 [membres] sur tout le territoire national), c’est un gros changement dans nos communautés grâce juste à l’existence de ce militantisme des jeunes filles. Et de l’autre côté, c’est aussi et surtout [une victoire pour] les filles que nous avons réussi à sauver dans les villages. On a arrêté des cas de mariages précoces et forcés, et cela a été un véritable succès pour nous.Que reste-t-il à faire ? Vous avez dit par le passé que la justice guinéenne est malade. Sur quels leviers faut-il appuyer pour améliorer la protection des jeunes filles ?Le problème, c’est que nous sommes en train de réclamer justice, de lui demander de faire son travail, et jusqu’à aujourd’hui, je pense que tel n’est pas le cas. C’est le véritable frein au combat. Et lorsqu’on a demandé aux gouvernements – précédent et celui d’aujourd’hui – de faire du droit des femmes et des jeunes filles une priorité de leur agenda, malheureusement, on remarque qu’en fait les priorités ce sont les questions économiques et politiques, alors que les causes des personnes les plus vulnérables, que sont les enfants et les femmes, sont mises de côté. Et je continue toujours de plaider auprès de ces autorités pour en faire leur priorité, parce que jusque-là, tel n’est pas le cas.En effet, en 2018, vous avez interpellé l’ancien président guinéen Alpha Condé sur la situation alarmante des jeunes filles en Guinée. Est-ce que les nouvelles autorités vous écoutent davantage sur ces questions-là ?Nous, on s’attendait à beaucoup mieux, mais malheureusement, tel n’est pas le cas. C’est toujours les mêmes réalités, même s’ils disent faire des efforts, mais désolés les efforts ne se font qu’à l’occasion des journées internationales... On n’a pas besoin de ça. Mettez-nous où il faut et accordez-nous la justice dont on a besoin. C’est tout ce qu’on demande. Si ces autorités m’écoutent et m’entendent, je plaide encore davantage pour faire en sorte que cette justice soit une boussole, pour nous aussi, parce qu’on en a besoin. Si les femmes sont heureuses, je pense qu’ils n’auront pas besoin de faire de campagnes et autres, ce sera automatique, mais lorsque nous on est mises de côté, on n’est pas considérées, je vous assure que les enfants et les jeunes ne seront pas contents d’eux. Dans le cadre de votre militantisme, vous subissez souvent des critiques : on vous appelle la fille au foulard, briseuse de mariages, on vous critique, on vous attaque, pourquoi vous continuez ce combat ?Je continue ce combat malgré les critiques parce que je crois à ce que je fais. Depuis plusieurs années, depuis que j’ai douze ans, je suis dans ce combat. Et aujourd’hui, je ne m’arrête pas, parce que tout simplement, je me dis que c’est une mission que nous avons. Et si je réussis à aller jusqu’au bout de ce combat, ceux qui me critiquent n’auront pas raison de moi, donc si j’abandonne, c’est qu’ils auront eu raison, et ils « sauront » que nous les femmes, comme ils le disent, on est « faibles », alors que tel n’est pas le cas. On croit à la véracité de ce qu’on est en train de faire. Il n’y a aucune autre option qui pourrait nous empêcher d’aller jusqu’au bout.Et quelles sont vos ambitions, Hadja Idrissa Ba ? Vous avez fait des études en sciences politiques, en droit et en communication. Jusqu’où voulez-vous aller ?Moi, mon objectif, c’est de montrer au monde aujourd’hui que cette jeune fille qui est née, qui a grandi dans une famille illettrée, peut aussi avoir sa place autour de la table et participer à toutes les prises de décision qui concernent le développement du pays, que ce soit dans mon pays ou encore dans d’autres pays, j’ai aussi mon mot à dire. Et l’objectif, aujourd’hui, c’est de pouvoir avoir les compétences qu’il faut afin de mieux faire mon combat, que ce soit à l’international ou en Guinée, et occuper de grands postes.Un grand poste, comme celui de présidente de la Guinée ? Cela n’est pas exclu, parce que les femmes, aussi, ont le droit d’être au poste présidentiel. Pourquoi ? Parce que c’est important que nous soyons là pour prendre des décisions. S’il faut voter des lois, qu’on vote les bonnes lois. C’est bien possible, je ne dis pas uniquement moi, mais c’est possible qu’il y ait une femme qui présidera la Guinée et je la soutiendrai. Et si c’est moi aussi, ce sera parfait (rires).
10/1/20235 minutes, 28 seconds
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Transition en Guinée: «Il n’y a pas d’obstacles majeurs qui indiquent que les délais ne seront pas tenus»

La Guinée va-t-elle connaître un report de la présidentielle, comme son voisin, le Mali ? Non, rétorque Ousmane Gaoual Diallo, le ministre porte-parole du gouvernement guinéen. Selon lui, la transition dirigée par le colonel Mamadi Doumbouya s'achèvera, comme prévu, à la fin de l'année prochaine. De passage à Paris, Ousmane Gaoual Diallo, qui est aussi ministre guinéen des Postes, des Télécommunications et de l'Économie numérique, s'exprime également sur l'avenir du colonel Doumbouya et sur les relations entre Conakry et Paris. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Il y a quelques jours, à la tribune de l’ONU à New York, le Président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya, a dénoncé la démocratie à l’occidentale comme un modèle qui ne marche pas en Afrique. Quel est, alors, le modèle alternatif ? Ousmane Gaoual Diallo : Effectivement, pour le bilan de cette démocratisation, acté depuis la conférence de La Baule de 1990, il est du devoir aujourd’hui des Africains de s’interroger sur ce que ça a rapporté en termes de croissance économique, en termes de stabilité des institutions. Le bilan est très maigre, quasiment nul. Et puis, parallèlement, on regarde ce qui se passe en Extrême-Orient, qui était quasiment dans la même situation, et puis dans l’Asie du Sud-Est, où il y a beaucoup plus de progrès. Les Africains s’interrogent sur cela. Dans son discours à l’ONU, le Président de la transition n’a rien dit sur la fin de cette transition et sur le retour des civils au pouvoir. Est-ce que ce n’est pas mauvais signe ? Cela a été déjà dit et répété : nous avons un calendrier de cette transition qui est acté avec l’organisation sous-régionale, la Cédéao [Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, NDLR], qui se déroule très bien, et les observateurs s’accordent à dire que la transition est dans le rythme de respecter l’agenda qui a été acté par l’organisation sous-régionale.Justement, cet accord avec la Cédéao, c’était il y a un an. Il prévoyait que la transition se termine à la fin de 2024. Où est-ce qu’on en est ? Aujourd’hui, il y a énormément de choses qui se font. Il y a un comité de suivi de la mise en œuvre du chronogramme de la transition, qui se réunit tous les mois avec des représentants de l’Union européenne, des représentants de la Cédéao, du G5, qui arrive à la conclusion que la transition est dans le rythme et que les délais peuvent être tenus, encore aujourd’hui. Il n’y a pas d’obstacles majeurs qui indiquent que les délais ne seront pas tenus.D’ici la fin de la transition, le programme est très chargé, Monsieur le ministre : un recensement de la population, un nouveau fichier électoral, une nouvelle Constitution, un référendum. Est-ce que vous aurez le temps de faire tout cela en un an ? Ça se fera parce que ça se fait parallèlement. D’abord, le recensement de la population permettra de générer un fichier électoral. Ensuite, c’est parallèlement à ces activités que la rédaction de la Constitution, qui est déjà à une phase très avancée, se fait et que d’autres dispositions, d’autres actions de préparation de ce processus, pourront se dérouler en parallèle. Je pense que nous sommes dans le rythme.Et est-ce que le glissement du calendrier n’est pas inéluctable, comme au Mali voisin, par exemple ?Il n’y a pas d’éléments aujourd’hui qui permettent de dire qu’il y aura un glissement.Donc des élections à la fin de l’année prochaine ?C’est ce qui est prévu et nous sommes dans le rythme de cette préparation.Et si la présidentielle a lieu à la fin de l’année prochaine, est-ce que le Président actuel de la transition sera candidat ? Il n’est pas prévu qu’un des membres de cette transition puisse être candidat.Est-ce que c’est ferme et définitif ?Cela a été dit et répété à plusieurs reprises.Par le Président de la transition lui-même ? Oui, par tous les acteurs de la transition, cela a été dit.Le problème, c’est que, dans l’opposition et la société civile, beaucoup doutent que le colonel Doumbouya tiendra sa promesse. Pour convaincre de votre bonne foi pour la démocratie à venir, est-ce que vous n’auriez pas intérêt à faire traduire en justice tous les auteurs de tirs à balles réelles qui ont fait quelque 30 morts depuis deux ans ? C’est ce qui se fait. Il y a déjà eu des cas d’arrestation, y compris parmi les membres des forces de défense et de sécurité.Oui, mais ce que disent les défenseurs des droits de l’homme, c’est que, pour l’instant, aucun de ces auteurs de tirs à balles réelles n’a été jugé dans un procès. C’est vrai. Les procédures sont en cours. Lorsque ce n’est pas un flagrant délit, les procédures d’enquête peuvent prendre le temps nécessaire, mais il faut noter que c’est un progrès important, l’arrestation des suspects.Y aura-t-il procès ? Absolument. Lorsque les éléments du droit seront réunis, un procès sera ouvert pour juger les accusés.Et pour convaincre de votre bonne volonté démocratique, pourquoi ne pas accepter un dialogue avec l’opposition et la société civile en présence de la Cédéao, comme le demandent beaucoup de Guinéens ? C’est ce qui a été fait, sauf qu’il y a un certain nombre de partis, trois partis politiques, qui conditionnent leur participation à l’abandon des poursuites concernant quelques-uns de leurs membres.Est-ce que, pour le dialogue, il ne serait pas bon que l’opposant numéro un, Cellou Dalein Diallo, puisse rentrer d’exil et puisse parler avec vous, à Conakry ? Il n’y a aucune interdiction à Cellou Dalein de venir dans le pays, au contraire.À ceci près qu’il risque la prison s’il rentre. S’il est coupable d’un fait, qu’il vienne répondre de cela. S’il estime qu’il n’est coupable de rien, il ne risque absolument rien dans le pays.Pas d’abandon de poursuites judiciaires contre lui ?Si le gouvernement devait dicter à la justice d’abandonner les poursuites, il n’y aurait pas de sens à juger quelques coupables que ce soient.Êtes-vous brouillé avec la France, comme le sont le Mali, le Burkina Faso et le Niger ?Non, pas du tout, on n’est ni anti-Français, ni anti-Américain, ni anti qui que ce soit. Nous travaillons avec tout le monde. Ce qui nous préoccupe, c’est d’accroitre les recettes que l’État guinéen pourrait tirer des rapports qu’on a avec tel ou tel pays.Voulez-vous dire qu’il y a plus de pragmatisme à Conakry que dans d’autres capitales sahéliennes ? Nous sommes obligés de tenir compte de cela, de ce que les interdépendances entre nations sont nécessaires. Nous n’allons pas perdre du temps à gérer des crises avec tel ou tel pays.Pensez-vous, par exemple, que vos voisins du Mali perdent du temps avec ce type de polémiques ? Les crises font toujours perdre du temps. Mieux vaut les dépasser rapidement pour se consacrer aux problèmes essentiels.
9/29/202311 minutes, 47 seconds
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Mali-Attaye Ag Mohamed: «Notre action au CSP est placée dans le cadre de la légitime défense»

Cela fait deux semaines que les combats ont repris dans le nord du Mali, entre la plupart des groupes armés signataires de l’accord de paix de 2015 rassemblés au sein du CSP (Cadre stratégique permanent) et les Forces armées maliennes. Après les attaques de Bourem le 12 septembre et de Léré le 17 septembre, les deux camps semblent plus déterminés que jamais à poursuivre les hostilités. Quelles sont les revendications actuelles des groupes armés du Nord : indépendance ou retour à l’accord de paix de 2015 ? Quelle réponse aux accusations de collusions avec les groupes terroristes portées par le gouvernement malien de transition ? Qu’est-ce qui pourrait mettre fin aux attaques du CSP ? Attaye Ag Mohamed est en charge du suivi de l’accord de paix au sein de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad, ex-rebelles indépendantistes en 2012) et des relations diplomatiques du CSP (Cadre stratégique permanent, qui rassemble les groupes armés de la CMA et de la Plateforme, qui ont quant à eux toujours défendu l’unité du Mali). Il est interrogé par David Baché.
9/28/20235 minutes
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Trafics illicites en Côte d’Ivoire: un potentiel «risque» de générer des ressources aux groupes extrémistes au Sahel

La Côte d’Ivoire face à l’extrémisme violent. Le pays n’a pas connu d’attaques sur son sol depuis juin 2021. L’insécurité liée aux groupes armés terroristes semble contenue. Que deviennent ces groupes extrémistes ? Quelles sont leurs activités ? L’institut d’études de sécurité (ISS) publie un rapport, qui se penche sur les liens entre des activités illicites et les groupes extrémistes violents. Cette étude a été menée dans trois régions du nord de la Côte d’Ivoire (La Bagoué, le Tchologo et Le Bounkani). Pour en parler, Bineta Diagne s’entretient avec William Assanvo, chercheur principal au bureau régional de l’ISS en Afrique de l’Ouest. Dans votre rapport, vous constatez que les groupes extrémistes ont infiltré l’économie du bétail et l’orpaillage clandestin. Quelles méthodes ont-ils employées ?William Assanvo : Globalement, pour s’impliquer dans ces activités, ils se sont appuyés sur l’insécurité qui était générée du fait de leur présence, en proposant aux orpailleurs, en proposant aux acteurs de l’économie du bétail - notamment des éleveurs, des propriétaires de bétail, des commerçants de bétail - une offre de protection. Une offre de protection pour pouvoir leur assurer de continuer à mener leur activité dans les zones où ils opéraient et qu’ils contrôlaient, et également pour pouvoir en retour bénéficier d’une sorte de collaboration qui leur permettait d’investir des ressources financières, qui leur permettait de mettre en place des réseaux de partenaires commerciaux, également de pouvoir avoir du ravitaillement en vivres et en non vivres.Comment ces civils perçoivent-ils ces groupes-là ? Est-ce qu’ils comprennent qu’il s’agit d’une menace pour eux ?Ils comprennent clairement qu’il s’agit d’une menace. Si on prend le cas de l’orpaillage illégal spécifiquement, l’émergence des groupes extrémistes violents a eu pour conséquence un ralentissement de l’activité dans les zones où les groupes étaient présents, notamment le long de la frontière avec le Burkina, également au niveau du parc national de la Comoé.Du coup, on peut dire que finalement ces civils adhèrent de manière plus ou moins indirecte à ces groupes-là ?Ils s’associent de manière contrainte pour pouvoir continuer à mener leur activité, pouvoir sécuriser cette activité génératrice de revenus, pouvoir aussi d’une certaine manière se protéger, protéger leur famille, protéger leur bétail, par exemple. On ne peut pas aussi exclure qu’il y a eu pour certains individus une forme d’adhésion au discours véhiculé par ces groupes-là, notamment par là pour la défense de l’islam. On ne peut pas exclure qu’il y ait des individus qui aient été aussi sensibles à ça. Il y a aussi une dimension qui a aussi été noté, c’est la question du lien communautaire qui a aussi facilité l’association avec ces groupes.Qu’est-ce que les groupes extrémistes violents gagnent à maitriser ces filières-là, notamment le vol de bétail ?Le gain est à plusieurs niveaux. Il est déjà financier, parce que non seulement ils investissent de l’argent, mais ils espèrent en avoir en retour. Donc, ils investissent de l’argent en mettant des ressources à la disposition des propriétaires de commerçants du bétail pour acheter du bétail et pour le vendre. Et bien entendu, pour avoir le résultat de cette vente. Il y a aussi cette dimension de s’appuyer sur un réseau de partenaires commerciaux, qui leur apporte aussi du ravitaillement, qui leur apporte aussi des renseignements. Cela leur permet aussi d’avoir accès à des ressources dont ils ont besoin pour vivre dans la brousse, pour les vivres et les non vivres, les médicaments, le carburant.Certains éleveurs sont contraints de verser chaque année une sorte de taxe et un certain nombre de têtes de bétail à ces groupes. Pourquoi ne dénoncent-ils pas ces personnes auprès de la police ou de la gendarmerie ?Il y a deux choix qui ont été observés : soit le choix de collaborer, soit le choix de quitter la zone. Et la possibilité, la perspective de pouvoir dénoncer n’est pas apparue comme un choix qui a été fait par la plupart de ces acteurs qu’on a rencontrés.Quels sont aujourd’hui les risques que cela représente pour la Côte d’Ivoire, le fait d’avoir ces liens un peu « invisibles » entre les civils et ces groupes extrémistes violents ?Même si on observe qu’il n’y a pas eu d’attaques depuis plusieurs années, ce dont on peut se réjouir, il n’en demeure pas moins que d’une manière ou d’une autre, à travers les territoires de la Côte d’Ivoire, les groupes parviennent à générer des ressources financières qui sont nécessaires pour leurs activités dans le Sahel, dans la zone frontalière. Donc, le risque que la Côte d’Ivoire joue un rôle involontaire dans le financement du terrorisme est là. Le risque aussi est que, si jamais on coupe ces voies d’approvisionnement, que la Côte d’Ivoire ne représente plus un intérêt financier, donc qu’ils estiment que c’est une cible légitime à partir du moment où il n’y a pas un intérêt à pouvoir retirer des ressources financières de ce pays.Qu’est-ce qui peut être fait pour atténuer ce phénomène ?Sur l’orpaillage, il y a clairement besoin de poursuivre tous les efforts qui ont été initiés, en tout cas depuis plusieurs années pour mieux réguler ce secteur. Par rapport à l’économie du bétail, il y a un besoin de s’assurer de la mise en œuvre effective de toutes les dispositions qui existent et qui gouvernent à la transhumance, qui gouvernent au déplacement du bétail, le fait que pour rentrer dans un pays, le bétail doit emprunter certaines voies, puis le bétail doit avoir des papiers aussi bien du point de vue sanitaire que du point de vue qui permet d’en identifier le propriétaire. Il y a toutes ces mesures en lien avec l’économie du bétail qui nécessiterait d’être revue et dont la mise en œuvre nécessiterait d’être accentuée.
9/27/20235 minutes, 6 seconds
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Retrait français du Niger: «Ce fameux rôle autoproclamé de gendarme en Afrique, je crois qu’il est fini»

Emmanuel Macron a annoncé avant-hier (dimanche soir) la fin de la coopération militaire avec le Niger. Les 1 500 militaires français stationnés dans le pays devront plier bagage d'ici la fin de l'année. Après le Mali et le Burkina Faso, c'est un nouveau revers pour Paris dans le Sahel. Pourquoi la France a finalement décidé de céder aux exigences de la junte du CNSP, après deux mois de rapports bellicistes entre les deux parties ? Jean-Pierre Olivier de Sardan, chercheur au Laboratoire d'études et de recherches sur les dynamiques sociales et le développement local (Lasdel), est l’invité de Sidy Yansané. RFI : Jean-Pierre Olivier de Sardan, le président Emmanuel Macron a annoncé le rappel de son ambassadeur au Niger ainsi que le retrait prochain des troupes françaises. Pouvons-nous dire que ce retrait sonne la fin de deux mois de bras de fer avec la junte du CNSP en faveur des putschistes ?Jean-Pierre Olivier de Sardan : Oui, ça semble être quand même le triomphe d'un principe de réalité, après des attitudes de matamore complètement incompréhensibles, qui mettaient, évidemment, la diplomatie française dans une position intenable. Il n’y a que la France qui pensait encore pouvoir décider toute seule de ce qui convient ou non. Cette situation n’aurait jamais dû se produire.Pourtant, au début de ce mois de septembre 2023, Paris se montrait toujours inflexible face aux nouvelles autorités de Niamey. Comment interprétez-vous ce revirement ?Je n'ai pas de source particulière, mais je sais que, même au sein du monde diplomatique français, il y avait un certain étonnement - pour ne pas dire désaccord - avec cette politique du président. Je crois que, même qu’au sein de l'armée française, il y avait aussi, comme ça, une certaine désapprobation. Donc, c'est peut-être ça qui l'a convaincu, ou la solitude de la France, ou je ne sais pas... Ou comme je vous disais, un retour à un principe de réalité. Et encore, ce n’est pas totalement vrai en ce qui concerne d’autres aspects politiques de la France dans le Sahel. Il y a encore ces mesures invraisemblables d’arrêt de toute forme de coopération, d’interdire à des ONG de faire leur travail, ces histoires de visas pour la France qu’on refuse aux étudiants, aux ressortissants, aux chercheurs et aux acteurs de la culture. Ce sont les parties les plus intenables qui viennent de céder.Justement, le Mali, le Burkina Faso et maintenant le Niger, tout cela en moins de trois ans. La France peut-elle encore remplir la mission qu'elle s'était fixée de lutte contre le terrorisme jihadiste ?Ceux qui sont responsables de la lutte contre le jihadisme, ce sont d'abord les États en question et leurs armées nationales. Donc, jamais les troupes d'intervention étrangères n’ont réussi à gagner une guerre asymétrique. On se rappelle le Vietnam ou l'Afghanistan. Donc c'est seulement au niveau d'une aide des armées nationales que peut se gagner ce combat avec, bien sûr, des appuis. Ce n’est pas ce que la France a fait, elle a envoyé Barkhane, qui est une intervention complètement en silo, en enclave. Macron a dit que c'était un succès, même une partie des militaires français reconnaît que c’est un échec et que ça n'a pas du tout rempli le résultat espéré. Ce fameux rôle autoproclamé de gendarmes en Afrique, je crois qu’il est fini. Mais je crois que c’est une bonne chose pour la France. Vouloir conserver un rôle exceptionnel, unique, inaltérable, ne peut renvoyer qu’à la colonisation. Je pense que si la France redevient un partenaire normal de l'Afrique un jour, un pays européen comme les autres, ni plus ni moins, ce serait une excellente chose. Pas simplement par rapport aux opinions publiques locales, c'est une bonne chose par rapport à la France.La junte du CNSP a d'ailleurs beaucoup insisté sur la responsabilité de la France dans cette crise. Lors du débat de l'Assemblée générale des Nations unies la semaine dernière, les représentants du Mali, du Burkina Faso ont enfoncé le clou au nom du Niger en parlant de néocolonialisme, d'impérialisme, de souveraineté bafouée par Paris. Avec le rappel des troupes, est-ce que le CNSP ne se prive pas finalement d'un argument qui a largement contribué à rallier de nombreux Nigériens à sa cause ?Peut-être, mais ce n'est pas là l'essentiel. Regardez les opinions publiques au Mali ou au Burkina : les troupes françaises sont parties et l'expression - presque parfois hystérique - du sentiment anti-français, c’est-à-dire que la France serait encore derrière la Cédéao et manipulerait tout, continue à exister. Donc, je ne pense pas que ça suffirait. Il est certain que le régime militaire utilise ou manipule ce sentiment anti-français, qui est complexe à comprendre. Parce qu'il se base sur des phénomènes réels : les crimes de la colonisation, les errements – le moins qu’on puisse dire - de la Centrafrique ; et puis, en même temps, il y a des théories du complot invraisemblables, répétées d'ailleurs à l'ONU par le ministre Affaires étrangères du Mali, comme quoi la France aiderait les terroristes, etc. C'est un mélange, mais c'est un imaginaire collectif assez puissant, alors même que la France n’est plus capable de tirer toutes les ficelles, ni de vouloir s'approprier les ressources naturelles. C'est une époque finie, mais dans l'imaginaire collectif, elle en est encore capable. Je pense qu'il faudra du temps, il faut que la France accepte de se taire un peu plus. Il faudra peut-être aussi que les opinions publiques se rendent compte que le discours hyper-nationaliste des militaires cache, en fait, une gouvernance tout aussi déplorable que celles qu'ils ont prétendues supprimer.
9/26/20234 minutes, 47 seconds
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Mirjana Spoljaric (CICR): «Dans tout le Sahel, il y a des besoins humanitaires qui sont énormes»

La présidente du Comité international de la Croix-Rouge, Mirjana Spoljaric, a profité de l’Assemblée générale de l’ONU pour rencontrer des chefs d’États africains, et pour plaider la cause des plus démunis, ceux pris au piège de crises humanitaires en Afrique. Dans un contexte où les conflits armés ont triplé depuis vingt ans, le financement des opérations humanitaires est de plus en plus compliqué : en cinq ans, il a été divisé par huit. Mirjana Spoljaric est au micro de notre correspondante à New York, Carrie Nooten. En Libye à Derna, on parle de centaines de familles entièrement décimées et de corps que l’on n’arrive plus à reconnaître. Quelles sont les principales urgences ?Mirjana Spoljaric : La situation à Derna est une grande tragédie. Nous avions une petite équipe sur place quand les événements se sont produits et nous venons d’envoyer du renfort. Nous allons également apporter de l’aide aux hôpitaux. Nous sommes déjà en train de le faire et très prochainement, nous allons aussi ajouter du matériel et inclure dans nos envois de la nourriture qui est aujourd’hui une nécessité pour des populations qui se retrouvent sans rien. Nous travaillons étroitement avec la société nationale du Croissant-Rouge. C’est par leur intermédiaire que nous sommes en capacité d’atteindre rapidement les personnes affectées.Au Sahel, cette année marquera le retrait des casques bleus de la Minusma. Quel impact cela va-t-il avoir sur le quotidien de vos travailleurs humanitaires ?On est au Mali depuis des décennies. On a la confiance de tous les groupes armés. On est en capacité de livrer de l’assistance. C’est un grand programme. On est présent dans le nord du pays, dans des régions où personne d’autre ne peut accéder à la population. Nous espérons que nos donateurs continueront à soutenir le CICR dans cette région car, dans tout le Sahel, vous avez des besoins humanitaires qui sont énormes et qui ne cessent de s’accroître à cause du changement climatique et de la croissance de la pauvreté.Ici à New York, vous êtes aussi venue plaider la cause du Soudan. Ce pays compte désormais le plus grand nombre de déplacés internes au monde. Quels sont les défis les plus importants rencontrés sur le terrain et comment comptez-vous les relever ?Effectivement, la situation au Soudan, mais aussi dans les pays voisins qui accueillent un très grand nombre de réfugiés et de déplacés nous pose de grands soucis. Nous avons une présence près de Khartoum. Nous sommes restés dans le pays depuis le début de ce conflit en maintenant notre assistance aux services médicaux parce qu’ils ont été réduits de 80% à cause de la violence armée. Mais nous avons toujours des problèmes en ce qui concerne l’accès à la population et aux centres médicaux. Donc, nous demandons à ce que les partis se mettent d’accord sur un cessez-le-feu qui nous permettrait d’apporter plus d’aide.Nous savons que les gens ont besoin de l’aide humanitaire, surtout les femmes, surtout les enfants. Nous aimerions le plus vite possible revenir au Darfour. Nous avons dû sortir pour des raisons de sécurité. Mais on veut revenir très vite pour apporter une aide à ces populations. Nous avons aussi un rôle d’intermédiaire neutre et on a vu que c’était efficace. Nous allons faciliter la participation des représentants des groupes armés aux pourparlers pour un cessez-le-feu. Nous restons à disposition parce que nous parlons toujours, à tout moment, à tous les groupes armés. C’est aussi nécessaire pour avoir cet accès local à la population.Nous avons aussi, la semaine passée, en autres, pu faciliter la libération de 30 mineurs qui étaient en détention. Donc au total, nous avons facilité la libération de près de 200 personnes qui maintenant peuvent être réunies avec leur famille.Et pendant ce temps-là, le monde entier oublie le Tigré ?Au contraire, pour nous, ça reste une priorité. Je me suis aussi entretenue avec les représentants à un haut niveau du gouvernement éthiopien. Nous sommes toujours très concernés par la situation humanitaire au Tigré. Mais aussi dans les autres régions comme l’Amhara ou l’Oromia où nous sommes présents en tant que CICR. Et nous demandons constamment à nos donateurs de ne pas oublier la situation en Éthiopie et de nous aider à financer nos programmes. Tous nos programmes en Afrique sont largement sous-financés.Effectivement, on constate même ici à l’ONU une baisse notable des dons pour les opérations humanitaires. À quoi cela est-il dû et comment agir pour renverser la tendance ?Les conflits armés ont triplé par rapport à il y a 20 ans et évidemment, cela nécessite plus de financements. Si vous regardez nos programmes en Afrique, le niveau de sous-financement a été multiplié par 8 ces cinq dernières années. Ce que nous étions capables de faire au Darfour en 2003 n’a plus à voir avec le niveau d’assistance que nous pouvons apporter aujourd’hui à cette population. Cela nous frustre énormément. Nous savons également que selon les projections le niveau de l’aide humanitaire ne va croître ces prochaines années. Donc, il va falloir que notre organisation fasse des choix et sans doute réduise ses coûts de fonctionnement.
9/25/20234 minutes, 46 seconds
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Franco Dusio: «Je retiens de Thomas Sankara cette avance culturelle qu'il a eue»

Thomas Sankara, un rêve brisé, c’est le titre d’une bande dessinée qui vient d’être publiée chez L’Harmattan. Elle retrace l’histoire de l’ancien président du Burkina Faso. L’auteur et scénariste de cette BD est italien : c’est à sa retraite que Franco Dusio s’est passionné pour l’histoire de Thomas Sankara. Il est l’invité de Guillaume Thibault ce dimanche.
9/24/20235 minutes, 40 seconds
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Raymond Ndong Sima, Premier ministre gabonais: «Le débat national dira qui peut être candidat à la présidentielle»

Au Gabon, le nouvel homme fort, le général Oligui Nguema, pourra-t-il se présenter à la prochaine présidentielle, comme il le laisse entendre dans une récente interview ? L’ex-opposant Raymond Ndong Sima est aujourd’hui le Premier ministre du régime de transition. De passage à New York, où il conduit la délégation gabonaise à l’Assemblée générale de l’ONU, il répond aux questions de RFi et dit sans détours que ce n’est pas à un seul individu de décider qui pourra être candidat ou pas à la prochaine élection.
9/22/20235 minutes, 3 seconds
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Macky Sall, président du Sénégal: «Le Nigeria discute en coulisses» avec les putschistes du Niger

Près de deux mois après le coup d’État du 26 juillet contre le président Bazoum au Niger, le chef de l’État sénégalais confie que, pour résoudre la crise, la Cédéao continue de privilégier la voie diplomatique et que l’option militaire ne sera utilisée qu’en dernier ressort. Dans une interview accordée à RFI et France 24 à New York, à l’occasion de l’Assemblée générale de l’ONU, Macky Sall déclare qu’il y a des discussions « underground », c’est-à-dire en coulisses, sous la direction du Nigeria et que Bola Tinubu, le chef de l’État nigérian, qui préside actuellement la Cédéao, a envoyé des émissaires à Niamey. Le chef de l’État sénégalais ajoute : « L’option militaire ne saurait être faite que lorsque toutes les autres pistes auront été épuisées ». Par ailleurs, face aux ténors de l’opposition, Macky Sall se dit confiant dans la victoire de son dauphin, le Premier ministre Amadou Ba, à la présidentielle sénégalaise du 25 février prochain, grâce au poids de la coalition au pouvoir Benno Bokk Yakaar. Il assume la dissolution du Pastef, le parti d’Ousmane Sonko, qui est à ses yeux un mouvement « insurrectionnel ».Enfin, le chef de l’État sénégalais, qui quittera le palais présidentiel en avril prochain, ne cache pas son intérêt pour un poste de responsabilité sur la scène internationale. Serait-il disponible pour succéder un jour à Antonio Guterres au secrétariat général de l’ONU ? Macky Sall ne dit pas non. Entretien.France 24 : Monsieur le Président, je veux commencer par le Niger : la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) menace d'intervenir militairement depuis deux mois, mais rien ne se passe. Est-ce que ça veut dire que cette option militaire n'est plus sur la table ?Macky Sall : Alors, depuis la décision du sommet des chefs d'État, où un ultimatum avait été donné, évidemment, il y a eu des initiatives à la fois diplomatiques et des discussions « underground » sous la direction du Nigeria. Cette dernière option militaire ne saurait être faite que lorsque véritablement toutes les pistes auraient été épuisées et que, surtout, le pays qui est la nation cadre dans ce cas, qu’est le Nigeria frontalier, lorsqu'il jouera son rôle dans cette option, les autres pays sont tout à fait prêts pour jouer leur partition. L'option est sur la table. Maintenant, quand est-ce qu'elle se fera ? Ça, je ne le sais pas encore.RFI : Alors le président nigérian Bola Tinubu a évoqué en effet des discussions avec les putschistes. C'était ce 19 septembre à la tribune de l'ONU. Vous nous dites qu'il y a des discussions « underground ». Est-ce qu'une transition de quelques mois serait acceptable à vos yeux ?Non, pour l'instant, c'est le président de la Cédéao, Bola Tinubu, qui a en charge le dossier en tant que président en exercice. Il a déjà envoyé des émissaires. Donc, moi, j'attends qu'il nous informe des résultats de ces différentes démarches pour que nous puissions apprécier et adopter une position commune. Donc, je sais simplement que le Nigeria fait tout pour trouver une solution par la voie diplomatique. Est-ce qu'on la trouvera ? C'est ce que j'espère. Autrement, on ne peut pas continuer à laisser un président élu être fait prisonnier chez lui [Mohamed Bazoum, NDLR], donc il va falloir évoluer.France 24 : Très récemment, le 9 septembre 2023, la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY) a désigné votre Premier ministre, Amadou Ba, comme le candidat à l'élection présidentielle, qui doit se tenir au mois de février 2024. Cependant, ça ne fait pas l'unanimité. Est-ce que vous ne craignez pas que, par ce geste, vous alliez fracturer votre coalition et donc affaiblir votre candidat ?Mais non, je ne peux pas fracturer la coalition que j'ai mise en place et que j'ai entretenue depuis 12 ans.France 24 : Ce n’est plus la vôtre…Si, c'est la mienne parce que je reste le président de la coalition, je reste le président de mon parti. Je ne suis pas candidat, mais je reste le président du parti jusqu'à nouvel ordre et le président de la coalition. C'est normal qu'il y ait des résistances. Mais, au bout du compte, nous avons vu un processus d'alignement et finalement d'acceptation. Bon, il y a encore deux ou trois qui pensent qu'ils doivent être candidats, mais c'est leur liberté, c'est leur droit. Mais je pense qu'il y aura avant le dépôt des candidatures encore des discussions qui permettront finalement d'arriver vers une convergence totale.RFI : Oui, mais en février 2024, Monsieur le Président, sur la ligne de départ, il y aura quelques poids lourds de l'opposition comme Idrissa Seck, comme Khalifa Sall, comme peut-être Karim Wade. Ne craignez-vous pas que votre candidat, Amadou Ba, qui n'est peut-être pas un élu d'aussi longue date que ces poids lourds et qui n'est peut-être pas un homme de terrain comme certains de ses adversaires, ne soit battu ?Amadou Ba est le candidat d'une majorité. Certes, son poids personnel va jouer, mais il part avec l'atout que les autres n'ont pas : c'est d'avoir une majorité qui le soutient. Il a le soutien du président, qui est un acteur politique. Donc, tout cela mis sur la balance devrait l'aider à pouvoir battre ses adversaires.RFI : Outre Ousmane Sonko, qui est condamné en justice et qui donc est déclaré inéligible, il y a son parti, le Pastef, qui est dissous depuis quelques semaines, et la société civile proteste…Quelle société civile ?RFI : Vous avez, par exemple, un rapport de la plateforme Civicus Monitor qui dénonce « un rétrécissement de l'espace démocratique et des libertés publiques ». Je ne connais pas cette organisation. C'est la première fois que j'entends parler de cette société civile.RFI : Mais, si l'élection de février 2024 n'est pas inclusive, ne risque-t-elle pas d'être chaotique ? En quoi n'est-elle pas inclusive ? Comment peut-elle être chaotique ? L'élection est ouverte pour tous ceux qui peuvent y concourir et il appartiendra au Conseil constitutionnel, comme ça a toujours été le cas, de définir qui peut concourir ou pas. C'est la loi. À partir du moment où cela sera fait, l'élection se fera comme toutes les autres élections précédentes.RFI : Le Pastef représente une partie de l'opinion sénégalaise. Est-ce que l'élection pourrait être inclusive son absence ?Ce parti est dissous pour la bonne et simple raison que les partis ont des obligations. Un parti politique qui bénéficie de la loi ne peut pas appeler à l'insurrection à longueur de journée, ne peut pas poser des actes qui sont répréhensibles et qui sont condamnés par les lois, c'est très clair. La loi est très claire : quand un parti sort de son droit, il est dissous. Ce n'est pas la première fois qu'un parti est dissous au Sénégal. Ensuite, il y a les voies de recours. D'ailleurs, je pense qu'ils sont allés à la Cour suprême. C'est ça, un État de droit. En France aussi, on dissout des organisations. Comment voulez-vous qu'on accepte qu'un parti appelle tous les jours à la destruction de l'État et du pays ? Nous n'avons fait qu'appliquer la loi, dans toute sa rigueur.
9/21/20235 minutes, 7 seconds
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Migrations: «Analyser les causes profondes dans les pays de départ au lieu du tout sécuritaire»

Alors que l'île italienne de Lampedusa fait face à un afflux  record de migrants ces derniers jours, le débat sur la politique migratoire de l'Union européenne refait surface. Au Sénégal, plusieurs drames, plusieurs naufrages, se sont produits au large des côtes ces dernières semaines où des embarcations tentent de rejoindre l'Europe via les Canaries et où plus de 70 embarcations ont accosté depuis le début de l’été. L'UE veut aider les pays de départ à lutter contre cette émigration clandestine. Mamadou Mignane Diouf, coordonnateur du Forum social sénégalais et de la Plateforme Migration, développement, liberté de circulation et droit d'asile, est notre invité. RFI : Quand vous voyez les images de Lampedusa et de tous ces drames en mer, qu'avez-vous envie de dire ?Mamadou Mignane Diouf : Je sentais - comme beaucoup de personnes d'ailleurs - une détresse en moi, un malaise moral de constater, malgré tous les discours ici et là, que nous n’arrivons pas encore à trouver une réponse, une solution. Je crois qu’il y a comme une sorte d'abandon de ces personnes par les autorités africaines particulièrement, et c’est inquiétant et frustrant. Pour le Sénégal, les chiffres aussi sont importants : il y a 3 mois, dans un bateau, il y avait 160 personnes, et nous n’en avons sauvé qu'une vingtaine... et nous continuons à faire des recensements.Le Sénégal agit : plus de contrôle et de surveillance du littoral, des mesures répressives contre les convoyeurs. Que pensez-vous de cette politique ?Je crois que le Sénégal était aussi en discussion très avancée avec le Frontex, cette force de sécurité et de contrôle maritime que l’Union européenne a installé, qui a doté, semble-t-il, au Sénégal de quelques moyens : des bateaux de contrôle, des hélicoptères, accompagnés d'une présence de policiers d’Espagne. Malgré tout ce dispositif, on constate néanmoins que pratiquement tous les week-ends – les départs sont souvent le vendredi, samedi et dimanche - des pirogues partent. Il faut donc vraiment analyser pourquoi les départs continuent à se faire.Et ce dispositif, ça vous choque ? Un éventuel accord avec Frontex… Le président Macky Sall a finalement renoncé, mais les négociations ne sont pas closes.Oui, ça nous inquiète un peu parce qu'on a tout le temps dit à l'Union européenne, dans les réunions et les rencontres que nous avons avec les parlementaires européens à Bruxelles, nous leur disions que le tout sécuritaire n'était pas la bonne option. Il ne s'agissait pas de débloquer et de déployer tout un arsenal militaire et policier pour régler le problème. Il faut aussi analyser les causes profondes dans les pays de départ. À notre avis, il faut d’abord que l'Afrique, en elle-même, se parle. D'ailleurs, c'est là que nous avions proposé que le Sénégal, qui est un grand pays de départ à partir de ses côtes, puisse abriter une conférence afro-africaine et se sortir de cette réunion-là, avec un agenda qui permettrait - pourquoi pas - de discuter aussi avec l'agenda européen.On parle toujours de développement local pour fixer des jeunes dans les pays, mais des sommes considérables ont déjà été investies au Sénégal, sans aucun effet.Oui, je crois qu'il y a des fonds fiduciaires assez importants qui ont été débloqués, dépensés par l'Union européenne avec certains pays comme le Sénégal, mais là aussi la remarque qu'on a souvent faite à nos autorités, c'est de dire : est-ce que le modèle et les mécanismes de financement et d’accompagnement ont été bien adéquat et en rapport avec les jeunes ? Je me suis rendu un jour à Agadez (Niger), où j'ai rencontré des jeunes qui, par exemple, venaient d'une région de la Casamance naturelle et qui avaient bénéficié de ces fonds là, mais qui, malgré tout, ont décidé en jour de tenter de rentrer en Libye.Est-ce que ce thème de la migration va s'inviter dans la campagne électorale en vue de la présidentielle de février prochain selon vous ?Ah oui, oui. Aucun candidat ne pourrait échapper au débat sur la question migratoire. On ne peut pas, aujourd'hui, avoir une planification de développement des populations sans aborder la migration, les questions de droit d’asile et de liberté de circulation. D'ailleurs, nous sommes en train de mettre en place un petit cadre citoyen d'interpellation des candidats, avec un focus particulier : s’ils arrivaient au pouvoir après les élections, comment comptent-ils régler la question migratoire ? L'échec de nos États a été la gestion de la migration et de la problématique des jeunes. Si on continue les mêmes formules, les mêmes façons de faire... À partir de ce moment, ils pensent que dès l'instant qu'on est exclu du système et du partage des biens et des services, la seule alternative qui s'offre à nous, c'est d'aller voir ailleurs ! Et c'est là que s'installent les risques de voyage dans des conditions abominables que vous savez.
9/20/20235 minutes, 9 seconds
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L’opposant gabonais Alexandre Barro Chambrier: «Nous jugerons le maçon au pied du mur»

On ne l'avait pas encore entendu depuis le coup d’État du 30 août au Gabon. Alors que le général Brice Oligui Nguema est à présent bien installé et que la transition prend forme, c’est sur RFI qu’il rompt le silence. Alexandre Barro Chambrier, président du RPM est l’un des principaux responsables de la plateforme de l’opposition Alternance 2023.  RFI : Alexandre Barro Chambrier, quel est votre état d'esprit aujourd'hui ? Plutôt confiant, plutôt méfiant ?Alexandre Barro Chambrier : Mon état d'esprit est confiant parce que l'intervention des militaires a été salutaire. Nous aurions eu un bain de sang, des réactions d'hostilité vis-à-vis de ce pouvoir qui n'avait plus aucune légitimité.Pourtant, n'étiez-vous pas de ceux qui pensaient que les militaires avaient fait leur coup de force pour éviter l'alternance et sauver l'essentiel ? Vous vous êtes finalement fait une raison ?Bon, il est évident que notre souhait aurait été que les résultats de l'élection puissent être donnés, mais l'idéal n'est pas toujours possible et effectivement, il faut bien admettre qu’on ne pourra plus revenir en arrière.Qu'est-ce qui vous inquiète le plus à présent ?Nous souhaitons pour notre pays la démocratie et la transparence. Nous ne souhaitons pas que l'on passe d'une dictature civile à une forme de dictature militaire. C'est un homme animé de bonne foi [Le général Oligui Nguema, président de la transition du Gabon, NDLR]. C'est une personne ouverte qui reçoit, qui écoute et qui, nous l'espérons, va appliquer. Mais convenez qu'en 15 jours, ça ne laisse pas beaucoup de temps pour l’action, donc nous n'avons pas de raison de faire des procès d'intention ou d'être dubitatif. Nous jugerons le maçon au pied du mur.Dans la charte de la transition, il n'est nulle part spécifié que le président de la transition, le général Oligui Nguema ne pourra pas se présenter à la présidentielle. Est-ce un problème, selon vous ?Oui, il y a des corrections qui devront être faites et à notre avis, cela devrait être revu par les forces vives.Le fait que les caciques du PDG d'Ali Bongo se retrouvent encore aux affaires, est-ce de nature à vous inquiéter également ?Il y a des caciques, il y a des personnes qui ont de l'expérience, bon. Mais nous n’allons pas accepter de recyclage. Nous n’allons pas accepter que des personnes reviennent avec les idées d'antan. Nous attendons une rupture dans la gestion de l'État.Pourquoi, dans le gouvernement de transition, n'y a-t-il aucun membre d'alternance 2023 ?Bon, il y a d'autres personnalité qui ne sont pas marquées. Nous avons clairement indiqué que nous aurons des participants au niveau du Parlement qui pourront apporter leur contribution.Cela suffira-t-il pour vous faire entendre ?Écoutez, nous, nous avons l'habitude de nous faire entendre et nous utiliserons tous les canaux nécessaires si besoin était. Nous sommes dans une période qui est sensible, qui est délicate. Nous sommes sous un régime d'exception. Les militaires sont venus pour faire un travail ponctuel. C'est d'accompagner le pays, le remettre sur les rails et retrouver un ordre constitutionnel dans un temps raisonnable, c'est ça que nous demandons. Il ne faudrait pas que l'on s'installe dans la durée, de manière confortable, et il ne faudrait pas qu’on prenne goût aux délices du pouvoir.Un an, 2 ans ?Raisonnablement, 2 ans, cela nous paraît une période raisonnable. Oui, 2 ans, c'est largement suffisant pour faire ce qu'il y a à faire.
9/19/20235 minutes, 4 seconds
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Libye: «J’ai vu des images apocalyptiques et le désespoir dans les yeux des survivants»

Une semaine après les inondations dévastatrices qui ont fait des milliers de morts dans la ville libyenne de Derna, secouristes locaux et étrangers s'activent ce dimanche à rechercher les corps de milliers d'autres personnes toujours portées disparues. Les derniers bilans restent très imprécis et oscillent entre plus de 3 000 et même 11 000 victimes. Le représentant des Nations unies pour la Libye, Abdoulaye Bathily, a pu, ce samedi, se rendre à Derna, épicentre de la catastrophe. Le diplomate sénégalais est l'invité d'Afrique matin au micro de Sébastien Németh.
9/18/20235 minutes, 5 seconds
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«Les relations économiques de l'Afrique avec la Corée du Sud se développent très rapidement»

En quasi simultané, à Paris et Busan, la ville portuaire coréenne, deux forums économiques viennent de se dérouler pour renforcer les liens de la Corée du Sud avec l’Afrique. Entre importations de matières premières et financement d’infrastructures, Marie-Laure Akin Olugbade, vice-présidente de la Banque africaine de développement (BAD), présente au sommet Afrique-Corée de Paris, décrypte les ambitions de Séoul sur le Continent et les attentes des pays africains. Elle répond aux questions de Julien Clémençot.
9/17/20234 minutes, 59 seconds
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Séisme au Maroc: «C'est un chaos, vous ne pouvez pas imaginer l'ampleur des dégâts»

Notre invité aujourd’hui est Hamid Hammouche, restaurateur à Marrakech et très présent dans le milieu associatif. Il s’est retrouvé au cœur du séisme au Maroc, et depuis le 10 septembre au matin, il coordonne les aides pour les sinistrés de plusieurs villages, notamment celui de Tafeghaghte, situé à 4 kilomètres au sud de la ville d’Amizmiz. Il répond aux questions de Guillaume Thibault, avec une prise de son assurée par Julien Boileau. RFI : Hamid Hammouche, comment êtes-vous arrivé ici ?Hamid Hammouche : (Voix haletante) Je vous explique. Je suis restaurateur à Marrakech et je fais partie du milieu associatif à Marrakech. En fait, ce qui s’est passé, c’est que le vendredi à 23h12 exactement, à Gafah, à 25 kilomètres d’ici, on avait un mariage. J’ai 61 salariés. Sur les 61 salariés, il y a 30 salariés qui habitent le village de Tafeghagte. Mes 30 salariés, serveurs, cuisiniers, sécurité, ouvriers, jardiniers, électriciens, ils ont tous perdu un membre de leur famille qui était sous les décombres. Voilà tout de suite l’ampleur de la situation. On a fermé le restaurant. Les personnes qui habitent ce village font partie de notre famille, ils travaillent avec nous 24 heures sur 24. Donc, on a mobilisé toute l’équipe et on est venu ici directement en intervention sur cette zone le dimanche.Il y a combien de familles ici ?Ici, il y a 300 familles. Sur les 300 familles, vous avez 160 blessés et on déplore 80 morts sur la zone. Et donc, la difficulté de ce séisme en fait, c’est que des douars [des groupements d'habitations rurales, NDLR] comme celui dont je viens de vous parler, il y en a beaucoup, beaucoup. Juste sur la zone-là, vous avez quasiment 2 000 personnes. Il faut comprendre l’ampleur du séisme et surtout la configuration du terrain. Ce n’est pas une ville unique qui a été touchée, ce sont des milliers de petites villes qui ont été touchées.Et dans ces milliers de petites villes, une solidarité extraordinaire s’est mise en place ?J’en ai les larmes aux yeux (sa voix se brise). C’est incroyable ce qu’on a vécu. On a vécu une solidarité énorme. Personne ne meurt de faim ! Personne ne meurt de soif ! Personne ne meurt de froid ! Absolument personne ! C’est incroyable cette solidarité, c’est juste irréel (sanglots)... C’est inimaginable ce qui s’est passé, le peuple marocain est un peuple énorme, extraordinaire, un peuple qui n’a pas de limite ! On sortira grandi de tout cela parce qu’on a des ravitaillements qui viennent de partout. Un véhicule tout simple est venu hier de Laayoune qui se trouve à 1200 kilomètres, 1400 kilomètres de cette zone. Le monsieur a roulé toute la nuit pour nous amener 30 couvertures, du sucre, des couches pour les bébés. Il avait la voiture pleine. Il est venu de Laayoune. Il faut que tout le monde sache que le Maroc est un grand peuple, un énorme peuple (pleurs).Je suis vraiment désolé, c’est un chaos... Vous ne pouvez pas imaginer l’ampleur des dégâts... Vous ne pouvez pas imaginer le choc, vous ne pouvez pas imaginer ce qui s’est passé sur les montagnes du Maroc, de l’Atlas. Personne ne peut imaginer ça. Venez voir, vous comprendrez l’ampleur du désastre...C’est aussi ce que nous disait une femme un peu plus bas dans le village : « Il faut sauver ce qui est vivant... »C’est ça le plus important. On remercie les autorités qui ont été très réactives, les forces auxiliaires, monsieur le Bachar, le caïd, si vous voulez, qui sont des instances dirigeantes, on a un moquadem qui est l’équivalent d’un maire, on a un chef de village. Les instances se sont toutes réunies et la coordination s’est faite magnifiquement bien, il faut le dire. Les militaires ont été exceptionnels. Les docteurs de tout le Maroc sont arrivés, les infirmières de tout le Maroc. J’ai même eu deux étudiantes infirmières, en première année, elles étaient avec nous. Vous voyez, la solidarité a été mise en place. C’est fait.Maintenant, on doit reconstruire, on doit se battre. L’hiver arrive dans un mois et demi. Et ça, pour nous, c’est une priorité. Les tentes, sur notre zone à nous, c’est parfait : tout le monde est à l’abri, à l’heure où je vous parle.Tout est à imaginer et tout est à travailler, en fait. C’est ça la difficulté. Ce qui s’est passé, ce séisme qui nous a touchés, on en sortira encore plus grandi ! C’est sûr ! C’est sûr !Donc, s’il vous plait, si vous voulez aider le Maroc, prenez un billet d’avion et venez au Maroc. Pour nous, c’est très important.
9/15/20233 minutes, 57 seconds
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Lutte antiterroriste: «Pour l'instant, nous n'avons constaté la présence d'aucune cellule permanente au Bénin»

En 2019, deux Français étaient enlevés dans le parc de la Pendjari et leur guide béninois assassiné. Depuis, le Bénin a fait face à plusieurs reprises aux attaques de terroristes présents dans le Sahel et qui tendent à étendre leurs actions vers les pays côtiers. Leurs attaques ont d’abord visé les forces de défense et de sécurité, puis les civils, pour un bilan global de 25 soldats et une quarantaine de civils tués, ainsi que 63 terroristes neutralisés. Parmi les réponses du Bénin, l’opération Mirador lancée début 2022. Le colonel Faïzou Gomina en est le commandant.
9/14/20235 minutes, 2 seconds
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Francis Kéré, architecte burkinabè: ce prix «Nobel de l'art» est un grand encouragement

C'est une nouvelle distinction de prestige qui vient récompenser l'architecte burkinabé Francis Kéré. On a appris hier mardi 12 septembre, qu'il faisait partie des lauréats du 34e Praemium Imperiale, un prix considéré comme le « Nobel des arts ». Voici donc sa toute première réaction. Une interview dans laquelle l'architecte dit son émotion après le tremblement de terre qui vient de frapper le Maroc. Francis Kéré interrogé par Laurent Correau RFI : Vous accumulez les récompenses : le BSI Swiss Architectural Award en 2010, la médaille d’architecture de la fondation Jefferson en 2021, le prix d’architecture Pritzker en 2022 et aujourd’hui, le Praemium Imperiale dans la catégorie architecture. Qu’est-ce qui, selon vous, fédère à ce point les architectes autour de votre travail ? Francis Kéré : Le travail que j’ai démarré au Burkina Faso a toujours été considéré comme la tentative d’apporter ma petite pierre au développement de mon village. Et du coup, je suis toujours surpris de voir que je suis récompensé. Mais je crois que c’est peut-être par la simplicité du travail, le choix des matériaux, le courage d’aller fouiller dans un endroit où souvent, on dit que c’est impossible, c’est ça qui pousse d’autres architectes à me pousser vers ces prix. Je crois que c’est peut-être ça.On a le sentiment d’ailleurs que l’une de vos forces, c’est d’avoir su inventer une architecture qui est pleinement africaine, tout en intégrant les apports du reste du monde…Oui, parce que j’ai développé ce travail-là au cœur même de l’Afrique. Mais l’architecture étant un métier universel. Je m’enrichis beaucoup en apprenant à travers le monde, en découvrant ce qui a été fait en Europe avant l’ère industrielle. Je puise dans cette expérience-là pour essayer d’adapter une architecture aux conditions du Burkina Faso, où il fait très chaud, mais on a beaucoup de ressources : on a des matières, par exemple, la terre, on a aussi du bois, et on a une main d’œuvre qui a du talent si on sait guider cette main d’œuvre. Et j’essaie de combiner tout cela pour créer des espaces qui offrent un confort pour tous les usages que vous pouvez imaginer.À lire aussiPraemium Imperiale: le Burkinabè Diébédo Francis Kéré lauréat du «prix Nobel des arts»Quel regard est-ce que vous portez sur les leçons à tirer de la catastrophe qui vient de se produire au Maroc ? Est-ce qu’après un tremblement de terre comme celui-là, il y a une réflexion à mener sur la façon dont les populations peuvent intégrer certaines normes à des constructions qui resteraient traditionnelles ? Comment est-ce qu’on peut réinventer ces traditions architecturales ? En tout cas, toute ma pensée va vers le Maroc, vers les communautés qui ont trouvé leur habitat détruit. Vous savez, le cœur s’arrête presque quand vous entendez ça. Je me suis assis, j’ai dit : « bon, tiens, si je pouvais vite approcher les responsables pour essayer d’aller avec ma modeste contribution voir ce qu’on pouvait faire. » D’abord vite, pour créer un toit, pour que les gens puissent se retrouver, se retirer, mais aussi étudier ce qui a failli dans l’habitat traditionnel, et ce qu’on peut tous ensemble améliorer. Il faut apprendre ensemble à trouver des solutions qui permettent d’éviter dans le futur de telles catastrophes.Est-ce que, d’ailleurs, c’est quelque chose de très complexe d’avoir des constructions adaptées au risque sismique ? Il y a des concepts élaborés dans toutes les écoles pour réduire les dégâts, pour empêcher que les bâtiments ne s’écroulent complètement, si vous prenez une nation comme le Japon, nous parlons du high tech. Je crois qu’il faudra qu’on pousse aussi à élaborer des solutions pour des nations qui ne vivent pas avec le high tech. L’ingénierie et la recherche ont prouvé que c’est possible de le faire, on peut combiner en ajoutant un poinçon à une structure qui combine bois et matériaux de remplissage, c’est possible.Vous-même, vous seriez prêt à participer à cette réflexion ? Ah oui, tout de suite ! Sans hésiter ! Toute la nuit, j’ai peu dormi, et honnêtement, vous m’avez pris à chaud, mais j’étais en train de réfléchir à ça avec mes plus proches collaborateurs, et on était en train de parler. Vous voyez que je suis toujours dans l’émotion. Non non, je participerai très vite, sans hésiter.Sur le continent africain, comme partout dans le monde, l’un des défis auxquels devront faire face tous ceux qui bâtissent, c’est celui du changement climatique. Quelles sont les grandes solutions qu’il faudra suivre, selon vous, en termes de matériaux, de dessins de bâtiments, de façons de construire ? Vous avez souligné la nécessité de se rendre compte qu’on ne peut pas continuer comme ça, on ne peut pas continuer à bâtir comme ça. La population en Afrique, selon beaucoup d’études, s’accroit très vite, et en même temps, nous avons des ressources qui sont limitées. Nous ne pouvons pas continuer à utiliser des matériaux qui contribuent au réchauffement climatique. La nécessité du temps, c’est à l’économie, c’est à l’élaboration de solutions qui permettent de loger des masses sans consommer trop et sans causer de tort à l’environnement. Les décideurs et les concepteurs doivent prendre conscience qu’on ne peut pas continuer à faire comme on est habitués à le faire.Un mot enfin sur les grands projets sur lesquels vous travaillez actuellement. Parlez-nous, par exemple, de la façon dont vous avez dessiné la future assemblée béninoise ?Pour l’Assemblée nationale du Bénin, l’idée principale, c’est de créer un gigantesque arbre à palabres, comme un symbole du lieu de rencontres, de débats, de disputes.L’ensemble de l’Assemblée nationale ressemblera à un grand arbre ? Oui, c’est ça l’idée qu’il y avait autour. Et d’ailleurs, il est intégré dans une forêt botanique, qui existait depuis très longtemps, qui a été préservée, et cet arbre, l’arbre à palabres qui sera l’Assemblée nationale, sera le plus grand arbre dans cette forêt botanique. Mais autour de cette idée symbolique, il y a des idées réelles qui vont permettre de réduire la consommation en énergie. Par exemple, au sein de l’Assemblée nationale, il y a une cour où les députés, où tous ceux qui travailleront dans cette Assemblée nationale, se rencontreront. Mais, pour l’enveloppe du bâtiment, j’ai choisi de prendre du béton, c’est quand même une bâtisse qui est censée durer, je l’espère, des siècles, donc j’ai choisi de corréler le béton en fond, dans la masse, j’ai essayé de créer un bâtiment qui va perdurer dans le temps, qui consommera moins d’énergie, mais qui est un symbole même du débat dans la tradition africaine.À lire aussiDiébédo Francis Kéré: «Mon travail est un service à l’humanité pour les pauvres comme les riches»
9/13/20236 minutes, 26 seconds
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Christophe Lutundula (ministre des Affaires étrangères de RDC): la Monusco va assurer «l'accompagnement du processus électoral»

Au Congo Kinshasa, le pouvoir et l'opposition polémiquent sur le calendrier de retrait des Casques bleus. Le Président Tshisekedi demande à la Monusco d'accélérer son départ, alors que l'opposant Moïse Katumbi accuse les autorités de vouloir se débarrasser d'un témoin gênant avant les élections du 20 décembre. Qu'en est-il réellement ? Christophe Lutundula est Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Congo. En ligne de Kinshasa, il annonce sur RFI que le pouvoir compte sur les Casques bleus pour sécuriser les élections de décembre. Il est au micro de Christophe Boisbouvier. RFI : Christophe Lutundula, vous avez écrit au Conseil de sécurité pour lui demander d’accélérer le retrait des Casques bleus de votre pays. Pourquoi manifestez-vous tant d’impatience ? Christophe Lutundula : Je pense qu’il n’y a pas d’impatience. Et comme le constate, avec beaucoup de sincérité, le Secrétaire général des Nations unies, la situation ne fait que se dégrader. La tension ne baisse pas, particulièrement au Nord-Kivu. Le nombre de Congolais qui sont soumis aux déplacements forcés est aujourd’hui d’environ quatre millions. Et comme le dit aussi le secrétaire général lui-même, la Monusco, depuis 25 ans, a démontré ses limites de fond et de forme. Et donc, nous avons estimé que, comme nous l’avons dit l’année dernière, il faudra absolument accélérer le retrait, ce qui ne signifie pas le précipiter, il n’y a pas de précipitation, il ne faut pas non plus retarder inutilement le retrait au grand détriment du peuple congolais, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RDC.Vous dites : « pas de précipitation ». Du côté de New York et du chef des Casques bleus, Jean-Pierre Lacroix, on dit que des centaines de milliers de Congolais sont protégés presque exclusivement par la Monusco, exemple à Djugu dans l’Ituri, et que le vide sécuritaire leur serait fatal. Est-ce qu’il ne faut pas un retrait graduel ? Mais j’ai parlé d’entrée de jeu de retrait responsable, ordonné, progressif et réussi. Et on ne peut pas avoir ce retrait si on ne le prépare pas, si on n’intègre pas les aspirations profondes des Congolais - pour lesquels la Monusco a eu la mission première d’assurer la protection, qui ne l’est pas aujourd’hui. Je n’ai pas besoin de démonstration particulière : il y a Kishishe, il y a d’autres localités, qui ont connu des massacres qui ont porté l’horreur à son comble alors que la Monusco était là.Du côté de l’opposition, le mouvement Ensemble pour la République de Moïse Katumbi vous accuse de vouloir vous débarrasser de la Monusco comme d’un témoin gênant, au moment où les violations des droits de l’Homme se multiplient dans votre pays. C’est que l’opposition ignore délibérément que dans la programmation du retrait, nous avons déjà un plan de transition, et nous avons retenu, parmi les piliers prioritaires, la sécurité des populations et le processus électoral - dans sa sécurisation, comme dans son appui logistique. Et donc, s’agissant des élections, c’est un faux débat, c’est du mensonge. La Monusco a un travail à faire, et il n’y a pas longtemps, le département des affaires politiques des Nations unies est arrivé ici, il y a à peu près cinq-six mois. Il y a un plan de travail qui a été convenu avec la Céni, impliquant totalement la Monusco. Donc tout cela, c’est du bluff, ce n’est pas la vérité.Donc, la Monusco ne partira pas avant les élections du 20 décembre ? Le retrait est progressif et la Monusco a un travail, c’est l’accompagnement du processus électoral.L’accompagnement du processus électoral jusqu’au jour du vote, jusqu’au 20 décembre ?Mais le processus électoral implique les opérations pré-électorales, électorales, et quelque part, post-électorales. La Monusco est là, mais nous disons qu’à la fin de cette année, il faut que le retrait au moins commence.Monsieur le Vice-Premier ministre, après le Mali, le Burkina, la Guinée, le Niger, voici le Gabon qui est frappé à son tour par un coup d’État militaire. Quelle est votre réaction ? Nous avons connu les années 90 qui correspondaient au renouveau démocratique en Afrique. Pour nous, la RDC, il n’est pas question de remettre en cause cette révolution démocratique, donc nous sommes fidèles à la position de l’Union africaine, avec toutes les sanctions que l’Union impose. S’agissant de notre région, l’Afrique centrale, nous adhérons totalement à la position qui a été prise par les chefs d’État et de gouvernement lors de la réunion qui s’est tenue en Guinée équatoriale sous la présidence du doyen Obiang Nguema Mbasogo. Ce qu’on fait maintenant, c’est le travail qui a été confié au président Touadéra, c’est de consulter toutes les parties gabonaises concernées, de manière à avoir un schéma de transition rapide, qui permette le retour à la normalité républicaine.Quand vous dites un schéma de transition rapide, c’est combien de temps ? J’ai cru entendre que le Premier ministre, qui vient d’être nommé hier, avait indiqué 24 mois, c’est-à-dire deux ans. C’est évidemment aux Gabonais eux-mêmes, plus que quiconque, qu’il appartient de savoir ce qu’ils veulent et de nous donner les indications qu’il faut. En tout cas, nous faisons confiance à notre émissaire, l’émissaire de la communauté, le président Touadéra, et nous espérons qu’il se dégagera un consensus des Gabonais autour de la durée. Si les Gabonais disent deux ans, nous allons prendre acte.
9/12/202312 minutes, 55 seconds
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«Généraliser la construction parasismique dans tous les coins du Maroc» est notre grand chantier

L’inquiétude reste importante au Maroc après le séisme qui a frappé le Haut Atlas et la région de Marrakech dans la nuit de vendredi à samedi. Il y a les villages dévastés, les conséquences humanitaires de ces dégâts et le risque de voir des répliques se produire. La terre a-t-elle à nouveau tremblé depuis 48 heures ? Le peut-elle encore ? Avec le recul de 48 heures, que sait-on par ailleurs du séisme lui-même ? Pour en parler, nous recevons le sismologue marocain Abdelilah Tahayt, professeur à l’université de Tanger. RFI : Abdelilah Tahayt, observe-t-on des répliques depuis le séisme qui a eu lieu dans la nuit du 8 au 9 septembre 2023 ?Abdelilah Tahayt : Oui, jusqu’à maintenant, on a eu une dizaine de répliques. Il faut noter qu’elles sont moins fréquentes que dans certains cas, par exemple le séisme de la Turquie [du 6 février 2023, NDLR]. De ce que j’ai vu sur la carte publiée par les centres de sismologie, on a des répliques à côté de Marrakech, des répliques au sud.Et ces répliques peuvent durer encore combien de temps ? Ça va de quelques semaines à quelques mois. Là, on ne peut pas dire.Quelle est la violence des répliques qu’on a constatée depuis le séisme ? Est-ce que ce sont des répliques très violentes ou à peine sensibles ? À peine sensibles : dans la région de Marrakech, ils ont ressenti deux ou trois répliques. Mais en général, ce sont de petites magnitudes inférieures à cinq.On voit bien que tous les regards se tournent vers les villages du Haut Atlas dans lesquels les destructions ont dû être terribles, que pouvez-vous nous dire de la façon dont cette zone est peuplée et du type d’habitat qu’on y trouve ? Le type d’habitat, c’est le plus souvent archaïque, simple, avec des murs en terre et de roche, et des toits avec de la paille. C’est quelque chose qui est fragile, donc ça peut s’écrouler facilement, ce qui a fait le drame dans le Haut Atlas. Pour l’avenir de la région, on peut garder ce type de construction, mais il faut penser à ce qu’il soit consolidé et soumis aux normes parasismiques. Au Maroc, c’est un grand chantier actuellement, celui de généraliser la construction parasismique dans tous les coins du Royaume.Est-ce que le Maroc, de ce qu’on sait de son histoire sismique, a déjà connu des secousses d’une telle violence ? On parle d’une magnitude de 6,8 sur l’échelle de Richter. Dans l’histoire du Maroc, on n’a pas enregistré cette magnitude-là. C’est vrai que la chaine des Atlas est encore active, il y a encore de l’activité tectonique mais on ne s’attendait pas à une telle magnitude.À lire aussiSéisme au Maroc: «Une région connue pour avoir une activité sismique»Et vous êtes surpris que cette zone-là ait été touchée par le séisme ? On mesure la déformation en utilisant le GPS qui permet de calculer les vitesses de déplacement sur plusieurs points répartis sur tout le Maroc. Là, les mouvements qu’on a, c’est surtout au nord. Au sud, notamment l’Atlas, on a du mouvement qui tend vers zéro. Ce qu’on ne peut pas mesurer, c’est l’énergie qui s’accumule. Nous, on mesure la déformation en surface.Le séisme, semble-t-il, ne s’est pas produit très profondément, on parle d’une profondeur de dix, quinze, vingt kilomètres. Est-ce que ce manque de profondeur a un effet sur le niveau de violence des secousses ?Oui, moins le séisme est profond, plus on en ressent la violence, parce que lorsque le séisme est proche de la surface, on va subir un effet direct du séisme.De manière très concrète, qu’est-ce qui, dans le fonctionnement de la planète, fait que ce jour-là, à cet endroit-là, ce séisme s’est produit ?Le globe terrestre est constitué de ce qu’on appelle la croûte. La croûte est constituée de plusieurs plaques, 7 – 8 plaques. Ces plaques-là sont en mouvement, en continu. Entre le Maroc et l’Espagne, on a ce qu’on appelle une zone de collision entre la plaque africaine et la plaque eurasienne. Ces deux plaques sont en collision, donc elles sont en convergence, ce qui permet la formation de chaînes de montagne, notamment au Maroc on a le Rif et l’Atlas. Donc les séismes sont répartis sur les limites des plaques.
9/11/20233 minutes, 36 seconds
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Joseph Mbeng Boum: notre rôle est «d'expliquer et de faire comprendre les avancées scientifiques»

Il est le premier Africain subsaharien élu à la tête de la Fédération mondiale des journalistes scientifiques, une organisation qui regroupe environ 72 associations à travers les cinq continents, plus de 15 000 journalistes. Le Camerounais Joseph Mbeng Boum, 33 ans, est directeur de publication au Cameroun du quotidien Échos Santé et de l'hebdomadaire Afrique Environnement. Il est aussi président national des « Journalistes scientifiques et communicateurs pour la promotion de la santé au Cameroun ». Élu pour deux ans à la tête de la FMJS (WFSJ dont le siège est à Montréal au Canada), il a pour mission de promouvoir le journaliste scientifique. RFI : À quoi sert le journaliste scientifique dans la société ? Quel est son rôle ?Joseph Mbeng Boum : Quand vous arrivez dans nos communautés, parfois quand vous trouvez un enfant drépanocytaire, il est considéré comme un sorcier, la famille parfois est discriminée. Pareil pour plusieurs problèmes liés à la science, à la santé, liés à la médecine, à la technologie : quand les questions scientifiques ne sont pas comprises, elles sont considérées comme relevant du paranormal. Et parfois, ce que la science ou les scientifiques proposent comme solution, très souvent ces solutions-là ne sont pas acceptées parce que mal comprises, mal interprétées, cela s’est vérifié encore avec le Covid-19 où vous avez bien suivi le discours qui considérait que les vaccins contre le Covid-19 avaient été développés pour tuer les Africains, etc. Donc le rôle du journaliste scientifique, c’est de pouvoir expliquer la science, faire comprendre les avancées scientifiques, il devient donc un acteur important pour le développement des sociétés.Quelles sont les qualités du journaliste scientifique ? En termes de qualité du journaliste scientifique, tout d’abord, comme tout journaliste, c’est quelqu’un qui doit être neutre, et au-delà de la neutralité, avoir quand même un minimum de connaissances en matière de sciences. C’est quelqu’un qui doit toujours garder un esprit critique, ne pas avoir un penchant pour un scientifique, pour une démarche, toujours rester dans la critique, pouvoir à chaque fois interroger, vérifier si effectivement la nouvelle scientifique qui arrive est vraiment opportune pour la population. Et aujourd’hui, un journaliste scientifique doit également pouvoir s’adapter à la technologie.Comment diriez-vous que le journalisme scientifique se porte en Afrique subsaharienne ?Le journalisme scientifique cherche encore ses repères, parce que contrairement à l’Europe où vous avez des écoles qui proposent des curricula, des formations bien définies, en Afrique subsaharienne, vous n’avez pas encore véritablement d’école. On est en train de travailler pour que peut-être dès la prochaine rentrée académique, qu’on puisse avoir au moins une ou deux écoles. L’autre réalité également, c’est qu’il y a une faible collaboration entre les journalistes scientifiques et les scientifiques, ou bien les autorités sanitaires, l’accès à l’information reste un véritable chemin de fer. Le financement, également, des recherches reste difficile. Vous savez déjà qu’en Afrique subsaharienne, la presse, de façon générale, suffoque parce que les politiciens ne définissent pas un véritable cadre de liberté de la presse. Ça fait bientôt 80 ans que le Royaume-Uni a son association de journalistes scientifiques, au Cameroun, par exemple, ça fait juste cinq années qu’on a pu mettre une association qui pose ses jalons tout doucement. Mais le contexte est assez difficile pour le journalisme scientifique. A contrario, vous savez que l’Afrique subsaharienne supporte 70% des cas de VIH, de Sida, du paludisme, et je ne saurais oublier des questions liées au changement climatique. C’est également un continent qui cherche à s’industrialiser. Dans une vision logique, le journaliste scientifique en Afrique devrait avoir du grain à moudre, mais je pense qu’il y a beaucoup de mentalités qu’il faut changer aujourd’hui en Afrique pour qu’effectivement, le journaliste scientifique puisse jouer son rôle. [Il faut] réduire également le gap qui entrave le développement du journalisme scientifique.Et vous, Joseph Mbeng Boum, qu’est-ce qui vous a conduit au journalisme scientifique ?Je dirais les décès, peut-être le décès de ma maman, parce que ça fait un peu plus de vingt ans aujourd’hui qu’elle est décédée, et j’étais encore tout petit, j’étais encore au collège. À l’hôpital, on n’avait pas réussi à nous dire des choses de façon claire, et moi je ne percevais pas qu’il y ait quelque chose qui ne puisse pas s’expliquer de façon scientifique, et je réfutais un peu cette idée où les choses étaient présentées comme relevant toujours du mystique. Ce n’est pas que je remette le mystique en cause, mais je pense quand même qu’on devrait pouvoir démontrer un certain nombre de choses et je me souviens qu’au lycée, c’est comme ça que je me suis inscrit au club « santé » et au club « communication », et depuis lors, j’ai commencé à développer une passion pour la science et pour la communication et l’information.
9/10/20234 minutes, 47 seconds
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Gabon: l’ex-parti au pouvoir (PDG) «prend acte du changement de régime» affirme Luc Oyoubi

Au Gabon, alors que la formation du gouvernement de transition est en cours, l’ancien parti au pouvoir, le Parti démocratique gabonais (PDG), s’est exprimé pour la première fois sur le putsch et la situation du pays dans une déclaration publiée jeudi, d’abord, puis hier vendredi, au micro de François Mazet à Libreville. Pour Luc Oyoubi, premier secrétaire général adjoint du PDG, le parti « prend acte du changement intervenu et se dit disposé à participer à la transition ». En revanche, pas un mot pour les cadres du parti incarcérés, dont le secrétaire général Steeve Nzegho Dieko. RFI : Comment jugez-vous le début de la transition ? Est-ce que vous l’acceptez et vous vous y ralliez ? Luc Oyoubi : Au niveau du parti, nous nous sommes réunis et nous avons pris acte du changement de régime, donc nous sommes disposés à participer à la transition, notamment à la restructuration des institutions. Nous sommes un parti expérimenté et nous pensons que tous les Gabonais doivent se mettre ensemble pour aller de l’avant. C’est vrai que nous avons fait plusieurs décennies au pouvoir et qu’il y avait beaucoup d’aspiration au changement dans le pays. Maintenant, c’est cette forme de changement qui est arrivée, et c’est pour ça que nous disons que nous prenons acte du changement qui est intervenu.Le choix de Raymond Ndong Sima [comme premier ministre de transition] est un bon choix selon vous ? Le choix de Raymond Ndong Sima est un très bon choix. Si on m’avait demandé de proposer quelqu’un, c’est Raymond Ndong Sima que j’aurais proposé. Tout simplement parce que c’est quelqu’un qui est très rigoureux, qui est très méthodique dans sa façon de travailler, et pour moi les problèmes ce sont d’abord des problèmes budgétaires. C’est un brillant économiste praticien qui saura probablement nous proposer des solutions pour ces questions budgétaires.Il y a forcément des questions qui se posent : est-ce que le PDG peut survivre politiquement sans la famille Bongo ?Nous espérons que le PDG va survivre politiquement, avec ou sans la famille Bongo. Tout dépendra de l’évolution des choses. Il y a plusieurs partis qui vivent et qui n’ont pas de chef d’État à leur tête, donc le PDG peut très bien survivre sans chef d’État à sa tête.Mais vous, vous ne l’avez jamais fait, ce serait quelque chose de nouveau après quasiment six décennies et vous êtes un parti quasi d’État.Nous allons apprendre à le faire, et nous savions bien que le changement devait arriver.Est-ce que vous ressentez, ou est-ce que vous craignez, une hostilité de la population à votre égard ? Lorsqu’il y a un changement de régime, généralement, il y a une hostilité par rapport au régime sortant, donc ça, c’est inévitable. Mais pour l’instant, il n’y a pas d’animosité grandiose. Moi, je pense que le plus important, c’est d’accompagner la transition, que tous les Gabonais accompagnent la transition, et qu’on puisse voir les résultats à la fin. Une animosité par rapport au PDG n’aurait aucune valeur ajoutée à mon avis.Vous avez remercié le président de transition pour avoir libéré Ali Bongo, mais vous n’avez rien dit sur les autres personnes actuellement emprisonnées, dont le secrétaire général du parti, pourquoi ? Nous avons effectivement exprimé notre satisfaction par rapport à la libération de notre président de parti [Ali Bongo, NDLR], mais par rapport aux autres personnes incarcérées, le débat n’a vraiment pas eu lieu, donc personne n’a proposé qu’il y ait un mot pour les autres. Et ce n’est pas très étonnant, parce que le travail qui était fait par ces jeunes aux côtés du président n’était pas bien apprécié, n’était pas approuvé par beaucoup de militants. Ils ont eu un rôle aussi bien au niveau de l’État que du parti qui n’était pas du tout celui que les militants attendaient. Vous avez l’exemple concret de tous ces billets de banque qu’on trouve dans des maisons, dans des bureaux, alors que sur le terrain, nous qui étions sur le terrain, on a vu nos candidats trimer, on a vu nos candidats en difficulté, parce qu’ils n’ont pas eu autant de moyens que, par exemple, en 2018. Et lorsqu’à la fin vous découvrez que des gens ont stocké de l’argent dans leur maison, alors qu’on avait besoin de cet argent pour se battre sur le terrain, ceci ne peut pas rencontrer l’assentiment des militants de base.Ces gens qui sont aux arrêts, est-ce que vous les rendez responsables de la mauvaise gestion du pays, de la chute du président et de la défiance envers le PDG et le système ? Plusieurs camarades me disaient - à moi, parce que dans ma position de SGA [secrétaire général adjoint, NDLR] les gens s’imaginent peut-être que je vois le grand patron - : « Il faut aller dire au grand patron que nous sommes d’accord de voter pour lui, mais nous ne voulons pas des jeunes qui sont à ses côtés. » Ce qui fait que quand on a fait nos réunions, personne n’a proposé qu’on puisse dire un mot pour ces camarades.Est-ce que l’heure est à l’auto-critique au sein du PDG par rapport à la gestion du pouvoir ? Nous sommes régulièrement en auto-critique, et les congrès, les différents congrès, ont toujours été l’occasion de faire notre auto-critique. Lorsque vous allez voir les rapports de notre congrès, vous verrez que tous les maux qui sont dénoncés par l’opposition, et aujourd’hui par la transition, sont mentionnés dans les différents rapports de notre congrès. Donc les militants énuméraient tous ces maux en espérant les porter à la connaissance [du parti].Ali Bongo demeure le président du PDG, ça ne fait aucun doute pour vous ? Bien sûr qu’il reste le président du Parti démocratique gabonais, il est en liberté, donc il reste le président de notre parti.
9/9/20235 minutes, 48 seconds
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Raymond Ndong Sima, Premier ministre de transition: l'objectif est de «remettre le Gabon sur les rails»

Au Gabon, Raymond Ndong Sima a été nommé hier Premier ministre de transition. Le nom de l'opposant a été annoncé par un décret lu à la télévision publique, signé par le président de la transition, le général Brice Oligui Nguema. Cet économiste de 68 ans avait déjà été chef du gouvernement sous la présidence d'Ali Bongo entre 2012 et 2014. Il avait claqué la porte du parti au pouvoir en 2015, avant de passer à l'opposition. En exclusivité sur RFI, Raymond Ndong Sima est l'invité de Sébastien Németh. RFI : Raymond Ndong Sima, quelle est votre réaction suite à votre nomination ?Raymond Ndong Sima : Je ne m’attendais pas à être nommé Premier ministre de la Transition, mais j’avais dit depuis le départ que si j’étais mis à contribution, je le ferais de bon cœur. Donc, je pense que je vais faire l’effort pour travailler dans le sens de ce que tout le monde souhaite à l’heure actuelle, c’est-à-dire de remettre le pays sur les rails.Est-ce que vous avez déjà une feuille de route ?Le président de la République, le général Brice Oligui Nguema, m’a remis une feuille de route. Je n’ai pas encore eu le temps de la lire. Ce que je souhaite, c’est que le plus de monde soit mis à contribution pour que le processus soit inclusif, que nous nous mettions d’accord une fois pour toutes, l’ensemble des Gabonais, quel que soit le bord auquel nous appartenons, pour nous mettre d’accord sur des textes qui soient justes, équitables et qu’il y ait des élections que personne ne conteste et dont la représentativité est évidente. Voilà ce que je souhaite, j’espère que tout le monde sera mis à contribution. Je ferai de mon mieux pour associer tout le monde, pour que nous fassions une bonne toilette de l’ensemble des textes qui sont sur la table. Il faut qu’au sortir de la Transition, le pays soit remis sur une trajectoire qui est satisfaisante pour tous, parce que, à l’heure actuelle, nous jouons en dessous de notre capacité. Il faut qu’on se mette sur notre réelle capacité. Nous avons des ressources, des atouts, mais la façon de combiner, la façon de gérer, la gouvernance que nous avons faite n’est pas favorable, ne permet pas d’avoir la meilleure et la plus grande équipe. Donc, nous devons régler ce problème et de mon point de vue, tous ces problèmes sont liés au cadre juridique, à l’ensemble du contexte dans lequel nous vivons.Cela veut dire que vous allez proposer des réformes en profondeur ?Cela veut dire que nous allons travailler avec l’ensemble des acteurs, c’est-à-dire l’ensemble des partis politiques, avec la société civile, bien sûr sous la supervision du comité transitoire militaire, nous allons travailler sur l’ensemble des textes pour que nous ayons une Constitution comme le président l’a dit le jour de sa prestation de serment, et des textes d’application, des textes réglementaires qui soient le plus objectif possible. C’est cela.Un gouvernement d’union nationale, c’est votre souhait qui intégrerait notamment vos anciens collègues d’Alternance 2023 et peut-être aussi des membres du Parti démocratique gabonais (PDG) ?Pour l’instant, ce que les militaires nous ont dit, c’est qu’il n’y a ni majorité ni opposition. Donc, je ferai une proposition avec un gouvernement qui intègre tout le monde. À charge pour le président et le comité transitoire de choisir si ça leur convient.Que faut-il pour que cette transition ne déraille pas ?Dès lors qu’on a annoncé le principe de l’association de tous, le principe d’une démarche inclusive. Je crois que chacun doit mettre un peu d’eau dans son vin, de telle sorte que nous parvenions à des compromis qui soient raisonnables et solides.Comment appréhendez-vous le travail avec les militaires ?Dans ma carrière, j’ai fait plusieurs opérations de restructuration d’entreprise. J’ai fait la restructuration de la CFG, la Compagnie forestière du Gabon, en 1991 à Port-Gentil. J’ai fait la première mise en concession du chemin de fer en 1999-2000, etc. Je suis habitué à des situations un peu difficiles du point de vue de la restructuration. Mais je crois que les militaires ont un avantage. Ce sont des gens structurés et pour lesquels les ordres se transmettent d’une façon qui est assez précise. Donc, je m’attends à ce que les militaires déterminent clairement ce qu’ils attendent de moi, et moi que j’exécute clairement ce que je dois faire. Et je m’attends aussi en contrepartie à ce qu’ils me dégagent des marges de manœuvre claires qui correspondent à l’objectif qu’ils se sont fixés et que tous nous partageons.Oui, parce que j’imagine que vous n’accepterez pas de travailler n’importe comment, qu’il y aura quand même des conditions dans votre travail pour que vous puissiez remplir votre mission ?Je pars du principe que si les militaires ont accepté d’enfreindre une règle importante chez eux, c’est qu’ils ont le souci de réussir. Parce que, s’ils échouent, ils auront fait tout cela pour rien, et ça entachera sérieusement leur carrière et la suite. Donc, je pars du principe que les militaires auront envie de réussir.À lire aussiGabon: Raymond Ndong Sima, opposant à Ali Bongo, nommé Premier ministre de transition
9/8/20233 minutes, 59 seconds
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Présidentielle au Gabon: «Les résultats n'ont été signés par aucun procès-verbal»

Au Gabon, on en sait un peu plus sur la controverse au sein du Centre gabonais des élections (CGE) après le scrutin du 26 août. Le président du CGE avait annoncé Ali Bongo vainqueur après un vote controversé et des accusations de fraude. Suite à cette annonce, un coup d'État l'a fait chuter et les responsables du CGE ont été arrêtés. Ils ont finalement été relâchés mais restent accusés d'avoir été complices de manipulations électorales. Pour la première fois, un de ces responsables témoigne : Christelle Koye, l'une des vice-présidentes de l'institution pour le compte de l'opposition.  RFI : Christelle Koye, qu’est-ce que la justice vous reproche ? Christelle Koye : Il m’a été reproché d’avoir participé au trucage des résultats électoraux, c’est la question qui m’a été posée au niveau de la Direction générale des recherches où j’ai été entendue. Il m’a également été demandé de rappeler quelles étaient mes missions. Ma mission principale consistait, dans le cadre de l’organisation du scrutin, à désigner les représentants de l’opposition au sein des commissions électorales locales. Et pour cela, je me suis appuyée sur les propositions des partis politiques de l’opposition. Il y a 101 commissions électorales locales. Le bureau du CGE centralise les résultats. Pour centraliser les résultats, nous devons avoir les procès-verbaux de chaque commission électorale locale, qui me permet de confronter les résultats de centralisation avec les résultats de chaque commission électorale locale. À l’échéance, donc, du scrutin, j’ai demandé aux commissaires de me transmettre les procès-verbaux. Malheureusement, en raison de la coupure d’internet d’une part et en raison des conditions d’acheminement, de transport, qui ne sont pas optimales, je n’ai pas pu obtenir les procès-verbaux de chaque commission électorale locale, qui m’auraient permis de confronter les résultats avec ceux que nous avons obtenus au niveau de la centralisation.Donc aujourd’hui, vous avez des doutes sur l’honnêteté de certains agents électoraux au niveau local ? Malheureusement, il y en a qui ont suivi, et il y en a d’autres qui ont clairement établi leur complicité, d’autres refusaient de me répondre, d’autres opposaient le fait qu’ils n’avaient pas pu avoir les procès-verbaux en leur possession, ce qui est difficilement explicable parce que la loi prévoit que chaque camp politique doit avoir une copie du procès-verbal. La justification liée à la difficulté de me transmettre les supports à cause de l’interruption d’internet pouvait se justifier, mais celle de ne pas pouvoir répondre à mes appels ou de ne pas pouvoir me répondre clairement continue à contribuer à semer le doute, sinon à me fixer sur la nature des relations que ces commissaires-là entretenaient.Certains auraient pu être corrompus, selon vous ? Clairement, oui.Comment avez-vous commencé à avoir des doutes sur les résultats ? J’étais en contact, et j’ai été en permanence en contact depuis le jour des scrutins avec différents états-majors, les états-majors d’Alternance 2023, les états-majors de certains candidats aux différentes élections, qui me transmettaient oralement les résultats. Donc, en réalité, je n’ai eu aucun élément palpable.Donc au fur et à mesure que le temps passait depuis l’élection, votre inquiétude ne faisait que grandir ? Bien sûr, elle n’a fait que grandir, elle grandissait d’autant plus que je n’avais aucun support me permettant de confronter les résultats qui seraient produits inéluctablement. J’étais inquiète, et de vous à moi, j’ai tenté de m’extraire parce que je me rendais compte qu’il y avait des éléments dont je n’avais pas connaissance. Malheureusement, le dispositif était tel que je n’ai pas pu sortir, mais effectivement, les personnes peuvent attester que moi, j’ai voulu sortir de la Cité de la démocratie. À 22h30, donc le 29, le jour de la délibération, il y a eu une intrusion d’un membre du cabinet du chef de l’État qui n’était pas appelé à la commission, ce qui a conforté ma position, je m’inquiétais parce que je ne comprenais pas qu’un membre du cabinet, donc en l’occurrence le conseiller en charge de la communication, Jessye Ella Ekogha, vienne dans la salle pour pouvoir organiser la retransmission de l’annonce. Il y a eu un tollé dans la salle, parce que tout le monde unanimement n’a pas apprécié. Pour moi, c’était un élément de trop, j’ai voulu partir, j’ai voulu prendre cette brèche pour m’extraire de la Cité de la démocratie, mais à ce moment-là, il était difficile de le faire. D’ailleurs, les résultats ont été annoncés, mais ces résultats devaient être sanctionnés par un procès-verbal. L’annonce a été faite publiquement, et après l’annonce, il fallait vérifier, signer, pour la transmission à la Cour constitutionnelle, ça n’a pas été fait. Je n’ai signé aucun procès-verbal.Avec le recul, après ce que vous avez vécu au CGE, quel est votre sentiment aujourd’hui ? Ça m’inspire évidemment des interrogations, d’énormes interrogations, que je souhaiterais lever. J’ai besoin d’avoir tous les éléments en ma possession, on parle d’une rumeur persistante, ce n’est plus une rumeur, c’est quasiment avéré, mais je souhaiterais savoir à quel niveau, quels sont les niveaux de responsabilité, quels sont les commissaires sur lesquels j’ai pu compter, parce que c’est vrai que j’ai eu deux vagues, les commissaires électoraux sur lesquels j’ai pu compter, et ceux sur lesquels je n’ai pas pu compter parce qu’en réalité, ils n’ont pas rempli la mission du serment pour laquelle ils ont été affectés. Ce sont des interrogations qui me taraudent et pour lesquelles j’aimerais vraiment avoir des réponses. À lire aussi[Info RFI] Gabon: des arrestations ont eu lieu au Centre gabonais des élections la nuit du coup d’État
9/7/20234 minutes, 58 seconds
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Élections locales en Côte d’Ivoire: «Nous assistons au déclin de la gauche ivoirienne»

En Côte d’Ivoire, le parti au pouvoir, le RHDP est sorti largement vainqueur des élections municipales et régionales du 2 septembre. Il obtient 123 communes sur 201 et 25 régions sur 30. Quels enseignements peut-on tirer de ces résultats ? Comment la cartographie politique est-elle configurée aujourd’hui ? Quid de l’état de la gauche ivoirienne ? Entretien avec le politologue Geoffroy-Julien Kouao. Comment expliquez-vous cette large victoire du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) ?Geoffroy-Julien Kouao : Nous sommes dans un multipartisme avec un parti dominant qui est le RHDP. Et cette victoire écrasante du RHDP a tourné à une démonstration de force qui devrait inquiéter ses adversaires politiques, surtout avant la grande bataille présidentielle de 2025.Pour vous, aujourd’hui, quel enseignement peut-on tirer de ce scrutin justement en vue de 2025 du point de vue des partis politiques ?Les partis de gauche sont en déclin, en voie de disparition. Le Parti des peuples africains – Côte d'Ivoire (PPA-CI) de Laurent Gbagbo a fait un score extrêmement faible. Pascal Affi N’Guessan et le Front populaire ivoirien (FPI) ont disparu de la scène politique, du moins électoralement. Le MGC, le Mouvement des générations capables, de Simone Gbagbo n’a pas d’élus. Nous assistons au déclin de la gauche politique ivoirienne.Les jeux d’alliance n’ont pas forcément fonctionné. On voit notamment l’alliance entre le PPA-CI et le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) qui donne à peine 10 communes et une région. Quel est l’avenir de ce type d’alliance ?En politique, 1+1 ne font pas forcément 2. Et là, c’est une alliance opportuniste entre le PDCI-RDA et le PPA-CI qui sont idéologiquement opposés. Et donc, les électeurs n’ont pas bien compris cette alliance et, évidemment, au regard des résultats que nous avons aujourd’hui, le PPA-CI et le PDCI doivent réajuster leur alliance, la formaliser, lui donner un contenu juridique et politique avant la grande bataille présidentielle de 2025.Comment expliquez-vous la défaite du FPI de Pascal Affi N’Guessan à ces élections ? Le FPI n’a pas une cohérence idéologique. On ne peut pas comprendre cette pirouette politique faite par le président Pascal Affi N’Guessan qui, il y a à peine deux ans, qualifiait monsieur Alassane Ouattara et son parti de tous les noms et aujourd’hui qui va à l’alliance avec ce parti. Pour ceux qui connaissent bien la région de Moronou, certes. Il y a eu alliance entre le FPI d’Affi N’Guessan et le RHDP d’Alassane Ouattara, mais les cadres du RHDP n’ont pas vraiment soutenu monsieur Pascal Affi N’Guessan dans cette campagne. Il est allé seul contre tous. Donc, c’est une défaite certes inattendue, mais qui montre qu’en politique, il faut avoir une colonne vertébrale, il faut avoir une cohérence idéologique, et les alliances contre-nature ne paient pas toujours.Concernant le PPA-CI qui s’est lancé il y a tout juste deux ans, on voit que seul, sans alliance, il obtient à peine deux communes. Quelle leçon ce parti politique-là peut-il tirer en vue de la préparation de 2025 ?Je pense que le PPA-CI doit rajuster sa stratégie politique et revoir sa rhétorique politique parce que, quand vous perdez une commune emblématique comme Yopougon, qui est appelé « Yopougon de Laurent Gbagbo », cela veut dire que politiquement il y a quelque chose qui n’a pas marché. À Yopougon, le PDCI et le FPI ont gagné la bataille des législatives avec près de 500 voix d’avance, ce qui en terme électoral est totalement insignifiant. Mais à cette élection communale, ils sont allés en rangs dispersés. Tout cela montre la montée du parti d’Alassane Ouattara dans le bastion du PPA-CI. Alassane Ouattara a gagné la bataille de Yopougon. Il a remporté la bataille de Gagnoa, et tout ceci montre que la gauche se doit de redéfinir sa démarche politique.Est-ce qu’aujourd’hui, on peut encore parler de bastion ?Non. Les choses ont évolué. Le PDCI-RDA a perdu des régions, vraiment assez importantes, au profit du RHDP. Le PPA-CI est en voie de disparition dans ce bastion traditionnel. Le FPI a perdu le Moronou. Seul le RHDP est resté très fort dans le septentrion ivoirien. Donc, on assiste à une redéfinition de la cartographie politique ivoirienne. Les uns et les autres doivent comprendre qu’on a de nouveaux électeurs, on a de nouvelles mentalités. La politique ne s’articule pas seulement autour de personnalités, des personnalités charismatiques, mais autour aussi des idées, mais surtout d’un réalisme qui consiste à des réalisations concrètes. Le RHDP récolte là sa politique économique reluisante depuis 10 ans.À lire aussiEn Côte d'Ivoire, raz de marée du RHDP du président Alassane Ouattara aux élections locales
9/6/20234 minutes, 52 seconds
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Niger: «Le temps ne joue pas pour les putschistes», selon le ministre Hassoumi Massaoudou

Au Niger, y aura-t-il une intervention militaire de la Cédéao ou au contraire une entente avec les militaires putschistes, comme ceux-ci l'ont déclaré ce 4 septembre au soir ? Hassoumi Massaoudou, le ministre des Affaires étrangères du gouvernement du président Bazoum, continue de croire à une intervention militaire. Pour lui, la décision politique est prise. Et ce n’est plus qu’une question de délai opérationnel. Entretien. RFI : Hassoumi Massaoudou, le 4 septembre 2023, le Premier ministre de la junte Ali Mahaman Lamine Zeine a déclaré : « On s’attend à tout moment à pouvoir être attaqué, mais nous poursuivons les échanges avec la Cédéao [Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest]. Nous avons bon espoir de parvenir à une entente dans quelques jours ». Comment réagissez-vous ?Hassoumi Massaoudou : Pour moi, il n’y a rien de neuf. Évidemment, il confirme là tout simplement, puisqu’il dit qu’il s’attend à être attaqué à tout moment. La position de la Cédéao n’a pas changé. On ne peut éviter l’intervention que s’ils se soumettent aux conditions posées par la Cédéao, c’est-à-dire la libération du président [Mohamed] Bazoum et son rétablissement dans ses fonctions. À partir de là, ils peuvent négocier leur sortie.Voilà plus d’un mois que le putsch a eu lieu et il n’y a toujours pas d’intervention militaire de la Cédéao. Est-ce que le temps n’est pas en train de travailler pour les putschistes ?Je ne pense pas. C’est une erreur de la part des putschistes de penser cela. Les dirigeants de la Cédéao que j’ai eus, que j’ai écoutés au dernier sommet, sont très déterminés. Ils ont donné toute la chance aux négociations, mais les militaires ne l’ont pas compris et les négociations apparemment n’ont pas donné. Il va de soi que la Cédéao maintenant va enclencher l’autre phase prévue par la conférence, c’est-à-dire la préparation et l’organisation d’une intervention militaire.Jusqu’à la semaine dernière, on croyait que le Nigeria était un pays moteur dans le projet d’intervention militaire, mais le 31 août le président Bola Tinubu a évoqué une possible transition de 9 mois, comme dans son propre pays il y a 24 ans. Est-ce que le Nigeria n’est pas en train de changer de position ?Mais non. Le même jour, son ministre des Affaires étrangères a fait une interview à la BBC en haoussa où il disait clairement que la question de l’intervention militaire était bel et bien sur la table et que le Nigeria n’a pas de position autre que celle de la Cédéao. Donc, le Nigeria est prêt. Le Nigeria se met en ordre de marche, comme les autres pays.Tout de même, est-ce que ce n’est pas le signe qu’il est hésitant maintenant ?Mais non, il n’est pas hésitant. Il essaie de donner du temps et essaie de faire comprendre [les enjeux] aux différentes composantes du nord du Nigeria, qui sont très actives parce qu’il y a eu beaucoup d’intoxications au nord du Nigeria en parlant de « guerre contre le Niger ». Je crois que la préparation de l’opinion au Nigeria est aujourd’hui mûre. Elle a été faite et je pense que, maintenant, il n'y a vraiment plus de problème pour le gouvernement du Nigeria pour avancer.Il y a l’Algérie qui plaide pour une transition de six mois, dirigée par un civil nigérien consensuel. Est-ce que l’avis de l’Algérie, ce n’est tout de même pas important ? Vous avez 1 000 kilomètres de frontière commune…L’avis de l’Algérie, pour nous, n’a pas d’importance. Sur cette question, l’Algérie n’a jamais vraiment participé à la gestion de nos affaires. Nous sommes un pays ancré dans la Cédéao. Nous sommes signataires des traités de la Cédéao. Avec l’Algérie, nous n’avons aucun traité. La Cédéao ne répondra pas à l’Algérie. La question de la transition ne se pose pas. La revendication claire de la Cédéao et de tous ces pays-là, c’est la libération du président [Mohamed] Bazoum et son rétablissement. Il n’est pas question d’un [seul] jour de transition. Accepter une transition, c’est accepter le fait accompli du coup d’État. C’est ce dont les chefs d’État de la Cédéao ne veulent surtout pas entendre parler.Vous qui rentrez de Tolède en Espagne, où a eu lieu une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne les 30 et 31 août, est-ce que vous n’avez pas entendu le ministre italien Antonio Tajani vous dire qu’il n’était pas pour une intervention militaire ?Le ministre italien et quelques ministres ont exprimé des réserves au départ. Mais ils ont posé des questions très précises auxquelles j’ai répondu. À la fin, un consensus s’est dégagé et il a très bien compris parce que, en réalité, que disent les Italiens ? C’est une propagande qui est faite par les partisans du putsch qui disent qu’une intervention militaire serait une grande guerre comme en Libye. Donc, une déflagration générale de la région. Il n’en est pas question. D’abord, le Niger n’est pas la Libye, le président [Mohamed] Bazoum n’est pas [Mouammar] Kadhafi. Par conséquent, il ne s’agit pas d’une guerre contre le Niger, il s’agira d’une opération pour mettre fin à une entreprise crapuleuse de prise d’otages. Et effectivement, elle ne concernera pas l’ensemble du pays. Et je suis certain - je leur ai expliqué - que l’armée nigérienne ne se battra pas pour défendre ce quatuor de généraux et cette prise d’otages. Donc, les Européens ont très bien compris et à la fin, un consensus s’est dégagé au niveau de l’Europe : l’Europe soutiendra les positions et décisions de la Cédéao, y compris appuiera, d’une manière qu’ils auront à définir ensemble avec la Commission, l’intervention militaire.Vous dites que les Nigériens ne se battront pas pour un quatuor de généraux. Mais depuis plusieurs jours, il y a des milliers de manifestants anti-Français et pro-putschistes qui se montrent dans les rues de Niamey…Ce qu’il faut retenir au Niger, c’est que ces manifestations se font seulement à Niamey. À l’intérieur du pays, il n’y en a pas, ils n’arrivent pas à organiser des manifestations.Dans deux semaines, du 18 au 22 septembre, il y aura l’Assemblée générale de l’ONU à New York. Est-ce que vous ne craignez pas que les chefs d’État de la Cédéao veuillent attendre ce grand rendez-vous diplomatique avant de faire quoi que ce soit et que, avec le temps qui passe, rien ne se produise pendant des semaines et des semaines ?Non. L’agenda militaire est actuellement en marche. En réalité, le temps d’intervention est essentiellement technique, il n’est plus politique. C’est le temps technique seulement qui nous sépare de l’intervention.Et vous voyez cette intervention d’ici combien de temps ?Je n’en sais rien. Je dis un temps technique qui ne regarde que les militaires. Moi, je ne sais pas. Je ne suis pas à l’état-major. Mais c’est une question technique, ce n’est plus une question politique aujourd’hui.
9/5/20237 minutes, 59 seconds
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Africa Climate Summit: «Le financement équitable des initiatives du changement climatique est important»

C’est le premier rendez-vous de ce type sur le continent. Le sommet africain pour le climat, l’Africa Climate Summit, s’ouvre ce lundi à Nairobi au Kenya pour trois jours. Une vingtaine de chefs d’État sont annoncés, ainsi que le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Le continent est particulièrement touché par les conséquences du changement climatique alors qu’il n’est pourtant responsable que de 6% du total des émissions de CO2. L’un des objectifs de ce rendez-vous sera ainsi de permettre aux pays africains de tenter de parler d’une seule voix lors des grandes échéances internationales comme la COP28 qui aura lieu en novembre aux Émirats arabes unis. Pour évoquer les enjeux de ce premier Africa Climate Summit, Pierre Firtion reçoit Edmond Totin, enseignant à l’université nationale d’Agriculture du Bénin. Ancien membre du GIEC, il a notamment coordonné la rédaction du chapitre africain (sur l’adaptation) du rapport sorti l’an passé.  RFI : Edmond Totin, le fait d’organiser pour la première fois un sommet de ce type sur le continent, cela marque-t-il selon vous une prise de conscience des dirigeants africains sur l’urgence à se saisir de cette question climatique ?Edmond Totin : Oui, tout à fait, et je pense que cela montre combien la question du changement climatique préoccupe les gouvernants, parce que jusque-là, j’ai eu comme l’impression que c’est la chose des chercheurs. Et la recherche à elle seule ne suffit pas pour faire un changement fondamental dans ce domaine-là.Vous le rappelez régulièrement, un changement de pratiques en Afrique est absolument nécessaire pour faire face aux effets du changement climatique.Absolument, un changement de pratiques, c’est très important. Mais il n’y a pas que le changement de pratiques, il y a aussi, et je pense que ça se sont les thèmes qui vont certainement revenir au niveau de ce sommet, le financement, le financement équitable des initiatives du changement climatique. Je pense qu’il y a beaucoup beaucoup de débats autour de ces questions-là. Quand nous regardons aujourd’hui cette question du financement climatique, le tableau actuel montre que l’accès aux mécanismes de financements pour soutenir les initiatives climatiques, notamment pour les pays africains, est beaucoup plus complexe et difficile, et le rapport qui est sorti l’année passée a montré notamment que les pays en Afrique subsaharienne ont le taux le plus élevé de rejets de propositions du Fonds vert pour le climat. Et l’autre chose qu’on a essayé de mettre en avant dans ce rapport, c’est que plus de la moitié des fonds qui sont acquis sont réellement déboursés, donc ça, c’est autant de choses qui complexifient et qui exposent davantage les pays africains.L’objectif, selon vous, c’est de simplifier l’accès aux financements et d’accélérer l’arrivée des fonds ?Exactement. Simplifier les mécanismes d’accès et faciliter l’accès à un plus grand nombre, et aussi réduire le temps des procédures, et avoir, ce que les présidents vont certainement défendre aussi, un mécanisme qui permette de distribuer ces fonds en fonction de niveaux de vulnérabilité et d’exposition des pays. L’autre chose qui est connectée à cela, c’est la mobilisation de l’argent, parce qu’on peut penser que le changement climatique c’est seulement l’affaire des dirigeants, mais je pense que, et ça on le dit aussi dans le rapport, arriver à nouer des partenariats stratégiques c’est très important, notamment comment on arrive à mobiliser le financement du secteur privé. Jusque-là, le rapport a montré que seulement 17% de ce financement vient du secteur privé, et c’est important qu’on arrive à montrer que le changement climatique ce n’est pas que l’affaire des dirigeants, qu’on a besoin de l’accompagnement du secteur privé.Edmond Totin, le but d’un tel sommet, c’est de permettre aux pays africains de se mobiliser ensemble avant les grands rendez-vous internationaux à venir, comme la COP28 aux Émirats arabes unis qui aura lieu en novembre ?Oui, c’est ça. Et c’est d’avoir aussi une position plus, je dirais, coordonnée, et d’avoir un agenda plus africain à défendre. On ne va pas là-bas pour découvrir ce que les autres ont à nous proposer, mais on va essayer d’avoir déjà compilé quelque chose qui fait le cœur de nos besoins, quelque chose qui pourrait soutenir les initiatives en cours et atténuer les effets du changement climatique sur le continent.Vous dites que les solutions existent pour faire face à ces changements, mais vous regrettez un manque d’envergure de ces projets ?Absolument, un manque d’envergure. On pense que le changement climatique, c’est juste une question de chaque pays. L’exemple que j’ai souvent évoqué, c’est la lutte contre l’érosion côtière entre les pays, et notamment sur la bande de l’Afrique de l’Ouest. Vous allez voir juste un pays se concentrer à développer un programme de construction des épis, mais c’est sans oublier que construire ces épis, c’est juste déplacer le problème chez son voisin, en oubliant que quand ça va se dégrader chez le voisin, les habitants vont chercher à venir dans d’autres pays où il fait mieux vivre.On évoque un projet de déclaration de Nairobi. L’idée de ce texte, c’est de mettre en avant les potentiels, les atouts du continent et les engagements à prendre pour tenter de faire bouger les choses ?Oui, c’est ça l’idée, les atouts du continent, et avoir peut-être aussi un mécanisme qui pourrait contraindre l’engagement politique, qui pourrait contraindre le décideur politique à être beaucoup plus regardant à investir dans ce secteur, c’est ce que je vois.
9/4/20235 minutes, 7 seconds
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Procès de l'ex-général algérien Khaled Nezzar en Suisse: décryptage avec Benoît Meystre (avocat)

C'est une information qui n'a pas fait grand bruit ces derniers jours, mais qui marque une nouvelle avancée dans la justice internationale. Le Ministère public de la Confédération suisse a transmis le 28 août dernier un acte d'accusation à l'encontre de l'ancien général algérien Khaled Nezzar. Il y aura donc un procès Nezzar en Suisse en application de la compétence universelle. L'ONG Trial International accompagne dans cette affaire les plaignants. Son conseiller juridique, Benoît Meystre est ce matin notre invité. Il répond aux questions de Laurent Correau.
9/3/20234 minutes, 30 seconds
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L'opposant gabonais Albert Ondo Ossa: «Ce n’est pas un coup d’État, c’est une révolution de palais»

Au Gabon, les putschistes ont annoncé jeudi 31 août que le chef de la Garde républicaine, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, prêterait serment le 4 septembre en tant que président de la transition. Ils ont annoncé la « mise en place progressive des institutions de la transition », promis que le pays respecterait tous « ses engagements extérieurs et intérieurs », et enfin demandé aux agents de l'État d'assurer la reprise du travail. L'opposition, elle, le répète : elle a remporté les élections et affirme toujours que le candidat unique de la plateforme Alternance 2023, Albert Ondo Ossa, a remporté la présidentielle. Celui-ci est notre invité. Il répond à Sébastien Németh. RFI : Est-ce que vous soutenez le coup d’État ? Albert Ondo Ossa : Je suis un démocrate, un démocrate ne soutient pas les coups d’État, c’est une question de principes. Je crois que la population a manifesté parce que c’était utile, sinon il y aurait eu mort d’hommes. Or, ce dont j’ai parlé, lors du dernier meetinget lors de la campagne électorale, c’est que la présente élection, ce sera zéro mort. Donc, de ce point de vue, si Ali Bongo peut être évacué sans que le sang coule, c’est en cela que c’est une bonne chose.D’autant que le coup d’État entraîne la chute du pouvoir d’Ali Bongo, vous souhaitiez un changement de pouvoir, c’est en train d’arriver finalement ? Non, ça n’entraine pas la chute… Ce n’est pas un coup d’État, c’est une révolution de palais. Oligui Nguema est le cousin d’Ali Bongo, derrière Oligui Nguema il y a Pascaline Bongo, donc les Bongo ont trouvé un moyen de contourner, c’est l’imposture perpétuelle. Les Bongo ne perdent rien. Ils se remettent en selle pour renouveler le système Bongo-PDG [Parti démocratique gabonais, NDLR] à travers Oligui Nguema.Ça voudrait dire que peut-être Pascaline Bongo, des proches de la famille Bongo, seraient derrière, en train de tirer les ficelles ? Il n’y a pas de peut-être. J’en suis sûr. L’intérêt, c’est préserver le pouvoir des Bongo, et on règle un problème familial : Pascaline et Ali Bongo avaient des contradictions. On règle le problème Ali, et on règle le problème du pouvoir. C’est la garde prétorienne qui a fait le coup. Les autres militaires n’y étaient nullement associés.Que dites-vous aujourd’hui aux militaires qui sont aux commandes alors que vous estimez avoir gagné l’élection ? Un militaire, c’est deux choses : ou il est légaliste, ou il est putschiste. Et quand un militaire est putschiste, il sait ce qui l’attend, donc je leur demande de revenir à la légalité républicaine, c’est tout.Que faudrait-il faire pour revenir à la légalité concrètement ? C’est plus facile que de faire une transition. [Les militaires] détiennent Michel Stéphane Bonda, qui est le président du CGE [Centre gabonais des élections, NDLR], le président du CGE proclame les élections, c’est-à-dire décompte de voix, proclamation des vrais résultats que tout le monde connait. Dès lors qu’il les a proclamés, je deviens le président légitime. Et ensuite, on appelle le président de la Cour constitutionnelle, je deviens le président légal. Il n’y a pas de perte de temps. L’État redémarre et tout refonctionne. Je regarde les militaires et je ne sais pas jusqu’où ils iront, mais ils n’ont pas le peuple avec eux et ils sont dans l’incapacité de relever économiquement ce pays.Pourtant, les putschistes ont déclaré que le général Oligui Nguema prêterait serment lundi comme président de la transition, ils annoncent qu’ils mettront progressivement en place les institutions de cette transition, on dirait qu’ils n’ont aucune envie de revenir sur les élections. C’est leur problème à eux. Chacun compte sur ses forces. Ils savent sur quoi ils comptent, certainement les armes, 8 000 personnes, et moi, je compte sur la population gabonaise, et de ce point de vue, 500 000 Librevillois qui peuvent s’opposer à cela. Alors c’est dire que chacun sait ce sur quoi il compte.Deuxièmement, je compte sur la communauté internationale qui va peser de tout son poids pour qu’on revienne à l’ordre républicain. J’ajoute que j’avais prévenu la France, là précisément, elle ne peut pas se déjuger, si elle condamne le coup d’État ipso facto, elle doit pouvoir rayer d’un trait tout ce qui s’ensuit, à savoir la transition. Il faut que toute la communauté internationale, y compris la France, revienne à l’ordre républicain.En ce qui concerne l’Afrique, c’est une nouvelle Afrique, il faut qu’on s’accommodedes présidents qui ne sont pas des béni-oui-oui, mais qui traitent avec la France d’égal à égal, et qui comprennent que c’est un partenariat où tout le monde est gagnant. La France gagne, l’Afrique gagne, pour le bien-être de nos populations. C’est ça la nouvelle donne.Vous parlez de 500 000 Librevillois face à quelques milliers de militaires, est-ce que vous appelleriez les Gabonais à descendre dans la rue si les putschistes ne vous remettent pas le pouvoir ?Non, je ne ferai pas ça, on va crescendo. Je laisse libre cours à la diplomatie. La diplomatie interne, la diplomatie de la communauté internationale. Il faut dire en plus que toutes les missions diplomatiques avaient déjà eu les résultats, elles les connaissent. Ils ont le même document qui est à ma disposition.On a vu dans de nombreux pays autres que le Gabon des putschistes prendre le pouvoir, pour finalement ne plus le lâcher, est-ce que vous craignez qu’on en arrive là ? Je ne le crains pas. Le Gabon, c'est le Gabon. Les putschistes qui ont pris le pouvoir, c’étaient les putschistes qui allaient dans le sens du peuple. Or, c’est une prise de pouvoir en dehors du peuple. Le peuple ne veut plus des Bongo et soixante ans de Bongo, ça suffit. C’est ce que dit le peuple, et c’est ce que j’ai relayé. De ce point de vue, qu’on amène Oligui Nguema, qui est en fait un Bongo, prendre le relais, ça ne change rien effectivement à la situation du peuple. Le peuple continuera de revendiquer, et de faire en sorte que les Bongo soient écartés du pouvoir. Est-ce que vous ne craignez pas que vos propos raidissent la junte et qu’on aille au bras de fer entre vous et les militaires ? Quelqu’un qui pense au développement de son pays ne va pas au face-à-face, mais on est des Gabonais, on se dit les vérités entre nous. Aucune armée au monde, aussi forte soit-elle, ne s’est jamais opposée de manière durable à un peuple. Ce n’est pas possible. Le peuple a toujours raison de l’armée. Et là, précisément, si les militaires sont républicains, ils ont l’obligation et le devoir de remettre le pouvoir à l’ordre constitutionnel.Est-ce que ça veut dire que vous proposez le dialogue aux putschistes ? Le Gabon est un pays de dialogue. Les putschistes sont des Gabonais. Et moi, je suis ouvert, on peut discuter. Mais il y a des questions de principe. On peut discuter, savoir ce qu’ils veulent, quelles sont les conditions qu’ils posent, je suis ouvert. Mais il y a des choses avec lesquelles je ne transige pas : c’est la revendication profonde du peuple gabonais qui a voté. Et cela ne peut pas aller en pertes et profits. Ce n’est pas possible.C’est-à-dire que pour vous, il n’est pas question de refaire une élection, par exemple ? Non. Il faut comprendre que lorsqu’il y a une crise politique dans un pays, c’est là que toute la classe politique s’assoit. Un dialogue est inclusif. La démocratie est plurielle, libre, consensuelle et de ce point de vue, elle n’est pas exclusive. Si tel est le vœu de toute la classe politique, je me soumettrai à cela. Mais ça ne peut pas être le fait de quelques militaires du sérail, c’est-à-dire la garde prétorienne, ou que je me lève un beau matin et que je sois disposé à aller à une nouvelle élection. Ce n’est pas possible. Les Gabonais qui ont voté pour moi, ils doivent entrer dans leur droit, et c’est cela l’ordre républicain.Avez-vous des contacts avec la junte ? Est-ce qu’une rencontre est prévue ?Nous sommes des Gabonais, on se connait tous, c’est un petit peuple, on s’aidede cousins à parents, mais là, il s’agit d’un problème national, je crois que des passerelles existent. Moi, je suis ouvert à la discussion parce que ce sont des compatriotes. D’un autre côté, le problème n’a pas été résolu en entier, c’est un problème à étapes. Première étape : mettre Ali Bongo Ondinmba, quatorze ans d’enfer pour les Gabonais d’un côté, et ensuite, faire en sorte que les Bongo comprennent que soixante ans de pouvoir c’est trop. Les Gabonais, plus compétents, plus sérieux, peuvent également occuper la fonction présidentielle. Le dire, ce n’est pas insulter Bongo, c’est cela la République aussi : accepter qu’il y ait alternance au sommet de l’État.Quelle serait la configuration du dialogue que vous auriez avec les putschistes ? Est-ce que vous iriez au Palais du bord de mer discuter avec le général Oligui Nguema par exemple ?Non. Si le général Oligui vient chez moi pour discuter avec moi, il n’y a pas de problème, avec mon équipe on discutera. Maintenant, s’il m’invite au Palais du bord de mer, c’est une reconnaissance objective de son pouvoir que je ne reconnais pas. Discussion dans un terrain neutre, oui. Mais au Palais du bord de mer, c’est hors de question parce que le démocrate que je suis ne saurait accepter des coups d’État.La junte a annoncé des arrestations de hauts cadres du pouvoir, vous approuvez ce genre d’interpellations ? Pas plus hier qu’aujourd’hui, je n’approuve ce genre de choses. J’ai été clair lors de la campagne : aucun Gabonais n’ira en prison. C’est les négociations au cas par cas. Et quand on regarde bien, c’est une mascarade, ce n’est pas seulement eux. Il faut qu’on sache que ce sont des négociations au cas par cas. Moi, j’ai proposé qu’il n’y ait pas de prison, j’ai proposé un couloir aux Bongo parce qu’ils sont des citoyens. J’ai proposé à l’ancien chef d’État, effectivement, un statut d’ancien chef d’État, que personne ne touche un cheveu des Bongo, je m’en porte garant. Les petites opérations trompe-l’œil, je n’en suis pas.Vous privilégieriez une amnistie plutôt qu’une purge ? Non, il faut qu’il y ait une commission d’ultimeconciliation, qu’il y ait une justice qui apprécie, qu’après cette justice-là, on puisse recourir à la raison d’État. C’est une discussion au cas par cas.À lire aussiInvité Afrique - Coup d’État au Gabon: «L’erreur du président Bongo a été de minimiser les frustrations profondes des populations»
9/1/20239 minutes, 53 seconds
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Coup d’État au Gabon: «L’erreur du président Bongo a été de minimiser les frustrations profondes des populations»

Une intervention des militaires gabonais a donc conduit, mercredi 30 août, au renversement d'Ali Bongo, peu après la proclamation des résultats de l'élection présidentielle. Comment analyser cette irruption des militaires dans l'espace public gabonais ? Nous avons posé la question à un spécialiste de l'armée gabonaise, Axel Augé, sociologue et enseignant-chercheur à l'académie militaire de Saint-Cyr. Il répond aux questions de Laurent Correau. RFI : Axel Augé, comment expliquez-vous que l’armée, de manière générale, et la Garde républicaine, en particulier, aient lâché le président Ali Bongo ? Axel Augé : Je pense qu’il y a un ras-le-bol collectif national des populations, et je crois que l’erreur du pouvoir du président Ali Bongo a été de minimiser les frustrations profondes des populations ou de les ignorer. L’armée, par rapport à tout ça, apparait comme un acteur salvateur, finalement, de la nation et de ces populations en souffrance économique. Si on prend un peu de profondeur historique, si j’ose dire, l’ingérence politique des militaires n’est pas nouvelle dans l’histoire de ce pays. Quand on regarde, d’ailleurs, dans le rétroviseur de l’histoire, en 1964, le président Léon Mba en son temps a été déposé par des militaires. Plus récemment, en 2019, il y a eu l’éphémère coup d’État du jeune lieutenant Kelly Ondo, aujourd’hui emprisonné. Et puis, aujourd’hui, il y a cette nouvelle ingérence des militaires dans l’espace public et dans la gouvernance du pays.Donc vous y voyez vraiment une réaction à des problèmes de gouvernance au Gabon ? Je dirais que les nouvelles générations de militaires représentent les nouvelles générations de population. Il y a un facteur majeur qui est sous-estimé, c’est le changement de génération qui engendre une nouvelle relation avec la chose politique, avec la chose publique. Une jeunesse africaine connectée, éduquée, une jeunesse africaine exigeante envers ceux qui ont la responsabilité de les gouverner, et surtout, une jeunesse africaine qui de par son éducation impose, d’une certaine façon, une obligation de résultats. Il y a un changement de génération de la population, donc un changement de comportement, avec un désir de prendre en main leur avenir, y compris pour une institution martiale qu’est l’institution militaire.Est-ce que vous diriez que l’ensemble de l’armée fait front à l’heure actuelle face au pouvoir d’Ali Bongo ? Les informations que j’ai reçues de la part de quelques contacts locaux, à Libreville notamment, font état en effet d’une institution militaire qui semble s’être désolidarisée de sa hiérarchie politique.Dans sa totalité ? J’aurais tendance à le croire.L’homme qui occupe le devant de la scène à l’heure actuelle, c’est Brice Oligui Nguema qui dirige la Garde républicaine. Son parcours mérite d’être rappelé : en 2009, quand Ali Bongo arrive au pouvoir, il est écarté, puis en 2019, il revient en étant intégré à la Garde républicaine. Comment est-ce que vous expliquez cette disgrâce et ce retour en 2019 ?Je crois que ce jeu d’entrée et de sortie à des responsabilités importantes relève aussi d’un mode de contrôle des individus et des moyens d’assurer leur allégeance au pouvoir en place.En relisant l’histoire de l’armée gabonaise ces derniers mois et ces dernières années, est-ce qu’il vous semble qu’il y a eu des signes avant-coureurs de ce qu’il vient de se produire ? Est-ce qu’il y a eu des signes avant-coureurs ? Il y a eu, en tout cas, des transformations profondes au sein de l’institution militaire, d’ailleurs conduite elle-même, en son temps, par l’ancien ministre de la Défense, un certain Ali Bongo, qui poussait des réformes au sein de l’armée pour en faire « une armée, disait-il, en or, opérationnelle et républicaine », mais aussi une armée engagée dans le cadre d’opérations de maintien de la paix. Et je pense que les efforts, pourtant accomplis par le régime d’Ali Bongo pour améliorer la condition socio-professionnelle des militaires, n’ont pas été suffisants. L’institution militaire locale, nationale, gabonaise s’est dit qu’il était temps qu’elle prenne en main aussi son avenir, tout en contribuant à l’écriture de l’avenir du pays.
8/31/20234 minutes, 5 seconds
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Élections régionales en Côte d'Ivoire: «Un test pour le nouveau parti de Laurent Gbagbo»

En Côte d'Ivoire, la campagne bat son plein en vue des élections régionales et municipales de ce samedi 2 septembre. L'enjeu est le contrôle des 31 régions et des grandes communes du pays. Mais c'est aussi le dernier test grandeur nature avant la présidentielle de 2025. Quelles sont les ambitions des trois grands partis ? Va-t-on vers un renouvellement du personnel politique ivoirien ? Entretien avec Ousmane Zina, maître de conférences agrégé de sciences politiques à l'Université Alassane Ouattara de Bouaké. RFI : Ousmane Zina, est-ce que les élections locales de ce 2 septembre 2023 vont avoir aussi un enjeu national, en Côte d’Ivoire ?Ousmane Zina : Tout à fait. Ces élections ont un enjeu national dans la mesure où ces élections, qui se déroulent deux ans avant les élections présidentielles très attendues de 2025, permettront effectivement aux différents partis politiques de tester leur force, de mobiliser leurs militants et d’affiner leur stratégie en vue de cette bataille de 2025.Et quelles sont les communes d’Abidjan ou de l’intérieur du pays qui auront valeur de test ?À Abidjan, vous avez la commune d’Abobo qui est considérée comme bastion classique du RDR à l’époque, du RHDP  (Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix)  aujourd’hui, avec le maire Kandia Camara, qui est dans la continuité de ce qu’avait fait Hamed Bakayoko [ex-Premier ministre décédé en 2021, Ndlr]. Et en face, vous avez le candidat indépendant « affilié » au GPS [Générations et Peuples Solidaires] de Guillaume Soro, qui également fils d’Abobo, tente de trouver une certaine place.Un candidat indépendant qui s’appelle ?Koné Tehfour. Par ailleurs, vous avez la commune de Yopougon. Dans cette commune, on a le candidat du RHDP Adama Bictogo, qui va s’inscrire dans la continuité de Gilbert Kone Kafana. Il a le soutien du parti. C’est un poids lourd du RHDP qui fera face à Michel Gbagbo, fils de Laurent Gbagbo, et à Dia Houphouët, député PDCI [Parti démocratique de Côte d'Ivoire] de Yopougon. Et Yopougon présente en miniature en réalité ce qui annonce 2025.Il y a deux semaines, le président du pays, Alassane Ouattara, a inauguré un nouveau pont sur la lagune d’Abidjan en déclarant que cet ouvrage valait plusieurs autres mandats. Est-ce à dire que le chef de l’État ivoirien souhaite une grande victoire électorale ce samedi pour pouvoir briguer un quatrième mandat en 2025 ?On avait déjà entendu ce propos et c’est lui qui l’avait dit lors de l’inauguration du pont Henri Konan Bédié. C’était Henri Konan Bédié lui-même qui avait dit que le troisième pont valait d’autres mandats. Je pense que le président Ouattara prend à son compte cette formule, mais elle n’annonce pas sa propre candidature en 2025. Elle annonce clairement la volonté de voir le RHDP rester au pouvoir, continuer son œuvre de reconstruction post-guerre, de relance économique de la Côte d’Ivoire. Donc, je pense qu’il saisit l’occasion pour annoncer effectivement que le RHDP ne compte pas laisser la main aux autres partis politiques.Il y a un mois est décédé Henri Konan Bédié. Est-ce que son parti PDCI n’est pas affaibli par cette disparition et par la guerre de succession qui s’en est suivie ? La disparition de Henri Konan Bédié affaiblit le PDCI d’une certaine manière, parce que Henri Konan Bédié, c’était l’homme des grandes décisions, c’était celui qui dirigeait, qui organisait. Et forcément, c’est un baobab qui tombe. Donc, il faut soit continuer dans sa lignée avec les conservateurs, soit laisser la place à une nouvelle génération politique qui va transformer le PDCI.Ce seront les premières élections depuis le retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire. Est-ce que le nouveau parti, le Parti des peuples africains de Côte d’Ivoire (PPA-CI) de Laurent Gbagbo pourrait en profiter ?Oui. Je pense que c’est un vrai test pour ce parti d’essayer de conquérir le terrain au-delà de la figure de Laurent Gbagbo. C’est vrai qu’il est présent pour accompagner, mais ce n’est plus le Laurent Gbagbo qui harangue les foules, ce n’est plus le Laurent Gbagbo qui dispose de sa force de conviction et qui a été affaibli politiquement. Et donc, c’est un véritable test pour ce nouveau parti de Laurent Gbagbo.À l’heure qu’il est, Laurent Gbagbo est toujours sous le coup d’une condamnation par la justice ivoirienne, et donc radié des listes électorales. Est-ce qu’il peut encore espérer pouvoir être candidat dans deux ans ou est-ce qu’il est plus probable qu’il devra passer la main ?Il a dit lui-même, lors d’une conférence de presse, qu’il allait travailler à sa réintégration. Le jeu politique, c’est le champ des possibles. Si par la voie judiciaire, ça peut être compliqué pour lui, je pense que les négociations politiques permettent effectivement des opportunités de possibilité de réintégration. Donc, attendons de voir après ces élections municipales et régionales, comment il va finir sa stratégie en vue de sa réintégration. Mais rien n’est gagné pour l’heure.Est-ce que ces élections peuvent être l’occasion d’un début de renouvellement des générations ? Oui. Je pense, à mon avis, comme vous le voyez les trois grands au pouvoir. Henri Konan Bédié est décédé. Vous avez Alassane Ouattara qui, dans le passé, avait prévu de laisser la main à feu Amadou Gon Coulibaly. Vous avez Laurent Gbagbo qui a des soucis par rapport à sa réintégration sur la liste électorale. Et vous avez d’autres jeunes qui émergent. Le temps est en train de faire son travail par rapport à ces « monstres », à  ces figures fortes de la scène politique ivoirienne. Et donc, on voit poindre à l’horizon effectivement un renouveau générationnel qui va s’imposer avec le temps.À lire aussiÉlections en Côte d’Ivoire: à Cocody, un début de campagne calme pour les municipales et régionales
8/30/20234 minutes, 44 seconds
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Coup d'État au Niger: «La négociation avec la Cédéao ne doit pas être éternelle»

Le romancier guinéen Tierno Monénembo a signé une tribune dans les pages de l'hebdomadaire français Le Point où il estime que « tout doit être fait pour décourager les coups d’État en Afrique ». Faut-il aller jusqu'à une intervention armée de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ? Comment doit évoluer la relation des États africains avec la France ? Entretien avec Tierno Monénembo. RFI : Tierno Monémebo, dans votre tribune, vous estimez que si les militaires réussissent leur coup à Niamey, c’en sera fini de la démocratie en Afrique. Pourquoi ?Tierno Monémebo : Parce qu’il me semble que ce coup d’État est une espèce de provocation. On a déjà vu le coup d’État de Bamako, de Conakry, de Ouagadougou. J’ai l’impression que c’est une suite logique qui s’est produite à Niamey. Il y a une espèce de conspiration anti-démocratique qui est en train de se manifester sur l’ensemble de la région. Il faut y mettre un terme maintenant, sinon à mon avis, c’est toute la région qui risque de se retrouver sous la coupe des régimes kakis.Selon vous, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) est en droit et en devoir d’agir contre la junte au Niger. De quelle manière ? Est-ce que cela inclut une intervention armée ?Dans mon esprit, oui. Pour moi, la négociation ne doit pas être éternelle. Il faut bien qu’elle aboutisse à quelque chose. Si la discussion, si les négociations, si les rencontres diplomatiques n’aboutissent pas rapidement à un retour à l’ordre constitutionnel et à un retour au pouvoir du président élu, le président Mohamed Bazoum, alors la solution armée reste la seule possible. Il faudra y aller !Est-ce que cela n’est pas un pari très risqué ?Il faut prendre des risques. Je pense qu’il faut risquer maintenant de sauver la démocratie africaine pour conjurer toutes les menaces que font peser les coups d’État militaires sur l’avenir de l’Afrique. Il faut prendre le risque maintenant.Vous écrivez que le pouvoir militaire est synonyme de corruption et de répression. Comment interpréter les marques de soutien aux putschistes à Niamey après des manifestations semblables au Mali, au Burkina Faso et en Guinée ?Les manifestations populaires spontanées en Afrique, je n’y crois pas beaucoup. Je suis un Guinéen, j’ai longtemps vécu sous le régime de Sékou Touré. Je sais ce que manipulation politique veut dire. Il faut faire attention avec ça.Que nous disent les appels au départ des troupes étrangères présentes au Niger ?Ces troupes étrangères auraient dû quitter non seulement le Niger, mais toute l’Afrique depuis bien longtemps. On n’y a pas pensé, c’est maintenant qu’on y pense. Et pourquoi ? C’est ça le problème. Pour l’instant, la question préoccupante, c’est le retour à l’ordre constitutionnel, le retour du président Mohamed Bazoum à sa fonction légitime. Le reste, les questions de fonds, on les traitera par la suite lorsque le gouvernement légal, légitime sera revenu au pouvoir au Niger.Comment expliquez-vous ce paradoxe : un sentiment de plus en plus répandu en Afrique de l’Ouest d’une attitude néocoloniale de la France, alors que concrètement l’influence de la France y est de plus en plus concurrencée par d’autres puissances étrangères ?Bien sûr. C’est parce que, à mon avis, un certain nombre de discours, un certain nombre de gestes venus de la part des dirigeants français ont beaucoup exaspéré en Afrique : le discours de Dakar est là, le fait que Macron s’est déplacé à Ndjamena pour adouber le fils du dictateur Déby… Tout cela, ça frustre les Africains, tout ça heurte la sensibilité africaine. Évidemment, il y a aussi un vieux ressentiment colonial qui parfois se manifeste, qui parfois est plutôt silencieux par rapport à l’ancienne puissante coloniale. Les relations entre la France et l’Afrique ne seront jamais un long fleuve tranquille. Cela est évident.Comment selon vous peut-on sortir de cette impasse ?En discutant. En parlant sincèrement. Il faut que la France apprenne à parler aux Africains. Je le disais un jour à un diplomate français : vous n’avez jamais tenu la parole qu’il faut aux générations africaines d’aujourd’hui. La France parle à l’Afrique comme si c’était encore l’Afrique du 19e siècle, l’Afrique des vieux paysans des villages, superstitieux, fatalistes. Non. L’Afrique est moderne. Mentalement , au moins. On manque encore beaucoup d’usines. Mais la mentalité moderne est déjà chez nous, notre jeunesse est connectée, connectée avec le monde moderne. Elle connait ses droits, elle est prête à les revendiquer et elle est prête à se battre pour les gagner. Il faut parler à cette jeunesse-là. Il faut parler à l’Afrique réelle, non pas aux dictateurs et aux fils des dictateurs.
8/29/20234 minutes, 24 seconds
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Sahel: «Barkhane a joué un rôle d'amplificateur du mécontentement contre la France»

Dans un contexte particulier de remise en cause de la présence française au Sahel, Emmanuel Macron s'adresse aux ambassadeurs français réunis en conférence à Paris. Dernier épisode en date au Niger, où la junte a exigé que l'ambassadeur de France quitte le territoire. Pour analyser ces revers, l'invité Afrique est Thierry Vircoulon. Chercheur à l’ Institut français des relations internationales (Ifri). RFI : Thierry Vircoulon, Emmanuel Macron réunit les ambassadeurs ce lundi dans un contexte marqué par une nouvelle crise diplomatique avec le Niger…Thierry Vircoulon : C’est en effet une nouvelle crise diplomatique. Après Bamako, après Ouagadougou, c’est maintenant à Niamey qu’il y a une crise diplomatique avec la France. Il n’y a plus d’ambassadeur de France à Bamako. L’ambassadeur de France qui était proposé à la junte au Burkina Faso a été refusé, donc il n’y en aura probablement pas. Et l’ambassadeur de France au Niger a eu un ultimatum pour quitter le pays. Donc, en effet c’est une mauvaise ambiance.La France n’a pas vu venir le coup d’État au Niger. Comment le comprendre ? Est-ce que cela dit quelque chose de l’état de ses relais sur le continent ?Je pense qu’il y a une nette perte d’expertise qu’on a vue pas seulement évidemment avec le putsch au Niger, mais en ce qui concerne toute cette évolution et en ce qui concerne la façon dont la guerre contre le jihadisme a été gérée par Paris au Sahel. Après en ce qui concerne le putsch lui-même au Niger, qui est un pays qui a une présence militaire française importante, donc en effet, l’idée qu’on ait été pris par surprise pose question sur les capacités d’anticipation. Donc, il faudra savoir à quel niveau le travail normal d’anticipation a échoué.Quelle est la responsabilité de l’administration centrale dans ce que vivent les représentants de la France sur le terrain ?L’administration centrale, je ne sais pas, mais, en tout cas, en ce qui concerne la politique africaine dans la Ve République, c’est l’Élysée qui définit et qui donne le ton de cette politique. Et par conséquent, je pense que c’est surtout le problème, comme on dit en France, de la verticale du pouvoir avec l’Élysée qui, grosso modo, a son idée propre, rarement en phase avec la réalité sur le terrain, mais que comme on est dans la verticale du pouvoir, elle s’impose à tout le monde. C’est surtout l’Élysée qui, à mon sens, est responsable de la situation actuelle et du fait que l’armée française soit boutée du Sahel.Et est-ce que vous pensez que la réforme, qui a été désirée d’ailleurs par l’Élysée, du corps diplomatique a quelque chose à voir dans cette cécité de la France sur le sol africain ?Non. Parce qu’en fait, cette réforme commence à être mise en œuvre. Il n’y aura plus de corps diplomatique. Le niveau de connaissances est quand même assez faible, il va l’être encore plus, ça va être une des conséquences de cette réforme. Mais ça, ça va être pour les années à venir. Donc, ce n’est pas cette réforme qui est responsable de ce qui vient de se passer.Le sentiment anti-français grandit en Afrique. Au-delà des manœuvres de Moscou, il y a des raisons plus profondes. En quoi la France a-t-elle déçu ?À l’Ifri, on explique que la critique de la politique française en Afrique n’est pas nouvelle. Ce qui est critiqué, c’est la politique d’aide, la politique économique avec le franc CFA. Mais ce qui a été quand même l’élément qui a fait basculer les choses, c’est l’opération Barkhane qui a duré de 2014 à 2022, donc qui n’était pas une opération, une opération ne dure pas 8 ans. Barkhane a vraiment joué un rôle d’amplificateur du mécontentement contre la France. Et donc, si Barkhane a eu des succès tactiques, ça a été en revanche une gigantesque erreur stratégique.Les bases militaires de la France en Afrique sont un chapitre en train de se clore, comme le disait en aparté un général français ?Oui. Tout à fait, parce qu’actuellement, il n’y aura plus de vraies justifications pour le maintien de ces bases. La principale justification, c’étaient évidemment les opérations extérieures. Comme maintenant, celles-ci deviennent de plus en plus politiquement inconcevables, la principale justification pour avoir des bases militaires en Afrique tombe. On n’a pas besoin de bases permanentes en Afrique pour faire de la coopération militaire en Afrique, il y a des tas de pays non africains qui font de la coopération militaire avec d’autres pays africains et qui n’ont pas pour cela des bases militaires.Dans une tribune, une centaine de parlementaires français appellent à « refonder » la politique africaine de la France. Quelle forme devrait-elle prendre désormais, selon vous ? Je pense que là, c’est exactement le type d’appel qui montre à quel point la classe politique française est complétement en décalage et en discordance avec les évolutions en Afrique. La réalité, c’est que l’Afrique représente au maximum 5% du commerce extérieur de la France. Donc, plutôt que de parler d’une « refondation » d’une nouvelle politique africaine de la France - qu’avait déjà voulu faire [Emmanuel] Macron au début de son premier quinquennat et on a vu le résultat - il faudrait plutôt songer à faire une politique où nos intérêts économiques et nos intérêts politiques concordent, et ne pas être en décalage par rapport aux évolutions géoéconomiques du monde.
8/28/20235 minutes, 1 second
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Maram Kairé, astronome: «L'Afrique est en train de faire de grands pas dans le domaine du spatial»

« L'Inde est sur la Lune », a déclaré, mercredi 23 août, le chef de l'agence spatiale indienne, après que son pays a réussi l'alunissage de la fusée Chandrayaan-3 (avec son module Vikram). En posant un engin spatial sur la Lune, l'Inde a rejoint le club très fermé des nations parvenues à mener avec succès une telle opération. Jusqu’à présent, seuls la Russie (à l’époque de l’URSS), les États-Unis et la Chine avaient réussi un atterrissage contrôlé à la surface lunaire.  Le Premier ministre indien Narendra Modi a qualifié ce 23 août de « jour historique ». La Lune représente-t-elle un nouvel enjeu géopolitique ? Et quelle place pour l'Afrique dans cette conquête spatiale ? L’astronome sénégalais Maram Kairé, directeur général de l'Agence sénégalaise d’études spatiales, est l’invité de Christina Okello ce dimanche.Qu’est-ce que cet alunissage par l’Inde signifie pour la conquête spatiale ? Assiste-t-on à un basculement, à un changement d’époque dans cette conquête de l’espace avec l’arrivée des pays émergents ?Maram Kairé :  C’est une journée qui est tout simplement historique en fait, parce qu’on est en train de revoir toutes les bases aujourd’hui de la conquête de l’espace en termes d’acteurs qui étaient dans un cercle extrêmement fermé où c’étaient les États-Unis, la Russie et la Chine qui avaient cette prouesse de pouvoir se poser sur la Lune. Aujourd’hui, c’est un pays émergent qui y arrive en mettant en œuvre toute une équipe dynamique, avec un budget qui n’est pas aussi élevé que ça, et qui réussit quand même à se poser à la surface lunaire. Beaucoup de grandes puissances ont essayé cette aventure de se mettre en orbite autour de la Lune ou d’essayer de se poser, ils n’ont pas réussi. Donc, cela veut dire que le défi technologique lui-même est relevé. Et je pense que c’est un moment historique.Est-ce que l’arrivée des pays émergents comme l’Inde dans ce club très restreint signifie qu’il peut y avoir compétition entre les pays du Nord et les pays du Sud ?À mon avis, il n’y aura pas de compétition en tant que telle, c’est plutôt en fait une collaboration qui doit se mettre en place. L’Afrique est en train de faire de grands pas dans le domaine du spatial. Ce n’est pas pour venir faire de la concurrence, mais pour peut-être répondre à des urgences qui sont là. Cela va être directement lié aux objectifs de développement durable. Par rapport à cet aspect, nous n’avons pas d’intérêt à nous lancer dans une concurrence, mais plutôt à trouver le moyen de travailler ensemble. Donc, c’est une franche collaboration qui est attendue entre les pays du Nord et les pays du Sud.Pensez-vous que la mission réussie de l’Inde pourrait faire des émules en Afrique ?Le spatial en tant que tel est devenu une ambition pour le continent africain où on assiste vraiment à une explosion d’initiatives de lancements de satellites, de création d’agences spatiales depuis une vingtaine d’années. Nous sommes à plus de cinquante satellites qui ont été lancés ces 20 dernières années sur le continent. Et si aujourd’hui, un pays émergent comme l’Inde réussit à se poser sur la Lune, ça donne de l’espoir, ça montre que le défi est tout à fait accessible aux pays du continent africain qui ont pour ambition aujourd’hui de développer leur secteur spatial.À l’heure actuelle, quels sont les pays africains qui sont en mesure de pouvoir un jour poser une sonde spatiale sur la Lune ?Nous sommes aujourd’hui à 22 pays qui disposent d’une agence spatiale et qui sont en train de mettre en œuvre un programme spatial à des niveaux, peut-être, différents. Mais, si nous devions lister certains pays qui ont ce potentiel de pouvoir se mettre en orbite lunaire ou de poser carrément des sondes sur la Lune, il y a des cas que nous pouvons citer assez rapidement : l’Afrique du Sud, aujourd’hui, a les moyens, technologiques en tout cas, de pouvoir tenter cet exploit ; le Nigeria a la possibilité également de pouvoir lancer ce défi ; de nouveaux pays qui arrivent avec une très bonne dynamique dans le domaine du spatial comme le Kenya qui a montré ses ambitions, qui a lancé son satellite, il n’y a pas longtemps.Au Nord, nous avons la Tunisie aussi qui donne une bonne dynamique à son secteur spatial. Et de façon concrète, aujourd’hui, la création de l’agence sénégalaise d’études spatiales nous permet également de nous fixer des ambitions très élevées.Est-ce que votre pays, le Sénégal, a des projets lunaires par exemple ?Pour ne rien vous cacher, au moment où nous sommes en train de finaliser la construction du premier satellite sénégalais, on a envisagé déjà la construction du second à partir de 2025, 2026. Mais à l’horizon 2030, il est inscrit sur notre feuille de route que nous puissions tenter au moins de mettre une sonde en orbite lunaire.Comment le continent peut-il mobiliser les fonds nécessaires à ses ambitions ? La mission indienne a coûté plus de 60 millions d’euros. Certes, elle est moins importante que d’autres missions. Mais où est-ce que l’Afrique va trouver les moyens ?Les moyens ne manquent pas sur le continent. La vraie question, en fait, c’est : à quel moment nous en faisons une priorité ? Parce que dans le budget de plusieurs [pays], vous allez trouver des investissements de la part de l’État lui-même ou de bailleurs qui peuvent injecter, sur des projets de programmes [spatiaux], quasiment la même somme qui est utilisée aujourd’hui pour cette mission indienne. Mais la question, c’est à quel moment nous décidons de faire du spatial une priorité pour que, dans le budget des États, nous puissions trouver une part importante à réserver à ce programme.Quel est l’intérêt pour les pays africains ou les pays émergents de sacrifier des moyens pour tenter de se poser un jour sur la Lune ?Cela permet de développer le secteur de la recherche, cela permet de développer le secteur industriel autour du spatial. Et je pense qu’il est important également de signaler que ce n’est pas un luxe pour les pays africains, pour les pays émergents, de tenter ces défis technologiques. Et ce pour une seule et simple raison, c’est qu’en misant sur ces challenges assez élevés, nous arrivons à drainer derrière toute une industrie, toute une économie pour le potentiel technologique de ces entreprises qui vont travailler dans le domaine du spatial. C’est tout l’écosystème qui va être « challengé » pour pouvoir réussir une telle mission.
8/27/20235 minutes, 6 seconds
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Azali Assoumani, président de l'UA: l'extension des Brics est «une très bonne chose pour l'Afrique»

L'Arabie saoudite, l'Argentine, l'Égypte, l'Éthiopie, les Émirats arabes unis et l'Iran rejoindront le groupe des cinq à partir du 1er janvier 2004. Le président comorien, président en exercice de l’Union africaine, Azali Assoumani est l’invité Afrique de RFI. Il s’exprime sur les Brics mais également sur la situation au Niger.  RFI : Azali Assoumani, ce sommet des Brics a ouvert la porte à six nouveaux membres, dont deux africains, l’Égypte et l’Éthiopie. Que représente cette décision pour le continent ?Azali Assoumani : C’est une très belle décision parce que l’Afrique est en train de lutter pour un multilatéralisme positif, conséquent et fructueux. Les Brics, effectivement, c’est une structure qui a toujours eu de très bonnes relations avec l’Afrique, y compris parce que l’Afrique du Sud aussi en est membre. Donc aujourd’hui, l’extension de cette structure à d’autres pays, du Moyen-Orient, d’Afrique, c’est une très bonne chose, parce que ça va dans le cadre du multilatéralisme qu’il faudrait mettre en place.Et on entend depuis le début du sommet que les Brics ne somment personne de choisir de camp, mais dans les faits, est-ce que l’Afrique n’est pas aujourd’hui tiraillée entre le bloc occidental et des puissances comme la Chine ou la Russie ?Moi, j’étais en Russie dernièrement et j’ai plaidé pour ça. J’ai dit que le temps des tiraillements, c’est fini. C’est vrai, il y a des gens ou des pays qui ont des intérêts particuliers. Ce que j’ai dit à Vladimir Poutine, c’est que maintenant, on a besoin de vous. On a les Européens, on a les Américains, on a les Chinois, donc on a besoin de vous pour qu’on ait une concurrence positive, parce que si la concurrence est positive, tout le monde va y gagner. C’est un constat mais je crois que les gens ont compris que maintenant, on ne peut pas prendre un pays en otage et prétendre qu’on est les seuls à coopérer avec ce pays. C’est vrai, des fois il y a des petits tiraillements, mais je pense que ce sont des choses qu’on peut quand même mettre en arrêt dans la durée.En ce qui concerne le Niger, l’Union africaine a désormais suspendu Niamey de ses institutions. Cela signifie-t-il pour vous que le coup d’État est consommé ?Non, pas du tout, il n’est pas consommé. On est toujours en train de discuter, ce sont des mesures qu’on prend pour essayer de les convaincre de discuter, de négocier. Nous, on est tous ensemble pour dire que non, on ne peut pas avoir trois pays en état d’inconstitutionnalité, et puis un quatrième pays, c’est quand même un mauvais exemple. Donc il va falloir tout faire pour que ça s’arrête, donc non, on discute, toutes les voies sont permises, mais nous, on privilégie la discussion, le dialogue avec eux, en espérant qu’ils iront dans le bons sens pour aller de l’avant, en tout cas, trouver une solution à ce problème, parce que c’est quand même très très grave ce qu’il se passe au Niger.Pourquoi vous pensez que les choses vont pouvoir changer ? Qu’est-ce qui vous rend optimiste sur le Niger ?Il y a eu tellement de problèmes dans d’autres coins, on a pu trouver des solutions. La vérité, j’en ai discuté aujourd’hui avec mes homologues, c’est qu’on ne s’est jamais assis en amont pour essayer de voir le problème, on attend que le problème se pose pour trouver une solution. Quand le problème se posera, effectivement, on aura besoin de solutions immédiates, mais ce n’est certainement pas une solution pérenne. C’est pourquoi il va falloir maintenant tirer les leçons, pour essayer de prévenir, et ne pas attendre que le coup d’État soit fait pour prendre des mesures. S’ils ont besoin de moi, de quelque sorte que ce soit, pour les aider, moi je suis prêt à m’investir pour trouver une solution et surtout, libérer le président Bazoum. Ce n’est quand même pas humain. Et puis aussi, mettre fin à ça. Nous qui sommes élus, est-ce qu’on peut laisser faire des choses comme ça ? Qui dit à qui ça va arriver demain ? Donc nous qui sommes élus, c’est à nous de faire attention, parce que même si celui qui l’a fait demain va se faire élire, qui dit que ça va se répéter après ? C’est pourquoi on doit, effectivement, essayer de trouver des solutions en amont pour essayer de prévenir ce genre de choses.Enfin, sur le Soudan, le pays reste enfermé dans le face-à-face violent entre l’armée et les Forces de soutien rapide, entre le général al-Burhan et le général Hemedti. Comment peut-on sortir de cette crise ?Moi, je me suis investi à un moment donné, j’avais discuté avec les deux belligérants, on s’était mis d’accord pour mettre en place un mécanisme pour voir comment on allait s’asseoir pour discuter. Moi, j’étais prudent. Il y avait des structures locales, l’Igad [Autorité intergouvernementale pour le développement, NDLR] par exemple, qui avaient envoyé des initiatives, moi, je voulais faire une complémentarité. Aujourd’hui, j’ai discuté et je vais relancer les discussions. Dernièrement, al-Burhan m’a envoyé un émissaire avec qui j’ai bien discuté. Je vais voir comment je peux prendre contact avec Hemedti aussi. Mais il faut qu’ils acceptent de s’asseoir pour discuter parce qu’on ne gagne jamais une guerre.Pour finir, l’Union africaine s’oppose à toutes les ingérences extérieures sur le continent. Un de ces acteurs, Evgueni Prigojine, vient de disparaître. Quelles leçons espérez-vous que les grandes puissances tireront après la disparition d’une de ces figures de l’ingérence ?Moi, ce que j’ose espérer, c’est que les Africains comprennent, on le dit, que les problèmes africains, ce sont des solutions africaines. Aujourd’hui, il y a des militaires français, allemands, italiens, qui sont placés en Afrique, et si aujourd’hui on sort les Européens et qu’on met des Russes, quelle est la différence ? Qu’ils soient Russes, qu’ils soient Américains, qu’ils soient Européens, effectivement ce sont des gens dont on a besoin. Mais c’est à nous de définir le besoin qui serait utile, plutôt qu’effectivement, les amener pour faire à notre place ce que nous devons faire.
8/25/20234 minutes, 55 seconds
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Russie: après la mort d'Evgueni Prigojine, la survie de Wagner «va être très difficile»

L'avion d’Evgueni Prigojine, le chef du groupe paramilitaire russe Wagner, s'est donc écrasé hier alors qu'il assurait la liaison Moscou–Saint-Pétersbourg. L'agence russe du transport aérien Rosaviatsiya confirme que Prigojine se trouvait à bord. Quelle conséquence cette disparition du chef de Wagner peut-elle avoir sur le groupe et ses activités en Afrique ? Pour la chercheuse Lou Osborn, membre de l'organisation All Eyes On Wagner et co-autrice du livre Wagner, Enquête au cœur du système Prigojine à paraître le 15 septembre aux éditions du Faubourg, cette organisation est profondément touchée car, au-delà d'un chef très impliqué dans ses activités, elle perd plusieurs hauts cadres. Elle est ce matin notre invitée. RFI : Lou Osborn, l’organisation Wagner peut-elle survivre à la mort d’Evgueni Prigojine ?Lou Osborn : J’aurais tendance, à l’heure actuelle et avec les informations dont on dispose, à dire que ça va quand même être très difficile, puisque les rumeurs, aujourd’hui, qui sont encore non-confirmées - on n’a pas vu d’images-, disent que, en gros, c’est toute la tête du commandement de Wagner qui était dans cette avion. Et donc, c’est non seulement leur chef très charismatique, mais c’est également des gens avec certaines positions et certaines visions stratégiques, donc ça semble quand même assez compliqué.Vous décrivez Prigojine comme un chef charismatique. Quel rôle a-t-il occupé dans ce groupe paramilitaire ? Que sait-on de son pouvoir réel dans l’organisation ? Il a un pouvoir très concret, très réel, c’est quelqu’un qui était très intéressé par le détail des opérations. On sait qu’il allait jusqu’à connaitre les moindres détails de ce qui se passait dans les pays. C’est quelqu’un qui n’hésitait pas non plus à aller sur place pour rencontrer ses clients, que ce soit pour signer des accords comme pour réclamer de l’argent. On sait qu’il était en Libye en octobre dernier pour essayer de se faire payer. Donc, c’est quelqu’un qui allait sur place. C’est quelqu’un qui aussi était très très impliqué dans les cercles du pouvoir du Kremlin. Et c’est peut-être, d’ailleurs, ce qui lui a valu sa survie jusqu’à maintenant.Que sait-on des lieutenants de Prigojine qui étaient à bord de l’avion qui s’est écrasé ?A priori, nous ce qu’on arrive à avoir comme info, c’est qu’il était accompagné de (Dmitri) Outkine. C’est vraiment son bras droit, celui qui est en charge des opérations militaires du groupe Wagner, qui s’était exprimé il y a peu de temps en Biélorussie en disant : « Bienvenue dans le groupe Wagner, bienvenue en enfer », accompagné de cadres de ce qu’il appelle le conseil des commandants, qui auraient fait partie de cet avion. Mais, pour l’instant, on n’a pas de visuel, des corps ou des visages. Prigojine, ça reste quand même le maitre de la dissimulation et des déguisements. On se rappelle les perruques qu’il a. Il ne faudrait pas exclure qu’il y ait encore des retournements de situation ou plus d’informations qui arrivent un peu plus tard.Ce conseil de commandement, c’est l’instance décisionnelle de Wagner ? Oui, c’est ça.Après la rébellion avortée du 24 juin, Prigojine avait indiqué que le groupe paramilitaire allait quitter le front ukrainien pour se concentrer sur l’Afrique. Est-ce que c’est effectivement le cas depuis deux mois ? Est-ce que vous avez vu des signes de ce redéploiement ?Oui, tout à fait. Donc on sait que ces opérations en Afrique, donc principalement en Libye, au Mali, et en Centrafrique, n’avaient pas changé. Ils avaient même renvoyé du monde en amont du référendum centrafricain. Et surtout, et c’est ça qui est quelque part incroyable, c’est qu’il y a 48 heures, il faisait une réapparition vidéo, a priori depuis le Sahel, depuis le Mali, pour dire que le groupe Wagner recrutait à nouveau pour des postes en Afrique, et allait se relancer sur l’Afrique.Donc il y avait de la part de Wagner une volonté d’investir un peu plus l’Afrique ? Tout à fait, l’Afrique ça reste finalement le continent sur lequel ils se sont déployés en premier et sur lequel ils se sont le plus déployés, et ça, je pense que c’est très important de le rappeler, c’est vraiment leur « centre d’expertise ». C’est un endroit, aussi, où ils ont tissé beaucoup de relations, que ce soient des relations militaires, politiques, commerciales. C’était aussi, et ça reste, une zone d’intérêt pour l’influence russe, et donc il y avait quelque chose à perpétuer dans ce sens.Et un message à envoyer au Kremlin, peut-être, à l’époque ? Nous, la lecture qu’on avait des derniers mois, depuis la mutinerie, c’était qu’il y avait sûrement une espèce d’accord qui devait être conclu quelque part, entre Poutine et le groupe Wagner, et qu’on voyait des signaux de Wagner essayant un peu de relancer ses activités pour montrer qu’ils étaient toujours utiles et présents. On a vu qu’ils ont créé une petite bulle informationnelle sur les événements du Niger, donc ils pouvaient encore se montrer comme étant utiles. On lisait un peu les dernières semaines comme ça.Et notamment la dernière vidéo, une vidéo sans doute promotionnelle, vis-à-vis du Kremlin ? Oui, pour dire : « Regardez ce qu’on peut faire ».Quel est aujourd’hui le poids économique de Wagner de manière générale ? Après la mutinerie, ce qui est intéressant de constater, c’est que les sociétés qui composent la galaxie Wagner, donc principalement toutes les sociétés qui appartiennent à la holding Concord, n’avaient pas été cédées, donc étaient toujours en activité, et on avait même vu que Prigojine en Russie avait gagné un certain nombre de marchés publics, depuis le mois de juillet. En ce qui concerne leurs activités plutôt en Afrique, en Centrafrique ils sont présents dans plusieurs secteurs, les mines, les boissons, c’est un acteur qui est quand même assez important, et c’est un acteur notamment important parce qu’il a réussi à modifier un certain nombre de lois qui étaient destinées aux investisseurs étrangers. Il y a eu tout un travail d’accaparement de l’État par rapport à ça, et donc demain, s’ils disparaissent ou s’ils se désengagent, ça va créer des tensions internes sûrement.
8/24/20235 minutes, 13 seconds
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Guerre au Soudan: «L’impact sur les civils est énorme, il faut redoubler d’efforts pour que ce conflit s’arrête»

Depuis le 15 avril 2023, la guerre entre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhan et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Hemedti a ravagé la capitale Khartoum et poussé plus de quatre millions de personnes à fuir. Les morts, eux, se comptent par milliers. Avant cette crise, le Soudan comptait déjà 1,1 million de réfugiés venus des pays voisins. La situation humanitaire est de plus en plus précaire et fragile, d'autant que l'accès aux populations déplacées reste difficile. Mamadou Dian Balde, directeur régional du HCR, le Haut-commissariat aux réfugiés, est au Soudan actuellement. Il répond à Florence Morice au téléphone depuis Kosti dans l’État du Nil Blanc.  RFI : Mamadou Dian Balde, plus de quatre mois après le début de cette guerre au Soudan, est-ce que le nombre de déplacés se stabilise ou est-ce qu’il continue d’augmenter ? Mamadou Dian Balde : Il ne se stabilise pas. La souffrance humaine ne fait que continuer. L’impact est énorme sur les populations civiles. Il faut redoubler d’efforts pour que ce conflit s’arrête. Nous voyons malheureusement une incapacité à arrêter le conflit. En attendant que la paix revienne, nous lançons aussi un appel aux donateurs afin qu’ils nous assistent pour que nous puissions alléger les souffrances subies.Vous êtes actuellement à Kosti dans le Nil Blanc. Comment s’organise l’assistance aux déplacés, sachant qu’il y avait déjà de nombreux réfugiés à Kosti avant cette guerre, et que cela accroit encore un peu plus la pression, notamment sur les structures de santé ? Il y a de plus en plus de partenaires, que ce soient des Nations unies ou des ONG, qui viennent pour aider à soulager ces populations, mais ça doit se faire beaucoup plus vite, et ça doit se faire beaucoup plus, parce que les besoins que nous voyons sont des besoins énormes. J’ai visité un poste de santé aujourd’hui (mardi) à huit kilomètres de la frontière avec le Sud-Soudan. Il abrite des Soudanais, il abrite des réfugiés qui étaient déjà à Khartoum, c’est juste inimaginable. Ces gens-là sont frustrés. Il nous faut juste répondre à un niveau qui est en adéquation avec les besoins que nous constatons.Y a-t-il encore du personnel local qui est resté malgré les conditions difficiles ?Absolument, des gens qui sont extrêmement résilients, des gens qui sont très endurants, qui avaient l’habitude de recevoir des salaires, qui ne reçoivent plus de salaires, qui ne bénéficient que du soutien que nous leur apportons, que ce soient les Nations unies ou les ONG locales, et qui ont décidé de rester pour aider leurs frères et sœurs.Est-ce que l’accès pour le personnel humanitaire s’est amélioré ? Il est plus facile pour certaines organisations, mais il est généralement difficile. J’ai rencontré plusieurs responsables du gouvernement ici et nous leur avons fait comprendre qu’il faut faciliter la délivrance des visas pour que l’on puisse répondre aux besoins humanitaires, y compris pour les journalistes. Nous faisons notre plaidoyer au mieux pour que ce soit facilité et qu’on puisse avoir la visibilité nécessaire. Le Soudan fait face à l’une des situations les plus difficiles qu’il a connu depuis son indépendance en 1956. Nous espérons qu’ils vont rapidement pouvoir tourner la page, même si, malheureusement, les décideurs politiques ne le font pas.Où en sont les discussions avec l’Égypte ? On sait qu’à un certain moment, ils n’ont accepté que les femmes et les enfants. Aujourd’hui, ils réclameraient des visas pour les réfugiés. Êtes-vous en discussion avec eux pour régler ces problèmes ? Absolument, nous sommes en contact avec les autorités égyptiennes. Le Haut-Commissaire, Filippo Grandi, était en Égypte. Nous sommes en contact et nous essayons de faire de notre mieux, parce que déjà l’Égypte reçoit cinq à six millions de Soudanais sur la base d’accords qui existaient déjà. L’Égypte a ouvert ses frontières pour recevoir les réfugiés jusque-là. Il y a eu des restrictions à certains moments, mais nous en appelons à ces autorités-là pour que la solidarité continue à l’égard de leurs frères et sœurs soudanais qui sont dans le besoin. En même temps que nous le faisons, nous augmentons notre présence du côté de Wadi Halfa, près de la frontière du côté du Soudan, pour que ceux qui peuvent être assistés à l’intérieur du Soudan le soient, et que ceux qui veulent traverser la frontière internationale puissent le faire. Mais une fois que les réfugiés soudanais arrivent en Égypte, leurs besoins ne sont pas remplis. Nous ne sommes financés qu’à hauteur de 31% de nos besoins. Donc le gouvernement égyptien demande tout de même qu’il y ait un plus grand soutien aux réfugiés qui ont déjà pu venir, et je crois que c’est vraiment ça l’esprit du pacte mondial pour les réfugiés, que l’Égypte continue d’ouvrir ses frontières, que nous puissions travailler avec eux, qu’il y ait un financement adéquat et comme ça, ça aide tout le monde, jusqu’à ce qu’il y ait une paix et que les réfugiés puissent repartir chez eux.Vous allez vous rendre dans les jours qui viennent en Éthiopie. J’aimerais donc vous demander une réaction à ce rapport publié lundi par l’ONG Human Rights Watch, qui accuse les gardes-frontières saoudiens d’avoir tués des centaines de migrants éthiopiens, entre mars 2022 et juin 2023. Nous sommes au courant de ce rapport. Nous sommes en train de nous informer davantage sur son contenu, et c’est quand même… Ce que nous entendons, ce qui est inscrit dans ce rapport-là, est absolument inconcevable.
8/23/20234 minutes, 54 seconds
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Sommet en Afrique du Sud: «Les Brics, c'est un club économique mais aussi, et surtout, politique»

Johannesburg accueille de mardi à jeudi le 15e sommet des Brics, dont l'Afrique du Sud est membre, aux côtés du Brésil, de la Russie, de l'Inde et de la Chine. Le thème du sommet cette année : les Brics et l'Afrique. Pas moins de 30 dirigeants africains ont annoncé leur venue à Johannesburg, dont le Sénégalais Macky Sall et le Congolais Denis Sassou Nguesso. Pour en parler, notre invité est Paul-Simon Handy, de l'Institut d'études de sécurité (ISS). RFI : Paul-Simon Handy, le sommet des Brics est organisé sur le sol africain, et il a pour thème l’Afrique cette année. Quel est le sens de cet accent mis sur le continent, de la part des pays membres des Brics ? Paul-Simon Handy : L’intérêt est tout d’abord politique. Il s’agit déjà pour l’Afrique du Sud, qui a invité ces pays d’Afrique, de montrer son leadership dans les efforts de création d’une sorte de forum alternatif aux institutions globales existantes. Il y a aussi un effet de communication politique pour les Brics eux-mêmes, de démontrer aux pays africains qu’ils ont un forum, qu’ils ont un lieu, où ils peuvent exprimer politiquement, mais aussi économiquement, les vues, les intérêts qui sont les leurs et qui sont notamment en désaccord avec l’actuel multilatéralisme qui est perçu comme dominé par les pays occidentaux, en tête desquels les États-Unis.Pas moins de trente pays africains seront représentés, qu’est-ce qui fait qu’ils se pressent tous, en ce moment ?Le timing de ce sommet est important si on veut comprendre pourquoi il a autant de succès dans les pays africains. Ce sommet aurait eu lieu avant la crise du Covid et avant la guerre en Ukraine, on aurait peut-être eu moins d’enthousiasme de la part des pays africains. Il y a eu le Covid, et notamment la gestion des vaccins qui a été perçue dans plusieurs pays, pas seulement d’Afrique mais de ce qu’on appelle le Sud global, comme injuste. Il y a eu, après, la guerre en Ukraine, qui a fait revenir sur scène cette sorte de nouvelle alliance dite non-alignée, justement, aux contours très peu clairs mais qui faisait ressortir une sorte d’opposition de plusieurs pays dits du Sud envers ce qui était perçu comme la domination occidentale, américaine et aussi française.23 pays du monde ont déposé leur candidature pour entrer dans ce club selon le ministre sud-africain des Affaires étrangères, dont six pays africains : l’Algérie, l’Égypte, l’Éthiopie, le Maroc, le Nigeria et le Sénégal. Est-ce que ces candidatures sont crédibles et réalistes ? Quand on voit déjà l’hétérogénéité des Brics actuels, on passe quand même de la Chine, à l’Afrique du Sud en passant par le Brésil, ça démontre que les Brics sont à la fois un club économique mais aussi, surtout, un club politique. Les pays africains qui font la demande d’adhésion sont tout aussi hétérogènes, ce qui pose la question des critères d’adhésion. Qu’est-ce que les Brics véritablement ? Quels sont les critères d’entrée ? Ce sera discuté à ce sommet. Est-ce qu’ils veulent rester un club sélectde puissances dites émergentes, ou alors est-ce qu’ils veulent s’élargir au point de devenir un groupe des 77, un groupe des non-alignés bis, ce qui diluerait finalement leur importance et peut-être aussi l’idée de créer une alternative au G7, ce qui est l’ambition de certains pays dans les Brics.Y a-t-il consensus au sein des membres historiques des Brics sur ces élargissements ? Il y a de fortes divergences entre les membres, surtout entre la Chine et l’Inde sur la question de l’expansion. L’Inde est pour une expansion mesurée, beaucoup plus phasée, alors que la Chine aimerait rapidement élargir le groupe à plusieurs autres membres.Et qu’est-ce que l’Afrique peut tirer de ce sommet des Brics, au niveau politique ou au niveau économique ? Je pense que les gains sont surtout politiques et surtout en termes de communication politique. Il s’agit là d’envoyer un message aux opinions publiques comme quoi les dirigeants africains n’ont pas que des partenaires occidentaux, mais qu’ils ont des partenaires, des puissances moyennes et grandes, de ce qu’on appelle le Sud global. Économiquement, même pour les pays membres des Brics, même pour un pays comme l’Afrique du Sud, il est encore difficile de voir quels sont les véritables bénéficies de l’appartenance aux Brics. Pour les autres qui ne sont pas membres, il y a ceux qui veulent renforcer leurs liens avec la Chine, d’autres avec l’Inde et d’autres qui y voient le moyen de venir nouer de nouvelles alliances, de nouvelles potentialités de coopération économique. Les États africains qui viennent à ce sommet viennent à vrai dire pour des raisons très différentes les unes des autres, ce qui paradoxalement peut être plus un problème pour la cohésion du groupe des Brics qu’on ne le pense.Est-ce que ce groupe se constitue plutôt autour de la Russie, plutôt autour de la Chine, ou est-ce que c’est un groupe non-aligné qui veut avoir sa propre parole vis-à-vis du reste du monde ?Le club des Brics a évolué depuis sa création. La croissance, autrefois dynamique, des Brics s’est un peu tassée au milieu des années 2010. Il y a eu des pays, comme l’Afrique du Sud, comme le Brésil, comme la Russie, qui sont entrés dans une sorte de stagnation, souvent même de crise économique, alors que la Chine et l’Inde ont continué de croitre. Donc la Chine, aujourd’hui, est l’élément dominateur. Même si la Russie a été à l’initiative de la création des Brics, aujourd’hui c’est la Chine, avec un président Xi qui ne cache pas ses ambitions de domination de l’économie mondiale. Aujourd’hui, je pense que les Brics sont ordonnées, structurées autour de la Chine, même si c’est un ordre que l’Inde conteste fortement, d’où justement les divergences qu’il y a entre ces deux pays sur l’élargissement des Brics.
8/22/20235 minutes, 57 seconds
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Saliou Diouf: «La crise politique au Sénégal a augmenté le désespoir des populations»

Ces derniers mois, des drames de l'immigration impliquant des Sénégalais s'enchaînent. Le 16 août, 63 personnes sont présumées mortes après être parties en pirogue des côtes sénégalaises début juillet. Le 18 août, la marine marocaine a intercepté 75 migrants sénégalais à bord d'une embarcation au large de Dakhla, au Sahara occidental. Cela fait 328 immigrés clandestins ramenés sur les côtes marocaines depuis le 8 août. Entretien avec Saliou Diouf, président de l'association Boza Fii qui travaille sur les politiques migratoires. RFI : Saliou Diouf , depuis plusieurs mois, des dizaines de Sénégalais sont morts en tentant d’émigrer, des chiffres en forte hausse. Comment expliquez-vous ce phénomène ?Saliou Diouf : C’était prévisible. Cette année, le Sénégal a traversé une situation politique qui a dégénéré, qui a vraiment augmenté le manque d’espoir des Sénégalais pour pouvoir essayer de s’organiser dans le pays et (aussi), ce manque de sécurité aussi de vivre là où ils habitent. Récemment, on sent nettement que, même pour une petite publication, tu peux te retrouver à la police. Et c’est cette situation-là qui frustre les populations. Donc, les gens vont chercher d’autres alternatives. Et l’alternative la plus visible, c’est de pouvoir quitter le pays.La crise politique récente a été un élément déclencheur, a poussé certains au départ ?C’est vraiment la plus grande cause. En plus, avec beaucoup de protocoles qui ont été signés avec la pêche qui fait aussi que les pêcheurs Sénégalais n’arrivent plus à gagner leur vie. Ce sont ces pêcheurs qui organisent en quelque sorte tous les départs, parce que ce sont des gens qui sont là avec leur pirogue, qui font de la pêche artisanale. Et s’ils n’arrivent plus à s’en sortir, ce sont des gens qui connaissent un peu la mer et ils vont s’organiser pour partir.Les pêcheurs se transforment en passeurs ?C’est un peu ça. Ce sont des personnes qui voyagent, mais avec l’accompagnement du voyage, ils ont besoin beaucoup plus d’argent pour organiser, et tout. Aujourd’hui, le gouvernement a créé juste des alternatives avec les passeurs pour mettre fin à ce fléau. Et je pense que ça, c’est louper le coup, je ne pense pas qu’ils vont attraper quelqu’un parce que les gens qui partent, ce sont les mêmes personnes qui organisent.Justement, le 27 juillet, le gouvernement avait annoncé un programme spécial pour réduire ce phénomène d’immigration. Il y avait trois axes : offrir des emplois aux jeunes, améliorer la surveillance des côtes et punir sévèrement les réseaux criminels de passeurs. Vous croyez à ce programme ?Ce sont ces mêmes programmes répétitifs qui reviennent toujours, pas juste au Sénégal mais un peu partout dans le monde. Par exemple, il faut juste confier les responsables à d’autres personnes pour pouvoir se cacher derrière ses lacunes en quelque sorte. Ce plan d’actions-là, c’est juste que peut-être ils n’ont pas d’autres alternatives parce que c’est vraiment visible que les gens sont en train de fuir la galère. C’est pourquoi ils quittent le pays. Donc, la meilleure manière, c’était de stabiliser les jeunes dans le pays. Pour stabiliser les jeunes dans le pays, ce n’est pas, il faut attraper dix personnes. C’est juste créer des opportunités pour que les jeunes puissent être stables et être en sécurité dans leur pays où vraiment, on a beaucoup de manquements par rapport à beaucoup de choses, par exemple une vie stable qu’ils sont en train de chercher, une sécurité médicale qu’ils sont en train de chercher, il y a d’éducation et l’accès à beaucoup de choses, il faut regarder la migration de ce côté, mais il ne faut pas juste penser que ce sont des bandes qui sont organisées, qui cherchent de l’argent sur d’autres personnes. Ce n’est pas ça.Est-ce que la situation économique -on parle d’une dégradation avec l’inflation, le Covid-, est-ce que tout cela a participé à augmenter le phénomène ?Peut-être. Ce sont des choses qui ont créé une petite influence un peu partout dans le monde. Le Covid est venu et passé, beaucoup de restrictions se sont enlevées. Les gens ont commencé à mener encore leur vie. Mais je pense que la chose la plus influente par rapport au départ, c’était la crise politique. Deuxièmement, c’était avec la politique de visas, c’est devenu une grande catastrophe au Sénégal. Pour avoir un seul rendez-vous, on demande 300 000 francs CFA, 500 euros. Quand tu as un rendez-vous pour l’obtention du visa aussi. Toutes ces formes de deals qui se passent, ça aussi, ce sont des gens qui se sont organisés pour soutirer de l’argent. C’est arbitraire. Les visas sont refusés sans aucun motif. À 90%, tous les visas sont refusés.Il y a un genre de trafic, de la corruption, autour de l’obtention de visas pour aller à l’étranger, en Europe, etc., c’est ça ?C’est ça. Et je pense que les gens ont le droit à la mobilité, parce que le droit à la mobilité n’a pas été créé pour les Occidentaux. C’est un droit qui n’exclut personne. Les gens ont le droit de voyager. S’il n’y a pas ces opportunités-là, et si les gens ont envie de voyager, ils vont juste utiliser les moyens qu’ils ont. Je ne trouve pas ça très logique. On s’est dit que nous par exemple, avec Boza Fii, on n’a pas la responsabilité de fixer les gens dans le pays. Après tout, les gens ont le droit à cette mobilité, donc ce n’est pas à nous de leur dire de rester dans le pays. On peut sensibiliser par rapport au danger. C’est pourquoi, nous, on ne lutte pas contre l’émigration clandestine. Nous, on lutte pour la liberté de circulation de tout un chacun. Peut-être que nous, on a une communication qui est un peu contradictoire avec ce que l’Union européenne est en train d’implanter au Sénégal, de créer des projets, des alternatives pour que les gens restent ici. Et nous, on voit ça ne marche pas. Depuis longtemps, il y a beaucoup d’argent qui rentre et est-ce que ça a arrêté les départs ? Moi, franchement, je ne le vois pas.
8/21/20235 minutes, 2 seconds
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Contre-enquête de la mission Dakar-Djibouti: «Nous avons travaillé sur plus de 1500 objets»

En France, le musée du quai Branly-Jacques Chirac s’intéresse de près à la célèbre mission ethnographique Dakar-Djibouti menée par l’ethnologue Marcel Griaule entre 1931 et 1933. Cette expédition scientifique avait rapporté à Paris plus de 3 000 objets, des manuscrits et des amulettes, des photographies et des enregistrements sonores. En collaboration avec des musées et des universités africaines, le quai Branly a décidé de réexaminer l’histoire de cette mission. Une contre-enquête que mène Daouda Keita, le directeur du musée national du Mali. À lire aussiMission ethnographique Dakar-Djibouti: 90 ans après, la contre-enquête des experts au quai Branly
8/20/20235 minutes, 24 seconds
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Abderaman Koulamallah, ministre tchadien: «Si Succès Masra veut revenir, la porte est ouverte»

Au Tchad, les autorités répondent à Succès Masra. Notre invité le 17 août, l'opposant en exil a demandé un dialogue avec le pouvoir en vue d'obtenir un accord de réconciliation nationale, des garanties pour son retour et celui des autres exilés. Ce vendredi matin, le ministre tchadien de la Réconciliation nationale ouvre la porte au retour du chef du parti Les Transformateurs. Abderaman Koulamallah émet toutefois des réserves sur de nouvelles négociations. RFI : Abderaman Koulamallah, vous êtes le ministre de la Réconciliation nationale du Tchad. Les demandes de Succès Masra vous concernent au premier chef. L'opposant demande un dialogue avec le pouvoir en vue d'une réconciliation nationale. Est-ce que vous acceptez ?Abderaman Koulamallah : Nous acceptons toujours les dialogues avec les opposants. Est-ce que ces dialogues remettent en cause le processus qui est en place ? À ce moment-là, ça pose un autre problème. Parce que nous, nous avançons dans un processus qui va être un processus électoral, des institutions qui vont être mises en place dans quelque temps. Je ne pense pas que nous reviendrons en arrière sur ce qui a été fait. Cependant, nous sommes disposés à accueillir les opposants, quelles que soient leurs conditions à revenir au Tchad. Monsieur Masra, il me semble, a dit qu'il revenait avec ou sans accord. Moi, je lui conseille de revenir plutôt sans accord, de faire en sorte de rentrer dans le processus auquel beaucoup de Tchadiens adhèrent.Succès Masra a fait d'ailleurs des demandes assez précises. Il parle de s'asseoir autour de la même table courant septembre, peut-être dans un pays africain extérieur au Tchad, avec des acteurs multiples. Ces exigences ne vous semblent pas réalistes ?Ça ne répond plus à l'air du temps. On ne va pas refaire un second dialogue. Nous n'avons pas que ça à faire. J'ai des instructions précises du chef de l'État : de ne laisser aucun Tchadien à l'extérieur. Moi, je me base sur ces instructions. S'il veut revenir, la porte est ouverte. La réalité actuelle ne se prête pas à un nouveau dialogue, à des discussions interminables. Le train est en marche, il faut prendre le train et venir s'asseoir, il faut chercher à légitimer sa place sur l'échiquier politique par l'expression libre du suffrage du peuple souverain. Nous avons l'intention de rassembler tous les Tchadiens. Nous n'allons certainement pas revenir en arrière.Pour cette réconciliation, Succès Masra avait certaines demandes. Il demandait des mesures de sécurité physique, juridique et politique, une amnistie, une relecture de la Constitution, un gouvernement de réconciliation et même une commission vérité et réconciliation. Pourriez-vous discuter de ces points avec lui ?Quand on est un acteur politique, il faut voir comment marchent les institutions de la République. L'amnistie ne dépend pas du gouvernement. De deux, nous n'allons pas reprendre un dialogue nouveau. Mais nous sommes disposés à faire en sorte que tous les acteurs politiques trouvent leur place dans le processus. Nous faisons en sorte que personne ne soit exclu de la grande messe qui a eu lieu au dialogue national inclusif et qui a mis en place des recommandations. Personne ne peut remettre en cause ces résolutions, même pas le président de la République. Mais nous sommes disposés à faire en sorte que tous les acteurs qui le souhaitent soient mis à l'aise, pour qu'ils puissent exercer leurs droits démocratiques. Nous devrons faire en sorte d'être responsables pour que ce pays puisse émerger vers un système démocratique nouveau, que l'unité nationale soit une réalité dans le pays. Voilà la vision qu'un homme politique doit avoir du pays. Il faut voir la perspective de l'histoire d'un autre point de vue que celui de son sort personnel. Si telle personne n'est pas d'accord avec tel ou tel aspect de la Constitution, il peut toujours appeler à voter contre cette Constitution. Il nous reste 12 mois pour mettre en place des institutions et faire les élections. Est-ce que vous pensez qu'il faut encore revenir en arrière ? Ça me paraît défier le bon sens !Le problème, Monsieur le ministre, c'est que beaucoup d'opposants en exil craignent de rentrer. Ils demandent des garanties, comme Succès Masra lui-même. Est-ce qu'il pourrait être arrêté, poursuivi par la justice s'il rentrait au Tchad ?Moi, je ne suis pas la justice. Tout ce que je sais, c'est que même les personnes qui ont participé de façon violente aux événements du 20 octobre ont été graciées par le chef de l'État. Je ne pense pas qu'il y ait une exception pour tel ou tel opposant, il peut revenir comme tout citoyen tchadien, mais je peux vous affirmer que sa sécurité sera garantie.Ça veut dire que si Succès Masra revient à Nnjaména, il ne sera pas arrêté ?Je ne pense pas qu'il soit arrêté. Mais s'il est poursuivi par la justice, il répondra probablement de ses actes. Mais je ne pense pas que, si on a gracié les membres des Transformateurs, on puisse condamner Monsieur Masra à une peine de prison ou à ses partisans. Je ne peux pas, en tant que membre du gouvernement, m'avancer, mais je crois que le climat global, c'est un climat de réconciliation nationale. Maintenant, avant qu'il ne revienne, nous allons entamer des discussions pour voir dans quelles conditions, comment il va revenir, etc. Je suis disposé à l'écouter et à écouter tous les opposants qui veulent revenir. C'est ce que je fais tous les jours. Je fais revenir des opposants en leur garantissant la sécurité. Maintenant, les procédures judiciaires... On essaiera de voir dans quelles mesures la justice peut participer à l'apaisement du climat politique.À lire aussiSuccès Masra, opposant tchadien: «Nous devons résoudre les conséquences du 20 octobre»
8/18/20235 minutes, 4 seconds
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Succès Masra, opposant tchadien: «Nous devons résoudre les conséquences du 20 octobre»

Le 11 août, à l'occasion de la fête nationale, l'opposant Succès Masra a annoncé son retour prochain au Tchad, dans un message publié sur Facebook. Le chef du parti Les Transformateurs avait quitté le pays quelques jours après la répression des manifestations du 20 octobre. Dans son allocution, il a révélé avoir proposé un dialogue au pouvoir en place, en vue d'une réconciliation nationale. RFI : Succès Masra, quand allez-vous rentrer au Tchad ?Succès Masra : La balle est dans le camp de nos frères d'en face, afin que nous puissions nous asseoir à la table de la justice, de l'égalité, et trouver un accord global afin que les deux camps se réconcilient. Donc, au mieux, rentrer avec cet accord, au pire, ce serait dommage. Nous avons le devoir de rentrer pour continuer à nous battre à côté de notre peuple et l'accord peut intervenir en amont ou en aval. Mais l'idéal aurait été que ça intervienne en amont.Quel calendrier avez-vous en tête : est-ce que vous attendriez quelques semaines ou quelques mois ?Au mieux, avant même le triste anniversaire du 20 octobre, nous pouvons mettre à profit le mois de septembre pour trouver un accord, en ayant fait les concessions nécessaires de part et d'autre. Mais si cela ne devait pas avoir lieu, nous nous laissons la liberté de choisir le timing de notre retour, avec ou sans accord.Donc, ce serait des négociations qui se feraient de l'étranger, à distance ?Il n'y a pas de problème en tant que tel à cela, et c'est le sens de l'offre de réconciliation nationale que nous avons transmise aux facilitateurs, aux acteurs impliqués, notamment l'ONU, mais aussi le Qatar, Sant'Egidio, l'Union Africaine, la France, les États-Unis, le Togo, qui ont été impliqués, et qui, d'une certaine manière, ont donné leur caution à une transition qui devait se dérouler de manière inclusive. Ces acteurs-là, d'une certaine manière, ont joué la première partie de la mi-temps. Ils ont l'obligation de jouer à côté de notre peuple la deuxième partie. Maintenant, le moment est venu de passer des paroles aux actes.Que demandez-vous pour obtenir une réconciliation nationale au Tchad ?Mettre en face d'un côté ceux qui conduisent la transition autour de la junte actuellement et de l'autre, le groupe mené par évidemment les Transformateurs et tous les autres partis partenaires, dont Wakit Tama - y compris les politico-militaires non-signataires des accords - de nous asseoir sur le sol africain, pourquoi pas, afin de nous accorder essentiellement sur 5 points.D'abord, les mesures de sécurité physique, juridiques et politiques, les mesures d'apaisement et de décrispation, y compris l'amnistie, qui est différente de la grâce, et l'abandon des poursuites judiciaires. Parce que l'amnistie a le mérite de consacrer la restauration des droits politiques. Ensuite, d'avoir un mécanisme bipartisan de relecture et amélioration des résolutions prises par un camp, aujourd'hui, y compris la relecture et l'amélioration de la future Constitution, avant sa soumission au référendum. Il y a du temps pour faire cela. Il ne s'agit pas de tout jeter, mais de relire et d'améliorer la mise en place aussi, à l'issue de tout cela, d'un gouvernement plutôt de réconciliation nationale dont la mission sera de définir un calendrier actualisé et des mécanismes de crédibilisation et de garantie de confiance pour les futures élections, y compris tout ce qui a trait au rôle de l'armée, au DDR [le désarmement, la démobilisation et la réintégration, NDLR], sans lesquels aucune garantie des élections n'est possible. Enfin, ce que nous mettons là-dedans aussi - parce qu'il faut panser les plaies, il faut réconcilier - c'est une Commission vérité, justice, réparation et réconciliation nationale afin de faire la lumière sur les drames de notre pays depuis 2021, mais aussi de panser les plaies et permettre à ce peuple d'avancer. Il s'agit, en gros, que nous résolvions ensemble les conséquences du 20 octobre, mais aussi de résoudre le stock de problèmes politiques qui existaient avant le 20 octobre.Craignez-vous d'être arrêté ou visé par une procédure judiciaire une fois rentré ?Pas que ! Mais au-delà de ma personne, il s'agit là d'une démarche pour l'ensemble des Tchadiens. On ne peut plus faire confiance aux mesures sécuritaires ou aux forces qui sont supposées assurer la sécurité et qui ont failli. Donc, il faut ensemble co-définir un mécanisme sécuritaire qui permette de pouvoir avancer en confiance.Dans votre message, vous avez annoncé revenir avec des « outils nouveaux », des « boucliers nouveaux ». Qu'entendez-vous par là ?Un accord de réconciliation sur la base de la justice et l'égalité peut être qualifié d'un bouclier juridique, une communication maîtrisée peut être qualifiée de bouclier médiatique. Il y a les autres dimensions, y compris la dimension sécuritaire. Nous devons être capables de créer les conditions qui permettent que, demain, le choix du peuple sorti des urnes soit le choix qui s'impose. J'espère donc que tout le monde mettra toutes les énergies pour que la réconciliation soit le ciment de notre peuple. Et si cette option devait échouer, ça n'aura pas été le résultat de nos actions à nous, mais ça aura été choisi par ceux en face de nous. Nous allons tout faire pour éviter cela.Après le 20 octobre, le parti les Transformateurs a été profondément secoué. Est-ce que vous comptez reconstruire le parti et tenter de conquérir le pouvoir par les urnes ?Depuis le 20 octobre, nous avons eu plus de 50 000 nouveaux membres. Nous sommes de loin le parti qui a le plus de militants enregistrés. Je vois leur volonté d'aller conquérir le pouvoir.Des élections sont attendues pour fin 2024. Serez-vous candidat ?Là où mon peuple décidera que je me présente, je suis un serviteur et je souhaiterais être parmi les premiers serviteurs au rôle qu'on voudrait bien m'assigner. Ce rôle-là, je vais l'assumer avec toute mon énergie, et qui me vaut aujourd'hui la confiance de ce peuple.  À lire aussiTchad: l’opposant Succès Masra a annoncé son retour d’exil
8/17/20235 minutes, 8 seconds
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Élections au Gabon: «Les problèmes d'égo de l'opposition vont ouvrir un boulevard» pour Ali Bongo

Au Gabon, les élections approchent à grand pas. Le 26 août, le pays organisera pour la première fois des élections présidentielle, législatives et locales en même temps. Le président Bongo est candidat à sa propre succession. Face à lui, l'opposition est toujours en négociation pour trouver un candidat unique. Ce vote est très attendu : la période électorale n'a pas échappé aux polémiques et certains repensent aux élections de 2016 contestées qui avaient entraîné de graves violences. Télesphore Ondo, professeur de droit public à l'université Omar Bongo, revient sur ces élections pour RFI. RFI : Télesphore Ondo, l’opposition a-t-elle une chance face au président Bongo, selon vous ? Télesphore Ondo : Il n’y a jamais de certitudes, mais je crois que l’opposition a naturellement toutes ses chances. Déjà, parce que l’opposition n’a pas un bilan à défendre. Ensuite, parce qu’il y a quand même une certaine soif de changements, surtout que nous sommes à la veille du troisième mandat, en quelque sorte, du président Ali Bongo. Je ne pense pas que ce soit forcément un problème d’usure, mais c’est peut-être un problème d’attentes déçues, parce que lorsque le président Ali Bongo arrive au pouvoir en 2009, il y a quand même un espoir extrêmement important pour les populations de voir les choses évoluer, le pays être transformé. Mais malheureusement, il y a eu beaucoup de difficultés par rapport à leurs attentes. Aujourd’hui, la vie est extrêmement chère au Gabon, il y a beaucoup de problèmes au niveau des routes, de l’électricité, les problèmes du système de santé, alors au bout de quatorze ans, peut-être que les populations se disent qu’il faut passer à autre chose.La santé du président Bongo peut-elle le pénaliser politiquement selon vous ? Ce problème de santé ne joue plus « à plein régime ». Le président a quand même montré qu’il était en mesure de pouvoir faire campagne, il a fait le tour des différentes provinces, il y a quelques semaines en arrière, et là, il a repris, ce qui montre qu’il a quand même une certaine capacité physique, intellectuelle, qui lui permet de pouvoir tenir.Est-ce que l’opposition pourrait payer le fait d’avoir des membres qui sont pour la plupart des anciens du PDG [le parti au pouvoir]? Est-ce qu’elle ne va pas avoir un problème pour incarner l’alternance et le changement ?Je ne pense pas à ce niveau, d’autant plus que si nous revenons en 2016, nous avions donc le candidat Jean Ping, qui était un ancien du PDG. Le poids du passé n’a plus, à mon avis, à influencer le choix des candidats par rapport à la situation d’aujourd’hui. Les populations veulent un changement, ce changement-là peut être incarné par un ancien du parti unique.Des réformes électorales récentes, avec l’instauration d’un bulletin unique permettant un double-vote présidentielle - législatives, la limitation du nombre de représentants dans les bureaux de vote, tout cela est critiqué par l’opposition. Elle parle de mesures anticonstitutionnelles qui avantageraient le pouvoir. Qu’en pensez-vous ? La première difficulté, c’est que ces mesures ont été prises bien après la date limite de dépôt des candidatures et ça va créer quelques difficultés en termes de pédagogie, pour essayer d’expliquer aux populations les différentes réformes - des réformes à mon avis inopportunes, qui ont été engagées au mauvais moment -, mais aussi la complexité du système. Le bulletin unique cause des difficultés, ce système de coupler l’élection présidentielle avec les élections législatives crée une deuxième complexité. Alors, de manière pratique, sur le terrain, ça va être extrêmement compliqué.L’opposition se cherche un candidat unique, et si elle en trouve un, sa campagne sera plus courte, finalement. Est-ce que ça peut la pénaliser ? L’opposition a cette difficulté de prendre des décisions au bon moment. La campagne électorale a commencé, jusqu’à ce jour, l’opposition n’arrive toujours pas à trouver de candidat unique. Mais en réalité, la difficulté est due au fait qu’en choisissant un candidat unique, les partis politiques qui souhaitent présenter des candidats aux autres élections risquent d’être pénalisés avec le système que je viens d’expliquer, le système du bulletin unique. C’est pour cette raison qu’il faudrait prendre des décisions en amont, pour permettre à ce que la dynamique d’unité puisse permettre à l’opposition de pouvoir éventuellement remporter les élections. Mais on voit bien qu’il y a beaucoup de tergiversations. En tardant davantage, le candidat sortant qui est actuellement sur le terrain est en train de faire un travail extrêmement important, et ça risque de pénaliser sérieusement l’opposition.Est-ce que cette opposition pourrait être aussi pénalisée par ses divisions internes ? Oui, le problème d’ego au niveau de ces oppositions, ces problèmes d’ego qui vont persister vont ouvrir un boulevard pour le candidat du PDG, à coup sûr.Certains parlent d’un risque de nouvelles violences électorales, est-ce que vous partagez ces craintes ? Je ne partage pas entièrement ces craintes. En 2016, assez rapidement, l’opposition a retrouvé son unité et avait un candidat unique. Nous constatons également qu’il y a un travail de fonds qui a été fait sur le terrain, non seulement par la société civile mais aussi par les communautés religieuses etc., qui ont travaillé dans le sens de l’apaisement. N’oublions pas aussi la concertation politique qu’il y a eue en début d’année, même si certains de l’opposition ont commencé à dénoncer les conclusions de cette concertation. Donc il y a quand même beaucoup de choses qui ont été faites. Le problème des risques de troubles se pose toujours à l’annonce des résultats, et c’est là que les organes, qui sont appelés non seulement à organiser mais aussi à annoncer, à proclamer les résultats, doivent jouer leur rôle. Tant que les choses sont respectées et que la régularité des élections a été opérée par les organes dans le respect des principes d’indépendance et d’impartialité, il n’y a pas de souci à cela.
8/16/20235 minutes, 2 seconds
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Hassoumi Massoudou, ministre des Affaires étrangères de Mohamed Bazoum: «Pas question de parler de transition»

Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du Niger, Hassoumi Massoudou, est ce lundi 14 août l'invité de Liza Fabbian et Cyril Payen. Dans une entrevue exclusive réalisée à Abuja, la capitale du Nigeria, et diffusée sur RFI et France 24, M. Massoudou a estimé qu'une intervention militaire au Niger « est toujours dans l'agenda » de la Cédéao, mais qu'il ne s'agirait en aucun cas d'une « guerre contre le Niger ». Le ministre en exil, qui s'inquiète de la dégradation de la situation sécuritaire au Niger ces dernières semaines, rappelle que les négociations engagées jusque-là avec le régime militaire « n'ont abouti à rien du tout ». « Tout reste négociable », mais à condition que la junte « se retire » et que le président Mohamed Bazoum soit « libéré et rétabli dans ses fonctions », déclare notamment Hassoumi Massoudou. Il exclut cependant la possibilité d'une transition, « qui serait l'acceptation du fait accompli du coup d'État » au Niger.
8/14/202311 minutes, 26 seconds
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Centrafrique: «L'opposition n'a jamais été aussi affaiblie depuis que Touadéra est au pouvoir»

Quel bilan peut-on faire du référendum constitutionnel du 30 juillet en Centrafrique ? Quelles conséquences pour le pouvoir de Faustin Archange Touadéra et pour l’opposition ? Quelle est l’attitude de la communauté internationale vis-à-vis de ce scrutin ? Pour en parler, l’invité Afrique est Charles Bouessel. Chercheur et spécialiste de la Centrafrique à l’International Crisis Group (ICG), il répond aux questions de Claire Fages. RFI : Charles Bouessel, il y a deux semaines, en Centrafrique, le référendum constitutionnel donnant au président des pouvoirs étendus et la possibilité de se représenter sans limites, l’a emporté à 95%. La participation, c’était le vrai test, était de 61%, selon l’Autorité nationale des élections (ANE). Que vous inspirent ces chiffres ?  Charles Bouessel : Ces chiffres posent question, eu égard aux observations qu’on a pu avoir sur le terrain : des témoignages qui évoquaient des bureaux de vote souvent vides ou très peu pratiqués, et un référendum qui ne semblait pas intéresser outre mesure la population, en-dehors des cercles de pouvoir. Dans les provinces, notamment autour de Bria et de Bambari, plusieurs témoignages évoquent des bureaux de vote quasiment désertés. Et donc, là encore, on peut se poser des questions sur l’importance du taux de participation annoncé par l’ANE.La journée électorale s’est déroulée sans incidents sécuritaires majeurs. Peut-on y voir un succès des autorités dans ce domaine ? Oui, on peut y voir un succès. Depuis la contre-offensive lancée par le gouvernement et Wagner, en 2021, les groupes armés ont été durablement affaiblis, ils sont aujourd’hui très divisés, et le fait qu’ils ne soient pas parvenus à perturber le scrutin montre, ou illustre, leur faiblesse actuelle.Le président du pays, Faustin-Archange Touadéra, disposera de pouvoirs étendus. Est-ce que la voie d’un troisième mandat en 2025 est déjà libre pour lui ?Même si, pour l’instant, il n’a pas annoncé sa volonté de se représenter, rien n’indique qu’il ne tentera pas de briguer un troisième scrutin. Plusieurs dispositions d’ailleurs de ce référendum constitutionnel, l’affaiblissement du poste de président de l’Assemblée nationale, on pense aussi aux dispositions permettant, avec la nouvelle Constitution, au président et au président de l’Assemblée nationale, de nommer davantage de membres de la Cour constitutionnelle. Plus rien ne pourrait l’empêcher aujourd’hui de se représenter.Faustin-Archange Touadéra doit nommer un vice-président. Qui va-t-il choisir, selon vous ? Plusieurs noms ont circulé parmi les favoris. D’abord, Évariste Ngamana, qui fait partie de la famille du président et qui a dirigé le comité de la campagne du MCU [Mouvement Cœurs unis, le parti présidentiel, NDLR], donc en faveur du « Oui ». On a aussi évoqué le nom de Simplice Mathieu Sarandji, un des fidèles et des vieux compagnons de route du président Touadéra, qui a exprimé tout au début de l’annonce de ce référendum constitutionnel quelques réserves, peut-être parce qu’il ambitionnait lui-même de briguer le fauteuil présidentiel un jour, et qui pourrait recevoir ce poste en dédommagement de cet espoir déçu.L’opposition a contesté les résultats du référendum. Quelle est sa marge de manœuvre désormais ? L’opposition n’a peut-être jamais été aussi affaiblie depuis que le président Touadéra est au pouvoir. Elle est profondément divisée. Une certaine frange de l’opposition a même appelé à prendre les armes contre le président, notamment Ferdinand Nguendet. D’autres souhaitent rester dans le champ démocratique mais ont très peu d’espace et de voix pour s’exprimer. Cette opposition, d’ailleurs, ne se faisait pas vraiment d’illusion sur la victoire du « Oui » au scrutin et avait décidé de porter le jeu plutôt sur la participation, en appelant les électeurs à boycotter ce scrutin. Est-ce que cette stratégie a fonctionné ? Peut-être sur le terrain. Mais, en tout cas, ça ne s’illustre pas dans les résultats présentés par l’ANE.Que pensez-vous du quasi-silence international autour de ce vote ? Ce silence international, il est le fruit d’un changement de stratégie, notamment de la France et des États-Unis, qui ont décidé de prioriser leurs objectifs sur la Centrafrique, leur objectif principal étant d’affaiblir l’influence de Wagner dans le pays. On peut trouver ça également naïf puisqu’en renforçant le pouvoir de Touadéra, ce référendum est aussi un gage pour Wagner de rester dans le pays, puisqu’ils dépendent des accords signés avec le président Touadéra.À votre connaissance, le fonctionnement du groupe russe a-t-il évolué en Centrafrique depuis la rébellion de son chef, Evgueni Prigojine, contre Moscou ? On a vu quelques mouvements dans les jours qui ont suivi la rébellion, avec des rotations de troupes qui pouvaient paraître inhabituelles, mais depuis, le fonctionnement n’a pas changé, et on a vu un retour à la normale. Le groupe Wagner a participé à la sécurisation et à l’organisation du scrutin sans perturbations. En Centrafrique, les actifs du groupe sont toujours aux mains d’Evgueni Prigojine, et pour l’instant, c’est business as usual. Est-ce qu’on peut dire que Wagner est en train de transformer la Centrafrique en hub militaire, en particulier pour approvisionner les troupes du général Hemedti, chef des paramilitaires, au Soudan ? On parle de livraisons à petite échelle, c’est-à-dire des livraisons de munitions, d’armes, mais pas des volumes significatifs. On a également entendu des témoignages plus récemment sur le fait que le général Haftar en Libye ferait désormais transiter les armes pour Hemedti via la Centrafrique pour plus de discrétion. Mais pour l’instant, ce soutien ne parait pas en mesure de changer le cours du conflit.
8/14/20235 minutes
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Lutte contre le racisme: «L'État doit sensibiliser les Tunisiens à ce fléau» selon Saadia Mosbah

Militante contre le racisme en Tunisie, Saadia Mosbah vient de recevoir le Prix du secrétaire d’État américain pour les champions de la lutte contre le racisme dans le monde 2023. C'est la première fois que les États-Unis remettent cette distinction et six militants ont été sélectionnés dans le monde. Ils ont été reçus ce vendredi 11 août à Washington par le secrétaire d'État Antony Blinken qui a salué leurs actions pour la lutte contre les discriminations raciales. Saadia Mosbah, toujours à Washington, répond aux questions de Guillaume Thibault.
8/13/20235 minutes, 27 seconds
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Niger: «La Cédéao veut montrer qu'elle est déterminée», dit le chercheur Arthur Banga

Réunie en sommet extraordinaire ce jeudi 10 août, la Cédéao a durci le ton vis-à-vis de la junte au Niger en annonçant qu'elle activait sa force militaire dite « force en attente ». Mais elle a aussi affirmé qu'elle continuerait à œuvrer par tous les moyens pacifiques à la restauration de l'ordre constitutionnel à Niamey. Entretien avec Arthur Banga, maître de conférence à l’université de Côte d’Ivoire, docteur en histoire des relations internationales et en histoire militaire RFI : Arthur Banga, quelle lecture faites-vous de ce deuxième sommet extraordinaire sur la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) sur le Niger. Il semble que l’organisation ouest-africaine ait voulu durcir le ton vis-à-vis de la junte en activant sa force en attente ?Arthur Banga : On peut voir que la Cédéao est déterminée, déterminée à réinstaller le président Mohamed Bazoum au pouvoir. Cette détermination se voit dans l’aspect intervention militaire prévue. Mais en même temps, comme l’a rappelé Bola Tinubu au début en inauguration du sommet, la piste numéro un reste et demeure le dialogue.Cette force en attente, qu’est-ce que c’est exactement ?Les forces en attente font partie du mécanisme de sécurité collectif, instauré depuis le début des années 2000 par l’Union africaine et les communautés économiques régionales, dont la Cédéao. Auparavant, la Cédéao avait déjà une force de maintien de la paix qui est l’Ecomog, qui s’est illustrée au début des années 1990 au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée-Bissau. Il était question maintenant de la transformer en force africaine en attente et de l’inscrire dans un système de sécurité collective africain.Est-ce que cette force en attente est prête ? Est-ce que les pays de l’Afrique de l’Ouest ont les moyens de la mettre réellement en action ?Comme pour l’ONU, comme pour toute organisation internationale, il n’y a pas d’armée propre. C’est au moment où elle doit s’engager sur un projet militaire qu’elle met en quelque sorte cette force–là en place en tenant compte de la réalité géographique, des capacités militaires de chacun de ses pays et du plan d’opération qu’elle choisit. N’oublions pas que les chefs d’état-major de l’Afrique de l’Ouest ont eu une réunion pendant trois jours pour arrêter des plans et effectifs, et l’équipement militaire qui doit constituer cette force en attente. C’est sans doute le Nigeria qui va constituer l’essentiel des troupes, appuyé par quelques unités qui viendront probablement de Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Bénin.Malgré l’opposition au Nigeria à une intervention militaire au Niger ?L’opposition n’est pas qu’au Nigeria. L’opposition à une intervention militaire peut se voir dans d’autres opinions publiques africaines. Elle peut se voir dans le communiqué des anciens Premiers ministres du Niger, dans le communiqué des évêques d’Afrique de l’Ouest. Au Nigeria, le président a la possibilité de contourner l’avis défavorable ou disons la prudence du Sénat. Mais il faut bien comprendre que l’intervention militaire est d’abord et avant tout un élément dissuasif qui participe des négociations. Et chaque étape du dispositif militaire est un élément de pression supplémentaire.On sent cette fois que la Cédéao souhaite que l’Union africaine, et dans une moindre mesure l’ONU, endosse cette décision d’intervenir militairement. Quelle chance a-t-elle d’obtenir ces feux verts ?Pour l’opinion internationale, pour la légitimité, même pour la légalité de cette intervention militaire, il serait intéressant d’obtenir des quitus notamment de l’institution panafricaine et de l’institution onusienne. La discussion peut être un peu corsée à ce niveau-là parce que déjà des pays, notamment les pays frontaliers du Niger comme l’Algérie et le Tchad, se sont montrés sceptiques, pour l’Algérie quasiment opposés. On peut penser qu’il y aura le soutien de la France, de l’Union européenne, dans une certaine mesure des Etats-Unis, s’il faut passer par une résolution du Conseil de sécurité, peut-être un veto chinois ou russe dans un contexte géopolitique de rivalités assez intenses. Sans oublier que les diplomaties burkinabè et malienne avaient aussi saisi l’ONU sur les dangers que pouvait avoir une intervention militaire.Qu’est-ce que l’on sait des divisions au sein de la Cédéao. Le Togo semblait sur la réserve quant à une intervention militaire au Niger. Et malgré tout, la Cédéao est arrivée à présenter un front commun…Le Togo s’est illustré comme le bras du dialogue avec ces juntes. N’oublions pas le rôle important qu’a joué la diplomatie togolaise dans l’affaire des 49 soldats ivoiriens pris en otage au Mali. C’est une bonne chose. Il ne faut pas couper les ponts avec ces pays-là. Et c’est très important le rôle que le Togo joue aujourd’hui, maintenir un minimum de contacts pour avoir une sorte de partenaire de confiance dans l’ensemble qu’est la Cédéao.Quelles sont les chances de succès de cette stratégie de la Cédéao alors qu’on voit qu’au Niger la junte a déjà nommé son gouvernement ?La junte aussi veut montrer qu’elle est ancrée avant de démarrer le dialogue. Ça met dans des positions difficiles, mais c’est de bonne guerre. Après, les positions sont tellement tranchées qu’on se demande quel équilibre on peut trouver. Mais on peut aussi regarder dans l’histoire de la Cédéao, où l’on arrivait souvent à couper la poire en deux : on demandait une transition réduite, dirigée par des civils. Même si le dernier exemple qui était au Mali en 2020 a volé en éclats, suite au deuxième coup d’Etat réalisé par le colonel Assimi Goita, il faut faire confiance à la Cédéao, il faut faire confiance aux capacités africaines de médiation, aux traditionnels arbres à palabres qu’on a. Et puis, il faut percevoir l’intervention militaire, dans un premier temps et je dis bien dans un premier temps, comme une sorte de pression, tout comme les sanctions économiques, pour arriver à un accord négocié le plus tôt.À lire aussiCrise au Niger: la Cédéao active sa force en attente mais continue à chercher une résolution pacifique
8/11/20235 minutes, 2 seconds
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Niger: «Cette tension entre dialogue et intervention militaire détourne des questions importantes»

Quatre jours après la fin de l'ultimatum lancé aux putschistes à Niamey, et après des tentatives pour l'instant infructueuses de médiation, les chefs d'État de la Cédéao se réunissent ce 10 août en sommet extraordinaire à Abuja, le siège de l'organisation ouest-africaine. Entretien avec Jean-Hervé Jézéquel, directeur du Projet Sahel à l'International Crisis Group (ICG). La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) se réunit en sommet extraordinaire à Abuja au sujet du Niger, au lendemain du rejet de la médiation Cédéao-Union africaine-ONU par la junte à Niamey. Quelle place l’organisation régionale donne-t-elle respectivement à la diplomatie et à l’option militaire ?Jean-Hervé Jézéquel : La Cédéao considère l’option militaire comme la dernière option envisageable. Elle sait que ce sera difficile, incertain, elle sait même que ça peut être dangereux, voire contreproductif. Elle n’abandonne pas la menace d’une intervention, mais la Cédéao et d’autres acteurs dans la région préfèrent concentrer leur énergie sur le dialogue.Les États membres de la Cédéao ont-ils un front uni vis-à-vis de la crise nigérienne ?Non. Évidemment, ils ne sont pas unis. Il y a presque deux types de fracture aujourd’hui dans cette Cédéao. D’abord, il y a le plus évident, la fracture qui oppose d’un côté les régimes militaires, en particulier la triade Mali-Burkina Faso-Niger qui tente de former un front commun, puis de l’autre, les régimes civils qui craignent la contagion des coups d’État et qui prônent donc une ligne de fermeté dans cette affaire. Mais il me semble qu’il y a aussi une seconde division qui semble se développer au sein même des régimes civils. Il y a en quelque sorte les inflexibles qui exigent le retour de Mohamed Bazoum au pouvoir, qui considèrent sérieusement l’option militaire, même si encore une fois, ils en craignent les conséquences, le Nigeria, en tout cas le chef d’État, est sans doute de ce côté-là. Et puis, peut-être ceux qui pensent que le retour en arrière n’est plus possible, peut-être du côté du Togo, du côté aussi du Sénégal où on voit des voix discordantes qui essaient d’appeler à un peu plus de dialogue. Mais sur ce point, cette tension entre option militaire et dialogue, c’est un débat qui détourne des questions plus importantes à se poser en ce moment. Quelle est la situation du Niger aujourd’hui ? Il est prisonnier d’une lutte implacable entre d’un côté les pro-Bazoum qui ont pour eux la légitimité des urnes et de l’autre côté, le camp des putschistes, les pro-CNSP [Conseil national pour la sauvegarde de la patrie, NDLR], qui tirent leur légitimité des armes et de la rue. Même si on ne met pas ces deux camps sur un même pied d’égalité du point de vue de leur légitimité, il devrait y avoir des voix pour dire aujourd’hui : l’enjeu est trop important pour être confié à un seul de ces camps, et surtout pas à quelques individus.Le retour au pouvoir de Mohamed Bazoum est-il d’après vous encore une éventualité ?En tout cas, je crois que sa libération reste une éventualité et surtout qu’elle doit continuer à être exigée. Après, son retour au pouvoir, c’est une autre question et cela apparaît de plus en plus problématique après 15 jours de crise. Et puis, surtout s’il était libéré par une armée étrangère, beaucoup doutent de la légitimité que pourrait conserver le président Mohamed Bazoum. Même restauré au pouvoir, il devra considérer une période de transition pendant laquelle il devra savoir rassembler, réconcilier les Nigériens. Et c’est pour cela, quelle que soit l’issue personnelle pour le président Bazoum, une partie des négociations se focalise de plus en plus sur la forme que pourrait prendre une transition acceptable aux yeux du plus grand nombre.De côté des acteurs politiques nigériens, on apprend la création d’un Conseil de résistance pour la République (CRR) par Rhissa Ag Boula, un ancien chef de la rébellion touarègue qui était devenu ministre d’État du président Bazoum. Quelle portée donner à cette initiative ?C’est encore trop tôt pour savoir exactement quelle réalité va prendre cette initiative. Et à mon sens, elle ne semble pas de bon augure. Elle fait partie au fond des solutions qui veulent recourir à un moment ou à un autre à la force des armes. Et je crois que justement le moment précis actuellement, c’est de privilégier à nouveau le dialogue.Quelles sont au fond les racines du mal au Niger ? Le chef des putschistes, le général Abdourahamane Tiani, évoquait la dégradation de la situation sécuritaire et la mauvaise gouvernance économique et sociale. Ce bilan négatif fait-il consensus dans la population au Niger ?C’est une question intéressante parce qu’on a eu longtemps le sentiment que le Niger s’en tirait relativement mieux que ses voisins sur la question de la sécurité, en particulier, et même, d’une certaine manière aussi, de la gouvernance politique, puisqu’il y avait eu une élection, puis une succession pacifique à la tête de l’État nigérien. Du point de vue de la sécurité, il y avait des arguments aussi assez concrets pour affirmer le fait qu’il y avait moins d’attaques au Niger qu’il y en avait par exemple au Mali ou au Burkina Faso. Mais les perceptions locales sont sans doute différentes. Si les attaques des groupes jihadistes ont diminué ces dernières années, ces groupes jihadistes continuent de circuler, notamment dans le sud-ouest du territoire, dans les zones rurales où ils prélèvent l’impôt, et donc où ils pèsent sur la population. Et oui, au niveau du système démocratique quand même, comme on le dit souvent, il y a une forme d’essoufflement et en particulier, il semble de plus en plus incapable d’offrir des perspectives suffisantes à une jeunesse, notamment une jeunesse urbaine, qui n’a connu au fond que la démocratie installée dans ce pays depuis trois décennies, qui n’a plus confiance dans ce système-là, dans les élites dirigeantes et dans le type d’alliances qu’elles ont contractées avec les pays occidentaux. Et c’est ce rejet-là qui s’exprime aussi dans la rue aujourd’hui.À lire aussiCoup d'État au Niger: un nouveau sommet de la Cédéao alors que le dialogue avec les putschistes est au point mort
8/10/20235 minutes
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Niger: «Nous continuons notre travail pour rétablir le président Bazoum», dit le ministre Alkache Alhada

Au Niger, si le président Mohamed Bazoum est retenu depuis le 26 juillet par les militaires qui l'ont renversé, d'autres membres de son gouvernement se sont réfugiés hors du pays, en lieu sûr. C'est le cas d'Alkache Alhada, ministre du Commerce, et ex-ministre de l'Intérieur. Au téléphone de Pauline Le Troquier, il revient sur ce putsch au Niger, qui n'a, selon lui, rien à voir avec les précédents connus par le pays. RFI : Vous êtes actuellement dans la clandestinité. Est-ce que vous maintenez des contacts de travail avec d’autres ministres ? Est-ce que vous avez reconstitué une sorte de gouvernement légitime en exil ?Alkache Alhada : Absolument. Le Premier ministre Mahamadou Ouhoumoudou est en France, le ministre d’État aux Affaires étrangères Hassoumi Massaoudou est à l’extérieur, et moi-même et un certain nombre d’autres qui sont fidèles au président de la République Mohamed Bazoum, nous sommes en contact évidemment. Nous continuons le travail que nous devons faire pour rétablir le président Mohamed Bazoum dans sa fonction présidentielle.Est-ce que vous avez eu la possibilité de communiquer avec le président Mohamed Bazoum ces derniers jours ?Oui, absolument. Nous avons pu entrer en contact avec lui. Il se porte très bien. C’est quelqu’un qui a un moral très fort. Dans des moments troubles, malgré la situation dans laquelle il est, il nous insuffle encore la force de continuer le combat.Depuis ce lundi matin, le Niger est sous la menace d’une intervention armée de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Cette option fait polémique dans plusieurs pays de la sous-région. Quel est votre point de vue là-dessus ?Nous, nous endossons toutes les décisions qui ont été prises par la Cédéao. Évidemment, il revient maintenant à la Cédéao de voir, dans le cadre du chronogramme qu’elle s’est fixé, ce qu’il faut faire à tel ou tel moment.Que répondez-vous à ceux qui considèrent que c’est une mauvaise solution ?La Cédéao, c’est plusieurs États. Ce sont aussi des chefs d’État qui ont parfaitement conscience du danger que constitue cette situation au Niger, non seulement pour le Niger mais aussi pour l’ensemble de l’Afrique. Aujourd’hui, Mohamed Bazoum incarne le futur démocratique africain. Et donc, c’est ce futur démocratique africain que la Cédéao est en train justement de chercher à sauvegarder.Justement, est-ce que vous croyez encore à une libération négociée du président Mohamed Bazoum ?Moi, je croirai à une libération négociée jusqu’au bout. J’estime qu’il est toujours temps de revenir à la raison. Il faut que les militaires comprennent que c’est une aventure sans lendemain et qu’il est encore temps de faire en sorte que les gens s’entendent de façon pacifique plutôt que par l’utilisation d’autres moyens.Pour revenir aux raisons avancées par les putschistes pour justifier leur coup d’État, que répondez-vous à l’argument de la dégradation sécuritaire qu’ils dénoncent ?L’argument sécuritaire est en argument spécieux qui ne reflète pas du tout la réalité. Au contraire, il y a eu lors de la présentation des vœux au président de la République cette année, le chef d’état-major -à l’époque, c’était le général Salifou Modi-, vous reprenez son discours, vous écoutez ce qu’il dit, c’est justement les efforts qui ont été faits grâce au président Bazoum et qui ont permis d’avoir une situation apaisée par rapport au Burkina Faso ou par rapport au Mali. Donc, cet argument-là ne tient pas la route et ils le savent très bien.Que voudriez-vous dire aux Nigériens qui sont aujourd’hui sous le coup de sanctions économiques de la Cédéao et qui voient dans ce nouveau pouvoir des perspectives positives ?Le sac de riz qui était à 10 500 francs CFA [environ 15 euros], aujourd’hui, il est vendu à 15 000 et peut-être qu’il va passer à 17 000 [25 euros]. Donc, cette situation va s’aggraver évidemment parce que les frontières sont fermées. De ce point de vue-là, il faut que l’ensemble des Nigériens réfléchissent et se disent que ces acquis, il faut absolument les préserver.Dans l’histoire du Niger, il y a eu régulièrement des coups d’État par lesquels l’armée entendait réguler la vie politique. Est-ce que celui-ci est différent des autres ?Totalement différent, il n’a absolument rien à voir. Il y a eu des coups d’État au Niger qui ont été des coups d’État qui tendaient à rétablir justement la démocratie lorsque celle-ci était mise en cause. Et ici, voilà un coup d’État qui intervient justement pour remettre en cause la liberté, pour remettre en cause la démocratie. Et c’est ça l’absurdité de la situation dans laquelle nous sommes. Et c’est aussi pour cela qu’il faut vraiment l’arrêter, parce que si ce coup d’État passe, c’est toute l’Afrique qui va en pâtir.
8/9/20234 minutes, 10 seconds
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Pour le chercheur Achille Mbembe, les coups d'État sont l'expression d'un «basculement» historique et démographique

En Afrique de l'Ouest, les coups d'État se succèdent, avec le dernier en date, celui au Niger le 26 juillet. De quoi sont-ils le symptôme ? Et quel sens donner à cette multiplication de coups d'État dans les pays sahéliens ? Entretien avec Achille Mbembe, chercheur camerounais et professeur d'histoire et de science politique à l'université du Witwatersrand à Johannesburg. RFI : Achille Mbembe, les coups d'État se succèdent en Afrique de l'Ouest avec le dernier en date à Niamey, au Niger. De quoi sont-ils d'après vous le symptôme ?Achille Mbembe : Je crois que ces coups d’État sont l’expression d’un grand basculement. Le cycle historique, qui avait été ouvert au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, qui avait conduit à une décolonisation incomplète, ce cycle historique est terminé. L’Afrique est en train de rentrer dans une autre période de son histoire, une période qui sera longue et qui entraînera d’énormes bouleversements. Qu’est-ce qu’il en sortira ? Il est très difficile pour le moment de le savoir.Vous êtes sévères vis-à-vis d'un certain panafricanisme qui appelle aujourd'hui au renversement des régimes y compris démocratiques. C'est ce que j'appelle, non pas le panafricanisme, mais le « néosouverainisme ». Le néosouverainisme est une vision appauvrie de ce qu'a été le panafricanisme historique, qui était à la fois une pensée de la liberté et de la démocratie et une pensée de la justice universelle et de la solidarité internationale. Or le néosouverainisme aujourd'hui se caractérise, en particulier, non pas par un désir d'histoire - c'est-à-dire de maîtrise de soi et de responsabilité devant soi-même et le monde -, il se caractérise plutôt par un désir de substitution d'un maître par un autre. Et dans ce sens, il s'agit davantage d'un fantasme que d'une idéologie propice à la libération du continent.En Afrique plus de 60% de la population a moins de 25 ans, et il y a une vraie rupture entre les générations, que vous soulignez. Et c’est une des raisons pour vous de ces crises ?C’est une raison fondamentale. L’imbrication des conflits de classe parce que les inégalités n’ont cessé de se creuser, des conflits de genre parce qu’il y a une révolution invisible des femmes en cours en Afrique, et des conflits de générations. Et le basculement démographique du continent fait peur bien entendu, pas seulement à la France, mais au reste de l’Europe. Et c’est elle qui est au fondement des politiques anti-migratoires lesquelles visent à transformer le continent en une double prison. Je pense qu’il s’agit là de choix désastreux qui, sur le court terme, se paieront cash par une aggravation de ce que l’on appelle avec un terme paresseux, à mon avis, le sentiment anti-français en Afrique.La France dans ce contexte est présentée comme la principale cause des maux que connaît l'Afrique francophone. Dans quelle mesure cette accusation vous semble-t-elle fondée ?Elle n’est pas fondée. Aujourd’hui, la France ne décide pas de tout, même pas dans ses anciennes colonies. Il faut sortir justement de cette logique du bouc émissaire qui consiste à rejeter sur l’étranger la plupart de nos propres contradictions. Évidemment, il y a des choix qui ont été faits par la France au sortir de la colonisation qui se sont avérés désastreux. À cause, je dirais, de la place démesurée qu’occupe le complexe sécuritaro-militaire français, lequel a de l’Afrique une vision phobogénique dans laquelle l’Afrique est perçue comme un continent à risques, qui présente des dangers à la fois pour lui-même et pour ses voisins européens. Ce tropisme martial a conduit effectivement à des choix politiques désastreux qui n’ont, de toutes les façons, profité qu’aux forces du chaos et de la prédation. Donc, bien plus que le chiffon rouge, russe ou chinois, ces choix sont responsables de la défaite morale intellectuelle et politique de la France en Afrique aujourd’hui.Donc, la France doit abandonner ses bases en Afrique ?Le temps est compté. Et toutes sortes d’accélérations sont à prévoir parce que l’Afrique est rentrée dans un autre cycle historique. Seuls ceux qui l’ont compris auront une chance de peser sur son avenir.Pour revenir au putsch au Niger, la communauté des États d'Afrique de l'Ouest fait le pari, pour revenir au régime du président Mohamed Bazoum, des sanctions et de la menace d'intervention militaire au Niger. Qu’en dites-vous ?La diplomatie semble avoir perdu sa place et son statut. Que l’on en soit arrivé à penser que tout conflit est soluble dans la guerre et les tensions économiques, je crois que tout cela témoigne de la pauvreté anthropologique de notre époque. Sur le long terme, la priorité en Afrique doit porter sur la démilitarisation de tous les aspects de la vie politique, économique, sociale et culturelle. Et pour y parvenir, il faut investir massivement dans la prévention des conflits, dans le renforcement des institutions de médiation, dans le dialogue civique et constitutionnel. Une démocratie durable ne prendra pas racine à coups de bazookas.À lire aussiCoup d’État au Niger: la Cédéao convoque un nouveau sommet, la délégation Mali-Burkina à Niamey
8/8/20235 minutes, 8 seconds
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Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon: «Avec leur héritage, on voulait se projeter dans l'avenir»

Cette année 2023 marque le 10e anniversaire de la Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Créée en hommage à nos deux reporters assassinés le 2 novembre 2013 à Kidal, dans le nord du Mali, cette bourse récompense chaque année un(e) jeune journaliste et un(e) jeune technicien(ne) africains. Ce lundi 7 août, RFI lance son appel à candidatures, ouvertes aux 25 pays francophones du continent africain. Cette année, la formation se déroulera à Abidjan. Une cérémonie exceptionnelle pour marquer les dix ans de cette bourse, qui revêt la même importance qu'au premier jour, selon la présidente du groupe France Médias Monde Marie-Christine Saragosse.  RFI : Marie-Christine Saragosse, rappelez-nous, pour commencer, pour quelles raisons RFI a créé cette bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon ?Marie-Christine Saragosse : Il y a dix ans, lorsqu’ils ont été sauvagement assassinés, ça a été une douleur absolue, je pense que c’est comme si on avait tous été frappés à l’intérieur, les familles… Cette douleur, au fond, nous empêchait d’avancer, nous entravait, parce que c’était insupportable, et donc on s’est dit qu’il fallait qu’on rende cette douleur féconde, et avec leur héritage, leur mémoire, qu’on fasse quelque chose qui nous projette dans l’avenir et qui soit utile, qui ressemble à ce qu’ils étaient. Et comme, au fond, ils étaient des passionnés, l’une de journalisme, l’autre, c’était un technicien qui disait : « L’important, c’est d’émettre », et en toutes conditions, il trouvait le moyen d’émettre. Donc on s’est dit qu’on allait transmettre le flambeau à des jeunes sur le continent africain, l’endroit où on redevenait un être humain, et on s’est dit qu’on allait se tourner vers cette jeunesse, et c’est comme ça qu’on a créé cette bourse. Et ça dure depuis dix ans.Dix ans plus tard, est-ce que cette bourse revêt la même importance, et surtout la même symbolique ?Ce qui est intéressant, c’est que notre démarche est panafricaine. On a évidemment commencé au Mali, car il nous fallait dire aux Maliens que cet assassinat ce n’était pas le Mali mais des terroristes, et qu’on était aux côtés de la population malienne. Donc on a tenu à ce que la Bourse soit lancée à Bamako. Ensuite, on est allé à Madagascar, au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, en RDC… Et puis le Covid est apparu. Mais à quelque chose malheur est bon : ça nous a donné l’idée de travailler à distance, on a fait quelque chose sur le numérique, de panafricain, et cette fois-ci on a eu des lauréats qui venaient de Centrafrique, du Tchad, du Cameroun, on a eu aussi le Burkina Faso… Donc ça élargit encore la possibilité pour des jeunes de candidater, d’être retenus et de faire la formation. Je vois que chaque année, c’est plus important. Je vois même que tous ces merveilleux jeunes vont constituer une association, parce qu’on en a formé 180 - 90 techniciens, 90 journalistes -, et là, on va en avoir encore 20 de plus qui vont être formés. Ce qui prouve que c’est un réseau qui a du poids parce qu’aujourd’hui, à l’heure de fake news, des manipulations, des mensonges… c’est épouvantable ! Il y a une aspiration de ces jeunes pour produire une information professionnelle à l’image que celle que portaient Ghislaine et Claude et je pense qu’elle prend encore plus d’importance dix ans plus tard, compte tenu du contexte dans la bande sahélienne.Justement, cette association qui sera montée par les 18 lauréats prouve déjà un vif intérêt de nos confrères et consœurs africains et africaines sur ce continent pour RFI. Comment expliquez-vous que cette bourse rencontre toujours dix ans plus tard un tel succès ?Le 3 mai dernier, journée de la liberté de la presse, une trentaine de médias africains se sont regroupés sous le titre de « l’Appel des trente pour la liberté de la presse » au Mali, au Burkina et de façon plus générale dans la zone sahélienne. C’était un appel aux instances internationales mais aussi aux gouvernements de la zone pour garantir cette liberté de la presse, qui se destine d’abord aux citoyens. Comment est-ce qu’on peut être un citoyen à part entière et éclairé si on n’entend que des fake news et des manipulations ? Donc il est fondamental qu’il y ait un axe qui soit celui des professionnels de l’info et qui ne sont pas catégorisés comme issus des pays du Nord ou des pays du Sud. On voudrait nous faire croire qu’il y a du Nord ou du Sud, en vérité, il y a des atteintes à la liberté de la presse, et des gens qui se battent pour la liberté de la presse et donc, quelque part, pour la démocratie.Aujourd’hui, cette bourse, dans le contexte actuel, une bourse d’autant plus, française, est-ce qu’elle a encore une pertinence ?C’est un peu ce que je vous disais. D’abord dans le groupe France Médias Monde, il y a soixante nationalités, on a des rédactions partout, on a toutes les couleurs de la peau, donc on est un échantillon représentatif de la population mondiale et on ne me fera pas croire qu’il y aurait des gens qui n’aimeraient pas la liberté de la presse, qui seraient contre et qui adoreraient les manipulations de l’info et les fake news. Donc cette bourse, elle a toute son importance parce qu’elle rassemble des professionnels. On remettra le 2 novembre à Abidjan la bourse, on aura un documentaire qui sera projeté, tous les lauréats seront là, ou presque, les 18 plus les 2 prochains, et on aura un débat sur l’enjeu de la liberté d’informer.De quoi va parler ce film ?Ce film, il va raconter le cheminement de cette liberté depuis l’assassinat de Ghislaine et Claude. C’est aussi un film hommage à Ghislaine et Claude dix ans après leur disparition. Et aussi, on voit à quel point ce qui s’est passé à ce moment-là est toujours vivant, dans nos mémoires et aussi dans les faits. C’était le début de quelque chose qui ne va pas.► [Appel à candidatures] «Bourse Ghislaine Dupont et Claude Verlon» 2023
8/7/20238 minutes, 23 seconds
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Jean-François Trape: «Seule une cinquantaine de serpents sur 275 ont une morsure potentiellement mortelle»

Il y a consacré quarante ans de sa vie et arpenté plus d'une trentaine de pays en Afrique pour faire un inventaire sur les serpents. Jean-François Trape, spécialiste du paludisme, a délaissé les moustiques pour s'intéresser à ces créatures rampantes. Objectif : faire de la pédagogie, alors qu'en Afrique comme ailleurs, la peur des serpents reste forte. Le mois dernier, il a publié le « Guide des serpents d'Afrique occidentale, centrale et d'Afrique du Nord ». L'inventaire le plus complet jamais réalisé, qui recense 370 espèces connues sur le continent. Sa passion pour les serpents remonte à bien loin, lorsqu'il était encore jeune chercheur à l’Orstom, l’organisme français qui deviendra l'Institut français de recherche scientifique pour le développement. RFI : D’où vient cet intérêt pour les serpents ?  Jean-François Trape : L’intérêt, c’est qu’au fur et à mesure, j’ai découvert que finalement beaucoup d’espèces étaient inconnues. Moi, sur les 25 000 serpents que j’ai collectés, il y avait 30 espèces nouvelles pour la science qu’on ne connaissait pas. Quand je suis arrivé à Brazzaville en 1980 en tant que jeune chercheur de l’Orstom, quelques jours après mon arrivée, je dinais sur la terrasse de la maison avec mon épouse et des amis, quand un serpent est venu presque jusqu’à notre table. Tout le monde a crié et s’est sauvé, mais il s’est trouvé que j’avais lu peu de temps auparavant un livre d’aventures à Bornéo, où l’auteur indiquait comment capturer des serpents vivants. Je m’étais un petit peu entrainé sur les couleuvres des Cévennes, et c’est ainsi que ce soir-là, j’ai pu capturer mon premier serpent congolais.  Ce premier serpent que vous avez trouvé, c’était quelle espèce ?  Je vais d’abord dire le nom savant, c’est un Crotaphopeltis hotamboeia, c’est une petite couleuvre venimeuse, mais peu venimeuse. On peut se faire mordre par cette couleuvre, il n’y aura absolument aucune conséquence.  Quels sont les différents types de serpent que vous avez recensés ?  Il y a le cobra et les mambas, d’une part, qui sont hautement dangereux. Il y a les vipères. Dans les vipères, il y a des espèces mortelles et d’autres qui sont, finalement, peu dangereuses. Il y a les couleuvres. Les couleuvres sont presque toutes inoffensives. Et puis, il y a ce qu’on appelle les serpents vers, qui sont de tout petits serpents qui ressemblent à des vers de terre. Et il y a ce qu’on appelle les typhlops, ou serpents aveugles, qui sont en général de taille moyenne, certains peuvent être de grande taille, jusqu’à 90 centimètres, mais la plupart ne dépassent pas une quarantaine de centimètres. Seulement une cinquantaine sur 275 ont une morsure potentiellement mortelle.  En vous écoutant, Jean-François Trape, on dirait que les serpents ne sont pas dangereux, qu’ils sont inoffensifs. Est-ce que c’était ça votre objectif, de démystifier un petit peu cette image erronée des serpents ?  Non, moi mon idée, c’est plutôt de donner à tous le moyen d’identifier les serpents. Quand un serpent a été tué, par exemple, de savoir s’il est dangereux ou pas. Vous voyez, par exemple, les tout petits serpents que l’on trouve lors des travaux des champs, souvent ils sont considérés comme mortels par la population, partout en Afrique, alors qu’ils sont totalement inoffensifs, ils ne mordent jamais. Et du premier coup d’œil, on peut les reconnaître.   Il y a un manque de connaissances, d’après vous ?  Oui, il y a vraiment un énorme manque de connaissances. Il y a très peu de personnes, y compris en milieu rural, qui ont une bonne connaissance des serpents.  Ce livre, est-ce qu’il est dédié à ces personnes-là, dans les villages ? Quelle est votre cible ?  C’est vraiment tout public. Je pense qu’il est important d’apprendre à identifier les serpents de son village, de sa région, de son pays, et aider à cela, c’est l’objectif de ce guide.Comment vous y êtes-vous pris ?  Alors, ce que j’ai fait d’abord au Congo, puis au Sénégal, puis ensuite dans une vingtaine d’autres pays, c’est d’apporter chez les chefs de village de grands bidons avec dedans du formol ou de l’alcool. Partout, on tue les serpents dès qu’ils s’approchent des maisons, ou quand ils sont trouvés dans les champs, presque toujours on les laisse pourrir dans les sols, où ils sont dévorés par les fourmis. Donc ce que je demandais, c’était de rapporter jusque chez le chef de village les serpents tués, je laissais un cahier où il fallait marquer le nom de toutes les personnes qui apportaient un serpent, et quand je revenais un mois ou un an plus tard, on regardait ensemble tous les serpents qui avaient été tués, et j’indiquais ceux qui étaient dangereux et ceux qui étaient inoffensifs. Il y avait aussi une toute petite récompense, 300 francs CFA, pour ceux qui avaient apporté des serpents. Personne ne va prendre un risque pour 300 francs CFA, mais ça permettait de récompenser symboliquement l’effort d’avoir marché souvent des kilomètres depuis les champs avec un serpent mort, pour le ramener au village.  Est-ce que vous êtes fier de ce travail, de le tenir entre vos mains ? Est-ce que c’est une source de satisfaction ?  Je suis très heureux de le voir aboutir, parce qu’il y a plus de 375 espèces qui ont été inventoriées. Pour la première fois, toutes sont photographiées en couleur, chaque photo du livre est un souvenir personnel, et des souvenirs dans des coins souvent assez invraisemblables, donc c’est un peu toute ma seconde vie, à côté de celle de chercheur sur le paludisme et la borréliose à tiques, qui est dans ce guide.  Et est-ce que vous pensez que ce livre aura un impact ? Ça pourrait changer les mentalités dans les pays que vous avez visités ?  Non, je ne pense pas, mais ça aidera certainement à une meilleure connaissance des serpents. Dans deux ans, le PDF du livre sera gratuitement émis partout.  
8/6/20235 minutes, 30 seconds
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Niger: un collectif d'ONG «condamne ce coup d'État» mais adresse aussi «des messages à la Cédéao»

Huit jours après le coup d'État à Niamey, le collectif Tournons La Page International interpelle à la fois la junte nigérienne et la Cédéao, en appellant au dialogue et à la retenue au Niger. Brigitte Ameganvi, sa porte-parole à Paris, répond aux questions de Claire Fages. RFI : Brigitte Ameganvi, Tournons La Page International, que vous représentez, dénonce tout à la fois le coup d’État à Niamey et l’attitude de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), c’est-à-dire les sanctions économiques et la menace d’intervention militaire ? Brigitte Ameganvi : Effectivement, nous condamnons ce coup d’État mais nous adressons également un certain nombre de messages à la Cédéao, à partir des remontées d’informations mentionnant la préparation d’une intervention militaire contre la junte au Niger. Vous craignez que cette attitude de la Cédéao ne légitime la junte militaire aux yeux d’une partie de la population nigérienne ?Oui, parce que dans la sous-région, en ce moment, il y a un mouvement porté par des jeunes qui sont réellement dans une sorte de révolte, et ce que nous craignons, c’est que ce coup d’État soit récupéré par des esprits malveillants qui sont en train d’attiser la colère et la haine dans une confrontation Est-Ouest qui a repris et qui s’exacerbe sur le continent en ce moment.   Vous estimez également que les sanctions économiques n’ont pas pour cible les putschistes, mais la population ? Ces sanctions économiques, d’abord, ne sont pas prévues dans le dispositif de sanctions du protocole de la Cédéao. La gradation des sanctions, ça va des avertissements jusqu’à la suspension du pays et un dialogue jusqu’au retour à l’ordre constitutionnel. Et tout le monde oublie que la Cour de justice de l’Uemoa [l’Union économique et monétaire ouest-africaine, NDLR], peu de temps après les sanctions au Mali, saisie par un certain nombre de ministres maliens, avait ordonné la suspension de ces sanctions parce qu’elles sont illégales.C’est la population qui en souffre le plus, et ces sanctions sont d’autant plus graves qu’il s’agit de pays enclavés, et qui, lorsqu’on ferme les frontières autour, c’est finalement condamner une bonne partie de la population à la famine, à la désolation, au manque de soins – parce que les médicaments n’arrivent pas. Elles sont contreproductives. D’après vous, ce n’est pas la bonne méthode pour la Cédéao, et vous dites aussi qu’elle ne respecte pas ses propres règles…La Cédéao s’est engagée à mener vraiment une politique de prévention des conflits. Or, prévention des conflits, ce n’est pas ce qui est en train de se produire actuellement. La Cédéao ne brandit ce protocole que lorsqu’il s’agit de sanctionner les putschistes, mais jamais lorsque des signes en amont sont en train d’apparaitre, la Cédéao ne réagit pas. Comme où, par exemple ? Comme au Sénégal en ce moment, le Sénégal qui était l’un des piliers de la démocratie dans la sous-région, que tout le monde respectait parce qu’il y avait une justice indépendante, des institutions qui fonctionnaient normalement, et tout est en train de partir à vau-l’eau. Et il y a là, aussi, un risque important de généralisation de pratiques, et on peut dire que 20 ans après ce protocole, 30 ans après le traité révisé de la Cédéao, qui avait justement pour but de prévenir les guerres civiles, de prévenir les coups d’État etc., on revient exactement au même point de départ. Est-ce qu’il y a des moyens efficaces pour empêcher cette contagion de coups d’État dans la région ? Des moyens efficaces, c’est sûr que c’est un travail qui ne se fait pas du jour au lendemain. Et nous aurions préféré que la fermeté que la Cédéao exprime aujourd’hui - et qu’elle veut exprimer sous la forme d’une intervention militaire violente -  qu’elle l’ait exprimée lorsque des Constitutions ont été modifiées, des élections ont été truquées ou que la corruption a gangréné… D’ailleurs, il y a un paradoxe, c’est que le général qui a fait le coup d’État à Niamey était lui-même mis en cause il y a quelques années sur les détournements des fonds qui ont été mis à disposition pour équiper l’armée nigérienne. Aujourd’hui, il se pose en défenseur du peuple nigérien, aujourd’hui, il dénonce le manque de résultats dans la lutte contre le terrorisme, jusqu’à nouvel ordre, ce sont les militaires qui sont chargés d’assurer la sécurité et l’intégrité territoriale, et pas un président de la République démocratiquement élu. Comment voyez-vous la solidarité qui s’affiche de plus en plus clairement entre les régimes putschistes ouest-africains ?  Pour nous, c’est non seulement de l’opportunisme mais c’est du populisme, parce que je ne pense pas que ce coup d’État au Niger ait été fait en concertation avec qui que ce soit. C’est quelque chose qui s’est fait par la force des choses, en partant d’un problème personnel entre un chef d’état-major, qui a rallié la Garde présidentielle puis l’ensemble de l’armée. Et donc on constate qu’effectivement, certains putschistes de la sous-région essaient de profiter, en quelque sorte, de l’occasion pour se positionner dans une dynamique qui n’est pas bénéfique pour la sous-région, de toute façon.
8/4/20235 minutes, 4 seconds
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Coup d'État au Niger: «Il s'agit d'une prise d'otage et d'un kidnapping», estime le chef de la diplomatie du Bénin

Au Niger, l’ultimatum de la Cédéao prend fin dans trois jours. Dimanche 30 juillet, l’organisation sous-régionale a demandé la libération immédiate du président nigérien Mohamed Bazoum et le retour à l’ordre constitutionnel dans un délai d’une semaine, sans quoi elle se dit prête à prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l’usage de la force. À trois jours de la fin de l’ultimatum, où en sont les discussions ? De quelle façon la Cédéao pourrait-elle intervenir militairement ? Olushegun Adjadi Bakari, le ministre des Affaires étrangères du Bénin, répond aux questions de Pierre Firtion.  RFI : Olushegun Adjadi Bakari, une délégation de la Cédéao, menée par l’ancien président nigérian, Abdulsalami Abubakar, devait se rendre ce 2 août 2023 à Niamey. C’était la médiation de la dernière chance ? Olushegun Adjadi Bakari : Je pense que cela correspond toujours à la vision portée par les chefs d’État de la Cédéao qui consiste à laisser la porte ouverte et à privilégier le dialogue. Donc médiation de la dernière chance… jusqu’à la dernière minute, il y a un ultimatum qui a été donné, et tant qu’on n’est pas au terme de cet ultimatum, toutes les voies permettant d’avoir une sortie, des solutions qui soient acceptables, seront utilisées.On sait que l’ancien président, Mahamadou Issoufou, mène aussi des négociations en coulisses. Qu’est-ce qui est proposé aux putschistes aujourd’hui ?Il y a un message qui a été très clair porté par les chefs d’État, qui est celui de dire : nous ne sommes pas dans un cas de coup d’État, et je pense que là-dessus, il faut que nous soyons tous d’accord. Il s’agit ici d’une prise d’otages, d’un kidnapping. Et lorsqu’on est face à une prise d’otages ou à un kidnapping, on n’est pas dans une négociation de propositions. L’objectif premier est de pouvoir faire libérer l’otage, et que l’otage revienne à une vie normale. Donc, dans le cas présent, l’objectif c’est de faire en sorte que le président Bazoum, président démocratiquement élu par le peuple nigérien, reprenne ses fonctions de président du Niger.Vous avez encore l’espoir d’une sortie de crise apaisée et sans violence ?Nous l’espérons, mais dans tous les cas, les valeurs démocratiques, les valeurs de préservation, de stabilité politique et de transition démocratique, devront prévaloir au sein de l’espace Cédéao. C’est le message que les chefs d’État ont porté et je pense que c’est très important de rester là-dessus.Si les militaires refusent de rendre le pouvoir d’ici le 6 août, que peut-il se passer ?Les chefs d’État, dans le communiqué de la conférence des chefs d’État, ont été très clairs : passé l’ultimatum, toutes les autres pistes seront envisagées, y compris le recours à la force.Et s’il était décidé de recourir à la force, qui pourrait être chargé d’intervenir parmi les pays membres de la Cédéao ?Je pense que l’objectif, c’est de tout faire pour qu’on n’arrive pas à cette solution, mais si cela devait arriver, je pense qu’il y a des mécanismes qui sont en place.Est-ce que le Bénin pourrait envoyer un contingent de soldats dans le cadre de cette intervention armée ?Bien sûr que le Bénin, en tant que membre de la Cédéao, comme les autres pays de la Cédéao, sont prêts à participer à la résolution de cette crise. Si on devait arriver à cette solution, ce qui serait déplorable - parce qu’en fait, en réalité, aujourd’hui, la piste de la négociation reste sur la table, reste prégnante, reste la plus envisagée -, mais dans le cas où on n’arriverait pas au terme de l’ultimatum, à une solution négociée qui serait la meilleure pour tous, il faudrait, bien entendu, envisager toutes les autres solutions, comme évoqué par les chefs d’État.Vous le disiez, les chefs d’état-major des pays de la Cédéao sont réunis jusqu’à ce 4 août à Abuja. Leur mission, concrètement, c’est de parvenir à mettre sur pieds une force militaire et un plan d’intervention d’ici dimanche ?Je pense que leur réunion fait partie de réunions régulières. Depuis un certain nombre de temps, il y a ce creuset des chefs d’état-major qui est en place. Ils ont l’habitude de travailler ensemble. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a cette force en attente de la Cédéao, dont l’opérationnalisation a commencé déjà depuis un certain nombre de temps. Donc, je pense qu’opérationnellement, il y a déjà une convergence. Après, sur les détails de la façon dont les choses pourraient se passer, je pense qu’il y a des voix beaucoup plus autorisées que la mienne.Les militaires au pouvoir à Bamako et à Ouagadougou ont prévenu qu’une intervention militaire au Niger serait considérée comme une déclaration de guerre à leurs deux pays. Est-ce que vous ne craignez pas qu’une intervention armée déclenche une implosion de la Cédéao, voire un conflit régional ?S’il devait y avoir une intervention au Niger, il ne s’agit pas d’intervenir contre un pays. Il s’agit d’aller libérer une autorité démocratiquement élue, prise en otage par des personnes qui avaient la charge de sa sécurité. Donc, en réalité, on n’est pas dans le cas des fantasmes de guerre, etc., il s’agit d’aller libérer et de réinstaller un président régulièrement élu. 
8/3/20234 minutes, 16 seconds
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Mort de Henri Konan Bédié: en Côte d'Ivoire, «le PDCI va continuer à peser parmi les trois grands partis»

L'ancien chef de l'État Henri Konan Bédié est mort mardi à l'âge de 89 ans des suites d'un malaise. La scène politique ivoirienne perd un de ces poids lourds, qui avait conservé encore aujourd'hui toute son influence, notamment à la tête de son parti, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI). Entretien avec Sylvain N'Guessan, analyse politique et directeur de l'Institut de stratégie d'Abidjan. RFI : Sylvain N'Guessan, Henri Konan Bédié est mort à 89 ans. Quels souvenirs laisse-t-il aujourd’hui à la Côte d’Ivoire et aux Ivoiriens ?Sylvain N'Guessan : Monsieur Henri Konan Bédié laisse aux Ivoiriens un parti politique qui se prépare pour les élections locales avec plusieurs cadres dont pratiquement aucun n’est parvenu à s’imposer jusque-là au-devant de la scène. Donc, c’est un PDCI fort. Mais on attend de voir le successeur de Henri Konan Bédié qui pourrait d’abord s’imposer à l’interne, ensuite face aux autres formations politiques.Justement, Henri Konan Bédié avait gardé toute son influence à la tête du PDCI. Quelle place occupait-il dans la politique ivoirienne il y a encore quelques semaines ?Jusque-là, il faisait partie de ce qu’on appelle « les trois grands » en Côte d’Ivoire avec les deux autres qui sont présents, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo. Jusque-là, il incarnait une bonne partie du champ politique ivoirien avec un électorat quand même assez bien positionné. L’un des points marquants de la carrière d’Henri Konan Bédié, c’est aussi le débat autour de l’ivoirité qui a déchiré le pays. Est-ce que cela a terni son image ?Oui. Pour la plupart des personnes qui en parlent, Henri Konan Bédié aurait utilisé le concept d’ivoirité au niveau politique, et lui-même lors de la table-ronde de Marcoussis où a dit que c’était plus un concept culturel pour amener les Ivoiriens à consommer du local, à la préférence locale. Une sorte de motivation pour la préférence culturelle ivoirienne et qu’il n’avait pas l’ambition d’en faire un concept politique. Toujours est-il que vers les années 1990, il y avait plusieurs personnes autour de lui qui en ont fait un usage politique.Ce concept d’ivoirité a quand même mené à la division de la Côte d’Ivoire. A quel point cela a-t-il bousculé l’histoire du pays ?À plusieurs niveaux. Déjà en 1990, il y a eu la carte de séjour. On était jeunes, on découvrait qu’il y avait des gens qui devaient payer un titre pour séjourner en Côte d’Ivoire et que nous, on ne devait pas en payer. Ensuite, il y a eu le concept d’ivoirité et les conditions d’éligibilité à la présidence de la République : être né de parents ivoiriens, eux-mêmes nés de parents ivoiriens. Donc, Alassane Ouattara n’avait pas pu se présenter en 1995. Puis, il y a eu l’arrestation d’un leader de l’opposition, les négociations qui n’ont pas abouti, puis le coup d’État de 1999 malheureusement.Henri Konan Bédié avait gardé beaucoup d’influence sur la scène politique nationale et à la tête de son parti, le PDCI. Est-ce que jusqu’au bout, il a cru avoir une chance de revenir au pouvoir ? Je pense qu’il y a cru à un certain moment lorsqu’il a lancé l’appel de Daoukro. Je pense qu’il estimait qu’après le mandat d’Alassane Ouattara, ça devrait être à son tour d’être le candidat du RHDP d’alors, en tant qu’ensemble de partis politiques. Dès lors qu’il n’a pas eu de retour à l’appel de Daoukro, je pense qu’il était assez réaliste avec son expérience d’homme politique pour comprendre qu’il ne pourrait plus revenir.Le PDCI, le plus vieux parti de Côte d’Ivoire, après 76 ans d’existence, est aujourd’hui traversé par des luttes internes. Est-ce que vous pensez qu’il peut survivre à la mort d’Henri Konan Bédié ?Oui, je le pense. Sur ça, je suis vraiment affirmatif. Le PDCI a eu à traverser plusieurs zones de turbulences, mais je pense que ceux qui devaient partir sont en grande majorité partis. Maintenant, comment va se faire la relève ? Est-ce que c’est un clan qui va s’imposer ? Je pense que ça va se jouer là. Mais l’électorat du PDCI quand même demeure, même s’ils ont perdu plusieurs bastions. Je pense que le PDCI va continuer à peser parmi ce que l’on appelle les « trois grands partis politiques ». Je le pense.Au-delà du personnage politique de Henri Konan Bédié, comment décririez-vous l’homme qu’il a été ?Il a été un bon faiseur de rois. Tous ceux avec qui il s’est allié ont pu gagner la présidentielle. C’est vrai qu’il y a eu la période difficile avec les syndicats avec les étudiants. Par la suite, je pense qu’il a joué pour un retour à la paix et à la réconciliation en Côte d’Ivoire. Même si sa procédure n’a pas toujours été comprise, même si sa démarche n’a pas toujours été appréciée. À lire aussiHenri Konan Bédié, «sphinx de Daoukro» et géant de la politique ivoirienne, tire sa révérence
8/2/20233 minutes, 59 seconds
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Niger: «Le président de la Cédéao Bola Tinubu joue sa crédibilité»

Après le coup d'État du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) contre le président nigérien Mohamed Bazoum, la Cédéao, réunie en sommet extraordinaire à Abuja, a annoncé un train de sanctions d'une sévérité jamais égalée, et a menacé d'une intervention militaire si le pouvoir n'est pas remis aux institutions élues. Entretien avec Abdoulaye Barry, doctorant à l'Université pour la paix (Upeace), une institution académique de l'ONU. RFI : Abdoulaye Barry, à quel point la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) vous semble crédible lorsqu’elle brandit la menace d’une intervention militaire au Niger ?Abdoulaye Barry : Ce qui se passe au Niger aujourd’hui, c’est que le président en exercice de la Cédéao, le président nigérian Bola Tinubu, joue sa crédibilité parce qu’il a donné sa parole le 9 juillet dernier en Guinée-Bissau, lors du dernier sommet, qu’il ne tolèrera aucun putsch en Afrique au sein de la Cédéao. Désormais, on peut dire qu’il a un cas pratique. C’est à lui de nous montrer qu’il tient à respecter sa parole d’honneur. Et aussi, la Cédéao a désormais une dernière chance pour rétablir sa crédibilité.Est-ce qu’il y a déjà eu des précédents dans ce domaine ?Oui. On se rappelle donc l’Ecomog [ancien groupe militaire d’intervention placé sous la direction de la Cédéao, NDLR] au Liberia. La Cédéao avait envoyé des forces. Il y a eu aussi en Guinée-Bissau, les forces de la Cédéao étaient là-bas jusqu’aux élections de l’actuel président avant de quitter.Est-ce que l’intervention militaire a permis dans ces cas à la Cédéao d’imposer sa solution aux pays en crise ?On peut dire « oui » pour le cas du Liberia, pour le cas également de la Guinée-Bissau. On peut dire que l’intervention de la Cédéao a permis d’aller vers l’organisation d’élections libres et transparentes qui ont abouti au choix d’un président démocratiquement élu. Maintenant, pour le reste, il y a des défis démocratiques qui restent dans ces pays étant donné que la Cédéao n’intervient pas dans la gouvernance démocratique interne des pays.Si une telle intervention se réalise, est-ce que cette mission serait dévolue à la force en attente ou est-ce qu’elle se ferait sur un montage basé sur le volontariat ?D’abord, sur le cas du Niger, il y a deux schémas qui sont possibles. Actuellement, je peux vous dire qu’il y a deux brigades d’infanterie de l’armée nigériane qui sont déjà positionnées à la frontière nigérienne, et qui sont prêtes à intervenir à tout moment. Il y a aussi qu’au niveau de la communauté internationale, l’ambassadeur américain au niveau de l’ONU a donné son accord au président élu Mohamed Bazoum quant au soutien des États-Unis pour des mesures au niveau du Conseil de paix et de sécurité en vue de soutenir cette intervention qui pourrait aussi, on va le dire, se dérouler sous un mandat onusien. Ce sont les deux possibilités. Mais à l’évidence, il y a d’autres pays qui pourraient entrer en jeu, notamment le Tchad et l’Algérie qui ont déjà montré leur disponibilité à accompagner le retour à la légalité constitutionnelle.Quel est l’état de l’armée nigérienne aujourd’hui ?L’armée nigérienne, ces 10 dernières années, voire ces 13 années, a connu beaucoup de mutations avec la formation de plus d’une quinzaine de bataillons de forces spéciales sous le président Mahamadou Issoufou. Ces formations et ces équipements se sont poursuivis sous le président Mohamed Bazoum. On peut dire que c’est une armée acceptable dans la mesure où c’est le seul pays quand même des trois, avec le Mali et le Burkina Faso, qui arrive encore à assurer l’intégrité de son territoire.Dans ces conditions, qu’est-ce qu’il risque de se passer d’autant plus que le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), la junte qui a pris le pouvoir, assure qu’il est prêt à défendre la souveraineté du Niger ?Non, la souveraineté du Niger ne se retrouve pas dans les mains de putschistes. La souveraineté du Niger se trouve dans les mains d’un président démocratiquement élu. Je ne pense pas que les jeunes soldats, l’armée nigérienne de façon globale, va soutenir ces généraux qui ne sont pas, je suis désolé de le dire, des exemples, en tout cas en matière d’éthique, en matière d’intégrité et en matière de serment de soldat.Mais que se passerait-il si certaines unités allaient au combat ?Vous vous rappelez que Yahya Jammeh [dirigeant de la Gambie de 1994 à 2017, NDLR] avait dit qu’il allait se battre jusqu’à la dernière goutte de sang. Lorsque l’aviation sénégalaise avait commencé a survolé sa maison, on a vu tout de suite comment les choses ont tourné après. C’est lui-même qui a appelé le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz pour lui dire qu’il voulait une porte de sortie honorable. Et je pense que dans le cas du Niger, lorsque les avions de la République fédérale du Nigeria vont commencer à survoler les terres nigériennes, il y aura des défections parce que tout le monde n’a pas rallié véritablement. Il y a la garde républicaine qui n’a pas rallié et il y a beaucoup d’autres unités qui n’ont pas rallié. Il y aura de plus en plus de défections et je pense que les généraux vont se chercher sans combattre.Est-ce qu’il existe toujours une porte de sortie honorable pour les putschistes ?La dernière porte de sortie honorable pour les putschistes, c’est d’accepter de quitter le pouvoir et de partir. C’est la seule porte qui reste. Je ne pense pas qu’ils puissent tenir au-delà d’une semaine parce qu’il y aura une intervention militaire qui va les déloger.Donc, vous estimez, vous, que l’intervention militaire aura lieu quoi qu’il arrive s’ils ne quittent pas le pouvoir ?Le président Bola Tinubu - j’ai échangé avec beaucoup de ses proches -, est ferme et il est clair là-dessus. Il a envoyé plusieurs messages aux putschistes du Niger : s’ils ne quittent pas, l’intervention militaire est bel et bien sur la table comme option et il va intervenir à tout moment.À lire aussiCoup d’État au Niger: la Cédéao a-t-elle les moyens d’intervenir militairement?
8/1/20234 minutes, 59 seconds
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Coup d'État au Niger: les mesures annoncées par la Cédéao se distinguent par leur «rapidité» et leur «fermeté»

À l’issue d’un sommet extraordinaire, les dirigeants de la Cédéao ont demandé la libération immédiate du président nigérien Bazoum et le retour à l’ordre constitutionnel dans un délai d’une semaine. Sans quoi elle se dit prête à prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l’usage de la force. Quels pays pourraient être prêts à fournir des contingents pour intervenir au Niger ? Entretien avec Hassane Koné, chercheur principal à l'Institut d'études de sécurité et colonel à la retraite de la gendarmerie mauritanienne. RFI : Hassane Koné, de telles décisions de la part de l’instance sous-régionale, c’est du jamais vu, non ?Hassane Koné : Oui, effectivement, c’est du jamais vu depuis quand même un certain nombre d’années. Parce que, même si la Cédéao avait eu, à un moment donné par le passé, à avoir des mesures ou des actions fortes, ces dernières années, elle a beaucoup plus eu des mesures qui sont certes des sanctions. Mais ce sont des mesures qui ne sont pas aussi fortes et aussi fermes. Ce sont des mesures qui se distinguent d’abord par leur rapidité dans laquelle elles sont été prises, ensuite par leur fermeté en accordant une seule semaine aux putschistes pour rendre le pouvoir, et en brandissant aussi la menace d’une intervention militaire. Ce n'était plus dans le langage de la Cédéao. C’est quand même quelque chose de nouveau, de particulier.La Communauté économique des États l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a annoncé que les chefs d’état-major de la défense des pays membres allaient se réunir immédiatement. Concrètement qui pourrait intervenir militairement au Niger ?Toutes les forces des pays de la Cédéao sont habilitées à pouvoir agir, mais cela demanderait une logistique d’abord très importante pour déployer ces forces. C’est vrai que les pays les plus proches qui sont aux alentours - vous avez le Nigeria, vous avez le Bénin, vous avez le Togo -, ce sont les pays qui sont quand même en front avec le Niger. Sinon, pour les autres pays de la Cédéao qui ont décidé d’envoyer des troupes, ça demanderait une certaine logistique, un pont aérien qui va déployer des troupes et ce ne sera pas quelque chose qui est très facile.On sait que par le passé, l’organisation avait une force d’intervention, l’Ecomog. Lui a succédé la force en attente de la Cédéao, mais celle-ci n’est pas opérationnelle aujourd’hui.Non, la force en attente de la Cédéao n’est pas opérationnelle. Et ça nous amène à cette question : comment la Cédéao peut mobiliser d’abord cette force en si peu de temps ? Et quelles sont les forces qui peuvent être mobilisées en si peu de temps ? En pratique, la planification et la conception de telles opérations prennent un peu de temps. Les pays de la Cédéao ne sont pas tous outillés par des moyens logistiques, surtout par des moyens de transports aériens qui permettent à ce que des troupes soient projetées, c’est un défi énorme à dépasser. Maintenant, c’est une action militaire assez difficile d’abord à concevoir et ensuite à mener, parce que c’est d’abord une armée nigérienne, c’est vrai qu’il y a une partie qui a mené le coup d’État. Elle a été ralliée par une partie. Mais rien n’indique que, si une opération extérieure est lancée, les putschistes ne jouent pas sur ça pour essayer de rameuter toute la troupe autour d'eux, sur la base de slogans patriotiques d’une agression extérieure. Et ça peut aussi avoir des incidences ou des impacts assez importants.La Cédéao a décidément tapé très fort contre les putschistes, en annonçant également la suspension de toutes les transactions commerciales entre ses États membres et le Niger. Est-ce que ces décisions portent la marque de Bola Tinubu, le nouveau président de la Cédéao ?Oui. Toutes les décisions qui ont été prises portent la marque du nouveau président de la Cédéao qui, dès son arrivée, dès sa prise de fonction à la tête de la Cédéao, a martelé qu’il n’était plus question d’accepter des changements anticonstitutionnels. Ce sont des mesures qui ont été prises en connaissant aussi la position géographique du Niger, parce que le Niger est un pays très enclavé, un pays très fragile économiquement, et qui est un pays très dépendant du Nigeria, du port de Cotonou et du port de Lomé. Le Niger par exemple est dépendant à 50% de ses besoins énergétiques de la part du Nigeria. Le président tchadien Mahamat Idriss Déby s’est rendu hier à Niamey pour tenter une médiation. C’est une initiative tchadienne, il n’a pas de mandat de la Cédéao. Sa venue à Niamey peut-elle permettre une avancée, selon vous ?Oui, la venue du président Déby peut aider à faire avancer les choses. D’abord, le président Déby est voisin du Niger et il y a eu assez de relations ou de rapports entre ces deux armées dans le cadre de la lutte contre Boko Haram autour du bassin Tchad dans le cadre de la force multinationale mixte. Et le général Déby a beaucoup de rapports au sein du milieu des officiers, supérieurs mais aussi généraux, de cette armée nigérienne, etc. Je pense que c’est dans ce sens peut-être qu’il a essayé de faire cette démarche pour essayer de voir en quoi, lui, il peut aider. Je sais que cette action va s’inscrire dans la même démarche que celle initiée par le président Mahamadou  Issoufou, qui lui aussi continue jusqu’à présent à mener ce contact pour essayer de trouver une sortie qui, éventuellement, est acceptable pour les putschistes qui demanderont certainement, même s’ils acceptaient une solution, il leur faut quand même certaines garanties. Donc, la venue de Déby ne fait que conforter ou renforcer les démarches qui sont en cours.À lire aussiCoup d'État au Niger: la Cédéao prend des sanctions, le président tchadien à Niamey pour une médiation
7/31/20233 minutes, 53 seconds
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«Nous n'avons pas les mêmes problématiques que les femmes des autres continents»

Depuis 61 ans, le 31 juillet marque la Journée internationale de la femme africaine. Le 31 juillet 1962, des femmes africaines venues de tout le continent se sont réunies à Dar es Salaam, en Tanzanie. Elles ont créé l’Organisation panafricaine des femmes. Entretien avec Jaly Badiane, présidente de l'association Wa Mbedemi, qui œuvre pour l'autonomisation des femmes au Sénégal.
7/30/20235 minutes, 35 seconds
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Niger: «Il n'y a pas de blocage de la démocratie, c'est un cas de figure différent des coups d'État précédents»

Au Niger, le chef d'état-major général des armées, le général Abdou Sidikou Issa, a annoncé hier, jeudi, qu’il ralliait les putschistes. Ces derniers avaient annoncé avoir pris le pouvoir au soir du 26 juillet. Des militaires qui ont suspendu des institutions et fermé les frontières. Comment analyser la situation sur place ? Pierre Firtion fait le point ce matin avec Jean-Pierre Olivier de Sardan, directeur de recherche au CNRS et professeur associé à l’université Abdou Moumouni de Niamey. RFI : Jean-Pierre Olivier de Sardan, le chef d’état-major des armées, le général Abdou Sidikou, a apporté le 27 juillet 2023 son soutien aux militaires putschistes. Cela veut-il dire que le coup d’État est consommé ?Jean-Pierre Olivier de Sardan : Je n’en ai aucune idée, personne n’en a encore aucune idée de si la situation actuelle est définitive ou pas. Il y a très très peu d’informations qui filtrent. Les différentes parties font très peu de déclarations. Donc apparemment,ça s’est dénoué dans un sens qu’on n’imaginait pas du tout, même après le début de la révolte - ou de la mutinerie - de la Garde présidentielle, on n’imaginait pas forcément que ça se termine comme ça. C’est assez étonnant, personne ne sait très bien comment ça va se terminer. Visiblement, au sein de la classe politique, une partie de l’opposition se serait ralliée aux putschistes.Oui, j’en ai entendu parler, mais là aussi, ce n’est pas encore très officiel, on a peu de choses, on a tel ou tel parti qui déclare ça, donc on ne sait pas. Ce qui est vrai, c’est que le pays était quand même assez divisé, clivé, surtout après les deux mandats de Mahamadou Issoufou. Il y a donc une partie de l’opinion publique, ou de la population, qui est très hostile au PNDS [Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme, Ndlr], même si Bazoum se démarquait quand même par différents aspects de ce qu’avait fait son prédécesseur et il avait réussi à acquérir, peut-être, plus de popularité que son prédécesseur. Donc c’est probable qu’une partie de l’opposition va se rallier, ça n’aurait rien d’étonnant. Les militaires putschistes ont justifié ce coup d’État par « la dégradation continue de la situation sécuritaire, la mauvaise gouvernance économique et sociale ». Ce sont là les vraies raisons, selon vous, de ce renversement ? C’est un peu des déclarations convenues. Tous les coups d’État militaire disent ça. Non, c’est très difficile à savoir. C’est un peu paradoxal parce que, d’une certaine façon, par rapport à la situation sécuritaire, même si elle est difficile dans la zone des trois frontières, le Niger tient bien mieux, et a bien mieux tenu, d’un point de vue militaire, que ses voisins. Ils ont probablement une stratégie de reconquête posée, de population et de territoires, qui est plus solide qu’à côté. Ils ont un système de dialogue intercommunautaire immédiat dès qu’il y a des problème, qui, là aussi, est beaucoup plus développé qu’à côté pour essayer d’éviter que telle communauté, en particulier les Peuls, soient victimes d’attaques des forces armées ou de revanche des milices. Je trouve qu’ils s’en sortaient quand même un peu mieux. Quant à la gouvernance, là aussi, elle n’était pas formidable, on ne peut pas dire que tout soit extraordinaire, mais en même temps, le Niger faisait plutôt moins mal que ses voisins. Donc c’est difficile à dire ce qui derrière ces déclarations, un peu convenues, se cache vraiment. On voit que l’histoire se répète : le Niger avait déjà connu quatre coups d’État depuis son indépendance en 1960. Le dernier, c’était il y a un peu plus de 13 ans, en février 2010, contre le président Mamadou Tandja. Oui, mais les trois derniers coups d’État qu’il y a eus, c’était un paradoxe dans la région parce que c’étaient des coups d’État disons de tentative de restauration de la démocratie quand elle était bloquée. Là, ce n’est pas du tout clair, il n’y a pas de blocage particulier de la démocratie, donc on est dans un cas de figure complètement différent, il me semble, des coups d’État précédents. Jean-Pierre Olivier de Sardan, on constate une recrudescence des coups d’État militaire ces dernières années en Afrique, comment vous l’expliquez ? Ça fait maintenant depuis plusieurs années que la démocratie est devenue impopulaire, est devenue extrêmement décriée comme un régime qui a accru la corruption, qui a accru l’affairisme, qui n’a pas réglé les problèmes. Et cette crise de la démocratie est en fait paradoxalement imputée à l’Occident, la démocratie est imputée comme un  régime venant de l’Occident alors que c’est au contraire un produit des luttes populaires, des luttes des étudiants au moment des conférences nationales. Donc ce qui était en fait une réaction contre les dictatures militaires de l’époque, qui a amené la démocratie pour des raisons internes, du fait qu’elle a été tellement mal défendue, de façon tellement arrogante par l’Occident, qu’elle est devenue au contraire associée maintenant à l’Occident et c’est une des raisons pour lesquelles elle est rejetée. Derrière ça, c’est vraiment le problème de la crise très profonde des démocraties en Afrique depuis qu’elles se sont instaurées après la première vague de coup d’État militaire. La première vague de coups d’État militaire, c’était contre des régimes de partis uniques qui étaient devenus illégitimes. Là, la situation est complètement nouvelle, la seconde vague de coups d’État, c’est contre la démocratie elle-même qui est devenue illégitime. C’est une nouveauté, une nouveauté dont on n’a pas à se réjouir, évidemment
7/28/20234 minutes, 9 seconds
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Sommet Russie-Afrique: «L'enjeu fondamental est de définir une nouvelle stratégie de coopération directe»

Quatre ans après Sotchi, le sommet Russie-Afrique se tient à partir de ce jeudi 27 juillet à Saint-Pétersbourg en Russie et doit durer deux jours. Cette nouvelle édition se tient dans un contexte particulier, alors que Moscou est en guerre en Ukraine depuis un an et demi. Selon le Kremlin, 49 pays africains et 17 chefs d’État ont confirmé leur participation à ce rendez-vous. Plusieurs thématiques devraient être abordées comme l’énergie, la sécurité ou encore l’alimentation. La semaine dernière, Moscou s’est retiré de l’accord céréalier qui permettait l'exportation des grains ukrainiens via la mer Noire. Quel est l’enjeu de ce sommet ? Quel avenir pour la société paramilitaire Wagner, un mois après le coup de force de son chef Evgueni Prigojine ? Des questions que Pierre Firtion a posé à Ahoua Don Mello, consultant du patronat russe sur les dossiers africains et représentant pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale des BRICS, l’alliance entre la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud.  RFI : Ahoua Don Mello, quatre ans après Sotchi, quel est l’enjeu de ce sommet Russie-Afrique ?Ahoua Don Mello : L’enjeu fondamental, évidemment, c’est de resserrer les relations politiques et idéologiques entre l’Afrique et la Russie. Mais au-delà du lien idéologique et politique, il y a des enjeux économiques énormes. Et aussi, au-delà, donner un contenu de développement au rapport économique entre l’Afrique et la Russie.En 2019, 43 chefs d’État et de gouvernement avaient fait le déplacement à Sotchi. En pleine guerre en Ukraine, la Russie veut montrer qu’elle n’est pas isolée sur la scène internationale. Néanmoins, ça va être compliqué de faire mieux qu’à Sotchi…Vu l’écho favorable que rencontre la vision de Poutine à travers l’Afrique, il y aura certainement une mobilisation des peuples, d’abord, autour de ce sommet. Et deuxièmement, les chefs d’État qui peuvent véritablement assumer leur souveraineté et leur indépendance vis-à-vis de l’Occident, parce qu’on n’oublie pas qu’il y a beaucoup de pression sur plusieurs chefs d’État, ceux-là se rendront là-bas pour négocier un nouveau partenariat entre la Russie et l’Afrique.La semaine dernière, la Russie s’est retirée de l’accord céréalier qui permet notamment l’approvisionnement du continent en céréales ukrainiennes, n’est-ce pas une mauvaise manière faite là au continent africain ?On se rend compte qu’en fait, cet accord-là sert beaucoup plus à l’Europe qu’à l’Afrique. Et Vladimir Poutine l’a dénoncé publiquement. Et il a dénoncé les entraves à l’exportation de produits russes vers le continent africain, et je crois que c’est tout ceci qui constitue les problématiques à régler pour qu’on puisse ouvrir de nouvelles perspectives.Est-ce selon vous un hasard si la Russie s’est retirée de l’accord quelques jours avant le sommet de Saint-Pétersbourg ?Non, il (Vladimir Poutine) l’avait déjà dénoncé en septembre en 2022.Il avait été reconduit quand même, cet accord, à plusieurs reprises…Oui, mais il l’a dénoncé, il a averti que ça ne permettait pas d’atteindre les objectifs affichés.Outre cette question, de nombreux autres thèmes seront abordés lors de ce sommet. On voit mal comment l’avenir de Wagner en Afrique pourrait ne pas être évoqué.L’avenir de Wagner, ça, je crois que c’est l’affaire des chefs d’État africains puisque Wagner, comme vous le savez, est une société privée qui a contracté avec les différents États. Donc, c’est aux États d’apprécier la situation et de renouveler leur confiance en Wagner ou de chercher des alternatives dans la mesure où il y a quand même beaucoup de pays qui ont signé des accords directs de coopération entre la Russie et ces différents pays africains. Et ces accords-là peuvent être renforcés pour pouvoir suppléer éventuellement au phénomène Wagner.Mais après le coup de force de Prigojine du 24 juin, la société Wagner va-t-elle continuer à exercer ses activités comme avant ? Aura-t-elle la même marge de manœuvre selon vous ?Les marges de manœuvre de Wagner sont insondables, mais ce qui est important, c’est la montée en puissance des armées nationales. Et ça, je crois que les accords de coopération et de défense entre la Russie et les pays africains, permettent justement de combler l’absence même de Wagner si tous les volets de cet accord-là sont activés au profit des forces nationales. Et donc Wagner sera de moins en moins présent dans la mesure où les forces nationales reprendront progressivement le relais.Pensez-vous que certains pays vont profiter de ce sommet pour signer de nouveaux contrats d’armement avec Moscou ?Oui, ça c’est sûr, dans la mesure où la technologie russe est beaucoup plus désirée en Afrique et le partenariat russe, en matière de défense et de sécurité, a fait ses preuves en Afrique. Et donc je pense que l’occasion est belle pour améliorer la coopération militaire entre l’Afrique et la Russie.Les investissements russes présentent moins d’1% des investissements étrangers sur le continent. La Russie exporte très peu de produits africains, les objectifs fixés à Sotchi en termes de volumes d’échange n’ont clairement pas été atteints.La crise ukrainienne a constitué un véritable obstacle à l’atteinte de ces objectifs, et je pense que cette crise-là va nous permettre de définir une nouvelle stratégie de coopération directe entre l’Afrique et la Russie, et c’est l’enjeu fondamental de ce sommet-là.
7/27/20236 minutes, 30 seconds
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Paris 2024: «Nous envisageons une hausse de la participation des athlètes africains de 15%» selon Mustapha Berraf

Quelles sont les meilleures chances de médailles pour l'Afrique aux Jeux olympiques de Paris l'an prochain ? Quelles sont les disciplines sportives où les comités olympiques africains mettent de l'argent pour préparer leurs meilleurs athlètes ? Mustapha Berraf est un ancien champion de basket-ball algérien. Aujourd'hui, il est membre du CIO, le Comité international olympique, et préside l'ACNOA, l'Association des comités nationaux olympiques d'Afrique. À un an jour pour jour de l'ouverture des JO de Paris, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Mustapha Berraf, à un an des Jeux olympiques de Paris 2024, quels sont les moyens qui sont mis en œuvre pour aider les comités olympiques nationaux africains ? Mustapha Berraf : Pour nous, il s’agit surtout d’avoir une plus grande participation des athlètes africains, et je pense qu’on est sur la bonne voie. Comme vous le savez, il y a eu près de 1 000 athlètes qui ont participé à Tokyo en 2021. Nous envisageons pour les Jeux de Paris une progression de 15% par rapport à Tokyo. Nous avons mis une cagnotte de quelques millions de dollars pour permettre à nos athlètes de se préparer dans les meilleures conditions et de participer à Paris en force. Nous avons des visées sur certains sports qui nous font récolter des médailles, par exemple le judo, l’athlétisme. Il y a aussi, pour tous les pays africains, un montant qui a été dégagé, qui est autour de 150 000 dollars par an pour chaque pays, pour chaque CNO [Comité national olympique, NDLR], afin de soutenir la préparation des athlètes. Et pour le judo, par exemple, quels sont les pays où s’entrainent les futurs champions ? Pour le judo, il y a, à partir du 4 août prochain, le Grand Chelem de judo à Budapest. Il y a le Japon, qui a quand même ouvert quelques portes. Il y a la France, avec qui nous entretenons de très bons rapports. D’ailleurs, nous avons même des athlètes qui se préparent avec des champions français et cela permet quand même d’être une locomotive pour les athlètes africains. La France, il faut le dire, le Comité olympique français a toujours été prêt à soutenir les athlètes africains, et je pense qu’avec l’avènement maintenant du nouveau président, monsieur David Lappartient [président de l'Union cycliste internationale, Ndlr], nous aurons encore davantage de bonnes perspectives d’avenir. Votre association a passé récemment un accord avec la Chine. Quelles sont les disciplines où les Chinois peuvent apporter quelque chose aux athlètes africains ? Il y a quelques sports collectifs, le basket, il y a les sports de combat, il y a le taekwondo, où nous avons aussi quand même des champions olympiques. Il y a le judo, naturellement. Il y a certaines activités de l’athlétisme aussi. Prendre connaissance des technologies et des techniques d’entrainement des pays d’Asie peut être aussi un apport important pour nous. Est-ce que pour vous ces Jeux de Paris ont une saveur particulière ? Naturellement, puisque nous sommes des partenaires privilégiés de la France. Et nous aimons la France aussi, nous aimons particulièrement Paris. Quelles sont les disciplines fortes de l’Afrique sur lesquelles vous misez pour 2024 ? Est-ce que c’est plus le demi-fond, est-ce que c’est plus le judo ? C’est le demi-fond, le taekwondo et la boxe. Nous avons de très bons boxeurs, et aussi la boxe féminine, qui risque de nous apporter de très bons résultats.Mais le demi-fond, ça restel’une des spécialités africaines, notamment de l’Afrique de l’Est ? Exactement, et aussi de l’Afrique du Nord, avec l’Algérie, le Maroc, sur le 1 500 mètres et le 800 mètres, qui risquent de nous apporter pas mal de résultats. Et le taekwondo, est-ce qu’il y a des athlètes d’Afrique de l’Ouest qui sont en vue dans cette discipline ? Oui, il y a les Maliens, il y a les Ivoiriens, il y a vraiment de très grands potentiels dans cette discipline, donc c’est formidable.Est-ce que vous comptez sur quelques têtes d’affiche ? Oui, vous savez qu’il y a une jeune Éthiopienne qui vient de battre deux records. Vous avez quand même des Kényans, des Éthiopiens qui sont en train de réaliser de très grandes performances aux championnats du monde d’athlétisme. Et est-ce que des champions, comme le Burkinabè Hugues Fabrice Zango, dans le triple-saut, et la sprinteuse ivoirienne Marie-Josée Ta Lou, dans le 100 mètres, peuvent être des exemples pour la jeunesse africaine ? Ils le sont, et nous comptons beaucoup sur eux. D’ailleurs, ils ont un comportement exemplaire, tant moral que technique, professionnel. Pour réussir, il faut travailler, avec acharnement et détermination.
7/26/20234 minutes, 6 seconds
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Haythem El Mekki: en Tunisie, «les gens pensent que Kaïs Saïed reste un meilleur choix pour eux que ses concurrents»

C'était il y a deux ans jour pour jour. Le 25 juillet 2021, le président tunisien Kaïs Saïed suspendait le Parlement, qui était présidé par le dirigeant islamiste Rached Ghannouchi. Et aujourd'hui, ce dernier est en prison. Quel bilan tirer de ce coup de force ? Les islamistes sont-ils les seules victimes de la répression actuelle ? Depuis la révolution de 2011, Haythem El Mekki est journaliste et chroniqueur sur la radio tunisienne Mosaïque FM. En ligne de Tunis, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Haythem El Mekki, il y a deux ans, le coup de force du président Kaïs Saïed contre le Parlement a été soutenu par une partie de la population tunisienne. Mais est-ce que ce soutien n’est pas en train de s’effriter ? Haythem El Mekki : Je ne dirais pas qu’il est en train de s’effriter, parce que je ne dispose pas de données concrètes qui le prouvent, d’autant plus que les instituts de sondage avancent que la popularité du président se situe toujours à des niveaux très hauts, surtout qu’il profite de l’absence de concurrence sérieuse. Nous avons des cotes de popularité, des intentions de vote qui montent à 60%, et vous avez les concurrents directs du président qui se situent à moins de 10%. Donc, en gros, les gens pensent que la situation ne s’améliore pas. Mais ils pensent que le président Kaïs Saïed reste toujours un meilleur choix pour eux que la totalité de ses concurrents. Oui, mais 80% d’abstention au référendum constitutionnel de l’année dernière, près de 90% d’abstention aux législatives d’il y a six mois, est-ce que ce n’est pas un signe quand même ? Alors, il faut faire la différence entre la popularité du président, et la popularité de son projet politique. Le programme du président, c’est-à-dire ces élections législatives, etc., ça ne fédère pas une grande adhésion. Mais lui, par contre, si. Et ça, c’est essentiellement à cause du bilan catastrophique de la décennie passée, c’est-à-dire de ses adversaires, qui font que les gens continuent toujours d’associer la situation socio-économique catastrophique du pays au bilan de ces dix dernières années. Ils pensent que le président ne peut pas, objectivement, y changer grand-chose. La condamnation, au mois de mai dernier, de Rached Ghannouchi, le chef du parti islamiste Ennahda, à un an de prison, est-ce que ce n’est pas inquiétant du point de vue de la démocratie ? En fait, ce qui est inquiétant pour la démocratie n’est pas juste que Ghannouchi soit jugé. Déjà, parce qu’il n’est pas le seul à être jugé. Il y a plus d’une dizaine de leaderspolitiques qui sont actuellement en prison pour cette fameuse affaire de complot contre la sécurité de l’État, sans que l’opinion publique ne dispose de la moindre preuve ou de la moindre explication. Il y a également une décision de justice qui interdit aux médias d’évoquer cette affaire. Ne parlons pas des multiples affaires en justice contre des journalistes pour des articles qui ne font que critiquer le gouvernement. Et là, ces journalistes qui subissent ces plaintes et ces affaires risquent quand même dix années de prison. Ne parlons pas des lois liberticides qui sont employées pour mater l’opposition. Il y a beaucoup, beaucoup d’autres indicateurs qui démontrent qu’il y a quand même un recul conséquent en ce qui concerne la démocratie, les droits et les libertés publiques et individuelles. L’affaire de Ghannouchi n’en est qu’un exemple parmi des dizaines.C’est ce que la vice-présidente du syndicat des journalistes tunisiens, Amira Mohamed, appelle « une dérive autoritaire dangereuse et une atteinte flagrante contre la liberté de la presse » ?Oui, évidemment, j’en sais quelque chose. Moi-même, j’ai eu à faire à ces plaintes, avec mon collègue Elyes Gharbi. J’ai vu mon collègue Khalifa Guesmi condamné à cinq ans de prison en appel, pour un article qu’il a publié concernant le démantèlement d’une cellule terroriste, et ce n’était même pas une fausse nouvelle, ce n’était pas une intox. J’ai également vu le patron de la radio pour laquelle je travaille, Mosaïque FM, arrêté et accusé de blanchiment d’argent, soi-disant parce que la ligne éditoriale de la radio s’attaque aux symboles de l’État, aux responsables de l’État. C’est-à-dire que les indicateurs se multiplient et vont tous dans le sens de cette dérive autoritaire telle que décrite par le syndicat.  Et qu’est-ce que vous espérez aujourd’hui ? J’espère que la cabale actuelle contre les migrants subsahariens va se terminer et qu’on va essayer de régulariser leur situation dans le respect de la dignité humaine et des droits humains. J’espère que la Tunisie commencera enfin à reprendre ses esprits, à revenir à la raison et à arrêter de sombrer dans la folie totale et dans l’inconséquence, comme elle est en train de le faire depuis un an et demi à peu près. Pourquoi ces attaques, de la part du président, contre les migrants africains depuis six mois ? Est-ce seulement par démagogie ? Est-ce seulement pour avoir plus de soutien dans certains milieux populaires tunisiens ? Ou est-ce aussi pour dramatiser et pour obtenir plus d'argent de la part de ses partenaires européens ?Je pense qu'il y a un peu de tout, il y a quelque part la fameuse tendance des hommes à trouver des boucs émissaires, à accuser la partie la plus faible, à s'en prendre à des victimes imaginaires pour essayer de justifier leur échec, la situation difficile qu'ils vivent, etc. C'est un classique tout au long de l'histoire. À chaque fois qu'il y a une crise économique et sociale majeure dans un pays, ce sont toujours les minorités qui « prennent cher ». Donc, que ce soient les Noirs, que ce soient les étrangers, les migrants, les Musulmans, les Juifs, les homosexuels. Enfin bref, il y a toujours une minorité qui est accusée de tous les maux du pays et qui subit un lynchage en règle.D'autant plus que, en Tunisie, il y a un vrai grand problème au niveau des migrants subsahariens. Parce que la Tunisie constitue une terre de transit pour une grande partie, on va dire des flux migratoires venant d'Afrique subsaharienne et même de Tunisie, de Libye ou d'Algérie. Et l'État tunisien n'arrive pas à gérer. Je pense que vous avez dû entendre parler des catastrophes qui ont eu lieu régulièrement : des embarcations de fortune qui sombrent, qui se noient en Méditerranée et des centaines de morts à chaque fois.Donc, il y a un vrai problème, ce qui justifie dans l'esprit de plusieurs personnes la violence dont ils font preuve envers les migrants subsahariens. Il y a également l'énorme pression de l'Union européenne, et notamment de l'Italie, qui a peur qu'un éventuel écroulement de l'État tunisien mène à des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de migrants qui traversent la Méditerranée pour rejoindre les côtes sud de l'Italie.Et par-dessus tout ça, et depuis un an et demi à peu près, il y a une folie qui s'empare de la Tunisie qui devient quasi officiellement une « Facebookratie ». La présidence est très influencée par ce qui se passe sur les réseaux sociaux. On a vu le président réagir à la problématique de la migration irrégulière après une campagne sur Facebook. Récemment, il a réagi à un sketch fait par un humoriste au Festival de Carthage parce qu'il y a eu également une mobilisation sur les réseaux sociaux. Avant ça, il a libéré un groupe de jeunes rappeurs qui ont été arrêtés pour une chanson où il se moque de la police. C’était également suite à une campagne sur les réseaux sociaux. Et on a l'impression que l'ordre du jour de la République est adopté suite à une veille sur les réseaux sociaux. La République navigue au gré des tendances des réseaux sociaux.
7/25/20238 minutes, 6 seconds
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Nigeria: «Bola Tinubu semble vouloir prendre toute sa place dans le jeu diplomatique régional»

Bola Tinubu a été désigné le 9 juillet président de la Cédéao, l’organisation sous-régionale. Défense de la démocratie, mise sur pied d’une troïka chargée de réfléchir sur les transitions démocratiques et les questions de sécurité, nomination d’un émissaire pour rencontrer les autorités maliennes, burkinabè et guinéennes… Le nouveau président nigérian a très vite imprimé sa marque. Quelle sera sa marge de manœuvre ? Va-t-il pouvoir renouveler une institution très décriée ces derniers temps ? Francis Kpatindé, spécialiste de l'Afrique de l'Ouest et maître de conférences à Sciences Po Paris, est l’invité de RFI. RFI : Francis Kpatindé, Bola Tinubu, peut-il relancer la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ?Francis Kpatindé : Oui, apparemment, il donne le sentiment qu’il peut relancer la machine. Il veut rompre avec l’atonie des deux quadriennats de son prédécesseur. Il semble vouloir prendre toute sa place dans le jeu diplomatique régional.Le retour du Nigeria sur le devant de la scène diplomatique était souhaité en plus par de nombreux dirigeants ouest-africains.Absolument. Vous savez, être le pays le plus peuplé d’Afrique, la première économie du continent, confère des responsabilités. Et je n’oublie pas que le Nigeria est candidat à un siège même permanent au Conseil de sécurité de l’ONU en cas d’élargissement.A peine désigné, Bola Tinubu a tenu un discours très ferme vis-à-vis des juntes militaires actuellement au pouvoir dans la région. Mais que peut changer son arrivée sur un plan politique ?C’est très important, le poids politique, géopolitique et diplomatique du Nigeria en Afrique de l’Ouest. Quand le Nigeria est enrhumé, comme on dit, c’est toute l’Afrique de l’Ouest qui tousse. C’est normal que Tinubu veuille peser. Je pense qu’on revient vers le pouvoir de Sani Abacha dans les années 1990 et de Olusegun Obasanjo. Bola Tinubu connaît l’Afrique de l’Ouest parce qu’il y a vécu, il a fait des affaires au Nigeria, certes, mais également en Côte d’Ivoire, au Ghana, en Guinée. Donc, il connait la région, et je pense qu’il veut mettre un terme aux atermoiements du Nigeria ces dix ou quinze dernières années.Trois pays, le Nigeria, le Bénin et la Guinée-Bissau ont été chargés de réfléchir sur les transitions démocratiques et les questions de sécurité dans la sous-région. Dans ce cadre, Patrice Talon va prochainement se rendre au Mali, au Burkina Faso et en Guinée. Cela veut dire que le président béninois va désormais plus s’impliquer sur les sujets régionaux ?C’est très intéressant, parce que, jusque-là, le président béninois Patrice Talon était très réservé sur les sommets régionaux, ou même panafricains. Ses relations avec Muhammadu Buhari [l'ex-président nigérian, Ndlr] étaient plutôt tièdes. Et avec Bola Tinubu, il semble plus volontaire à rejoindre pleinement la grande famille diplomatique ouest-africaine. Il a même accepté d’assumer des responsabilités. Il y a une volonté de la part du président Bola Tinubu de renouveler les médiateurs, les missi dominici qui vont dans ces pays avec des résultats plutôt mitigés.Sur un plan sécuritaire, il est question de relancer la force en attente de la Cédéao. Quels pourraient être ses moyens humains ?On peut imaginer mettre sur pied une force, l’Ecomog de la sous-région par exemple, en puisant dans le contingent ouest-africain qui est présent actuellement déjà dans la Minusma [la mission des Nations unies au Mali, Ndlr]. La Minusma est en train de passer la main. Ceux-ci n’auront plus qu’à juste troquer leurs casques bleus contre les casques blancs de la Cédéao.Mais la Minusma était financée par les Nations unies. La force en attente de la Cédéao ne sera financée que par la Cédéao. De quels autres moyens financiers pourrait-elle disposer ?Cette force sera financée par le Nigeria, qui n’est pas un petit pays, il faut le rappeler. Et le président béninois insiste beaucoup sur un point : c’est que les États de la région doivent mettre la main à la poche. Donc, il faudra le Nigeria, des pays comme le Ghana, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, qui sont les mieux lotis de la région, et qui doivent mettre la main à la poche. Il en va de la sécurité de l’ensemble des pays d’Afrique de l’Ouest.Et on pourrait imaginer, selon vous, un financement peut-être onusien ou européen, voire d’une manière générale de la communauté internationale ?Je crois que ça arrangerait même la communauté dite internationale, parce que ça allégerait son implication et les suspicions que ça entraîne, et pousser plutôt à une force régionale. L’Ecomog, qui a été créée en 1990, qui a compté jusqu’à 20 000 soldats et officiers, a contribué à amener la paix au Liberia, en Sierra Leone, et même en Côte d’Ivoire. Donc, ce sont des soldats qui connaissent la région. Et je crois que si on trouve un financement, si le président nigérian décide vraiment de mettre le paquet, comme l’ont fait certains de ses prédécesseurs, ça peut être une solution qui sauverait la face de tout le monde.
7/24/20234 minutes, 4 seconds
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Tiken Jah Fakoly: «Personne ne viendra changer l'Afrique à notre place, si on veut on peut y arriver»

Tiken Jah Fakoly est l’un des artistes les plus respectés en Afrique de l’Ouest et un militant de la première heure. Le chanteur ivoirien est actuellement en tournée en Europe, la première depuis la fin de la pandémie de Covid-19. Il sera notamment sur la Scène du Port du festival Les Escales de Saint-Nazaire, dans l’ouest de la France, dimanche 30 juillet. L’occasion d’évoquer les retrouvailles avec le public et l’économie liée à ces concerts.  RFI : Avez-vous l’impression que la crise du Covid-19 qui a tant touché l’économie culturelle est définitivement derrière nous ?Tiken Jah Fakoly : Oui, je crois que la crise est derrière nous, en tout cas en ce qui me concerne. Je peux le constater aussi chez mes collègues. Les concerts ont repris partout. Je sais qu’il y a plus de 200 festivals prévus en France. Nous, on a la chance d’être en quatrième position parmi les artistes qui tournent le plus. En tout cas, les choses ont repris, les choses ont repris complètement.J’imagine, tout simplement, que ça fait du bien ?Ah, oui. Et cela fait du bien parce que, pendant la pandémie, on ne pensait même pas que ça allait reprendre. On se posait des questions. Donc ça fait du bien aux fans aussi de nous retrouver sur le festival.Grâce à ces concerts, vous faites vivre combien de personnes, combien de familles ?Dans mon équipe, nous sommes au total 16 sur la route. Ça me permet donc de payer mes employés à Bamako, de payer aussi mes employés à Abidjan puisque j’ai Fakoly Productions à Abidjan, Fakoly Productions à Bamako, un studio d’enregistrement à Abidjan. La seule bibliothèque reggae d’Afrique et deux salles de répétition. C’est vrai que ces entreprises nous rapportent un peu d’argent, mais pas assez pour payer tout le monde parce que notre objectif, c’est d’encourager la nouvelle génération. Donc, on ne peut pas leur faire payer plein pot, on ne gagne pas assez d’argent. Les concerts que je fais en Europe me permettent de payer tous ces employés.Vous chantez à l’étranger depuis presque 30 ans maintenant. Est-il néanmoins toujours aussi difficile pour les jeunes musiciens africains d’obtenir les visas, d’obtenir les papiers pour venir travailler, comme vous le faites, à l’étranger ?Tout est difficile aujourd’hui pour les nouvelles générations. Il y a le visa, mais ça, c'est aussi parce que certains de nos collègues ont exagéré et ont essayé de blaguer avec ceux qui donnent les visas. La tâche est donc très difficile pour la génération d’aujourd’hui. Aujourd’hui, pour signer avec un label en Europe, il faut être original, il faut sortir de l’ordinaire. Il faut venir avec un son nouveau. Quelque chose qui puisse attirer tout de suite l’attention des gens et c’est ce qui peut faire qu’aujourd’hui, on puisse s’imposer.Avez-vous l’impression que le public en Europe se rende bien compte de la situation politique, sécuritaire en Afrique de l’Ouest ? Je pense au Mali, au Burkina Faso…Pas complètement. Mais grâce à des gens comme nous. Je ne suis pas le seul, il y a d’autres artistes qui en parlent dans les chansons. Les problèmes de sécurité dans le Sahel, les médias en parlent en France. Mais les gens ne voient pas jusqu’où on est, ne voient pas la gravité de la situation. Il y a des pays qui sont carrément menacés aujourd’hui. Les gens savent, mais ils ne savent pas jusqu’où on est en difficulté.Et vous avez néanmoins dit récemment que vous gardez beaucoup d’espoir, car tous les pays du monde sont passés par des difficultés…Bien sûr. Moi, je me réfère très souvent à l’histoire. Quand je regarde l’histoire de la France, quand je regarde aussi l’histoire des États-Unis, je sais qu’il y a eu beaucoup de choses pour qu’ils en arrivent là, (des présidents assassinés, des coups d’État en France… ) Je pense que l’Afrique est dans un processus normal. Je n’ai pas peur. J'ai espoir parce que je pense qu’on va sortir de tout cela et qu’on sera un continent stable un jour, parce que les autres sont passés aussi par tout cela. Donc je garde espoir. Le plus important, c’est de ne pas s’asseoir pour dire « ça va aller, dieu est grand, dieu va nous aider ». Et j’ai toujours dit aux Africains que Dieu est très occupé, parce qu’il doit s’occuper des Asiatiques, il doit s’occuper des Américains, il doit s’occuper des Russes. Si nous, on s’assoit pour dire « ça va aller », il va s’occuper de ceux qui bougent. Moi, j’ai l’espoir et c’est pourquoi on se bat pour réveiller les Africains et leur dire : personne ne viendra changer ce continent à notre place, si on veut, on peut y arriver.Un mot sur le Sénégal où, à un moment, on vous a empêché de jouer. Récemment, le président du Sénégal, Macky Sall, a annoncé qu’il ne serait pas candidat pour un troisième mandat. Comment appréciez-vous cette décision ?Je salue cette décision. Effectivement, je pense comme les autres. Il y a eu déjà des morts et c’est vraiment dommage. Ces chefs d’État sont pris en otage par leur entourage qui se dit :  « Si le président s’en va, je perds mon poste. » Donc, il faut être courageux pour annoncer cela. J’ai même appris que François Hollande en France, à l’époque, n’a pas prévenu tous ses collaborateurs. Si tu t’amuses à faire un troisième mandat là-bas, cela risque de se passer très mal. Donc, c’est une décision que je salue même si elle vient un peu tard. Mais il faut quand même saluer cette décision, ça fait moins de morts.Vous n’aimez pas trop rentrer dans le secret : en parallèle de tous ces concerts, vous êtes dès que possible en studio pour enregistrer votre douzième album. Que va-t-il y avoir dans le disque ?J’ai toujours rêvé, j’ai toujours voulu enregistrer un album acoustique, c’est-à-dire avec moins d’instruments, dans un autre style. Donc, voilà, c’est ce qu’on est en train de faire aujourd’hui. Et je voudrais préciser que ce sont des anciens titres que nous revisitons comme Plus rien ne m’étonne, Tonton d’America, Délivrance, Justice, Les Martyrs… Pour ceux qui connaissent mon répertoire, ce sont des titres que vous allez retrouver en acoustique. On a déjà commencé et je peux vous assurer que ça sonne très bien. C’est revenir aux racines, c’est ça.
7/23/20235 minutes, 48 seconds
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«Rwanda, assassins sans frontières»: «Kagame voit vraiment ces dissidents comme des menaces à son régime»

Quelle est la vraie nature du régime rwandais ? Pourquoi l'élimination physique d'un certain nombre de dissidents à l'étranger ne fait pas scandale ? Dans Rwanda, assassins sans frontières, publié aux éditions Max Milo, l'autrice et journaliste britannique Michela Wrong, qui a travaillé à Reuters et à la BBC, vient de publier en français un portrait sans complaisance du président Paul Kagame. Après la récente libération du héros du film Hôtel Rwanda en mars 2023, Paul Rusesabagina, elle dévoile un aspect méconnu du régime de Kigali. RFI : Michela Wrong, dans ce voyage à l’intérieur du Front patriotique rwandais (FPR), vous enquêtez sur tous les dissidents qui ont été assassinés à l’étranger : Seth Sendashonga au Kenya en mai 1998, Patrick Karegeya en Afrique du Sud en janvier 2014. Pourquoi faites-vous la comparaison avec l’assassinat de Trotski sur ordre de Staline (en août 1940 à Mexico) ?Michela Wrong : Effectivement, mon livre parle d’une campagne d’assassinats et d’intimidations des dissidents rwandais à l’étranger. Et beaucoup d’entre eux étaient des anciens copains, des anciens dirigeants du FPR. J’ai fait la comparaison avec Trotski parce que Kagame est un peu comme Staline, il est vraiment obsédé par ce groupe d’anciens dirigeants du FPR qu’il a connus depuis longtemps, depuis son enfance. Ils ont lutté ensemble en Ouganda et après au Rwanda. Et il regarde ces gens vraiment comme des menaces à son régime, parce que ce sont des gens qui le connaissent mieux que tout le monde. Et comme Staline, il a utilisé les amis pour entrer dans l’intimité de ces gens-là. Alors par exemple, [Patrick] Karegeya s’est fait piéger par Apollo [Kiririsi Ismael], c’était un homme d’affaires rwandais que Patrick Karegeya considérait comme un ami. Alors il a été invité dans une chambre d’hôtel par Apollo et, là-bas, il y a eu un escadron de la mort qui lui a sauté dessus, qui l’a étranglé.Ce qui est frappant dans votre enquête, c’est qu’on apprend que les assassins rwandais du dissident Patrick Karegeya sont parfaitement identifiés par la police sud-africaine, mais que la justice sud-africaine renonce à les poursuivre et à les juger, et qu’elle assume ce renoncement…Oui, il y a eu une procédure de 5 ans avant que l’assassinat de Patrick Karegeya arrive au tribunal. Et moi, j’étais étonnée, j’étais parmi les très rares journalistes qui se sont présentés au tribunal. Et on a compris plein de choses, il y avait toute une lettre écrite par la police sud-africaine pour expliquer au parquet pourquoi on n’avait pas poursuivi ce cas. Ils [les enquêteurs] disaient clairement que c’était parce qu’on savait qu’il y avait des liens entre l’escadron de la mort et le gouvernement de Kigali. C’était très embarrassant et très gênant, et on a décidé de ne pas poursuivre l’affaire. Ils ont dit cela dans une déclaration qui a été publiée par le parquet sud-africain.Vous montrez bien comment, depuis le génocide des Tutsis en 1994, le président Kagame exploite habilement le sentiment de culpabilité de la communauté internationale pour s’affranchir d’un certain nombre de règles internationales en toute impunité. Mais la libération le 25 mars dernier de l’opposant Paul Rusesabagina, qui a été rendu célèbre par le film Hôtel Rwanda, n’est-ce pas la preuve que quelquefois Paul Kagame doit céder aux pressions internationales, notamment américaines ?Oui, effectivement. Ce qu’on voit avec Paul Kagame, c’est que c’est quelqu’un qui se montre implacable, un homme dur. Mais c’est aussi un monsieur qui est très sensible, même obsédé par son image, sa réputation à l’étranger. Alors, dès qu’il voit qu’il y a eu un changement dans ses relations avec un allié important -et dans ce cas-là, c’étaient les États-Unis-, il peut changer de politique tout d’un coup. Quand il a vu qu’il y avait même la Maison Blanche, le Département d'État, Hollywood qui soutenaient la famille de Rusesabagina, qui mettaient la pression pour sa libération, il a cédé tout d’un coup. Et je pense que, là, il y a une leçon pour tout le monde parce que, souvent, on n’ose pas critiquer ce gouvernement et on n’impose pas de sanctions sur le gouvernement de Kigali parce qu’on pense que ça va mener nulle part. Mais, effectivement, on voit que la pression, ça marche.Vous allez jusqu’à écrire que le président Paul Kagame a besoin d’une guerre perpétuelle avec un ennemi bien identifié pour survivre politiquement…Effectivement, si on regarde l’histoire du FPR, on voit qu’ils n’ont pas seulement bouleversé le gouvernement de Juvénal Habyarimana, le président rwandais [jusqu’en 1994]. Ils ont aussi bouleversé le président Mobutu [Sese Seko] du Zaïre. Après, ils ont fait la guerre à Laurent-Désiré Kabila, le monsieur qu’ils avaient mis en place pour le remplacer. Après, ils se sont même bagarrés avec leurs alliés ougandais de Yoweri Museveni, à Kisangani et ailleurs. On voit vraiment que c’est un régime qui a vraiment un profil militaire. Et oui, Paul Kagame a besoin de cela. Il a besoin de se montrer fort au niveau militaire et aussi de convaincre le monde que lui et sa communauté [tutsi] sont toujours menacés. Alors cela justifie le fait qu’il est un président très répressif, autoritaire, qui ne tolère absolument pas le débat, les critiques ou les gens qui essaient de l’affronter chez lui. Je trouve que c’est vraiment un système très fragile et, pour moi, c’est surréel que tant de pays en Occident considèrent ce monsieur comme un symbole de stabilité. Pour moi, c’est le contraire.
7/21/20237 minutes, 34 seconds
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Chine: «La visite du président algérien arrive dans un moment où Alger cherche à redynamiser son économie»

Xi Jinping a plaidé mardi 18 juillet pour un renforcement du partenariat stratégique avec l’Algérie alors que le président algérien Abdelmadjid Tebboune est en visite en Chine jusqu’à vendredi, accompagné d’une dizaine de ministres et de dirigeants d’entreprises. Économie, candidature aux BRICS, diplomatie… Quels sont les enjeux de ce déplacement ? Brahim Oumansour, directeur de l’Observatoire du Maghreb à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) est l'invité de RFI.  RFI : Brahim Oumansour, cela faisait 15 ans qu’un président algérien ne s’était pas rendu en Chine. Qu’est allé chercher Abdelmadjid Tebboune à Pékin ?Brahim Oumansour : La visite du président algérien à Pékin s’inscrit dans le retour d’Alger sur la scène régionale et internationale depuis la chute de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika. Elle s’inscrit également dans la volonté de renforcer la coopération bilatérale entre les deux pays qui ne cesse de s’intensifier, notamment depuis les dix dernières années.La Chine est depuis une petite dizaine d’années le premier partenaire commercial de l’Algérie. Des mémorandums d’entente et des accords ont été signés dans plusieurs domaines, dont les télécommunications, le commerce et le transport ferroviaire. Le but de cette visite est-il d’étendre ce partenariat à de nouveaux domaines ?En effet, aujourd’hui, le partenariat économique entre les deux pays est très important. C’est la Chine par exemple qui a construit une partie de l’autoroute est-ouest, environ 1 200 kilomètres, puis l’élargissement de l’aéroport d’Alger, la grande mosquée d’Alger. Et il y a eu, récemment aussi, la signature d’un partenariat visant l’exploitation du phosphate algérien avec la création d’une entreprise conjointe entre les deux États. Aujourd’hui, cette visite arrive dans un moment où Alger cherche à redynamiser son économie après une longue période de récession et de crise aggravée notamment par la pandémie du Covid-19, puis la guerre en Ukraine et l’inflation qui en découle.La Chine peut-elle aider l’Algérie à diversifier son économie ?Malgré la proximité entre les deux pays, les entreprises chinoises sont très peu représentées en Algérie par rapport par exemple à des entreprises françaises. La coopération est très déficitaire en termes d’échanges, il y a très peu d’importations chinoises de produits algériens en dehors des produits pétroliers, gaziers et des minerais.On comprend bien donc que le but aussi de ce voyage, c’est de permettre aux sociétés algériennes de trouver de nouveaux débouchés pour leurs produits.Exactement, la présence de chefs d’entreprise algériens traduit cette volonté de créer un partenariat qui serait aussi favorable à la production algérienne et à l’exportation de produits algériens.L’Algérie a fait acte de candidature pour intégrer les Brics (groupe de cinq pays qui se réunissent depuis 2011 en sommets annuels : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Abdelmadjid Tebboune est venu solliciter à nouveau l’appui de Pékin dans ce dossier à un mois du sommet des Brics. La Chine a renouvelé son soutien à cette candidature. Celle-ci, selon vous, a-t-elle une chance d’aboutir ?L’Algérie détient plusieurs atouts bien évidemment, géostratégiques, aussi comme pays énergétiques. Mais il y a quand même des points qui pourraient entraver son adhésion sur le plan structurel. Les Brics exigent quand même des critères auxquels l’Algérie va devoir répondre, notamment la dévaluation du dinar qui est très handicapante pour le moment, des réformes importantes sur le plan financier. L’Algérie, je le rappelle, est très en retard dans l’intégration du marché mondial et cela va demander peut-être à l’Algérie beaucoup d’efforts en termes de réformes structurelles.Le président algérien était en Russie le mois dernier. Comment interpréter ce voyage à Moscou en pleine guerre en Ukraine et alors qu’on attendait plutôt Abdelmadjid Tebboune à Paris ?Cela s’explique par le contexte mondial bien sûr. La pression exercée sur Alger par les Occidentaux qui exigent d’Alger de prendre ses distances avec Moscou. Aujourd’hui, Alger tient en tout cas à affirmer ce lien stratégique avec Moscou tout en gardant une certaine neutralité et distance par rapport à la guerre en Ukraine. Je rappelle que l’Algérie s’est abstenue lors du vote à l’ONU visant à sanctionner l’intervention russe en Ukraine.
7/20/20234 minutes, 3 seconds
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Déplacés en RDC: «En termes de violences et d'insuffisances humanitaires, c'est du jamais-vu en 25 ans»

Médecins sans frontières a récemment lancé un cri d'alarme pour l'Est de la République démocratique du Congo. L'ONG demande une augmentation rapide de l'aide humanitaire pour répondre aux besoins des déplacés de cette zone de la RDC, où différents groupes armés sont présents depuis près de trente ans. Une crise humanitaire encore aggravée depuis la résurgence du M23 fin 2021. Selon MSF, près de 600 000 personnes, dont de nombreuses femmes et enfants, vivent depuis des mois dans des conditions d'extrême précarité dans les camps aux abords de Goma. Michaël Neuman, directeur d’études au centre de réflexion de Médecins sans frontières (MSF-Crash), fait le point pour RFI. RFI : Vous vous êtes rendu récemment à Goma, dans le Nord-Kivu, avec les équipes de MSF, et vous qui travaillez dans l’humanitaire depuis longtemps, vous dites que c’est du jamais-vu. Pourquoi ?Michaël Neuman : En termes de déplacements de population, d’intensité des violences rencontrées par ces personnes, et d’insuffisance de la réponse humanitaire apportée pour leur porter secours, c’est effectivement quelque chose que moi, à titre personnel, je n’avais pas vu en quasiment 25 ans de carrière dans l’humanitaire.Il y a plusieurs camps de déplacés, évidemment à Goma, et aux alentours, à quoi ressemblent ces camps ? Quand vous dites : « conditions de vie précaire », ça veut dire quoi ?Dans l’ensemble, on a affaire à des gens qui vivent extrêmement mal, dans des petites huttes en paille parfois recouvertes de bâches pastiques, de familles entières qui vivent dans 2m2, des abris qui font deux mètres sur un mètre dans lesquels les gens s’entassent à 4, 5, 6, voire un peu plus, à même la lave, étant peu protégés des intempéries, et qui ont, par ailleurs, un accès à l’alimentation et aux services extrêmement réduit.Alors s’ils ont un accès à l’alimentation et aux services extrêmement réduit, on imagine qu’ils doivent aussi prendre les devants eux-mêmes. Quand on est déplacé à Goma, comment peut-on vivre financièrement ? Quelles sont les sources de revenus qui peuvent exister pour eux ?On vit mal, effectivement. Il faut réaliser que pour une partie importante de ces gens, le déplacement, malheureusement, fait partie de la vie. Une partie de ces déplacés n’en sont pas à leur premier déplacement, et ont développé des stratégies de survie. Reste que compte tenu de l’insuffisance de l’aide apportée de l’extérieur, il faut effectivement développer des mécanismes autonomes. Pour une partie d’entre eux, les gens dépendent de la solidarité villageoise. Et puis, aussi, de la solidarité à l’intérieur même des camps de déplacés. Et quand cette solidarité est insuffisante, il faut aller chercher de la nourriture et de l'argent soi-même, et adopter des mécanismes qui exposent à des dangers, comme par exemple, aller chercher du bois dans les forêts, ce qui expose les femmes au viol. Et donc, dans l’ensemble, on a affaire à des gens qui sont très peu protégés et dont l’insécurité à laquelle ils font face s’accroît du fait même de l’insuffisance des secours qui sont fournis.À quoi est due cette insuffisance des secours, à la fois de l’aide internationale et du gouvernement congolais ? Est-ce qu’il n’y a plus assez de fonds qui sont versés pour l’Est de la RDC ?Les raisons sont multiples. Je dirais qu’il y a des compétitions sur la collecte de financements : on le voit aujourd’hui entre l’Ukraine, le Soudan et d’autres crises qui nécessitent aussi une réponse importante. Il y a un autre phénomène, à mon avis, important à souligner, qui est malheureusement, et probablement, ce que j’ai appelé un peu la normalisation de la catastrophe. Malheureusement pour les Congolais, et pour les habitants du Nord-Kivu et du Sud-Kivu en particulier, ça fait trente ans que ces gens traversent des crises, ça fait trente ans que le système humanitaire répond aux crises, et on peut - non pas concevoir - mais entrapercevoir comme une habitude prise. On s’habitue à ces situations terrifiantes, sans voir la nécessité impérieuse qu’il y a toujours de fournir de l’aide à ces personnes qui n’en sont pas moins, malgré la normalisation et l’habitudes de déplacement, des gens extrêmement vulnérables, qui ont vécu des trajectoires de violence absolument insensées, et qui vivent dans des situations, pour certains, absolument abjectes.Qu’en est-il de la réponse nationale ? Que fait l’État congolais pour ces déplacés du Nord-Kivu ?L’État est malheureusement assez peu présent, je dirais. Il est en tout cas largement, même insuffisamment, suppléé par des efforts qu’on va appeler citoyens au sens large.Est-ce que vos constats dans le Nord-Kivu disent quelque chose aussi plus globalement du système d’aide internationale en cas de crise ? Est-ce que les constats que vous faites là peuvent être reportés dans d’autres régions géographiques ?Vous avez aujourd’hui une époque où les fronts de conflit se sont multipliés, au Sahel, au Soudan, pour ne parler que de l’Afrique contemporaine. Il y a des discussions à avoir sur un déséquilibre des secours entre ce qu’on a pu observer de la solidarité internationale pour venir en aide à l’Ukraine depuis l’année dernière, et ce qu’on observe au Congo aujourd’hui. Ce qui est quand même frappant, c’est à quel point, ce qu’on peut observer à Goma indique que ce fameux système de l’aide internationale n’a pas pu améliorer la qualité de ce qu’il fournit aux personnes dans le besoin depuis trente ans. Ces personnes déplacées, on leur fournit au mieux les mêmes bâches plastiques, la même nourriture, et qu’on se contente d’extrêmement peu. C’est ça qui est très frappant, c’est la facilité à laquelle on s’habitue à ce que ces gens ne vivent avec rien.
7/19/20235 minutes, 2 seconds
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Guerre au Soudan: «La quantité de personnes avec un trauma psychologique est gigantesque», selon le HCR

Au Soudan, cela fait trois mois que le conflit entre deux généraux rivaux a plongé le pays dans une guerre sanglante qui a déjà fait plus de 3 000 morts. Un chiffre probablement sous-estimé selon les experts. Les violences ont poussé trois millions de personnes sur les routes de l’exil selon l’ONU, qui craint un basculement dans un « conflit ethnique » et la « guerre civile totale ». Certains Soudanais trouvent refuge dans les pays voisins comme au Tchad, où jusqu'à 2 000 d’entre eux franchissent la frontière chaque jour. De retour de la frontière soudanaise, notre reporter Carol Valade s'est entretenu avec Laura Lo Castro, représentante du HCR au Tchad. Elle décrit une situation « apocalyptique » et confirme les soupçons de massacres à caractère ethnique commis au Darfour. RFI : Laura Lo Castro, vous rentrez à peine de la frontière soudanaise, où nous avons pu constater, ensemble, un afflux massif de réfugiés fuyant l’horreur de la guerre. Comment décririez-vous la situation sur place ? Laura Lo Castro : On a pu être témoins de l’arrivée continue de femmes et d’enfants en particulier. C’était une vision apocalyptique. En plus, il a commencé à pleuvoir. Il y avait une jeune maman qui venait d’accoucher, il y a trois jours, et qui était couverte complètement d’un plastique et qui était en train de faire des mouvements doux pour calmer le petit. Aujourd’hui, est-ce que vous diriez que le Tchad et ses partenaires, comme l’ONU, sont débordés par cet afflux ? Tout a commencé avec l’assassinat du « wali » [du gouverneur, NDLR] du Darfour-Ouest, à la mi-juin, et depuis, ça n’a jamais arrêté. Ça a continué et continué, et donc on amène les camions pour faire monter les réfugiés qui se trouvent sans aucun abri à la frontière. Le lendemain, on retourne au même endroit, et c’est déjà plein. Vous vous rendez depuis le début de la crise, il y a maintenant trois mois, très régulièrement à la frontière. Comment est-ce que vous avez vu évoluer la situation là-bas ?  C’étaient des réfugiés qui étaient partis surtout par mesure de précaution, parce qu’ils savaient qu’il y avait quelque chose de mauvais qui allait se passer. Mais ceux qu’on a vus à Adré, c’est complètement différent. Parce que là, c’étaient vraiment des victimes de massacres presque systématiques des Massalits. Et surtout, les premiers jours, il y avait énormément de blessés. La quantité de personnes avec des traumas psychologiques est gigantesque, surtout ceux qui ont vu des membres de leur famille massacrés devant leurs yeux. Des personnes qui étaient des professionnels, comme beaucoup de médecins, d’infirmiers, d’enseignants, c’était comme si eux, ils étaient plus ciblés que les autres. Et on nous disait qu’il y avait des cadavres le long des routes, et qu’il y avait aussi beaucoup de gens qui étaient restés derrière, parce qu’ils n’avaient pas la force de marcher jusqu’au Tchad. Le Haut-commissariat aux droits de l’homme des Nations unies s’inquiète de la tournure ethnique que prennent les massacres au Darfour occidental. Est-ce que c’est quelque chose qui se confirme dans les témoignages qu’on vous a confiés ? Oui, ça se confirme. Et à certains moments, j’ai vu quand même, aussi, des personnes qui venaient avec des charrettes, et qui avaient l’air un peu mieux portantes et qui pouvaient transporter plus de biens. Et alors, j’ai demandé à mes collègues : « Comment ça se fait ? Est-ce qu’il y a peut-être des réfugiés qui ont réussi à avoir de meilleures conditions ? ». Alors, ils m’ont expliqué qu’il y a certaines ethnies qui n’ont pas été ciblées autant que les autres. À l’heure actuelle, le nombre de déplacés par le conflit au Soudan dépasse déjà celui de 2003, du début de la guerre au Darfour. Est-ce que vous pensez que les réfugiés vont continuer de venir, encore ? Tout mène à croire que le flux de réfugiés va continuer. Les personnes qui nous disent « Mais est-ce que vous vous préparez à ça ? », moi, je leur dis, que « nous, on n’a même pas de moyens pour répondre à la crise de maintenant, donc imaginez-vous se préparer pour plus de crises à venir »... Et la réponse humanitaire continue d’être financée à 12%. Bien évidemment, il nous faut beaucoup plus de ressources pour répondre maintenant, et peut-être après commencer à se préparer au pire, plus tard. Avec quelles conséquences pour l’est du pays ? Ce sont des conséquences socio-économiques dévastatrices. Parce qu’apparemment, on disait qu’il y avait 1 000 camions pleins de biens qui attendent à Port-Soudan, et qui étaient destinés au Tchad. Dans les marchés locaux, à l’est déjà, on voit qu’il y a beaucoup moins de biens, et que les biens qui sont là, leur prix a doublé, triplé. Il y avait aussi des exportations, le Tchad exportait certains produits agricoles vers le Soudan, et ça, c’est un manque à gagner. À part ça, il y a aussi la peur des autorités que le même conflit interethnique puisse se passer à la frontière, parce que les groupes ethniques sont exactement les mêmes des deux côtés de la frontière, et donc, il y a cette crainte. Les réfugiés représentent aujourd’hui plus de 4% de la population du Tchad, à titre de comparaison, c’est beaucoup plus que de nombreux pays européens, par exemple, dont des pays donateurs du HCR. Quels messages adresseriez-vous à ces pays donateurs ? Ne pas amener d’aide pourrait avoir des conséquences catastrophiques aussi sur la stabilité de ce pays, du Tchad. Et tout le monde sait quelles pourraient être les retombées pour tout le Sahel, et pour tous les pays limitrophes. Je me dis, il faut aider maintenant, parce qu’après, entre autres, on pourrait bien évidemment voir un plus grand afflux de migrants et de réfugiés vers l’Europe. Et ici, le Tchad est vraiment un pays trop important pour toute la sous-région. Donc si on ne vient pas en aide, il va probablement imploser.
7/18/20235 minutes, 1 second
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Foniké Menguè (FNDC): en Guinée, «nous continuons notre combat en tant que sentinelle de la démocratie»

En Guinée, la trêve est de plus en plus fragile entre, d’un côté, les militaires au pouvoir du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) et de l’autre côté, l’opposition et la société civile. Certes, il y a deux mois, le régime militaire du colonel Doumbouya a fait libérer Foniké Menguè et deux autres leaders des « forces vives », tandis que la société civile a suspendu ses manifestations. Mais aujourd’hui, cette trêve risque de voler en éclats à tout moment. Foniké Menguè, qui vient donc de passer dix mois en prison à Conakry, est de passage en France. Le coordonnateur national du Front national pour la défense de la constitution (FNDC) répond aux questions de RFI. RFI : Foniké Menguè, le colonel Doumbouya annonce que la transition militaire s’achèvera à la fin de l’année prochaine et que lui-même quittera le pouvoir, est-ce que ça vous rassure ? Foniké Menguè : Ça ne me rassure pas trop, parce qu’en réalité, les militaires ne veulent pas quitter le pouvoir. Cela s’explique par le fait que tous ceux qui sont opposés à cette conduite unilatérale de la transition soient, certains en prison, d’autres en exil. Personne ne peut aujourd’hui donner son point de vue, un point de vue qui est contraire à la volonté du CNRD. En le faisant, la personne peut se retrouver facilement en prison.  Le CNRD, c’est donc la junte au pouvoir, en réalité ?Oui, c’est la junte au pouvoir. Mais tout de même, est-ce que la promesse du colonel Doumbouya de ne pas être candidat à la future présidentielle, et donc de ne pas s’accrocher au pouvoir, est-ce que ce n’est pas un engagement qui peut vous satisfaire ? Vous savez, ce sont des gens qui ne respectent pas leurs engagements. Aujourd’hui, ils ne sont pas capables de respecter leur propre charte. Par exemple, quand on fait allusion à l’article 8 de la Charte qui autorise les manifestations, mais aujourd’hui, en Guinée, les manifestations sont interdites. C’est pourquoi nous disons : le fait que le colonel Mamadi Doumbouya dise qu’il va partir au-delà de deux ans, ça ne nous rassure pas du tout. Depuis l’année dernière, votre mouvement FNDC, Front national pour la défense de la Constitution, est dissous. Alors sous quel drapeau allez-vous continuer ce que vous appelez votre combat citoyen ? Le FNDC est un état d’esprit. On ne peut pas dissoudre un état d’esprit. Et ce FNDC est plus âgé que le CNRD. C’est pourquoi nous disons que nous continuons, en tant que sentinelle de la démocratie, notre combat. Vous parliez tout à l’heure des opposants qui sont en exil, c’est le cas du numéro un de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, qui vit à Dakar. Est-ce que vous pensez que sa carrière politique est derrière lui ? Ou est-ce que vous pensez, au contraire, qu’il a encore un grand rôle à jouer dans la Guinée des prochaines années ? On n’est pas affiliés à un parti politique, on n’accompagne pas un parti politique. Mais tous les acteurs majeurs de cette transition ont un rôle important à jouer, puisque nous nous sommes bâtis ensemble, tous les acteurs, que ce soient Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré, que ce soient d’autres contre le troisième mandat de monsieur Alpha Condé. Donc vous vous sentez plus proche, politiquement, de tous les partis qui ont combattu le troisième mandat d’Alpha Condé, que des autres partis ? Tous les acteurs qui ont lutté contre la confiscation du pouvoir par monsieur Alpha Condé, notamment le troisième mandat, et qui se trouvent encore dans ce combat contre la confiscation du pouvoir par le CNRD, Foniké Menguè est proche de tous ces acteurs. Avant la fin de la transition, le colonel Doumbouya a décidé de confier au Conseil national de transition, le CNT, la tâche de rédiger une nouvelle Constitution à soumettre à référendum, et le président de ce Conseil national de transition, Dansa Kourouma, vous invite à dialoguer avec lui. Qu’est-ce que vous en pensez ? Le dialogue que le CNRD appelle dialogue, c’est une situation où tous ceux qui sont dedans sont d’accord avec tout ce que dit le CNRD. En ce moment, il n’y a pas de dialogue puisqu’ils sont tous d’accord. Le jour où le CNRD sera vraiment d’accord, afin qu’on s’asseye autour d’une table pour dialoguer autour de la transition, en présence de la Cédéao et du G5, ce jour, nous trouverons la véritable solution et vous verrez que tout rentrera dans l’ordre.  Oui, mais Dansa Kourouma, le président du Conseil national de transition, n’en veut pas de cette médiation de la Cédéao et de l’ancien président béninois Boni Yayi dans les débats sur la future Constitution, il dit que c’est une affaire entre Guinéens… Oui, c’est une affaire entre Guinéens, mais la Guinée fait partie de la Cédéao. Aujourd’hui, aucun pays ne peut vivre en vase clos. Nous sommes en transition, une transition a besoin de dialogue, a besoin de consensus. C’est ce que nous demandons au CNRD. C’est ce que nous demandons au colonel Mamadi Doumbouya. Mais ils n’ont pas intérêt, encore une fois, à ce qu’il y ait de véritable cadre de dialogue, puisqu’ils ont la volonté de confisquer le pouvoir en Guinée. Est-ce qu’il n’y a pas, tout de même, un espoir que cette transition prenne fin et que la démocratie revienne ? C’est vrai qu’il y a de l’espoir, mais l’espoir est trop minime quand on voit la volonté du CNRD pour confisquer le pouvoir, ce sont des gens qui ne veulent pas le quitter. Aujourd’hui, les forces vives de la nation, ça fait un moment qu’on a décidé d’observer une trêve, pour donner une chance à la médiation des chefs religieux, sur leur demande, pour voir avec le colonel Doumbouya comment faire en sorte que les points de revendication, notamment la mise en place de ce véritable cadre de dialogue et la levée de l’interdiction des manifestations, soient réglés. Mais jusqu’ici, rien n’est fait. Donc ce qui est sûr, nous allons reprendre nos réunions, et suite aux réunions, vous savez que nous allons encore partir en manifestations. Nous ne laisserons pas faire par le CNRD ce que nous n’avons pas laissé faire par monsieur Alpha Condé. Si nous avons lutté contre la confiscation du pouvoir par monsieur Alpha Condé, nous allons continuer la lutte contre la confiscation du pouvoir par le CNRD.À lire aussiGuinée: les douanes saisissent les livres autobiographiques d'un membre du FNDC
7/17/20234 minutes, 52 seconds
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«Les pays d'Afrique subsaharienne doivent renforcer leur capacité à lever les ressources domestiques», selon le FMI

Le Fonds monétaire international (FMI) a récemment publié un rapport sur la pénurie des financements en Afrique subsaharienne. Selon ce rapport, la croissance du PIB de la région sera positive et de l’ordre de 3,6% en 2023. Elle sera même en augmentation en 2024 et s’établira à 4,2%. Pour maintenir ces performances, l’Afrique doit compter sur elle-même, conseille le FMI. C’est notamment le cas pour l’Afrique centrale, une région riche en matières premières. Gomez Agou, représentant du FMI au Gabon qui a présenté ce rapport à Libreville, a répercuté cette recommandation aux pays d’Afrique centrale. RFI : Monsieur Gomez Agou, vous venez de présenter le rapport sur la pénurie de financements en Afrique subsaharienne, quelle est la situation selon ce rapport ?Gomez Agou : Selon notre rapport, nous avons trois principales conclusions : la première, c’est que les financements sont aujourd’hui rares et plus coûteux. La seconde, c’est qu’il est urgent pour l’ensemble des pays africains de pouvoir renforcer les capacités à lever l’impôt afin de pouvoir mobiliser suffisamment de ressources domestiques pour faire face à leurs besoins de développement. Et enfin, nous lançons encore une fois l’appel à la solidarité internationale dans cette situation. Qu’est-ce qui justifie cette pénurie ? Alors cette pénurie est due à trois raisons principales. La première, c’est la montée des taux d’intérêt dans les grandes économies, notamment l’économie américaine, qui a renchéri le coût des prêts sur le marché international. La deuxième raison, c’est la baisse de l’aide publique au développement venant des pays de l’Ouest. Et la troisième raison, c’est aussi la baisse des prêts venant de Chine. Quelle est la situation en Afrique centrale ? L’Afrique centrale n’échappe pas à cette pénurie du financement, et cela, à trois niveaux. Le premier, c’est que la crise du financement est aussi celle de l’Afrique centrale. Le deuxième niveau, c’est que cela aura un certain nombre de conséquences, comme l’ensemble des pays de l’Afrique subsaharienne. Première conséquence à court terme, c’est l’insécurité alimentaire. Je rappelle qu’il y a 130 millions d’Africains aujourd’hui qui font face à l’insécurité alimentaire, y compris en Afrique centrale. La deuxième, c’est la situation du ralentissement de la reprise de la croissance économique. À long terme, la situation d’endettement restera délicate pour l’ensemble des pays d’Afrique subsaharienne, et aussi la capacité des pays à faire face à leurs besoins sera au ralenti. Et enfin, nous réitérons l’appel pour l’ensemble des pays d’Afrique centrale, et donc plus largement de l’Afrique subsaharienne, à pouvoir renforcer les capacités à lever l’impôt.Le Fonds monétaire international, c’est quand même l’un des principaux bailleurs de fonds. Qu’est-ce que vous avez fait pour certains pays d’Afrique centrale ? Prenons le cas du Tchad, par exemple, où il y a eu une transition. Au Tchad, le Fonds monétaire international a travaillé avec le G20 dans le cadre de ce que nous appelons le cadre commun, qui a permis le retraitement de la dette du Tchad, permettant ainsi d’accroître les capacités budgétaires du pays à faire face à ces besoins de développement. À quelle hauteur ? Vous avez une idée ? C’est encore en discussion, en finalisation, mais le principe a été acquis dans le cadre d’un programme avec le Fonds monétaire international. Justement, dans le même cadre, il y a le Congo-Brazzaville et le Fonds monétaire international qui ont des relations houleuses. Que dit le rapport à ce propos ? Je n’emploierai pas vos termes. Je pense que le Fonds monétaire a toujours été disponible à travailler avec l’ensemble des pays de la région d’Afrique centrale, cette posture n’a pas changé pour le Congo, et donc les équipes travaillent avec le pays, pour faire avancer le programme économique du pays. Ça avance ? Oui, ça avance. Pour le cas du Gabon et de la Guinée Équatoriale - deux pays pétroliers qui à un certain moment ont abandonné les prêts auprès du Fonds monétaire international -, qui sont désormais en programme avec le Fonds monétaire international, quelle est la situation aujourd’hui ? Le Gabon a un programme avec le Fonds monétaire international. Nous avons déjà fait deux revues. Et donc les discussions continuent, afin de pouvoir poursuivre la mise en œuvre de ce programme après les périodes électorales que vous savez. Et pour le cas de la Guinée Équatoriale ? Pour le cas de la Guinée Équatoriale, les relations sont toujours au beau fixe avec le Fonds monétaire international. Je pense que les autorités sont en discussion avec l’institution. Un État membre de la Cémac [Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale, NDLR], comme la Centrafrique, connaît une grosse instabilité. Pensez-vous qu’il est possible de faire fonctionner l’État sans ces financements internationaux ? Le FMI se tient toujours aux côtés de l’ensemble des pays du monde qui sont membres de l’institution, y compris en Afrique centrale, y compris pour la Centrafrique. Est-ce que tous ces pays de l’Afrique centrale sont toujours capables de lever des financements auprès du Fonds monétaire international ? Les programmes du Fonds monétaire international obéissent d’abord à un besoin de financement de ces pays et ensuite à un ensemble d’engagement des autorités à faire des réformes. Et donc, c’est dans ce cadre-là qu’il y a toujours des discussions, et lorsque des points d’accord sont trouvés dans le cadre de ces discussions en matière de réforme, il y a donc des financements qui accompagnent. Quelles perspectives économiques le rapport trace-t-il pour l’Afrique subsaharienne ? La perspective est la suivante : il est vrai que les financements aujourd’hui se font rares, sont plus coûteux. Cette situation aura des conséquences importantes pour l’Afrique subsaharienne : insécurité alimentaire, ralentissement de la croissance économique. À long terme, situation d’endettement délicate, besoin de pouvoir faire face aux besoins de développement des pays. Et aussi, inclure la problématique du financement climatique. À cela, notre conseil à l’ensemble des pays de l’Afrique subsaharienne est le suivant : il faut rapidement renforcer les capacités de ces pays-là à lever les ressources domestiques, j’entends l’impôt et les droits de douane, afin de pouvoir compter prioritairement sur eux-mêmes pour financer leurs besoins de développement. Et, nous réitérons notre appel à l’ensemble de la communauté internationale à faire preuve de solidarité dans cette phase délicate pour l’ensemble des pays. Quand vous parlez de la communauté internationale, vous parlez de qui par exemple ? Nous parlons de l’ensemble de la communauté internationale, notamment les pays du G20 avec qui le Fonds monétaire international, ces dernières années, a fait suffisamment de progrès. Je parlais tout à l’heure du cas du cadre commun pour le traitement de la dette publique des pays en difficulté.
7/16/20235 minutes, 39 seconds
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Gabon: l'opposant Jean Ping ne soutiendra personne à la présidentielle du 26 août

De passage à Paris, l’opposant gabonais Jean Ping confirme qu’il ne se présentera pas à la présidentielle du 26 août prochain. « Je ne peux pas être candidat dans une élection qui est pipée d’avance », précise-t-il, alors que la clôture des candidatures est fixée ce dimanche 16 juillet à 18 heures locales. Toujours dans cette interview à RFI et France 24, Jean Ping se refuse à apporter son soutien à l’un ou l’autre des opposants qui se présentent contre le Président sortant Ali Bongo.  Préfère-t-il, par exemple, Paulette Missambo ou Alexandre Barro Chambrier, qui étaient tous deux dans son équipe de campagne en 2016 ? « Je n’ai pas de préférence à donner dans des conditions de simulacre, je leur souhaite simplement bon vent », répond-il. Et le candidat malheureux d’août 2016 de faire cette confidence à RFI et France 24 : « Le 26 août prochain, je ne voterai pas, car ce serait cautionner une forfaiture ».
7/13/202310 minutes, 47 seconds
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«Projet Wotan»: l'incroyable rêve spatial de Mobutu conté dans un livre

Une fusée africaine pour 20 millions de dollars, le projet ne date pas d’hier. Dans les années 1970, le Congolais Mobutu a failli réussir. À la manœuvre, il y avait un ingénieur allemand, Lutz Kayser, dont l'ancienne journaliste de RFI Joëlle Stolz raconte l’histoire dans le livre Projet Wotan, qui paraît aux éditions du Seuil. Cinquante ans avant Elon Musk, a-t-il été un pionnier du vol spatial privé au service des pays du Sud ?  RFI : Joëlle Stolz racontez l'histoire de cet ingénieur allemand qui a fait croire à Mobutu que le Zaïre pourrait envoyer des satellites dans l'espace pour 20 millions de dollars. Pourquoi Mobutu a-t-il été tenté par cette aventure spatiale ?RFI : Je crois qu'à l'époque, ça lui plaisait, l'idée d'être le premier à avoir un satellite d'observation pour les frontières très grandes de ce qu'on appelait à l'époque le Zaïre - le Congo-Kinshasa -, mais aussi un satellite de télécommunications.Son satellite d'observation qu'il voulait était un satellite militaire, j'imagine, pour surveiller ses voisins ?Oui, à l'époque, de toute façon, et c'est ce qui explique la nervosité, notamment des Soviétiques et d'autres interlocuteurs, beaucoup de voisins étaient proches de l'Union soviétique, donc l'arrière-fond de tout ça, c'est quand même la guerre froide et le conflit entre l'Ouest et l'Est.Alors, ce qui l'intéressait aussi, c'est que cette fusée, que lui proposait l'ingénieur allemand Lutz Kayser, coûtait beaucoup moins cher que les fusées américaines, françaises ou soviétiques. Oui, c'était la grande idée de Lutz Kayser et de ses subordonnés qui ont fondé l'Otrag, une entreprise allemande spécialisée dans les lanceurs spatiaux, c'était la « billige rakete », c'est-à-dire la fusée pas chère, qui est au fond la même idée que celle d’Elon Musk, mais l’américain a beaucoup plus d'argent au départ. L'idée de l’Allemand était de mettre à la disposition d'un certain nombre de pays du tiers-monde la possibilité d'avoir des satellites.Et vous dites que le pas de tir qui était dans le sud-est du Zaïre, aux confins du lac Tanganyika, était fait avec des écorces d'arbres ?Au départ, ils ont vraiment utilisé les moyens du bord et, effectivement, la première rampe de lancement était faite avec des arbres, évidemment pas les rampes ultérieures.Cet ingénieur allemand, Lutz Kayser, qui avait un esprit très pratique, était trop jeune pour avoir travaillé sur les fusées V1 et V2 de Hitler. Mais vous dites que le président du Conseil d'administration de sa société Otrag était un ancien SS ?Oui, alors c'était Kurt H. Debus. Alors il faut savoir que Kurt H. Debus a travaillé pour les Américains.... D'abord pour les nazis et ensuite pour les Américains.Bon, il faut se souvenir que les Américains, il y a eu cette opération paperclip. Ils ont récupéré le haut du panier, c'est-à-dire environ 1 600 savants, dont Wernher von Braun est le plus connu, l'un des pères d'Apollo. C'est vrai qu'en matière de carburant liquide, en particulier, les Allemands étaient vraiment en avance. Les Soviétiques ont récupéré aussi 3 000 ou 4 000 personnes, enfin, tous ceux qui leur sont tombés dans les mains. Et les Français - c'est beaucoup moins connu - ont récupéré quelque chose comme 150 - ou plus - d'ingénieurs et techniciens allemands.Allemands de l'époque ?Absolument. Des gens qui avaient travaillé pour Hitler aussi et qui ont travaillé ensuite pour la France.Tous ceux qui ont vu le film « Mobutu, Roi du Zaïre », de notre confrère Thierry Michel, se souviennent de la fameuse scène de juin 1978 où Mobutu assiste au lancement d'une fusée qui se crashe au bout de quelques secondes. Dix mois plus tard, le pauvre ingénieur allemand sera limogé. L'image de ce crash a fait le tour du monde, elle symbolise aujourd'hui la faillite du régime Mobutu. Mais ne serions-nous pas sévères avec cet ingénieur allemand ? S'il avait eu un peu plus de temps, aurait-il pu réussir ?C'est la grande question, je suis incompétente pour y répondre. Cet homme était certainement un très bon ingénieur, peut-être aurait-il pu réussir son coup. En tout cas, s'agissant du crash de cette fusée, qui a été spectaculaire et qui a fini par symboliser le destin du régime de Mobutu. Un élément technique m'a été donné par un ingénieur qui était très proche de Lutz Kayser et qui a dit qu'ils avaient trop attendu le jour du lancement. C'est-à-dire qu'ils avaient prévu un lancement en début de matinée. Et puis, évidemment, Mobutu est venu avec une suite importante, notamment de nombreux journalistes avec des heures de retard, et c'est l'une des raisons.Parce que le moteur d'une fusée n'attend pas...Voilà, les moteurs de fusée ne peuvent pas attendre. Donc la question est ouverte : est-ce qu'il aurait pu réussir ? En tout cas, celui qui réussit aujourd'hui, c'est Elon Musk. Il a réduit considérablement le coût de lancement d'une fusée, et c'est l'une des raisons pour lesquelles la NASA, par exemple, a conclu des contrats avec lui.Ce que vous dites dans votre livre, Joëlle Stolz, c'est que, si l'ingénieur allemand est limogé par Mobutu dix mois après ce fameux crash, c'est sous pression internationale. C'est parce que les grandes puissances ne voulaient pas que le Congo-Kinshasa lance un satellite, non ?Tout le monde avait des objections. Probablement ceux qui, à l'époque, avaient le moins d'objections, étaient les Américains, mais ils n'étaient pas non plus très enthousiastes. Les Soviétiques et tous leurs alliés très clairement. Et puis il y avait les Français. Giscard d'Estaing était absolument contre dès le départ et je pense qu'il était contre parce qu'il voulait que les Allemands - l'Allemagne de l'Ouest à l'époque, c'est-à-dire le Chancelier Schmidt, avec qui il avait tissé une relation assez cordiale - s'engagent très clairement dans le projet Ariane. Il faut se souvenir que l'Agence spatiale européenne, dont le siège est à Paris, a été fondée en 1975 et que, la même année, Mobutu donne ce contrat à Lutz Kayser.Donc Valéry Giscard d'Estaing ne voulait pas que le projet de Lutz Kayser au Congo-Kinshasa ne fasse concurrence au projet Ariane, dans lequel il voulait associer l'Allemagne ?Absolument. Et Lutz Kayser a cru pendant quelques années qu'il pouvait convaincre les Français. Il n'a pas réussi ça, c'est clair. Et c'est là que Kadhafi lui a ouvert les bras et lui a tenu le discours qu'il voulait entendre.En effet, une fois qu'il est congédié par Mobutu, l'ingénieur allemand vend son savoir-faire au colonel Kadhafi. Mais ce qui intéresse le numéro 1 libyen, ce ne sont pas des fusées pour aller dans l'espace, ce sont des missiles pour frapper Israël. Du coup, il y a un malentendu, non ? Il y avait un énorme malentendu. Mais pour Lutz Kayser, Kadhafi était quelqu'un qui s'intéressait à l'espace. Je pense que ça n'était pas le cas. En tout cas, ça n'était certainement pas le cas des militaires libyens qui voulaient, eux, des missiles de moyenne portée.Et à ce moment-là, vous dites que l'ingénieur allemand Lutz Kayser a peut-être pris peur ?Il a connu personnellement des gens qui avaient travaillé pour Nasser au début des années 60 et puis qui avait été victimes de lettres piégées, envoyées par le Mossad. Donc je pense - c'est ma conviction personnelle - qu'il avait peur du Mossad. Et il voulait réellement lancer des satellites, il ne voulait pas faire du militaire.Au final, cet ingénieur allemand, qui est aujourd'hui décédé et dont vous avez rencontré la veuve, n'a jamais réussi à envoyer un satellite dans l'espace. Est-ce que c'est un mégalomane qui a vu trop de films et qui s'est pris pour Spectre, l'adversaire de James Bond ? Ou est-ce que c'est un visionnaire, un Elon Musk qui est peut-être né 50 ans trop tôt ?Je dirais que c'est plutôt la deuxième option. Ce sont les deux choses, c'est-à-dire qu'on peut voir cette histoire comme un exemple de l'ambition démesurée d'êtres humains qui veulent atteindre les étoiles, etc. Depuis que Prométhée a essayé de voler le feu du ciel, c'est un trait commun et c'est un reproche qu'on peut faire aux êtres humains. Et en même temps, il est certain que le contexte géopolitique de l'époque ne se prêtait absolument pas à ce type d'entreprise. Il a terminé sa vie sur un petit îlot du Pacifique. Il faut se souvenir que les Américains sont très présents, et d'ailleurs, que les expérimentations spatiales de la société fondée par Elon Musk ont commencé là. Donc, je pense qu'il y avait une sorte de dépit, d'amertume de la part de Lutz Kayser, qui n'a jamais voulu comprendre pourquoi les grandes puissances s'étaient opposées à lui, ou avaient fait une espèce de mur contre lui.
7/13/20237 minutes, 50 seconds
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«La Côte d'Ivoire est prête à fournir une CAN d'exception», assure le président du comité d'organisation

Dans six mois, le 13 janvier, sera donné le coup d'envoi de la 34ᵉ Coupe d'Afrique des nations en Côte d'Ivoire. Jusqu'ici, le comité d'organisation (Cocan) avait peu communiqué et encore moins répondu aux critiques et rumeurs qui disaient le pays en retard. Le 11 juillet, au stade d'Ebimpé où se tiendront notamment les matchs d'ouverture et la finale, le président du Cocan François Amichia, s'est montré très confiant quant à la bonne tenue de l'événement au côté de Samson Adamu, directeur des compétitions. RFI : La Coupe d'Afrique des Nations (CAN) est dans six mois. La Côte d'Ivoire est-elle prête ?François Amichia : La Côte d'Ivoire, comme elle a pris l'engagement de fournir une CAN d'exception, est prête.Ça veut dire que tout ce que l'on peut lire, ce que l'on peut entendre sur les réseaux sociaux, tout ça, ce sont des fadaises ? Aujourd'hui, les Ivoiriens peuvent bomber le torse, ils accueilleront bien cette CAN avec ambition ?Au niveau du comité d'organisation de la Coupe d'Afrique des Nations, nous avons reçu instruction de son excellence Alassane Ouattara, président de la République, de mesures bien précises, avec des dates et un calendrier bien précis. Et c'est ce que nous avons suivi jusqu'à présent. Je tiens, en tant que président du comité d'organisation, à rassurer les amoureux du football africain, à rassurer les amateurs du football mondial, à rassurer tous ceux qui souhaitent se rendre en Côte d'Ivoire en janvier/février 2024, que tout est mis en place pour les accueillir. Aussi bien au niveau des équipes, au niveau des délégations officielles, qu'au niveau des supporters. Et pas seulement à Abidjan.On a un axe sud-Nord sur cette CAN avec Abidjan et San-Pédro, plutôt à l'Ouest. Et puis on monte vers Yamoussoukro, Bouaké, Korhogo… Des stades neufs, sont-ils tous prêts ?La ville d'Abidjan a deux sites : il y a le stade Alassane Ouattara d'Ebimpé et le stade Félix Houphouët Boigny. Ces deux stades sont prêts à accueillir les équipes. Au niveau de la capitale politique Yamoussoukro, là également, c'est un stade qui est déjà homologué, et qui a déjà accueilli des matchs de compétition. Donc, à ce niveau, pas de problème. Bouaké, la deuxième ville de la Côte d'Ivoire, a déjà accueilli des compétitions éliminatoires de la Coupe d'Afrique. Il n'y a pas de problème non plus. Quand nous allons dans le nord, nous avons le stade Amadou Gon Coulibaly de Korhogo, qui est aujourd'hui terminé et est prêt à accueillir des matchs tests de l'équipe des Éléphants. Tout comme le stade Laurent Pokou de San-Pédro, qui, au mois de septembre, accueillera un match amical.On a deux stades rénovés et quatre stades entièrement neufs. Est-ce que l'on est prêt aussi en dehors des stades, parlons des routes ?En vous rendant ici, au stade Alassane Ouattara d'Ebimpé, vous avez vu les travaux qui sont en cours pour accéder à ce joyau architectural. Évidemment, aujourd'hui, il y a encore quelques tronçons qui sont en mise en conformité, mais je peux vous confirmer que le gouvernement met tout en œuvre pour que ces accès routiers soient prêts. Au niveau de San-Pédro, l'axe que nous appelons ici « La Côtière » – entre Abidjan et San-Pédro – est terminé à 95 %. L'autoroute qui mène d'Abidjan à Yamoussoukro est prête. La nationale qui mène de Bouaké à Korhogo est pratiquement quasi prête, il reste encore quelques tronçons à terminer.Mais nous ne sommes qu'au mois de juillet, et je peux vous dire qu'avant la cérémonie du tirage au sort, qui aura lieu le 12 octobre prochain, et à la suite de laquelle les équipes iront à reconnaissance de leur lieu d'affectation et de leurs hôtels, tout sera prêt, et ils pourront faire le choix qui leur convient.Parlons des hôtels. C'est souvent là que le bât blesse, à quelques mois, quelques semaines, parfois même pendant les compétitions. Là encore, êtes-vous confiants ?Au niveau de la ville d'Abidjan, ce sont plusieurs réceptifs hôteliers qui sont terminés et qui vont accueillir les équipes. La Confédération Africaine de Football (CAF) a déjà fait le choix pour que les équipes qui seront désignées pour jouer dans les deux poules d'Abidjan puissent avoir les commodités nécessaires. Au niveau de la capitale politique Yamoussoukro, je crois que nul ne peut ignorer que les infrastructures existent. À la ville de Korhogo, en plus des infrastructures hôtelières, nous avons prévu un village CAN pour accueillir les quatre équipes qualifiées. Il en est de même à Bouaké et San-Pédro, où des villages CAN ont été créés pour accueillir les équipes qualifiées. Mais en plus de ces villages CAN, il y a des réceptifs hôteliers pour accueillir les délégations officielles et les supporters qui viendraient.Samson Adamu, le directeur des compétitions de la CAF, a dit : « Si ça n'est pas la plus belle des CAN, nous n'aurons aucune excuse. » Quelle pression !La « plus belle des CAN », c'est l'instruction que le chef de l'État ivoirien a donné. La plus belle des CAN, c'est l'objectif que s'est fixé le comité exécutif de la CAF. Je crois que quand le propriétaire de l'événement et l'organisateur de l'événement partagent le même objectif, tout est réuni pour le réussir. Mais le diable se trouve dans les détails, donc nous prenons toutes les dispositions pour que le jour J, tout soit à la hauteur des attentes des Africains. Je crois que cela nous permet d'être sereins, de rester zen.À lire aussiCAN 2024: où en est la Côte d’Ivoire à six mois du début du tournoi ?
7/12/20236 minutes, 40 seconds
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«La corruption perdure avec la même intensité en Afrique», estime Amnesty International dans un rapport

À l’occasion de la journée africaine de lutte contre la corruption ce mardi, Amnesty International publie un rapport sur la situation dans 19 pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Le résultat est édifiant : les défenseurs des droits humains qui y combattent la corruption risquent arrestations, harcèlement, placements en détention, lourdes amendes. Certains risquent même la mort. Amnesty s’est intéressé à 31 de ces personnes actuellement menacées. Liliane Mouan, conseillère sur la corruption et les droits humains à Amnesty International à Dakar, est l'invitée de RFI. RFI : Comment évolue la corruption en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale ces dernières années ?Liliane Mouan : Nous constatons – malheureusement – que malgré le fait que 48 des 55 États membres de l'Union africaine (UA) aient ratifié la convention de l'Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, la corruption perdure avec la même intensité en Afrique et prospère dans un climat de restrictions draconiennes des droits humains et de l'espace civique, qui limite la capacité des défenseurs des droits humains à demander des comptes à des acteurs puissants au sujet de la corruption.Dans ce rapport, vous documentez la répression contre des défenseurs des droits humains qui tentent de lutter contre la corruption. Vous avez étudié la situation dans 19 pays, dans quel pays la situation est-elle la plus alarmante, selon vous ?On ne peut pas dire qu'il y ait un pays spécifique où la situation est la plus alarmante. Ce que nous avons constaté, c'est que dans ces pays, les autorités ont adopté des lois répressives pour restreindre l'exercice des droits fondamentaux et utiliser certaines lois existantes pour faire taire les voix critiques, y compris les lanceurs et lanceuses d'alerte, qui jouent un rôle crucial en signalant ces agissements. Parallèlement, les défenseurs des droits humains qui essaient de combattre la corruption sont confrontés à un manque de lois permettant de les protéger, à des institutions judiciaires biaisées et à une culture d'impunité qui laisse justement les pratiques malhonnêtes et les abus de pouvoir impunis.Pour vous donner un exemple concret, il est fort de constater que sur les 19 pays étudiés, seule la Côte d'Ivoire, le Mali et le Niger ont adopté des lois sur la protection des défenseurs des droits de l'homme, et seul le Ghana possède une loi visant spécifiquement à protéger les lanceurs et lanceuses d'alerte.À lire aussiCôte d’Ivoire: bilan sur la plateforme Spacia, lancée pour alerter sur des cas de corruptionDans ces pays, vous expliquez que les défenseurs des droits humains qui combattent la corruption risquent arrestations, harcèlement, placement en détention. Certains risquent même la mort. Quel est le profil de ces personnes menacées ?Nous avons mentionné 31 cas dans le rapport et ces cas-là ont été sélectionnés au vu de la corrélation étroite ou plutôt le lien étroit entre leur travail et leurs actions en tant que défenseurs des droits humains qui combattent la corruption et la répression à laquelle ils ou elles font face. Donc, on parle évidemment des journalistes tels que Martinez Zogo, on parle des blogueurs et blogueuses, on parle des lanceurs et lanceuses d'alerte, on parle de professionnels de la santé, on parle même des leaders locaux.Parmi les cas emblématiques, il y a celui du journaliste togolais Ferdinand Ayité, qui a été contraint de fuir son pays après avoir accusé deux membres du gouvernement de corruption.Ferdinand Ayité – pour ceux qui ne le savent pas – est un journaliste qui a fondé le journal Alternative, et qui a été accusé en février 2021 d'avoir publié de fausses informations au sujet du ministre de l'Urbanisme, de l'habitat et de la réforme foncière. Son journal a aussi été suspendu pendant quatre mois par la Haute autorité de l'audiovisuel, de la communication, l'organe de régulation des médias, privant ainsi le journal des revenus dont il avait besoin, surtout après une période très difficile, liée à la pandémie de Covid-19.Mais si on va ailleurs, au Nigeria par exemple, il y a le lanceur d'alerte Ibrahim Bana qui estime avoir été arrêté 19 fois et poursuivi en justice quatre fois depuis 2016, généralement pour trouble à l'ordre public, à la suite de publications sur Facebook, de cas possible de corruption.Encore au Niger, on mentionne le cas de la journaliste et blogueuse nigérienne, Samira Sabou, qui a été condamnée à une peine d'un an de prison et une amende de 100 dollars américains pour diffamation par un moyen de communication électronique, pour avoir relayé un article publié en 2021 par l'initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée, selon lequel la drogue saisie par les autorités nigériennes avait été rachetée par des trafiquants et remise sur le marché.Que vous répondent les dirigeants de ces États, lorsque vous les alertez sur la situation de ces défenseurs des droits humains ?Jusqu'ici, certains États ont adopté certaines actions positives. Le Niger a essayé de réviser, par exemple, la loi sur la cybercriminalité. Mais ces actions sont rares. Donc, nous souhaiterions vraiment que les États prennent en compte les obligations qu'ils ont signé au niveau international et respectent les droits à la liberté d'expression et des réunions pacifiques – qu'ils promeuvent – et protègent les droits des défenseurs des droits humains, luttant contre la corruption et mettre fin à l'impunité des responsables d'agression et autres atteintes aux droits humains. Entre autres recommandations que nous proposons dans le rapport.La communauté internationale a-t-elle, selon vous, un rôle à jouer pour lutter contre ces dérives ?Oui, bien sûr. Nous exhortons les organes régionaux et sous-régionaux, tels que la Commission africaine des droits de l'homme et du peuple, à promouvoir la ratification à l'intégration dans la législation nationale, ou même la mise en œuvre complète des traités régionaux de lutte contre la corruption, ainsi que des lois garantissant la promotion et la protection des droits humains. Nous appelons à la création d'un mandat au titre des procédures spéciales des Nations unies ou d'un mécanisme similaire qui permettrait d'examiner, de contrôler l'impact et les conséquences multiples et croisées de la corruption sur les droits humains et qui pourrait apporter des conseils et des solutions dans ce domaine. On exhorte les états étrangers à soutenir, à promouvoir le travail que font les défenseurs des droits de l'homme qui luttent contre la corruption.À lire aussiMadagascar: menace de mort à l'encontre d'une lanceuse d'alerte, quelle protection ?
7/11/20235 minutes, 11 seconds
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Guerre au Soudan: à l'hôpital turc de Khartoum, «de très bons résultats malgré toutes les difficultés»

Depuis près de trois mois et le début du conflit au Soudan, les habitants de Khartoum vivent au milieu des combats, dans une ville où les services essentiels sont à l'arrêt. La plupart des hôpitaux ont fermé leurs portes et certains sont occupés par les belligérants. Au sud de la capitale, l'hôpital turc est l'un des rares à être aujourd'hui fonctionnel. Chaque jour, il reçoit des dizaines de blessés de guerre, dont le personnel doit s'occuper malgré la pénurie de médicaments et les coupures d'électricité. Le docteur Mego Terzian, chef de mission de Médecins Sans Frontières (MSF) au Soudan, coordonne les activités de cet établissement. Il nous raconte ses conditions de travail extrêmement difficiles. RFI : Autour de l’hôpital dans lequel vous travaillez, il y a des combats qui éclatent chaque jour. Comment peut-il continuer à fonctionner dans ces conditions de guerre ?Docteur Mego Terzian : Nous, on est une vingtaine de personnels de Médecins sans frontières, on vit dans l’hôpital, donc 24 heures sur 24. D’ailleurs, je suis le seul qui sort avec une petite équipe soudanaise pour savoir ce qu’il se passe dans la ville, mais les autres vivent et travaillent dans l’hôpital. Au quotidien, on reçoit quinze blessés par jour.Mais parfois, on a des pics où l'on a un afflux massif de blessés. Par exemple, il y a dix jours, en 48 heures, 160 blessés sont arrivés à l’hôpital, et l'on a même été obligés de demander de l’aide au personnel non-médical pour contrôler la foule, pour mettre de l’ordre devant les services des urgences, pour soigner les patients qui réussissaient à arriver dans notre hôpital.Comment ces blessés arrivent jusqu’à vous ? Par exemple, est-ce qu’il y a des ambulances qui continuent de circuler ?Malheureusement, il n’y a pas d’ambulances qui circulent pour des raisons de sécurité souvent. Tous les véhicules, dont les ambulances, sont confisqués par les combattants. Les blessés arrivent d’une façon spontanée : souvent dans des taxis, avec des motos ou avec n’importe quel moyen, par des voisins, ou tout simplement par des citoyens qui tentent d’aider la personne qui est blessée.Vous recevez donc des blessés de guerre, est-ce que vous traitez aussi des patients qui ont des maladies chroniques et qui ont besoin d’un traitement en continu ?La majorité de nos patients ne sont pas des patients directement liés à la violence : des femmes enceintes et des enfants. On a souvent des nouveau-nés aussi, qui ont besoin d’oxygène. On a d’autres patients atteints d’insuffisance rénale, qui ont besoin de dialyse, et l'on essaie de trouver des solutions avec nos moyens qui sont limités quand même. L’acheminement du matériel médical et de médicaments est très difficile, l’acheminement des bouteilles d’oxygène est très difficile. On a des extracteurs d’oxygène, certes, mais souvent, on n’a pas d’électricité.Est-ce qu’il y a eu un accord tacite entre les belligérants pour préserver l’hôpital du conflit ?Il y a un accord entre les deux belligérants, comme quoi l’espace humanitaire doit être respecté. En tout cas, pour Médecins sans frontières, on n’a pas eu de problèmes majeurs dans l’enceinte de l’hôpital. En revanche, on a des informations comme quoi certains hôpitaux sont bombardés, à Omdurman par exemple, dans l’hôpital saoudien, un médecin avait été assassiné.À lire aussiSoudan: nouveau bombardement meurtrier, l'ONU redoute «une guerre civile totale»En tant que médecin, soigner dans l’urgence, au milieu d’un conflit, ce doit être une expérience très particulière. Comment vous le vivez ?Personnellement, je le vis bien. Malheureusement, j’ai été dans des situations similaires dans plusieurs pays comme la Somalie, la Syrie ou le Yémen. Mais en revanche, la majorité des collègues qui travaillent avec moi, c’est leur première expérience en situation de guerre, mais je peux dire qu’ils arrivent à tenir le coup. Souvent, plusieurs médecins passent des nuits sans dormir. Tout est très compliqué, mais bizarrement, tous les jours, les collègues, avec moi, arrivent à trouver des solutions pour faire tourner l’hôpital. Miraculeusement, les résultats sont très bien, malgré toutes les difficultés, une mortalité très faible pour l’instant. Jusqu’à quand, je l’ignore.Au-delà de l’hôpital, après presque trois mois de conflit, quelle est l’atmosphère dans la capitale ? Que vous disent les habitants que vous rencontrez à Khartoum ?C’est l'effondrement total. Rien ne marche dans la ville de Khartoum. Nous, on est dans la partie sud, il y a une certaine vie qui est en cours, plus ou moins normale, avec une population assez importante, à peu près 200 000 personnes qui sont restées dans la zone. Hier, on a été avec une équipe pour acheminer des médicaments, et on n’a rencontré aucune personne civile dans les rues, tout était déserté, il n’y avait que des combattants qui circulaient dans les rues. Donc pour moi, la majorité des populations avec qui je discute sont convaincues que cette guerre malheureusement, à Khartoum et dans le pays en général, va durer encore longtemps. Et ils sont très déçus de l’indifférence de la communauté internationale sur tout ce qui se passe dans leur pays.À lire aussiFace à la situation au Soudan et au Soudan du Sud, quel rôle pour le CICR ?
7/10/20234 minutes, 53 seconds
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Tensions à Sfax: «La Tunisie n'a aucun plan pour régulariser les migrants arrivés sur son sol»

En Tunisie, la ville de Sfax, à l’est du pays, a connu une semaine de violences après la mort d’un Tunisien le 3 juillet dans une altercation avec des migrants subsahariens. Des centaines de migrants ont été chassés de leurs domiciles, d’autres raflés dans la rue et emmenés dans des zones frontalières désertiques avec la Libye et l’Algérie, livrés à eux-mêmes. Cette situation alarmante sur le plan humanitaire est le résultat d’un problème de gestion de la crise migratoire que connaît Sfax depuis des mois. La ville est la plaque tournante de nombreux départs irréguliers vers l’Italie, mais le déferlement de haine envers les migrants n’est pas nouveau. En février dernier, suite à des propos polémiques du président de la République sur la migration irrégulière, la ville avait déjà connu des agressions racistes et des expulsions de domiciles. Loïc Oyono est un entrepreneur camerounais et directeur adjoint d’African Business Leader, une association tunisienne qui milite pour l’insertion économique des migrants. Il répond à Lilia Blaise, envoyée spéciale à Sfax. RFI : Vous vivez depuis neuf ans en Tunisie, vous avez une carte de séjour. Mais avec les violences à l’égard des migrants dans la ville, vous êtes aussi très affecté par ce qu’il se passe. Pouvez-vous m’expliquer comment en est-on arrivé à une telle situation à Sfax ?Loïc Oyono : Il faut questionner l’arrivée de ces migrants en Tunisie, qui arrivent de deux manières. Premièrement, il y a ceux qui viennent de manière légale. Pourquoi ? Parce que bon nombre d’entre eux sortent d’Afrique de l’Ouest, les pays d’Afrique de l’Ouest ont de très bonnes relations diplomatiques avec la Tunisie, donc bénéficient du free visa. Mais une fois arrivés sur place, il n’y a aucune possibilité pour eux de se régulariser. La deuxième vague, ce sont ceux qui viennent par les frontières libyennes ou algériennes. Étant donné que la Tunisie n’a aucune politique pour régulariser les personnes arrivées sur le sol tunisien de manière illégale, ils sont là, ils errent. Beaucoup avaient quand même des logements, c’est-à-dire qu’ils arrivaient à habiter quelque part – certes, dans des endroits un peu reculés de la Tunisie, des quartiers dits populaires – dans ces quartiers qui étaient un choix préférentiel pour eux. Pourquoi ? Parce que, premièrement, les loyers y sont relativement peu coûteux et deuxièmement, il n’y a pas besoin de contrats de location. Et donc, arrivés sur place, ils doivent cohabiter avec cette autre population de ces quartiers, les Tunisiens, qui également subissent la crise économique du pays. D’une certaine manière, cette population les prend pour bouc émissaire. Et voilà où nous en sommes arrivés, on a commencé par les expulsions des logements. Et lorsqu’il y a expulsion, forcément, il y aura la vue de plusieurs migrants dans les rues, ce qui peut être effrayant, d’une certaine manière, pour la population tunisienne.Il y a eu également des violences en représailles, après la mort d’un Tunisien le 3 juillet suite à une altercation avec trois migrants. Mais cela faisait déjà deux semaines qu’il y avait des tensions à Sfax. Comment agissez-vous au sein de votre association face à de tels problèmes ?Premièrement, après le discours polémique du président de la République tunisienne en février dernier sur la migration, nous avons constaté beaucoup de désordre au niveau de la ville de Sfax, beaucoup de violences. Nous avons vu qu’il y avait des agressions et personne ne sortait, surtout dans les endroits reculés. Et donc, avec notre association et d’autres associations, nous nous sommes mis en consortium et chaque soir, nous allions donner des petits paniers de première nécessité, que ce soit sanitaire ou alimentaire, pour aider ces personnes qui avaient même la crainte de sortir. Ça, c’est ce qu’il s’est passé avant. Maintenant, avec ce qui recommence, je ne vais pas vous mentir, en tant qu’acteur de la société civile ici en Tunisie, nous nous sentons impuissants par rapport à ce qu’il se passe. Au final, qu’est-ce qu’on va faire, qu’est-ce qu’il y a à faire ? On sait qu’il y aura un temps d’accalmie d'ici à quelques jours, mais on a l’impression que d'ici à quelques mois, ça recommencera.Une accalmie précaire, comme vous le dites, on a vu des migrants être escortés hors de leur domicile par la police, sous les cris de « Dégage » des habitants. Aujourd’hui, des centaines d’entre eux sont obligés de vivre dans la rue, sans compter ceux qui ont été transportés de force vers les frontières libyenne et algérienne, et livrés à leur sort. Comment en est-on arrivés là ?De notre côté, au niveau de l’association, nous avons eu également des signalements de ces cas, c’est-à-dire des personnes qui font des vidéos étant à la frontière, comme quoi ils y auraient été déposés. Franchement, nous ne comprenons pas le mutisme des organisations non gouvernementales actuellement. Est-ce que ce sont des plans politiques qui sont en train de se jouer ? Franchement, il s’agit de vies humaines. Ces personnes qui sont dehors sont des personnes qui meurent dans la rue, parce qu’elles n’ont pas de quoi manger, elles ne travaillent plus. Sans compter que la justice suit son cours. Il y a eu des interpellations, donc on ne comprend pas pourquoi il y a ce chaos et cette vendetta, cette chasse aux Noirs en Tunisie, chaque soir. Et ce n’est pas que ça, parce qu’elle touche tout le monde, sans distinction de statut-encore que le statut légal ou pas dans un pays ne définit pas l’être humain, mais elle touche bien tout le monde. Il y a des étudiants qui actuellement sont en période d’examen, qui n’arrivent pas à sortir, et qui ont des craintes pour aller composer. Il y a ceux, également, qui sont en projet de fin d’études. Imaginez le trouble psychologique d’être dans un pays où on vient chez vous le soir, on casse tout. Tout ce que l'on demande, c’est justement un appel à la paix, et cela doit être fait par le gouvernement à sa population, et cela doit être fait régionalement, par les radios régionales, et c’est ainsi que les choses avanceront.Pour finir sur une note plus positive, est-ce qu’aujourd’hui un migrant subsaharien qui vient en Tunisie a une chance de travailler et de rester dans le pays, s’il le souhaite ?La Tunisie n’a aucun plan pour régulariser les personnes qui sont arrivées sur le sol tunisien de manière irrégulière, ça c’est le premier volet, et c’est un gros problème. Cela veut dire qu’elle ouvre une plaie qui, pour moi, ne se refermera pas tant que ce problème ne sera pas résolu. Maintenant, on peut parler d’entrepreneuriat. C’est dans ce volet que notre association s’inscrit : l’insertion socio-économique des migrants. J’en suis un exemple : je suis un entrepreneur sur le sol tunisien qui a des revenus grâce à son entreprise et qui vit de son activité, d’une certaine manière. Donc, avec notre association, nous avons le projet Kufanya, avec lequel nous avons accompagné 105 entrepreneurs migrants, parmi lesquels il y en a 30 qui ont mis sur pied des produits commercialisables sur le sol tunisien, trois cohortes. Nous avons quinze femmes migrantes en situation de vulnérabilité que nous avons aidées à créer des activités génératrices de revenus. C’est pour dire que c’est possible en Tunisie, mais la seule voie que l’on voit actuellement, c’est l’entrepreneuriat, et même cette voie, reste semée de beaucoup d’embûches.                                                     
7/9/20234 minutes, 59 seconds
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Suicide: en Afrique, «le taux de professionnels en santé mentale est l'un des plus bas au monde»

L'Afrique subsaharienne enregistre le taux de suicide le plus élevé au monde (11 suicides pour 100 000 habitants, contre 9 sur 100 000 pour le monde). Une évaluation menée en 2019 a démontré que parmi les dix pays ayant le taux de suicide le plus élevé au monde, six sont africains, mais l’information reste méconnue car le suicide est un sujet tabou. À travers la campagne « Speak Up For Life. Parler. Consulter. Soutenir », l’Organisation mondiale de la santé en Afrique tente de toucher un public jeune et de déconstruire certaines idées reçues. La psychiatre Dr Florence Baingana, conseillère régionale de l'OMS Afrique pour la santé mentale et l'abus de substances psychoactives est l'invitée d’Amélie Tulet. RFI : Premier stéréotype que cette campagne cherche à défaire : celui selon lequel le suicide ne serait pas un problème africain.Dr Florence Baingana : Beaucoup de gens ne croient pas que nous avons un taux de suicide très élevé en Afrique, alors que si : le suicide existe en Afrique et c'est même assez courant. Mais le suicide est très très tabou. Si une personne se suicide, sa famille sera étiquetée comme ayant un problème. Il y a une croyance selon laquelle c'est quelque chose qu'on peut attraper. Ce n'est pas contagieux, le suicide est lié à la souffrance profonde d'un individu. Mais cette souffrance ne sera pas transmise aux membres de sa famille, à ses enfants. Je pense donc que nous devons également dissiper ce mythe.Sur les dix pays les plus touchés sur le continent, six sont en Afrique australe, sait-on pourquoi ? Certains des pays d'Afrique australe ont des registres pour les suicides et donc on peut faire l'hypothèse qu'ils comptabilisent mieux les personnes qui meurent par suicide. Autre hypothèse : certains pays d'Afrique de l'Ouest ont un pourcentage fort de croyants musulmans. Le taux de suicide y est officiellement très faible, mais nous ne savons pas si cela reflète la réalité ou la stigmatisation autour des suicides qui y seraient beaucoup plus dissimulés. Donc, beaucoup plus de recherches doivent être faites.Ce que nous voudrions, c'est que les pays collectent régulièrement des données sur le suicide, mais parfois, quand quelqu'un meurt par suicide, si cela est indiqué sur le certificat de décès, les chefs religieux peuvent refuser d'enterrer cette personne. Il est donc très, très difficile de comptabiliser les suicides. C'est très difficile même pour les professionnels de la santé d'écrire « mort par suicide », à moins que les preuves ne soient vraiment accablantes...Nous estimons que nous devons faire de notre mieux pour soulager la souffrance. Donc, si quelqu'un a un problème de santé mentale, si quelqu'un souffre tellement qu'il envisage de se suicider, nous voulons apprendre à ses proches et ses amis à voir les signes et les symptômes pour aider cette personne à obtenir de l'aide. Si quelqu'un souffre beaucoup, nous ne pouvons pas dire, « eh bien, c'est une affaire personnelle, ça le regarde ». Si quelqu'un souffre beaucoup, on fait du mieux qu'on peut pour soulager cette douleur.La campagne de l'OMS est très colorée et très orientée réseaux sociaux, pourquoi vouloir d'abord s'adresser aux plus jeunes ?Le plus grand nombre de suicides dans le monde concerne les jeunes de 15 à 24 ans. Mais aussi, comme vous le remarquerez dans cette campagne, il ne s'agit pas seulement de dire « n'attentez pas à votre vie » : il s'agit aussi d'apprendre comment reconnaître qu'un proche envisage de se suicider, comment remarquer qu'un ami a changé de comportement. S'il commence à faire des choses qui suggèrent qu'il a des pensées suicidaires, encouragez-le à demander de l'aide.Mais pour trouver cette aide, y a-t-il assez de professionnels formés ? Non, il n'y en a pas assez. L'Afrique subsaharienne compte environ 1,6 professionnel en santé mentale pour 100 000 habitants ! 1,6 pour 100 000 : c'est l'un des taux les plus bas au monde. Nous avons donc besoin de plus, beaucoup plus de psychologues cliniciens, mais nous avons aussi besoin de psychiatres, nous avons besoin d'infirmières en santé mentale.Les gouvernements doivent investir davantage dans les activités de prévention. Une chose que les gouvernements peuvent aussi faire, c'est réglementer l'utilisation des engrais et des pesticides. Parce que les ingérer est un moyen courant de se suicider en Afrique. S'ils sont facilement disponibles, il est alors plus facile de passer à l'acte. L'autre nécessité, c'est de réglementer l'accès aux médicaments qui peuvent être utilisés en surdose pour se suicider. À l'OMS, nous avons un guide, Live Life. Nous encourageons les gouvernements à se rendre sur le site web de l'OMS et à consulter ce document et à voir ce qu'ils peuvent faire pour la prévention et réduire le taux de suicide.► À écouter aussi : Suicide, comment mieux le prévenir
7/7/20237 minutes, 21 seconds
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Retrait de la Minusma: «Le Mali va se rapprocher de sa situation au début de la crise en 2012»

Depuis le 30 juin dernier, la Minusma organise son retrait, qui devra être achevé d’ici la fin de l’année, soit dans six mois. Après dix ans au Mali, le départ de la mission onusienne, exigé par les autorités maliennes de transition, pose de nombreuses questions. Des enquêtes sur les violations des droits humains dans le pays pourront-elles toujours être menées ? Sur le plan sécuritaire, comment le Mali compensera-t-il le départ des Casques bleus, présents notamment dans le Nord ? Le départ de la Minusma pourrait-il être l’occasion de troubles, comme ce fut le cas lors du retrait de la force française Barkhane ? Niagalé Bagayoko, présidente du Réseau africain pour la sécurité, revient pour RFI sur la situation malienne. RFI : La Minusma va disparaître, et avec elle, les enquêtes de sa division droits de l’Homme. Est-ce que les Nations unies auront d’autres manières de surveiller les violences au Mali, celles des jihadistes et celles de l’armée malienne et de ses supplétifs russes ?Niagalé Bagayoko : Le départ de la Minusma va créer un vide en matière d’investigation des violations de droits de l’Homme et d’exactions contre les civils, mais la mission était déjà entravée de ce point de vue-là. Il reste encore aujourd’hui un expert indépendant des Nations unies en la personne d’Alioune Tine. La question qui se pose est : quel accès au terrain sera-t-il en mesure d’avoir ? Le Haut-commissariat aux droits de l’Homme aussi a une mission en la matière, mais il y a, il ne faut pas l’oublier, une procédure judiciaire lancée par les autorités maliennes contre certains des personnels onusiens qui ont contribué à la rédaction du rapport de Moura, donc il sera beaucoup plus difficile pour des acteurs internationaux, qu’ils relèvent des Nations unies ou d’organisations non-gouvernementales – comme Amnesty, comme Human Rights Watch –, d’avoir un accès au terrain.Les Casques bleus ne peuvent plus réagir en cas d’attaque contre les civils que pendant trois mois. Après le 30 septembre, ils n’y seront plus du tout autorisés. Est-ce inquiétant ?Malheureusement, la situation des civils est alarmante depuis un grand nombre d’années. La Minusma a réussi à sécuriser les civils dans certaines zones, et on constate d’ailleurs que c’est dans ces zones plutôt situées dans la partie septentrionale du pays qu’il y a eu un certain nombre de protestations pour déplorer la décision des autorités maliennes d’exiger son départ « sans délai ». Mais on voit ce qu’il se produit, notamment dans la région de Ménaka : avec l’État islamique, les Nations unies se sont révélées elles aussi, malheureusement comme la plupart des acteurs nationaux ou internationaux, très peu en mesure de protéger ces populations civiles. Malgré tout, certains estiment que le départ des Casques bleus constitue un effet d’aubaine pour les groupes jihadistes, qui pourraient augmenter leurs attaques. Selon vous, c’est exagéré ou c’est à craindre ?Bien sûr, c’est à craindre, c’est ce que l’on voit dans les zones où la mission n’était pas présente. Il est à craindre aussi des attaques contre les personnels de la Minusma. Il faut rappeler qu’il s’agit de la mission la plus meurtrière [de toutes les opérations de maintien de la paix de l’Onu – NDLR], donc d’ici le 31 décembre, il est à craindre une hausse des violences contre ces personnels-là, et à terme, contre des civils dans une situation qui va se rapprocher, malheureusement, de celle qu’on connaissait au début de la crise en 2012. Est-ce qu’on a déjà des éléments sur le plan des autorités maliennes pour la sécurisation du Nord, où se trouvent la majorité des bases militaires onusiennes ?Pour l’instant, les autorités maliennes font surtout état de la « montée en puissance » dont elles affirment pouvoir se prévaloir depuis l’année et demie écoulée qui, selon elles, a commencé dans le centre du Mali et qui a vocation à s’étendre sur l’ensemble du territoire. Des opérations qui se sont traduites par une certaine reconquête de certaines zones, mais si l’on prend par exemple le fameux village de Farabougou, qui avait beaucoup attiré l’attention, il semble avoir été totalement vidé [de sa population, qui a dû fuir – NDLR]. Mais, ce que l’on constate avant tout, c’est la hausse des tensions depuis le début de l’année entre les autorités et les groupes armés signataires de l’accord de paix, ce qui laisse penser que des hostilités pourraient reprendre dans un avenir relativement proche. Lorsque l’armée malienne a récupéré les sites laissés par la force française Barkhane, il y a un an, on a connu l’épisode de Gossi : le Mali avait accusé les soldats français d’avoir laissé derrière eux un charnier, la France avait dénoncé, images à l’appui, une manipulation orchestrée par Wagner. Est-ce que le retrait de la Minusma pourrait donner lieu à ce type de séquences ?Il ne me semble pas que les relations entre les autorités maliennes et la Minusma étaient aussi dégradées qu’elles ne l’étaient entre la France et ces mêmes autorités. Il y a d’ores et déjà, notamment dans la capitale Bamako, des mouvements très hostiles à la Minusma. À mon avis, il faut s’attendre à des manifestations célébrant le départ de la mission, mais je ne suis pas certaine que l’on atteigne le degré d’horreur de ce qu’il s’est produit à Gossi.
7/6/20236 minutes, 43 seconds
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Sénégal: «Le président a délivré tout le pays», estime l’opposant Khalifa Sall

Dans sa première réaction à la décision du président sénégalais Macky Sall de ne pas briguer un troisième mandat à la présidentielle de février prochain, l’opposant Khalifa Sall ne boude pas son plaisir. « En annonçant sa non-candidature, le président a délivré tout le pays », déclare l’ancien maire de Dakar, qui dirige aujourd’hui la coalition Taxawu Sénégal. Quelle est la cause de cette « très belle surprise » de la part de Macky Sall ? « La mobilisation sociale, la pression internationale et la parole donnée ». L’opposant sénégalais se félicite aussi, grâce à une modification de la loi électorale, de pouvoir être éligible en février prochain. « Je serai candidat inch’allah », déclare-t-il à RFI et France 24. N’est-ce pas le fruit d’un « deal d’un autre âge » avec Macky Sall, comme dit l’opposant Ousmane Sonko ? « Je ne réagis jamais aux accusations infondées », répond l’ancien maire de Dakar, qui, dans cet entretien, ne cite pas une seule fois le nom d’Ousmane Sonko, mais espère une prochaine élection présidentielle « inclusive », où tous les citoyens qui veulent concourir pourront se présenter.RFI & France 24 : Khalifa Sall, le président Macky Sall a donc annoncé ce lundi, lors d'un discours très attendu à la nation, qu'il renonçait à se représenter à l'élection présidentielle prévue en février 2024. Alors, tout d'abord, est-ce que vous avez été surpris et est-ce une bonne surprise pour vous ?Khalifa Sall : Le discours de ce lundi a été un fort moment... Libérateur, à la limite, puisque le président, en annonçant sa non-candidature, a délivré tout le pays. Le président nous a fait une très belle surprise. On s'en réjouit et on le félicite, puisqu'il fallait le faire, et il l'a fait.Alors pourquoi l'a-t-il fait ? Il a eu cette phrase : « J'ai tenu parole ». Est-ce la vraie raison, ou est-ce que, selon vous, les violences meurtrières du début du mois de juin et les pressions internationales ont compté dans sa décision ?Pourquoi devrions-nous douter de sa parole ? Cependant, il est évident que la pression, la mobilisation sociale depuis 2021 jusqu'à juin 2023, avec les événements meurtriers dramatiques que nous avons vécus, ont certainement pesé dans sa décision. Mais même si la pression internationale a joué, il est évident que la décision était personnelle et je crois que c'est ce qui est réconfortant, c'est que cela va constituer une bonne aération démocratique.Alors, il y a une autre annonce qui est importante dans le discours du président, il a annoncé une modification de la loi électorale qui vous autorisera à être candidat à cette présidentielle. D'où cette question très simple : est-ce que dorénavant, c'est sûr, vous êtes candidat à la présidentielle, Khalifa Sall ?Je vous l'avais annoncé il y a quelques mois, je crois. Je vous avais dit que je serai candidat, Inch’Allah, et c'est toujours à l'occasion des dialogues que des avancées consolidantes ont été notées, et c'est ce qui a été fait pendant celui-ci. Et nous y sommes allés, nous, Taxawu Sénégal. Nous avions posé cinq problèmes qui avaient été validés par le dialogues : la troisième candidature, une élection présidentielle inclusive avec la participation de tout le monde, la question des parrainages - qui étaient pour nous un mode de sélection qu'il fallait abroger -, la libération des détenus politiques et la modification du code électoral. Donc, que le choix ait été fait par le dialogue de modifier l'article 28 du code électoral est une bonne démarche, qui permet de régler tous ces problèmes. Cependant, nous continuons à penser que le président de la République va faire en sorte que le scrutin soit plus inclusif, parce que nous sommes certains que tout le monde doit participer. Le débat n'est pas terminé. Il y a le fait que, désormais, la déchéance devrait résulter d'une décision de justice. Il y a un certain nombre de choses qui restent à régler, comme les organes qui supervisent les échelons, donc beaucoup de questions qui concernent la démocratie et les acteurs politiques en général.Alors, est-ce que vous demandez que la condamnation d'Ousmane Sonko soit annulée et qu'il puisse participer à cette présidentielle, et est-ce que vous pensez que, plutôt que son arrestation, on pourrait le voir à nouveau inclus dans le jeu politique ?Vous savez, je ne fais jamais de débat de personne. Par contre, je m'en tiens aux principes en prônant l'inclusion pour le scrutin présidentiel. Cela suppose que tous les candidats aient la possibilité d'y participer, donc que ce soit un tel ou un autre ne présente pas d'intérêt pour nous. Ce que nous voulons, c'est que tous ceux qui aspirent à être candidat puissent le faire.... Y compris Ousmane Sonko ?Tous les candidats peuvent. Tous ceux qui veulent concourir doivent pouvoir le faire.Merci Khalifa Sall de nous avoir accordé cet entretien sur nos deux chaînes, France 24 et Radio France Internationale.À lire aussiSénégal: après l’annonce de la non-candidature du président Macky Sall, une succession en question
7/4/202310 minutes, 45 seconds
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Nord-ouest du Cameroun: «Les groupes armés se criminalisent de plus en plus»

Amnesty International publie, ce mardi 4 juillet, un rapport édifiant sur la situation dans le nord-ouest du Cameroun, l’une des deux régions anglophones du pays. Selon l'ONG, la population y est prise en étau entre les différentes parties qui s’affrontent. Les groupes séparatistes armés y font notamment face aux forces de défense et de sécurité. Amnesty documente les destructions d’habitation, homicides et autres crimes commis par les deux parties. Les personnes qui dénoncent ces atrocités sont menacées et arrêtées de façon arbitraire, ajoute l’ONG. Entretien avec Fabien Offner, chercheur au bureau régional pour l’Afrique de l’ouest et du centre d’Amnesty International. Le premier constat que vous faites dans ce rapport, c'est que les groupes séparatistes armés sont toujours aussi actifs, y compris dans les régions non-anglophones, et qu'ils ont considérablement renforcé leur arsenal.Oui, c'est une analyse sur le temps long. Ce qu'on constate effectivement, c'est qu'au fil et à mesure des années, l'armement s'est renforcé. L'utilisation des engins explosifs improvisés est devenue assez fréquente et frappe visiblement de façon assez forte l'armée camerounaise.Dans ce rapport, vous vous penchez sur la situation dans le Nord-Ouest où vous êtes rendu entre mars et avril. Les autorités vous ont laissé facilement aller sur place ? Les autorités ne nous ont posé aucun problème pour nous rendre au Cameroun et nous avons pu travailler de façon tout à fait normale, avec les précautions qui sont celles d'une organisation comme Amnesty dans tous les pays. Nous avons fait des demandes de rencontres auprès des autorités camerounaises, nous n'avons pas reçu de réponse, mais nous avons quand même rencontré la Commission camerounaise des droits de l'Homme.Selon votre rapport, dans cette région, la situation y est « catastrophique », les groupes séparatistes armés « tuent », « torturent », procèdent à des enlèvements, à la destruction d'habitation et ils ciblent en particulier une communauté, celle des éleveurs peuls mbororo.Effectivement, les violations sont tellement vastes et les crimes sont tellement nombreux, qu'on a voulu resserrer un petit peu l'angle sur une situation, une dynamique de conflit particulière qui, dans le Nord-Ouest concerne notamment les Peuls Mbororo. Ils ont été rapidement ciblés par les groupes armés séparatistes, d'abord pour des raisons géographiques et par ailleurs pour des raisons historiques, avec de nombreux conflits fonciers dans cette région du Nord-Ouest. Les violences armées, déclenchées en 2017 ont, un petit peu, servi de moteur et ont militarisé des situations qui étaient déjà au préalable conflictuelles.Dans ce rapport, vous êtes arrivés à documenter, meurtres, enlèvements, destructions d'habitations, commis par ces groupes séparatistes armés. Des groupes qui s'attaquent aussi aux enseignants et aux étudiants.Effectivement, les groupes armés séparatistes, dès le début, s'en sont pris à tout ce qui, de près ou de loin, pouvait toucher à l'État. Donc, il y a eu une attaque généralisée contre toutes les personnes qui ne partagent pas leur combat et ce qu'on observe également depuis plusieurs années, c'est qu'au fur et à mesure que ces violences armées perdurent, les groupes armés se criminalisent de plus en plus.Depuis le début de la violence armée, les forces de défense et de sécurité ont accru leur présence dans les régions anglophones. Ce que vous documentez aussi dans ce rapport, ce sont de graves violations des droits humains commises par ces forces don dans le département de Bui. Ce que nous avons documenté à Bui, c'est ce qui existe dans d'autres régions, dans d'autres localités. C'est la partie seulement émergée de cet iceberg de violations extrêmement importantes. Les populations sont totalement prises en étau, d'où le titre « Avec ou contre nous ». Soit, « vous êtes avec nous, l'armée camerounaise, et si vous n'êtes pas avec nous, ça veut dire que vous êtes contre nous. Donc, on se permet d'incendier vos villages, de procéder à des arrestations arbitraires », qui sont également très nombreuses et qui se terminent souvent - quand elles se terminent devant des tribunaux -, devant des tribunaux militaires. Ce qui est évidemment illégal au terme du droit international. Nous avons également documenté des viols et des violences sexuelles, qui sont également sans doute beaucoup plus nombreux que ce que nous avons recueilli. Nous avons également documenté ce que nous appelons des homicides illégaux, donc des meurtres commis par l'armée camerounaise. Les autorités camerounaises ont reconnu certains homicides illégaux dans certaines localités et ont annoncé certaines enquêtes et investigations. Malheureusement, ce que nous avons constaté, c'est qu'il y a eu beaucoup d'annonces et très peu d'enquêtes concrètes et très peu d'ouvertures concrètes de procès.Justement, sur la réponse des autorités : non seulement - dites-vous-, elles ne communiquent pas sur les éventuelles procédures engagées, mais surtout elles s'attaquent à celles et ceux qui dénoncent ces atrocités.Effectivement, il y a très peu d'informations sur l'ouverture d'enquêtes, sur la tenue de procès et le déroulé des éventuels procès existants et malheureusement, il y a également très peu de collaboration avec les mécanismes internationaux onusiens et avec les institutions africaines. Mais en plus, comme vous le dites, les personnes qui souhaitent documenter les violations des droits humains commises par tout le monde sont victimes de harcèlement, voire d'arrestations arbitraires. Il faut préciser que cela va dans les deux sens : les défenseurs des droits humains sont victimes également de menaces de la part de groupes armés séparatistes. Donc, là-dessus, l'État camerounais fonctionne un petit peu de la même façon que les groupes armés qu'il combat.En conclusion, vous faites un certain nombre de recommandations. D'abord, à destination des autorités camerounaises, mais vous demandez également aux pays qui fournissent des armes au Cameroun de mieux contrôler leur utilisation et de travailler avec les autorités, pour prévenir tout détournement au profit de groupes séparatistes armés. Ça a déjà été le cas ?On a constaté, on a documenté dans certaines vidéos que des armes croates et des armes serbes ont été détournées par des groupes armés séparatistes, qui les ont obtenus après des attaques contre les armées camerounaises. Donc, nous disons à d'autres pays, « dans une moindre mesure, mais vous aussi, vous avez quand même livré un certain nombre d'armes aux autorités camerounaises, quelles sont les garanties avez-vous aujourd'hui, que des armes françaises ne servent pas à commettre des violations des droits humains ? » Et malheureusement, les réponses ne sont pas très claires. Pour parler des autorités françaises, nous n'en avons même pas eu.Fabien Offner, vous avez transmis ce rapport aux autorités camerounaises ?Tout à fait, comme nous le faisons systématiquement. Nous avons transmis le rapport à différents ministères pour une demande de droit de réponse. Nous n'avons malheureusement, à ce jour, pas reçu de réponse.À lire aussiCameroun: nouveaux enlèvements à Buku, dans le Nord-Ouest, près du Nigeria
7/4/20235 minutes, 14 seconds
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«L'Afrique a compris l'importance de miser sur le spatial», dit l’astronome sénégalais Maram Kairé

De plus en plus, les pays du continent africain investissent le domaine spatial. Agences nationales, projets de satellites… Le secteur évolue à grande vitesse et pour en parler, nous recevons l’une de ses figures Maram Kairé, astronome sénégalais, dont le nom a été attribué il y a deux ans tout juste à un astéroïde. Maram Kairé, au micro de Laurent Correau. RFI : Bonjour Maram Kairé Une quarantaine de satellites africains sont actuellement en orbite. Une vingtaine de pays du continent possèdent désormais leur agence spatiale. Est-ce que vous diriez que le spatial africain a maintenant décollé ?Maram Kairé : Bonjour, On peut le dire oui. Effectivement, il y a un envol qui est là. Aujourd'hui, on est à 22 agences spatiales qui sont créées à travers le continent et les lancements se multiplient. Donc, ça veut dire que l'Afrique a compris l'importance de miser sur le spatial, mais c'est surtout une ambition pour ce continent d'occuper une place dans le spatial.Pendant très longtemps, le spatial africain était dominé par l'Égypte, l'Afrique du Sud, le Nigeria, l'Algérie... Est-ce que ce club est en train de s'ouvrir ?Oui, et je pense que l'aspect miniaturisation l'a permis. Notamment, les nanosatellites, qui sont partis du domaine de la recherche universitaire, et qui sont aujourd'hui des outils pratiques pour les jeunes États qui veulent investir le secteur spatial. Aujourd'hui, vous avez des pays comme le Rwanda, Maurice, la Tunisie, le Ghana, le Kenya ou tout simplement le Sénégal qui créent son agence spatiale... Donc, ce club s'est élargi et je pense qu'on va accueillir de plus en plus de pays, parce que ce sont des enjeux que tout le monde a compris maintenant.Quels sont les projets du Sénégal en matière de lancement de satellite ?Il y a un premier satellite qui est en cours de développement. Ça va être un « CubeSat » (satellite cubique miniature) qui devrait être finalisé au plus tard l'année prochaine, donc on espère avoir le lancement l'année prochaine. Dans les deux prochaines années, on va initialiser le lancement du deuxième satellite qui, peut-être, à l'horizon 2027-2028, irait vers la mise en place de la première constellation de satellites du Sénégal.Certains s'interrogent sur l'opportunité pour des pays africains d'investir dans ce secteur spatial. À quoi peut servir concrètement, pour un pays, le développement d'un secteur spatial ?Le constat en fait, c'est que l'essentiel des pays qui ont misé sur le spatial, depuis une vingtaine ou une trentaine d'années, sont les pays qui sont les plus en avance dans l'atteinte de ces objectifs de développement durable. Il y a énormément d'applications aujourd'hui : l'agriculture, les pluies, qui arrivent normalement très tôt au mois de juin, se font attendre aujourd'hui jusqu'au mois de juillet/août parfois, donc avec deux ou trois mois de retard. Les populations, qui avaient l'habitude de semer et d'attendre les pluies au mois de juin, ont ce réflexe de continuer à faire les mêmes pratiques, alors que l'exploitation des données satellitaires peuvent nous permettre d'avoir des prévisions beaucoup plus fiables dans le domaine météorologique et de leur faire comprendre à quel moment il faut semer pour ne pas perdre cet investissement en semant les graines trop tôt. Est-ce que dans ce secteur, Maram Kairé, il faut des politiques spatiales nationales, ou est-ce que l'avenir spatial de l'Afrique est dans les structures régionales ou panafricaines ?C'est un ensemble de tout ça, en fait. Il faut que les pays arrivent à développer leur propre agence spatiale, avoir une politique spatiale, mais qui va venir s'inscrire dans un programme beaucoup plus global. Le rôle aujourd'hui de l'Agence spatiale africaine n'est pas de faire le spatial à la place des États africains, mais c'est de voir comment fédérer, comment coordonner l'ensemble d'une activité sur le continent, qui serait issue en fait des feuilles de route des différents pays africains qui ont développé leur programme spatial. On a tenu une conférence tout récemment à Abidjan du 25 au 28 avril sur le New Space, sous la houlette donc de l'Agence spatiale africaine et de l'Union africaine. Aujourd'hui, le message est clair : les pays mettent en place leur agence spatiale avec leur propre programme et nous avançons en essayant d'apprendre comment travailler ensemble pour développer le spatial africain, comment développer une économie, une industrie autour de ce spatial africain. Depuis deux ans, Maram Kairé, un astéroïde porte votre nom. Est-ce que ça change la façon dont vous-même, vous voyez le ciel quand vous le regardez, le soir ? Oui, parce que j'imagine toujours qu'il y a le drapeau du Sénégal qui flotte sur cet astéroïde, donc c'est une fierté pour le pays. C'est une fierté, peut-être pour tous ces jeunes qui peuvent se dire que maintenant, c'est possible. Quand vous partez du principe qu'au début, il n'y avait pas de possibilité de faire de l'astronomie dans mon pays. Aujourd'hui, les jeunes se disent : « Si on a un astéroïde qui porte le nom d’un concitoyen sénégalais, ça veut dire que c'est possible également pour nous. » Donc c'est une motivation supplémentaire pour ces jeunes générations. Et cet astéroïde ne brille pas comme une étoile, mais le fait de l'imaginer quelque part dans le système solaire, c'est une lueur d'espoir.Maram Kairé, merci. C'est moi qui vous remercie.À lire aussiÀ Abidjan, l’Afrique réaffirme ses ambitions spatiales pour des retombées très concrètes
7/3/20234 minutes, 58 seconds
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Les femmes dans la décolonisation: il faut «mettre en avant le rôle important qu'elles ont joué»

Quelle a été la place des femmes noires dans la pensée de la décolonisation ? Cette question, longtemps passée sous silence par les historiens, est au cœur d'un livre signé par l'autrice afro-américaine Annette Joseph-Gabriel. Dans Imaginer la libération, l'universitaire évoque sept figures qui ont été des « protagonistes majeures », de Suzanne Césaire à Paulette Nardal en passant par Aoua Keïta. Entretien avec Annette Joseph-Gabriel, professeure associée de l'université de Duke aux États-Unis.
7/2/20237 minutes, 14 seconds
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A. Georges Dologuélé (opposant centrafricain): «Le président veut changer la Constitution pour de mauvaises raisons»

En Centrafrique, le 30 juillet, la population va être appelée à voter, par référendum, pour ou contre une nouvelle Constitution. Sur RFI, vous avez pu entendre, pour le oui, les arguments du président Touadera, exprimés par le premier Vice-Président de l'Assemblée nationale, Evariste Ngamana. Aujourd'hui, réaction de l'opposition, regroupée dans le BRDC, le Bloc républicain pour la défense de la Constitution qui n'a pas l'intention de participer à ce référendum. En ligne de Bangui, le député Anicet Georges Dologuélé qui avait mis le candidat Touadera en ballotage en 2015, répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : « Il faut changer de Constitution car celle de 2016 a été mise en place à la sortie de la transition, elle n’est plus adaptée aux réalités d’aujourd’hui », disent les autorités. Qu’est-ce que vous en pensez, Anicet Georges Dologuélé ? Anicet Georges Dologuélé : Ce sont des arguments qui ne tiennent pas la route : c’est toujours le même pays, c’est toujours les mêmes problèmes, c’est le même peuple. Le président actuel a été élu sur la base de cette Constitution. Pourquoi maintenant ? Pourquoi pas il y a cinq ans ? Donc la population ne comprend pas ce qu’il se passe, ne veut pas du tout de ce référendum. Elle ne sait pas d’où viendra l’argent pour ce référendum, parce qu’il n’y a déjà pas d’argent pour le quotidien, et les Centrafricains ont des problèmes de survie. Tout le monde est mécontent de ce qu’il se passe, mais tout le monde a peur d’être écrasé. Sur le calendrier, les autorités affirment que le texte soumis à référendum sera rendu public à l’occasion du début de la campagne référendaire, c’est-à-dire à la mi-juillet…Vous voyez un peu l’escroquerie, on ne peut pas dire qu’on a été supplié par le peuple pour changer de Constitution et cacher cette Constitution au peuple. C’est inédit de rendre public un texte d’une Constitution la veille d’une campagne. Ça veut dire qu’on n’a aucun respect pour son peuple, c’est même qu’on a du mépris pour son peuple. Et alors pourquoi, à votre avis, n’est-il pas utile de changer de Constitution ? Déjà, parce que le président veut changer de Constitution pour de mauvaises raisons. La première, c’est que, contrairement aux deux fois où il a prêté serment, où il s’est engagé à ne pas modifier le nombre et la durée des mandats - c’est particulier dans notre Constitution parce que le jour de la prestation de serment, le président prononce ces phrases-là -, donc contrairement à ce qu’il a pris comme engagement, il est en train de vouloir changer ces articles et rester au pouvoir. Et la seconde chose, c’est que, manifestement, il ne veut plus m’avoir en face de lui. Donc du coup, tous les binationaux seront éliminés de la course à la présidentielle. Donc pour vous, il ne fait aucun doute que cette nouvelle Constitution, c’est pour permettre au président actuel de briguer un troisième mandat en 2025 ? Uniquement pour ça, sinon, comment expliquez-vous qu’il ait pu renvoyer l’ancienne présidente de la Cour constitutionnelle, uniquement parce qu’elle a indiqué qu’il n’était pas possible ni de modifier l’actuelle Constitution, ni d’aller à une nouvelle Constitution ? Derrière cette brutalité qui est utilisée, on voit très bien qu’il y a un calcul très précis, c’est celui d’un troisième mandat. Dans cette nouvelle Constitution, pourrait être écarté tout candidat ayant une double nationalité. C’est votre cas, vous avez un passeport centrafricain et un passeport français. Est-ce que vous vous sentez visé ? Oui, je pense que, malheureusement, en voulant me viser, le président Touadéra vise beaucoup de Centrafricains très brillants, qui ont toutes les capacités d’être président de la République, députés, sénateurs, et qui ont le droit de le faire. Donc, on ne peut pas vouloir, juste pour écarter un seul adversaire, s’attaquer à des centaines, voire des milliers de jeunes Centrafricains qui sont en capacité de donner le meilleur d’eux-mêmes pour leur pays. Quelle est votre stratégie au niveau du Bloc républicain de défense de la Constitution, le BRDC, pour ce référendum du 30 juillet ? Nous n’avons pas l’intention de participer à ce référendum et nous comptons bien expliquer à la population centrafricaine qu’il ne faut pas prendre part à ce référendum. Mais pourquoi n’appelez-vous pas à voter « non » ?Mais parce que ça ne sert à rien. Vous avez vu que toutes les institutions de la République sont parties prenantes à la campagne du « oui », et donc ça veut dire que les résultats seront connus d’avance. Vous savez qu’il est impossible d’organiser un référendum dans un pays comme la République centrafricaine en quelques semaines et en saison des pluies. Ça veut dire qu’il n’y aura pas du tout de référendum, que les résultats sont connus d’avance, que les urnes seront bourrées ici à Bangui et les résultats proclamés ici à Bangui. Donc ce n’est pas la peine de participer à ce type de mascarade. Depuis cinq ans, la Centrafrique a noué une alliance militaire avec la Russie et, malgré la tentative de coup de force de Wagner samedi dernier contre le pouvoir russe, les autorités centrafricaines continuent d’espérer que les liens de coopération entre Moscou et Bangui vont demeurer comme à l’accoutumée. Est-ce que vous partagez leur optimisme ?  Ici, en Centrafrique, nous voyons plutôt des liens de coopération entre certains individus au gouvernement et le groupe Wagner. Nous n’avons pas trop le sentiment d’une relation d’État à État avec la Russie. En tout cas, ça ne se vit pas ici. Donc nous espérons que cesse toute la brutalité que les Centrafricains vivent au quotidien de la part des soldats de Wagner, et que cesse tout cette prédation sur les ressources du pays. Le peuple a besoin de vivre sans avoir peur des gens qui sont réputés venir nous protéger. Donc vous souhaitez le départ de Wagner de Bangui ? Exactement.
6/30/20236 minutes, 59 seconds
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Dansa Kourouma (CNT guinéen): «Quitter la démocratie conflictuelle pour une démocratie consensuelle»

La prochaine Constitution de la Guinée pourra-t-elle rassembler les acteurs politiques guinéens ou va-t-elle semer les germes de nouvelles divisions ? Les débats d'orientation qui ont eu lieu durant la deuxième quinzaine de mai 2023 se sont faits sans les partis des Forces vives et des polémiques commencent déjà à se faire jour sur le prochain texte. Le Conseil National de la Transition (CNT) est l'institution qui est au cœur de ce travail constitutionnel : c'est lui qui a pour mission de rédiger l'avant-projet de nouvelle loi fondamentale. Quels sont les points d'ores et déjà envisagés ? Quel sera le calendrier des travaux à venir ? De passage à Paris, le président du CNT guinéen, Dansa Kourouma, a répondu à nos questions. RFI : Dansa Kourouma, dans votre discours de clôture du débat d’orientation constitutionnelle, vous avez longuement évoqué la réforme du système partisan guinéen. Est-ce que cela veut dire que vous envisagez d’inscrire dans la prochaine Constitution des dispositions sur l’organisation de ce système partisan ? Dansa Kourouma : Parfaitement. La réorganisation du système partisan est une demande de la population, qui a été consultée par le CNT à l’occasion des missions de consultations que nous avons organisées sur l’étendue du territoire national. Le rapport des assises nationales, également, sur le pardon et la réconciliation ont ressorti l’impérieuse nécessité d’organiser le système partisan et surtout les conditions de création de fonctionnement et l’organisation du mode de contrôle des partis politiques. Est-ce que vous envisagez une limitation du nombre de partis ? La limitation, non. Mais il y aura un filtre démocratique qui permet aux partis politiques de respecter les conditions de leur création, mais aussi les conditions d’exercice des libertés démocratiques. Est-ce que certains partis politiques qui existent actuellement pourraient être amenés à disparaitre ? Oui, naturellement. Il y a des partis qui peuvent ne pas être conformes aux nouveaux critères qui seront définis dans la nouvelle Constitution.Est-ce qu’on se dirige également vers une limitation de l’âge des candidats à la présidentielle ?Le débat se fait. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’acteurs qui se sont succédé au débat d’orientation constitutionnelle qui ont fait des propositions sur la limitation de l’âge. Mais pour le moment, nous voulons quitter la démocratie conflictuelle pour arriver à une démocratie consensuelle et apaisée. Le critère le plus important, ce sont les conditions qui peuvent garantir l’exercice des obligations des fonctions de président et de haut-représentant de l’État. Pour être dans une démocratie tout à fait apaisée, il faudrait que la plupart des forces politiques du pays participent à ces discussions. Or, les Forces vives ont décidé de rester à l’écart de cette démarche. Comment peut-on associer ces Forces vives à la suite du processus ? Nous avons adressé des correspondances, des termes de référence et des documents et supports essentiels à tous les acteurs de la vie nationale, y compris les entités qui composent les Forces vives. En même temps, les Forces vives disent : impossible de participer au dialogue sur la Constitution s’il n’y a pas de dialogue plus général. Pourquoi un tel dialogue n’est-il pas possible sous la supervision de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), comme le demandent les Forces vives ? Pour moi, le dialogue politique se fait en Guinée, c’est un dialogue entre les acteurs de la vie nationale et les autorités de la transition sur les modalités de mise en œuvre de la transition. La Cédéao peut intervenir à n’importe quel moment de ce dialogue. Elle a d’ailleurs désigné un médiateur. Je pense que la fonction du médiateur est une fonction qui est suffisamment importante pour assurer la continuité de ce dialogue. L’autre élément qui me semble être extrêmement important, c’est que toutes les conditionnalités posées par les Forces vives sont en train d’être mises en œuvre par les autorités guinéennes - en tête, le Premier ministre -, dont de revoir les conditions pour la libération provisoire de ceux qui étaient arrêtés, de ceux qui étaient en conflit avec la loi. Aujourd’hui, ces acteurs ont été libérés avec l’intervention des religieux. Le gouvernement guinéen est en train de tout mettre en œuvre pour que les conditions d’un dialogue se mettent en place. Mais, j’apporte une précision : le dialogue ne peut pas être un dialogue propre à chaque entité en fonction de sa demande. L’article 57 de la charte de la transition attribue à votre institution, le CNT, la mission d’élaborer la nouvelle Constitution. Comment va s’organiser le travail de rédaction de cette nouvelle loi fondamentale ? Déjà, nous sommes en avance. Nous avons mis en place une approche méthodologique sur dix points. Aujourd’hui, nous avons finalisé le sixième point : le débat d’orientation constitutionnelle. Les autres étapes qui viennent, c’est la rédaction de l’avant-projet et le dialogue institutionnel. Quel sera le calendrier de cette rédaction de l’avant-projet et du dialogue qui va suivre ? Les quatre autres étapes qui restent, nous comptons les dérouler dans les trois mois à venir. Vous dites : « Nous sommes en avance ». Mais nous sommes en juin 2023. Normalement, suivant le calendrier de la transition, la Constitution aurait déjà dû être rédigée. Est-ce que ce retard va se répercuter sur la date de fin de la transition, fin 2024 ?Nécessairement non, parce qu’en réalité, le retard qui a été accusé est en train d’être rattrapé. Le débat d’orientation constitutionnelle était parti sur 45 jours, mais nous l’avons réalisé en 15 jours pour éviter, naturellement, de s’éterniser sur cette phase. Nous comptons rattraper tout le temps. Mais ce qui est important, dans le respect du chronogramme de la transition, il y a la responsabilité de ceux qui sont au pouvoir, il y a la responsabilité de la Cédéao, il y a la responsabilité des acteurs politiques et sociaux de la Guinée. Chacun de nous doit se mettre ensemble autour de ce cadre de dialogue qui est créé pour que chacun puisse accomplir sa partition et aller de l’avant. Vous disiez donc trois mois ce qui veut dire que fin septembre, il y aura un projet de Constitution pour la Guinée ? Si tout va bien, nous avons l’obligation de respecter ce délai. ► L'entretien a été réalisé avant l'annonce du décès de Hadja Rabiatou Serah Diallo, ancienne Secrétaire générale de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG) et figure du syndicalisme en Guinée. 
6/29/20235 minutes, 3 seconds
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Evariste Ngamana (RCA): «La situation en Russie n'entame en rien les relations entre nos deux États»

Pour la première fois, la Centrafrique réagit aux événements de samedi dernier en Russie. Les autorités centrafricaines espèrent que « tout va rentrer dans l'ordre et [que] les liens de coopération entre Moscou et Bangui vont demeurer comme à l'accoutumée ». Mais elles ajoutent que si les Français et les Américains veulent venir aussi sécuriser le territoire centrafricain, « ils seront les bienvenus ». Évariste Ngamana est le premier vice-président de l'Assemblée nationale centrafricaine. Il est aussi le directeur de campagne pour le « oui » au référendum du 30 juillet prochain. En ligne de Bangui, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Pourquoi voulez-vous changer de Constitution ?Évariste Ngamana : Vous savez que c’est le peuple centrafricain dans son ensemble qui a fortement milité pour le changement de cette Constitution, étant entendu que la Constitution du 30 mars 2016 renfermait beaucoup de manquements et que c’était une Constitution qui avait été adoptée après la période de transition. C’est ainsi que vous avez vu, dans un passé récent, il y a eu des marches, des manifestations, des mémorandums, des pétitions qui ont été destinées aux autorités centrafricaines, demandant, effectivement, le changement de cette Constitution, la prise en compte des résolutions issues du dialogue républicain qui s’est tenu à Bangui en mars 2022.Pour l’opposition politique, en fait, tout est simple, le président Faustin-Archange Touadéra veut changer la Constitution pour pouvoir briguer un troisième mandat en 2025…C’est faux et archi-faux. Pour nous, ce qui compte aujourd’hui, c’est la réécriture de cette nouvelle Constitution. Les autres débats ne sont que du dilatoire.Mais, de fait, si cette nouvelle Constitution est adoptée, Faustin-Archange Touadéra pourra éventuellement se représenter en 2025, c’est ça ?Une nouvelle Constitution revient à dire que c’est une nouvelle République, et si le président de la République répond aux critères d’éligibilité, pourquoi pas, c’est un Centrafricain comme tout autre et c’est le peuple centrafricain qui tranchera à travers les urnes.Donc les compteurs vont bien être remis à zéro ?Le compteur sera remis à zéro, puisqu’il s’agit d’une nouvelle République, et d’un nouveau départ.Et dans ce cas-là, est-ce que le président Touadéra sera le candidat naturel du parti au pouvoir, le mouvement Cœurs unis (MCU), pour la prochaine présidentielle de 2025 ?Il est prématuré de vous dire un mot sur cette question, puisque au moment venu, c’est le MCU qui va se réunir en congrès pour décider s’il sera candidat ou pas. Donc pour l’instant, je ne peux pas vous dire si c’est Touadéra, si c’est Boisbouvier, si c’est Ngamana, mais le moment venu, vous le saurez.Pour l’organisation de ce référendum, vous comptez notamment sur le soutien du Rwanda et de la Russie, mais quand on parle des Russes, est-ce qu’on pense à ceux du groupe paramilitaire Wagner, ou à ceux de l’État russe ?Mais pourquoi vous ne parlez que de la Russie et du Rwanda ? On pourra aussi compter sur la France, les États-Unis, la Chine, etc. Mais en ce qui concerne la question du mécontentement en Russie, c’est un problème purement intérieur à la Russie. Notre relation avec la Russie, c’est une relation d’État à État et nous ne pouvons que nous conformer à cela.Et quand vous avez vu samedi dernier les images d’Evguéni Prigojine qui entrait en rébellion contre Vladimir Poutine, comment avez-vous réagi ?C’est un problème purement « russo-russien », donc c’est entre les Russes, cela n’entame en rien les relations qui ont toujours existé entre nos deux États. Donc nous osons espérer que tout va rentrer dans l’ordre et que nos liens de coopération vont demeurer comme à l’accoutumée.Mais concrètement, Évariste Ngamana, les deux chefs du groupe paramilitaire Wagner qui sont dans votre pays, côté militaire, l’ancien légionnaire français Vitali Perfilev, et côté politique, Dmitri Sytyi, est-ce qu’ils vont rester à Bangui ou pas ?Je n’en sais rien, puisque je ne connais pas leur fonctionnement. Vous savez, les hommes passent mais les institutions demeurent, donc ce qui compte pour nous, c’est la relation d’État à État qui ne date pas d’aujourd’hui entre la République centrafricaine et la fédération de Russie.Alors vous dites que tous les pays amis sont bienvenus pour aider à l’organisation du référendum du 30 juillet prochain, et vous citez la France parmi ces pays. Voulez-vous dire que la France reste pour vous un pays ami ?Mais pourquoi pas ! On a un lien séculaire, historique, culturel avec la France, même économique. Si la France veut venir nous prêter main forte, elle est la bienvenue. Je pense qu’on n’a pas de problèmes avec la France.Est-ce qu’aujourd’hui, après ce qu’il s’est passé samedi dernier en Russie, vous avez intérêt à maintenir cette alliance militaire privilégiée avec la Russie, ou est-ce que vous avez intérêt à diversifier vos alliances militaires avec d’autres pays, pourquoi pas les États-Unis, pourquoi pas la France ?Tout le monde est bienvenu en République centrafricaine. Donc aujourd’hui, si d’autres États se manifestent pour venir nous prêter main forte, de manière sincère et de manière durable, nous, nous sommes disposés et disponibles pour les accueillir, ils sont les bienvenus.Oui, mais vous savez bien que les Américains et les Russes ne vont pas cohabiter sur votre territoire et que, lors du sommet États-Unis Afrique de Washington de décembre dernier, le président Biden a proposé un plan de sécurisation au président Touadéra, à condition que les Russes quittent la République centrafricaine…Ça, c’est vous qui le dites, mais nous avons des exemples sur le continent africain où ces deux États coopèrent et collaborent. Et je pense que le gouvernement centrafricain a travaillé sur le dossier, ça a déjà été transmis au niveau des États-Unis, donc nous attendons la suite. La République centrafricaine ne ferme pas la porte à qui que ce soit.Donc, vous n’avez pas fermé la porte à la proposition Biden, vous avez répondu à la proposition américaine ?Évidemment, puisqu’ils voudraient nous aider, est-ce qu’on doit dire non ? Et si la France veut nous aider, on ne dira pas non.
6/28/202318 minutes, 47 seconds
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Départ de la Minusma du Mali: «L’enjeu, c’est un retrait négocié qui évitera un vide sécuritaire»

Après le coup de force avorté du chef du groupe paramilitaire Wagner, Evgueni Prigojine, il est impossible à ce stade de savoir si cette séquence aura des conséquences sur la présence de Wagner en Afrique. Au Mali, en tout cas, à brève échéance, cela ne changera pas la décision des autorités de transition de mettre un terme à la présence de la Minusma, la Mission des Nations unies dans le pays, alors que la question du renouvellement de son mandat doit justement passer devant le Conseil de sécurité de l’ONU ce 29 juin 2023. La Minusma va-t-elle devoir partir, combien de temps son retrait pourrait-il prendre, quelles conséquences pour le pays et pour l’accord de paix signé en 2015 entre l’État malien et les groupes armés du Nord ? Arthur Boutellis, conseiller à l’International Peace Institute (IPI), enseigne les relations internationales à l’université Columbia de New York et à Sciences Po Paris. Il a lui-même travaillé pendant une quinzaine d’années avec les opérations de maintien de la paix des Nations unies, dont deux années, entre 2013 et 2015, au Mali au sein de la Minusma. Il est notre invité. RFI : Arthur Boutellis, le Conseil de sécurité de l’ONU examinera le 29 juin 2023 le renouvellement du mandat de la Minusma. Le Mali demande son départ « sans délai. » Le Conseil de sécurité a-t-il d’autres choix que d’acter ce retrait ?  Arthur Boutellis : La décision malienne a pris par surprise le Conseil de sécurité, et certains se sont demandé si la décision était irrévocable ou non. Et puis, il a fallu se rendre à l’évidence, donc les membres du Conseil, maintenant, travaillent à une nouvelle résolution de retrait de la mission.  Justement, combien de temps sera-t-il nécessaire au retrait de la Minusma, et ce temps nécessaire pourrait-il faire l’objet d’un nouveau bras de fer entre les Nations unies et Bamako ? C’est tout l’enjeu de la négociation, l’adoption d’une résolution qui permettrait un départ rapide mais ordonné de la mission. L’échelle c’est trois mois, six mois, deux ans ? Les autorités maliennes, certainement, veulent un départ dans l’année 2024. Simplement, une mission comme ça, étant donné les enjeux logistiques et sécuritaires particuliers au Mali, ça va demander des mois. Je ne vais pas non plus avancer de délai parce que c’est l’objet des négociations et les planificateurs de l’ONU sont en train de réfléchir à ces questions-là. Mais je pense qu’un délai de moins d’un an ne serait pas raisonnable. L’enjeu véritable c’est un retrait négocié qui permettrait d’éviter un vide sécuritaire, mais aussi qui éviterait un divorce entre le Mali et la communauté internationale sur le court et le moyen terme. Le champ d’action de la Mission onusienne s’était déjà largement réduit au Mali depuis deux ans, avec les interdictions de survol de certaines parties du territoire, les entraves au travail de la section droits de l’homme... Les Nations unies n’auraient-elles pas dû partir avant d’être mises à la porte ? C’est un peu compliqué, les signaux datent depuis longtemps. Dès le début de la Minusma en 2013, il y avait déjà un décalage entre les attentes du gouvernement et ce que pouvait véritablement apporter une opération de maintien de la paix, étant donné son mandat mais aussi ses capacités. En 2016, le Conseil de sécurité avait adapté le mandat, en demandant aux Casques bleus d’adopter une démarche plus proactive et robuste. Mais en pratique, ça avait eu pour effet de créer des attentes plus importantes encore, auxquelles la mission ne pouvait pas répondre. Le gouvernement de transition malien, plus récemment, avait envoyé une note - en décembre dernier - demandant à nouveau que la mission soit plus offensive et qu’elle augmente son soutien aux forces armées maliennes en particulier, mais aussi qu’elle s’abstienne de ce que le gouvernement du Mali qualifiait de « politisation et d’instrumentalisation de la question des droits de l’homme ». Mais bien sûr, c’est difficile, voire impossible, pour l’ONU de répondre à ces demandes-là. Je pense que la Minusma avait fait beaucoup ces derniers mois pour être encore plus « utile » aux autorités de transition, en termes de projets, en termes d’appui aux forces de défense et de sécurité maliennes, notamment. Mais là encore, les missions de l’ONU ne peuvent pas être là simplement comme fournisseurs de services à l’État hôte, elles ont un mandat du Conseil de sécurité, et elles sont basées sur un certain nombre de principes, dont celui d’impartialité.  Est-ce que ça ne doit pas faire réfléchir au format des missions onusiennes de maintien de la paix ? C’est vrai que c’est souvent incompréhensible pour beaucoup de Maliens qu’une mission avec autant de moyens ne puisse pas faire plus pour protéger les civils et lutter contre les groupes armés. Cela dit, l’ONU est aussi trop souvent un bouc émissaire facile, et les limites intrinsèques du modèle de maintien de la paix ne doivent pas non plus dédouaner les parties au conflit - les gouvernements maliens successifs, les groupes armés signataires - de toute la responsabilité pour la situation sécuritaire, notamment, dans laquelle se trouve le pays aujourd’hui. Accuser la mission d’alimenter les tensions intercommunautaires comme ça a été fait au Conseil, c’est très injuste. Les opérations de paix de l’ONU sont là pour créer un espace pour une solution politique nationale, elles ne peuvent pas faire la paix à la place des belligérants et ne sont surtout pas configurées pour faire de la lutte contre le terrorisme, elles ne sont ni mandatées, ni configurées. La publication en mai du rapport sur Moura a aussi certainement froissé les autorités maliennes.  Après la fin de Barkhane ou l’expulsion de l’ambassadeur de France, les autorités maliennes de transition ont à nouveau frappé fort et renforcé l’adhésion de leurs soutiens habituels. Ceci dit, le gouvernement malien s’appuie beaucoup sur la Mission onusienne, y compris pour les déplacements de ses fonctionnaires, notamment dans le Nord, ou même pour l’organisation du référendum constitutionnel qui vient d’avoir lieu… Le jeu n’est-il pas risqué pour Bamako ? Oui, sans les bases de l’ONU au Nord du Mali, sans les vols réguliers de la Minusma entre Bamako, Mopti, Gao, Kidal, Ménaka, etc., c’est vrai que la présence de l’État malien au Nord, de l’administration, des forces de sécurité et l’intégrité territoriale du Mali, pourraient être mis en cause. Il est fort probable que les administrateurs maliens qui sont actuellement à Ménaka ou à Kidal ne s’y rendent plus étant donné l’insécurité des routes. Les contingents des forces armées maliennes et leurs alliés seront certainement plus exposés en l’absence des Casques bleus à leurs côtés.  Les groupes armés signataires de l’accord de paix de 2015 qualifient le départ de la Minusma de « coup fatal porté délibérément contre l’Accord. » Ont-ils raison de s’inquiéter ? Ce qu’on sait c’est que la Minusma joue un rôle clé dans le suivi de l’accord. Le gouvernement malien s’est dit prêt à poursuivre la mise en œuvre de l’accord. Mais on voit que les tensions avec les mouvements armés signataires sont montés d’un cran ces derniers mois. Le chef de file de la médiation internationale, donc l’Algérie, siègera au Conseil de sécurité à partir de janvier prochain. Il aura peut-être à cœur de s’impliquer plus pour éviter une déstabilisation qui aurait des conséquences régionales. En tout cas, on a du mal à voir comment ce qu’il reste du processus de paix pourrait tenir sans un minimum de garanties internationales.
6/27/20236 minutes, 9 seconds
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Thierry Vircoulon : «Si le Kremlin prend le contrôle de Wagner, il maintiendra ses opérations»

Si les conséquences des événements de samedi en Russie demeurent encore incertaines, elles se traduiront sur le continent africain où le groupe Wagner sert de prolongement aux intérêts de l’État russe, notamment dans les États où il est implanté (Centrafrique, Mali, Libye, Soudan). Quel avenir pour les opérations de Wagner ? Quels effets sur l’image de la Russie ? François Mazet a échangé sur le sujet avec Thierry Vircoulon, chercheur associé au Centre Afrique subsaharienne de l'Institut français de relations internationales.  RFI : Thierry Vircoulon, cet épisode risque-t-il de déstabiliser les opérations de Wagner en Afrique, selon vous ? Thierry Vircoulon : Pour le moment, on est dans une grande incertitude sur la destinée du groupe Wagner lui-même, surtout aussi sur la ligne de commandement actuel. Il y a évidemment plusieurs scénarios. Cela peut conduire à un renforcement des opérations du groupe Wagner en Afrique ou à un affaiblissement de ces opérations.Vous évoquez différents scénarios, quels sont-ils ?En fait, tout dépend de savoir qui va être chef du groupe Wagner aujourd’hui. Est-ce que ça va rester Evguéni Prigojine avec toujours le même accord et le même soutien du Kremlin, ce qui me paraît évidemment douteux ? Est-ce que Prigojine va perdre seulement une partie du contrôle du groupe Wagner, en particulier sa mini-armée qu’il a en Russie, et il garderait en échange le contrôle sur les opérations à l’étranger ? Ou est-ce que tout le groupe va passer sous le contrôle du Kremlin et, dans ce cas, il y aura un changement complet d’interlocuteurs ? Et encore, il peut y avoir aussi un quatrième scénario : Prigojine est écarté et le groupe Wagner est démantelé et des compétiteurs pourraient le remplacer dans ses opérations à l’étranger ? Donc, cela fait quand même quatre scénarios possibles. Pour le moment, ils sont tous ouverts.Pour ce qui est des opérations africaines de Wagner, est-ce que la Russie n’a pas trop à perdre à remettre en cause le fonctionnement actuel ?Si le Kremlin, par exemple, prend la main sur le groupe Wagner, il maintiendra ses opérations. Mais comme je vous le disais, soit il peut les maintenir à travers le groupe Wagner s’il le contrôle, soit il peut aussi le remplacer par d’autres inventions du même genre. Et on a vu que, depuis quelque temps, il y a un certain nombre de groupes compétiteurs qui sont apparus sur le marché russe.Que sait-on aujourd’hui du degré de loyauté des cadres de Wagner en Afrique vis-à-vis de Evguéni Prigojine ? Est-ce qu’ils sont nécessairement liés à leur patron ou est-ce qu’ils peuvent tout aussi bien exécuter les mêmes tâches pour le gouvernement ou pour un autre groupe ?La question, ce n’est pas tant le lien avec Evguéni Prigojine que le lien avec l’État russe, parce que le groupe Wagner fonctionnait et a réussi à fonctionner en Afrique et à s’étendre, en grande partie grâce à l’État russe. Et donc, s’il est privé de ce soutien, il devient un groupe de mercenaires standard si je puis dire, complètement privé. Et là, je pense que ça va poser un certain nombre de problèmes sur sa logistique et sur ses finances. Et on voit d’ailleurs actuellement qu’il semble avoir atteint une limite de capacité. Et du coup, on voit un peu difficilement comment, sans le soutien de l’État russe, il pourrait maintenir le même niveau d’engagement dans les pays africains où il se trouve.Quelle réaction peut-on attendre des dirigeants africains qui sont en affaire avec Wagner ?Pour le moment, ils sont sur le mode « wait and see », [attendre et observer, Ndlr] un peu comme tout le monde, parce qu’on ne sait pas qui dans cette affaire a la main. Quel est l’avenir d’Evguéni Prigojine, et du coup l’avenir de son mini-empire ?L’image du groupe Wagner n’est-elle pas abîmée auprès de ces dirigeants ou auprès d’autres dirigeants qui seraient tentés de faire appel à ses services ?Il est clair qu’il y a eu cette tentative de putsch, qui illustre les tensions extrêmement vives qu’il y a en Russie entre le Kremlin, le ministère de la Défense et puis le groupe Wagner. Cela fait peser en effet une très forte incertitude. Les actions du groupe Wagner sont évidemment à la baisse. Ce n’est jamais bon d’avoir un prestataire de sécurité qui semble incertain et qui semble menacé dans son propre pays.L’image de la Russie aussi est écornée. Est-ce qu’auprès des opinions publiques africaines, ça peut changer quelque chose ? Des Africains qu,i peut-être étaient tentés par l’image de la Russie, vont-ils réaliser que, finalement, il s’agit d’un colosse aux pieds d’argile ?Le déroulement de la guerre russo-ukrainienne va être fondamental pour le standing de la Russie en Afrique et dans le monde, puisque c’est un pouvoir qui s’est vendu comme étant une grande puissance militaire, et qu’on voit actuellement que cette grande  puissance militaire a du mal à se concrétiser et qu’en plus, ses « sécurocrates » sont en train de se battre entre eux. Donc en effet, c’est une image qui n’est pas très bonne. Est-ce que c’est l’image qui sera retenue par l’opinion publique africaine, ou est-ce qu’il faudra qu’il y ait vraiment une déroute militaire russe nécessaire pour la convaincre qu’en effet, la Russie n’est pas la puissance militaire qu’elle prétendait être ?
6/26/20235 minutes, 5 seconds
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Tony Elumelu: «Le potentiel économique de l'Afrique est énorme»

Il est un modèle, une source d'inspiration, pour des milliers de jeunes en Afrique. Il est considéré comme l'un des plus éminents champions de l'entrepreneuriat sur le continent. Le milliardaire nigérian Tony Elumelu a un parcours absolument édifiant. Lui qui a débuté sa carrière en tant que vendeur de photocopieuses, il préside aujourd'hui l'United Bank For Africa (UBA), un groupe panafricain de services financiers opérant dans une vingtaine de pays. Il est aussi à la tête d'Heirs Holdings, une société d'investissement destinée à transformer l'Afrique, en misant sur des secteurs clés (services financiers, électricité, santé...). Il a enfin créé, en 2010, la Fondation Tony-Elumelu qui forme la nouvelle génération d'entrepreneurs africains, en s'inspirant de sa philosophie économique : l'« africapitalisme ». Le milliardaire nigérian Tony Elumelu est, ce dimanche 25 juin, l'invité de RFI. RFI : Expliquez-nous ce qu'est l'« africapitalisme », cette philosophie économique que vous défendez ? Tony Elumelu : Je suis un dirigeant d'entreprise en Afrique. Je suis un philantrope en Afrique. Je suis aussi un investisseur dans de nombreux pays du continent. Et, c'est surtout dans notre jeunesse que j'investis. Avec le temps, j'ai développé une conviction : c'est à nous, Africains, de développer l'Afrique du XXIe siècle. Et pour y arriver, le secteur privé doit prendre les devants, pour compter sur l'économie du continent. J'ai constaté qu'avec de véritables investissements, nous pouvons relever les défis auxquels nous sommes confrontés. C'est pour ça que j'ai créé cette philosophie : l'« africapitalisme ». C'est un appel au secteur privé pour qu'il investisse dans le développement du continent. Il nous faut des investissements à long-terme, dans des secteurs stratégiques de l'économie africaine. C'est ça qui va créer de la prospérité économique, de la richesse sociale, des emplois... C'est ça qui va permettre aux femmes de participer aux activités économiques et d'éradiquer la pauvreté en Afrique. C'est ça, l'« africapitalisme ». En termes d'innovations, l'Afrique anglophone donne parfois l'impression d'être plus avancée que l'Afrique francophone. Est-ce que vous partagez ce point de vue ? Je fais des affaires dans plus de vingt pays d'Afrique. J'ai été confronté à des cultures différentes, d'un pays à l'autre. Dans certaines régions d'Afrique francophone, la culture du travail est effectivement un peu différente. Mais, ce que je vois aussi, c'est qu'avec la technologie, les réseaux sociaux et le numérique, le monde est en train de se globaliser. Les gens s'influencent mutuellement et de façon positive. Je constate que les comportements, les attitudes, se ressemblent de plus en plus. Les gens ont de plus en plus la fibre entrepreneuriale. Vous savez, je parle à de jeunes entrepreneurs au Cameroun. Je parle à des entrepreneurs en Côte d'Ivoire, au Burkina Faso et au Mali. Leur enthousiasme, je le vois. Ils adoptent cette attitude entrepreneuriale. Et tant mieux ! Mais, il y a une chose que je dis aux gouvernements : les entrepreneurs réussissent lorsque les États décident délibérément de les soutenir et de créer un environnement favorable. C'est ce que devraient faire la plupart des gouvernements africains. Si vous voyez un pays où le secteur privé se développe, où les entrepreneurs prospèrent, c'est que le gouvernement a bien fait les choses. Les dirigeants africains doivent donc faire en sorte de soutenir leurs entrepreneurs pour qu'ils réussissent. C'est un point intéressant. Mais, ne pensez-vous pas que le manque de démocratie dans certains pays, francophones notamment, peut être un frein au développement de l'entrepreneuriat, à la création de start-up ? Il existe une corrélation positive entre la démocratie, la bonne gouvernance et le succès du secteur privé et des entrepreneurs. Nous avons donc besoin de gouvernements qui encouragent délibérément l'esprit d'entreprise. Nous avons besoin de gouvernements qui créent des environnements favorables, des lois fiscales, des infrastructures, des politiques cohérentes, des politiques macro-économiques stables. Nous avons besoin de gouvernements qui facilitent le climat des affaires et la création d'entreprises. Ce sont ces facteurs qui permettent aux entrepreneurs de réussir. Et, les gouvernements qui ne font pas ça ne s'en sortiront probablement pas mieux. La Fondation Tony-Elumelu a été créée pour donner aux femmes et aux hommes du continent les moyens d'agir et d'accélérer la croissance économique du continent. Votre fondation montre que vous avez une confiance inébranlable en la jeunesse africaine. Comment faire en sorte que tous ces jeunes croient en eux-mêmes ? Ma propre histoire. Ce qui m'a fait croire en moi, c'est le fait d'avoir une attitude positive face à la vie. Il faut aussi envisager les choses sur le long terme. Vous souffrez peut-être aujourd'hui. Mais, dites-vous que les choses finiront par s'améliorer. C'est cet espoir qui vous porte. Et puis, l'univers fait en sorte que les bonnes choses se réalisent. Le potentiel de l'Afrique est énorme. Mais, en même temps, nous savons que nous devons travailler dur pour transformer ce potentiel en réalité. Ce que je dis aux jeunes entrepreneurs africains, c'est que l'environnement dans lequel ils évoluent est difficile. Mais n'abandonnez pas. Soyez résilients. Continuez à essayer. Regardez quelqu'un comme moi, Tony Elumelu : je ne suis pas le fils d'un milliardaire et pourtant, j'ai réussi en Afrique. Ça veut dire que vous aussi, vous pouvez réussir, encore mieux que moi ! Mais, il faut travailler dur. Être résiliant. Concentré. Prêt à faire des sacrifices. Et là, vous irez loin dans la vie. L'aventure entrepreneuriale, ce n'est pas facile. C'est fait de hauts et de bas. Vous devez donc rester concentrés et avoir une vision à long terme, car c'est à ce moment-là que tout arrivera. Vous êtes un rôle-modèle, une source d'inspiration pour de nombreux entrepreneurs africains. Vous avez commencé votre vie en tant que vendeur de photocopieuses. Quel est le secret de votre succès ? Un travail acharné. De la résilience. De la persévérance. De la discipline. De la concentration. C'est aussi important d'apprendre à économiser et à ne pas consommer tout ce que vous avez sous la main. Si vous avez un dollar entre les mains, mettez-en une partie de côté. Si vous ne faites pas cela quand vous avez un dollar, vous ne le ferez pas lorsque vous aurez un milliard de dollars. Enfin, le plus important, c'est la grâce de Dieu. 
6/25/20235 minutes, 15 seconds
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Hakainde Hichilema: «Restructurer la dette zambienne était l'une de nos principales priorités»

La Zambie est désormais entre soulagement et espoir. Les créanciers du pays, notamment la Chine, ont conclu un accord pour restructurer 6,3 milliards de dollars de la dette zambienne. C'était jeudi 22 juin à Paris, en marge du sommet sur le nouveau pacte financier mondial. En 2020, en pleine pandémie de Covid-19, la Zambie est devenue le premier pays d'Afrique à entrer en défaut de paiement. Lusaka a cessé de payer ses créanciers extérieurs. Fin 2022, le ministère des Finances évaluait la dette du pays à près de 32,8 milliards de dollars, dont 18,6 milliards auprès des créanciers étrangers. Cet accord, arraché après trois ans de négociations, est une étape-clé pour débloquer un plan d'aide de 1,3 milliard de dollars sur trois ans, obtenu auprès du FMI. Une réussite pour le président Hakainde Hichilema, élu sur la promesse de relancer l'économie.  RFI : Comment avez-vous réussi à obtenir cet accord ? Pensez-vous que la visite du président français en Chine en avril 2023 a pu aider à faire avancer les négociations ? Hakainde Hichilema : Toutes les étapes positives nous ont permis d'atteindre cet objectif final. Mais, il s'agit d'une combinaison de plusieurs choses, d'abord, nos propres intentions. Lorsque nous avons pris nos fonctions, en tant que nouveau gouvernement, nous avons été clairs. La restructuration de la dette était l'une de nos principales priorités. La dette était pour nous un véritable handicap. D'autre part, il y a eu cette volonté des créanciers de se joindre à la table des négociations. Ça a été très important. Les institutions se sont aussi impliquées : le Fonds monétaire international, la Banque mondiale... C'est donc grâce à la combinaison de toutes ces mesures. Oui, la visite du président Macron en Chine a joué. Je suis sûr qu'ils ont abordé le sujet. Je suis aussi venu à Paris, il y a un mois. Nous avons discuté de la dette. J'ai aussi évoqué ce problème avec le président chinois, Xi Jinping, et beaucoup d'autres dirigeants dans le monde. La Chine est le 1er investisseur étranger en Zambie. Pékin y a construit des routes, des écoles, des usines, des postes de police... Ce poids économique n'est-il pas problématique pour votre pays, comme l'ont démontré les longues et difficiles négociations sur la restructuration de la dette ? Le problème n'est pas la Chine. Ça n'a jamais été le cas. Le problème n'a jamais été la France, les États-Unis, l'Allemagne ou le Royaume-Uni. Les emprunteurs doivent savoir ce qu'ils veulent. Nous avons été capables d'entrer sur les marchés sans avoir de visibilité ou d'objectif précis sur le niveau de la dette et son coût. Alors, à quoi avons-nous consacré l'argent que nous avons emprunté ? On ne l'a pas utilisé pour la redistribution via les salaires, pas non plus pour la croissance ou l'investissement. On l'a utilisé pour augmenter le pouvoir d'achat. C'est là que se situe le problème. Avant d'accéder au pouvoir, vous avez promis aux Zambiens qu'ils récupèreraient leurs ressources et que les Chinois seraient moins dominants sur le plan économique. Qu'avez-vous fait jusque-là ? Il ne s'agit pas pour nous de cibler un pays ou une source d'investissements en particulier. L'enjeu pour nous, c'est de définir nos priorités. Nous souhaitons que le pays progresse économiquement, notamment dans le secteur de l'énergie. Et, nous sommes ouverts aux investissements français, chinois, américains, allemands et des pays du continent. Tous les investisseurs sont les bienvenus. Désormais, nous aurons un œil sur le coût de tel ou tel investissement ou projet. Nous ne voulons pas qu'une augmentation du coût d'un projet puisse se traduire par une augmentation des prix des produits et des services. Ce doit être une décision consciente. Nous devons gérer l'économie de façon prudente et efficace, tout en encourageant les investissements dans l'agriculture, à des fins alimentaires. C'est l'une des résolutions du Sommet et j'en suis très heureux, car nous avons insisté sur ce point : lorsque nous mobilisons le capital, le prix doit être équitable. Mais, nous avons aussi besoin d'investisseurs qui viennent travailler avec nous en Zambie, pour le bien commun, et qui apportent de la valeur ajoutée plutôt que de simplement extraire nos ressources en minerais. Il y a donc une grande différence entre la façon dont les choses étaient gérées dans le passé, et la façon dont elles le seront à l'avenir. Pour accélérer la croissance économique, allez-vous chercher à obtenir d'autres prêts, et donc à réendetter votre pays, comme le font certains États ? Bien entendu. Nous voulons augmenter le montant du capital dont nous disposons. Premièrement, nous aurons recours à des moyens innovants, comme l'effet de levier. Mais, en même temps, nous le ferons en ayant conscience des coûts à long-terme. C'est maintenant clair pour tout le monde : l'accès au capital est plus élevé pour l'Afrique que pour n'importe quel continent dans le monde. L'Afrique paie le coût le plus cher. Et cela doit changer. Nous en avons convenu lors du Sommet. Deuxièmement, nous recherchons des fonds propres qui sont des capitaux à risque. Cela implique que les investisseurs placent leur argent dans la perspective d'un rendement futur et qu'ils voudront donc promouvoir les associations d'entreprises dans ce processus. Sur le plan diplomatique, vous étiez membre de la délégation africaine qui s'est rendue en Ukraine et en Russie, il y a une semaine. Plusieurs voix qualifient cette médiation d'échec. Qu'est-ce que vous en avez retenu ? Quel était l'intérêt de votre pays d'y participer ? L'Afrique ne peut pas être exonérée des effets négatifs des conflits. Pourquoi l'Afrique serait-elle considérée comme ne faisant pas partie de la communauté internationale ? On ne peut pas parler d'échec. Une seule rencontre ne suffit pas à arrêter la guerre. Les Africains n'y sont pas allés pour rivaliser avec la France, la Chine, la Biélorussie, l'Ukraine ou la Russie. Nous y sommes allés pour plaider en faveur de la paix. D'abord, nous avons parlé des échanges de prisonniers. Ça a été accepté. Les deux parties se sont mises d'accord pour échanger leurs prisonniers. Vous appelez ça un échec ? Ensuite, les deux parties se sont mises d'accord pour rendre les enfants à leurs familles. Vous appelez ça un échec ? Non. Les deux parties ont aussi convenu de rouvrir les routes commerciales de la mer Noire.L'Afrique n'est pas venue chercher des crédits. L'Afrique est à la recherche de stabilité dans le monde. Et, nous pourrons nous concentrer sur nos ressources, notre développement, nos problèmes de dettes, la réduction de la pauvreté, notre propre production alimentaire... C'est ça, nos intérêts. 
6/24/20235 minutes, 38 seconds
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Sénégal: la démarche judiciaire pour «crimes contre l’humanité» contre le président «puérile et ridicule», selon la ministre Aïssata Tall Sall

À la suite de l’initiative d’un avocat de l’opposant sénégalais Ousmane Sonko, qui veut poursuivre le président sénégalais Macky Sall pour « crimes contre l’humanité » devant la justice française et la Cour pénale internationale, la ministre sénégalaise des Affaires étrangères, Aïssata Tall Sall, réagit sur RFI et France 24 en qualifiant cette démarche de « puérile et ridicule ». Christophe Boisbouvier (CB) : Madame la ministre, ce sommet de Paris, c’est pour libérer de l’espace budgétaire afin que vous puissiez réussir votre transition énergétique, et donc que vous renonciez aux énergies fossiles. Mais en même temps, le Sénégal annonce qu’il va exploiter du gaz et du pétrole offshore à partir de l’année prochaine. Est-ce que ce n’est pas contradictoire, est-ce que vous êtes prêts à dire non au gaz et au pétrole ?Aïssata Tall Sall : La situation, c’est celle-là qui fait que, en Afrique, il y a près de 600 millions de personnes qui n’ont pas accès à l’électricité. Est-ce que vous pensez qu’il est normal pour un dirigeant de dire à cette population : attendez, nous allons voir comment avec le vent, comment avec le soleil, comment avec l’hydrogène si c’est possible, nous pourrions vous apporter l’électricité alors que, pendant ce temps, il y a les ressources naturelles qui sont là. Voilà quelle est la quadrature du cercle pour un dirigeant africain.Maintenant, au Sénégal, nous allons, à partir de cette année, au plus tard début 2024, commencer la production du pétrole et du gaz. Pour le gaz, nous disons que c’est une énergie propre, qu’elle n’est pas fossile comme l’est le pétrole. Je pense qu’il faut que les pays occidentaux soient conciliants et acceptent qu’en Afrique, il y a une situation qu’on ne peut pas dépasser sans ces énergies, et nous fixer un temps et y aller de façon évolutive.Marc Perelman (MP) : On va passer à tout autre chose. Ce mercredi 21 juin, une double démarche judiciaire a été déclenchée contre le président Macky Sall pour « crimes contre l’humanité ». Une de ces démarches, c’est devant la justice française, l’autre c’est devant la Cour pénale internationale. Cette offensive judiciaire est menée par l’un des avocats de l’opposant Ousmane Sonko, suite aux affrontements meurtriers entre les forces de l’ordre et les manifestants. Quelle est votre réaction à cette offensive judiciaire ?Je trouve que cette démarche de ce confrère est à la fois puérile et ridicule. Où a-t-il saisi la Cour pénale internationale sans passer par le procureur ? Une fois que le procureur lui-même est saisi, il faudrait qu’il vérifie la complémentarité de l’action judiciaire. C’est-à-dire que la Cour pénale internationale ne peut pas se prononcer tant qu’il y a une justice interne, nationale, qui suit son cours pour les mêmes faits. Et c’est le cas au Sénégal.Maintenant, pour la saisine de la France, c’est là où on tombe dans le ridicule, puisque, apparemment, ce confrère veut se fonder sur la compétence universelle qui aussi a ses conditionnalités, parfois même beaucoup plus draconiennes.Mais au-delà de tout cela, quand on voit les casernes de gendarmerie, les édifices publics brûler après le jet de cocktails Molotov, quand on voit des manifestants tirer sur d’autres manifestants - ce n’est pas moi qui le dis, ce sont des médecins et des témoins indépendants - en quoi la Cour pénale ou la compétence universelle peut venir s’incruster dans cette affaire du Sénégal alors que la justice nationale est en train de faire son travail ? Donc, franchement, sur cette initiative judiciaire, pour nous, c’est de l’enfantillage et également, c’est du ridicule.CB : Vous parlez des tirs à balles réelles. Le 13 juin, le Haut-commissariat aux droits de l’homme de l’ONU s’est déclaré profondément préoccupé par la situation dans votre pays et a ajouté que « l’utilisation d’armes à feu par les forces de sécurité lors des manifestations constituait un sombre précédent pour le Sénégal ». Est-ce que vous entendez cette grave mise en cause ? Est-ce que vous la prenez au sérieux ?Il a raison et il a tort. Il a raison quand il dit que ça peut être « un sombre précédent », parce que le Sénégal est un pays respectueux des droits de l‘homme, parce que personne n’a jamais souhaité qu’au Sénégal, on puisse utiliser des balles réelles pour tirer sur des manifestants. Mais quand les forces de l’ordre sont agressées, quand elles sont en état de légitime défense, que doivent-elles faire ?CB : Il n’y aura pas de sanctions contre les forces de l’ordre qui ont tiré à balles réelles ?Bien sûr qu’on est en train d’enquêter ! Bien sûr que, quand le juge verra que le manifestant ou même la force de l’ordre en face a tiré, parce qu’il était en état de légitime défense, que va-t-il faire ? Tout cela nous amène à l’enquête qui a été ouverte de façon indépendante et de façon judiciaire.CB : À Dakar, le dialogue national est sur le point de s’achever et ses membres envisagent que les opposants que vous connaissez bien - vous avez même été militante du PS avec l’un des deux -, Khalifa Sall et Karim Wade,  puissent se présenter à la présidentielle de février 2024 malgré leur condamnation passée. Est-ce que ce serait une mesure d’apaisement souhaitable à votre avis ?Si ces gens, avec leur parti, ont accepté de venir au dialogue politique, pourquoi pas ? Je pense que non seulement il faut les entendre, mais il faut les accepter dans leur requête et leur demande, et faire effectivement que, si ça doit apaiser le champ politique au Sénégal, oui, pourquoi pas ? Parce que nous sommes ce pays de dialogue et de paix.MP : Donc, vous êtes pour les candidaturesde Khalifa Sall et Karim Wade l’année prochaine ?Si eux-mêmes sont pour leur candidature, oui, pourquoi pas ? À écouter aussiÀ la Une: Macky Sall va-t-il rempiler?
6/22/202312 minutes, 46 seconds
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Najat Vallaud-Belkacem: «La Banque mondiale pourrait prêter trois fois plus qu'elle ne le fait»

La capitale française accueille, dès ce jeudi 22 juin, un sommet sur l'architecture financière internationale. Plusieurs organisations de la société civile française attirent l'attention sur l'ampleur des défis. Le service de la dette est notamment au plus haut depuis la fin des années 1990. Selon ces organisations, dont l'ONG One, la situation exige de véritables innovations et un changement de la gouvernance financière. Entretien avec Najat Vallaud-Belkacem, la directrice de sa section française. Emmanuel Macron est l'invité de RFI, France 24 et Franceinfo ce vendredi 23 juin à 8h30 (heure de Paris). RFI : Najat Vallaud-Belkacem, le collectif d’organisations dont fait partie votre ONG, One, est d’accord avec la construction d’un nouveau pacte financier mondial. Où commencent vos divergences avec les autorités françaises ? Najat Vallaud-Belkacem : Nos divergences commenceraient si ce sommet s’avérait être un moment de blablas et d’aucun engagement précis pour réformer le système de financement international face aux deux défis considérables que sont la lutte contre le changement climatique et le développement. Donc, si ce sommet est un sommet pour rien, là nous serons vraiment en grande divergence. Si ce sommet sert au contraire à réunir des États du Nord et du Sud, des institutions financières internationales, des banques multilatérales de développement, des acteurs publics et des acteurs privés, et avoir une conversation sur les biens publics mondiaux, et des véritables solutions de financement, cela peut être une bonne chose.D’entrée de jeu, vous faites un constat assez terrible au moment où on parle de projet de transformation de l’architecture financière internationale. Il faut bien constater que les engagements précédemment pris par les pays occidentaux n’ont pas encore été tenus…C’est le grand reproche que font un certain nombre de pays du Sud au Nord et aux institutions financières internationales : c’est qu’en fait, il y a beaucoup d’engagements pris dans le passé qui ne sont toujours pas atteints. Exemple : les 100 milliards de dollars qui avaient été prévus en 2009 par les pays du Nord pour les pays du Sud pour les aider à affronter le changement climatique. Treize ans plus tard, on ne les a toujours pas atteints. Plus récemment, vous vous souvenez quand le FMI [Fonds monétaire international] a accepté d’allouer ses avoirs de réserve, qu’on appelle les droits de tirage spéciaux, pour aider les pays à faire face à la crise économique post-Covid, les pays riches s’étaient engagés à recycler leurs propres droits de tirage spéciaux vers les pays pauvres qui en avaient le plus besoin à hauteur de 100 milliards, ce n’est toujours pas atteint non plus.Vous espérez que le sommet puisse permettre de débloquer les choses sur ces deux dossiers ?J’espère qu’on ressortira de ce sommet en effet avec clairement ces deux fois 100 milliards de dollars quand les pays qui s’y sont engagés se seront définitivement acquittés, et que ce sommet surtout ira bien plus loin, parce qu’aujourd’hui, si on veut vraiment faire face aux besoins de financement pour mener l’adaptation aux changements climatiques ou sortir les gens de l’extrême pauvreté alors que cette dernière n’a cessé de remonter ces trois dernières années, on a besoin évidemment que les États les plus riches contribuent à cela, mais ils le font déjà pour partie avec notamment l’aide publique au développement. On a besoin que les règles du jeu soient modifiées. Les banques multilatérales de développement ont un rôle à jouer qu’elles ne jouent pas à plein aujourd’hui. La Banque mondiale pourrait prêter par exemple trois fois plus d’argent qu’elle ne le fait aujourd’hui aux pays vulnérables ou aux pays intermédiaires.La Banque mondiale a-t-elle les réserves pour le faire ?Elle a les réserves pour le faire. Le sujet, c’est : est-ce qu’elle prend suffisamment le risque, est-ce qu’elle est suffisamment réactive, est-ce qu’elle cible suffisamment les pays qu’elle va aider ainsi ? Et la réponse aujourd’hui est non. De la même façon, pourquoi le secteur privé n’est pas plus mis à contribution aujourd’hui pour financer les grands enjeux que sont le climat et le développement ?Quels sont les instruments financiers innovants que vous défendez ?Nous, on estime par exemple qu’il y a des secteurs qui sont clairement les grands gagnants de la mondialisation. On pourrait parler de l’extraction fossile, on pourrait parler du transport maritime, on pourrait parler de la finance. Ce sont vraiment des grands vainqueurs de la mondialisation. Pourquoi est-ce qu’on ne les fait pas plus participer à la solidarité internationale ? Donc, nous plaidons pour l’adoption d’une taxe sur l’un de ces secteurs, voire plusieurs.L’un des problèmes sur lesquels vos organisations attirent l’attention, c’est que le financement de la lutte contre le changement climatique risque d’alimenter le cercle vicieux de l’endettement. En 2020, les dons ne représentaient que 26% des financements climat engagés. Tout le reste donc, c’est de l’endettement…Oui. Ce qu’il faut avoir à l’esprit, c’est qu’en fait, toutes ces crises auxquelles on assiste malheureusement s’alimentent et se renforcent. L’une va nourrir l’autre qui va aggraver la troisième. En fait, c’est un cercle vicieux qui ne s’arrête jamais. Les États les plus vulnérables font face, par manque de moyens budgétaires, en empruntant sur les marchés financiers pour avoir davantage de moyens. Or, quand ils empruntent, ils se mettent dans une situation - surtout quand ils empruntent auprès de créanciers privés à des taux qui sont très élevés - où ils ont le plus grand mal à rembourser. Donc en fait, ce sujet de l’endettement et de surendettement est devenu à nouveau un problème extrêmement criant auquel il faut apporter des réponses structurantes. L’une des choses qui sera évoquée pendant le sommet, c’est la possibilité qu’on adopte ce qu’on appelle « une clause de suspension du paiement des intérêts de la dette » lorsqu’un pays est confronté à une catastrophe climatique grave qui le met vraiment à genoux.► À lire aussi : Taxe, dette et promesses: ce qui est attendu au sommet pour un Nouveau pacte financier mondial
6/22/20239 minutes, 34 seconds
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Bart Ouvry (Africa Museum en Belgique): «Ce que veulent les Africains et moi, c’est regarder vers l’avenir»

Il a pris le mois dernier la direction du plus grand musée consacré à l'Afrique centrale au monde, l'Africa Museum à Tervuren, près de Bruxelles. Quelle doit être la vocation de l'Africa Museum aujourd'hui ? Le Belge Bart Ouvry, ancien ambassadeur de l'Union européenne au Mali est notre invité. RFI : Vous avez été diplomate pendant plus de 30 ans, et les 10 dernières années ambassadeur de Belgique au Kenya, haut-représentant de l’Union européenne en République démocratique du Congo, puis au Mali, mais vous avez déclaré, lorsque vous avez été nommé directeur général de l’AfricaMuseum, que ce serait le travail de votre vie. Qu’est-ce qui vous a motivé dans cette aventure ?Bart Ouvry : Vous savez, en Afrique, j’ai fait beaucoup de coopération : coopération scientifique, coopération culturelle, et j’ai trouvé que c’était une manière d’arriver au cœur des questions, mais aussi de toucher les cœurs des hommes et des femmes. Pour moi, c’est vraiment l’une des meilleures manières pour construire une relation entre l’Europe et l’Afrique, c’est la culture, c’est la science, parce que là, il y a un intérêt réciproque, il y a une relation gagnant-gagnant. Je crois beaucoup dans la mission de ce musée, qui est une institution scientifique, qui est aussi un musée qui veut permettre aux Africains de reconstruire leur vision sur le passé.Justement, le musée de Tervuren fête ses 125 ans, c’était le musée royal du Congo Belge puis de l’Afrique Centrale, un musée construit à la gloire de la colonisation. Il fête aussi les cinq ans d’une rénovation opérée par votre prédécesseur, Guido Gryseels, pour intégrer enfin le point de vue des victimes de la colonisation. Doit-on aller plus loin ? Quelle doit être la vocation de l’AfricaMuseum aujourd’hui ?Pour moi, c’est changer notre pensée, c’est changer notre pensée en tant qu’ancienne puissance qui a colonisé un énorme pays, le Congo, mais aussi le Rwanda, le Burundi. Nous devons voir en face cette réalité, mais ce que veulent les Africains et ce que je veux aussi, c'est regarder vers l’avenir : les arts contemporains, la culture dans les villes, les sapeurs congolais, il faudrait une place pour ça. Pour moi, ce doit être un musée évolutif, c’est un musée qui doit devenir une référence sur un certain nombre de thèmes. On vient d’inaugurer une salle sur le racisme. Nous ne sommes pas que des consommateurs, des gens qui consomment des objets, nous avons aussi une mission sociétale. Je crois qu’il y a à peu près 70 doctorants qui travaillent avec le musée, et donc notre objectif aussi, c'est de contribuer à la formation des prochaines élites africaines ou des élites aussi afro-descendantes. Il y aura peut-être un jour une personne afro-descendante qui sera à la tête de ce musée.Sur les 125 000 pièces de ce musée, 84 000 proviennent du Congo et plusieurs milliers ont été pillées sous la colonisation. La Belgique a été pionnière en décidant que dans ce cas, leur propriété juridique reviendrait aux autorités congolaises. Une commission mixte d’experts belgo-congolaise devra étudier l’origine plus incertaine de certaines pièces. Comment l’AfricaMuseum s’inscrit dans ce mouvement et quelle sera votre contribution en la matière ?Nous avons déjà aujourd’hui un projet qui veut voir comment nous nous sommes procurés les pièces, c’est un énorme chantier. Nous avons commencé à faire beaucoup de travail, mais une partie de ce travail se fera au Congo, il se fera avec notre partenaire congolais. Comme souvent, quelque part, le processus sera à la limite plus important que les objets. La recherche scientifique nous permettra de voir plus clairement notre propre Histoire, donc c’est quelque chose de bénéfique pour nous en tant que musée, et ça va surtout permettre à deux peuples de se rencontrer et de faire quelque chose en commun.Mais concrètement, ces objets, est-ce qu’ils vont rester à Tervuren, est-ce qu’ils vont partir en Afrique, est-ce qu’il y aura un mouvement d’œuvres qui sera organisé ?La loi belge est très claire, ce qui est volé deviendra la propriété de l’État congolais. Est-ce que l’État congolais décidera de nous laisser en prêt certains objets ? C’est possible. Mais ce sera une décision souveraine de l’État congolais. Et d’autre part, ce qui a été acquis légalement peut aussi être un prêt à long terme aux musées africains.Comment est-ce qu’on pourrait imaginer que ces œuvres soient à nouveau en contact avec les descendants de ceux qui les ont créées finalement ?Vous savez, on n’a quasiment fait aucune exposition d’objets traditionnels en Europe qui a voyagé. Récemment, à Dakar, on a fait une réunion avec quarante directeurs de musées africains, avec à peu près vingt directeurs de musées européens, et ce qui en ressort, c’est cette volonté de faire vivre le passé. Et donc, suite à cette réunion, avec mes collègues à Dakar, on veut mettre en place une exposition itinérante. Les défis sont énormes parce que vous savez, les normes de conservation en Europe ne sont pas nécessairement les mêmes ou ne correspondent pas aux possibilités en Afrique. Mais je crois qu’il faut vraiment le faire et commencer avec une exposition itinérante, dans plusieurs pays africains, pour montrer les cultures locales, mais que dans beaucoup de ces cultures, il y a des points communs entre plusieurs pays.► À lire aussi : Restitution d'œuvres d'art: la Belgique remet à la RDC l’inventaire de son patrimoine
6/21/20235 minutes, 7 seconds
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«L'interventionnisme militaire, le franc CFA, la politique d'aide» alimentent le discours anti-français en Afrique

Les pays d'Afrique francophone ont vu se développer ces dernières années une parole anti-française de plus en plus forte lors de manifestations, sur les réseaux sociaux et dans les propos de ceux que l'on appelle les néo-panafricanistes. Pourquoi cette parole a-t-elle prospéré ? Quelles sont les voix qui la portent à l'heure actuelle ? Le sujet est au cœur d'une étude rédigée par trois chercheurs de l'Institut français des Relations internationales (IFRI). L'un d'eux, Thierry Vircoulon, est notre invité. RFI : Qu’est-ce que vous avez pu discerner, au travers de ce travail, de l’ampleur réelle du discours anti-français ?Thierry Vircoulon : Ce qui est très intéressant sur les 15 à 20 dernières années, c’est de voir qu’un discours critique de la politique française en Afrique, qui était limité aux élites, est maintenant généralisé… que ce discours est maintenant devenu un des éléments du logiciel politique des Africains et qu’il s’est en quelque sorte banalisé. Il est devenu non plus quelque chose qu’il faut démontrer par le raisonnement, mais une évidence politique.Vous analysez dans ce rapport le positionnement de ceux qui portent ce discours et notamment de ceux qui se présentent comme des néo-panafricanistes, à savoir Kémi Séba et Nathalie Yamb. Vous dites qu’on assiste avec eux à la convergence d’intérêts russo-africains, qu’est-ce que ça signifie ?D’une part, eux-mêmes ont dit qu’ils avaient des liens et ils se vantent d’avoir des liens avec Moscou… d’avoir « table ouverte » en quelque sorte à Moscou. Il y a plusieurs études qui ont mis en évidence des liens financiers entre ces deux influenceurs politiques et Moscou, notamment la nébuleuse d’Evgueni Prigojine qui a financé Kémi Seba. Il l’a dit lui-même, donc il n’y a pas de mystère là-dessus. Puis, il y a évidemment un rapprochement idéologique, et un rapprochement sur le fait qu’ils ont un ennemi commun.Il y a donc ces influenceurs, mais il y a aussi les acteurs politiques d’un certain nombre de pays africains. Pourquoi alimentent-ils, eux, ce discours anti-français ?Ils alimentent ce discours parce qu’ils ont besoin d’expliquer leurs échecs politiques, économiques ou sécuritaires à leur population. On sent très fort qu’une bonne partie des jeunesses africaines veulent en découdre avec leurs oligarchies dirigeantes, et donc pour ces oligarchies dirigeantes, il est essentiel de leur présenter un bouc émissaire et ainsi de se défausser. Et donc on voit qu’en effet, c'est un discours qui porte bien, par exemple en Centrafrique, au Mali ou au Burkina Faso. Ce sont des États qui sont en pleine faillite et en pleine dérive actuellement.Quels sont les thèmes récurrents de ce discours anti-français ?La première composante, c'est évidemment l’interventionnisme militaire français. La deuxième composante, c’est le franc CFA. Et la troisième, c’est la politique d’aide. Ce sont vraiment les trois aspects du réquisitoire de ce discours contre la France, contre la politique française, dans le cadre de Barkhane notamment. Cette opération Barkhane, elle est décrite comme une façon de piller les ressources naturelles au Sahel par l’armée française. En ce qui concerne le franc CFA, il est décrié comme étant un outil de domination économique et de confiscation de la souveraineté économique des États de la zone du franc CFA. Puis, en ce qui concerne la politique d’aide, là, c'est plutôt une sorte de procès politico-moral qui dit que d’une part, l’aide au développement sert en fait surtout à soutenir des régimes amis, donc un but politique. Et que moralement, elle est condamnable parce que c’est un signe de supériorité, etc.Et donc tout cela se connecte dans une grande théorie du complot ?Oui, tout cela se connecte dans une grande théorie du complot qui, évidemment, de nos jours, est très à la mode sur tous les continents. L’Afrique ne fait pas exception. Et l'on voit qu’il y a évidemment une très grande résonance… et que cette résonance est d’autant plus forte que les pays sont en difficulté.Vous analysez la façon dont ce discours anti-français est alimenté, utilisé par différents acteurs. Mais au fond, s’il prospère ce discours, est-ce que ce n’est pas aussi parce qu’il y a eu des erreurs dans le passé en matière de politique africaine de la France, et qu’il y en a encore aujourd’hui ?Il y a en effet un certain nombre d’erreurs de politique qui ont été faites dans le passé et encore dans le présent, mais ce n’est plus à ce niveau-là que l'on est dans ce discours-là.Il n’y a plus réellement de débats sur les réalisations et les erreurs de la politique africaine de la France ?Non, on est vraiment dans le complotisme, le conspirationnisme généralisé, et tout ce qui porte un drapeau français fait partie du complot.Quelle lecture est-ce que les décideurs parisiens ont de ce discours anti-français qui se développe sur le continent ?Ils n’en ont pas toujours une lecture appropriée, à mon sens. Il y a ceux qui disent : « Non mais tout ça, c’est la faute de la Russie, c’est juste de la propagande russe, etc., qui manipule l’opinion ». Alors que ça ne vient pas uniquement de la Russie, il y a aussi une grande part de responsabilité des classes politiques africaines, comme je viens de le dire. Et puis, il y a ceux qui disent : « Ah, mais non, en fait, c'est une mauvaise perception de la politique française qui est à l’origine de ce discours, et donc il faut mieux s’expliquer, il faut mieux communiquer, etc. » Ça, c’est plutôt la ligne du président de la République quand il dit aux ambassadeurs : Il faut expliquer tout le temps, être sur les réseaux sociaux, communiquer, etc., parce que finalement, on mène une bonne politique qui est mal perçue. Il ne faut pas croire que c’est simplement un problème de perception… comme vous le disiez tout à l’heure, il y a eu de vraies erreurs qui ont été commises. Il faut donc repenser profondément cette politique, pour essayer non pas de mieux l’expliquer, mais de l’améliorer.
6/20/20235 minutes, 9 seconds
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Rémy Rioux (DG AFD): un nouveau pacte financier mondial pour la transition énergétique

D’un côté, les pays du G7, de l’autre les Brics… Le système financier international est de plus en plus éclaté et de moins en moins adapté aux besoins des pays du Sud, qui doivent financer leur transition énergétique. C’est pourquoi la France accueille jeudi 22 juin un sommet sur le « nouveau pacte financier mondial ». Objectif des 80 pays participants : réformer le FMI et la Banque mondiale et trouver de nouveaux financements innovants. À la manœuvre, le président Emmanuel Macron et le Directeur général de l’Agence française de développement (AFD), Rémy Rioux. Mais ce projet est-il vraiment réaliste ? Le patron de l’AFD répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Il y aura beaucoup de chefs d’État africains et asiatiques ce jeudi au sommet de Paris, parce que, oui, ils sont prêts à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans leur pays - on pense par exemple au charbon en Afrique du Sud -, mais à condition que la solidarité financière soit au rendez-vous. Alors quelles réformes peuvent être lancées ce jeudi pour libérer de l’espace budgétaire ?  Rémy Rioux : Africains, Asiatiques, Latino-américains - le président Lula sera présent -, Européens aussi bien sûr, la secrétaire au Trésor américain aussi sera là, le Premier ministre chinois… Donc oui, ça va être une discussion globale, structurelle. Vous vous souvenez peut-être, un sommet avait eu lieu en mai 2021 qui portait sur les économies africaines dans la crise Covid-19, vraiment au cœur de la crise. Là, le souhait des autorités françaises, c’est d’avoir une discussion plus vaste encore et plus structurelle. Comment est-ce qu’on peut entrer dans un nouveau pacte financier qui crée plus de confiance ? On espère qu’il en sortira quelque chose de très positif. Alors vous parlez du sommet de Paris d’il y a deux ans au sujet des économies africaines, Emmanuel Macron avait promis aux pays du Sud quelque 100 milliards de dollars par an, grâce à une réallocation des droits de tirages spéciaux du Fonds monétaire international (FMI). Où est-ce qu’on en est ?Alors, on va beaucoup parler des engagements pris, effectivement. Nul doute que beaucoup de chefs d’État vont demander où on en est. Et je dirais qu’il y a 200 milliards dans la discussion internationale : il y a les 100 milliards du climat, qui datent de 2009, mais l’Accord de Paris de 2015 leur a redonné vigueur, et il faut les atteindre. Donc on aura, je pense, des éléments de réponse cette semaine sur ce point-là. Et puis, il y a le deuxième 100 milliards, c’est la réallocation, le prêt entre États de droits de tirages spéciaux du FMI. Donc là, la directrice générale du FMI Kristalina Georgieva sera là, le nouveau président de la Banque mondiale, Ajay Banga, fera sa première sortie cette semaine. Ils vont nous faire le point sur cela et j’espère bien qu’on arrivera par ce moyen à créer la confiance, parce que le sujet du sommet, c’est aussi de faire plus, c’est aussi d’ouvrir une nouvelle discussion financière internationale, qui, notamment, embarque toutes les banques publiques de développement, avec une plus vaste architecture financière, qui mobilise plus d’investissements privés. Alors deux fois 100 milliards, c’est bien, mais apparemment, Rémy Rioux, c’est une goutte d’eau, d’après plusieurs experts. Il faudrait quelque 2 000 milliards de dollars d’ici 2030 pour permettre aux pays du Sud d’atterrir dans un monde décarboné. L’intuition du président de la République Emmanuel Macron, c’est d’avoir une discussion entre chefs d’État en fait, c’est-à-dire au plus haut niveau politique, en particulier parce qu’il faut redéfinir un cadre de référence qui n’oppose plus le développement et la lutte pour le climat, pour la biodiversité. Donc on a vraiment besoin que les chefs d’État disent notamment aux organisations internationales compétentes d’imaginer un cadre où on ait deux politiques publiques, l’une vraiment de solidarité pour les plus vulnérables, qui bénéficient d’une garantie de financement, le climat et le développement ensemble. Et une autre, beaucoup plus vaste, qui mobilise les marchés financiers, le secteur privé, j’allais dire autant que possible, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Et je crois que la France, les autorités françaises, avec tous les partenaires, veulent mettre dans cette discussion de l’ambition, une redéfinition finalement du cadre. Parmi les solutions qui vont être mises sur la table à ce sommet de Paris, il y a les financements innovants. À l’ONG Oxfam, Cécile Duflot plaide pour une nouvelle taxe sur les compagnies pétrolières et gazières. À l’ONG One, Najat Vallaud-Belkacem prône la mise en œuvre d’une taxe sur les transactions financières, qu’on a appelée à une époque la taxe Tobin. Quelle est, à vos yeux, la piste la plus prometteuse ?Alors si cet événement se passe à Paris, je pense que c’est parce qu’il y a quand même un pays, la France, qui, sur les différents sujets que vous indiquez, est au rendez-vous. Vous avez vu qu’on est passés à 0,56 % de notre richesse nationale, comme annoncé en 2017 par le président, en aide publique au développement. Et puis, ces taxes internationales, on les a déjà mises en place en France. On a une taxe sur les transactions financières, vous savez sans doute qu’elle a rapporté l’année dernière presque 2 milliards d’euros [1,7 milliards, plus précisément], et un tiers du produit de cette taxe est réaffecté à la solidarité internationale. Il y a une discussion très intéressante dont on va parler cette semaine et qui se poursuivra à l’Organisation maritime internationale, donc on va aller là où c’est le plus prometteur, probablement le transport maritime, c’est une piste d’avenir.À ce sommet de Paris, la Chine sera représentée par son Premier ministre, ce qui est bon signe, mais beaucoup disent que la Chine ne fait pas assez d’efforts pour le climat. Qu’est-ce que vous attendez de Pékin cette semaine ? C’est très important, évidemment, dans la géopolitique actuelle, malgré les vagues que la guerre en Ukraine et l’agression russe diffusent dans le monde entier, je crois que c’est très très important de créer des lieux, un peu ad hoc, en l’occurrence. Les Américains ont été très actifs dans la préparation de ce sommet : encore une fois la secrétaire d’État [au Trésor américain] Janet Yellen, sera présente. Et puis, les Chinois : j’étais avec le président Macron en Chine, on y est passés fin mars, il a obtenu à cette occasion effectivement une représentation de très haut niveau des autorités chinoises. Elles sont attendues sur un certain nombre de sujets, vous l’avez noté, la dette en particulier. Il faut qu’on trouve un cadre commun de gestion de la dette. Espérons qu’on trouve une solution, en particulier pour un pays qui est en défaut depuis 2020, je crois, un pays démocratique, un pays qui s’appelle la Zambie. Donc comment cette force-là, on l’amène dans un schéma collectif, dans un schéma multilatéral ? C’est ça, le sens du sommet. Oui mais, Rémy Rioux, vous savez bien que la Chine serait encore plus coopérative s’il y avait un rééquilibrage dans la gouvernance du FMI et de la Banque mondiale. Elle veut une plus grande place dans le tour de table des actionnaires, or les Américains bloquent. Est-ce que ce n’est pas ça, l’impasse ? Finance en commun, c’est que tout le monde ait sa place dans un cadre multilatéral, où tout le monde se sente à l’aise. Donc ça peut passer, à un moment, ça ne serait pas la première fois, par des rééquilibrages dans la gouvernance de ces institutions faîtières, celles qui sont tout en haut : les Nations unies, le Fonds monétaire international, la Banque mondiale. Et puis via l’AFD, via ce réseau dont je vous parle Finance en commun [Finance in common], c’est le rassemblement des 550 banques publiques de développement, depuis la Banque mondiale jusqu’à la Banque de développement du Rwanda. Je pense qu’on peut créer, je l’espère, plus de confiance. Vous savez, Dilma Rousseff, l’ancienne présidente brésilienne, maintenant elle est devenue la présidente de la New development bank - qui est la banque de développement des Brics qui est en train… Vous savez, les Saoudiens se sont demandés s’ils n’allaient pas rejoindre cette banque. Les Saoudiens seront là d’ailleurs, au sommet, avec les faits de richesse incroyables qu’ils connaissent aujourd’hui.  Donc ça va être un système plus composite en fait qui va émerger. La question c’est : est-ce qu’il va se fragmenter, voire est-ce qu’il va se faire la guerre ? En fait, est-ce qu’il va s’opposer ou est-ce qu’on est capable de le rassembler dans un schéma à l’échelle, un schéma puissant et collectif ? C’est ça, je crois, le plus intéressant et c’est ça dont on va parler cette semaine à Paris.
6/19/202311 minutes, 10 seconds
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Cameroun: «Ceux qui transforment la fève profitent mieux du cacao» affirme Samy Manga, auteur de «Chocolaté»

Samy Manga est écrivain. Au Cameroun, il a grandi dans les plantations de cacao, vu l’exploitation de ses aînés, la misère, la pollution de cette culture si particulière. Après des années de recherches et de réflexion, Samy Manga vient de publier Chocolaté, qui est à fois un roman autobiographique et une grande enquête sur l’économie du cacao et du chocolat. RFI : Votre livre, Chocolaté, le goût amer de la culture du cacao, c’est votre histoire. Ça commence au village, notamment le jour où les acheteurs viennent acheter les fèves. Seriez-vous d’accord pour commencer par une lecture ?Samy Manga : « Au fond de moi, je me sentais dépossédé, volé, outré. Toutes ces fèves de sueur et de sang dont nous nous occupions seuls tout au long de l’année disparaissaient en seulement quelques heures après la visite des hommes blancs. »À quel moment est-ce que vous avez compris que le cacao, qui est un pan essentiel de l’économie au Cameroun, était aussi en quelque sorte maléfique ? Je voulais raconter cette histoire, que ce soit au niveau du village, et puis aussi la violence et la rencontre avec le chocolat. J’ai fait beaucoup de recherches parce que ce livre, il m’a pris cinq ans. J’ai commencé à l’écrire en 2018 pour véritablement soutenir ce propos : trouver des chiffres, des points de vue aussi et des analyses d’autres personnes, et même des multinationales, des gouvernements, avec des événements qui traduisent très clairement ce qu’on dénonce dans le livre, à savoir de manière globale le colonialisme vert.  Comment est née cette expression ?De mon point de vue, c’est l’ensemble des activités qui visent à s’emparer des richesses naturelles de l’Afrique. On oublie que la colonisation a été aussi la colonisation des terres, des forêts, des arbres. Au même moment, pendant qu’il y a des guerres, souvent on voit bien qu’il y a des guerres, des affrontements, mais le travail des multinationales, lui, ne s’arrête jamais : les extractions continuent toujours, il y a toujours un système qui sécurise le transport des matières et son exploitation, même quand les pays sont en guerre. Donc voilà, c’est ce que moi j’appelle le colonialisme vert, vu de l’intérieur des plantations de cacao en Afrique. Et c’est l’un des nombreux paradoxes que vous dénoncez dans ce livre : on cultive du cacao, on ne le consomme pas…Voilà. C’est une culture de rente qui fait que les gens sont sûrs d’avoir un petit revenu deux fois par an. Mais en fait, c’est aussi un piège qui ne permet pas réellement de sortir de sa condition de travailleurs pauvres, on va dire, dans les villages. Donc c’est quelque chose qui est culturel. Ce que je dis souvent, c’est que malheureusement, ce qui est culturel en Afrique c’est la culture du cacao et non la culture de la consommation du chocolat, ou même de la transformation, mais c’est ancré dans la culture d’une manière assez impressionnante. « C’est au cœur de ces nuits noires que nos tam-tams ébranlaient ma peau, ma chair, mes veines, et façonnaient mon esprit pour me révéler à moi-même, l’être en construction que j’étais encore à ce moment-là ». La première partie du livre est quasiment autobiographique. Dans la seconde, c’est une enquête journalistique que vous avez menée, pour justement dénoncer les gains des industriels du chocolat…En 2021, 2022 aussi, le Conseil international du cacao parle de cent milliards de dollars, même un peu plus. Sur les cent milliards de dollars, on estime que 6% reviennent aux pays producteurs du cacao, il y a un problème d’exploitation assez grave. C’est-à-dire que les gens qui sont les producteurs de la matière première sont relégués à une troisième, voire à une quatrième position dans la chaine de la rémunération. Et ceux qui transforment la fève et qui fabriquent du chocolat, ce sont eux qui véritablement profitent de cette économie. C’est un tabou aujourd’hui de parler de l’exploitation du cacao au Cameroun ? C’est une culture qui implique beaucoup de personnes, il y a beaucoup de corruption dans l’industrie du cacao. C’est vraiment quelque chose qui est très difficile à pouvoir démonter, parce qu’à toutes les étapes, il y a beaucoup d’argent, et les gens ferment leur bouche, il y a beaucoup de corruption. Vous gardez espoir, Samy Manga, que peut-être un moment la production du cacao ait un jour plus de sens, plus d’équilibre ?Je garde beaucoup d’espoir, c’est pour ça que j’ai écrit aussi, pour informer les gens, pour que les gens sachent. J’ai croisé beaucoup de lecteurs qui me disent qu’ils sont surpris de ce qu’ils lisent dans le livre, qu’ils ne savaient pas. Il y a beaucoup de gens qui me disent : « Ah bon ! ». D’une part, c’est choquant, mais d’autre part, ça me fait plaisir parce que ça montre que le livre atteint sa mission qui est celle d’éveiller les gens, de passer le message, de conscientiser pour que les gens prennent conscience de la mesure des dégâts. Et beaucoup de gens aussi, ça c’est la bonne nouvelle avec la sortie de Chocolaté, il y a des gens qui ont décidé de changer drastiquement leur rapport au chocolat après avoir lu Chocolaté. Peut-on terminer cet entretien par une nouvelle lecture, pour donner envie à nos auditeurs de plonger dans votre livre ? « On pourrait presque dire que c’est par dévotion que les planteurs de cacao vont se tuer, dos et pensée courbés, à la gloire des mêmes multinationales occidentales, à la solde de la même machinerie tortionnaire qui les écrasent depuis tant de générations. Des millions de gens abrègent ainsi leurs rêves, condamnent leurs projets, leurs talents, et troquent lamentablement leurs aspirations d’êtres humains fiers pour le confort d’une minorité d’insatiables. »  
6/18/20235 minutes, 34 seconds
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Retrait de la Minusma du Mali: «Une position démagogique visant à plaire à la base souverainiste du pays» estime le chercheur Yvan Guichaoua

Le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop a demandé hier, vendredi 16 juin, devant le Conseil de sécurité de l'ONU le retrait « sans délai » de la Minusma du pays. Dix ans après son lancement en 2013, la mission de paix des Nations unies au Mali n'a pas pu apporter de « réponses adéquates à la situation sécuritaire au Mali », selon le chef de la diplomatie malienne. Comment interpréter cette annonce ? Quelles peuvent être ses conséquences ? Décryptage avec Yvan Guichaoua, spécialiste du Sahel. RFI : L'annonce du ministre malien des Affaires étrangères est-elle l’aboutissement d’un processus logique ou, au contraire, une surprise ? Yvan Guichaoua : En fait, le timing de la décision est quand même très abrupt et très imprévu. Moi, je ne crois pas que qui que ce soit ait pu imaginer un scénario aussi brutal. On ne pouvait pas la prévoir si rapidement, même si on peut largement estimer que la décision qui a été prise est dans la continuité des décisions déjà prises à l’égard de la Minusma au cours des derniers mois - notamment les restrictions de circulation, les restrictions de survol, ce genre de choses - qui réduisaient de plus en plus le périmètre d’activité de la Minusma. Donc là, on arrive à la décision ultime qui est celle de chasser la Minusma du pays. La demande de départ de la Minusma intervient à deux jours du référendum constitutionnel qui va se tenir au Mali. Est-ce que c’est un hasard du calendrier ? Ou une volonté du régime d’affirmer une position souverainiste ? Une position souverainiste et surtout une position démagogique, qui va plaire à la base souverainiste du pays et qui améliore peut-être les chances du « oui » de l’emporter. Il n’y a pas énormément de suspense sur le fait que le « oui » l’emporte, mais peut-être que ça va donner quelques pourcentages supplémentaires pour pouvoir faire de ce référendum un plébiscite, ce qui est un peu l’enjeu de ce référendum. Le timing n’a pas l’air innocent. D’un point de vue logistique, dans quelles conditions va se dérouler le départ de la Minusma ?Il y a déjà une conversation d’ordre un petit peu technique à avoir, parce que même si la demande de départ de la Minusma doit être exécutée « sans délai », dans la bouche du ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, concrètement ça ne peut pas se faire en quelques semaines, ni même en quelques mois. On a peut-être devant nous un an ou deux d’opérations logistiques très compliquées pour que la Minusma s’en aille. La Minusma ne va pas partir du jour au lendemain, donc il va y avoir d’autres négociations. Peut-être que le « sans délai » est un petit peu là pour dramatiser les choses, afin que les paramètres de la négociation qui va devoir avoir lieu nécessairement soient fixés par le Mali. Sur le terrain, quelles seront les conséquences sécuritaires du retrait de la Minusma ? Elles sont de plusieurs ordres. La première, c’est que l’accord de paix et de réconciliation avec les mouvements signataires et la plate-forme, est quand même assez mis en péril dorénavant, donc je suis assez curieux de voir comment les ex-mouvements séparatistes signataires de cet accord de paix vont réagir, parce que la Minusma garantissait quand même un dialogue entre les anciens mouvements séparatistes et Bamako. Ça, c’est le premier élément. Le deuxième élément, c’est celui qui concerne la protection des villes secondaires. Il y a des bases de la Minusma un peu partout dans le pays qui protègent les habitants. Si ces bases-là sont démantelées, que deviennent ces populations ? Elles vont être certainement beaucoup plus vulnérables. Et puis, il y a un troisième élément, qui est que la Minusma était quand même dotée d’une mission d’investigation dont le job était de documenter les atrocités et les violations des droits de l’Homme, et ce job-là ne sera plus rendu possible du fait de la décision malienne. Il a déjà été très très compliqué ces derniers mois, là, cette fois, c’est définitivement enterré.  
6/17/20233 minutes, 40 seconds
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Mali: «Une partie des citoyens pense qu'Assimi Goïta ne sera pas candidat à la présidentielle»

Ce dimanche 18 juin, les citoyens maliens sont appelés à dire « oui » ou « non » à la nouvelle Constitution proposée par le régime militaire issu du coup d'État de mai 2021. Ce régime est-il légitime pour changer la Constitution ? Le projet soumis au vote renforce-t-il les pouvoirs du futur président pour permettre au colonel Assimi Goïta de gouverner demain sans partage ? Entretien avec Alpha Alhadi Koïna, géopolitologue et consultant-chercheur à Bamako. RFI : Quels sont les changements majeurs qui sont introduits par ce projet constitutionnel ?Alpha Alhadi Koïna : Alors ce projet de nouvelle Constitution rompt pratiquement l’équilibre du pouvoir entre l’exécutif et le législatif, en renforçant le pouvoir du président de la République, et en affaiblissant le pouvoir du Parlement. Il faut dire que dans ce projet de Constitution, le pouvoir du président de la République sera vraiment renforcé, parce que non seulement il détermine la politique de la nation, mais aussi il peut mettre fin aux fonctions du Premier ministre, sans que ce dernier ne lui présente une lettre de démission, comme avant. Et en plus de cela, il nomme les membres du gouvernement sans que le Premier ministre ne les lui en propose. De plus, le président de la République s’adresse directement au Parlement en congrès, sur l’état de la Nation, dans le premier trimestre de chaque année. Aussi il ordonne la mobilisation générale des citoyens, lorsque la situation sécuritaire l’exige, comme actuellement au Mali.Alors d’un côté, les partisans du « oui » disent que ce projet de Constitution est un acte de souveraineté, mais de l’autre les partisans du « non » disent que le régime de transition n’est pas légitime pour changer de Constitution, qu’est-ce que vous en pensez ?Aujourd’hui, on peut dire qu’en réalité la majorité de la population est pour ce régime, parce que la majorité de la population a décrié un peu les régimes de ces 30 dernières années, car ces régimes étaient corrompus. Ce qui fait qu’une partie de la population pense que, même si ce régime est arrivé au pouvoir à travers un coup d’État, il est quand même légitime, parce qu’il a la légitimité populaire.Alors les partisans du « non » disent que cette Constitution n’empêchera pas le colonel Assimi Goïta d’être candidat l’année prochaine, et que c’est un texte taillé sur mesure pour le numéro 1 malien, en vue de sa pérennité au pouvoir.Effectivement. Ce projet de Constitution omet un peula Constitution de 1992, et aussi la Charte de Transition de 2020 qui interdisait aux dirigeants de la Transition d’être candidats. Et c’est là que ça pourrait être problématique, dans le sens que, lors de la signature de cette charte, les gens s’étaient engagés à ne pas se présenter. Mais je pense qu’aujourd’hui, pour une bonne partie des Maliens, Assimi Goïta ne veut pas du tout durerau pouvoir, qu’il est là pour une mission de transition. Donc dire qu’il va se présenter à l’élection présidentielle, cela est un peu inimaginable pour les Maliens.Mais on est bien d’accord que le verrou de 1992 a sauté, et que désormais les militaires issus d’un régime de transition pourront se présenter ?Effectivement, en analysant le projet de la nouvelle Constitution, on peut se dire que le régime pourrait se présenter. Mais en fait, pour le Malien lambda, Assimi Goïta ne va pas le faire.Est-ce que pour tenir des meetings, est-ce que pour faire campagne, les partisans du « non » ont autant de moyens et autant de libertés que les partisans du « nui » ?Alors les partisans du « non », à ce jour, n’ont pas autant de moyens que les partisans du « oui ». Il y a implicitement les moyens de l’État qui sont mis en œuvre pour aider les partisans du « oui ». Et de leur côté, les partisans du « non » ont quand même une liberté de s’exprimer. Cela, personne ne peut le nier. Mais ils n’ont pas les moyens de l’État pour mieux s’exprimer.Dans le camp du « non », il y a quelques ténors de la classe politique, comme l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, l’ancien ministre Tiébilé Dramé. Il y a plusieurs mouvements de la société civile réunis dans l’« Appel du 20 février », mais il y a aussi de nombreux chefs religieux musulmans, comme l’imam Dicko. Pourquoi ?Ils pensent qu’il faudrait à un moment donné enlever le concept de laïcité de la Constitution. Parce que les religieux pensent que le mot laïcité pourrait être remplacé par « multiconfessionnalisme », ou « neutralité de l’État ». Mais la laïcité faisant référence pour eux à la France, elle doit être enlevée de la Constitution.Du côté des anciens mouvements rebelles du Nord-Mali, et notamment de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA), on veut empêcher le scrutin de ce dimanche, notamment dans toute la région de Kidal. Pourquoi cette position ?En fait, la position de la CMA peut se comprendre, parce que la CMA, à un moment donné, pensait que le projet de la Constitution allait à l’encontre de l’Accord d’Alger de 2015. Donc pour eux, il fallait accorder plus de pouvoir aux élus locaux, et aussi aller vers une régionalisation ou une décentralisation poussée. Alors qu’en fait le projet de la Constitution tient à l’État unitaire, mais en réalité n’exclut pas une régionalisation poussée. Surtout que, récemment, la médiation internationale a fait des clarifications à travers ses experts pour dire que le projet de Constitution ne va pas à l’encontre de l’Accord d’Alger.Donc vous pensez que, derrière cette position de la CMA, il y a beaucoup de malentendus entre Bamako et Kidal ?Certainement, il y a eu beaucoup de malentendus entre Bamako et Kidal, parce qu’à un moment donné, il n’y avait pas de communication entre eux. Ce qui fait que les malentendus ont perduré, et cela a engendré le blocage.► À lire aussi : Mali: avant le référendum, les pour et contre la Constitution réaffirment leurs arguments
6/16/20234 minutes, 56 seconds
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Amadou Coulibaly: «Nous voulons doubler la contribution du numérique à l’économie ivoirienne d’ici 2025»

Le salon VivaTech, dont France Médias Monde (FMM) est partenaire, s'est ouvert le 14 juin à Paris. Il s'agit du plus grand salon européen de la tech. Le continent africain, qui voit actuellement se multiplier les start-up, est largement représenté. Le ministre ivoirien de l'Économie numérique et porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly, accompagne une délégation de jeunes entrepreneurs de son pays, pour tenter de convaincre les investisseurs de miser sur l'écosystème ivoirien. 
6/15/20239 minutes, 25 seconds
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Joshua Osih: «John Fru Ndi était un grand patriote qui aimait sincèrement le Cameroun»

Au Cameroun, l’opposant historique de Paul Biya, John Fru Ndi est décédé lundi 12 juin à 81 ans, des suites d’une longue maladie. En 1990, le chairman avait fondé le Social Democratic Front (SDF), et failli gagner la présidentielle de 1992. Entretien avec Joshua Osih, député national et premier vice-président du SDF qui a défendu les couleurs du parti à la présidentielle de 2018. Quelle est votre première réaction à la mort du chairman ?Joshua Osih : Je perds un mentor, quelqu’un qui m’a tout appris dans la politique et qui m’a appris à aimer ce pays. Donc, naturellement, je suis très triste, je suis affligé même. Il aimait les gens, il aimait le contact, il aimait le consensus. Il disait toujours qu’en politique, « Il ne faudrait pas que ton adversaire perde la face ». Je ne me rappelle pas d’un seul jour chez lui où il y a eu moins d’une trentaine de personnes qui déjeunaient avec lui, tout le monde à Bamenda savait que sa maison était ouverte. Quand on passait autour de midi, il fallait absolument le rejoindre à table et il en faisait un cas tout particulier pour tous ceux qui ne voulaient pas le rejoindre à sa table.C’était aussi un fermier, donc il tuait entre deux et trois vaches par semaine pour pouvoir satisfaire la demande de tous ceux qui devaient manger chez lui. Donc, c’était quelqu’un de jovial, quelqu’un d’ouvert, qui aimait le contact, qui était un grand patriote, qui aimait sincèrement le Cameroun. Il l’a d’ailleurs démontré à deux reprises. La première, c’est quand il aurait pu, après les élections de 1992, aller vers une guerre civile : tout le monde l’y poussait, y compris les cadres du SDF qui voulaient absolument, y compris les gouvernements comme celui de Sani Abacha au Nigeria, que le Cameroun bascule vers une guerre civile. Et il [John Fru Ndi] a dit : « On ne gouvernera pas le Cameroun sur le sang des Camerounais ». La deuxième fois, c’est quand la sécession armée a démarré. Ils ont voulu que le SDF soit la branche politique de cette sécession, ce qu’il avait fermement refusé. Et cela nous a valu toutes les attaques sur sa personne. Il a été enlevé deux fois par ces sécessionnistes. Et nous pensons que c’est ce qui a peut-être précipité son décès.En 1992, John Fru Ndi arrive officiellement deuxième à la présidentielle, avec 4 points de retard sur Paul Biya. Le Social Democratic Front (SDF) crie à la fraude. Est-ce que la France de François Mitterrand a joué un rôle dans son échec à cette élection ? Nous pensons que oui. Nous pensons que la France était un acteur essentiel pour nous pousser vers cet échec-là, je pense que l’ambassadeur de France à l’époque au Cameroun est toujours un conseiller spécial du président de la République aujourd’hui [rectificatif : l’ex-ambassadeur de France Yvon Omnes est décédé le 23 avril dernier - NDLR]. Cela démontre à merveille qu’il a fait un travail qui allait dans le sens des intérêts du président de la République [camerounaise] à ce moment-là. La France a joué un rôle qui n’était pas le sien. Donc, ça arrangeait un peu Paris de voir qu’en 1992, un anglophone n’arrive pas à la tête de l’État du Cameroun.À partir des années 2000, beaucoup y compris dans le SDF lui ont reproché de renoncer à la conquête du pouvoir et de se contenter de la place de numéro 1 de l’opposition. Qu’en pensez-vous ?John Fru Ndi a toujours voulu conquérir le pouvoir et c’est pour cela qu’au moment où il s’est dit qu’il n’avait plus l’âge pour cela ou qu’il n’avait plus la motivation nécessaire pour y aller, lui-même s’est mis de côté et a laissé la libre concurrence au sein de son parti et à une élection dans un congrès où les délégués ont choisi le nouveau porte-flambeau du parti. Il a même exigé de ne pas être présent au niveau du congrès pour qu’on ne dise pas qu’il a pu influencer de quelque nature que ce soit le vote.► À lire aussi : Mort de l’opposant John Fru Ndi au Cameroun: trois décennies d’opposition et d’occasions manquéesDepuis la montée du mouvement indépendantiste dans les deux provinces anglophones, est-ce que le SDF n’est pas coupé de la jeunesse du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ?Nous ne sommes pas coupés de la jeunesse du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, nous sommes coupés d’une certaine jeunesse qui croit qu’elle peut résoudre les problèmes du Cameroun à travers la violence et une lutte armée. Nous croyons fermement aux valeurs et aux vertus de la démocratie. Donc, nous sommes contre tous ceux qui prennent les armes pour pouvoir atteindre ce but et donc, fort heureusement, c’est une infime minorité.Ce qui s’est passé, c’est que, parce que le SDF a refusé d’être la branche politique de ce mouvement sécessionniste, ceux qui utilisent des armes les ont utilisées essentiellement contre les SDF et ont tout fait pour que le SDF ne puisse pas se présenter aux élections.À la dernière présidentielle de 2018, vous n’êtes arrivé que quatrième. Est-ce que le SDF a encore un avenir politique ? Vous répétez la même question, parce que ce sont les mêmes causes qui donnent les mêmes effets. Quand vous avez 800 000 électeurs qui sont privés du droit de vote, et que c’est une élection où le vainqueur gagne avec 2 millions de voix, et que les 800 000 électeurs qui sont privés de droit de vote viennent essentiellement de votre fief historique, vous avez les résultats que vous avez. Donc, le jour où notre base ne sera plus intimidée, où on ne va plus brûler des maisons parce qu’on est allé voter, où on ne va plus tirer sur les femmes qui vont voter, nous sommes convaincus que cette base-là va ressortir et on aura des voix qu’on n’a pas pu avoir pendant les deux dernières élections.► À lire aussi : Cameroun: mort de John Fru Ndi, opposant historique au président Paul Biya
6/14/20238 minutes, 39 seconds
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Mamadou Barry: «La Guinée a des difficultés à regarder son passé douloureux»

Grand témoin de l'histoire de la Guinée, Mamadou Barry dit « Petit Barry » a été à la fois un collaborateur de l'ancien président Sékou Touré et une victime des camps de la première République guinéenne. Il a, comme tant d'autres Guinéens, été arrêté en 1971, à l'occasion de la vague de répression qui a emporté le pays dans le sillage de l'opération Mar Verde. Il vient de publier un premier livre de mémoires dans lequel il raconte son séjour au camp de Kindia, à 130 kilomètres de la capitale. Une histoire, qui selon lui, continue à peser sur le temps présent. RFI : Mamadou Barry, avant d’être arrêté fin juin 1971, vous êtes l’un des hauts cadres de l’information du pouvoir guinéen. Que savez-vous de la façon dont les fameuses listes des personnes qui vont être arrêtées tout au long de cette année 1971, ont été constituées ?Mamadou Barry dit Petit Barry : Ce sont des règlements de comptes. On a voulu s’en prendre à des anciens adversaires politiques qu’on ne pouvait pas éliminer jusque-là et à des gens considérés comme n’acceptant pas le régime du Parti Démocratique de Guinée. Donc, tous ceux-ci ont été mis sur une liste, ont été arrêtés et impliqués comme étant des soutiens de l’agression portugaise. Je le sais personnellement moi, parce que j’ai été accusé. Un beau jour, on entend à la radio : « Mamadou Barry dit Petit Barry, élément douteux », parce que j’ai été cité par des mercenaires. On appelait mercenaires ceux qui étaient venus avec les Portugais. Certains, avant d’être pendus, on leur a fait faire une déposition dans laquelle ils disaient que leurs complices intérieurs étaient les suivants... Parmi ces complices intérieurs, il y avait mon nom : Mamadou Barry dit Petit Barry devait faire partie du nouveau gouvernement qui allait être institué. J’ai su plus tard comment cela s’est passé. C’est un de mes amis d’enfance, il s’appelait Mamady Keita qui était membre du bureau politique du PDG qui avait fait faire cet enregistrement contre moi.Comment pouvez-vous être sûr que c’est lui qui a effectivement dit : « Mettez le nom de Petit Barry » ?Je le sais parce que j’ai des amis qui sont dans la police guinéenne… qui m’ont informé.Que vous ont dit ces amis ?Ils m’ont dit que c’est lui effectivement qui a donné une liste à ces gens qui devaient être pendus. On leur a dit : vous faites cette déclaration et puis on va vous gracier. Mais vous nous donnez la liste de vos complices intérieurs. Parmi ces complices intérieurs, voici la liste.Donc, on leur dit quels sont les noms qu’ils doivent donner ?On leur donne les noms et ils doivent lire ces noms.À l’époque, vous êtes un haut-fonctionnaire de l’information, qu’est-ce que vous savez de la façon dont les dépositions des personnes arrêtées sont préparées, enregistrées puis montées ?On a su beaucoup de choses au fur et à mesure. Ce n’est pas arrivé d’un seul coup. Quand ils vous arrêtent, ils savent exactement ce qu’ils veulent de vous et vous devez le dire. Ils donnent les idées générales. La déposition est rédigée par la personne, ou bien parfois ils ont des gens qui rédigent la déposition et la font signer. Il y en a qui n’ont pas voulu être torturés, qui ont dit « rédigez vous-mêmes et puis, je signe ce que vous voulez ». Ils ont une machine qu’ils tournent et ils placent les électrodes sur différentes parties du corps, sur les oreilles, sur le nez, et en dernière analyse, l’action suprême, sur le sexe, si tu n’acceptes pas. C’est la gégène.Vous allez être emprisonné, non pas au si tristement célèbre au camp Boiro, mais dans un autre lieu de détention du régime, le camp Kémé Bourema de Kindia. Quelles sont vos conditions de détention là-bas ?Les conditions sont les mêmes partout. Les conditions sont très difficiles. Vous êtes enfermé au début, 24 heures sur 24. Vous n’avez pas le droit d’avoir même 5 minutes dehors. À l’époque, on recevait un seul plat de riz par jour et nous comptions 6 cuillères. On ne pouvait pas se laver la plupart du temps. Les gens devaient se laver tous les trois mois. On vous sortait et on vous arrosait avec un peu d’eau.Est-ce que la société guinéenne vous semble prête à admettre cette face très obscure des années Sékou Touré ?Très difficile. La Guinée a des difficultés à regarder son passé, un passé douloureux. Ce sont les années les plus difficiles dans l’histoire de la Guinée.Mais qu’est-ce qui fait, selon vous, que les Guinéens ne sont pas prêts à accepter cette partie de leur histoire ?Une des raisons principales, c’est qu’il y a eu une manipulation des Guinéens. On leur fait croire que Sékou Touré est le héros. On leur dit : c’est Sékou Touré qui nous a donné l’indépendance.C’est l’homme qui a dit non…Voilà. C’est lui qui a dit non au général de Gaulle.Mais il est ça aussi Sekou Touré…Il est ça, il est héros, il a fait de belles choses. Il a inspiré les Guinéens à un moment donné. Mais il est tyran. Et il a détruit le pays.Vous sentez de la part du gouvernement de transition actuel une volonté de cacher cette partie-là de l’histoire ?C’est clair. Et c’est extrêmement dangereux. On vient de donner son nom à l’aéroport de Conakry. Il y a longtemps qu’ils ont commencé la réhabilitation de Sékou Touré et ça pose problème. Il faut absolument réhabiliter les personnes qui sont aujourd’hui dans les fosses communes. Le problème, c’est que, puisqu’on ne condamne pas le système, on ne dit pas qu’il est mauvais. On essaie de justifier tout ce qui s’est passé pour la Ière République, tous les crimes qui ont été commis. Les mêmes choses risquent de se répéter.Donc, pas de démocratie tant qu’on ne regardera pas l’histoire en face ?Pas de démocratie, pas d’alternance puisque le système, on ne le condamne pas, on ne dit pas qu’il est mauvais.NB : L'opération Mar Verde est une opération militaire amphibie des forces armées portugaises alliées à des opposants guinéens, exécutée le 22 novembre 1970 pendant la guerre coloniale portugaise en Guinée-Bissau.► À lire aussi : Guinée: 50 ans après les exécutions sommaires, des pas vers la reconnaissance des victimes
6/13/20235 minutes, 6 seconds
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Paulin Melatagia, chercheur camerounais: en matière d'IA, «l’Afrique développe ses propres solutions par la formation et la recherche»

Ce 12 juin 2023, RFI explore les débats autour de l'intelligence artificielle (IA). Toutes les parties du monde sont interpelées par la révolution qui est en cours. Et l'Afrique développe d’ores et déjà sa propre expertise dans le domaine. Car l'IA, au-delà des inquiétudes qu'elle soulève, est porteuse de nombreuses opportunités pour le continent. Pour en parler, notre invité est Paulin Melatagia, le Responsable de l'équipe de recherche Sciences de données et IA au département d'informatique de l'Université de Yaoundé 1. RFI : Paulin Melatagia, comment est-ce que le continent africain se positionne dans la révolution en cours autour de l’intelligence artificielle ? Est-ce qu’à l’heure actuelle il est un simple utilisateur des systèmes des autres, ou est-ce qu’il a ses propres pôles de développement de l’IA ? Paulin Melatagia : L’Afrique est un acteur aujourd’hui qui développe ses propres solutions. Et les leviers à travers lesquels ces éléments sont mis en œuvre, c’est d’abord la formation, la recherche et le monde de l’entrepreneuriat qui de plus en plus met en œuvre des solutions d’intelligence artificielle. Quels sont les lieux qui sont emblématiques à l’heure actuelle des compétences africaines en matière d’intelligence artificielle ? On a l’Afrique du Sud qui porte énormément d’initiatives, il y a les universités,Stellenbosch par exemple, qui sont extrêmement avancées dessus. Si je prends l’Afrique de l’Est, on a le Rwanda et le Kenya notamment, qui abritent le projet « AI for development in Africa », un projet qui rassemble plusieurs chercheurs sur le continent. En Afrique du Nord, on a le Maroc, qui est un pôleextrêmement important en matière de développement de l’IA. En Afrique de l’Ouest, je citerais le Sénégal, qui a beaucoup de collaborations avec des pays comme le Nigeria, le Burkina, etc. Et en Afrique Centrale, c‘est le Cameroun qui a une très grande école en IA et qui de plus en plus travaille avec des pays voisins, je citerais le Gabon et le Congo Brazzaville. Donc les compétences sont réparties de manière à peu près équitable sur le continent ? Exactement. Non seulement elles sont réparties, mais la plupart du temps elles sont mises ensemble dans le cadre de communautés, dans le cadre de projets. Quel est le ou quels sont les projets emblématiques de ce que construit l’Afrique en matière d’intelligence artificielle ? On a beaucoup de projets, de très beaux projets aujourd’hui qui sont mis en œuvre, que ce soit au Sénégal, au Kenya, en Afrique du Sud. Concrètement, je prends l’exemple d’une application : un agent conversationnel en wolof qui propose des services de santé. On peut avoir un paysan qui se trouve dans son village et qui présente un certain nombre de symptômes, il peut appeler l’agent conversationnel grâce à son téléphone mobile, décrire ses symptômes et l’agent conversationnel, qui est automatique puisqu’il y a une intelligence artificielle derrière, va lui proposer des pistes de diagnostic, et éventuellement, si l’agent estime qu’il n’a pas toutes les compétences nécessaires, va le rediriger vers le centre le plus proche. Est-ce que c’est un agent conversationnel qui existe déjà ou est-ce que c’est une application qui est en cours de développement ? On en a déjà plusieurs qui sont développées sur l’Afrique. Lors du sommet Transform Africa qui a eu lieu à la fin du mois d’avril, le président rwandais, Paul Kagame, a indiqué que pour lui, l’Afrique était le continent qui avait le plus à gagner de l’intelligence artificielle en raison, expliquait-il, de la façon dont ces applications vont réduire les différences entre les entreprises africaines et celles du reste du monde. Concrètement, de quelle manière est-ce que l’IA peut permettre cela, ce rattrapage africain ? Effectivement, le gap entre les entreprises sur l’Afrique et les entreprises en-dehors peut être réduit en matière de productivité, dans différents domaines applicatifs, notamment la santé, l’agriculture… Mais il y a également la question de l’inclusion des populations. L’IA permet, notamment dans le cas de l’utilisation des langues africaines, d’inclure de plus en plus d’Africains dans la consommation de l’information, dans l’aide à la décision de manière générale. Nous, aujourd’hui, on travaille - au Cameroun comme ailleurs - sur des langues locales. On collecte des données, que ce soit la parole ou du texte sur des langues locales, et cela permet aux populations des zones reculées, qui ne parlent que les langues locales, d’avoir accès à l’information, d’avoir accès aux soins de santé - parce qu’elles expriment de manière naturelle les symptômes de leur maladie -, d’avoir accès à des informations sur l’agriculture, sur les pratiques agricoles, notamment avec tout ce qu’il y a comme perturbation climatique. Ils peuvent donc accéder dans leur langue, dans une langue qu’ils comprennent, aux prédictions que font les intelligences artificielles, et pour nous, cela favorise une certaine égalité en matière d’inclusion. Finalement, contre tous ceux qui craignent que l’intelligence artificielle appauvrisse l’intelligence humaine, vous diriez, vous, qu’elle peut conduire à un meilleur partage des connaissances ?Absolument, absolument. Aujourd’hui, si vous prenez quelqu’un qui n’a pas fréquenté l’école, donc qui n’a pas un niveau universitaire ou un niveau secondaire, cette intelligence artificielle là peut produire une connaissance qui va l’aider à améliorer son vécu et c’est un apport considérable. Est-ce que les inégalités de connexion à internet sur le continent ne vont pas entrainer aussi des fossés socio-économiques de plus en plus profonds entre ceux qui seront connectés à l’univers de l’IA et ceux qui y seront totalement étrangers ? Est-ce que ça ne fait pas finalement de l’enjeu de la connexion à internet un enjeu encore plus pressant pour le continent africain ?Absolument, vous avez raison. La connexion à internet est fondamentale pour consommer les produits de l’IA mais aussi pour enrichir l’IA. Et donc, c’est un défi que les gouvernements, que les entreprises, doivent pouvoir adresser pour qu’il n’y ait pas un gap entre les populations, par exemple, qui vivent en zone rurale et celles qui vivent en zone urbaine qui ont plus facilement accès à internet. Mais je pense qu’on a des solutions qui vont de plus en plus dans ce sens-là. Les opérateurs aujourd’hui arrivent à couvrir des zones reculées. On a également des acteurs qui sont en train de proposer des solutions de cloud africains, donc des cloud déployés en Afrique qui facilitent l’accès à un certain nombre d’informations à travers les réseaux.
6/12/202310 minutes, 8 seconds
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« Mádibá », le dernier opus de Blick Bassy: l’appel de l’eau et la soif d’Histoire

Le chanteur camerounais Blick Bassy vient de sortir son dernier disque Mádibá. Un album qui interpelle sur l’état de la nature. Et il a également été nommé en début d’année avec l’historienne Karine Ramondy à la tête de la Commission mémoire sur la guerre d’indépendance au Cameroun. Le 26 juillet 2022 à Yaoundé, lors d’une conférence de presse aux côtés de Paul Biya, Emmanuel Macron avait annoncé sa volonté de « faire la lumière » sur le rôle de la France au Cameroun entre 1945 et 1971, et pris « l’engagement solennel » d’ouvrir les archives françaises « en totalité ». L’appel de l’eau et la soif d’histoire, Blick Bassy est notre invité. RFI : Mádibá, c’est le nom de votre cinquième album, référence à Nelson Mandela. Mais mádibá, c’est aussi l’eau en langue douala au Cameroun. Est-ce qu’on peut prendre par exemple une chanson comme « Hola Mè » ? Blick Bassy : « Hola Mè », c’est quelqu’un qui se retrouve dans des conditions terribles face à un manque crucial d’eau, et personne n’appelle à l’aide. L’écosystème est en danger au Cameroun ? J’ai fait différents voyages, notamment dans mon village, Mintaba, et je me suis rendu compte que, par exemple, la rivière dans laquelle je me baignais avec mes cousins, mes cousines, lorsqu’on était adolescents dans le village, aujourd’hui de cette rivière ne reste qu’une espèce de filet d’eau. Pour moi, au-delà de sensibiliser sur la question et de rappeler l’importance d’avoir un rapport équilibré avec le vivant dans son ensemble, il y a une véritable réalité qui est qu’il y a de moins en moins de personnes qui ont accès à l’eau. La culture du cacao est fondamentale au Cameroun, elle est aussi très destructrice, notamment pour l’environnement, l’écosystème, et la pollution de l’eau. L’auteur Samy Manga parle de « colonialisme vert », est-ce que cette expression vous parle ? Oui, effectivement, Samy Manga a complètement raison. Moi, c’est des discussions que j’ai eues il y a très peu de temps avec une association créée par mes cousins au village. Je leur ai posé la question : « Selon vous, entre le cacao et le plantain, qu’est-ce qui vous rapporte le plus ? » De manière unanime, ils m’ont tous répondu : « Le cacao ». Je leur ai posé la question : « Pourquoi vous travaillez le cacao ? » Ils me disent que c’est parce que leurs parents ont travaillé le cacao, leurs arrière-grands-parents ont travaillé le cacao, et je leur demande : « Est-ce que vous consommez le cacao ici ? » Ils me disent : « Non ». Effectivement, la culture du cacao n’a vraiment pas de sens chez nous, puisqu’en plus, le prix est fixé par d’autres. Donc je pense qu’il y a un vrai travail de décolonisation. Je me suis rendu compte que juste en posant ces questions-là, j’avais complètement déstabilisé leur manière de faire, leurs habitudes, et ils se sont posés des questions, ils ont commencé à se questionner à partir de ce moment-là. Vous avez été nommé en février dernier à la Commission mémoire avec Karine Ramondy, avec l’objectif justement de travailler sur la période 1945-1971. Où est-ce que vous en êtes aujourd’hui ? Ma partie à moi est de parcourir l’étendue du territoire camerounais pour aller rencontrer des témoins vivants, directs ou indirects, d’enregistrer le maximum d’archives. Je me rends compte en faisant ce travail -que nous avons commencé depuis trois mois- qu’on arrive à donner la parole aux personnes qui depuis le départ n’ont jamais parlé de manière officielle de cette histoire, et ce travail psychothérapeutique est essentiel, parce qu’à chaque fois que je finis de faire une interview, je vois comment les personnes se sentent libérées ; je parle non seulement des personnes au Cameroun mais également des enfants, des soldats français, parce qu’ils ont envie de se libérer. Il y en a qui ont vécu de manière directe cette histoire avec des parents qui participaient à ces massacres et qui donc avaient urgemment besoin de parler. Cette mission est essentielle. Est-ce que vous auriez un exemple à nous transmettre, à nous donner, d’enregistrement où vous, vous avez entendu justement cette parole qui se libère, qui se dit pour la première fois ? Ma mission aujourd’hui, malheureusement, ne me permet pas de pouvoir sortir des éléments, parce qu’elle est confidentielle, mais je peux vous assurer que vraiment, il y a des témoignages très très très puissants, très forts et parfois c’est très très très dur d’écouter et de voir des personnes de 90 ans pleurer encore aujourd’hui, et donc le fait d’en parler à voix haute, parce que moi, mon grand-père notamment, qui était un résistant de cette période, lorsqu’il m’en parlait il y a quelques années, il chuchotait, donc les gens encore aujourd’hui continuent à chuchoter, malgré le fait que je leur dise que c’est une mission officielle, « vous pouvez parler à voix haute ». Donc on voit bien qu’il y a eu un gros traumatisme, et pour moi, l’idée, c’est de permettre à ces gens-là vraiment de pouvoir laisser aussi un héritage à travers leur participation, à travers leurs témoignages, et que ces éléments d’information nous permettent tout simplement d’établir réellement les faits. Voilà, pour moi c’est vraiment une opportunité incroyable de pouvoir participer quelque part à l’avancée historique de mon pays. Ça, c’est pour le terrain au Cameroun. Les autorités françaises avaient promis de vous obtenir des habilitations secret défense pour avoir accès aux archives du ministères des Armées en France, est-ce que c’est le cas ? Si je me fie à ce que ma co-présidente, Karine Ramondy, dit, c’est que le travail a commencé et son équipe est composée de quinze historiens camerounais et français qui sont sur le terrain, qui sont en train de travailler sur les archives. Oui, ça veut dire que la France a tenu parole, et j’espère que jusqu’à la fin de la mission, son équipe et elle auront accès à toutes les archives, je n’ai pas de doute. Revenons sur votre album qui vient de sortir. Le dernier titre de cet album Mádibá s’appelle « Lep », que dit cette chanson ? Dans cette chanson, « Lep », je rentre dans la peau d’un chat qui fait appel à un éléphant afin qu’il vienne lui donner un coup de main pour bloquer le passage aux humains qui vont polluer la dernière source d’eau qui reste, et donc, ce qui est intéressant, c’est que j’espère qu’avec l’art nous allons pouvoir apporter d’autres perspectives pour sensibiliser sur ces différentes questions parce qu’encore aujourd’hui, on a l’impression que les écolos, c’est un parti politique. Pourtant, nous sommes chacun de nous un élément écologique et ce n’est pas un parti politique, c’est l’ensemble du vivant. Blick Bassy sera en concert en France au festival Métis Plaine Commune en région parisienne le 8 juillet. 
6/11/20235 minutes, 15 seconds
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Idrissa Seck (Sénégal) : «Il suffit que le chef de l’État annonce qu’il ne sollicitera pas un 3e mandat» pour dénouer la crise

Au Sénégal, tous les regards sont braqués sur deux hommes politiques, le président Macky Sall et l'opposant Ousmane Sonko. Mais il y a d'autres grandes figures politiques, qui ont bien l'intention de tirer leur épingle du jeu lors de la présidentielle de février prochain. À commencer par Idrissa Seck, qui est arrivé deuxième à la présidentielle de 2019, devant Ousmane Sonko. Aujourd'hui, il est candidat pour 2024. Que propose-t-il pour sortir de la très grave crise en cours dans son pays ? En ligne de Dakar, l'ancien Premier ministre d'Abdoulaye Wade répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Idrissa Seck, vous qui avez connu de nombreuses crises politiques depuis 25 ans, est-ce que celle-ci est une crise de plus, ou est-ce que c’est plus grave que d’habitude ? Idrissa Seck : De toutes les crises que le Sénégal a connues depuis son indépendance, celle-ci est la plus facile à résoudre. Il suffit simplement que le citoyen Ousmane Sonko appelle ses troupes au calme, retire son discours belliqueux et insurrectionnel, respecte les institutions et les décisions de justice, ou que le chef de l’État, doté de tous les moyens constitutionnels et légaux à sa disposition, l’y astreigne. Le président Macky Sall a fait savoir qu’il s’expliquera, mais sans doute pas avant la fin du Dialogue national, donc le 25 juin. Alors, à ce Dialogue national, quel serait à votre avis la mesure la plus propice au dénouement de la crise actuelle ? Ce serait d’abord que le chef de l’État lui-même puisse annoncer qu’il ne sollicitera pas du peuple sénégalais un troisième mandat. Il a déjà fait deux mandats consécutifs de sept et cinq ans, et la Constitution est formelle : nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs. Depuis la visite du président Macky Sall le 5 juin chez le calife général des Mourides, il semble qu’une médiation soit en cours avec l’aide de certains chefs religieux. Est-ce que vous y participez ? Est-ce que ça avance ? Je ne suis pas au courant. Ce que je sais, en revanche, c’est que notre peuple est riche de plusieurs mécanismes de médiation, et naturellement, les chefs religieux y jouent un très grand rôle, la société civile également, plusieurs intellectuels, etc. Il y a plusieurs initiatives, certainement en cours, mais la diplomatie ne se fait pas sur la voie publique. En 2019, Ousmane Sonko vous a talonné, il est arrivé troisième, juste derrière vous, et sans doute l’an prochain espérez-vous que, si jamais il ne peut pas se présenter, eh bien ses partisans puissent voter pour vous. Mais en l’appelant aujourd’hui à cesser toute tentative d’insurrection, est-ce que vous ne risquez pas de vous couper de ses partisans ? Pas du tout. Ousmane Sonko a failli être militant de mon parti à ses débuts. Il est venu à deux reprises chez moi, une fois seul et une fois accompagné par des amis à lui. C’est quelqu’un pour qui j’ai énormément d’affection, et c’est pour ça que je suis particulièrement affligé de le voir emprunter le chemin qu’il est en train d’emprunter aujourd’hui. Il est assez populaire auprès de la jeunesse. Il aurait suffi qu’il dise à cette jeunesse : nous sommes majoritaires dans le pays, armez-vous de vos cartes d’électeur et de la détermination de protéger les résultats qui seront issus des bureaux de vote, mais ne cassez rien. S’il avait fait ça, j’aurais applaudi. Idrissa Seck, vous êtes resté dans la majorité présidentielle jusqu’au mois d’avril dernier, vous n’avez rompu avec le président Macky Sall qu’il y a seulement quelques semaines. Est-ce que vous êtes crédible pour porter une parole d’opposant ? Je suis constant dans ma démarche. Je n’ai qu’une seule mission en tête, produire le maximum de bienfaits pour ma communauté, pour les populations, quelle que soit la station que j’occupe. Après l’élection de 2019, où je suis arrivé deuxième, un dialogue national s’est ouvert, et c’est au moment où nous étions dans la phase de conclusion de ce dialogue national que la Covid-19 s’est abattue sur le monde entier. Et c’est pour ça que vous avez fait chemin ensemble avec Macky Sall et qu’aujourd’hui, vous rompez à nouveau avec lui ? Exactement. À l’approche de l’élection présidentielle, je lui ai dit très gentiment : « Vous arrivez au terme de vos deux mandats consécutifs, je retournerai solliciter les suffrages des Sénégalais, je vous recommande de ne pas tenter ce que Wade a tenté et échoué en 2011 – 2012. Sortez par la grande porte. »
6/9/20239 minutes, 20 seconds
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«Lumumba, le retour d’un héros» : le documentaire de Benoît Feyt et Quentin Noirfalisse est en salle

Ce jeudi 8 juin, sort à Bruxelles le documentaire de Benoît Feyt et Quentin Noirfalisse : Lumumba, le retour d’un héros, tourné à l'occasion du rapatriement de la dépouille de l'ancien Premier ministre congolais en RDC l'an dernier. Le film est projeté dans un cinéma de la capitale belge, avant, espèrent ses auteurs, d'être montré en République démocratique du Congo. Claire Fages a rencontré Benoît Feyt, l'un des réalisateurs. RFI : Benoît Feyt, vous avez consacré un documentaire à Lumumba, qui s’appelle : Lumumba, le retour d’un héros, à l’occasion du retour des restes de cet homme politique congolais, qui a été l’artisan de l’indépendance du pays et qui a été assassiné en janvier 1961. Qu’est-ce qui vous a le plus frappé au cours de cette tournée, qui est comme un pèlerinage de sa famille, à l’occasion du retour de ses restes, c’est-à-dire de sa dent ?Benoît Feyt : Ce qui était assez frappant, et même surprenant, pour nous, c’était de réaliser que finalement, il n’y avait pas un grand engouement populaire au Congo, mise à part, peut-être, le passage par son village natal, Onalua, dans la province tout à faire reculée du Sankuru. Là, il y avait beaucoup de monde, parce qu’en fait, il ne se passe tellement rien dans cette région et que cet événement était un petit peu l’événement du siècle. Par contre, quand on est passés par les autres villes comme Kisangani, qui était le bastion politique de Lumumba, comme Shilatembo, qui était le lieu de son assassinat, et Kinshasa, la capitale, où il a finalement été inhumé par les autorités congolaises, l’engouement populaire était assez factice. Il y avait des gens qui étaient là avec des drapeaux pour soutenir des partis politiques, mais on sait bien qu’au Congo, ces gens reçoivent une petite rétribution pour venir là. Et d’ailleurs, après une heure ou deux, les gens disparaissent et la dépouille de Lumumba s’est trouvée bien seule à tous ces endroits.Ce qui est très étonnant, c’est qu’en fait, ses deux compagnons ont été oubliés dans ces commémorations officielles. On sent que ça choque énormément les descendants de ces deux personnalités politiques assassinées qui étaient des compagnons de Lumumba. Oui, c’était une des volontés de Quentin et moi, de sortir du créneau officiel qui était présenté par les autorités congolaises, pour aller interroger ceux qui étaient absents, notamment les fils et filles, petits-fils de Maurice Mpolo et de Joseph Okito, qui étaient donc les deux compagnons de route de Lumumba, qui ont été assassinés avec lui, qui ont également été démembrés, dont les corps ont également été dissous dans l’acide, et malheureusement pour eux, il ne reste absolument aucune trace de leurs corps. Est-ce que ce manque de traces justifie une non-inhumation ? Évidemment la réponse des familles c’est non, elles auraient souhaité être associées à ces cérémonies, elles ne l’ont pas été réellement, elles ont obtenu une petite médaille en cours de route, mais ce qu’elles souhaitent ces familles aujourd’hui, c’est une inhumation en bonne et due forme, avec également un mausolée, pour que ces deux compagnons de route de Lumumba puissent eux-mêmes être honorés et faire partie de la mémoire collective congolaise. Est-ce que le fait qu’on ait choisi uniquement Lumumba, parce que, peut-être c’est plus vendeur, signifie qu’il y a eu une récupération politique par les autorités congolaises de ce rapatriement des restes de l’homme de l’indépendance ? C’est en tout cas l’avis de la fille de Maurice Mpolo, Françoise Mpolo, que nous avons interviewée à Kinshasa et qui nous a dit cette phrase très très forte : « Si les autorités congolaises avaient voulu inhumer Lumumba par amour pour Lumumba, elles auraient aussi pensé à inhumer ses deux compagnons de route. Mais le problème, c’est que Lumumba, au Congo, est devenu un nom commercial. » Ce sont ses mots. Et c’est pour ça que toute la classe politique se dit lumumbiste, parce qu’en fait, derrière, il y a évidemment une volonté de récupérer l’image de Lumumba, dans un contexte où la situation au Congo est très difficile, et pour les autorités, c’était une façon de mettre une petite médaille à leur blason.Les descendants justement de Lumumba estiment que son héritage n’a peut-être pas été compris. Qu’est-ce qui reste finalement de l’héritage de Lumumba en République démocratique du Congo aujourd’hui ? Le projet politique de Lumumba, c’était tout d’abord l’unité nationale, c’était ensuite la justice sociale, c’était aussi permettre de lutter contre toutes les divisions internes au Congo, de type ethnique, culturelle, religieuse, ou autre. C’était vraiment créer une unité nationale. Quand on observe l’état du Congo aujourd’hui, les frontières sont poreuses, on voit plusieurs armées qui occupent une partie du territoire congolais, on voit l’état d’extrême pauvreté de la population congolaise, l’enrichissement assez scandaleux des élites congolaises, on ne peut pas dire qu’il y ait une justice sociale au Congo non plus. Et, en ce qui concerne l’unité nationale, la lutte contre les divisions ethniques et régionales, ce n’est pas du tout le cas, on voit que c’est encore une des grandes lignes de fracture de la politique congolaise, qui détermine même la composition des gouvernements. Les descendants de ces trois personnalités assassinées réclament justice, est-ce que c’est possible ? On voit que les témoins de cette affaire disparaissent les uns après les autres…Le grand problème, c’est que les véritables maitres d’œuvre de l’assassinat de Lumumba, ils sont tous morts, il ne reste plus aujourd’hui que des deuxièmes ou des troisièmes couteaux, on ne parle pas de ministres mais on parle de conseillers, et parmi tous ces conseillers, la famille en a identifié dix qu’ils poursuivent en justice, mais le temps de la justice étant tellement long, neuf de ces dix personnes sont déjà décédées, il n’en reste plus qu’une aujourd’hui, à savoir Étienne Davignon, qui a nonante ans (90 ans) passés, et vu la vitesse à laquelle avance la justice en Belgique, il y a de fortes chances qu’il ne soit finalement jamais inquiété, ce qui amène la fille de Patrice Lumumba, Juliana Lumumba, à nous dire dans ce film que cet assassinat reste impuni. Il n’y a ni assassin congolais, ni belge, aucun nom n’a été donné. Et là, ça renvoie la Belgique à sa responsabilité historique, on n’a jamais voulu en Belgique inquiéter les responsables de l’assassinat de Lumumba, on les a laissés mourir de vieillesse, bien tranquillement, et aujourd’hui, c’est l’impunité.
6/8/20235 minutes, 5 seconds
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Arthur Banga, chercheur: «Les groupes jihadistes recrutent au Ghana depuis des années»

Va-t-on vers une fin de l'exception ghanéenne par rapport au terrorisme ? Jusqu'ici, les Ghanéens avaient été épargnés par les attaques jihadistes, mais les observateurs signalent un intérêt croissant des mouvements comme le Jnim (Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans) ou l'EIGS (l'État islamique dans le Grand Sahara). Le chercheur ivoirien Arthur Banga signe une note d'analyse sur l'implantation des groupes terroristes au nord du Ghana pour l'Institut de relations internationales et stratégiques. Il y explique comment cette zone s'inscrit dans la stratégie régionale des groupes jihadistes. RFI : Pourquoi parlez-vous d'exception ghanéenne par rapport aux attaques terroristes ? Qu'est-ce qui a expliqué jusqu'ici cette exception ghanéenne, selon vous ?Arthur Banga : Exception, parce que de tous les voisins du Burkina Faso, c'est le seul pays qui n'ait pas connu d'attaque terroriste à ce jour, donc, c'est une exception. Ça peut s’expliquer par le sens stratégique qu'avaient donné les groupes au Ghana, qui était d'abord une zone de transit, une zone de repli. Mais aujourd'hui, les transformations, les difficultés qu'ils connaissent au Burkina et la volonté des terroristes d'agrandir leurs zones d'influence questionnent cette exception-là.Donc, aujourd'hui, le Ghana est plus qu'une zone de transit ou une zone de repli. Qu'est-ce qu'il est devenu ?Aujourd'hui, le Ghana fait partie des ambitions des groupes stratégiques des groupes terroristes, notamment du JNIM, qui n'a pas hésité à confier la mission à Jafar Dicko, le frère de Malam Dicko, qui est le premier vrai chef terroriste du Burkina Faso.  Il a pour mission, justement, d'implanter les groupes au Ghana, au Togo. Donc aujourd'hui, on est passé d'une zone de repli, d'une zone de transit, à une zone opérationnelle en quelque sorte.Mais ce qu'on sait si d'ores et déjà, les chefs djihadistes utilisent le territoire ghanéen ? Ils avaient déjà fait des missions exploratrices. Depuis le début des années 2016-2017, ils avaient décidé, comme on l'a dit, de faire du Ghana une zone de transit. Début février (2023), il y a eu des attaques sur un pont avec usage d'engins explosifs. Ça ressemblait beaucoup aux méthodes des groupes terroristes au Mali, au Burkina, etc. Ce qui fait penser, même au ministre de la Défense ghanéen, qu’on a là une situation qui est beaucoup plus préoccupante.Vous le disiez, certains groupes ont déjà envoyé des gens sur place, qu'est-ce qu'on sait, ou qu'est-ce qu'on devine de leur projet pour le Ghana ?Quand Amadou Koufa a réalisé un discours dans lequel il a appelé tous les peuls à se réunir, il a cité le Ghana dans ce discours. Et aujourd'hui, de façon plus concrète, les groupes ont défini le Ghana comme une zone opérationnelle…Ça veut dire qu'ils vont essayer de recruter aussi au Ghana ?Il recrutent déjà. Le Ghana est déjà une terre de recrutement. On a retrouvé des Ghanéens en Libye, également au Mali, en train de faire des attentats. Donc les groupes recrutent déjà au Ghana depuis des années.Vous nous indiquez dans votre note que les terroristes exploitent des connexions familiales et religieuses entre le Burkina Faso et le Ghana. Quelles sont-elles ces connexions ?Le nord-est de la Côte d'Ivoire, la région des cascades (au Burkina Faso.- NDLR), le nord du Ghana, et même la région des savanes au Togo… C'est une zone où on va retrouver pratiquement les mêmes groupes ethniques, qu'ils soient à tendance sénoufos ou peuls. Et donc, il y a un continuum sociologique, ethnique et religieux qui est parfaitement exploité par les groupes terroristes.Quelles sont les fragilités, justement, qui sont exploitées par les groupes jihadistes pour recruter ?Le Nord, c'est la zone la plus pauvre du Ghana. Les routes sont quasiment impraticables. Le chômage des jeunes est beaucoup plus élevé dans les zones du nord du Ghana qu'ailleurs. Ensuite, il y a une question ancienne de chefferie : il y a beaucoup de conflits fonciers, de conflits autour des chefs de tribu ou des chefs de village dans cette zone, qui opposent des sous classes de tribus. Et tout ça est parfaitement exploité par les groupes terroristes.Comment est-ce que vous évaluez la réponse ghanéenne à cette menace ?Je pense que l'État ghanéen comprend. Déjà, ils étaient à la base de l'initiative d'Accra pour donner une réponse régionale plus forte. Aujourd'hui, ils comprennent la nécessité de renforcer la réponse sociale et la présence militaire. Le ministre de la Défense ghanéen s'en est ouvert devant le Parlement, c'est déjà très intéressant d'avoir une prise de conscience dans les pays où les groupes terroristes sont rapidement incrustés. Au Mali, au Burkina, il y a eu d'abord un déni de réalité. L'avantage dans certains pays, notamment les pays côtiers, c'est qu'il y a cette prise de conscience de la réalité de la menace.Vous parliez tout à l'heure d'un continuum dans le nord des différents pays côtiers. Qu'est-ce que cela veut dire, ce ciblage du Ghana par les groupes terroristes pour les pays voisins, et en l'occurrence le Togo et la Côte d'Ivoire ? Il faut absolument une réponse régionale, elle est indispensable aujourd'hui. Parce que les groupes, justement, font fi de ces frontières. On pouvait penser que la différence historique d'un point de vue colonial, d'un point de vue de la langue officielle, pouvait épargner relativement le Ghana. Aujourd'hui, non, la décision est de considérer le Ghana comme le Togo, le Bénin, la Côte d'Ivoire, et donc de pouvoir agir dans cette zone-là… avec justement cette facilité qu'il y a, à travers des frontières poreuses, à travers la pratique d'un orpaillage et d'un banditisme déjà transnational et à travers des connexions familiales religieuses qu'on a évoquées tout à l'heure.► À lire aussi : L’Initiative d’Accra, un forum sécuritaire à la croisée des chemins
6/7/20234 minutes, 55 seconds
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Hassanein Hiridjee (Axian): «Il faut accompagner le secteur privé de façon beaucoup plus ambitieuse»

L’Africa CEO Forum s’est ouvert ce lundi à Abidjan, en Côte d’Ivoire. C’est le rendez-vous majeur des chefs d’entreprise du continent, organisé par le magazine Jeune Afrique et par la Banque mondiale. Thème de cette édition : « Réussir malgré les crises – de 300 à 3 000 : comment accélérer l’émergence de la prochaine génération de champions africains ». Le nombre d’entreprises africaines réalisant un chiffre d’affaires supérieur à un milliard de dollars est évalué à 300 sur tout le continent, un effectif que les organisateurs du forum ambitionnent de décupler. Hassanein Hiridjee est le PDG de l’une d’entre elles, le groupe malgache Axian, actif sur le continent africain dans les domaines des télécommunications, de l’énergie et des services financiers. L’entreprise familiale est devenue en quelques années un groupe panafricain de 8 000 employés, avec un chiffre d’affaires de deux milliards de dollars. Il est l’invité de Marine Jeannin. RFI : Hassanein Hiridjee, qu’est-ce qui bloque encore en Afrique le développement de sociétés comme la vôtre ?Hassanein Hiridjee : L’Afrique est sous-financée. Si on ne règle pas le problème du sous-financement de l’économie africaine, nous n’y arriverons pas. C’est indispensable. Et je fais appel aux institutions de financement, à tous les DFI, aux banques, aux partenaires financiers, au fonds Private Equity, il faut accompagner beaucoup plus et de façon plus ambitieuse le secteur privé. Aujourd’hui, comme vous le voyez, on ne parle que de secteur privé, de partenariat public-privé. Je pense qu’il y a une véritable prise de conscience des gouvernements qu’ils doivent mettre en place le cadre juridico-légal, qu’ils doivent mettre en place les infrastructures de base. Mais que derrière, ceux qui vont créer des emplois, derrière ceux qui vont payer des taxes, derrière ceux qui vont créer de la valeur et de la croissance qui va permettre de créer ce cercle vertueux, ce sera uniquement le secteur privé.Ce manque de financement, il explique en grande partie pourquoi les économies africaines ne comptent que 300 champions, comme on les appelle, ici, au CEO Forum. L’objectif de multiplier cet effectif par dix, est-ce que c’est réalisable, selon vous ?La thématique, il n’y a que 300 champions qui sont des « unicorns » qui font plus d’un milliard de dollars, j‘entends bien. Mais il faut aussi ramener les choses dans le contexte, au niveau du développement et de l’émergence actuelle du continent. Est-ce que finalement, on a besoin de passer de 300 entreprises qui font plus d’un milliard de dollars à 3 000, et d’avoir 3 000 « unicorns », des licornes ? Ou finalement, est-ce qu’il ne faudrait pas mieux accompagner le tissu des PME et trouver 3 millions d’entreprises du continent qui vont faire un million de dollars de chiffres d’affaires ? Et finalement, on va mettre en place cette économie qui va commencer par les petites PME qui vont accompagner tout ce développement. Il y a énormément de talents, il y a énormément d’entreprises, il y a énormément de sociétés qui sont aujourd’hui à une taille entre 300 et 500 000 dollars, même un peu moins, qui sont parfois informelles, qui font du très bon travail, qui ont besoin de passer ce cap d'un million de dollars. Ce cap pour moi est extrêmement structurant. C’est ce qui permettra de créer des emplois beaucoup plus rapidement, d’être beaucoup plus proches du développement local. Je pense qu’il y a une complémentarité entre les « unicorns » et aussi ces entreprises, ces PME. Il ne faut absolument pas les oublier.Maintenant, les challenges sont très simples. Aujourd’hui, nous avons des challenges en termes d’équipements, d’infrastructures de base, notamment en énergie. Nous avons aussi de gros challenges en termes d’éducation et de « skills » [« compétences », Ndlr].  Et troisièmement, l’écosystème doit être enrichi et l’État doit nous accompagner à mettre en place l’environnement général pour nous faciliter le développement de nos activités. L’État doit être un catalyseur.Nous, ce qu’on attend comme signal, et maintenant on commence à l’entendre, des gouvernements africains qui nous disent : libérez-vous, entreprenez, développez. Je crois qu’il faut permettre aux entrepreneurs africains de se développer, de les accompagner en termes de financement, et de créer un écosystème favorable pour cet investissement.Justement, que doit faire l’État ?L’ensemble des gouvernements du continent doivent prendre conscience que sans le secteur privé, on n’y arrivera pas et que, deuxièmement, le secteur privé doit être rassuré, il doit être accompagné, et il doit être incité. Je crois que ça, c’est extrêmement important pour nous. Maintenant, on a un tel réservoir de potentiels aussi bien en termes de ressources naturelles, de ressources minières, mais surtout en termes de capital humain. Regardez notre jeunesse ! La jeunesse d’Afrique est demandeuse en termes d’éducation, en termes de formations. Et il y a énormément de choses à faire. Dans mon propre pays à Madagascar, quand je vois la qualité de nos ressources dans les métiers par exemple des TIC et de l’IT, nous avons des gens qui avec des écosystèmes d’éducation, somme toute encore assez limités, font des choses extraordinaires.Comment faire jouer la complémentarité des ressources et des compétences entre les différents pays d’Afrique ?Quand je vois qu’en termes d’échanges dans le continent, la Zlecaf [Zone de libre-échange continentale africaine, Ndlr] encore qui est une évidence n’avance pas suffisamment, sa légitimité est complètement là et maintenant il faut qu’elle s’exécute dans les faits. Quand je vois qu’on a besoin de s’intégrer au niveau du continent là-dessus, nos chaînes de valeur doivent être renforcées… Puis deuxièmement, nous devons parler d’une seule voix, et devenir le grenier du mondepour l’ensemble des pays africains. Et donc, je crois qu’il y a un accompagnement à faire, une complémentarité à jouer entre les pays africains. Entre le Maroc et la Côte d’Ivoire, en termes de ressources hydriques, ça matche, il y a énormément de complémentarité qui doivent être créées. Et ça, ce sont des sujets d’intégration de la Zlecaf qui permettront de rationaliser et de renforcer ces chaînes de valeur. Et je pense que nous autres aussi du secteur privé africain, on a un rôle à jouer dans la Zlecaf, que ce soit en termes d’intégration, en termes de flux financiers, que ce soit en termes de circulation, nous devons être à la table. Le capitalisme africain doit être à la table des discussions.
6/6/20234 minutes, 51 seconds
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Sénégal: «Tout scénario qui exclurait Ousmane Sonko de la présidentielle serait porteur de violence»

Au Sénégal, seize personnes sont mortes depuis jeudi dernier... Comment sortir de la crise qui ensanglante ce pays depuis que l’opposant Ousmane Sonko a été condamné à deux ans de prison ? Le chercheur Paul-Simon Handy dirige le bureau de l’ISS, l’Institut d’études de sécurité, à Addis-Abeba, en Éthiopie. Pour lui, il n’y aura pas d’apaisement tant qu’Ousmane Sonko restera exclu de la présidentielle de février prochain. Paul-Simon Handy est l’invité de Christophe Boisbouvier. RFI : Paul-Simon Handy, beaucoup croient Ousmane Sonko quand il dit que le procès dans lequel il vient d'être condamné est un complot du pouvoir pour l'éliminer. Alors, pourquoi beaucoup de Sénégalais ignorent le témoignage de son accusatrice devant le tribunal ?Paul-Simon Handy : D'abord, sur ce que Ousmane Sonko dit - quand il pense que le procès est politique et est une tentative de l'éliminer -, il y a beaucoup d'éléments qui concourent à crédibiliser cette thèse, notamment qu'il y a un vrai contexte historique au Sénégal, où les tenants du pouvoir ont tendance à salir la réputation des opposants à des fins politiques. Depuis les années 1960, il y a eu les cas de Mamadou Dia, il y a eu même l'ancien président Abdoulaye Wade, du temps où il était dans l’opposition, qui avait été condamné sous le président Abdou Diouf. Il y a eu Idrissa Seck sous la présidence Wade, et puis plus récemment, il y a eu Karim Wade et Khalifa Sall. L'innovation - il faut le dire -, avec le président Macky Sall, c'est que, jamais auparavant, les condamnations d'opposants n'avaient conduit à leur élimination de la compétition électorale, c'est-à-dire qu'ils n'avaient pas été empêchés de participer à une élection présidentielle. Ceci est une première. Et pour parler du témoignage de l'accusatrice, qui semble être ignoré, là aussi, je pense que finalement l'acquittement d'Ousmane Sonko pour les chefs d'accusation de viol et de menaces de mort confirme a posteriori cette posture d'Ousmane Sonko, qui dit que c'est plus un procès politique. Mais paradoxalement, et c'est en cela qu'il y a un vrai recul, le viol n'étant pas une exception au Sénégal - une exception sociale -, cet abus de l'accusation de viol vient fragiliser le combat mené depuis de nombreuses années par des associations pour criminaliser le viol au Sénégal. Donc, cette affaire ne rend pas service à ce combat mené autant part des associations de femmes que des associations de défense des droits de l'homme contre le viol, qui est un véritable phénomène social au Sénégal.D'un côté, le porte-parole du gouvernement, Abdou Karim Fofana, pense que ce sont des moments difficiles que le Sénégal va dépasser, mais de l'autre, beaucoup de Sénégalais pensent que le malheur s'abattra sur leur pays, le jour où Ousmane Sonko sera arrêté. Qui a raison ?Alors, je pense que chaque camp est convaincu d'avoir raison et que cela illustre la profondeur de la crise et du caractère plutôt radical, je dirais même extrémiste, des différentes positions. On a deux scénarios probables. Le premier est qu'on peut s'asseoir autour d'une table et discuter, mais certainement pas dans les conditions qui sont celles du dialogue qui a été lancé récemment par le gouvernement. Le second, c’est l'hypothèse de l'arrestation d'Ousmane Sonko, qui constituerait un échec de cette discussion. Le positionnement des uns et des autres peut être très dangereux parce que le basculement dans la violence peut avoir des conséquences imprévisibles et conduire à des troubles encore plus profonds.À lire aussi Toutes nos actualités sur le SénégalBeaucoup de Sénégalais pensent que tout cela ne serait pas arrivé si le président Macky Sall était sorti de l'ambiguïté sur la question du troisième mandat. Qu'est-ce que vous en pensez ?Disons que l'ambiguïté sur la question du troisième mandat, combinée à la perception d'une instrumentalisation de la justice contre Ousmane Sonko, le dernier opposant véritable, a rendu la situation explosive. L'ambiguïté du président Macky Sall, dans tous les cas, ne contribue pas à apaiser la situation. La disqualification potentielle d'Ousmane Sonko aurait produit des effets similaires, même en l'absence de candidature. Je vois trois scénarios possibles : une élimination d'Ousmane Sonko et une présentation du président Macky Sall pour une troisième candidature, tout en réhabilitant, pour apaiser un peu les tensions, Karim Wade et Khalifa Sall. Ça c'est le premier. Le deuxième : une élimination d'Ousmane Sonko, une réhabilitation de Karim Wade et de Khalifa Sall, mais Macky Sall ne se présenterait pas. Le troisième : toujours l’élimination d'Ousmane Sonko, la non-réhabilitation de Karim Wade et Khalifa Sall, et puis la candidature du président Macky Sall. Je vois, dans ces trois scénarios qui éliminent le candidat Sonko, les germes d'une explosion sociale claire. Donc, tout scénario qui exclurait Ousmane Sonko conduirait à une explosion sociale aux conséquences inattendues.Ce 3 juin, le maire de Dakar, Barthélémy Dias, a demandé au président d'évacuer, de renoncer à un troisième mandat, et il a demandé en même temps aux leaders de l'opposition de faire preuve de retenue. Qu'est-ce que vous en pensez ?Oui, je pense que le maire de Dakar, qui est lui-même issu de l’opposition, a bien raison d'appeler à l'apaisement. D'autant plus qu'à ce stade, à vrai dire, aucun acteur politique clé n'est sûr de participer à l'élection. Car, même si certains candidats peuvent se présenter, il y a le nouveau verrou, qui a été introduit par le président Macky Sall, des parrainages pour la présidentielle. Ces parrainages pourraient bloquer plusieurs candidats. Donc, tous ces aspects contribuent à l'incertitude et à une tension préélectorale. Ce qui se joue en réalité, c'est la question du caractère inclusif ou pas de l'élection présidentielle de février 2024, qui est générateur de tensions, et même de violences comme les dernières manifestations le démontrent.C'est-à-dire que, pour vous, le plus important pour l'apaisement, ce n'est pas que Macky Sall, renonce. C'est qu'Ousmane Sonko puisse se présenter ?En effet, tout scénario qui exclurait le candidat Sonko serait porteur de violence. Ça semble clair. Maintenant, il faut dire aussi qu'il y a une très forte mobilisation contre la candidature du président Macky Sall, surtout qu'il y a un troisième aspect dont on ne parle pas beaucoup : le Sénégal va entrer dès 2024 dans le cercle très fermé des pays producteurs de pétrole et de gaz, avec des rentrées potentielles énormes. C'est aussi l'un des enjeux dont on ne parle pas beaucoup, mais qui structure aussi un peu cette compétition qui se joue à plusieurs dimensions.Quand la France appelle à la résolution de cette crise dans le respect de la longue tradition démocratique du Sénégal, est-ce un message codé à Macky Sall pour qu'il renonce à un troisième mandat ?Je pense que, pour le coup, le message n'est pas aussi codé que ça, parce qu'il a été repris par plusieurs acteurs, comme l'Union africaine, qui demande à tous les acteurs de se retenir. On a vu des ambassades de pays comme la Grande-Bretagne, les États-Unis, en appeler - aussi souvent publiquement, mais toujours discrètement - au Président Sall à renoncer au troisième mandat. Il y aurait pour le président Sall des gains personnels, car ceci contribuerait à certainement polir la réputation d'un personnage politique qui reste très populaire en dehors du Sénégal, il faut le dire. Vu d'Addis-Abeba, le président Macky Sall est quelqu'un de respecté et de respectable, surtout après sa présidence de l'Union africaine. Mais aussi, cela permettrait de préserver la réputation de stabilité politique, dont le Sénégal a toujours joui.C'est-à-dire qu'à vos yeux, les principaux partenaires occidentaux du Sénégal aimeraient bien que Macky Sall renonce à un troisième mandat, c'est ça ?Les partenaires principaux aimeraient bien que le Sénégal conserve sa stabilité, surtout que le Sénégal va devenir pour eux, par ces temps d'incertitude géopolitique, un pourvoyeur d'hydrocarbures stratégiques. Donc, les partenaires occidentaux comprennent que la sortie de l'ambiguïté par Macky Sall permettrait certainement de contribuer à stabiliser politiquement le Sénégal.Une sortie de l'ambiguïté en renonçant à un troisième mandat, c'est ça ?Tout à fait.
6/5/20237 minutes, 2 seconds
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Dee Dee Bridgewater: «Depuis l’arrivée de Trump, les choses ont changé, il n’y a que la haine»

L’invité Afrique est une « voix » exceptionnelle : Dee Dee Bridgewater s’est produite sur la scène du Kriol Jazz Festival à Praia au Cap-Vert, fin avril. À la sortie de son concert, la chanteuse de jazz née à Memphis aux États-Unis en 1950 a accepté de revenir sur sa vie, sur sa volonté d’apprendre la musique aux jeunes générations et de donner sa vision politique sur le monde actuel, notamment sur le racisme et l’injustice. Du sourire à la rage en passant par la tristesse : un entretien rare. Dee Dee Bridgewater au micro de Guillaume Thibault.
6/4/20236 minutes, 16 seconds
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Agriculture en Afrique: il faut «produire des engrais, financer la recherche et les infrastructures»

Tripler la consommation d'engrais d'ici à 2035... pour doubler la productivité agricole. C'est l'objectif de 17 pays d'Afrique de l'Ouest et du Sahel. Ils ont adopté le 31 mai, la Déclaration de Lomé sur les engrais et la santé des sols, en présence de représentants de la Cédéao et de la Banque mondiale. Le texte doit permettre de répondre au problème crucial de l'approvisionnement en fertilisants, dont dépend la production agricole. Et, de fait, la sécurité alimentaire des populations. En soutien à cette initiative, la Banque mondiale a annoncé 1,5 milliard de dollars supplémentaires dans le secteur de l'agriculture d'ici à 2024. Une somme qui vient s'ajouter aux quatre milliards déjà engagés et en cours de mise en œuvre. Ousmane Diagana est vice-président de l'institution bancaire pour l'Afrique de l'Ouest et du centre.    RFI : Ousmane Diagana, d’abord, quels sont les principaux engagements pris par les dirigeants de la Cédéao pour répondre à la problématique de l’approvisionnement en engrais ?Ousmane Diagana : Les différents pays se sont rendu compte qu’il faut agir sur trois fronts. Bien entendu, la production : il faut créer les conditions d’une production suffisante, ce qui suppose qu’on travaille sur les infrastructures, sur le climat des affaires, sur les technologies afin de permettre au secteur privé de jouer le rôle qui est le sien, celui de la production. Les États doivent créer des conditions propices en définissant des politiques et en mettant en œuvre des réformes appropriées pour que le secteur privé soit là. Deuxièmement, il faut investir dans la recherche. Les universités et les instituts de recherche doivent être soutenus. Les efforts qu’ils font, en conduisant des idées, doivent être reconnus et ces résultats mis à la disposition des États et des investisseurs privés. Les partenaires ont également un rôle extrêmement important à jouer. Bien sûr, le financement des infrastructures - surtout des infrastructures physiques, tout comme les réformes qui doivent être menées sur la base des expériences qui ont été acquises ou accumulées ailleurs -, peuvent être facilitées à travers un accompagnement technique et financier de l’ensemble des partenaires au développement de ces pays-là.Vous parlez de la production, des infrastructures, du financement. Combien de temps concrètement cela va prendre de développer tout cet écosystème autour des engrais ?On est à la fois dans une situation d’urgence et la nécessité de situer ceci dans une perspective de moyen et long terme. À cause de la guerre en Ukraine, nous avons vu l’inflation, surtout pour ce qui concerne les prix alimentaires, comme résultat de l’indisponibilité de suffisamment de produits alimentaires sur les marchés locaux, parce que les pays africains étaient très dépendants de l’extérieur. Alors il faut automatiquement réagir, en faisant en sorte que déjà, les paysans puissent avoir accès aux engrais. Sur le moyen et long terme, bien sûr, il y a beaucoup de pays qui disposent de gisements, de ressources, le Togo qui nous reçoit est un pays riche en phosphore, le Sénégal, le Nigeria, le Bénin, il y en a beaucoup et nous allons accompagner ces pays-là pour développer une industrie de production des engrais, et c’est quelque chose qui peut être fait sur une période de trois ans à cinq ans.Mais comment expliquer, Monsieur Diagana, que tous ces pays qui ont tant de potentiel n’ont pas, jusque-là, été en mesure de produire leurs propres engrais, quand on connaît les ressources naturelles dont dispose ce continent, et quand on compare sa superficie par rapport à celle d’un pays comme l’Ukraine, dont la guerre a pourtant réussi à déstabiliser tout un continent ?C’est une question pertinente que vous posez et c’est une problématique qui nous a aussi interpellés. Ceci dit, il faut reconnaître que ces pays, par le passé, ont essayé. Le Togo a une expérience en la matière qui a tourné court. Le Sénégal, à travers les Industries Chimiques du Sénégal, a également une expérience. Je crois qu’il faut tirer des leçons de tout ceci et partir sur de nouvelles bases. Le développement, c’est une question de long terme : on fait des tentatives, on peut échouer, mais ces échecs doivent servir d’expérience, pour que la nouvelle approche qui va être mise en œuvre soit plus réussie. Je pense que c’est le message que nous avons entendu.Un dernier point important, monsieur Diagana : les engrais chimiques sont aujourd’hui responsables, on le sait, d’une pollution massive des sols. Ils sont, aussi et surtout, la cause majeure de pollution des eaux souterraines, des nappes phréatiques, qui sont les principaux réservoirs d’eau potable. Est-ce que ce volet environnemental a été abordé lors de la rencontre de Lomé ?Il a été au centre de nos discussions, en effet. Cette conférence, il ne s’agissait pas de parler seulement de la production des engrais, mais également de la santé des sols. Nous sommes dans une zone géographique qui est particulièrement affectée par le changement climatique, donc toute politique qui doit être définie, élaborée et mise en œuvre, doit tenir compte fondamentalement de cela. Nous sommes engagés à la fois sur le plan régional, sur le plan sous-régional, mais également à l’échelle des différents pays à définir une cartographie de la fertilité des sols. Et ce sont des initiatives prioritaires dans notre dialogue avec les pays, mais également primordiales pour résoudre la problématique que vous mentionnez.
6/2/20234 minutes, 56 seconds
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Élections législatives en Guinée-Bissau: «Les déclarations des acteurs politiques inquiètent»

Les Bissau-Guinéens vont aux urnes ce dimanche 4 juin pour un scrutin législatif. Le pouvoir bissau-guinéen relevant d'un régime semi-présidentiel dans lequel le Premier ministre a des fonctions importantes, ces élections sont décisives. L'ancien parti au pouvoir, le PAIGC, espère une revanche après sa défaite à la présidentielle de 2019. Le président Sissoco Emballo, lui, est à la recherche d'une majorité confortable au vu de ses projets constitutionnels. Les enjeux de ce scrutin en font-ils une élection à haut risque pour le pays ? Décryptage avec Paulin Maurice Toupane, chercheur à l'ISS, l'Institute for Security Studies et spécialiste de la Guinée-Bissau. RFI : Paulin Maurice Toupane, les tensions entre acteurs politiques ont longtemps paralysé le renouvellement de la commission nationale électorale (CNE) qui est chargée d’organiser et de superviser tout le processus. Est-ce que la solution qui a été trouvée est consensuelle ?Paulin Maurice Toupane : C’est un consensus a minima qui comporte des risques. Des réformes majeures avaient été adoptées en 2013 pour permettre l’organisation d’élections crédibles et transparentes dont les résultats seraient acceptés par tous. Cette réforme avait permis de dépolitiser l’organe électoral. Malheureusement, en 2019, la crédibilité de la CNE a été entachée à la suite du contentieux post-électoral, ce qui a poussé les acteurs politiques actuellement à se battre pour son contrôle. C’est donc un consensus a minima, et tout cela n’augure rien de bon pour la suite du processus, notamment pour les résultats qui pourraient être contestés par les acteurs en lice. Est-ce que vous diriez que le climat électoral est plutôt tendu ou apaisé à Bissau actuellement ? Je dirais les deux. Le climat est apaisé dans la mesure où les campagnes électorales en Guinée-Bissau n’ont jamais été empreintes de violences majeures, elles se déroulent souvent dans une ambiance festive. Mais les déclarations des acteurs politiques inquiètent. Quand on entend des acteurs impliqués dans le processus mettre en garde contre toute tentative de manipulation des résultats, et le président de la République dire que même si le PAIGC remporte les élections, il ne nommera pas Domingos Simoes Pereira comme Premier ministre, en effet cela inquiète. Ca rend l’ambiance un peu lourde. Et si une victoire du PAIGC se concrétise et que le président refuse de nommer Domingos Simoes Pereira, la Guinée-Bissau risque de basculer dans une crise institutionnelle aux conséquences imprévisibles. Domingos Simoes Pereira, le chef du PAIGC. Alors justement, en décembre 2019, l’actuel président, Umaro Sissoco Embalo, a été élu président face à lui, face à ce candidat du parti historique au pouvoir à Bissau. Est-ce qu’en trois ans et demi le PAIGC a su se réorganiser ? Est-ce qu’il serait capable de rebondir lors du prochain scrutin ? Il est vrai que le PAIGC a perdu un peu de terrain depuis 2014, il a été victime de querelles de leadership pour son contrôle entre différentes factions. Le parti du président dispute aujourd’hui l’électorat du PAIGC, notamment dans la partie est du pays, à Gabu et à Bafatá, deux régions qui font partie des plus grandes circonscriptions électorales du pays. Le PAIGC est passé de 57 sièges à l’Assemblée nationale en 2014, à 47 sièges, en plus d’avoir perdu les dernières élections présidentielles. Donc le parti a perdu du terrain, s’est affaibli. Mais, il a pu développer une capacité de résilience qui lui a permis de se retrouver aujourd’hui autour de Domingos Simoes Pereira. Le contexte socio-économique difficile que traverse la Guinée-Bissau pourrait bénéficier à l’opposition, notamment au PAIGC.Alors Umaro Sissoco Embalo souhaite aller vers une présidentialisation du pouvoir dans son pays, il veut une nouvelle Constitution qui permettrait de sortir du régime actuel, un régime dans lequel on a un équilibre des pouvoirs, avec un Premier ministre fort. Est-ce que cette réforme constitutionnelle a été évoquée pendant la campagne ? Est-ce que c’est même l’un des enjeux à venir selon vous ? Cette réforme constitutionnelle est l’un des enjeux majeurs du scrutin à venir. Et depuis son accession au pouvoir, le président Embalo a clairement manifesté son intention de réviser la Constitution pour adopter un régime présidentiel. Mais la question fondamentale qui se pose est de savoir si le président aura les trois cinquièmes nécessaires, c’est-à-dire 68 députés à l’issue du scrutin pour pouvoir adopter cette nouvelle Constitution, en sachant qu’en Guinée-Bissau, le président de la République ne peut pas initier un projet de révision de la Constitution.La Guinée-Bissau accueille depuis la fin juin 2022 une force de la Cédéao qui a déployée après une tentative de coup de force. Quel bilan est-ce que vous faites de ce déploiement ? Est-ce que la présence de cette force risque d’être reconduite à l’issue de son mandat d’un an, ou est-ce qu’on se dirige plutôt vers un départ ? Je pense que le bilan est positif vu les relations de travail entre la force de la Cédéao et les forces de défense et de sécurité de la Guinée-Bissau. Il faut rappeler que la mission a pour mandat de contribuer à la stabilisation du pays, de sécuriser le président de la République et les institutions, mais aussi de protéger les civils. Donc le bilan est positif. Je pense qu’il est fort probable que la force soit maintenue, d’autant plus qu’après les élections législatives, on s’achemine vers l’élection présidentielle prévue au dernier trimestre 2024 ou début 2025. La Cédéao a un grand rôle à jouer pour la bonne conduite de ces élections afin que la Guinée-Bissau ne retombe pas dans un cycle d’instabilité, soit avant, pendant ou après ces élections, d’autant plus que le président va chercher un second mandat et les acteur s politiques, notamment le PAIGC qui est dans une logique de conquête du pouvoir, mettra tous les moyens pour gagner ces élections. Donc ce sont des élections qui seront très disputées et tendues, donc il faudra la présence de cette force pour s’assurer qu’elles seront organisées de manière paisible.
6/1/20234 minutes, 48 seconds
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Jeff Woodke, ex-otage: «Ils ont pensé que j’étais un agent américain et j’ai refusé de devenir musulman»

Enlevé au Niger en octobre 2016, puis retenu en otage par le Jnim (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), lié à al-Qaïda au Maghreb islamique dans le nord du Mali pendant six ans et demi, Jeff Woodke a été libéré le 20 mars dernier, en même temps que le journaliste français Olivier Dubois. Deux mois après avoir retrouvé les siens en Californie, Jeff Woodke a accepté de donner sa toute première interview d’homme libre à RFI. Travailleur humanitaire dans une organisation chrétienne au moment de son enlèvement, Jeff Woodke est aujourd’hui âgé de 62 ans. Il raconte comment les jihadistes qui le retenaient l’ont accusé d’être un agent des services secrets américains, comment sa foi l’a aidé à tenir malgré d’effroyables conditions de détention, le réconfort que lui a procuré l’écoute de RFI durant sa captivité. Il évoque aussi son combat, désormais, pour les otages toujours détenus, quelle que soit leur nationalité.  RFI : Vous êtes libre depuis un peu plus de deux mois, après six années et demie de captivité… Alors d’abord, comment vous sentez-vous, aujourd’hui ?  Jeff Woodke : Je me sens bien, je prends chaque jour l’un après l’autre, je vais de l’avant. Je suis en train de me soigner physiquement et mentalement. Je suis avec ma famille, mes amis et mon Église. J’ai été accueilli chaleureusement par tout le monde ici, chez moi, et voilà ! Ça marche, petit à petit.  Quelques jours après votre libération, vous avez donné une brève conférence de presse, aux États-Unis. Mais c’est la première fois, aujourd’hui, que vous acceptez de répondre à une interview. Grand merci pour cela, Jeff Woodke. Mais pourquoi RFI, pourquoi pas aux États-Unis ? Parce que pendant que j'étais otage, après cinq ans et quelques mois, ils m'ont finalement donné un poste radio. Avant ça, je n'avais pas de communication du tout avec le monde extérieur. Je ne savais pas ce qui se passait. Quand j'ai eu ce poste radio, j'ai écouté religieusement RFI chaque matin. Et j’ai trouvé des informations sur le monde entier. J'ai beaucoup apprécié RFI, c’est RFI qui me donnait un peu l'espoir de vivre encore, avec Mamane bien sûr chaque matin et Charlotte le vendredi ! Donc j'étais très reconnaissant et j'écoute RFI chaque matin jusqu’à aujourd'hui !Jeff Woodke, merci encore pour ces mots. Le Niger a obtenu votre libération auprès du Jnim, lié à al-Qaïda. Mais votre enlèvement n’avait étrangement jamais été revendiqué par al-Qaïda, et les renseignements nigériens soupçonnaient initialement le Mujao, dont les combattants sont largement passés depuis sous la bannière de l’État islamique. Est-ce que vous avez des précisions sur l’identité de vos ravisseurs, est-ce que vous savez si vous avez changé de mains, changé de groupe ?  Oui, bien sûr. Je n’ai pas été enlevé par le Mujao proprement dit, mais par Al Mourabitoune. Le groupe Al Mourabitoune, ils étaient Mujao avant, puis ils sont devenus Al Mourabitoune, et à ce moment-là, ils étaient liés à al-Qaïda [Al Mourabitoune, allié d’al-Qaïda, est issu d’une fusion du Mujao et des Signataires par le sang de Mokhtar Belmokhtar en 2013, NDLR]. Après quatre mois avec eux, j'ai été transféré à al-Qaïda même. J’ai passé un an et demi avec eux, puis j'ai été transféré dans les montagnes. J'étais avec Ansar Dine, sous la coupe du Jnim. J'ai passé le reste de mon temps avec eux. Vous avez déclaré avoir été traité, pendant votre captivité, de manière « brutale » et « inhumaine. » Sans rentrer dans des détails peut être douloureux et pas forcément nécessaires, est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que vous avez enduré ? Les premiers mois, c'était un traitement pas très brutal, mais petit à petit ça a changé. Ils ont commencé à me battre, à me frapper… La nuit de mon enlèvement, j’ai été beaucoup frappé, et jusqu'à présent, j'ai des problèmes aux pieds. Mes pieds sont abîmés, je suis en « physical therapy », comme on dit en anglais, pour réapprendre à marcher. Donc j’ai reçu des coups de fusil, des coups de poing, des coups de bâton. Et puis, ils ont commencé de mettre des chaînes sur mes chevilles la nuit et des menottes, jusqu'à seize heures par jour ! J'ai passé deux mois dans une petite paillote de même pas 3 mètres carrés… même pas ! Je ne pouvais pas m’allonger, je ne pouvais pas me mettre debout. Je ne pouvais pas sortir de toute la journée, sauf pour aller uriner ou bien me laver un peu le soir. Et puis, la nuit, ils venaient avec les menottes. Donc c'était ça : pendant deux mois, imaginez, je ne pouvais pas marcher et pendant tout le temps [de ma détention], ils m’ont mis des menottes. Et puis, les six derniers mois, il faut que je le dise, je crois que les gens du Jnim ont compris que ce comportement [avec moi] ne marchait pas. J’ai fait plusieurs grèves de la faim. Cinq mois avant ma libération, ils m’ont enlevé mes chaînes. Et ils ont commencé à essayer de se comporter plus gentiment, plus doucement avec moi.  Olivier Dubois, libéré en même temps que vous, n’a jamais subi de tels sévices. Comment expliquez-vous cette différence ?  Au Jnim, ils ont pensé que j’étais un agent du gouvernement américain. Soit du DOD, le département américain de la Défense, ou bien de la CIA. J'étais accusé de ça. Le soir avant ma libération, j'étais avec le numéro 2 du Jnim…  Seidane Ag Hitta, pour le nommer… Oui, lui-même, en personne. Il m'a dit «  vous êtes militaire », je lui ai répondu « ce n'est pas vrai, on a eu un financement avec eux, ça fait peut-être 15 ans ! » Et aussi, je suis chrétien, et je n'ai pas accepté de devenir musulman. Ils m'ont dit : « si tu deviens musulman, on va enlever les chaînes, on va enlever les menottes, on va te traiter avec humanité et respect ». Mais j'ai refusé, et voilà.  Vous venez de parler de votre foi, chrétienne. C’est cela qui vous a aidé à tenir pendant toutes ces années de captivité ?  Oui, c'est ma foi, bien sûr. J'ai prié huit heures chaque jour pendant les premières années. Mais il faut que je dise la vérité : après quelques années, bien sûr, ma foi était en train de chuter. Je n’avais pas reçu de réponse à mes prières. J'avais des problèmes de « post traumatic stress » qui commençaient…  De stress post-traumatique…  Oui c’est ça. C’est difficile en français ! J'ai eu ça et c’était toujours ma foi [qui m’aidait à tenir], mais aussi ma famille et mes pensées pour eux. Et voilà, je ne peux pas vous dire exactement comment j’ai pu tenir, si ce n’est ma foi et l'amour pour ma famille et le désir de pardonner. Parce que je n'ai pas voulu devenir une personne de haine. Il faut pardonner, il faut laisser la haine derrière, donc ce sont ces trois choses qui m'ont soutenu pendant ma captivité.  Est-ce que vous pouvez, aujourd’hui, nous donner quelques précisions sur la manière dont le Niger a obtenu votre libération, la vôtre et celle d’Olivier Dubois ? Cette question est un peu difficile, c'est délicat bien sûr, je ne peux pas vous en parler en détails. C'était une collaboration entre plusieurs acteurs. Vive le Niger ! Ils ont beaucoup fait pour me libérer. Mais il y a d’autres acteurs aussi, que je ne peux pas mentionner. D’autres pays ?   D’autres pays bien sûr, et des individus. Oserai-je une question sur les éventuelles contreparties ?  Non. Non, je ne peux pas vous dire parce que je ne sais pas ! J'ai des idées, je pense qu’elles sont valables, mais je ne peux pas les partager avec vous ici, à l'antenne, pour le moment.  Vous n’étiez pas détenu avec Olivier Dubois, que vous avez retrouvé à l’occasion de votre libération. Mais durant votre captivité, vous est-il arrivé de côtoyer d’autres otages ?  Une seule fois. J'étais avec Iulian Ghergut, le Roumain. Je n'ai pas pu parler avec lui directement. On était ensemble pendant quatorze jours environ, mais on était séparés. On a communiqué par signes, avec les mains, et je lui ai fait la promesse de travailler pour lui quand je serai libre. Aujourd’hui, je tiens cette promesse. Je voudrais lui passer un message :  Iulian, si vous écoutez cette émission, vous devez savoir que vous n'êtes pas abandonné, que vous êtes aimé par votre famille et vos proches, et par moi aussi, et on travaille pour vous. Sois courageux, sois courageux mon ami. Aujourd’hui, c’est une résolution que vous avez prise : vous mobiliser pour la libération des autres otages toujours détenus.  Oui, bien sûr, j'ai parlé même avec Anthony Blinken de ça.  Le secrétaire d’État, le chef de la diplomatie américaine… Je ne vais pas arrêter, je ne vais pas dormir, je ne vais pas m'asseoir jusqu’à ce que tous les autres otages qui sont avec le Jnim soient libérés. Et d’ailleurs, il y a beaucoup d’otages, de gens qui sont détenus illégalement dans le monde entier, et il faut qu'on travaille pour eux parce qu'ils sont oubliés. Et cela concerne également, bien sûr, les otages locaux, Maliens…  Bien sûr. Ils sont là-bas, ils sont détenus. Pardon : j’ai été dans le même campement qu’un otage malien pendant quatre à six mois, je pense. Je n'ai jamais pu parler avec lui, mais je veux lui adresser aussi un mot : prenez courage, vous n'êtes pas oublié, ayez l'espoir. Si Dieu le veut, vous serez libéré aussi, comme moi.  Avant d’être enlevé, vous avez passé plus de vingt ans au Niger. Aujourd’hui, la situation politique dans la région a bien évolué, avec des coups d’État militaire au Mali et au Burkina, ou encore avec la percée du groupe État islamique au Mali, au Burkina, et au Niger. Vous avez suivi ces évolutions, pendant votre captivité ?  Une fois que j'ai eu mon poste radio, j'ai écouté tout cela sur RFI. J'ai entendu tous les changements, tous les bouleversements... J'ai été un peu choqué d'abord, mais pas très surpris quand même. J'avais vu ces tendances avant même d'être enlevé. Moi, je dis : qui sème le vent va récolter le cyclone ! Cependant, je pense et j'espère que la paix n'est pas impossible à retrouver. Avec le dialogue, avec l'amour, je crois qu'on peut voir une meilleure situation dans le nord du Mali, au Burkina et au Niger. Le Niger, est-ce que vous envisagez d’y retourner bientôt ? Ah, je voudrais bien ! Et je salue tous mes amis à Abalak et dans tout le Niger. Je considère le Niger comme mon deuxième pays, ils ont beaucoup travaillé pour ma libération. Oui, je voudrais y retourner. Bientôt, je ne sais pas. Jeff Woodke, merci encore et bon retour parmi les vôtres.  
5/31/20239 minutes, 8 seconds
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Amzat Boukari-Yabara, historien: «Le panafricanisme est une vision de la libération du continent africain»

« Panafricanisme » : le mot a été beaucoup prononcé ces jours-ci sur le continent. À Lomé, la capitale togolaise, où se prépare le 9e congrès panafricain, mais aussi à Addis-Abeba et dans toutes les capitales où on a fêté le soixantenaire de l'OUA, l'Organisation de l'unité africaine. Mais d'où vient le panafricanisme ? Qui sont aujourd'hui ceux qui nourrissent réellement la pensée panafricaine ? Le panafricanisme du XXIème siècle est-il forcément anti-occidental, comme le soutiennent certains activistes très visibles sur les réseaux sociaux ? Pour en parler, nous recevons l'un des spécialistes du sujet, l'historien Amzat Boukari-Yabara. RFI : Amzat Boukari-Yabara, une première chose importante à rappeler sur les idées panafricaines, c’est qu’elles ne naissent pas en Afrique, elles naissent dans les mondes noirs de la diaspora… Où et comment ? Amzat Boukari-Yabara : Le panafricanisme nait effectivement en Haïti, avec la révolution haïtienne et l’indépendance du 1er janvier 1804. On a des descendants des Africains déportés qui arrachent leur liberté et qui créent un État, un État africain à l’extérieur du continent africain, à partir duquel ils vont développer une vision de la libération des peuples noirs. Très rapidement, le panafricanisme abandonne sa dimension purement raciale pour se tourner vers la libération du continent africain, portée depuis la diaspora vers l’intérieur du continent. Qui sont les figures de cette naissance du panafricanisme ? On a l’intellectuel noir-américain William Dubois, qui est notamment à l’origine des différents congrès panafricains qui s’étalent entre 1900, la conférence panafricaine, et 1945, le cinquième congrès de Manchester. Le Jamaïcain Marcus Garvey qui lui crée un mouvement beaucoup plus populaire, beaucoup plus tourné autour des masses, qui réunit des millions de personnes et qui va incarner, je dirais, une forme de dissidence noire, dont les courants de la négritude vont également s’inspirer à cette époque, avec des figures comme Aimé Césaire notamment. Et, enfin, le personnage qui fait la synthèse c’est Kwame Nkrumah, originaire du Ghana qui va se former aux États-Unis, avec derrière des figures comme Jomo Kenyatta, Julius Nyerere, Houphouët-Boigny, Sékou Touré pour la Guinée ou Djibo Bakary pour le Niger.Nous sommes donc en 2023 et on voit effectivement le panafricanisme prendre une nouvelle vigueur. Quels sont les courants de fond qui conduisent à cette résurgence du panafricanisme, selon vous ? Il y a plusieurs courants de fond. Il y a déjà les héritages de ceux qui ont incarné un panafricanisme progressiste. Je pense par exemple à Thomas Sankara. C’est la dernière figure de ce panafricanisme qui mettait beaucoup en avant les femmes, les jeunes, les questions d’agriculture, d’environnement, d’écologie, c’est-à-dire des questions très concrètes. Donc on a un certain nombre de mouvements et de structures panafricaines, qui travaillent justement sur ces enjeux-là. On a également un panafricanisme qui repose sur le travail d’un certain nombre d’intellectuels, soit sur le continent, soit dans la diaspora. Il vise à réfléchir sur les mécanismes à mettre en place au niveau des États. Enfin, le dernier élément, c’est la place de l’Afrique dans la mondialisation au XXIe siècle. L’Afrique est le continent le plus mondialisé aujourd’hui, il doit faire face à un certain nombre de convoitises de toutes les puissances, les anciennes puissances, les puissances émergentes, les puissances ré-émergentes, qui ont chacune leur agenda panafricain. Et donc il est nécessaire qu’au niveau des dirigeants politiques, au niveau de ceux qui sont en position de décider, il y ait davantage de compréhension des enjeux qui se posent aujourd’hui au niveau du panafricanisme. Le débat panafricaniste est actuellement saturé par quelques influenceurs très présents sur les réseaux sociaux. Vous faites partie, vous, des intellectuels qui pensent de manière moins bruyante ces questions. Qui d’autre anime, à l’heure actuelle, cette nouvelle pensée panafricaine ? Il y a quelqu’un comme Aziz Salmone Fall, qui a notamment joué un rôle très important dans le comité international vérité et justice pour Thomas Sankara. Entre le Sénégal, le Canada et le Burkina Faso, il développe un concept comme celui du panafricentrage, c’est-à-dire de l’importance pour l’Afrique de se déconnecter du système international capitaliste, un peu comme le préconisait Samir Amin, et de retrouver son propre centre. Il y a tout le courant qu’on appelle l’afrolibéralisme, qui est très connecté à cette mondialisation. On a aussi d’autres démarches plus collectives, je pense par exemple au mouvement fédéral panafricain, qui lui se positionne sur la question de référendums à mettre en place à l’échelle continentale sur ces enjeux-là. La dynamique unitaire panafricaine, qui réunit différentes organisations, même la Ligue panafricaine-UMOJA, dans laquelle également je travaille. Donc il y a un certain nombre de collectifs et d’individualités qui sont ensemble, et qui travaillent sur ces questions, de manière effectivement peut-être moins bruyante, peut-être moins visible, mais sans doute tout autant pertinente. Le panafricanisme qui se fait entendre actuellement s’est adossé à un discours anti-occidental, qui lui-même prospère sur le nouveau bras de fer entre la Russie et l’Occident. Est-ce que cette option anti-occidentale est la seule à l’heure actuelle dans le débat sur les panafricanismes ? On ne peut pas résumer le panafricanisme à l’anti-occidentalisme. Il y a quand même beaucoup d’influences qui sont liées aux États-Unis, où se trouve une importante diaspora et d’importants mouvements panafricains, également présents dans la Caraïbe anglophone. Il y a des pays comme le Kenya, comme le Ghana, un peu le Nigeria, donc des pays anglophones, tout un espace… et je pense que c’est quasiment 90% du panafricanisme aujourd’hui qui échappe totalement à l’analyse francophone, du fait précisément de ses œillères liées à quelques espaces bien précis, et à la dimension coloniale, qui ne permet pas de comprendre, je dirais, la globalité du panafricanisme aujourd’hui.
5/30/20234 minutes, 55 seconds
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Présidentielle en Turquie: «Recep Tayyip Erdogan a beaucoup joué sur l'aspect nationaliste»

En Turquie, après sa réélection avec 52 % des voix à la présidentielle, Recep Tayyip Erdogan reçoit de multiples messages de félicitations. L’Américain Joe Biden lui rappelle qu’ils sont alliés dans l’Otan. Le Français Emmanuel Macron lui propose de relever ensemble les défis de la mer Méditerranée et de la paix en Europe. Que va faire Erdogan ? Jean Marcou est professeur à Sciences Po Grenoble et chercheur associé à l’Institut français d’études anatoliennes d’Istanbul. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI: Peut-on dire que le réflexe nationaliste a été plus fort que le désir de changement ?Jean Marcou : Oui, il y a eu un réflexe nationaliste, mais ce réflexe nationaliste a été exploité par les deux candidats, qui ont essayé jusqu'au bout d'avoir les voix du troisième homme, qui avait été Sinan Oğan lors des élections au premier tour, et dont le fonds de commerce, si j'ose dire, était pour l'essentiel la question des migrations et la question des réfugiés. C’est vrai, oui, probablement Recep Tayyip Erdoğan a beaucoup joué sur cet aspect nationaliste, que ce soit sur le plan intérieur, que ce soit sur le plan international.Bon, c'est une confirmation, c'est un petit peu ce qu'on avait noté au cours des dix dernières années, c'est-à-dire que, par certains côtés, le gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan est beaucoup plus empreint de nationalisme que d'islamisme.Dans son message de félicitations dimanche soir, le président américain Joe Biden a dit avoir « hâte de continuer à collaborer avec la Turquie en tant qu’alliée de l'Otan ». Est-ce que c'est une façon de demander à Tayyip Erdoğan de lever son veto à l'entrée de la Suède dans l'Otan ?Oui, sans doute. En fait, la Turquie, l'année dernière, avait formellement accepté, lors du sommet de l'Otan, la candidature de la Finlande et de la Suède. Depuis lors, on sait qu’elle a poursuivi son blocage dans la mise en œuvre de cette décision. Elle a finalement accepté, néanmoins, de découpler les deux candidatures.C'est vrai que c'est l'un des tests aussi des relations entre la Turquie et les Occidentaux, comme le sera d'ailleurs la question de la fourniture par les Américains d'avions F-16, pour renforcer la flotte turque, mais aussi pour l'actualiser, puisqu'une partie de la demande turque, c'est l'actualisation des F-16 qu'elle a déjà. Là aussi, il y a sans doute un test qui est sur la table.La France et la Turquie ont d'« immenses défis » à relever ensemble, notamment « le retour de la paix en Europe et la mer Méditerranée », a déclaré le président français Emmanuel Macron dimanche soir dans son message de félicitations. Est-ce une façon de demander à Recep Tayyip Erdoğan d'être moins interventionniste dans certains dossiers méditerranéens, notamment en Libye ?Oui, je crois que ce sont deux dossiers importants qui sont sur la table. Sur le plan de la politique étrangère turque - qui concerne justement le conflit libyen -, on sait que la France s'est positionnée, sinon en pays médiateur - peut-être de manière moins flagrante que la Turquie, et en tout cas - en pays qui a fait entendre sa différence par rapport aux positions des autres pays occidentaux, qui ont des positions très proches de celle des États-Unis.Tant sur le conflit ukrainien que sur la situation dans l'Indopacifique - en particulier avec Taïwan, Emmanuel Macron a ainsi fait entendre sa différence par rapport aux États-Unis et à ses autres alliés occidentaux. Alors, est-ce un appel du pied à Recep Tayyip Erdoğan pour dire finalement : nous avons des choses à nous dire quant à la conception des équilibres stratégiques du monde actuel ? C'est possible.Effectivement, l'autre dossier, c'est le dossier de la mer Égée et de la Méditerranée orientale, en particulier de la Libye où, pendant l'été 2020, la France et la Turquie avaient été sur des positions radicalement opposées. La France, finalement, a soutenu étroitement les positions de la Grèce et s'est opposée à des initiatives de la Turquie. Cela en particulier dans la question du grand jeu pétrolier et en Lybie, avec les incidents diplomatiques, dont on se souvient, qui ont été assez sévères.Donc, est-ce une manière effectivement de calmer le jeu et de dire que finalement, après cette élection, il faut aborder les problèmes dans le cadre d'une nouvelle ère ? C'est possible.En tout cas, c'est intéressant de voir que le président Macron, dans ses félicitations, a évoqué deux dossiers chauds de politique étrangère entre les deux pays, qui seront là aussi probablement dans les prochaines semaines sur la table.
5/29/20234 minutes, 42 seconds
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Akinwumi Adesina: «Je veux que l’Afrique devienne le grenier du monde»

Après s’être tenue durant une semaine, l'assemblée générale de la Banque africaine de développement s'est achevée ce vendredi à Charm el-Cheikh, en Égypte. Cette année, les discussions ont principalement tourné autour des projets environnementaux. L'Afrique est l'une des parties les plus vulnérables du monde au changement climatique. Le président de la BAD, Akinwumi Adesina, est notre invité ce dimanche, il répond aux questions d'Édouard Dropsy.   RFI : Il y a six mois, se tenait ici à Charm el-Cheikh la COP27. Les pays occidentaux se sont engagés dans le cadre des Pertes et Dommages à aider le sud global et notamment l’Afrique. Six mois plus tard, où en est-on ? Akinwumi Adesina : Pendant la COP 27, il y a des choses qui ont été promises. Il y a les Dégâts et les Pertes dont vous venez de parler. Il faut qu’il y ait un fond qui puisse faire cela. Deuxièmement, les pays développés ont demandé depuis longtemps de donner 100 milliards de dollars chaque année aux pays en voie de développement, pour avoir les ressources pour s’adapter au changement climatique. Ce sont les deux choses qui ont été promises, mais on attend toujours de voir les résultats. Pour nous, en tant que Banque africaine de développement, nous avons promis de donner 25 milliards de dollars de nos propres fonds pour l’adaptation climatique pour l’Afrique Quoi qu’il en soit, l’Afrique paraît un peu seule dans la lutte contre le réchauffement climatique alors qu’elle n’y contribue que très peu. 3 à 4% selon les experts. Quelles sont les solutions africaines à ce changement climatique ? On n’a pas créé le problème, mais il y a des choses que l’on a lancées en tant que Banque africaine de développement. Tout d’abord, nous avons lancé un programme pour donner des semences qui résistent à la chaleur partout en Afrique. Nous avons donné ces types de variété de blé à l’Éthiopie. Ils ont cultivé ce blé en 2018 sur 5000 hectares. Mais l’année passée, ils ont cultivé 1,4 million d’hectares. L’Éthiopie est devenue autosuffisante en trois ans et ils sont aussi devenus exportateurs nets de blé pendant une période de quatre ans La deuxième chose, c’est que la BAD a mis en place un système d’assurance des pays. On paie des primes d’assurances pour les pays contre les dégâts du changement climatique. Et ça marche très bien. Nous avons fait cela pour Madagascar par exemple quand ils ont eu le cyclone. Ils ont reçu 2,4 millions de dollars qui ont été utilisés pour soutenir plus de 600 000 paysans qui ont subi ces dégâts. À côté de cela, on voit un peu partout en Afrique, on pense au projet Tortue entre le Sénégal et la Mauritanie, ou EACOP en Ouganda, qui font la part belle aux énergies fossiles. Est-ce que l’Afrique a besoin de tels projets ? Je ne peux pas parler pour un projet ou un autre projet, je laisse cela avec les gens qui font les projets. Oui, mais ce sont les énergies fossiles… Oui, mais ce que je voulais simplement dire, c’est que ce qui concerne la transition énergétique. La transition énergétique est fondamentale dans le monde. Ce sont les pays développés qui doivent faire la transition plus vite parce que ce sont eux qui ont commencé le problème. Et il faut avoir l’espace pour les pays en voie de développement qui n’ont pas créé de problèmes, qui devraient avoir de l’énergie, parce que nous avons presque 600 millions de personnes qui n’ont pas accès à l’énergie. Ce n’est pas l’idéologue qui change l’économie, c’est le pragmatisme. Avec les récents événements mondiaux comme la guerre en Ukraine ou la pandémie de Covid-19, on a remarqué la vulnérabilité de l’Afrique, notamment dans ses importations. Comment les pays africains peuvent-ils être moins dépendants du marché global ? Ah oui, pour moi, pour être moins dépendant du marché global, tout d’abord, il faut du commerce entre les pays africains. Aujourd’hui, nous soutenons 20 millions de paysans africains qui sont en train de produire 38 000 millions de tonnes de denrées alimentaires avec une valeur de 12 milliards de dollars. Mais ce n’est pas qu’une question d’urgence. Il faut penser à moyen et à long terme. Je veux que l’Afrique devienne le grenier du monde en ce qui concerne les produits agricoles parce que 65 % des terres arables non cultivées restent en Afrique. Ce que fait l’Afrique avec l’agriculture, c’est ce qui va déterminer l’avenir du monde et la manière dont on va le nourrir. Parmi ces 65 % de terres arables non cultivées, il y a 280 millions de personnes qui continuent de souffrir de la faim en Afrique alors qu’au même moment, les pays occidentaux, la Chine, les pays du Golfe continuent d’exploiter les terres africaines pour leur propre autosuffisance alimentaire. Est-ce que cela peut durer ? Les pays qui font les exportations de matières premières deviennent toujours pauvres, et on est fatigués d’être pauvres ! Donc il faut vraiment avoir de la valeur ajoutée. C’est pour cela qu’à la BAD, nous soutenons les choses structurantes par le développement de zones spéciales pour l’agro-industrie. Avec le secteur privé, on produit des produits agricoles, la transformation, la logistique etc. pour pouvoir se nourrir, faire le commerce avec les pays africains, stabiliser nos économies [...] 
5/28/20234 minutes, 40 seconds
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Mohamed El Hacen Ould Lebatt: «Il faut que les forces politiques, sociales, civiles au Soudan s'engagent dans le combat contre la guerre»

Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'Union Africaine organise ce samedi une réunion à Addis-Abeba, au niveau des chefs d'État, consacrée à la situation. Quel rôle l'Union Africaine pourrait-elle encore jouer pour mettre fin à cette crise et comment faire perdurer le cessez-le-feu ? Entretien avec Mohamed El Hacen Ould Lebatt, directeur de cabinet du président de la Commission de l'Union africaine et porte-parole sur le dossier soudanais.
5/27/20236 minutes, 1 second
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Cent ans de l'Académie des sciences d’Outre-Mer: «Nous ne sommes dans la dépendance d'aucune institution»

L’Académie des sciences d’Outre-Mer (Asom) fête ses 100 ans ce vendredi 26 mai par un grand colloque à la Sorbonne, à Paris. Cette société savante a compté parmi ses membres de grands scientifiques comme Alexandre Yersin, le vainqueur de la peste. Mais à quoi sert aujourd’hui cette académie, au temps du changement climatique et des grandes pandémies ? Le professeur Roland Pourtier a longtemps enseigné la géographie à l’Université de Libreville, au Gabon, et a publié récemment « Congo, un fleuve à la puissance contrariée » chez CNRS Éditions. Aujourd’hui, il préside l’Asom. Entretien. RFI : Roland Pourtier, vous voulez porter une certaine idée de la France dans sa relation au monde. Peut-on dire que vous craignez un repli de la France sur l'Hexagone et sur son étranger proche ? Roland Pourtier : Non, je ne vois pas de raison particulière pour le redouter, en tout cas du point de vue des activités de l'Académie des sciences d'Outre-mer, il n'y a pas cette inquiétude parce que nous avons au contraire cette conception d'un Outre-mer qui est très élargi, pour faire face notamment aux problèmes mondiaux que posent le développement en général, le réchauffement climatique, bien entendu, les migrations de population, etc. Et tout cela nous amène à nous intéresser à une grande partie du monde et pas du tout à un repli sur l'Europe. Alors, il y a eu de grands noms africains comme Houphouët, Senghor, Émile Zinsou. Il y a aujourd'hui parmi les membres de votre Académie, les présidents Diouf, Macky Sall, Ouattara, et Issoufou. Mais est-ce que c'est vraiment une société savante, ou est-ce que ce n'est pas plutôt une antenne du Quai d'Orsay ? Ah non, c'est vraiment une société savante, qui a l'avantage d'être très pluridisciplinaire avec toute la gamme des sciences qui est représentée et nous tenons beaucoup à notre indépendance d'esprit. Nous avons dans notre académie une volonté affirmée de rester dans l'objectif de la science, de la recherche de la vérité et nous ne sommes dans la dépendance d'aucune institution. Et dans vos travaux scientifiques, est-ce que vous êtes en partenariat avec des académies africaines ? Absolument. Au mois de mars de cette année, nous étions à Madagascar avec l’Académie des lettres, des arts, des sciences de Madagascar sur des thématiques qui concernent les problèmes spécifiques du développement, du changement climatique, de l'évolution de la biosphère des océans, et cetera. Et en Afrique de l'Ouest, quels sont vos projets ? Déjà, dans l'immédiat, puisque la Convention va être signée dans la soirée, c'est de renforcer nos liens. Et là, en l'occurrence avec la Côte d'Ivoire, à travers l'Académie des sciences, des arts, des cultures d'Afrique et des diasporas africaines, c'est une convention qui permettra de faciliter les échanges, en particulier les échanges avec les étudiants. Roland Portier, vous voulez être l'académie du grand large, mais beaucoup d'étudiants et d'universitaires africains qui veulent échanger avec vous se plaignent de ne pas avoir de visa pour venir en France ? Alors c'est un problème politique qui relève des autorités françaises et non pas d'une société savante, mais mon opinion, c'est que bien entendu, pour l'avenir des relations avec les pays du Sud, il est indispensable de faciliter l'obtention des recherches pour les étudiants. Tout ça doit être bien sûr encadré. Un des problèmes de la venue d'étudiants - qui sont quand même très nombreux à venir en France -, c'est que beaucoup d'entre eux restent ensuite en France et ne retournent pas dans leur pays pour les faire profiter de la formation qu'ils ont obtenue. Que fait aujourd'hui votre société savante pour lutter contre les grandes pandémies ? Eh bien, déjà, elle travaille en relation étroite avec l'Institut Pasteur et avec d'éminents chercheurs dans le domaine de la santé, comme le professeur Marc Gentilini ou Pierre Saliou. Et puis pour notre commémoration à la Sorbonne, le professeur Delfraissy, qui est bien connu, fera partie des intervenants pour souligner à quel point ces questions sont importantes. Roland Pourtier, vous êtes géographe, vous avez enseigné au Gabon, vous êtes un spécialiste de l'Afrique centrale. Est-ce qu'aujourd'hui, d'éminents chercheurs africains prennent le relais de grands chercheurs européens comme vous ? Oui, je peux citer par exemple un de mes anciens étudiants du Gabon, Marc-Louis Ropivia, qui s'est fait une spécialité en géopolitique, je peux citer Martin Kuété au Cameroun, au Congo Kinshasa, il y a Francis Lelo Nzuzi, qui travaille aussi en relation avec le grand historien Isidore Ndaywel, ou encore Cheikh Tidiane Wade au Sénégal. Je pense que la relève est assurée aujourd'hui dans ces domaines de la géographie et naturellement de l'histoire. Nous sommes dans une ère de coproduction et de travail en collaboration étroite, sans qu'il y ait de hiérarchies comme cela a pu être le cas autrefois.
5/26/20235 minutes, 3 seconds
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Cheikh Tidiane Gadio: «La question de la lutte contre le terrorisme, l'Union africaine l'a mal gérée»

Ce jeudi 25 mai, l’Union africaine fête ses 60 ans. C’est en effet le 25 mai 1963 qu’a été créée à Addis-Abeba l’Organisation de l’unité africaine, l’OUA, c’est-à-dire l’ancêtre de l’Union africaine. La chute du régime d’apartheid, le poids de certains arbitrages en Côte d’Ivoire ou en Centrafrique… En 60 ans, l’UA a fait du chemin, mais elle est encore loin des « États-Unis d’Afrique » dont rêvaient ses pères fondateurs. De 2000 à 2009, Cheikh Tidiane Gadio a été le chef de la diplomatie sénégalaise. Aujourd’hui, il préside l’Institut panafricain de stratégie « paix, sécurité, gouvernance » et n’hésite pas à dénoncer « l’hyper-balkanisation » de l’Afrique. RFI : L’OUA, puis l’UA, n’ont jamais réussi à créer les États-Unis d’Afrique. Mais ces deux organisations n’ont-elles pas quand même quelques succès à leur actif ? Cheikh Tidiane Gadio : En 2013, quand on m’avait demandé de faire le bilan des 50 ans de l’OUA, j’avais dit que le bilan était mitigé. Mais j’avais dit que, dans les cinq objectifs principaux que je reconnais, le renforcement de l’intégration, le développement économique et social du continent, etc., je retenais en fait qu’il y avait un seul objectif qui avait été atteint : réussir la décolonisation du continent et mettre fin à l’apartheid. À part ça, au lieu de mettre fin au processus de balkanisation de l’Afrique, on a accéléré la cadence. C’est ce que nous appelons « l’hyper-balkanisation de l’Afrique » : on était 32 États en 1963, on est passé à 54 États en 2013, et aujourd’hui encore, avec tout ce qui se passe, il n’y a pas encore une dynamique qui nous donne l’espoir que nous allons régler définitivement la question de la balkanisation et construire les États-Unis d’Afrique. Après la déclaration d’Alger de 1999 contre les changements anticonstitutionnels de gouvernement, on a espéré que le temps des coups d’État militaires était révolu. Mais aujourd’hui, est-ce que les coups d’États à répétition en Guinée, au Burkina, au Mali, ce n’est pas un retour en arrière ? Non seulement, c’est effectivement un retour en arrière, mais avant ça, tout le monde sait que la question de la gestion de la lutte contre le terrorisme, l’Union africaine l’a mal gérée, les communautés régionales l’ont mal gérée. Et on se retrouve dans une situation où des militaires se croient obligés d’aller occuper les palais et les ministères, et essaient de régler eux-mêmes les problèmes. Et donc, 5 coups d’État dans l’espace de la Cédéao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest) en deux ans, c’est véritablement un désastre pour les institutions en Afrique. Beaucoup ne comprennent pas pourquoi la Guinée, le Mali, le Burkina ont été sanctionnés par l’Union africaine, et pas le Tchad, où il y a eu pourtant il y a deux ans un changement anticonstitutionnel. Comment l’expliquez-vous ? Moi, je connais assez bien la situation du Tchad et j’ai eu une relation que tout le monde connait, très particulière, avec le président Idriss Déby Itno. Je salue d’ailleurs sa mémoire et le combat qu’il a mené pour la sécurité de l’Afrique. Lui et moi, je vous fais une confidence, on a discuté de la question du Tchad comme étant le verrou qui empêche le jihad et les terroristes de prendre l’ensemble du Sahel. Et il y avait un plan pour l’élimination d’Idriss Déby Itno lui-même. Et on lui conseillait tout le temps la prudence, etc., mais on connait son tempérament, très engagé, très guerrier, très courageux. Et il est allé tenter de régler lui-même le problème qui s’était posé. Selon les informations que nous avons, ce n’est pas juste un groupe de rebelles tchadiens qui ont éliminé Idriss Déby. On nous parle d’une nébuleuse où on retrouve les gens de Wagner, on retrouve les gens du maréchal Haftar, on retrouve beaucoup de groupes d’intérêts qui sont organisés, et on a éliminé le président Idriss Déby. Quand on a mis le Mali sous sanction de la Cédéao, j’ai trouvé ça totalement incohérent. Les sanctions contre les coups d’État dans une situation normale, je suis tout à fait d’accord. Mais quand un pays est attaqué par les terroristes, un pays exsangue, un pays par terre, vous dites à ce pays ‘nous venons vous aider’ en le  sanctionnant, en le mettant sous embargo économique. J’ai trouvé cela très incohérent. Et donc, sur la question des sanctions, je suis assez nuancé pour ne pas dire plus. Depuis les années 1970, l’OUA et aujourd’hui l’UA se déchirent sur la question du Sahara occidental. Est-ce que cette querelle ne risque pas d’empoisonner l’organisation continentale de nombreuses années encore ? Mais ça l’a déjà fait depuis le début des années 1980 jusqu’à nos jours. Moi, en tant que panafricaniste convaincu, ce qu’on a fait au Soudan, prendre le plus grand pays africain de 2, 5 millions de kilomètres carrés, et dire que la solution, c’est d’utiliser les bistouris comme on le faisait du temps du partage de Berlin : on découpe une partie de 600 000 kilomètres carrés, on la donne au Soudan du Sud, en disant qu’on va régler le problème du Soudan. Depuis qu’on l’a fait, il y a eu plus 300 000 morts au Soudan du Sud, plus de 4 millions de déplacés sur les 12 millions d’habitants. La situation est devenue plus catastrophique qu’elle ne l’était. Personne n’a fait son auto-critique, notamment chez les Occidentaux qui avaient défendu que c’était cela la solution. C’est pour dire que régler les problèmes de l’Afrique par la balkanisation, c’est le passif économique, le passif politique les plus graves que le système colonial nous a laissés. L’AOF était un ensemble de l’Afrique occidentale française, l’AEF était un ensemble de l’Afrique équatoriale française, on travaillait bien ensemble, on pouvait aller ensemble. Le pays colonisateur à l’époque, la France, en se retirant, s’est organisé pour démanteler ces fédérations et nous laisser ce que Cheikh Anta Diop a appelé des « États nains », des États non viables. La preuve est donnée 60 ans plus tard. Donc, si le Maroc peut régler ses problèmes à l’intérieur de ses frontières, en respectant la spécificité des Sahraouis, moi, je suis pour cette démarche-là pour ne pas encore balkaniser davantage l’Afrique. Certains ont toutes les raisons d’aller gérer la question de l’Azawad. Ils sont différents des autres, on leur donne un État. En Casamance, ils sont un peu différents du Sénégal, on leur donne un État. Certains disent que la RDC n’est pas viable, il faut la découper en 5 ou 10 États. Le Nigeria, il faut le découper en quelques États. On se retrouve avec 80 États dans un continent qui avait une trentaine d’États à l’indépendance et qui aspirait aux États-Unis d’Afrique. C’est le comble de l’incohérence. Qu’on nous laisse ensemble !
5/25/20239 minutes, 3 seconds
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Soixante-quinze ans de maintien de la paix: «Malgré les défis, les casques bleus préservent les cessez-le-feu»

Ce mois-ci, l’ONU fête le 75e anniversaire du maintien de la paix. Plus de 2 millions de casques bleus ont été déployés sur le terrain depuis 1948. Or en ce moment, des voix demandent une modernisation des opérations de maintien de la paix, les OMP. Tout le monde attend avec impatience les directions qui seront rendues publiques dans le Nouvel agenda pour la paix du Secrétaire général fin juin. Notre correspondante à New York, Carrie Nooten, a exploré avec Jean-Pierre Lacroix, le secrétaire général adjoint aux opérations de paix, les pistes pour réimaginer les OMP. RFI: Pour faire un bilan rapide, quels ont été selon vous le plus grand échec et le plus grand succès dans l'histoire des opérations de maintien de la paix (OMP) ? Jean-Pierre Lacroix : Les plus grands succès se produisent au jour le jour. Malgré les défis, des soldats de la paix, des personnels des opérations, préservent les cessez-le-feu. Un exemple au sud Liban : là où la Finul est déployée, il y a des incidents presque tous les jours et si nos casques bleus n'étaient pas là, ce serait inévitable qu'il y ait une escalade, et peut-être une reprise des hostilités. Les échecs, on les connait, bien sûr. Historiquement, il y a Srebrenica, il y a le Rwanda. Il y a aussi, je pense, un décalage entre les mandats qui sont donnés aux opérations et les ressources qui leur sont attribuées. Du coup, qu'est-ce que l'ONU a appris de ses erreurs ? Et par ailleurs, quelles seront les évolutions mises en place qui fonctionnent et qu’il faudra absolument garder pour les OMP de demain aussi ? L'ONU a beaucoup appris de ses erreurs et les opérations d'aujourd'hui ne sont plus du tout celles des années 1990. En matière de protection des civils, puisque c'est là où finalement nous sommes le plus attendus, c'est légitime -et je dirais que c'est aussi la partie la plus difficile de nos mandats- nous avons développé beaucoup d'outils. Nous avons une meilleure connaissance du terrain, nous avons une meilleure interaction avec les communautés. Nous avons par exemple au Congo mais aussi au Mali, des personnes qui font partie des communautés et qui travaillent avec nous pour nous informer des risques qui pèsent sur les populations de manière à ce que nous puissions réagir au plus vite. Je pense que nous avons aussi développé une approche beaucoup plus intégrée de la protection des civils. Nous travaillons de manière beaucoup plus étroite avec les agences, les ONG également, et aussi nos personnels civils, nos personnels de police avec les militaires. Donc, ça je crois que c'est un progrès très net. Maintenant il faut faire beaucoup plus évidemment, parce que, certes, il y a eu des améliorations, mais les défis aussi, ne cessent de croitre.  Et il y a de nombreux nouveaux défis d'ailleurs. Le défi principal est de nature politique, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, nous avons une communauté internationale beaucoup plus divisée. nos états membres, nos conseillers de sécurité en particulier, sont beaucoup moins, à la fois unis pour soutenir les efforts politiques qui sont indispensables dans toutes les situations où il y a des opérations, et ils sont aussi aujourd'hui beaucoup moins disponibles, compte tenu de la multiplicité des crises. Mais il y a d'autres défis, les menaces contre les populations et les casques bleus s'accroissent, les attaques à l'explosif, les fakes news, la désinformation qui est une arme qui fait des morts et qui est parfois utilisée de manière extrêmement professionnelle par ceux qui n'ont pas intérêt à notre succès. Puis je dirais qu'il y a aussi les nouveaux facteurs de conflit, l'impact du changement climatique, les activités criminelles transnationales, un exemple, dans la région des Grands Lacs, l'exploitation illégale des ressources naturelles, c'est à mon avis, un facteur, peut-être le facteur majeur de conflit. Il faudra s'y attaquer avec davantage de moyens. Quels autres outils pourraient être utilisés pour imaginer ces OMP de demain ? Qu'est-ce qu'il faut faire ? Et est-ce que vous en avez les moyens ? D'abord, il faut continuer à moderniser nos opérations. Je crois qu'un des grands défis, c'est l'adaptation à l'évolution des technologies digitales. Nous avons lancé une stratégie pour la transformation digitale des opérations de maintien de la paix. C'est fondamental parce que ça concerne la sécurité des populations de nos personnels, la lutte contre la désinformation, la meilleure capacité à recueillir des informations sur les situations dans lesquelles nous sommes, etc. Deuxièmement, nous devons réfléchir d'une part à ce que pourrait être une évolution des mandats, mais d'autre part un meilleur travail collectif avec les autres acteurs du multilatéralisme. Troisième axe de réflexion important :le maintien de la paix a ses limites, et lorsque l'imposition de la paix est nécessaire, il faut réfléchir au moyen de mieux soutenir les opérations d'imposition de la paix qui doivent être conduites par d'autres entités que les Nations unies, notamment les organisations régionales. Alors, les moyens, ça va dépendre des Etats membres... D'abord les moyens politiques, deuxièmement, les moyens financiers, ce qui est un défi surtout maintenant. Enfin, le mois prochain, le mandat de la Minusma va être mis en jeu au Conseil de sécurité... Aujourd'hui d'après les échanges que vous avez avec elle, que souhaitent les autorités maliennes de transition ? Est-ce qu'elles veulent la fin de la Minusma ? Sa réduction à une mission politique sans casques bleus, donc sans témoins ? C'est à elle de le dire, je ne suis pas leur porte-parole. Ce que je vous dire c'est que nous sommes depuis longtemps en consultation très étroite avec les autorités du Mali. Antonio Guterres a proposé trois voies très différentes tout de même dans son dernier rapport. Est-ce que vous envisagez qu'une des pistes extrêmes puisse être retenue ? Ça n'est pas mon impression à ce stade. Nous n'avons pas eu du tout le sentiment que la réduction de la Minusma, à ce stade, à une simple opération de présence politique à Bamako soit une option privilégiée. Mais, encore une fois je ne veux pas préjuger de ce que sera la décision du Conseil de sécurité puisque c'est à eux qu'il appartient de se prononcer.
5/24/20235 minutes, 1 second
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«La vie chère, de l’Afrique à l’Europe…»: le regard du chercheur au CNRS Vincent Bonnecase

La colère contre la vie chère peut-elle faire tomber des régimes politiques ? Surtout quand les gens pensent que les prix des produits de base, des céréales notamment, ne sont pas seulement fixés par la loi du marché ? Vincent Bonnecase est chercheur en science politique au CNRS et publie, chez Flammarion, « La vie chère, de l’Afrique à l’Europe : quand la colère passe par les prix ». Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.   En 2008, les émeutes de la faim au Cameroun n'ont pas empêché Paul Biya de se maintenir au pouvoir. En 2019, les émeutes contre le prix du pain au Soudan ont fait tomber le régime d'Omar el-Bechir. Pourquoi les mêmes causes ne produisent pas toujours les mêmes effets ? Alors parce que l'histoire ou la politique, ce n'est pas une science exacte et qu'il y a la part de l'aléa. Ce qui est intéressant dans la comparaison que vous faites, c'est qu'à chaque fois que les mouvements contre la vie chère étaient très importants, ils se cumulaient d'ailleurs à d'autres raisons de la colère, comme par exemple le fait que Paul Biya veuille se re-présenter pour un nouveau mandat contre la constitution en 2008 au Cameroun. Et après, que ça bascule sur une révolution ou pas, ça dépend des rapports de force en présence et encore une fois de l'aléa. Mais ce qui est intéressant malgré tout dans ces deux mouvements, c'est de voir des acteurs, des actrices qu'on n'a pas l'habitude de voir dans les mobilisations sociales, des gens qui sont peut-être moins syndiqués, moins dans des partis politiques que d'ordinaire et c'est aussi ce qui en fait le caractère imprévisible. Et à mon avis, c'est un signe très important d'évolution des politiques, j'allais dire en Afrique, mais aussi dans le reste du monde, dans un pays comme la France. Et vous dites qu'il y a une particularité, notamment au Sahel, c'est que, pour beaucoup de gens, les États y ont une responsabilité nourricière ? Oui, c'est-à-dire qu'historiquement, les États ont, depuis la colonisation, construit leur légitimité sur leur proportion à nourrir les populations, c'est aussi des thématiques qu'on trouve en Europe par exemple au 18e siècle. Et dans cette configuration, les prix ont été un instrument important pour assurer cette régulation et ça explique très largement la colère face à la vie chère aujourd'hui. C'est-à-dire que, quand les prix augmentent dans un certain nombre de pays africains, c'est perçu par de nombreuses populations non comme le fait d'un déséquilibre du marché, comme on dirait dans un cadre d'analyse d'économie classique, mais comme le fait d'une défaillance politique. Et vous dites du coup que « l'État grenier » est une figure importante de la légitimité politique dans l'espace sahélien, alors que, depuis les années 1990, depuis le tournant libéral, il n'y a plus de magasins d'État, il n'y a plus d'offices céréaliers... Oui, il existait avant les ajustements structurels des magasins d'États, des offices céréaliers, qui finalement achetaient les céréales à une partie de la paysannerie pour les revendre dans les villes. Et ces différents outils ont été largement démantelés après les ajustements structurels, d'où la colère actuelle face à la vie chère. Et vous citez l'exemple de 1974 au Niger où le président Hamani Diori est renversé par l'armée, par le colonel Kountché, à la suite d'une famine... Tout à fait et, dans ce pays, la thématique de « l'État grenier » est spécialement importante, parce que le pouvoir qui a succédé à ce coup d'État a bâti une partie importante de sa légitimité sur sa propension à lutter contre la famine. Ce qui explique que ses successeurs, notamment le président Tandja en 2005, ont eu du mal à admettre la réalité de la crise alimentaire, parce que cette crise alimentaire mettait en pièces sa propre légitimité politique. Est-ce que la nostalgie des années d'avant l'ajustement structurel peut entretenir la colère jusqu'à aujourd'hui ? Oui, et puis surtout lui donner une forme un peu particulière. Parfois, vu de France, on est surpris par un certain attachement populaire à des régimes issus de coup d'État, et ça, ça s'explique par le fait que la période de démocratisation des années 1990 a été également une période de libéralisation économique et qu'aujourd'hui beaucoup de personnes s'en rappellent comme une période de détérioration très importante des conditions de vie. Et pourquoi dites-vous, à propos des prix des produits de première nécessité, que la croyance aux lois du marché est moins partagée en Afrique quand dans le reste du monde ? Parce que, quand on regarde la structure de consommation [dans beaucoup de pays africains], on s'aperçoit qu'on consomme assez peu de biens au quotidien et que, pour chacun de ces biens, la distribution est assurée par un nombre assez peu important de grands commerçants, dont tout le monde connait le nom et dont tout le monde suppute les liens entre ces grands commerçants et les autorités politiques en place. D'où cette phrase dans votre livre : « En Afrique, les prix n'augmentent pas à cause de la loi du marché, ils sont augmentés par ceux qui ont le pouvoir de le faire » ? Et cette phrase, oui, elle renvoie précisément aux perceptions populaires telles que je les ai rencontrées dans le cadre de mes enquêtes, notamment dans les quartiers populaires de Ouagadougou, de Bobo-Dioulasso et de Niamey, au Burkina Faso et au Niger. Mais en pratique, c'est quand même la loi du marché qui fixe les prix ? La loi du marché... Alors, si on se situe dans une analyse d'économie classique, oui, mais cette logique, elle est mise en cause par des tas d'économistes qu'on dit hétérodoxes, qui disent que le marché est fait par des vraies personnes, qui sont en position asymétrique, et que les prix sont faits aussi par ces relations d'inégalités et d'asymétrie. Par exemple, les céréales, aujourd'hui importées, qui constituent une grande part de l'alimentation dans les villes africaines, elles transitent par des sociétés de commerce, qui ne sont pas finalement si nombreuses à l'échelle mondiale. Et ces sociétés sont elles-mêmes en position de force par rapport à la constitution des prix, par rapport à la marge qu'elles peuvent se faire, tout cela étant extrêmement opaque. Je pense qu'aujourd'hui il faut aussi comprendre la colère face à la vie chère comme une demande de clarté des prix. Et du fait que les prix sont des réalités composites, il y a des tas d'acteurs finalement qui se nourrissent aussi de la vie chère en en tirant tous les bénéfices à l'échelle nationale ou à l'échelle internationale.
5/23/20238 minutes, 10 seconds
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Jean-François Lhuillier, ex-DGSE: «Kadhafi a été abattu et la Libye abandonnée aux forces prédatrices»

C'est un habitué du silence et même du secret qui s'exprime ce matin sur RFI. Jean-François Lhuillier a été chef de poste des services secrets français, la DGSE, en Libye de 2009 à 2012. Il fait partie de ces hommes de l'ombre qui ont informé les gouvernants français sur le contexte libyen avant, pendant et après la chute de Mouammar Kadhafi. Il vient de publier un livre de mémoires. Et ne soutient pas, loin de là, les options que les politiques parisiens ont retenues sur le dossier libyen.   RFI : Jean-François Lhuillier, avec votre ouvrage, on entre dans les coulisses politiques de la crise libyenne avec cette scène notamment : alors que les troubles commencent en Libye en février 2011, vous êtes appelé - et c'est inespéré - par l'un des hommes les plus puissants du régime, le beau-frère du guide, Abdallah Senoussi, qui vous demande l'aide de la France... Oui, les premiers signes de craquement débutent en Cyrénaïque, à Benghazi. Senoussi à ce moment-là, je crois, il ne sait pas comment sortir de cette situation qui lui échappe. Effectivement, il m'appelle et il demande l'aide de la France.  Mais donc Senoussi ignore tout de ce que seront les orientations de la France par la suite ? Bien sûr. Non seulement il l'ignore, mais nous aussi on l'ignore ! Votre conviction, à cette époque - et aujourd'hui encore manifestement puisque c'est ce que vous exprimez dans votre livre - c'est qu'on n'a pas eu de « révolution libyenne » mais un soulèvement armé en Cyrénaïque, dans l'est de la Libye, qui à ce moment-là était soutenu par une intervention internationale ? Oui, c'est très exact. Il n'y a pas eu de révolution libyenne. J'étais sur le terrain donc j'avais les sources un petit peu dans tous les niveaux de la société. Bien sûr qu'il y avait des foyers de mécontentement, mais ça ne prenait pas une ampleur incroyable. Quelle est la dynamique de ce qui s'est passé dans ce cas, si ça n'est pas une révolution libyenne ? La Cyrénaïque a toujours eu, par rapport à Tripoli, un reflex presque d'indépendance. Et les islamistes évidemment jouent sur cet aspect-là, les islamistes sont très bien implantés, très forts là-bas. Et donc tout ça, ça s'agrège et les mécontentements explosent. La France va donc prendre résolument le parti des insurgés. Vous allez au fil des jours devenir vous-même témoin et même acteur de cette aide. Comment se traduit-elle cette aide, concrètement ? La France envoie des armes aux rebelles. C'est la principale aide qu'on apporte aux rebelles en fait : armes et munitions. C'est le service action qui met en œuvre ça. C'est-à-dire que le service action est chargé de former les rebelles sur le plan militaire. Vous racontez également la présence du Qatar sur le terrain, qui fournit une aide conséquente, le Qatar qui pousse des acteurs ayant, eux, un agenda islamiste très clairement ? Très clairement : oui, absolument. Pas seulement le Qatar, il y a les Emiriens qui sont sur le terrain également. Et d'ailleurs le service action est au contact au départ des Emiriens. Les Qataris, au départ, sont davantage en Cyrénaïque et viennent s'implanter dans le Djebel Nefoussa où sont les Emiriens mais un peu à part. Et effectivement, le Qatar mise notamment sur Abdelhakim Belhadj qui est un ancien émir du GICL [Groupe islamique combattant en Libye, Ndlr]. Comment est-ce que votre hiérarchie, comment est-ce que les autorités françaises voient cet engagement de l'allié qatari et des Émiriens en faveur des islamistes ? Ecoutez, je n'ai pas de réponse à cette question, je ne suis pas dans leur tête. Ils savent très bien que le Qatar a toujours soutenu les islamistes. Ils ont effectivement une aide plus ou moins directe d'ailleurs, à tous les groupuscules islamistes. Nos politiques, je pense, le savent bien. Et laissent faire ? Et laissent faire. Vous savez c'est ce qu'on peut peut-être appeler la realpolitik, je n'en sais rien. Mais c'est un jeu dangereux, je suis d'accord avec vous. Dans les toutes dernières pages de votre ouvrage vous marquez justement une certaine déception sur les conséquences de cet engagement international contre le leader libyen. Vous écrivez « Kadhafi a été abattu et la Libye abandonnée aux forces prédatrices, obscurantistes, religieuses ou mafieuses »... C'est vrai, c'est d'une tristesse infinie. Les conséquences de cette désastreuse expédition en terre libyenne n'ont pas été vues, ou alors l'ont été mais alors c'est encore plus cynique. Bref c'est un désastre total pour ce pays, vous voyez dans quel état il est aujourd'hui, et pas seulement pour le pays ! Alors justement vous êtes chef de poste de la DGSE en Libye de 2009 à 2012. Vous travaillez sur la lutte contre le terrorisme. Est-ce que vos sources vous permettent de pressentir le potentiel de déstabilisation qu'il y a dans la chute du régime libyen ? Avant la chute du régime libyen, le service, effectivement, est très inquiet de la montée du terrorisme. Et ça, c'est de la situation avant. Et puis les évènements arrivent, et donc là effectivement le problème c'est la diffusion des armements, la dissémination des armements qui s'en est suivi quasiment immédiatement parce que les arsenaux libyens, qui étaient plus ou moins gardés - plutôt moins que plus d'ailleurs - sont devenus ouverts à tout vent. Et les islamistes sont venus se servir et voilà. Vous prenez au final la défense de la DGSE en indiquant qu'elle a fourni au pouvoir politique toutes les informations nécessaires. Est-ce que c'est une façon de dire que le pouvoir politique, passée l'élimination de Kadhafi, n'a pas su utiliser ce que lui faisait remonter les services ? Ou bien il l'a utilisé en fonction de ses propres critères, en toute connaissance de cause. On ne peut pas l'exclure. Mais, effectivement, je loue le travail de la DGSE parce que c'est un travail qui me semble complet. Maintenant vous savez, les politiques font leur choix, la DGSE n'est pas leur seule source de connaissance. Donc ils font des choix en fonction de leur vision. Alors, maintenant, faut savoir la qualité de la vision en question. Les faits jugent à notre place. ► L'ouvrage de Jean-François Lhuillier, L'Homme de Tripoli, Mémoires d'agent secret est publié chez Mareuil Éditions. 
5/22/20235 minutes, 8 seconds
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Abdallah Ag Alhousseini, de Tinariwen: notre musique vise «à alerter le monde sur ce qui se passe chez nous»

Amatssou, « Il faut dépasser sa peur » en Tamasheq, c’est le nom du nouvel album du groupe Tinariwen qui vient de sortir. Groupe mythique du nord du Mali qui repart aussi en tournée en Europe et aux États-Unis pour la première fois depuis 4 ans. Les Tinariwen ont traversé le temps, et leur région, l’Azawad, est aujourd’hui confrontée à de multiples tensions. Difficulté d’appliquer l’accord de paix de 2013, présence de groupes jihadistes, tensions économiques. L’un des chanteurs du groupe, Abdallah Ag Alhousseini est au micro de Guillaume Thibault. 
5/21/20236 minutes, 54 seconds
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Benjamin Stora: «Il faut commencer à procéder à des restitutions des archives algériennes»

L’historien Benjamin Stora, qui co-préside la commission mixte d’historiens algériens et français chargée d’étudier la colonisation et la guerre d’Algérie, sort de son silence ce vendredi 19 mai sur RFI. Un mois - jour pour jour - après la première réunion de cette commission, l’historien en trace les perspectives et évoque les grandes questions qui devront être tranchées par les historiens français et algériens. Au-delà, Benjamin Stora s’émeut surtout de l’absence de moyens dévolus aux historiens français de cette commission. « On ne peut pas continuer à fonctionner sur le bénévolat », alerte-t-il, critiquant là en creux le manque d’investissement des autorités françaises sur ce dossier. RFI : Benjamin Stora, où en sont les travaux de la commission mixte d’historiens français et algériens que vous coprésidez ? Benjamin Stora : Une première réunion s’est tenue à l’Institut du monde arabe, en visioconférence. Cette réunion a duré deux heures environ et elle a porté essentiellement sur la présentation de chacun des membres de la commission. Après, on a commencé à réfléchir sur ce qui pourrait être disons, un ordre du jour. Il y a deux, trois questions importantes qui ont été mises sur la table. Cela ne veut pas dire qu’elles ont été abordées, discutées ou tranchées, bien entendu : la question des archives, par exemple. Mais on a convenu du côté français comme du côté algérien de considérer qu’il faut commencer par une histoire longue, de commencer par le XIXe siècle, c’est-à-dire la conquête, l’arrivée des Français. Dans la lettre de mission justement de l’Élysée, il est dit justement que vous devez travailler sur les origines de la colonisation en Algérie au XIXe et en dressant un inventaire des archives déposées en France via l’Algérie. Est-ce que ce premier objectif-là vous paraît réalisable ? C’est un objectif qui est nécessaire parce que la question des archives, c’est le soubassement, la base d’écriture de l’histoire, les archives naturellement étatiques. Et là, il y a énormément de choses qui ont été transférées de l’Algérie vers la France après l’indépendance de 1962, des kilomètres et des kilomètres d’archives qui sont déposées d’ailleurs principalement à Aix-en-Provence. Donc, la première tâche, à mon sens, c’est déjà de faire une sorte d’inventaire des archives qui existent entre la France et l’Algérie. Après, une fois dressé l’inventaire de cette somme d’archives considérables, vont se poser différents problèmes : d’abord, le problème de l’accès aux archives, mais aussi le problème de la restitution des archives. Sur ce plan-là, il n’y a pas de sujet tabou de mon point de vue. On peut discuter de cette question de manière très ouverte, en sachant bien que les archives de l’Algérie sont, en grande partie d’ailleurs, des archives dites de « souveraineté », c’est-à-dire qu’elles appartiennent à la France. Par contre, il y a des archives algériennes qui ont été arrachées aux Algériens au moment de la conquête. Donc, le problème de la restitution, j’exprime là un point de vue personnel bien sûr, ce sont des choses à mon sens sur lesquelles il faut réfléchir, en dresser l’inventaire et commencer à procéder à des restitutions. On sait que ce sujet-là des archives est un sujet extrêmement sensible. Est-ce que vous pensez pouvoir avoir accès à toutes les archives françaises et algériennes ? Personnellement, ça fait 45 ans que je travaille sur l’Algérie. J’ai eu accès déjà à beaucoup d’archives. L’accès aux archives, ce sera une éternelle question posée aux historiens, j’allais presque dire sur toutes les époques touchant aux secrets d’État. Mais, encore faut-il aller aux archives, encore faut-il se rendre aux archives. Pour ce qui concerne les chercheurs algériens, il y a la difficulté de se rendre aux archives lorsqu’on habite en Algérie et qu’on n’obtient pas de visa. Ça, c’est un vrai problème par exemple, c’est-à-dire qu’il faut commencer à régler ce problème dans la mesure où beaucoup d’Algériens veulent travailler sur les archives transférées. Donc, on doit réfléchir à cette question. Ça me paraît des questions très concrètes en fait, plutôt que des considérations très générales sur les archives, les archives fermées, les mystères autour des archives, etc. Il ne faut pas faire un fétichisme de la preuve par l’archive étatique. C’est un vieux débat. Il vaut mieux avoir la preuve, bien sûr. Mais quand la preuve n’existe pas formellement dans les archives étatiques, on a quand même les moyens d’avoir recours à d’autres types de pièces sur le plan archivistique que sont notamment les témoignages. Il y a donc eu cette première réunion le 19 avril dernier, première réunion de cette commission. Quelles sont les prochaines échéances ? Il y a une échéance qui est prévue à la mi-juin théoriquement d’une réunion. Normalement, la date précise n’a pas été fixée. Côté français, le problème qui va se trouver posé, à mon avis bien entendu, c’est celui des moyens pour le fonctionnement de tout ce travail, qui est un travail énorme. Or, là, la question, c’est que je ne connais pas les moyens qui ont été dégagés par la France aujourd’hui. Je ne les connais pas. Moi, personnellement, j’ai travaillé sur ce rapport que tout le monde connaît, mais personnellement, il faut le savoir, je n‘ai pas été payé pour cela. Trois ans plus tard, le bénévolat continue. [...] Donc, il faut quand même qu’il y ait un développement de moyens en France parce que, si les moyens ne sont pas dégagés, effectivement cette commission va avoir du mal à exister uniquement sur le bénévolat. Mais comment vous l’expliquez ? Comment vous l’interprétez ce manque de moyens ? Vous y voyez un manque de volonté de la part des autorités françaises ? Je ne peux pas répondre franchement à cette question-là, parce qu’il y a quand même eu l’Accord d’Alger qui a été signé par les deux présidents qui se sont engagés à ce que cette commission mixte existe, etc. La seule chose que je peux dire, c’est que je peux espérer que des moyens soient mis en œuvre. Quand vous en parlez à l’Élysée, qu’est-ce qu’ils vous répondent ? La réponse est toujours la même. Elle est invariable : « Oui, pas de problème, on va aider, on va mettre en œuvre un budget, on va donner des salaires, on va trouver les locaux, etc. ». Ce sont toutes les revendications que je formule. Là, on ne peut pas continuer à fonctionner sur le bénévolat avec une personne seule qui écrit des rapports et qui rencontre des personnes. Il faut passer, j’allais presque dire du stade artisanal à un stade beaucoup plus élaboré. Et là, c’est la question de la volonté politique, c’est-à-dire que si on passe à un stade beaucoup plus élaboré, là on rentre dans une autre étape. Pour l’instant, disons-le franchement qu’on n’y est pas encore, mais j’espère que ce sera le cas. ► Benjamin Stora a publié récemment en livre de poche (Ed Albin Michel), sous le titre « Les passions douloureuses », son Rapport sur la mémoire de la colonisation et la guerre d’Algérie, remis au président de la République. Rapport précédé d’une longue introduction, « Un historien dans la mêlée ».
5/19/20238 minutes, 11 seconds
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Conflit au Soudan: selon le chercheur Suliman Baldo, «les islamistes ont manipulé l'armée»

Pas de trêve au Soudan : un mois après les premiers affrontements, les combats à l'arme lourde continuent à Khartoum entre l'armée du général al-Burhan et les miliciens des Forces de soutien rapide du général Hemedti. On déplore près d'un millier de morts dans la capitale soudanaise. Quelles sont les causes de ce conflit ? Est-ce que les islamistes ne jettent pas de l’huile sur le feu ? Entretien avec le chercheur soudanais Suliman Baldo et fondateur du think tank Sudan Policy and Transparency Tracker. RFI : Dans une interview au journal le Monde il y a 18 mois, vous avez dit que l’accord entre le général Abdel Fattah al-Burhan et le général Mohamed Hamdan Dagalo dit « Hemedti » n’était qu’une alliance de circonstance et que son éclatement n’était qu’une question de temps. Pourquoi saviez-vous à l’avance ce qui allait arriver en 2023 ? Suliman Baldo : C’était une sorte de cohabitation qui était très tendue. À la fois, ils avaient besoin l’un de l’autre pour leur survie, pour leur protection mutuelle. Mais en même temps, les Forces de soutien rapide (RSF), c’était une armée concurrente à l’armée nationale. L’armée soudanaise a perdu l’habitude d’être une armée de combat crédible. Elle dépendait donc des Forces de soutien rapide pour mener les opérations de maintien de l’ordre, répressives bien sûr, là où l’armée ne pouvait pas le faire. Mais en même temps, les RSF étaient gérées d’une façon que « Hemedti » prenait bien soin des siens, il payait bien ses soldats et ses officiers, chose qui faisait monter la jalousie au sein des rangs de l’armée soudanaise. Donc, c’était une cohabitation à la fois nécessaire, mais en même temps très mal aisée. Et c’était prévisible que c’était seulement une question de temps avant que cette alliance n’éclate. Du coup, le général al-Burhan le savait aussi. Pourquoi a-t-il pris le risque de s’appuyer sur les anciens mouvements armés Janjawid au risque de cette guerre civile ? Il faut remonter aux années 2003-2004, al-Burhan, en tant que jeune officier de grade intermédiaire, était au Darfour comme dirigeant des forces des Janjawid. Donc, c’est une alliance qui remonte à cette période, à l’origine même des Forces de soutien rapide. 2l-Burhan était le commandant du corps des garde-frontières, qui a été créé exprès pour intégrer les Janjawid lorsque la pression internationale était montée sur le Soudan d’Omar el-Béchir pour faire dissoudre les Janjawid à cause des crimes qu’ils avaient commis. Donc, ils sont copains commettant des crimes depuis cette époque au Darfour. Et puis, par la suite, est venu le coup d’État contre Omar el-Bechir, lorsque la révolution des jeunes a renversé le régime d’el-Béchir. Ils étaient aussi partenaires dans la répression des sit-in, dans la répression de la protestation paisible des gens de Khartoum lorsqu’ils demandaient un retour des civils au pouvoir. Il y a eu le massacre de Khartoum le 3 juin 2019 de la part de l’armée et des Forces de soutien rapide. C’est donc une alliance qui a été dictée par les évènements. Et bien sûr, il y a le fait de l’empire financier et de l’empire commercial que se disputaient les deux armées. Est-ce qu’avec cette bataille féroce entre les anciens Janjawid de « Hemedti » et l’armée d’al-Burhane, on peut parler d’une revanche des Darfouriens de la périphérie contre les Arabes du Centre et de la vallée du Nil ? Il y a un élément de cette revanche, parce que le Soudan a toujours été dominé dans les élites au pouvoir par les populations du centre et le Soudan riverain, le long du Nil dans la partie nord du Soudan. Alors les gens du Darfour bien sûr étaient de la chair à canon. C’est pour cela que « Hemedti » disait à ses soldats en confidence : « C’est à notre tour pour gouverner le Soudan ». Ce qui est étrange, c’est que, la veille de l’éclatement de la guerre, le 14 avril, les deux généraux avaient convenu de se parler le lendemain. Qu’est-ce qui s’est passé entre le soir du 14 et le matin du 15 avril ? Il y a le facteur islamiste. Les gens de l’ancien régime d’el-Béchir, les membres des mouvements des Frères musulmans soudanais, qui s’appelaient le Mouvement islamiste du Soudan et qui contrôlaient le parti au pouvoir et le gouvernement du Soudan sous el-Béchir, certains étaient en prison, certains étaient en dehors, beaucoup s’étaient exilés en Turquie. Et ils menaient tous une opposition farouche au projet de donner au Soudan un gouvernement civil, démocratique. Et ils avaient maintenu une influence considérable au sein de l’armée soudanaise. Et je crois qu’ils ont manipulé l’armée pour mettre de l’huile sur le feu dans cette querelle entre al-Burhan et « Hemedti », pour que l’armée prenne l’initiative pour essayer d’attaquer les Forces de soutien rapide. Vous pensez que, le 15 avril, il a pu y avoir une provocation de la part des islamistes qui sont des nostalgiques du régime d’Omar el-Béchir ? Je crois bien. Il y a des fortes possibilités que ce soit une provocation des Frères musulmans, des membres du régime de Béchir. Est-ce que la solution viendra d’une réconciliation entre les deux généraux ou d’une médiation, soit de l’Arabie saoudite, soit des États-Unis, soit du Soudan du Sud ? Pas de réconciliation personnelle. Je ne m’attends pas à ce qu’il y ait de réconciliation. Et donc, la médiation est nécessaire et je crois qu’il faut compter sur l’Arabie saoudite, bien sûr, des États-Unis, parce que ces généraux soudanais font attention à ce que disent les Américains. Mais aussi, il faut faire venir l’Égypte qui a beaucoup d’influence sur l’armée régulière soudanaise. ► À lire aussi : Soudan: alors que les combats continuent, les pillages se multiplient à Khartoum
5/18/20236 minutes, 53 seconds
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«Le Sénégal reste un modèle de démocratie en Afrique», selon le ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall

Au Sénégal, le procès pour viols contre l'opposant Ousmane Sonko a été renvoyé au 23 mai, après s'être brièvement ouvert hier en son absence à Dakar. Depuis que la procédure a été lancée, elle crée de très fortes tensions dans le pays. Ousmane Sonko et ses partisans dénoncent une volonté de le mettre à l'écart de la course à la présidentielle. C'est dans ce contexte que l'ONG Afrikajom Center a publié ces derniers jours un rapport très critique sur la gouvernance du pays. Le fondateur de l'organisation était notre invité mardi 16 mai. Que lui répondent les autorités du Sénégal ? Comment réagissent-elles aux polémiques sur les affaires Sonko et sur la possibilité d'une candidature du président Macky Sall à un troisième mandat ? Notre invité mercredi matin est le ministre de la Justice et garde des Sceaux Ismaïla Madior Fall. Il est interrogé par Laurent Correau. RFI : diriez-vous, comme l'Afrikajom Center, que le Sénégal est un modèle démocratique africain en déclin ? Ismaïla Madior Fall : Le Sénégal a toujours été un modèle démocratique, pour ne pas dire une démocratie modèle en Afrique. C'est une démocratie qui n'est pas du tout en déclin. Les indicateurs sont très simples : au courant de l'année 2022, nous avons organisé deux élections importantes. D'abord les élections locales, et pendant ces élections locales, le pouvoir a perdu certaines grandes villes, dont la capitale. Ensuite, nous avons organisé les élections législatives. Aujourd'hui, quand on regarde la configuration de l'Assemblée nationale, le pouvoir a une courte majorité. C'est l'indicateur d'un système électoral performant. Aujourd'hui, quand on regarde l'état des libertés, le Sénégal est un pays où on respecte toutes les libertés. Je ne vois pas en quoi le système est en déclin, au contraire, je pense que le modèle démocratique tient bon et que le Sénégal reste encore un modèle de démocratie en Afrique. L'affaire qui cristallise toutes les tensions à l'heure actuelle, ce sont ces procédures judiciaires qui visent l'opposant Ousmane Sonko. Que répondez-vous à ceux qui estiment que la justice a été activée pour l'empêcher d'entrer dans la course à la présidentielle ? Mais c'est un scénario tout à fait classique : à chaque fois que des hommes politiques dans tous les pays du monde ont été mêlés à des affaires judiciaires, on a suspecté ou soupçonné le pouvoir d'instrumentaliser la justice pour éliminer des opposants à des élections. Mais de quoi s'agit-il ici ? Il s'agit d'affaires purement privées dans lesquelles l'État n'a rien à voir. Toutes les normes, tous les standards, toutes les garanties d'un procès équitable sont aujourd'hui respectés dans ces affaires. Maintenant, si on considère que dans un État de droit, tous les citoyens sont égaux devant la loi, bien évidemment, quand vous êtes attrait ou quand vous faites l'objet d'une plainte, il faut que justice se fasse. Tout de même, Monsieur le ministre, le fondateur d'Afrikajom Alioune Tine rappelait sur notre antenne des précédents assez troublants. En 2019, des procédures judiciaires ont empêché Karim Wade et Khalifa Sall de se présenter. Là, la liste des candidats à l'élection présidentielle de 2024 risque elle aussi d'être réduite en raison de procédures judiciaires. On peut comprendre les interrogations que cela soulève. Certains estiment que l'exécutif sénégalais est en train de formater à l'avance le match présidentiel de 2024 pour permettre à son candidat, quel qu'il soit, de l'emporter… Il y a des candidats à qui on ne peut rien reprocher, des candidats qui n'ont pas maille à partir avec la justice. Mais s'il y a des citoyens candidats à la présidentielle qui malheureusement se trouvent mêlés à des affaires judiciaires, il faut bien que justice se fasse. À moins qu'on s'accorde tous maintenant sur le fait que le statut de candidat à la présidentielle accorde une certaine immunité, ou une impunité. De manière plus générale, monsieur le ministre, Afrikajom Center estime « que la crise que nous traversons avec la répression des libertés fondamentales, les arrestations et les détentions de militants politiques de l'opposition n'a jamais connu une telle ampleur dans l'histoire politique du Sénégal depuis l'indépendance ». Qu'est-ce que vous en pensez ? Mais parce que depuis l'indépendance, on n'a jamais eu autant d'individus qui s'illustrent par de nombreux appels à l'insurrection, par des diffusions de fausses nouvelle, par la déstabilisation des forces de défense et de sécurité. Lorsqu'un État se retrouve face à des mouvements insurrectionnels, à des appels à l'insurrection, à des volontés de déstabilisation massive de l'État, l'État a le choix entre croiser les bras, ou alors réagir en défendant la stabilité politique, en défendant les institutions, en défendant l'ordre républicain. C'est l'option fondamentale de l'État du Sénégal. L'un des facteurs de tension importants actuellement, c'est l'ambiguïté entretenue sur la volonté du président ou non de se présenter à un troisième mandat. Au-delà de la question de la légalité de cette candidature - qui sera tranchée, le cas échéant par les instances compétentes - que répondez-vous à ceux qui disent qu'il y a un problème de cohérence politique, dû au fait que Macky Sall, après s’être opposé à un troisième mandat d’Abdoulaye Wade, puisse envisager pour lui-même un troisième mandat ? Je ne sais pas pour l'instant si le président de la République envisage de faire un troisième mandat ou un deuxième quinquennat. Il lui appartient à lui seul de choisir le moment, de dire si oui ou non, il sera candidat à la prochaine présidentielle. Mais ce que je peux juste observer, c'est que quand Abdoulaye Wade a voulu être candidat, il y a eu des contestations sérieuses. Mais le Conseil constitutionnel avait autorisé sa candidature, et dès lors que le Conseil constitutionnel a autorisé sa candidature, le président Macky Sall lui-même a dit : « J'ai contesté la candidature, mais comme le Conseil constitutionnel reconnaît la candidature. Moi, je vais battre campagne. » Il faut quand même respecter le droit, il faut respecter le droit dit par le juge. Lorsqu'il y a une controverse comme ça, la controverse est tranchée par le juge et arbitrée en dernière instance par le peuple. Mais je vous repose ma question tout de même, Monsieur le ministre, est-ce que ça ne pose pas un problème de cohérence politique de s'être opposé à un troisième mandat d’Abdoulaye Wade, et de l'envisager pour soi-même ? Je ne pense pas, fondamentalement. Moi, je considère qu’en politique, ce qui est important, ce n'est pas fondamentalement l'histoire, ce sont les circonstances actuelles. Quelle est l'idée qu'on se fait de sa mission, de son rôle dans l'histoire dans un contexte déterminé ? Le dernier mot appartient évidemment au présent Macky Sall. ► À lire aussi : Sénégal: «Plus vite Macky Sall annoncera qu'il n'est pas candidat, plus vite il apaisera les tensions»
5/17/20235 minutes, 7 seconds
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Sénégal: «Plus vite Macky Sall annoncera qu'il n'est pas candidat, plus vite il apaisera les tensions»

Ce 15 mai, des heurts ont opposé les forces de l'ordre sénégalaises à des partisans d'Ousmane Sonko à Ziguinchor dans le sud du pays, à la veille de la comparution de l'opposant devant un tribunal pour répondre d'accusation de viols répétés. L'opposant dénonce un complot destiné à empêcher sa candidature à l'élection présidentielle. Ces derniers mois, le climat politique s'est fortement alourdi, sur fond d'interrogations autour de la possibilité d'une candidature du président Macky Sall à un troisième mandat. Dans ce contexte, le think tank Afrikajom Center publie le rapport « Le Sénégal, un modèle démocratique africain en déclin », très critique sur la gouvernance actuelle. Entretien avec Alioune Tine, directeur du think tank. RFI : Alioune Tine, pourquoi dites-vous que le Sénégal est un modèle démocratique africain en déclin. Quels sont les signes de ce déclin ? Alioune Tine : Aujourd’hui, les institutions publiques comme la justice, le Parlement, l’exécutif de façon globale, font l’objet de défiance de la part des Sénégalais. Aujourd’hui, on n’a jamais eu autant de prisonniers politiques au Sénégal, plus de 360. C’est du jamais vu. La presse n’a pas été épargnée. On n’a jamais arrêté autant de journalistes au Sénégal pour leur opinion et on n’a jamais autant arrêté les signaux de télévision au Sénégal. Tout cela fait que l’espace civique aujourd’hui se rétrécit comme peau de chagrin, les activistes, les blogueurs, les opposants politiques, tout discours dissident peut être suspect et, le lendemain, on peut se retrouver en prison. Les procédures judiciaires qui visent l’opposant Ousmane Sonko créent à l’heure actuelle de très fortes tensions dans le pays. Comment analysez-vous ces tensions ? La succession de ces affaires portant sur la même personne, qui est quand même une personne qui est un compétiteur extrêmement sérieux pour la présidence de la République. Tout cela donne l’impression auprès de ses partisans que c’est parce qu’il est crédible, parce qu’il peut être président qu’on veut tout simplement l’éliminer. C’est ce soupçon-là qui crée la tension que l’on sait. Il y a déjà un passé où des leaders politiques comme Karim, Khalifa Sall n’ont pas pu compétir en 2019 parce qu’ils ont été condamnés par la justice... Karim Wade, le fils de l’ancien président… Le fils de l’ancien président. Aujourd’hui, leur cas n’est pas encore entièrement réglé. Vous écrivez dans votre rapport que la question du troisième mandat a contribué à créer un climat de tensions, de violences et de malaise jamais connus depuis 1990. Que se passe-t-il, selon vous, autour de cette question du troisième mandat ? Le président de la République était à nos côtés en 2011-2012 pour combattre le troisième mandat d’Abdoulaye Wade. Le 23 juin, il était avec nous. On n’a jamais vu autant de personnes sortir pour contester une loi. Voilà quelqu’un qui a été élu après un combat contre le troisième mandat que voulait Abdoulaye Wade. Il arrive, il réforme, il verrouille [le nombre de mandats] et 4 ans après, il dit : je ne dis ni oui ni non, laissez le Conseil constitutionnel régler le problème. Quand il se met à hésiter, les gens se disent : « tiens, qu’est-ce qu’il y a ? ». Après avoir dit « Wade dégage », on est en train de refaire avec le F24 la même chose que ce qu’on avait mis en place avec les partis politiques, avec la société civile pour dire cette fois-ci « Macky dégage ». On n’avance pas ! Et il faut le dire, la lutte contre le troisième mandat au Sénégal, ce n’est pas une mince affaire. C’est maintenant dans l’ADN des Sénégalais de dire : Si vous avez terminé votre mandat, partez ! Plus vite, le président va dire « Je ne suis pas candidat », plus vite il va aussi apaiser les tensions politiques qu’il y a et rassurer les Sénégalais de façon globale. Vous estimez dans votre rapport que la découverte du pétrole et du gaz devient de plus en plus une malédiction pour le Sénégal parce qu’« elle semble constituer la principale cause des régressions politiques et démocratiques de ces dix dernières années ». De quelle manière, est-ce que ces perspectives qui sont plutôt des perspectives de développement pèsent sur le jeu politique ? Quand Abdoulaye Wade a voulu faire un troisième mandat, c’est parce qu’il y avait la découverte du gaz et du pétrole. C’est-à-dire que cette espèce de fantasme « Nous allons gérer le gaz et le pétrole », c’est un fantasme de certains dirigeants politiques. À l’heure actuelle aussi, le fait d’exploiter le gaz et le pétrole en 2024, ça a aussi exacerbé les choses : on ne va pas laisser aux autres le soin de gérer le gaz et le pétrole. Ça, on l’entend, ce n’est pas explicite. Mais il est évident que ça fait partie des sources de tension pour la conquête ou la conservation du pouvoir au Sénégal. Vous dites que l’impunité des crimes économiques est un véritable défi au Sénégal. Pourtant, il existe des dispositifs de lutte contre ces crimes économiques ? Mais justement, ces dispositifs sont faibles. Tant que vous êtes proches du pouvoir, vous n’êtes jamais ciblés. Mais tout de même, la faiblesse institutionnelle du pays, la persistance des crimes économiques, l’instrumentalisation parfois du droit, est-ce que ces critiques que vous formulez au pouvoir actuel ne sont pas des problèmes anciens du pays qui ont démarré bien avant que l’équipe actuelle n’arrive en fonction ? Absolument. Ce sont des questions structurelles. C’est pour cela qu’on avait fait les assises nationales. Des promesses politiques avaient été faites… le régime actuel avait fait la promesse de lutter également contre les crimes économiques. Mais quand on essaie de regarder les résultats, c’est mince. C’est ça aussi qui fait partie de la déception des gens de façon globale. ► À lire aussi : Sénégal: Ousmane Sonko sera-t-il jugé par contumace dans son nouveau procès?
5/16/20235 minutes, 7 seconds
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«L'Afrique, le prochain califat?»: jihadisme sur le continent, le regard du chercheur Luis Martinez

Peut-on combattre efficacement le jihadisme sans comprendre quelles sont les dynamiques sociales sur lesquelles il s'appuie ? La question traverse le dernier livre du chercheur Luis Martinez, directeur de recherche au CERI, le Centre de recherches internationales. L'ouvrage, sous un titre provocateur, L'Afrique, le prochain califat ?, analyse méthodiquement les raisons pour lesquelles les groupes jihadistes parviennent à toucher des zones de plus en plus importantes sur le continent... et il insiste sur l'ancrage local qui permet aux groupes radicaux islamiques de s'étendre en Afrique depuis dix ans. RFI : Luis Martinez, est-ce que depuis une décennie les groupes jihadistes se déplacent dans la zone sahélienne, ou est-ce qu’on a des indicateurs précis du fait qu’ils étendent leur emprise sur les territoires du Sahel ? Luis Martinez : On a un épicentre qui était très clairement le nord du Mali, puis ensuite le centre du Mali. On n’a pas un déplacement, on a plutôt un élargissement de leur influence. À l’heure actuelle, on a des territoires qui sont gérés, administrés avec une interprétation de la charia, l’imposition de la zakat, et les jihadistes n’ont pas vraiment conquis ces territoires, ces territoires étaient souvent abandonnés, vides institutionnellement. On avait très peu de représentants de l’État, très peu d’investissements publics, très peu de liens finalement avec le pouvoir central. Donc ces groupes jihadistes ont finalement occupé des espaces qui étaient relativement peu défendus par les États. Et de combien de combattants jihadistes parle-t-on dans cette région ? Aujourd’hui, les chiffres qui sortent et qui semblent faire à peu près l’unanimité, c’est à peu près 15 000 combattants jihadistes. Il faut savoir qu’au début de l’intervention française Serval, on parlait de peut-être un millier de jihadistes, donc dix ans après, on a une très forte progression. Et puis, surtout, ce qu’il faut avoir à l’esprit, c’est que derrière ces combattants, ce sont en fait des milliers de familles, qui soutiennent individuellement chacun de ces combattants. Et qu’est-ce qui explique justement cette capacité à recruter, cette capacité à s’étendre ? Alors ce qui fait qu’on les rejoint, c’est que ces groupes offrent une forme de protection et de sécurité, dans un environnement qui devient chaotique, violent, etc. Donc on a des armes, on a des motos pour circuler, on a des ressources. La deuxième explication, c’est que les groupes contribuent aussi sur le plan de l’économie à redéfinir des écosystèmes, on se réapproprie des territoires qu’on estimait lésés sur le plan de la gestion, que ce soient des forêts, des lacs... Les jihadistes sont des acteurs parmi de nombreux autres acteurs sur place, mais leur force, elle est quand même de s’installer, d’écouter, de prendre la mesure des conflits dans les territoires où ils s’installent, et d’offrir des solutions, à travers des tribunaux islamiques, donc ils font appliquer la justice, parfois il n’y en avait pas, c’est une justice traditionnelle, etc. Ils essaient de répondre à des problèmes de sécurité, des éleveurs qui voient leur bétail volé par d’autres, ils essaient de réguler cela, tout cela modifie la donne et rend très difficile une réponse militaire à ce type de problèmes. Alors vous nous expliquez que les jihadistes offrent des solutions à des communautés locales, et que c’est l’une des raisons de leur extension. Mais est-ce que dans le même temps, la stratégie de la violence extrême qui est pratiquée par ces groupes contre les communautés ne fragilise pas leurs efforts vis-à-vis des populations ? Bien sûr, c’est toute l’ambiguïté des groupes jihadistes et de leur « modèle ». Il est clair que l’adhésion est une adhésion par défaut d’alternatives, c’est-à-dire que quand les groupes jihadistes sont là, vous êtes avec eux ou contre eux. Il n’y a pas trop de choix en fait. Si vous êtes avec eux, vous avez « l’intelligence » pour survivre de correspondre à ce qu’ils attendent, ou vous fuyez, comme ça a été le cas de centaines de milliers de personnes qui estimaient que leurs conditions de vie ne pouvaient plus être suffisamment défendues pour pouvoir se maintenir. Si les États étaient en capacité de répondre sur des sujets aussi importants que la justice, l’économie, la place du religieux dans le quotidien des gens, etc., on aurait sans doute beaucoup plus de résistance, d’une part, et beaucoup moins de facilités à se dire : de toute manière, si on n’est pas avec eux il n’y aura personne pour venir nous défendre. Alors il y a une part de responsabilité, vous le pointiez à l’instant, des États locaux. On comprend aussi, en vous lisant, que la communauté internationale n’a pas apporté non plus la bonne réponse à cette progression de l’islamisme radical. « Après une décennie d’erreurs, écrivez-vous, la France comme l’Europe doivent tirer les leçons de leurs échecs face aux groupes jihadistes et repenser leur stratégie. » Quelles ont été, selon vous, ces erreurs ? Il y en a au moins deux : on a, premièrement, fait un diagnostic qui était erroné, c’est-à-dire qu’on a pensé que les jihadistes étaient d’abord un produit d’importation du Moyen-Orient, avec une conquête territoriale, et que finalement, il fallait les chasser un peu comme ailleurs. Non, les jihadistes, c’est une problématique endogène : les gens sont du terroir, ce sont des locaux, ce sont des citoyens maliens, nigériens, burkinabè, ce ne sont pas des étrangers qui arrivent comme cela. La deuxième erreur, c’est d’avoir considéré que face à ce diagnostic erroné, il fallait répondre par des politiques de défense vraiment très traditionnelles. La France arrive avec son passif. Elle est perçue d’abord comme une République laïque, ensuite comme une ancienne puissance coloniale, et elle a ses racines chrétiennes, donc tout cela faisait que pour les jihadistes, c’était littéralement du pain béni d’avoir la France venir jouer ce rôle de gendarme anti-jihadiste. C’était la dernière chose que nous avions à faire. On aurait davantage dû, ce qui aujourd’hui semble se décider, laisser les États de la région assumer la défense de leur territoire, les accompagner, les soutenir, les informer, les renseigner, faire un travail plutôt « à l’arrière », laisser vraiment les États faire le travail, mais pas du tout faire ça à leur place.
5/15/20235 minutes
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Soudan: Volker Perthes (ONU) réclame «un cessez-le-feu stable et sûr pour les citoyens»

L'Invité Afrique ce dimanche matin est l'envoyé spécial de l'ONU pour le Soudan et chef de la mission Unitams. Volker Perthes, espère toujours que la trêve humanitaire se concrétise sur le terrain à Khartoum et met en garde contre une escalade du conflit. Il affirme que les discussions continuent à Djeddah, le but étant d'arriver à un cessez-le-feu. Il lance un ultime appel aux deux belligérants pour cesser immédiatement les combats à Khartoum. Volker Perthes joint par Houda Ibrahim.  RFI : L’accord de Djeddah est un accord uniquement humanitaire, un accord a minima. Il a même déjà été violé, est-ce que pour vous, c'est un demi-échec ? Volker Perthes : Ce n’est pas un échec, ni un demi-échec. Les attentes sont toujours très élevées au Soudan et même dans certains autres endroits. Disons que cette entente sur les principes humanitaires est un premier pas, pour ce qui pourrait devenir un accord stable et réel de cessez-le-feu. Jusqu'à présent, près d'un mois après le début de la guerre, nous n'étions pas encore parvenus à un accord conjoint des deux côtés sur une trêve, et cette fois, il y a un accord sur quelque chose, même s'il se limite aux seuls principes humanitaires. Il y a un accord pour continuer les pourparlers, et cela est peut-être plus important. Est-ce que l’échec successif des cessez-le-feu ne doit pas obliger la communauté internationale à prendre des mesures plus contraignantes contre les deux parties ? Forcer les deux parties à appliquer les trêves en passant par l’ONU ou par nos partenaires de l'Union africaine ou de l'IGAD est presque impossible. Si vous voulez parler d’une résolution internationale contraignante, cela appartiendra aux membres du Conseil de sécurité et non pas au secrétariat de l'ONU de le faire. Mais, disons que ce qui importe maintenant, c'est de parvenir à un accord sur un cessez-le-feu avec un mécanisme de surveillance et de contrôle. Si nous obtenons un mécanisme convenu, nous aurons des moyens supplémentaires pour mettre en œuvre un tel accord. Allez-vous pouvoir mettre en place un tel mécanisme de surveillance des trêves ou du cessez-le-feu ? C'est ce que nous attendons des médiateurs saoudien et américain. Que la discussion soit bel et bien engagée et qu’elle soit sérieuse sur la mise en place d'un mécanisme de contrôle et de surveillance d'un cessez-le-feu. Les discussions de Djeddah se poursuivent. À quel horizon les premières aides humanitaires pourront-elles rejoindre Khartoum ? Comment va s’organiser l’aide humanitaire ? Le flux d'aide vers Port-Soudan a déjà commencé. Mais la distribution de cette aide semble poser problème. Des problèmes de sécurité en premier lieu, car comment les citoyens de Khartoum accèdent-ils aux établissements de santé et aux établissements humanitaires ? Et comment ces établissements accèdent-ils à une aide médicale ou toute autre aide des Nations unies ? Nous avons besoin de couloirs sûrs et besoin d’une trêve humanitaire. Si les combats continuent, il nous sera impossible d'atteindre les citoyens ou les installations humanitaires, à Khartoum ou ailleurs. Parallèlement, nous étudions l'envoi de ravitaillement au Darfour via le Tchad. Les pourparlers se poursuivent avec les autorités tchadiennes. Vous avez mentionné ces derniers jours la présence de mercenaires étrangers dans les rangs des Forces de soutien rapide. Qui sont-ils et avez-vous une idée de leur importance, sachant que les deux parties se livrent aussi à une guerre de l’information ? J'ai parlé de ceux qui recherchent des opportunités et qui disent qu'ils soutiennent telle ou telle partie au conflit, mais je n'ai aucune preuve de l'intégration de ceux qui recherchent des opportunités, ou de mercenaires, au sein d'une force donnée, et je n'ai pas de chiffres. Nous ne sommes pas une agence de renseignements, et je crois que les États membres de l'ONU, qui sont actifs dans la région, possèdent plus d'informations. Avez-vous connaissance de la présence d’enfants soldats étrangers engagés dans les combats ? Pendant longtemps, il y a eu de nombreux enfants de moins de dix-huit ans dans plus d'une force ou organisation armée au Soudan. Même avant le début du conflit actuel, nous avons travaillé avec presque toutes les forces sur le terrain, en coopération avec l'Unicef. Nous avons même pu, quelques jours avant la guerre, retirer certains de ces enfants des différentes forces où ils sont utilisés. Nous ne parlons pas d'une organisation armée ou d'une force spécifique. La plupart des organisations armées au Soudan utilisent encore des enfants. Vous avez déclaré que le maréchal libyen Khalifa Haftar était impliqué aux côtés des Forces de soutien rapide, mais que son soutien n’était pas décisif ? C'est vrai, c’est ce que j'ai dit. Mais les choses bougent, bien sûr. Malheureusement, et encore une fois, je n'ai pas d'informations basées sur les services de renseignements et je n’ai pas d’informations précises à cet égard. Des pays de la région, en l’occurrence les Émirats et l’Égypte, sont engagés, d’une manière ou d’une autre, aux côtés des parties en lutte au Soudan. Quelles sont vos informations et quel est votre message aux pays impliqués dans cette crise ? Tout d'abord, M. le Secrétaire général a clairement indiqué que la crise au Soudan peut affecter les pays voisins, et des tensions ont commencé dans ces pays, notamment avec les vagues de réfugiés et de déplacés. Car un certain nombre de pays voisins sont pauvres et vivent dans des situations dangereuses. Tous les pays voisins ont aidé les déplacés et les réfugiés, quoique de manière différente. Le secrétaire général des Nations unies a mis en garde contre le danger d'entraîner certains pays dans le conflit soudanais, et je partage son inquiétude. Si la guerre continue, elle risque de se transformer en une crise régionale. Qu’est-ce qui fait que des combats violents ont éclaté également au Darfour de l’Ouest, à Al-Geneina surtout ? Malheureusement, ce n'est pas la première fois que nous voyons des affrontements à Al-Geneina, et plus largement dans l'ouest du Darfour. Des tensions de longue date entre différents groupes existent. Les deux parties qui se combattent sont au Darfour. La raison principale pour cette reprise des affrontements réside dans l'absence des forces de sécurité sur lesquelles les citoyens peuvent compter. Elles sont préoccupées par la guerre à Khartoum. Et ce sont les forces censées se soucier de la sécurité du citoyen. Il y a un véritable chaos dans certaines parties du Darfour, y compris à Al-Geneina. Des témoins d'Al-Geneina nous ont affirmé que des éléments armés venant de la Centrafrique, du Niger et du Tchad appartenant à la même tribu que le chef des Forces de soutien rapide ont traversé la frontière et sont entrés jeudi à Al-Geneina... Si c'est le cas, c'est très dangereux. Presque tous les groupes sociaux du Darfour s'approvisionnent depuis l'Afrique centrale, depuis la Libye et depuis le Tchad… Il y a des mouvements saisonniers entre le Tchad et le Darfour. Il est donc parfois difficile de faire la différence entre ceux qui sont Soudanais et ceux qui sont Tchadiens, car ils appartiennent à une tribu située des deux côtés de la frontière. Mais vous avez raison, chaque flux frontalier qui vise à faire évoluer la situation ou à piller est très dangereux et rajoute de l'huile sur le feu. Quel est votre message aux belligérants au Soudan ? Je veux juste répéter ce que je dis presque tous les jours depuis le début des combats aux deux camps qui s’affrontent : vous devez être conscients que même si vous obtenez une victoire militaire, après une longue bataille, cela peut entraîner la perte du pays. Donc cette guerre doit se terminer immédiatement. Commençons par un cessez-le-feu stable et sûr pour les citoyens.
5/14/20234 minutes, 59 seconds
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Présidentielle en Turquie: Ankara «conservera un intérêt fort pour l’Afrique», estime le chercheur Jean Marcou

Et si la Turquie changeait de politique étrangère ? C’est l’un des enjeux de la présidentielle qui oppose ce 14 mai 2023 le chef de l’État sortant Recep Tayyip Erdogan et l’opposant Kemal Kiliçdaroglu. Quels sont les enjeux de ce scrutin pour les partenaires de la Turquie en Afrique, notamment en Libye ? Jean Marcou est professeur à Sciences Po Grenoble et chercheur associé à l’Institut français d’études anatoliennes d’Istanbul. RFI : Jean Marcou, comment la Turquie a-t-elle réussi sa percée en Afrique ces dernières années ? Jean Marcou : C’est une percée économique qui s’est aussi bâtie sur un fort activisme diplomatique, avec l’organisation de déplacements réguliers à un haut niveau politique. Le président de la République actuel fait au moins une tournée africaine par an, quand ce n’est pas deux, avec l’organisation de sommets turco-africains en Turquie. Comme celui de décembre dernier à Ankara… Voilà, exactement. Et donc, on a finalement une diplomatie de fond qui s’est mise en route, et cela irrigue les relations économiques et commerciales. Et puis, je crois qu’il y a aussi un soft power important, qui s’est fait à la fois sur le plan religieux et sur le plan des transports en particulier, avec le succès de la Turkish Airlines, qui fait d’Istanbul une sorte de hub de la Turkish Airlines vers l’Afrique. Et pour finir, depuis quelques années maintenant, il y a aussi une intensification des liens militaires entre la Turquie et l’Afrique, notamment avec le succès des drones. La Turquie vend maintenant des drones à un grand nombre de pays africains. Dans ses discours, Recep Tayyip Erdogan tient souvent des propos anti-impérialistes, donc anti-occidentaux. Comment la Turquie de 2023 parvient-elle à faire oublier qu’elle a occupé elle-même toute l’Afrique du Nord, à l’exception du Maroc, pendant plusieurs siècles ? Je crois qu’il y a là un prisme qui est proprement turc. Parce que, finalement, les Turcs considèrent que l’empire ottoman était un califat, c’est-à-dire unifiait, en quelque sorte, les musulmans. Ils n’ont pas une approche coloniale de leur présence en Afrique. Les Turcs ne considèrent pas cette présence ottomane en Afrique du Nord comme une colonisation, alors qu’elle l’a été et qu’effectivement, elle a aussi provoqué la nahda à partir de la première moitié du XIXe siècle. Notamment en Égypte ? Voilà, notamment en Égypte. Il y a là probablement un biais, essayant de présenter la Turquie comme un pays non-aligné, en quelque sorte, avec lequel les Africains peuvent avoir des relations confiantes. D’où la petite phrase du président Erdogan, devant les Nations unies il y a neuf ans, « le monde est plus grand que cinq », par allusion, bien sûr, au Conseil de sécurité. En 2020, c’est l’armée turque qui a arrêté l’offensive du maréchal Haftar sur Tripoli. Est-ce qu’il y a une compétition encore aujourd’hui entre la Turquie et Wagner, en Libye ? De ce point de vue-là, j’ai l’impression que, pour l’instant, les positions sont un petit peu figées et que, justement, elles dépendent aussi d’un conflit qui n’est pas réglé. Et les principaux acteurs, même s’ils esquissent parfois des rapprochements qui peuvent paraitre spectaculaires, sur le fond n’ont pas encore véritablement surmonté leurs désaccords. Dans une interview à Joséphine Dedet, de Jeune Afrique, le conseiller diplomatique du principal challenger du président Ergodan, Kemal Kiliçdaroglu, dit que, si l’opposition arrive au pouvoir, il n’y aura plus cette ingérence dans les affaires libyennes, et que la Turquie redeviendra impartiale. Est-ce que c’est crédible ? Oui, je dirais que cette prise de position, elle est d’abord dans la doctrine du courant politique auquel appartient Kemal Kiliçdaroglu, c’est-à-dire le kémalisme. C’est un courant politique qui a prêché, finalement même lorsque la Turquie est entrée dans des alliances comme l’Otan, avant tout l’idée qui était celle de Mustafa Kemal Atatürk : c’est-à-dire celle de l’indépendance nationale. Et elle a généré une posture diplomatique de la Turquie, pendant des décennies, qui était une posture assez prudente : ne pas s’engager sur des terrains extérieurs et observer. Cette doctrine était celle de la politique étrangère kémaliste : paix dans le monde, paix dans le pays. Mais l’intérêt de la Turquie pour l’Afrique n’a pas commencé avec l’AKP [parti au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan, Ndlr]. Il y a un plan pour l’Afrique qui avait été défini dès 1998, donc on peut penser que, quel que soit le gouvernement, quel que soit le président qui sortira des urnes dimanche, la Turquie continuera d’avoir une politique africaine. Ce qui est vrai, c’est que, probablement, cette politique africaine risque d’être amendée sur un certain nombre de points. Peut-être justement sera-t-elle moins critique vis-à-vis des Occidentaux, peut-être sera-t-elle moins militaire… Mais on peut penser quand même que la Turquie conservera un intérêt fort pour l’Afrique.
5/12/20237 minutes, 23 seconds
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Inondations en RDC: «Il faut une réponse humanitaire et du gouvernement à la hauteur de la catastrophe», alerte MSF

Ce sont des témoignages terribles qui remontent au fil des jours de la zone de Kalehe, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), où des pluies torrentielles ont provoqué des glissements de terrain et une coulée de boue dévastatrice. Les chiffres donnent le vertige : on parle encore de milliers de disparus et de déplacés. Les secours sont à pied d'œuvre pour retrouver les corps et soulager les vivants. Parmi les organisations présentes sur le terrain, Médecins sans frontières (MSF), qui a évacué des blessés graves et soutient les structures sanitaires locales. Sébastien Loth est son chef de mission pour le Sud-Kivu et le Maniema.  RFI : Sébastien Loth, on parle de 5 000 disparus, des centaines de corps ont déjà été retrouvés. Que s’est-il passé et comment expliquer ce bilan ? Sébastien Loth : Nous faisons face réellement à une catastrophe. Il y a eu de très fortes pluies, qui ont touché la zone du territoire de Kalehe la nuit du 4 au 5 mai. Ces pluies ont entrainé une augmentation des eaux au niveau des rivières qui sont avoisinantes, l’eau a débordé et a tout emporté sur son passage. Ce sont des villages qui sont à flanc de montagne, qui sont aussi au bord du lac Kivu, donc l’eau a augmenté, et emporté les habitations, les champs, le bétail, ainsi que les habitants.   Donc on parle vraiment de rivières qui sont sorties de leur lit, c’est ça la principale cause de ce qui est en train de se passer ? C’est l’une des principales causes. On va dire qu’il y a aussi le fait que la plupart des habitations ne sont pas très solides, ce sont des habitations en bois, ou des murs en terre, qui ont été facilement emportés. Il y a eu des éboulements, donc l’eau a bougé les rochers, a bougé une partie de la montagne sur le village et l’a emporté. Quelle est l’ampleur de la zone concernée ? Est-ce qu’on parle d’un village, d’un ensemble de villages, de tout un territoire ? On parle d’un ensemble de villages, c’est principalement deux aires de santé : l’aire de santé de Bushushu, et l’aire de santé de Nyamukubi. Plus de 15 000 habitants. Est-ce que les secours parviennent à retrouver des survivants encore maintenant ? Ou est-ce qu’il s’agit plutôt à l’heure actuelle de rechercher les corps ? À l’heure actuelle, c’est principalement rechercher les corps malheureusement. On n’a pas retrouvé de survivants dans les derniers jours, et actuellement, il y a peu d’espoir de retrouver encore des personnes vivantes, ou même des blessés. Ce sont principalement des habitants qui ont été ensevelis sous des kilos de boue, qui ont été entrainés jusqu’au lac Kivu, qui potentiellement se sont noyés en arrivant au niveau du lac Kivu, donc très peu de chances malheureusement de retrouver des survivants à l’heure actuelle. Beaucoup de personnes ont été entrainées comme ça, par le flot de boue vers le lac Kivu ? Oui, les autorités ont repêché un certain nombre de corps au niveau du lac Kivu. Encore aujourd’hui, quinze corps ont été repêchés. La veille, plus de 120 corps avaient été retrouvés au niveau du lac Kivu, sur l’île qui est en face du secteur qui avait été touché. À quelles scènes vos équipes assistent-elles sur place, pendant ces opérations ? Il y a des kilomètres de boue. La plupart des maisons ont été emportées. On parle de plus de 2 000 logements qui ont été emportés dans la ville de Bushushu, un chiffre équivalent au niveau de Nyamukubi. La ville de Nyamukubi a été rasée aux trois quarts, celle de Bushushu à 50%. On observe aussi dans les rues des habitants désœuvrés, des enfants qui ont perdu leurs parents, qui marchent dans les décombres, donc c’est une vraie scène de désolation. Quelles sont les difficultés auxquelles les équipes humanitaires font face dans les zones concernées ?   Déjà, il y a la problématique de l’accès. La boue a coupé la route qui mène entre Bushushu et Nyamukubi. La route qui permet, depuis la capitale de la province, Bukavu, d’atteindre Nyamukubi a été complètement coupée. Donc le seul moyen d’atteindre cette zone est de passer par la voie lacustre, donc de prendre un bateau, ce qui complique énormément l’assistance. De plus, au niveau des structures médicales qui sont présentes, elles ont été complètement surchargées avec un grand nombre de blessés, et avec peu d’intrants médicaux pour soigner les patients. Où sont les survivants, Sébastien Loth ? De combien de déplacés parle-t-on dans cette crise ? C’est une question à laquelle il est assez difficile de répondre car la zone comprend 15 000 habitants. Mais il y avait également des populations qui étaient là la veille de la catastrophe pour le marché, donc la zone était beaucoup plus peuplée à ce moment-là. Il y avait aussi des populations déplacées, qui avaient été déplacées depuis le Nord-Kivu récemment. Un chiffre exact est difficile à estimer. Mais on parle de plusieurs milliers de déplacés. Actuellement, les survivants sont soit réfugiés dans les collines avoisinantes, dormant à la belle-étoile ou occupant les restes des maisons qui sont encore debout. Certains se sont déplacés dans les villages avoisinants, mais un chiffre exact n’est pas clair. La coordination des affaires humanitaires de l’ONU, OCHA, estime à près de 3 000 le nombre de familles sans abri. Est-ce également le chiffre sur lequel vous travaillez ? Oui, nous pensons que c’est même un minimum. Quelles sont vos principales craintes pour la suite ? Il y a un fort risque d’épidémie. Nous sommes dans une zone où le choléra est endémique. Il y a aussi le fait que beaucoup de cadavres sont encore ensevelis sous la boue, ce qui pourrait accentuer la propagation de maladies. Il y a aussi la problématique de la réponse, ce sont des populations qui ont absolument tout perdu, donc il faut une réponse humanitaire et du gouvernement à la hauteur de la catastrophe, pour apporter nourriture, eau et besoins de première instance.
5/11/20234 minutes, 59 seconds
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Salon international du livre d'Abidjan: «Près de 50% de la population est alphabétisée»

La capitale économique ivoirienne accueille depuis le 9 mai et jusqu'au 13 mai, le Salon international du livre d'Abidjan (Sila). Le grand rendez-vous du livre ivoirien dans toute sa diversité et toutes ses formes. Qui sont les amoureux du livre en Côte d'Ivoire, que lisent-ils et comment lisent-ils ? Entretien avec Sarah Mody, la directrice éditoriale des toutes jeunes éditions Nimba. RFI : Qui sont les lecteurs ivoiriens ? Quel portrait auriez-vous envie de faire d’eux ? Sarah Mody : Les lecteurs ivoiriens aujourd’hui ont de multiples visages : cela peut être le fonctionnaire qui a une quarantaine d’années et qui passe en librairie après le travail pour acheter un livre pour son week-end, cela peut être le jeune étudiant qui va aller après ses cours à l’université, qu’il soit à Bouake, Korhogo, San Pedro, et qui va passer en librairie par terre ou dans une librairie officielle pour prendre un livre qui a été ordonné par le professeur, cela peut être aussi une femme qui va chercher des outils pour accroître ses compétences pour trouver un emploi… Aujourd’hui, les lecteurs ivoiriens, c’est tout le monde. Premièrement, tous ceux qui sont alphabétisés - on frise 50 % de la population, donc c’est déjà la moitié - et potentiellement aussi, ceux qui sont en passe de le devenir. Est-ce qu’en Côte d’Ivoire aujourd’hui, on lit seulement à Abidjan ou est-ce qu’on lit aussi à l’intérieur du pays ? Est-ce que le livre est accessible à l’intérieur du pays ? C’est vrai qu’on voit souvent la Côte d’Ivoire et la croissance en Côte d’Ivoire à travers le prisme d’Abidjan, qui est une mégalopole, qui concentre plus de six millions d’habitants. Toutes les maisons d’édition qui naissent aujourd’hui en Côte d’Ivoire naissent à Abidjan, mais le lecteur lui par contre, il est disséminé. Le défi, c’est d’aller vers lui. Nous, dans l’expérience de Nimba Editions, en sortant des librairies, on a proposé des livres en dehors d’Abidjan, notamment à San Pedro, à Korhogo, à Abengourou. Et les chiffres qui sont sortis de ces expériences - qui ont autour de 2 ans - nous montrent que le lecteur en province est aussi connecté, aussi au fait des sorties que l’Abidjanais, qu’il demande aussi des livres du même acabit et surtout, dès que le livre est accessible, c’est quelque chose vers lequel il va. Qu’est-ce qui se lit actuellement en Côte d’Ivoire, qu’est-ce que les lecteurs ivoiriens recherchent le plus ? Les parents vont vraiment vers une offre très diversifiée. Ils veulent vraiment proposer à leurs enfants un panel très large de tous les livres qu’on peut leur proposer. Donc, ils vont vers des livres documentaires, de l’album, du livre musique sonore. Et le public plus adulte, aujourd’hui, on dira qu’il est très « pratique » dans tous les sens du terme, c’est-à-dire qu’il va vers une offre qui va lui donner des compétences, qui va l‘aider par exemple à mieux parler, qui va l’aider à chercher du travail, qui va l’aider à acquérir des compétences en marketing, qui va l’aider à améliorer aussi sa vie, qui va être axé sur le bien-être, la santé. Donc, ça va être des lectures qui sont pratiques et qui vont tout de suite avoir un impact sur le quotidien et aussi sur la romance, la romance locale c’est-à-dire qu’on rêve d’amour, mais on rêve d’amour tropical. On est vraiment sur des collections qui fonctionnent, mais qui donnent à voir des couples africains. Il y a un type de lecteur intéressant, puisqu’il y a une demande particulière en matière de contenu, ce sont ces « repats », ces personnes d’origine ivoirienne qui sont de retour au pays. Que veulent lire ces « repats » ? Les « repats » sont très en demande de littérature jeunesse qui leur permette de faire de la transmission des cultures ouest-africaines. Il y a une vraie attente de livres qui vont partager un peu d’histoire, qui vont partager un peu de culture, qui vont aussi donner envie à leurs enfants de découvrir le pays dans lequel ils vivent à présent et d’aller plus loin aussi dans le plaisir de la lecture. Ils ont l’habitude « d’une certaine offre éditoriale », ils sont consommateurs de livres importés et ils attendent des livres édités sur place qu’ils offrent quelque chose d’équivalent, mais avec ce petit plus de culture locale. Quelle est la part que prend le livre numérique dans la lecture en Côte d’Ivoire ? Le livre papier est encore roi dans la production éditoriale en Côte d’Ivoire, mais il y a évidemment une population qui est extrêmement jeune, qui est équipée, qui est très connectée et elle l'est par son téléphone. L’idée pour nous, c’est évidemment d’amener le livre dans le téléphone. Donc, très vite, l’offre que nous avons proposée physiquement a été en parallèle proposée sur une plateforme numérique à des prix qui sont modiques. Les formules qui marchent aujourd’hui sont des formules d’abonnement, qui permettent de lire à partir de 150 francs CFA [0,23 euro] l’abonnement, [qui permettent] d’avoir accès à des catalogues d’éditeurs africains. De Dakar, par exemple, je peux lire des livres qui sont parus au Cameroun. D’Abidjan, je peux lire des livres parus au Maroc. Et là, on brise toutes les frontières et on peut, en un clic, lire le roman qui est paru hier dans telle capitale ouest-africaine. Il y a un genre qui connait un renouveau relativement inattendu, c’est celui du conte. Que se passe-t-il pour le conte dans la littérature jeunesse ? C’est l’art premier du récit et c’est quelque chose qui est très ancré dans nos cultures locales. Plusieurs maisons proposent des choses : Il y a des contes à colorier, il y a des contes qui sont interactifs. Il y a vraiment dans le paysage ivoirien beaucoup de choses qui sont faites pour dire « voilà, on a ce patrimoine-là, dépoussiérons-le. Il enchante les oreilles des petits et des grands ». Il y a vraiment une diversité éditoriale sur ce genre très précis. ► À lire aussi : Des librairies oui, mais des livres encore trop chers!
5/10/20234 minutes, 51 seconds
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Jean Todt au Sénégal: «Il faut expliquer que la route est dangereuse»

Ancien co-pilote de rallye et figure de la Formule 1 devenu envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour la sécurité routière, Jean Todt vient d’achever une tournée au Sénégal et en Côte d’Ivoire, deux pays endeuillés récemment par des accidents particulièrement meurtriers. Comment parvenir à l’objectif de réduire de moitié les victimes de la route d’ici à 2030, notamment sur le continent africain ? Faut-il privilégier la prévention, les sanctions ? Entretien avec Jean Todt. RFI : La route tue plus en Afrique que dans le reste du monde. Selon l’ONU, on y déplore autour de 25% du nombre de victimes alors même que le continent concentre à peine 2% du parc automobile mondial. Comment l’expliquez-vous ? Jean Todt : Pour faire une comparaison, pour une population de 100 000 habitants, il y a 25 morts tous les ans en Afrique, comparé à l’Europe, il y a 5 morts pour 100 000 habitants. C’est échelle par cinq. Les raisons sont le manque d’éducation, l’application des lois, la qualité des véhicules, la qualité des routes, la qualité des secours. Cette situation doit changer. Vous dites, on connaît les solutions, elles existent. Quelles sont-elles ? Il y a des choses extrêmement simples comme attacher sa ceinture de sécurité, non seulement pour le conducteur, mais pour également les passagers avant et arrière. Le port du casque : si vous sortez de cette pièce où nous sommes, vous allez voir tous les deux-roues sans casque. Les quelques casques que vous pouvez voir, souvent ne sont pas aux bonnes normes. C’est plus une casquette qu’un casque. Donc là, éduquer et faire appliquer les lois, parce que la loi existe : le port du casque est obligatoire, le contrôle de la vitesse, le fait de téléphoner en conduisant, le fait d’être sous l’influence de l’alcool ou de la drogue en conduisant. Si on arrive à contrôler ces éléments, on atteindra l’objectif de diviser par deux le nombre de victimes. Vous dites, ce sont des solutions simples. Mais certaines ne le sont pas tant que ça ou en tout cas demandent des moyens. Par exemple, la vétusté des véhicules. C’est un fait, le parc automobile ici au Sénégal ou dans la région demande des moyens pour le renouveler, l’état des routes également, le contrôle de la vitesse. Ça, ce sont des investissements… Vous avez raison pour les véhicules, vous avez raison pour les routes. Par contre, le contrôle de la vitesse, il peut commencer aujourd’hui. Il suffit d’avoir une police diligente et de pouvoir acheter quelques radars, de toutes les manières qui seront rapidement compensés par les pénalités qu’auront à payer tous les offenseurs de la route. Au niveau du parc, il y a deux aspects. Il y a des véhicules anciens qui sont déjà dans le pays, donc, là, il faut procéder à des contrôles techniques. Puis, il y a des véhicules qui sont importés, il faut effectuer un contrôle avant que le véhicule soit rendu disponible aux futurs acheteurs. Il y a aussi la problématique, on l’a vue ici, des pneus importés d’occasion, les pneus usagés, interdits depuis récemment. Cela aussi, c’est quelque chose que vous retrouvez dans d’autres pays ? Bien sûr. Là, il faut faire également appel au secteur privé, engager les manufacturiers, les fournisseurs de pneumatiques. Puis, beaucoup de gens ne savent pas qu’ils ont sur leur véhicule des pneus qui sont trop vétustes. Donc, il y a beaucoup d’informations à mettre en œuvre. Ici, au Sénégal, il y a eu des accidents dramatiques. Dans un plan du gouvernement en ce début d’année, l’une des mesures a été l’interdiction pour les transports de voyageurs de rouler la nuit. Est-ce que cela, pour vous, c’est une mesure efficace, directement, concrètement ? Au-delà des mesures, il faut s’assurer de l’application des mesures. Là effectivement, c’est une mesure qui a été appliquée de manière à éviter d’avoir des chauffeurs qui transportent des passagers dans un état d’endormissement, il faut que les chauffeurs aient le temps de dormir. Donc, ça me paraît indispensable. Et pour revenir à ce plan, ces 22 mesures du Sénégal, on a vu à ce moment-là des réticences notamment des transporteurs qui ont dit : "non, ça, on n’en veut pas". Le gouvernement a dû reculer sur certaines mesures. Comment faire face à ces réticences, à ces blocages ? Déjà, il y a tout le temps une réticence au changement. Ce qu’il faut, c’est expliquer que la route est dangereuse, que les gens sont vulnérables s’ils sont sur la route, que ce soient des piétons, des cyclistes, des motocyclistes ou des automobilistes. Et les changements constructifs, il faut les mettre en œuvre quelles que soient les réticences qu’il puisse y avoir. Vous insistez plus sur les sanctions que sur la prévention ? Les deux vont de pair. Il faut une bonne prévention, cela évitera les sanctions. Mais si la prévention est insuffisante ou si les gens ne veulent pas écouter, il faut des sanctions. Il faut être dissuasif. Il faut avoir peur et savoir que si on fait une erreur, il y aura des conséquences. Vous êtes un ancien copilote, ancien directeur de l’écurie Ferrari durant toute une partie de votre carrière. L’objectif a été d’aller vite, le plus vite possible. Est-ce que ce n’est pas contradictoire de demander aux gens d’aller moins vite ? Absolument pas. On va vite dans certaines conditions. Dans la Formule 1, le vainqueur c’est celui qui va avoir été le plus performant. Mais par contre, quand les pilotes de Formule 1 s’arrêtent pour ravitailler, passent par la voie des stands, il y a une vitesse limitée : 80 km/h. Et s’ils sont à 81 km/h, ils sont pénalisés, ils ont perdu la course. C’est de la discipline. ► À lire aussi : Sénégal: les accidents de la route au centre de la visite de Jean Todt, ex-pilote et envoyé de l’ONU
5/9/20234 minutes, 55 seconds
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Mayotte: le président des Comores, Azali Assoumani, demande à la France «une pause» dans son plan d’expulsions

Du nouveau dans le bras de fer qui oppose Moroni à Paris sur l’île de Mayotte. Voilà deux semaines que les Comores refusent de laisser débarquer sur leur territoire les Comoriens en situation irrégulière que la France veut expulser de Mayotte. Or, le président des Comores Azali Assoumani, est de passage à Paris. En exclusivité sur RFI et France 24, il demande à son homologue français Emmanuel Macron de faire une pause dans l’opération Wuambushu, qui vise à expulser de Mayotte quelque 10 000 Comoriens en situation illégale. Le chef de l’État comorien Azali Assoumani répond aux questions de Christophe Boisbouvier et de Marc Perelman. RFI : La France souhaite expulser 10 000 Comoriens en situation irrégulière dans les semaines à venir. Vous dites ne pas avoir les capacités pour les accueillir. Mais si la France vous fournit un soutien financier, comme par exemple les 150 millions d’euros proposés en 2019, est-ce que vous seriez prêt à accueillir des personnes en situation irrégulière qui reviendraient aux Comores ? Azali Assoumani : Je ne suis pas prêt parce que la France est un pays de droit. Les gens qui sont en France ne sont pas seulement des trois îles. Il y a des Malgaches, il y a des Rwandais, il y a des Burundais qui sont là et la France accorde des droits aux gens qui sont là. Donc les gens des trois îles qui sont à Mayotte, c’est à la France de les gérer. Maintenant effectivement, puisqu’aujourd’hui il y a des Comoriens qui sont des docteurs, des professeurs à Mayotte, dans un cadre concerté, on peut faire ça pour que les gens qui viennent à Moroni aient quelque chose à faire, c’est une option qu’il va falloir approfondir. Mais je ne vais pas accepter qu’aujourd’hui, les Comoriens qui sont là-bas soient expulsés moyennant de l’argent. Il faut exclure cet aspect-là. On n’achète pas ça. Néanmoins, on est prêt à discuter dans le cadre des relations entre la France et les Comores. S’il n’y a pas d’accord, est-ce que vous ne craignez pas des représailles de Paris, financières, ou alors par exemple le gel de la délivrance des visas aux Comoriens. Il y a déjà eu un précédent en 2018. Si jamais Paris franchit ce pas, quelle serait votre réaction ? Je vous vois sourire… Je souris parce qu’effectivement, ça me fait mal, qu’on fasse un peu de chantage avec les visas. Ce n’est quand même pas à la mesure d’un pays comme la France. Elle l’a déjà fait pourtant… Justement, elle l’a fait et ça n’a pas donné de bons résultats. C’est pourquoi il vaut mieux qu’on discute pour voir effectivement ce que l’on peut faire pour qu’on puisse maintenir ces relations, dont la France en a grand besoin et nous aussi. Parce qu’effectivement, ce que la France est en train de vivre partout en Afrique, au Sahel, un peu partout, elle n’a pas intérêt à ce que ça se passe en Afrique de l’Est. Ce chantage, moi franchement, je ne cède pas au chantage. Mais je discute : vous avez votre intérêt, j’ai le mien ; on regarde comment on peut capitaliser. Donc, s’asseoir et discuter, avec cela je suis convaincu qu’on trouvera une solution. Monsieur le président, est-ce que vous avez échangé ces derniers jours ou ces dernières semaines avec votre homologue français, Emmanuel Macron ? Tout à fait, on a échangé au téléphone, par deux fois. J’ai dit, l’opération telle qu’elle a été lancée, franchement, je ne sais pas ce qu’on a à gagner. Comment aujourd’hui on annonce au vu et au su de tout le monde, avec toutes les caméras du monde qui se tournent vers Mayotte, que maintenant on expulse des Comoriens ? C’est pour cela que j’ai dit : monsieur le président, je ne suis pas d’accord. Néanmoins, si on fait une pause dans cette opération [Wuambushu], on est prêt à discuter, que ce soit entre vous et moi, ou que ce soit entre ministres pour essayer de trouver une solution ensemble. Vous êtes à Paris en ce moment. Vous allez vous voir avec votre homologue français ? C’est une possibilité, c’est une hypothèse, mais le plus sûr, c’est que les ministres vont se voir. Avec le président Macron - on s’est parlés au téléphone, donc à chaque fois je sais -, ce n’est pas impossible qu’on puisse se voir. Donc, votre ministre de l’Intérieur Fakridine Mahamoud et le ministre de l’Intérieur français Gérard Darmanin vont se voir ? Non. Justement, nous, on a dit que c’est entre gouvernement et gouvernement, parce qu’on ne veut pas poser ce problème de Mayotte et de France en tant que « Intérieur ». Nous avons dit que c’est le ministre des Affaires étrangères, le porte-parole du gouvernement - parce que la ministre de la Défense n’est pas disponible -, et le ministre de l’Intérieur qui viendront pour rencontrer leurs homologues ici pour essayer de discuter, et puis pour trouver une solution au problème. Que répondez-vous à ceux qui disent que vous faites une sorte de chantage aux migrants, un petit peu comme la Biélorussie avait pu le faire avec la Pologne, ou comme la Turquie a pu être accusée de faire avec l’Union européenne ? Je n’ai pas compris la question. Quel chantage ? Les passeurs qui laissent les gens aller à Mayotte, ce n’est pas moi. Ce sont les gens qui sont à Mayotte qui laissent les gens aller, et qui gagnent de l’argent comme cela. Moi au contraire, j’ai tout fait pour empêcher les Comoriens d’aller mourir en mer. Le problème de migration ne me concerne pas. Vous avez parlé il y a quelques jours avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, notamment pour évoquer un sommet mondial pour la Paix. C’est la première fois que vous lui parliez. Est-ce qu’on peut sérieusement imaginer messieurs Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky dans la même conférence ? Est-ce que c’est réaliste ? Rien n’est impossible. Moi j’y crois très sincèrement, à condition qu’on s’investisse réellement. Donc, j’ai reçu l’ambassadeur de Russie à Moroni, j’ai discuté avec le président Volodymyr Zelensky et j’ai dit même à l’ambassadeur de Russie que, si je condamnais la guerre, la Russie et les Comores, on est amis, mais on condamne la guerre. Et j’ai répété ça à Zelensky. J’ai dit qu’en tant que président de l’Union africaine, je vais donner tout ce que je peux donner pour qu’on puisse tenir ce sommet pour essayer réellement de trouver une solution à ce problème, et que ça soit aussi une leçon pour les autres guerres inter-États ou intra-États. Parce qu’effectivement, ce qu’on vit au Soudan, c’est quand même terrible. Je salue l’initiative des États-Unis et de l’Arabie saoudite [pour une trêve au Soudan]. En tout cas, je suis en contact permanent avec les deux généraux [le général Abdel Fattah al-Burhan et le général « Hemedti »]. On discute bien, pour essayer de les convaincre qu’à un moment donné, d’abord il faut une trêve, un couloir humanitaire, puis comment on peut mettre en place un mécanisme de dialogue entre les deux parties. Et là, la solution ne peut venir que d’une solution africaine.  
5/7/202312 minutes, 30 seconds
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Sénégal: l'histoire du boxeur Battling Siki, «un chef d'œuvre d'adaptabilité»

Oratorio pour Siki est un long poème musical écrit par l’acteur et metteur en scène Gérald Dumont et par l’artiste sénégalais Index Nuul Kukk qui combine rap, musique et théâtre. Un texte qui rend hommage au boxeur sénégalais Battling Siki, le premier Africain à avoir remporté le titre de champion du monde de boxe. Après avoir été joué à Dakar, Saint-Louis et Gandiol, le spectacle part à Nouakchott le 11 mai puis en tournée en France à partir du mois d’octobre. Entretien avec Gérald Dumont. ► À écouter aussi : Bande-dessinée : « Championzé », un hommage au parcours du boxeur africain Battling Siki
5/7/20235 minutes, 27 seconds
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Marie-Ange Mushobekwa (opposition en RDC): «Nous n’irons pas aux élections sans la refondation du fichier de la Céni»

Au Congo-Kinshasa, tout le monde s’interroge sur le positionnement de l’ancien président Joseph Kabila avant les élections de décembre prochain. Sera-t-il du côté de l’opposition ou restera t-il à l’écart du jeu politique ? L’ancienne ministre des Droits humains, Marie-Ange Mushobekwa, est membre du bureau politique du Front commun pour le Congo, le FCC, la coalition politique dirigée par Joseph Kabila, et députée. De passage à Paris, elle clarifie la position de l’ancien chef de l’État congolais au micro de Christophe Boisbouvier. RFI : Après la présidentielle de décembre 2018, il y a eu, en janvier 2019, un partage du pouvoir entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila, la présidence pour le premier, le Parlement pour le second. Mais depuis deux ans, c’est fini, Joseph Kabila n’a plus rien. Est-ce que vous avez le sentiment d’avoir été roulés dans la farine ? Marie-Ange Mushobekwa : Écoutez, après l’investiture du président Félix Tshisekedi, ce dernier avait convenu avec son prédécesseur de mettre en place une coalition politique, étant donné que c’est le FCC qui avait gagné la majorité au Parlement. La suite est connue : en novembre 2020, il y a eu un coup d’État institutionnel. Nulle part dans les textes légaux, il n’est prévu que la majorité soit modifiée en cours de législature. Cela a été fait, ça s’appelle clairement un coup d’État institutionnel. On a arraché la majorité parlementaire au FCC, au président Kabila. L’Union sacrée a été mise en place dans le but d’améliorer la gouvernance du pays. Mais deux ans et demi plus tard, vous avez constaté, d’abord, la régression de la démocratie, des libertés individuelles. Non seulement les opposants sont traqués, menacés, d’autres sont mis injustement en prison. Le Parlement est devenu la caisse de résonance du gouvernement. Les députés et sénateurs sont muselés, bâillonnés, n’ont plus le droit de s’exprimer. Les défenseurs des droits de l’Homme, s’ils ne sont pas tabassés, sont emmenés en prison. La corruption est devenue institutionnalisée. Tous ceux qui ont commis des crimes financiers vont se blanchir au sein de l’Union sacrée et ne sont pas poursuivis. Donc, ce coup d’État institutionnel n’a servi qu’à l’instauration d’une dictature qui ne dit pas son nom. Alors est-ce que c’est en représailles de ce que vous appelez ce « coup d’État institutionnel » d’il y a deux ans que vous allez boycotter les prochaines élections ? Non, pour nous, nous demandons que ceux qui siègent à la Céni [Commission électorale nationale indépendante, NDLR] au nom de l’opposition soient retirés, et que le FCC désigne ses vrais mandataires à la Céni. Nous demandons également que la Cour constitutionnelle soit un peu plus équilibrée, afin de garantir la transparence des élections. Nous demandons la refondation, carrément, du fichier de la Céni. Est-ce que monsieur Kadima [président de la Céni, NDLR] pense aux conséquences politiques et sociales des actes qu’il pose ? Alors, si toutes vos demandes ne sont pas satisfaites, est-ce que vous irez quand même aux élections, ou pas ? La logique veut qu’on n’y aille pas. On n’ira pas aux élections si toutes ces demandes ne sont pas satisfaites. Et du coup, si vous n’y allez pas, est-ce que vous allez appeler vos partisans à voter pour un autre candidat à la présidentielle ? Nous ne sommes pas concernés par ce processus électoral. Et toutes nos revendications ne sont pas insolubles. Nous savons que c’est une question de volonté politique, et nous ne sommes pas les seuls. Vous avez suivi dernièrement, à Lubumbashi, d’autres leaders politiques de l’opposition ont rejoint les revendications du FCC. Ça veut dire que nous ne sommes pas dans l’erreur. Donc vous ne rallierez pas non plus l’opposition qui s’est exprimée à Lubumbashi le mois dernier ? Parce que le processus sera totalement corrompu et que rien n’aura changé. Mais vous dénoncez le pouvoir actuel, et vous dites que vous n’irez pas voter pour un candidat de l’opposition en décembre prochain. Est-ce que ce n’est pas contradictoire ? Je ne suis pas sûre que les autres leaders de l’opposition vont participer à ce processus totalement corrompu tant que les règles du jeu ne vont pas changer. Si vous n’y allez pas, et si certains candidats de l’opposition y vont, pourquoi ne voteriez-vous pas pour l’un d’entre eux ? J’aurais entériné un processus totalement corrompu. Il y a eu cette accolade, l’année dernière, entre Joseph Kabila et Moïse Katumbi à Lubumbashi. Est-ce que les deux personnalités pourraient se rapprocher politiquement ? Écoutez, le président Kabila avait répondu à l’invitation de l’archevêque de Lubumbashi, qui avait demandé aux principaux leaders katangais de se réconcilier à cette occasion. Le président Joseph Kabila et Moïse Katumbi s’étaient réconciliés sur le plan humain. Politiquement, il ne faut jamais dire jamais, mais à ce stade, le FCC n’a conclu aucune alliance avec un quelconque regroupement politique. Quoique, nous maintenons les mêmes revendications que les autres leaders de l’opposition par rapport à la Céni. La proposition de loi sur la congolité, qui vise à empêcher Moïse Katumbi d’être candidat, vous en pensez quoi ? Pour nous, FCC, c’est une loi anticonstitutionnelle, qui cherche simplement à diviser les Congolais. Cette loi va davantage menacer la paix en République démocratique du Congo. En bref, nous, FCC, nous sommes contre cette loi. Et si l’Union sacrée veut s’imposer pour faire passer cette loi, le FCC va lui barrer la route. Évidemment, dans la limite de ce qui est humainement possible, parce que le Parlement est devenu la caisse de résonance du gouvernement.
5/5/202311 minutes, 56 seconds
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Partenariat politique en Côte d’Ivoire: «L’objectif est de tirer les enseignements du passé» (P. Affi N'Guessan)

En Côte d’Ivoire, le parti au pouvoir, le RHDP, et un parti de l’opposition, le Front populaire ivoirien, ont signé mardi à Abidjan, un accord de partenariat « pour la réconciliation nationale, la cohésion sociale, et la démocratie ». Ce texte laisse une porte ouverte à d’éventuelles alliances pour les élections municipales et régionales du 2 septembre. Comment expliquer ce rapprochement entre le parti au pouvoir et ce parti d’opposition de gauche ? Pour quelles alliances électorales ? Pascal Affi N’Guessan, le président du FPI, est notre invité.   RFI : Vous avez signé hier un accord de partenariat pour la réconciliation nationale et la cohésion sociale avec le RHDP. En parallèle, vous êtes aussi signataire de la cinquième phase du dialogue politique qui a été conclu l’année dernière. Sur le fond, qu’est-ce qui change par rapport à cet accord qui a été signé l’année dernière ? Pascal Affi N’Guessan : Ce qui change, c’est que nous prolongeons et nous approfondissons le dialogue, en nous engageant sur des thématiques fondamentales pour le pays : celles qui concernent la réconciliation nationale, la cohésion sociale et la démocratie, qui sont des questions qui ont été effleurées au dialogue, mais qui n’ont pas fait l’objet d’engagements forts. Ça n’a pas été qu’effleuré lors du dialogue politique, il y avait des points pour chaque aspect : réconciliation nationale, sur la question des prisonniers politiques, sur la question de l’amnistie, de la commission électorale, tout ça été très détaillé dans ce texte-là… Oui, mais ça n’a pas fait l’objet d’engagements de la même nature que le partenariat que nous venons de signer avec le parti au pouvoir. Ce qui change dans la signature de ce partenariat, c’est que, de façon solennelle et par écrit, le parti au pouvoir s’engage avec un parti de l’opposition à travailler ensemble, alors que le Dialogue politique a fait l’objet d’un rapport qui a été signé, mais ce n’est pas une convention, ce n’est pas un contrat entre l’opposition et le parti au pouvoir. Dans l’esprit de la réconciliation nationale, le 26 novembre dernier, Charles Blé Goudé est rentré en Côte d'Ivoire. Guillaume Soro, lui, est toujours en exil. Quel rôle peut-il jouer dans la réconciliation nationale ? Il faut d’abord que le contentieux qui l’oppose à ses anciens partenaires, à ses anciens camarades de parti, soit soldé. Et je pense que tous les Ivoiriens ont un rôle à jouer. Et la réconciliation signifie que tous les fils et toutes les filles de Côte d’Ivoire se sont retrouvés, y compris Guillaume Soro. Donc d’une manière ou d’une autre, il faudrait un jour ou l’autre trouver une solution au problème Guillaume Soro. En 2020, vous étiez partisan de la désobéissance civile. Aujourd’hui, vous êtes partenaire du RHDP. Qu’est-ce qui justifie ce revirement de votre part ? Ce n’est pas un revirement. C’est la continuation de l’action politique, en prenant en compte les échecs du passé, en prenant en compte les dérives du passé. Et s’il y a un partenariat aujourd’hui, c’est parce qu’il y a eu désobéissance hier. S’il n’y avait pas eu de désobéissance civile hier, il n’y aurait pas eu de dialogue politique et aujourd’hui, il n’y aurait pas eu de partenariat. Donc dialogue politique et partenariat ont pour objectif de tirer les enseignements du passé, et de prendre des mesures, de manière à ce que plus jamais, nous ne retombions dans ce que nous avons vécu en 2020. Vos détracteurs affirment, par contre, que l’on retourne un peu à l’esprit de parti unique, qu’il n’y a plus de voix critiques qui peuvent aujourd’hui s’exprimer… Le partenariat n’exclut pas la critique. Le partenariat, d’ailleurs, vous donne des moyens, des instruments, d’agir, d’évaluer, de critiquer, parce que, justement, vous avez un engagement que vous avez pris ensemble. Est-ce que le partenaire respecte cet engagement ? Si ce n’est pas le cas, vous avez le droit – en-dehors du droit qui vous est reconnu par la République en tant que parti politique d’opposition – vous avez un autre droit supplémentaire lié à l’engagement que le parti au pouvoir a pris avec vous d’agir en faveur de la réconciliation et de la démocratie.   Sur le plan de la démocratie, cet accord indique que des alliances sont possibles si nécessaires. Quelles sont les régions, quelles sont les communes où vous voyez déjà des alliances possibles avec le RHDP ? Elles sont nombreuses les communes dans lesquelles manifestement nous serons amenés à nous mettre ensemble, donc ça fera l’objet de négociations, et je ne peux pas préjuger des décisions qui peuvent être prises par nos responsables locaux dans chaque circonscription électorale. Dans le Moronou, où vous êtes vous-même candidat, ça semble très compliqué d’avoir un accord avec le RHDP. Est-ce que vous n’avez pas l’impression qu’il y a un peu une alliance à sens unique ? Non, pas du tout. Nous l’avons dit dans l’accord de partenariat, ce n’est pas un accord électoral, et les accords sur le terrain se feront si cela est nécessaire, et s’il y a une nécessité dans le Moronou, je ne le crois pas. Nous sommes bien établis dans cette région, nous avons un bon bilan. Manifestement, le Moronou, c’est une réalité différente des autres circonscriptions électorales du pays. Vous organisez la fête de la liberté à Man, juste quelques jours après la fête des libertés organisée par Simone Gbagbo, un mois après la fête de la renaissance de Laurent Gbagbo. Qu’est-ce qu’il y a de différent par rapport à ces autres rassemblements politiques ? Ce sont des manifestations politiques, que chaque parti conçoit pour avoir une opportunité de s’exprimer, une opportunité de mobiliser ses militants. Ces occasions donnent l’opportunité aux leaders des partis politiques de décliner leur vision, vision autour de la mobilisation pour des élections locales apaisées, et qui constituent véritablement un défi pour nous, parce qu’il s’agit pour le Front populaire ivoirien de sortir de sa situation de convalescence qu’il a vécu jusqu’à présent. De montrer qu’il est un acteur incontournable sur l’échiquier politique national, et donc de gagner des circonscriptions électorales. Et donc, c’est le défi que nous avons à relever. 
5/4/20235 minutes, 26 seconds
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Liberté de la presse au Burkina et au Mali: «La presse doit exercer son rôle de 4e pouvoir» (A. Thiam)

Il y a trente ans, en 1993, l’Assemblée générale des Nations unies instaurait la Journée mondiale de la liberté de la presse. Cette année, trente médias et organisations professionnelles, notamment des médias burkinabè comme Omega, l’Observateur Paalga, Wakat Sera et français comme RFI et France 24, signent une lettre ouverte dans laquelle ils dénoncent la très forte dégradation de la liberté de la presse au Burkina Faso et au Mali. Dans ce texte, coordonné par le bureau Afrique de RSF, les signataires s’adressent à la fois aux autorités de transition du Burkina Faso et du Mali et à toute la communauté internationale pour que les journalistes puissent travailler librement et soient mieux protégés contre les pressions et les menaces. L’Union internationale de la presse francophone (UPF), fait partie des signataires. Son vice-président pour l’Afrique de l’Ouest, le journaliste sénégalais Abdoulaye Thiam, répond aux questions de RFI, en ligne de Dakar. RFI : Pourquoi cette lettre ouverte aujourd’hui ? La presse au Burkina Faso, la presse au Mali, sont véritablement en danger ? Abdoulaye Thiam : C’est exact. Nous avons fait cette lettre pour alerter l’opinion publique et internationale sur la situation que vivent nos confrères du Mali et du Burkina Faso. Tout le monde le sait, depuis un certain temps, les journalistes ont des problèmes pour travailler. Ils ne peuvent pas faire leur métier proprement, et cela, tout le monde l’a décrit, ce qui n’est pas normal. Vous le savez, des confrères vivent une situation difficile dans l’exercice de leurs fonctions, c’est très injuste, nous l’avons constaté. Des communiqués ont été faits par nos syndicats, les associations de presse, nous avons tout fait pour dénoncer, et jusqu’à présent, la situation est toujours la même. Vous estimez que les autorités de transition au Burkina et au Mali, aujourd’hui, ne protègent pas suffisamment la presse ? C’est un constat, c’est un constat général. Les autorités au Mali et au Burkina ne protègent pas la presse. La preuve : certains journaux n’existent plus, les journalistes sont kidnappés, des journalistes ont été arrêtés, certaines radios sont fermées, donc aucune information ne peut venir maintenant du Mali. Est-ce normal ? Je ne le pense pas. Les Maliens et les Burkinabè ont le droit de savoir. Les Africains ont le droit de savoir ce qu’il se passe dans leurs pays. Si l’information ne circule plus, il faut reconnaitre qu’on vit en danger. Les autorités de transition dans ces deux pays parlent de traitement patriotique de l’information. Qu’est-ce qu’on peut leur répondre sur ce point ? L’information, c’est l’information. Le public a le droit de savoir l’information. Demander à des journalistes de faire ce que le pouvoir veut, ça, c’est injuste. Sinon, il n’y aura pas d’équilibre. Les populations sont là, les situations se posent, il y a de nouvelles autorités, il y a des dérapages, et quand il y a des dérapages, seuls les radios, les télévisions et les journaux peuvent le démontrer. Donc, il faut les laisser travailler, ça, c'est l’unique solution. Il ne faut pas terroriser les journalistes, laissons-les travailler. Chacun dans son pays a le droit de faire son travail. ► À écouter aussi : Ça fait débat avec Wathi - Burkina Faso: la mobilisation pour la défense de la patrie est possible sans chape de plomb Dans la lettre ouverte qui est diffusée, les journalistes au Burkina Faso et au Mali sont très critiques avec des citoyens, parfois des militaires, parfois des civils, qui les menacent directement via les réseaux sociaux et visiblement, il n’y a aucune réaction des autorités. Là aussi, il y a une crainte sur cet activisme, ces pressions, ces menaces qui sont diffusées sur les réseaux sociaux ? Bien sûr, il y a une crainte. Quand on est journaliste, le matin vous vous réveillez, vous vous voyez dans les réseaux sociaux, vos parents qui sont à l’extérieur s’inquiètent, parce que vous êtes menacé par une autorité, ou bien par un homme qui est en tenue. Ça, ça devient très très grave. Il faut que ça s’arrête. Je pense que c’est anormal. C’est de l’injustice et personne ne sera d’accord là-dessus. Abdoulaye Thiam, nous parlons de la situation de la presse au Mali et au Burkina, est-ce que vous estimez vous, au sein de l’UPF, qu’il y a de vraies difficultés pour la presse dans toute l’Afrique de l’Ouest ? Notamment aussi chez vous, au Sénégal, où deux journalistes actuellement sont emprisonnés… Mais cela ne doit pas empêcher les journalistes de faire ce qu’ils doivent faire. Il n’est pas question pour nous que les journalistes soient traités à certaines choses, c’est injuste. Ils sont là pour donner de l’information, la vérifier et la communiquer. À chaque fois, nos associations, que ce soient l’UPF ou autre, assistent des collègues, parfois même, il y en a qui prennent des avocats pour les assister. Donc pour nous journalistes, un journaliste, on doit le laisser faire son travail, c’est ce qu’on nous a appris à l’école, dans nos rédactions, laissez-les travailler, laissons-nous travailler. Il y a une nécessité, il y a une obligation, aujourd’hui, de protéger les journalistes ? D’abord, c’est l’autorité dans un pays qui doit protéger les journalistes. Il n’est pas question que des locaux de journaux soient attaqués, et attaqués par qui ? Par des nervis, commandés par des autorités ou par des personnes mal intentionnées. Ça, aucun syndicat, aucune association ne l’acceptera. C’est pour cela que nous avons, dans notre lettre ouverte, adressé l’alerte aux organisations internationales, comme l’Unesco, la Francophonie, les Nations unies, l’Union africaine, l’UEMOA et la Cédéao. Pour que justement aussi ces instances prennent leurs responsabilités ? Bien sûr. Elles peuvent alerter. Certaines sont des instances régionales et sous-régionales qui peuvent alerter, dire à des autorités : ce qui se passe dans votre pays, c’est injuste, il faut arrêter. Nous sommes en 2023, certaines choses sont dépassées dans ce monde. Cette lettre ouverte est critique avec les autorités du Burkina et du Mali. Est-ce que, néanmoins, cette lettre ouverte est aussi un appel pour relancer un dialogue qui aujourd’hui n’existe plus ? C’est un appel aux autorités. Je vous donne l’exemple de mon pays : au Sénégal, nous allons bientôt assister aux assises de la presse. Là, toutes les questions seront posées. Il y a beaucoup de problèmes chez les journalistes : il y a des problèmes sociaux, il y a des problèmes économiques, certains journaux ne fonctionnent plus. Donc c’est une occasion pour dialoguer avec les autorités, pour que la remarque soit faite, pour que les conditions soient mises. Mais je crois que le dialogue doit être relancé, car la presse doit jouer son rôle, exercer le quatrième pouvoir, pour que toutes les informations soient utiles à la population pour laquelle nous travaillons. ► À écouter aussi : Invité du matin - Christophe Deloire (RSF): «La liberté de la presse ne doit pas être l’otage d’enjeux diplomatiques»
5/3/20234 minutes, 52 seconds
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Retour en justice pour Matata Ponyo en RDC: il s'agit «d'un acharnement politique parce que je suis candidat à la présidentielle»

En RDC, les ennuis judiciaires ne sont pas terminés pour l'ancien Premier ministre Matata Ponyo Mapon, qui est soupçonné d'être impliqué dans une affaire de détournements de fonds. En effet, la Cour de cassation vient de renvoyer l'affaire devant la Cour constitutionnelle. Y a-t-il un lien avec le fait qu'il est candidat à la présidentielle de décembre prochain et qu'il vient de faire alliance avec trois autres candidats de l'opposition radicale ? En ligne de Kinshasa, le Président du parti LGD, Leadership et Gouvernance pour le Développement, répond aux questions de RFI. RFI : Matata Ponyo Mapon, dans l’affaire du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo, où l’on parle d’un détournement de 200 millions de dollars, la Cour de cassation vient de se déclarer incompétente et de renvoyer le dossier devant la Cour constitutionnelle. Pourquoi êtes-vous déçu ? Matata Ponyo Mapon : Ce n’est pas moi qui suis déçu, mais c’est l’ensemble de la communauté nationale et internationale qui est déçue, parce que, par interférence politique, la Cour de cassation était obligée de renvoyer le dossier auprès de la Cour constitutionnelle, en violation de la Constitution. On voit, depuis le début de ce processus judiciaire il y a deux ans, une violation systématique de la Constitution, et une violation systématique des lois régissant le fonctionnement de la Cour constitutionnelle et le fonctionnement de la Cour de cassation. Donc on se dit qu’il y a certainement des injonctions qui viennent de dehors. Et rappelez-vous de cette lettre que le procureur près la Cour de cassation avait écrit au président de la République, pour lui demander des instructions quant à l’évolution du dossier, et ça, c’est scandaleux. La Constitution de la République est claire là-dessus. Le président de la République et le Premier ministre ne peuvent être jugés que quand ils sont en fonction, et ils ne sont plus poursuivables quand ils ne sont plus en fonction. C’est la Constitution qui le dit. Alors vous dites que vous êtes protégé par la Constitution et que vous ne pouvez pas être poursuivi pour vos actes quand vous étiez Premier ministre. Et pourtant, vous êtes inquiet. Pourquoi ? Non, on n’est pas inquiet comme tel. Tout simplement, nous avons l’obligation de pouvoir rappeler aux juges de la Cour constitutionnelle qu’ils ne sont pas au-dessus de la Constitution. Et donc pour nous, le dossier est clos. Toute poursuite de ce dossier ne serait considérée que comme de l’acharnement politique contre un candidat à la présidence de la République. Pourquoi votre avocat a-t-il parlé d’acharnement judiciaire contre vous ? Tout simplement parce qu’on ne peut pas comprendre, dans un pays où des détournements de fonds ont eu lieu, où des détournements de fonds continuent à se faire et que les coupables sont connus, qu’on n’engage pas de poursuites judiciaires contre ces gens-là, mais qu’on s’acharne contre quelqu’un qui n’a jamais détourné un dollar. Et je crois qu’il s’agit là d’un acharnement politique. Et pourquoi y aurait-il acharnement politique contre vous ? Tout simplement, parce que je suis un candidat à la présidence de la République, et je peux vous le dire, il m’a été demandé de rejoindre l’Union sacrée et j’ai refusé de rejoindre l’Union sacrée. Voilà l’infraction politique que j’ai commise, parce qu’il n’y a pas d’infractions judiciaires. Matata Ponyo Mapon, vous êtes donc candidat à la présidentielle de décembre prochain, et le 14 avril dernier, à Lubumbashi, avec trois autres candidats - Moïse Katumbi, Martin Fayulu et Delly Sesanga -, vous avez annoncé que vous alliez mener des actions communes contre le pouvoir du président Tshisekedi.  Mais n’est-ce pas une alliance de circonstances entre quatre leaders politiques qui n’ont rien de commun, sinon leur hostilité au pouvoir en place ? Lorsque nous savons que nous avons en face de nous un seul pouvoir, qui essaye par plusieurs moyens, par plusieurs tactiques, d’étouffer les candidatures de ceux qui sont capables de véritablement challenger, il était important que nous puissions réunir nos systèmes de communication, et nous l’avons fait à Lubumbashi. Et le 13 mai, nous projetons une marche populaire pour protester contre la vie chère, pour protester contre un processus électoral chaotique, et pour protester contre toute modification, aussi petite soit-elle, de la Constitution. Et à quelle révision en particulier pensez-vous ? Vous le savez très bien, il y a une loi basée sur la congolité, et ça, ce n’est pas acceptable. Peut-on imaginer une plateforme commune ? Un programme commun entre vous quatre ? Je pense qu’il ne faut pas aller vite en besogne. Comme je vous l’ai dit, le plus important, c’est cette rencontre que nous avons eue dans le sens de la patrie. En décembre prochain, à la présidentielle, il n’y aura qu’un seul tour et vous êtes déjà très nombreux dans l’opposition à vous porter candidat. Est-ce que vous pourriez vous entendre entre vous quatre pour qu’un seul de vous soit candidat et que les trois autres le soutiennent ? Je souhaite que vous me posiez cette question d’ici quelques mois, le temps pour nous de pouvoir consolider davantage notre système de travail. Vous qui avez été le Premier ministre de Joseph Kabila pendant près de cinq ans, pensez-vous qu’il va vers un boycott de cette présidentielle, avec son mouvement FCC, le Front commun pour le Congo ? Tout ce que je sais, c’est que le PPRD [Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie, Ndlr], le parti du président honoraire, n’est pas impliqué dans le processus électoral actuel. Maintenant, je ne sais pas faire un commentaire ou un jugement de valeur là-dessus. Et est-ce que votre espoir, c’est de récupérer les voix de Joseph Kabila ? Ça, je ne sais pas vous le dire. Mais vous y pensez ? Bon, on n’en est pas encore à ce stade-là.
5/2/20239 minutes, 41 seconds
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Sénégal: «L'avenir de nos syndicats dépendra de notre capacité à protéger le secteur informel»

Ce 1er mai est synonyme de jour férié dans de nombreux pays du monde. Entretien avec Mody Guiro, militant sénégalais qui se bat pour le droit des travailleurs depuis près de 40 ans. Il est aujourd’hui Secrétaire général du premier syndicat du pays, la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal. À neuf mois de l’élection présidentielle, alors que la crise économique est grande, tour d’horizon des luttes et des espoirs. RFI : Mody Guiro, est-ce qu’en ce 1er-Mai, vous irez remettre votre cahier de doléances auprès du président Macky Sall ? Mody Guiro : Effectivement, nous avons prévu de faire un rassemblement cette année place de la Nation et ensuite, l’après-midi, toutes les centrales sénégalaises se retrouveront au niveau du palais de la République pour déposer le cahier de doléances à son excellence, le président de la République Macky Sall. Qu’allez-vous dire au chef de l’État ? Il y a quelques mois, vous avez alerté sur la situation en disant : aucun secteur n’est aujourd’hui épargné par la crise…. Notre combat, c’est la création des emplois pour les jeunes, c’est de défendre l’emploi, c’est d’améliorer les conditions de vie de l’existence, de mettre l’accent sur la protection sociale, faire en sorte que le travail du secteur informel puisse également être mieux protégé. Avec la guerre de l’Ukraine, nos pays ont été confrontés quand même à des problèmes d’approvisionnement, sur les denrées de première nécessité. Vous avez aussi alerté sur le fait que la classe politique, les leaders politiques au Sénégal mettent plus l’accent sur la confrontation que sur le dialogue… Nous avons assisté quand même à des échanges, à des scènes de violences même dans notre pays. C’est pourquoi nous avons alerté qu’il ne faut pas dépasser la ligne rouge. Il faudrait que les politiques comprennent bien que nous avons d’autres priorités. La violence n’a pas sa place. Vous attendez justement, en vue de la prochaine campagne électorale pour la présidentielle, que les futurs candidats mettent l’accent justement sur le social, sur l’économie, sur le travail ? Absolument. Je pense que nous sommes des syndicalistes, nous sommes des travailleurs. Nous sommes des citoyens, tout court. Notre préoccupation, c’est comment améliorer le sort des Sénégalais. Autant de difficultés sont là. Donc, voilà ce que nous attendons, ce ne sont pas des discours. Ce que nous voulons, c’est du concret. Et c’est le message que nous disons à tout le monde. Au Sénégal, le salaire minimum est passé à 58 900 francs CFA par mois en 2021, 90 euros. Est-ce que ce salaire minimum est aujourd’hui appliqué par les entrepreneurs ? Certes, l’État a fait des avancées significatives, a fait beaucoup d’efforts en améliorant les salaires des fonctionnaires chez nous. Nous avons salué cela. Mais parallèlement, nous avons dit également que le secteur privé broie du noir, parce que depuis lors, la crise s’abat sur l’ensemble des travailleurs de notre pays et donc, il fallait également y réfléchir. Nous avons engagé des négociations avec le patronat. Nous sommes dans les discussions pour une augmentation des salaires. Pour vous dire que le Smic, il est appliqué, en tout cas c’est la loi. Nous ne sommes pas interpellés, sauf peut-être dans certains secteurs. Nous avons quand même une population du secteur informel qui atteint pratiquement 70%. Il y a un vrai combat à mener sur ces questions du travail informel, de l’emploi informel ? Absolument. La bataille, c’est qu’il faut arriver à une formalisation et nous travaillons à cela. Et nous pensons que l’avenir des syndicats aujourd’hui dans nos pays dépendra en grande partie de notre capacité à organiser, à accompagner et à syndiquer les travailleurs du secteur informel. La première grève en Afrique subsaharienne, Dakar 1919, le premier syndicat enregistré en 1923, le 1er-Mai devient un jour férié en 1947 au Sénégal. Les syndicats sénégalais vont-ils rester novateurs ? Nous nous attendons à ce que les syndicats restent encore debout. Les travailleurs de par le monde luttent quotidiennement pour qu’il y ait moins de pression, moins d’exploitation. Nous sommes tous conscients que l’Afrique est un continent très jeune qui a ses potentialités, qui va se développer, qui va créer également des richesses, mais nous pensons que cette Afrique-là, ces enfants, ces filles et ces garçons doivent avoir accès à ces richesses, puissent la transformer. Ici en Afrique, nous avons espoir en l’avenir malgré les difficultés, parce que nous avons toutes les potentialités d’être au rendez-vous de demain. Est-ce qu’il existe aujourd’hui un syndicalisme panafricain, est-ce qu’il y a des luttes communes ? Ce que nous faisons, nous pouvons aujourd’hui décider si un camarade est emprisonné ou s’il est menacé dans son pays, cette solidarité elle est là, sur toute l’Afrique. Mais des plans d’action partagés par des organisations d’un pays à un autre, nous ne sommes pas encore arrivés à cela. Vous militez depuis plusieurs décennies. Qu’est-ce qui vous fait encore tenir ? C’est un engagement militant. Moi, je suis un militant. Chacun joue sa partition. Nous avons une mission à mener, nous allons la mener à termes, et quand les changements arriveront, il faudra les accepter et passer le témoin à quelqu’un d’autre. Est-ce que les jeunes générations restent militantes ? Nous arrivons quand même à avoir autour de nous pas mal de jeunes et nous pensons qu’il faut renouveler la classe syndicale. Et nous y sommes. Pour ce faire, il faut avoir des organisations syndicales attractives qui s’ouvrent également et qui peuvent parler à ces jeunes-là. La lutte continue et le syndicat ne mourra pas. ► À lire aussi : Fête du Travail au Sénégal: les syndicats remettent des cahiers de doléances à Macky Sall
5/1/20235 minutes
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Togo: «Le fait de ne pas avoir de plat national est source de richesse»

La deuxième édition du festival de cuisine international La Marmite (Fesma) se tient jusqu’au 7 mai à Lomé. Il réunit exposants et chefs cuisiniers, originaires du Togo et d’autres pays du continent, pour mettre en valeur les cuisines togolaise et africaine. Que mange-t-on au Togo ? L’histoire du pays a-t-elle laissé des traces dans les assiettes ? Entretien avec Joseph Tsigbé, historien à l’université de Lomé. ► À lire aussi : Fesma 2e édition au Togo: la marmite, l’âme de la maison
4/30/20235 minutes, 19 seconds
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RDC: la loi Tshiani «vise à écarter Moïse Katumbi des joutes électorales», selon Timothée Mbuya (ONG Justicia)

Que pense le président Tshisekedi de la proposition de loi sur la « congolité », dite loi Tshiani, qui vise à écarter de la présidentielle tout candidat qui n'est pas né de père et de mère congolais ? Personne ne le sait, car le chef de l'État ne s'exprime pas sur le sujet. Mais la polémique monte, car la proposition de loi vise directement le candidat Moïse Katumbi. Entretien avec maître Timothée Mbuya qui préside l'ONG congolaise Justicia à Lubumbashi. RFI : Timothée Mbuya, pourquoi l’ONG de promotion et de protection des droits de l’homme Justicia se mobilise contre la proposition de loi Tshiani, du nom de son initiateur Noël Tshiani ? Timothée Mbuya : Justicia se mobilise parce que, quand vous analysez cette proposition de loi et que vous regardez les réactions au niveau de la communauté, au niveau de la société, les gens vont devoir être identifiés en référence à leur peau. Donc, dès qu’on vous regarde à travers votre peau, on sait que vous n’êtes pas Congolais de père et de mère. Ce sera la morphologie. On vous regarde par exemple par rapport au nez, par rapport à la bouche, le front et tout ça. Et on vous qualifie de Congolais à 50%. Et d’un, et de deux, maintenant sur le plan sociologique, vous observez déjà les réactions qui se passent dans la communauté. Pour les gens qui estiment que cette proposition de loi vise à écarter un certain candidat sérieux à l’élection présidentielle, ces gens-là sentent ou pensent que c’est leur candidat ou leur frère qui injustement est en train d’être écarté. Et maintenant par exemple dans la région du Grand Katanga, on décèle les signes de potentielles attaques intercommunautaires en référence aux attaques et à l’épuration tribale qu’il y a eu dans cette partie du pays dans les 1990 et 1991. Le candidat, qui risque d’être écarté par cette proposition de loi, c’est Moïse Katumbi. Le dimanche de Pâques, le cardinal-archevêque de Kinshasa, Mgr Fridolin Ambongo, a pris la parole pour dénoncer lui aussi cette proposition de loi. Pourquoi l’église catholique estime-t-elle que ce projet est dangereux ? L’église catholique fait partie des grandes organisations de la société civile parce qu’elle a beaucoup de fidèles. Et l’église catholique, je pense même que, dans les années 1990,  quand il y avait épuration ethnique, elle avait été la première cible, parce que beaucoup de croyants avaient été visés, parce qu’il y a des millions de personnes qui étaient obligées de se déplacer de Lubumbashi ou du Grand Katanga vers le Grand Kasaï aujourd’hui. Et je crois que Mgr Fridolin Ambongo a compris que, si aujourd’hui il y a encore des divisions au niveau de la communauté, s’il y a des attaques sur fond tribal dans le Grand Katanga, à Kinshasa ou dans d’autres provinces, les premières victimes seront également des victimes fidèles à son église. Donc, l’église est véritablement dans son rôle d’alerter qu’il y a un danger à adopter une proposition de loi aussi injuste que celle-là. Dès 2021, cette proposition de loi avait été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale, mais à l’époque elle avait été rejetée. Aujourd’hui, elle est acceptée par le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mbosso. Elle est inscrite à l’ordre du jour de cette session. Pourquoi ce changement de position ? En 2021, l’Union sacrée est créée et Moïse Katumbi fait partie de ceux qui ont créé l’Union sacrée. À cette époque donc, Félix Tshisekedi et Moïse Katumbi sont alliés… Ils sont alliés, ils sont tous membres de l’Union sacrée. Mais maintenant, Moïse Katumbi étant parti de l’Union sacrée, il a officiellement affiché ses ambitions à être candidat à la présidence de la République. Donc, la question refait surface et cette fois-ci avec beaucoup d’ampleur. Donc, cela saute aux yeux qu’il s’agit d’une proposition de loi qui vise justement à écarter des joutes électorales le candidat Moïse Katumbi. En septembre 2021, chez nos confrères de Voice of America, le président Félix Tshisekedi avait exprimé un certain nombre de réserves à l’égard de cette proposition de loi. « Être Congolais de père et de mère n’est pas un critère suffisant pour servir son pays de manière loyale », avait-il déclaré. Aujourd’hui, pensez-vous qu’il a changé d’avis ? Officiellement, il n’a pas pris de position pour signifier qu’il a changé d’avis. Mais on se rend compte que la plupart des personnes ou des ténors qui soutiennent cette proposition de loi sont soit de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), soit ils sont carrément de l’Union sacrée. Quand vous considérez également le point de vue du président de l’Assemblée nationale là-dessus, vous vous dites que c’est une stratégie déjà prise au niveau de l’Union sacrée et pour laquelle, d’ailleurs, le président de la République ne serait pas très étranger. Il y a deux ans, cette proposition de loi n’avait pas été retenue parce qu’elle était jugée notamment inconstitutionnelle. Mais aujourd’hui, si elle est inscrite à l’ordre du jour, n’est-ce pas le signe que finalement elle va être jugée constitutionnelle et qu’il n’y aura pas besoin de changer la Constitution pour l’adopter ? Non. Elle ne va pas être jugée constitutionnelle, parce qu’il y a des dispositions de la Constitution qui seront très clairement et très nettement violées au cas où cette proposition de loi serait été adoptée dans son sens actuel. Mais ce qui pourra peut-être arriver, c’est qu’ils voudront modifier la Constitution. Il est possible qu’à tout moment, ils fassent un montage pour faire passer cette proposition de loi s’ils le veulent. Donc votre espoir, c’est que le président Félix Tshisekedi prenne de la hauteur et fasse retirer ce projet de loi de l’ordre du jour de l’Assemblée pour calmer le jeu ? Exact. En fait, le président Félix Tshisekedi est le garant de l’unité de la nation et du bon fonctionnement des institutions. Et donc, maintenant, le président Tshisekedi est la seule personne qui peut désamorcer cette pression ou cette tension, parce que c’est lui qui est l’autorité morale de l’Union sacrée, parce que c’est lui qui officiellement continue à gérer, même dans l’ombre, l’UDPS. Et toutes ces personnalités lui doivent déférence, respect. Et lui, en tant que garant du bon fonctionnement de la nation, il a un devoir non seulement moral, mais également constitutionnel. Et le fait qu’il se taise, alors que la situation est en train de pourrir, nous inquiète énormément. ►À lire aussi : RDC: la controversée loi Tshiani sur la «congolité» divise le pays
4/28/20236 minutes, 6 seconds
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L’entrepreneur belgo-congolais George Forrest: «Je ne vais pas me mêler de cette affaire» de projet de loi sur la congolité en RDC

Depuis 50 ans, George Forrest était à la tête d'un empire industriel au Katanga, mais il ne parlait pas. Aujourd'hui, il publie ses mémoires sous le titre Un siècle de rêves (éditions Cherche Midi). Et il fait des révélations, notamment sur tous les chefs d'État congolais qu'il a fréquentés, de Mobutu à Tshisekedi. L'entrepreneur belgo-congolais s'exprime aussi sur Moïse Katumbi, au moment où celui-ci voit sa candidature menacée par un projet de loi sur la « congolité ».  RFI : George Forrest, il y a 101 ans, votre père a créé au Katanga la société Forrest. Et aujourd’hui, vous êtes toujours présent à Lubumbashi. Avec plus de 10 000 salariés, vous êtes toujours l’un des premiers employeurs du Congo. Comment avez-vous fait pour résister à tous les chaos, tous les soubresauts de la vie congolaise ? George Forrest : D’abord, il y a notre qualité de travail, c’est une réputation que nous avons, que les choses que nous faisons sont impeccables. Nous avons aussi un rôle d’engagement social. Mes parents ont toujours dit que, quand un pays vous apporte quelque chose, il faut redistribuer une partie à la population, ce que nous avons toujours fait. Nous avons créé des écoles, des centres hospitaliers. Nous avons le meilleur hôpital du Haut-Katanga. Nous avons des puits d’eau dans les villages. Et nos activités ont toujours été des activités de qualité dans le respect de l’éthique et du pouvoir en place. Vous racontez dans votre livre Un siècle de rêves aux éditions du Cherche Midi que votre père et vous avaient eu de nombreuses amitiés dans la classe politique congolaise. Comment avez-vous fait pour être ami à la fois avec Justin Marie Bomboko, qui était votre témoin de mariage et qui était donc l’un des hommes forts à Léopoldville, aujourd’hui Kinshasa, et en même temps avec le sécessionniste katangais Moïse Tshombé par exemple ?  L’amitié est une chose et la politique en est une autre. Nous sommes des hommes d’affaires. Nous connaissons tout le monde, mais nous ne faisons pas de politique. On ne parlait pas politique à la maison, c’était une règle. Vous dites aussi que vous avez bien connu Mobutu Sese Seko, évidemment, mais aussi Étienne Tshisekedi, l’un de ses plus farouches adversaires. Mobutu ne vous reprochait pas de recevoir Tshisekedi à la maison ? Mobutu ne me l’a jamais reproché. Pour être honnête, non. Du moment qu’on lui disait les choses franchement, lui dire les choses comme elles étaient, ça, il aimait bien. C’était un homme qui aimait bien une certaine franchise. Je n’ai jamais eu de problème. Il savait bien qu’on ne faisait pas de politique. Nous, on développait nos activités et lui, ce qui l’intéressait, c’est que nous créions de l’emploi et que nous développions nos activités. Dans ses premières années de pouvoir, vous dites que Joseph Kabila était un bon président, mais qu’ensuite, à cause de son entourage notamment, la corruption a gangréné tout le régime. Était-ce impossible à la fin de faire des affaires sous le régime de Joseph Kabila ? Cela devenait très compliqué effectivement. Les cinq premières années, comme je l’ai dit, étaient très bien. Il a géré le pays très correctement. Mais une fois qu’il a été réélu, avec ses entourages très proches de lui, ils ont commencé à mettre la corruption en place. Ça a été vraiment un fléau terrible parce qu’ils voulaient tout prendre, ils voulaient s’accaparer toutes les affaires. Personnellement, nous avons beaucoup souffert de cette période. À lire aussi  Aujourd'hui l'économie - Les Forrest, vice-rois du Katanga Et aujourd’hui, sous la gouvernance de Félix Tshisekedi ? Le président Tshisekedi a hérité d’un pays qui n’est pas simple à gérer. Quand il a pris le pouvoir, il a d’abord dû se stabiliser, voir ce qui se passait. Et malheureusement, il avait aussi un entourage qui n’était pas très bien. Mais aujourd’hui, il en a quand même écarté pas mal. Il en a écarté quelques-uns.  Et lui-même veut faire quelque chose, il est de bonne volonté. Mais le pays n’est pas si simple que ça à gouverner. Il faut lui laisser un peu le temps pour qu’il puisse réaliser son programme et voir ce qui va se passer après. Vous dites dans votre livre que vous avez été écarté du secteur minier du Katanga à l’instigation notamment du milliardaire israélien Dan Gertler. Or justement, Dan Gertler est défendu aujourd’hui par les autorités congolaises qui plaident la levée des sanctions américaines contre lui. Qu’est-ce que vous en pensez ? Je pense que ça, c’est une question politique. C’était pour récupérer le maximum pour qu’il cède une partie de ce qu’il avait pris, les placements frauduleux, avec la corruption. Mais si c’est dans l’intérêt de récupérer le maximum de biens pour le pays, on peut dire OK. Il y a actuellement sur le bureau de l’Assemblée nationale à Kinshasa un projet de loi qui vise à écarter de la future présidentielle tout candidat qui n’est pas de père et de mère congolais. Qu’en pensez-vous ? C’est un dialogue qui appartient aux Congolais et c’est à eux à en débattre. Je ne vais pas me mêler de cette affaire. Ce projet de loi vise à écarter de la présidentielle quelqu’un que vous connaissez bien, c’est Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga. C’est un de vos amis. Votre fils aîné est même le vice-président du club de football Tout Puissant Mazembe, que préside justement Moïse Katumbi. Que pensez-vous de cette manœuvre pour écarter Moïse Katumbi ? Pour parler de Mazembe, c’est une vieille histoire de famille. Mon père était déjà là. Nous, on était là quand Moïse Katumbi a repris le club. Quand il a repris et développé très fort le club, on est resté. C’était un autre fils à moi qui était avant vice-président. Il est parti et j’ai mis Malta comme vice-président. Mais ça fait partie de l’histoire. Ce n’est pas une question politique, ni un soutien politique. C’est purement de l’histoire. Maintenant, si cela créé des problèmes pour tout le monde, c’est un fait certain qu’il prendra ses responsabilités. Et s’il doit quitter le poste… Oui, s’il le faut, votre fils aîné Malta quittera son poste… Oui. Les affaires restent les affaires. Si on mélange le football avec la politique, si on mélange le sport avec la politique, nous on ne veut pas faire de la politique, forcément, il devra se retirer. Mais Moïse Katumbi, c’est un ami ou pas ? C’est un ami. Mais ce n’est pas parce que c’est un ami que… L’amitié est une chose et la politique est une autre chose  
4/27/202313 minutes, 49 seconds
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Côte d’Ivoire: «Le FEMUA, ce n’est pas que la musique, cela permet de construire des écoles et des hôpitaux» (A’salfo)

Abidjan aux rythmes des musiques urbaines. Le FEMUA (Festival des musiques urbaines d'Anoumabo) se déroule dans la capitale économique et à Baouké jusqu’à dimanche. Avec notamment Booba et Baaba Maal en tête d’affiche. C’est la 15e édition de cet évènement devenu majeur pour le continent africain car il n’y est pas seulement question de musique, le développement économique, social est au cœur des discussions. Le commissaire général du FEMUA, A’salfo, également leader de Magic System, est notre invité.
4/26/20234 minutes, 39 seconds
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Aliou Bah, auteur d'un livre-programme «Agir pour la Guinée»

C'est un livre-programme que vient de signer l'un des jeunes leaders politiques de Guinée, Aliou Bah, le président du MODEL. L'ouvrage, intitulé Agir pour la Guinée, propose une description des problèmes de gouvernance sur la longue durée... Pourquoi une telle concentration du pouvoir à la tête de l'État ? Comment sortir des manipulations communautaires ? Dans ce texte, Aliou Bah parle d'histoire mais aussi d'actualité politique récente et, comme d'autres, il appelle à un véritable dialogue des autorités de transition avec l'opposition pour un retour réussi à l'ordre constitutionnel. RFI : Aliou Bah, dans l’essai que vous publiez, vous essayez d’analyser un certain nombre de pesanteurs du système politique guinéen en les replaçant sur le temps long. La vie politique guinéenne actuelle reste marquée, selon vous, par les années durant lesquelles Ahmed Sékou Touré dirigeait le pays (1958-1984), après l’indépendance jusqu’aux années 1980. De quelle manière est-ce que cette marque continue de se faire sentir ? Aliou Bah : Le premier régime a instauré un système du parti-État, où l’Homme qui était au pouvoir est systématiquement confondu à l’État pour devenir Homme-État. Donc, au lieu d’avoir une présidence comme une institution, nous avons un président comme étant un Homme fort. Cette notion du chef qui nous amène à centraliser le pouvoir, à concentrer tous les moyens d’exercice du pouvoir, constitue un préjudice pour le développement économique et social de la Guinée. Vous écrivez qu’en Guinée, les régimes politiques passent l’essentiel du temps à combattre l’opposition, en utilisant fréquemment les moyens les plus cyniques : la nomination des transhumants politiques, les promesses populistes et fallacieuses, la répression sanglante des activistes. Est-ce un constat qui s’applique à la transition en cours ? Il y a des aspects de ce constat qui, bien entendu, s’appliquent à la transition en cours. Il y a eu des cas de répression, il y a eu des cas de violences, il y a actuellement des cas de prisons, il y a même des cas de harcèlement judiciaire contre des acteurs politiques – il y a certains acteurs politiques qui sont interdits de voyager, pour des raisons qu’on ne saurait expliquer. Nous nous préoccupons que la transition en cours ne puisse pas répéter les mêmes erreurs qui nous ont conduit aux mêmes blocages. Alors justement, de quelle manière est-ce que la transition actuelle peut, selon vous, rompre avec les dynamiques négatives qui ont tiré le pays vers le bas ? Il faut d’abord instaurer un environnement d’échange, parce qu’une transition, par essence, elle se gère par consensus. Vous avez suivi un processus de dialogue qui a été amorcé et qui n’a pas impliqué tous les acteurs représentatifs. On ne peut pas être sélectif lorsqu’on gouverne, surtout pour une transition. Lorsqu’on dirige une transition militaire, on s’assure d’avoir un bon consensus qui nous permet d’aller vers un processus électoral viable. Aujourd’hui, nous tendons vers la deuxième année de la transition. En ce qui concerne le processus électoral, qui est la voie par laquelle on sort de la transition, il y a encore beaucoup de choses qui devraient être faites qui ne le sont pas jusqu’à présent. Donc on a accusé beaucoup de retard et à un moment donné, la pression va commencer, parce qu’une transition, lorsqu’elle va au-delà de deux ans, elle prête à interrogation. Pour revenir à votre ouvrage, vous évoquez dans ce texte un sujet délicat en Guinée : celui de la fibre communautaire qui reste encore souvent manipulée à des fins politiques. Comment est-ce qu’on peut, selon vous, dépasser, ce que vous appelez, les ethno-stratégies en Guinée ? Il faudrait travailler sur deux paramètres : l’éducation doit être au cœur des priorités des politiques publiques parce qu’il y a un déficit. J’ai étudié en Guinée, il me semble qu’il y a beaucoup de choses qu’on a caché aux Guinéens sur l’Histoire de la Guinée. La question mémorielle doit être au cœur des priorités publiques, pour qu’on en parle, pour que nous soyons d’accord sur au moins une mémoire collective. Nous n’en avons pas. Chacun a son interprétation de l’Histoire politique de la Guinée. C’est très important. Deuxièmement, il faudrait que les législateurs soient plus rigoureux, parce que la plupart des discours à connotation ethnique et sectaire sont des discours sanctionnés par le fait de la loi, mais il y a un déficit d’application. Là aussi, c’est un volet sur lequel il faudrait travailler. Dans l’un de vos chapitres, vous réfléchissez également sur la façon dont le panafricanisme est actuellement brandi par certains influenceurs. Quel regard est-ce que vous portez sur ce néo-panafricanisme ? Je me rends compte, à travers certains agissements, que le panafricanisme prôné par certains c’est de dire que l’Afrique doit changer de maitre, à choisir soit telle puissance, ou telle autre puissance pour travailler avec nos États. Je refuse systématiquement cette approche parce que, pour moi, il n’y a pas un complexe à développer. L’Afrique est un continent qui intéresse presque tout le monde. Les opportunités sont là, donc nous pouvons composer avec tous les États, en rapport avec les intérêts de nos différents pays et aussi au-delà. Il ne faudrait pas qu’on fasse croire à la jeunesse africaine que les problèmes du continent sont ailleurs. Cet esprit complotiste qui consiste à trouver des excuses à notre mauvaise gouvernance par le fait de tel ou tel pays, je me dis que ce discours ne passe plus. Il faudrait que la jeunesse africaine comprenne que c’est à elle de régler les problèmes du continent, on n’a pas à s’apitoyer sur notre sort, et à croire que ça se passe à Paris, à Moscou ou à Washington. Ce livre, Aliou Bah, a des allures de programme politique. Est-ce que vous vous préparez à être sur les rangs pour l’élection présidentielle qui aura lieu à la fin de la transition ? Oui, je peux le dire. Je dirige un parti politique qui est en train de grandir, qui est en train de s’implanter, et nous comptons nous positionner par rapport aux différents scrutins qui vont s’organiser. Nous avons des élections locales qui, en principe, doivent s’organiser avant les élections nationales. Éventuellement, à l’élection présidentielle prochaine, si le parti me choisit et me porte confiance, je serai candidat.
4/25/20235 minutes, 8 seconds
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Côte d'Ivoire: Simone Gbagbo favorable à une amnistie de plusieurs leaders politiques

En Côte d’Ivoire, l’opposante Simone Ehivet Gbagbo a publié un livre, Du sous-sol de la République à la restauration, dans lequel elle livre son témoignage de la crise post-électorale de 2011 et de ses sept années d’incarcération. Amnistiée de sa condamnation à vingt ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’État en 2018, Simone Ehivet Gbagbo, s’est depuis lancée dans l’arène politique, avec un nouveau parti : le Mouvement des générations capables, créé le 20 août 2022. Elle sera en meeting le week-end prochain à Bouaké à l'occasion de la Fête des libertés. L’ex-première dame est l’invitée de Bineta Diagne. RFI : Simone Ehivet Gbagbo, vous avez lancé votre parti politique, le Mouvement des générations capables. C’est un parti qui est tout jeune. Est-ce qu’il est prêt pour les élections municipales et régionales du 2 septembre 2023 ? Simone Ehivet Gbagbo : Le parti est tout jeune, comme vous le dites. Mais dès le départ, on a décidé qu’on allait s’organiser pour être présents à toutes les élections. Présents à toutes les élections, mais est-ce que là, dans le cas concret du 2 septembre, votre parti parviendra à présenter 31 candidats pour les régionales, 201 candidats pour toutes les communes ? Je ne pense pas qu’on présentera 31 pour les régionales, 201 pour toutes les communes, je ne crois pas. Nous aurons sûrement des alliances avec d’autres partis qui existent. Vous serez à Bouaké prochainement pour la fête des libertés. Il y a quelques semaines, Laurent Gbagbo organisait de son côté la fête de la renaissance. Le 8 mai prochain, Pascal Affi N’Guessan va lui aussi organiser un rassemblement de ce type. Qu’est-ce que vous répondez à tous ces détracteurs qui se disent que finalement, on observe concrètement un émiettement de l’idéologie d’appartenance de gauche ? Tous les partis aujourd’hui sont confrontés à ces questions-là, qu’ils soient à gauche ou qu’ils soient à droite. Maintenant, à gauche, effectivement, nous avons eu un éclatement, et aujourd’hui, ce qu’il y a à faire, c’est rediscuter, pour qu’au moins au niveau des élections qui arrivent, voir un petit peu où sont les localités où on peut ensemble organiser une entité cohérente qui peut convaincre des électeurs. Et puis, ça va nous permettre au moins de sauver quelque chose, sinon c’est sûr que cet éclatement de la gauche est une faiblesse, ça, on en est tous conscients. Charles Blé Goudé est rentré en Côte d’Ivoire le 26 novembre dernier. Est-ce que cela suffit en matière de réconciliation nationale ? C’est bon que Charles Blé Goudé ait pu revenir en Côte d’Ivoire. Tout comme c’est bon que le président Gbagbo ait pu revenir en Côte d’Ivoire. Mais moi, je continue de plaider pour qu’il y ait une véritable amnistie de cette crise. De sorte que nous avons encore aujourd’hui les militaires qui sont exclus de tous les débats de réconciliation que nous connaissons, et ils sont en prison encore aujourd’hui. Oui, mais lorsqu’on parle d’amnistie de la crise, qu’est-ce que vous entendez par là ? Est-ce que ça ne va pas alimenter des frustrations auprès des gens qui recherchent une justice, qui ont été victimes de la crise ? Ce n’est pas la même chose. Vous voyez, les premières attaques de la rébellion en Côte d’Ivoire, c’était en 2002. On a amnistié la rébellion. On a amnistié les attaques. Ce qui reste dans ce cas-là, ce sont des actions comme les crimes, les vols, les pillages. À ce moment-là, ceux-là sont l’objet de traitements par l’organe judiciaire. Le fait politique des attaques, si vous n’amnistiez pas ceux-là, vous ne pouvez démarrer aucune discussion pour régler les problèmes sur le fond. Pour parler concret, ça veut dire que pour vous ça ne vous choquerait pas s’il y avait une loi d’amnistie à l’endroit de Charles Blé Goudé, à l’endroit de Guillaume Soro, ou à l’endroit de Laurent Gbagbo ? Forcément, comme ça tout le monde est mis sur un même pied d’égalité. Au contraire, moi je le réclame même.
4/24/202310 minutes, 49 seconds
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Inna Modja (chanteuse malienne): «Le combat pour la terre est aussi un combat pour les femmes»

Depuis vingt ans, elle est engagée contre les violences faites aux femmes, la chanteuse malienne Inna Modja veut désormais leur assurer un accès durable à la terre. Le 17 avril dernier, elle a été nommé ambassadrice de bonne volonté de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification. L’avancée du désert du Sahara touche particulièrement le Sahel, et particulièrement le Mali, le pays d'origine d'Inna Modja. Pour stopper sa progression, une grande barrière de végétation est en construction du Sénégal à Djibouti. Un projet à l’origine du documentaire « The Great Green Wall » de la chanteuse, sorti en 2019. Rencontre avec une femme engagée au micro de Christina Okello.  RFI : Le 17 avril, vous avez été nommée ambassadrice de bonne volonté de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification. Qu’est-ce que vous espérez faire changer à travers cette nomination ? Inna Modja : J’ai envie d’inspirer les gens à s’engager pour le changement. Plutôt que de les montrer du doigt et de leur montrer ce qu’ils font mal, c’est leur montrer ce qu’ils peuvent faire, c’est pour ça que je n’utilise pas juste ma voix, je vais sur le terrain, je passe énormément de temps depuis 2017 dans le désert, dans les communautés rurales du Sahel, et aujourd’hui je vais le faire globalement… C’est quelque chose qui n’est pas évident… Bien sûr, c’est une pierre dans l’édifice, c’est une évolution de mon travail. Je suis très honorée qu’on m’ait donné ce titre qui reconnaît mon travail de ces vingt dernières années. Quelle est selon vous la priorité pour lutter contre la désertification ? Je pense que l’une des premières priorités, pour moi, c’est la question des femmes et de la jeunesse. Beaucoup de femmes vivent dans des endroits où les terres sont détériorées. Près de 50 pour cent de femmes qui travaillent la terre n’en bénéficient pas et le changement climatique a un impact beaucoup plus grand sur ces femmes et sur leurs filles. Elles sont les plus vulnérables. Pour moi, l’égalité des genres permettrait d’équilibrer un peu le poids qu’elles portent, de le répartir différemment. Elles ne peuvent pas être à 50% en train de restaurer ces terres et de les travailler et n’être que 3% à avoir la propriété de ces mêmes terres, il y a un déséquilibre qui est très flagrant. La dégradation des terres était au cœur d’une rencontre des chefs d’État africains en Côte d’Ivoire l’an dernier… Est-ce que cette rencontre a permis d’avancer ? Faut-il encourager à l’avenir de telles réunions ? Absolument. Il y avait des chefs d’État, mais nous y étions aussi, nous les activistes, et je pense que c’est important qu’il y ait ce genre de réunions, parce que ça ouvre une discussion et ça permet un débat, ça permet de commencer à trouver des solutions. De la réunion que vous mentionnez, sont nés des débuts de solutions : la propriété des terres par les femmes, ça, c’est quelque chose qui est revenu très souvent dans les discussions. Et on est déjà en train de travailler sur certaines solutions : comment est-ce que les femmes peuvent avoir accès à la propriété et ne pas perdre la propriété lorsque, par exemple, elles perdent leur mari ou en cas de séparation, etc. En 2019, vous avez réalisé le documentaire The Great Green Wall, en référence au grand mur d’arbres qui est en train d’être construit dans le Sahel… De quelle manière ce projet fait-il partie de la solution, selon vous ? J’ai personnellement voyagé du Sénégal jusqu’à l’Éthiopie, le long de cette grande muraille verte dans le Sahel. Et j’ai rencontré les communautés qui vivent là-bas, parce que ce sont elles qui vont faire la différence, ce sont elles qui sont en train de changer leur environnement, qui sont en train de planter des arbres, qui sont en train de faire en sorte que ce projet devienne réalité. Donc en rencontrant ces communautés, je sais qu’elles ont la résilience et qu’elles ont l’envie. Rien ne les arrêtera, il s’agit de protéger leur environnement mais de protéger aussi la jeunesse, parce que beaucoup de jeunes partent. Les migrations forcées sont très présentes dans cette région. On se rend compte que le changement climatique a beaucoup de conséquences. Vu qu’il n’y a pas d’opportunités de vie, les gens partent. Ça, c’est quelque chose de très humain qui se passe partout dans le monde. À partir du moment où on estime qu’on ne peut pas vivre et qu’on ne peut pas créer de ressources pour soi ou pour sa famille, on bouge.  À l’annonce de votre nomination le 17 avril, vous avez déclaré : « Ensemble, nous pouvons créer un avenir plus radieux et durable. » À quoi ressemble-t-il cet avenir radieux ? Un avenir plus radieux ? C’est un avenir où chacun de nous contribue à protéger la planète. Parce qu’il y a un effet papillon qui est très violent, c’est-à-dire que le mode de vie que soutient une partie du monde crée une planète qui a des conséquences extrêmes pour l’autre partie. C’est-à-dire que quand on regarde par exemple le continent africain, qui est le continent qui contribue le moins aux émissions de carbone et à la pollution, quand on regarde la zone du Sahel, les conséquences sont extrêmes pour une population qui contribue très peu à ce changement climatique. Aujourd’hui, on n’est pas dans un moment où on pointe du doigt, on est dans un moment de collaboration parce qu’on est dans une urgence et on doit travailler ensemble. Et pour ça, l’éducation est quelque chose de très important. Comment est-ce que chacun de nous peut faire sa part ? Comment est-ce que chacun de nous peut faire en sorte qu’on change nos pratiques pour les remplacer par des pratiques plus durables dans notre quotidien ? Et comment est-ce qu’on peut faire en sorte que ceux qui sont les plus vulnérables puissent avoir des opportunités pour s’en sortir ? Laquelle de vos chansons pourrait incarner au mieux votre engagement en faveur du climat ? Est-ce que vous pouvez commencer à me la chanter a cappella ? La chanson qui s’appelle « Water », qui parle donc de l’eau, de l’accès à l’eau, est très importante pour moi. J’ai grandi au Mali, on n’avait pas toujours accès à un robinet chez nous, ça s’est fait avec le temps. C’est une chanson qui dit qu’aujourd’hui, l’eau est la chose la plus importante au monde et que tout le monde n’y a pas accès. Elle vient de mon album Motel Bamako qui est sorti en 2015. (Elle chante…. rires)
4/23/20235 minutes, 46 seconds
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Projet de loi Tshiani: «Un texte populiste qui fait des dégâts dans l'opinion publique» en RDC

En RDC, les prises de position se multiplient contre un projet de loi controversé sur la « congolité ». Surnommée loi Tshiani, du nom de son initiateur, cette proposition de loi vise à réserver les plus hautes fonctions de l'État, dont la présidence, aux seuls Congolais nés de père et de mère congolais. Un projet de loi déjà écarté en 2021, mais qui a été inscrit au programme de la session parlementaire de printemps cette année. Et il divise fortement à la veille de l’élection présidentielle prévue le 20 décembre 2023. Entretien avec Trésor Kibangula, de l’Institut de recherches Ebuteli, partenaire du Groupe d’étude sur le Congo (GEC).   RFI : Trésor Kibangula, depuis plusieurs semaines, la classe politique congolaise est divisée autour d’un projet de loi, surnommé loi Tshiani, du nom de son initiateur Noël Tshiani. Des organisations de la société civile, la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) et dernièrement le cardinal Fridolin Ambogo se sont prononcés contre le texte. Est-ce que ces prises de position vont renforcer le débat en cours ? Trésor Kibangula : Bien sûr. C’est plus le cri d’alarme, la sonnette d’alarme je dirais, par rapport à cette proposition de loi qui est très controversée, et très dangereuse pour une question si sensible en RDC qui est la question des nationalités. Il faut peut-être rappeler que durant l'année 1996, des gens ont pris des armes, à l’Est notamment, pour cette question des nationalités. Cela a toujours été au cœur des polémiques congolaises. Et aujourd’hui, revenir avec cette proposition et remettre ça sur la table risque quand même de remettre en cause tous les acquis que le pays a engagés depuis les discussions de Sun City [le 19 avril 2002, Ndlr]. La grande crainte, que ce soit de l’église ou des autres parties prenantes, ou de personnalités de la société civile, c’est qu’on ouvre finalement cette boite de Pandore de la question des nationalités au Congo et qu’on retourne dans les vieux démons de: qui est Congolais et qui ne l’est pas ? Qui aujourd’hui a intérêt à porter ce type de projet de loi au Congo ? Pour l’instant, on n’est que dans le domaine des surenchères, sans écarter l’idée d’avoir un débat, parce que si c’est une question qui se pose dans la société, c’est bien d’avoir un débat et d’en finir une fois pour toutes. Mais la question maintenant, c’est sur l’opportunité de ce débat. Est-ce que c’est le moment d’ouvrir ce chapitre, juste à la veille des élections ? Et là, c’est très facile de voir contre qui cette proposition est destinée, parce qu’il y a quand même un des candidats à cette élection présidentielle qui pourrait ne pas être retenu si cette proposition de loi passe : c’est Moïse Katumbi. Forcément, ça pourrait faire les affaires de ceux qui sont au pouvoir. Le président de la République, une fois, avait déjà manifesté ses réserves par rapport à cette proposition de loi sans écarter l’idée d’avoir un débat sur le sujet. Vous faites notamment référence à une interview qu’il avait donnée à Voice of America Africa où il disait que « être congolais de père et de mère ne garantissait pas un engagement total pour le pays ». Mais depuis que le projet est de nouveau sur la table, on n’a pas beaucoup entendu la coalition Union sacrée de la nation, sur ce thème? Surtout que c’est une proposition qui est portée par un député de la coalition au pouvoir. C’est ce qui est aussi inquiétant, voire que la coalition donne quand même, laisse cette proposition revenir. Et la manière dont la proposition est revenue sur la table interroge aussi. Parce que la dernière fois, la proposition a été retoquée au niveau du bureau d’étude de l’Assemblée nationale qui trouvait que ça ne remplissait pas des conditions pour être retenue. Et aujourd’hui, sans que ces conditions-là soient satisfaites, le texte revient. Même si on a vu, dans l’histoire de l’Assemblée nationale, que retenir un texte au calendrier ne veut pas forcément dire que ce texte va être examiné ou même adopté. On accumule depuis que la législature a commencé beaucoup d’arriérés législatifs, c’est-à-dire des textes qui sont alignés dans des calendriers, mais qui n’ont jamais été examinés. Parce que la priorité de cette session parlementaire, c’est le vote de la loi électorale ? La loi électorale a été votée et, c’est plus la loi sur la répartition des sièges. La Commission électorale nationale indépendante, la Céni, est en train de finir la phase d’enrôlement des électeurs. Cela va permettre à ce qu’on puisse répartir le poids électoral dans chaque province et attribuer à chaque circonscription un nombre de députés nationaux dans ce texte majeur qui est attendu à l’Assemblée nationale. Et qui a plus de chance d’être examinée que la loi de Tshiani actuellement ? Aujourd’hui, la loi de Tshiani, à mon sens, a beaucoup moins de chance d’être examinée parce que, pour que la loi doive être examinée ou être adoptée, il faut qu’on touche à certaines dispositions de la Constitution. Alors qu’on ne peut pas changer ou réviser la Constitution congolaise lorsque le pays ou une partie du pays est sous état de siège. Il y a cette contrainte légale, mais ça reste quand même dans le domaine des surenchères politiques. Et comme c’est un texte populiste, ça cause déjà des dégâts dans l’opinion publique. Il va extrapoler, quitter même le domaine qu’il voudrait régir à cette proposition de loi, aller jusqu’à nier la nationalité congolaise à certaines personnes parce qu’elles sont claires de peau. ► À lire aussi : RDC: la controversée loi Tshiani sur la «congolité» divise le pays
4/21/20234 minutes, 59 seconds
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Aziz Mahamat Saleh: «Le Tchad ne doit pas être mis sous mandat des Nations unies»

« Pas d’élections sous la supervision de l’ONU », répond le gouvernement tchadien à l’opposant Succès Masra, qui, le 19 avril 2023 sur notre antenne, proposait que la prochaine présidentielle soit certifiée par les Nations unies. Entretien avec Aziz Mahamat Saleh, le ministre tchadien de la Communication et porte-parole du gouvernement. En ligne de Ndjamena, il s’exprime aussi sur les efforts du président de la transition tchadienne pour faire cesser la sanglante bataille de Khartoum. RFI : Aziz Mahamat Saleh, à la suite des graves événements du 20 octobre 2022, qui ont fait 128 morts selon la Commission nationale des droits de l’homme, plusieurs centaines de manifestants présumés ont été arrêtés et 259 d’entre eux ont été graciés et libérés ce 8 avril. Mais, selon l’opposition, il en reste des centaines d’autres qui sont toujours en prison ? Aziz Mahamat Saleh : Je pense que c’est une extrapolation de chiffres. Le gouvernement parle avec exactitude de 259 personnes qui ont été graciées et de plus de 200 qui sont dans les prisons, mais pour lesquelles la procédure judiciaire n’est pas finalisée. On ne peut gracier que quelqu’un qui a été déjà condamné. Puisque ces personnes n’ont pas encore été jugées, elles le seront. Et, à ce moment-là, l’opportunité ou non de la grâce, qui est un élément discrétionnaire du chef de l’État, interviendra. Donc, je crois que c’est chaque chose en son temps. Pourquoi aucun responsable des forces de l’ordre n’a été poursuivi par la justice ? Les responsables des forces de l’ordre et de sécurité, pour certains, ont été interpellés. Ça, il faut le reconnaître. Autre élément, ce sont des personnes qui n’ont pas été identifiées, qui étaient en civil, et qui ont été recherchées par la suite. Et comme peut-être aussi les commanditaires, elles ont fui le pays pour certaines. Donc, pour cela, il y a des recherches en cours avec même les pays voisins. Le gouvernement l’a toujours dit, les responsabilités devront être situées d’où qu’elles viennent et à ce niveau-là aussi. À l’occasion de son passage en France cette semaine, le chef de l’opposition tchadienne Succès Masra propose un accord de réconciliation nationale fondé sur des élections transparentes, certifiées par les Nations unies, comme en Côte d’Ivoire par exemple en 2010. Qu’est-ce que vous en pensez ? Je suis étonné que RFI donne le titre de chef de l’opposition à Succès Masra, mais qu'à cela ne tienne. Ce n’est pas seulement une critique acerbe qui permet d’avoir le titre de chef. Le chef de l’opposition est fixé dans le cadre de la Constitution tchadienne. Donc, je ne pense pas qu’il y ait un focus sur uniquement un parti nouvellement créé. Des élections transparentes certifiées par l’ONU. Qu’en pensez-vous ? C’est d’abord aux Tchadiens d’organiser leurs élections. Je ne pense pas que le Tchad doit être mis sous mandat des Nations unies, comme certains le demandent. Le dialogue national a demandé plus de souveraineté aux Tchadiens. On ne peut pas aujourd’hui en retirer plus aux Tchadiens. C’est souverainement que les Tchadiens doivent décider de leur avenir : est-ce que c’est un État fédéral qu’ils veulent, un État unitaire ? Il faut qu’il y ait des élections qui soient crédibles, qui soient acceptées par tout le monde. Pour faire cesser la bataille de Khartoum, le président Mahamat Idriss Déby a téléphoné au général Abdel Fattah al-Burhan et au général Hemedti. Qu’est-ce que ces deux appels ont donné ? Le président a beaucoup insisté et ce n’est pas seulement par ses coups de fil. Il avait déjà convié il y a un mois les deux protagonistes au Tchad et les deux sont venus tour à tour. Et cela a été toujours le même message : « Préservons la paix, entendons-nous », parce que déjà on voyait les velléités au niveau du Tchad. On connait mieux que quiconque la situation au niveau du Soudan. Donc le chef de l‘État avait demandé à ce que justement, il n’y ait pas de conflits et que la transition soudanaise aille jusqu’à son terme. Ça a été toujours cela, et c’est la même chose qu’il a demandée hier lorsqu’il y a eu ces affrontements : c’est qu’il y ait un arrêt de ces affrontements et qu’on protège notamment l’aéroport et les endroits stratégiques au niveau notamment de Khartoum pour qu’il n’y ait pas d’affrontements en son sein et qu’il y ait un arrêt des hostilités. Il a déjà appelé deux fois les deux protagonistes, il est en contact permanent avec eux, il les connait personnellement. Et il y a des chefs d’État qui veulent même aller sur place. Je crois que le Tchad aussi. S’il en a l’opportunité, il ira sur place pour qu’on puisse réellement parler et voir d’abord ce que les Soudanais peuvent faire pour arrêter les combats. C’est dans un premier temps, l’arrêt des combats qui est d’abord la priorité et ensuite je crois que le dialogue devrait être à l’ordre du jour. Est-ce qu’un cessez-le-feu est possible dans les prochaines heures ? Il y a de bons espoirs puisque le président est en contact permanent avec tous les belligérants. On a bon espoir, avec tous les appels qui sont lancés, à ce que dans les plus brefs délais, il puisse y avoir un cessez-le-feu. Et d’après vos informations, qui prend le dessus en ce moment sur le plan militaire ? Ce sont plutôt les Forces armées soudanaises ou plutôt les Forces de soutien rapide ? Le Tchad, sur ce point, a une position de neutralité absolue quand bien même nous avons des connivences assez importantes et, sur cela, la condition, c’est de dire qu’on ne voudrait pas voir l’un prendre le dessus sur l’autre puisque de toute façon, ce serait le Soudan qui serait perdant quels que soient les résultats. Sur cela, le Tchad a la neutralité la plus absolue, il ne fait qu’observer la situation. Il y a la bataille de Khartoum et il y a aussi des conflits dans les provinces frontalières du Tchad, à savoir les trois provinces du Darfour. Est-ce que cela ne vous inquiète pas aussi beaucoup ? Bien sûr. C’est très inquiétant. Le Darfour est voisin du Tchad. Et c’est la guerre du Darfour qui a fait ramener près de 400 000 réfugiés dans les années 2000. Et donc, toute la frontière a été sécurisée avec un dispositif militaire très important qui a été déployé pour éviter les débordements. Quand bien même il y en a déjà quelques-uns, puisqu’il y a même quelques forces de sécurité qui ont été recueillies et désarmées au niveau du territoire tchadien. C’est-à-dire que des militaires des forces régulières soudanaises se sont réfugiées au Tchad ? Ce sont des militaires. L’identification n’a pas encore été faite, de quel bord ils sont. Quelle que soit leur nature, ils sont évidemment pris en main et secourus autant que possible. C’est pour cela que le Tchad a tout intérêt à ce que la guerre s’arrête au plus tôt. ► À écouter aussi : Succès Masra, opposant tchadien: «Notre ambition est de réconcilier les deux Tchad»
4/20/20239 minutes, 4 seconds
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Succès Masra, opposant tchadien: «Notre ambition est de réconcilier les deux Tchad»

Au Tchad, un accord de réconciliation est possible, affirme Succès Masra. Mais le chef de l’opposition pose une condition : il faudrait que Mahamat Idriss Déby ne profite pas de sa position de président de la transition pour truquer la prochaine élection et qu’il accepte un scrutin certifié par l’ONU. C’est ce que Succès Masra appelle « l’éligibilité encadrée ». Depuis la répression meurtrière des manifestations du 20 octobre, Succès Masra vit à l’étranger. Cette semaine, il est à Paris. Entretien. RFI : Est-ce que vous n’êtes pas en train de vous isoler politiquement et peut-être de vous condamner à rester très longtemps en exil ? Succès Masra : Nous nous isolons de la dynastie pour nous rapprocher d’un Tchad majoritaire qui veut la justice et l’égalité. Vous dites que vous êtes majoritaire, mais dans l’épreuve de force du mois d’octobre 2022, vous avez échoué. Quelle est votre nouvelle stratégie ? Nous n’avons pas échoué puisque c’est comme si vous disiez à Nelson Mandela, quand il luttait contre l’apartheid en Afrique du Sud et qu’il faisait face à la brutalité, qu’il avait échoué. La certitude de notre victoire, elle est là. Ce n’est qu’une question de temps. Mais si, à la fin de l’année prochaine, le président de la transition Mahamat Idriss Déby se présente et est élu, qu’allez-vous devenir ? D’abord, je ne suis pas en exil. Je n’ai demandé l’asile politique nulle part, ni aux États-Unis, ni en France et je n’entends pas le faire. Je suis sorti du Tchad dix jours après [après le 20 octobre, jour des manifestations réprimées dans le sang,  128 morts selon la CNDH du Tchad]. C’est pour porter la voix de mon peuple avec l’objectif de rentrer, mais avec des solutions. Je mobilise les énergies pour être capable d’imposer la démocratie parce que c’est la seule voie d’avenir. Jusqu’à présent, Succès Masra, vous avez toujours été un civil attaché à la voie pacifique. Est-ce qu’aujourd’hui, vous êtes toujours sur la même ligne ou est-ce que vous n’excluez pas l’option de la lutte armée ? Je suis un démocrate. Je me bats pour que la démocratie soit au rendez-vous. Mais il y a quelque chose de nouveau dans ce qui s’est passé le 20 octobre. Ces Tchadiens majoritaires se rendent compte qu’ils sont sortis les mains nues et qu’ils se sont fait tirer dessus. Vous voyez bien que ce peuple-là est de plus en plus déterminé à avoir son bouclier protecteur. Le bouclier, dans notre civilisation, dans notre culture, c’est une arme dont l’objectif n’est pas de tuer, mais d’empêcher de se faire tuer. C’est une arme multidimensionnelle, elle est communicationnelle, elle est diplomatique, elle est juridique, mais elle est aussi sécuritaire. Si demain 80% des soldats du Tchad, au nom de la République, décident de protéger le peuple, ils deviendront les boucliers de ce peuple pour garantir sa voix. Donc, nous sommes dans la démarche de tout faire pour que le peuple tchadien ne se fasse plus massacrer par une famille, un clan ou un groupe qui est minoritaire. Vous privilégiez toujours la voie pacifique… La démocratie. Vous voyez que, malgré ce qui s’est passé, je mets sur la table une offre de réconciliation nationale et de retour de la démocratie. Si cette offre échoue, cela veut dire qu’on consacre dans les faits les deux Tchad. Nous, notre ambition, c’est de réconcilier ces deux Tchad, avec des propositions concrètes : ticket présidentiel, élection des gouverneurs, démocratie plutôt que dynastie. Si nous nous retrouvons sur ce point-là, nous sommes convaincus que l’avenir du Tchad sera un avenir radieux. Cette proposition d’une réconciliation que vous lancez, elle se nourrit de l’espoir, pour vous, de rentrer au Tchad d’ici la fin de l’année pour mener campagne pour la présidentielle de l’année prochaine par exemple ? Je suis sac au dos. Demain matin, s’il y a un accord de réconciliation véritable et sincère avec les mécanismes, y compris onusiens, et l’implication des différents partenaires  -je pense notamment à la France, aux États-Unis, au Qatar qui ont été impliqués, mais aussi à l’Union africaine, à Sant'egidio [association de fidèles catholiques engagée dans la lutte contre la pauvreté et le travail pour la paix], à la CEEAC [Communauté économique des États de l'Afrique centrale], à l’ensemble de ces acteurs-là -, nous trouverons une solution. Ce dont je vous parle est sur la table de l’ONU, sur la table des différents partenaires. Je suis à Paris, j’aurai l’occasion sans doute d’en parler avec les autorités. Je parle à l’ensemble des acteurs, y compris sur le continent africain, de manière à ce que nous trouvions une solution. Et si à l’issue de vos discussions avec notamment vos interlocuteurs français cette semaine à Paris, notamment les conseillers présidentiels autour d’Emmanuel Macron, vous trouviez un point de convergence avec Ndjamena, est-ce qu’on pourrait imaginer que vous puissiez rentrer au Tchad et que vous acceptiez de vous présenter à la présidentielle de l’an prochain face à Mahamat Idriss Déby, à condition que cette élection présidentielle soit certifiée par l’ONU, comme en Côte d’Ivoire en 2010 ? C’est ce que nous avons introduit, ce que nous avons appelé « l’éligibilité encadrée ». C’est de faire en sorte que ceux qui seront candidats n’aient pas tous les leviers du pouvoir et donc ne truquent pas les résultats demain. Là où tout le monde disait que nous n’aimions pas le dialogue, nous avons démontré que nous étions parmi ceux qui ont le plus dialogué avec le chef de la junte. Là où tout le monde disait « inéligibilité pure et simple », nous avons été ceux qui ont parlé d’éligibilité encadrée. En fait, contrairement à ce que les uns et les autres racontent, nous avons eu les positions les plus médianes et les plus conciliantes. Vous comptez notamment sur les pays occidentaux et la France, mais est-ce que vous ne craignez pas qu’à l’heure où il y a un conflit Est-Ouest autour de l’Ukraine, il y ait un durcissement des positions des uns et des autres et que, au nom de la stabilité, la France choisisse le régime de transition actuel, sous l’autorité du général Mahamat Idriss Déby, aux dépens de toute autre solution ? La guerre froide a toujours existé. Et toute l’Afrique regarde la cohérence et la crédibilité de la parole de la France à l’aune de son positionnement sur le dossier tchadien. Et donc je crois que l’engagement qui a été pris est un engagement public du président français de ne jamais soutenir un plan de succession dynastique. Qu’est-ce que la France fait ? C’est à l’aune de cela qu’on jugera la crédibilité de la parole de la France. Et si la France vous déçoit, est-ce que vous êtes de ceux qui se rapprocheront de la Russie ? Cela n’a jamais été notre démarche. Mais ce que je dis aussi, c’est que nous arrivons à un niveau où la France aujourd’hui est en train de sortir du cœur de notre peuple. Et c’est à elle de restaurer sa crédibilité et sa parole parce qu’en fait, sa crédibilité se joue ici et maintenant au regard de ce qui est en train de se passer au Tchad. ► À lire aussi : Répression du 20 octobre au Tchad: après la libération de 259 prisonniers, qui reste détenu?
4/19/202311 minutes, 32 seconds
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Mahamadou Ouhoumoudou: «Le Niger est le futur eldorado de l'Afrique où il faut investir»

Le Premier ministre du Niger est actuellement en France. Il s'adresse ce mardi aux entrepreneurs français, pour les inciter à venir investir dans son pays. Quels sont ses arguments ? Comment le pays pousse-t-il ses pions dans le secteur pétrolier, qui a été l'un des moteurs de sa croissance l'année dernière ? Et comment le gouvernement entend-il faire face aux fragilités sociales qui persistent ? Entretien avec le Premier ministre du Niger, Mahamadou Ouhoumoudou. RFI : Mahamadou Ouhoumoudou, ce 18 avril 2023, vous allez vous exprimer devant le Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian). Quel est votre message aux chefs d’entreprise français ? Mahamadou Ouhoumoudou : C’est de leur dire que le Niger est le futur Eldorado de l’Afrique et que c’est un pays où il faut investir. Il ne faut pas qu’ils soient les derniers à venir investir au Niger, il faut qu’ils soient parmi les premiers. Il ne faut pas que ce soit uniquement dans un seul secteur, notamment le secteur minier. Nous appelons les investisseurs à venir investir dans d’autres secteurs où il y a beaucoup de potentiels. Pourquoi dites-vous que les investisseurs français ne doivent pas être les derniers à venir investir ? Est-ce qu’il y a un retard des investisseurs français sur le territoire nigérien ? Il y a une ruée d’investisseurs d’autres pays et, effectivement, pour le moment, les investisseurs français ne sont pas parmi les premiers venus. Le 31 mars 2023, votre gouvernement annonçait les chiffres de la croissance 2022 pour le Niger : +11,5%. Ce taux de croissance est remarquable. Mais selon la coordination humanitaire de l’ONU, en 2023, 4,3 millions de personnes, c’est-à-dire environ 17% de la population nigérienne, auront tout de même besoin d’une assistance humanitaire. Pourquoi ce décalage et comment entendez-vous y faire face ? Malgré cette forte croissance, effectivement notre pays est victime d’attaques de terroristes en provenance des pays voisins, notamment du Mali et du Burkina Faso. Et surtout aussi d’un afflux de réfugiés en provenance des pays voisins, notamment le Nigeria et le Mali. Les réfugiés, les déplacés… En même temps, le niveau d’extrême pauvreté s’élevait quasiment à 42% en 2021. Il n’y a donc pas que les déplacés. Il y a quelque chose d’ancien à résoudre ? Oui. Il y a quelque chose d’ancien à résoudre, parce que, quoi qu’on en dise, notre pays est un pays où la pauvreté était, au départ, estimée à plus de 60%. Donc, lorsqu’on revient à 40%, c’est quand même déjà un progrès remarquable qui a été accompli ces dix dernières années. L’un des gros chantiers économiques de 2023, c’est le projet d’augmentation de la production pétrolière du gisement d’Agadem. On parle d’une production qui passerait de 20 000 barils par jour à 110 000 barils par jour. Où en sont les discussions avec la compagnie chinoise China National Petroleum Corporation (CNPC) sur ce dossier ? Tout a été conclu avec la CNPC, notamment notre participation dans la construction du pipeline qui doit relier le Niger au Bénin. Nous avons aussi donné notre accord, en ce qui concerne la CNPC, pour l’exploitation dans le gisement d’Agadem. Donc il n’y a pas d’autres discussions particulières sur cet aspect. Par contre, nous avons un autre gisement sur lequel nous sommes en discussion avec les Chinois. Il s’agit du gisement de Bilma. Nous espérons également une production assez importante. Et on peut espérer une mise en exploitation d’Agadem et de Bilma à quelle date, à quelle échéance ? Pour ce qui concerne Agadem, l’exportation du brut va démarrer dès le mois de novembre 2023 et en ce qui concerne Bilma, tout dépendra des efforts de développement qui vont être faits, mais cela ne dépassera pas trois ans. Les autorités régionales d’Agadez ont annoncé que plus de 5 000 migrants sub-sahariens refoulés d’Algérie sont arrivés à Assamaka, à 15 kilomètres de la frontière. Le Niger est-il d’accord avec le fait de devoir accueillir des milliers de migrants expulsés par l’Algérie, même s’ils ne sont pas Nigériens ? Est-ce qu’il existe un accord formel avec l’Algérie sur le sujet ? Il n’y a pas d’accord formel avec l’Algérie en ce qui concerne le refoulement d’étrangers. Le gouvernement algérien considère que, à partir du moment où ce sont des ressortissants de la Cédéao [Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, Ndlr] et que le Niger fait partie de la Cédéao, la frontière entre l’Algérie et la Cédéao, c’est le Niger. C’est la raison pour laquelle l’Algérie les amène à la frontière du Niger, d’autant plus qu’elle considère qu’ils sont rentrés en Algérie en passant par la frontière du Niger. Ce n’est pas totalement juste, parce que la plupart d’entre eux rentrent en Algérie en passant par le Mali. Pour ce qui nous concerne, il s’agit d’une question humanitaire qui touche des ressortissants de pays amis. Nous devons donc nous en occuper et nous nous en occupons. Les autorités locales justement craignent une « catastrophe humanitaire », c’est le mot qui a été employé par certaines d’entre elles. Que prévoyez-vous pour éviter cette catastrophe ? Évidemment, lorsque vous faites débarquer 4 000 à 5 000 personnes dans un village qui comporte juste 4 000 habitants, vous vous rendez compte que la situation devient critique. Nous la gérons avec l’OIM [Organisation internationale pour les migrations, Ndlr, mais aussi nous envisageons de porter le problème au niveau de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest. Ce que nous attendons de la Cédéao, c’est d’abord la possibilité d’accompagnement pour le retour de ces réfugiés dans leur pays d’origine.
4/18/202310 minutes, 39 seconds
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Affaire Zogo au Cameroun: «On peut craindre qu'on n’ait pas toute la vérité», estime Me Claude Assira

C’est un assassinat sordide qui secoue le Cameroun depuis trois mois : le 17 janvier dernier, le journaliste camerounais Martinez Zogo était kidnappé à Yaoundé. Et cinq jours après, son corps était retrouvé atrocement mutilé. Trois mois plus tard, où en est l’enquête judiciaire ? Et les Camerounais croient-ils que les auteurs de ce crime barbare seront un jour condamnés ? Maître Claude Assira est avocat au barreau du Cameroun et il craint un « procès cadenassé ». En ligne de Yaoundé, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Maître Claude Assira, de quoi ce crime sordide est-il le symptôme ? Maître Claude Assira : Je pense qu’il prouve d’abord une certaine forme d’accès à un degré de violence, de bestialité et d’animalité, qu’on pourrait difficilement imaginer dans notre pays que nous avons souvent tendance à prendre pour un havre de paix. Mais c’est aussi, quelque part, la marque de la déliquescence du pouvoir, parce qu’on voit poindre un certain nombre d’enjeux. La machine d’État - même si ce n’est pas en tant qu’État - au moins par un certain nombre de ses individus, cette machine d’État est d’une façon ou d’une autre impliquée dans cet assassinat, ce qui prouve bien qu’il y a une certaine forme de déliquescence et une impossibilité à contrôler les outils de l’État actuellement. Alors vous parlez de machine d’État, en effet les deux chefs de la DGRE, c’est-à-dire du contre-espionnage camerounais, Léopold Maxime Eko Eko et Justin Danwe, sont inculpés et incarcérés. Autre suspect dans cette affaire, le patron de presse, Jean-Pierre Amougou Belinga, qui lui aussi est inculpé et incarcéré. Quel lien pourrait-il y avoir entre cette personnalité camerounaise et les deux chefs de la DGRE ? Le caractère tout à fait particulier, outre la violence et la barbarie du meurtre, c’est que nous avons eu également, à un certain niveau de l’enquête préliminaire déjà, l’intervention de ses conseils dans un point-presse. Et au cours de ce point-presse, nous avons appris un certain nombre de révélations, dont notamment les relations qui pouvaient exister entre cette personne mise en examen et l’une des autres personnes que vous avez citées comme étant membres de la DGRE. Et il est apparu manifestement qu’elles avaient des liens très rapprochés, personnels, dont on se demande s’ils n’ont pas pu éventuellement être utilisés comme étant des liens de connivence pour la mise en œuvre de cet homicide, de cet acte odieux. Des liens entre Amougou Belinga et Justin Danwe? C’est exact. Et justement, ce que disent les avocats d’Amougou Belinga, c’est que leur client est accusé par ce numéro deux de la DGRE, Justin Danwe, qui n’est pas un monsieur très fiable, car il a donné aux enquêteurs trois versions différentes du meurtre… Il y a eu des versions qui étaient différentes, mais il y a quand même une trame qui reste presque toujours constante. Mais je reconnais parfaitement la prérogative des confrères, des avocats, qui sont tout à fait dans leur rôle de mettre le doigt là où ça fait mal. Et en l’occurrence, il se trouve qu’il y a eu des versions différentes, et si ces révélations souvent non-concordantes permettent de caractériser l’absence de fiabilité de ce témoin, dans ce cas, ils auront certainement gain de cause. Dans l’une des versions données par ce numéro deux des services, Justin Danwe, on voit apparaître le nom du ministre de la Justice, Laurent Esso. Qu’est-ce que vous en pensez ? Alors ce qui peut juste nous interpeller, nous autres de l’extérieur, c’est que nous n’ayons jamais eu un communiqué officiel de la personne concernée, soit en tant qu’individu, soit éventuellement en tant que membre du gouvernement. Dans un crime qui n’est pas banal, qui n’est pas rien, je pense qu’un communiqué eut été le minimum qu’on puisse faire pour permettre au peuple de comprendre, d’autant que ce ne sont pas des fonctions banales qui sont occupées par ce membre du gouvernement, ça aurait été le minimum. Comment expliquez-vous qu’aucune personne, pour l’instant, n’ait été inculpée pour meurtre, mais seulement pour torture ? J’ai beaucoup de mal à comprendre la qualification de simple torture qui a été retenue, et qui donne à penser que ce n’étaient que des menaces qui étaient envisagées et que les tortures utilisées en vue de ces menaces ont accidentellement conduit à la mort. Et pourtant, tout le monde sait très bien que, si vous torturez une personne, il va arriver un moment ou un autre où son cœur est susceptible de lâcher, et de conduire à la mort. C’est pour ça que la qualification retenue de torture paraît pour le moins curieuse. L’affaire est suivie, dites-vous, par les plus hautes autorités de l’État, par le palais d’Etoudi. Est-ce que vous pensez qu’il y aura un jour un procès ? Je n’imagine pas une seule seconde qu’on soit arrivés à ce niveau de déploiement de moyens, d’investigations, et qu’il ne puisse pas y avoir l’issue normale, c’est-à-dire un procès. En revanche, ce que je crains, c’est que ce procès soit un procès éventuellement cadenassé au regard de l’agitation que je vois d’ici, et de la façon dont ça fonctionne habituellement, c’est-à-dire les passe-droits, les couvertures et autres. Maitre Assira, est-ce que vous pensez qu’on saura un jour la vérité sur l’affaire Martinez Zogo ? Je peux vous donner une réponse qui me semble ne pas être optimiste, parce que le motif délibérément restreint de l’instruction préparatoire qui a fini par obtenir une infraction insolite, l’infraction de torture, peut donner à craindre que, malheureusement, on n’ait pas toute la vérité, on n’ait qu’une partie de la vérité. Vous savez très bien qu’une partie de la vérité, ce n’est jamais la vérité. ► À lire aussi Assassinat de Martinez Zogo au Cameroun: trois mois après l’onde de choc, où en est l’enquête?
4/17/202313 minutes, 15 seconds
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Soudan: «Ce qui a mis le feu aux poudres c’est la réforme des services de sécurité du pays»

Des combats meurtriers se déroulent en ce moment au Soudan. Le bilan est déjà d'une cinquantaine de morts. Cette explosion de violence est l’expression d’une rivalité entre le général al-Burhan, chef de la junte militaire au pouvoir, et le général Hemeti, patron des paramilitaires du FSR (Rapid Support Forces). Ils étaient en odeur de sainteté lorsqu’ils sont arrivés au pouvoir en 2019. Qu’est-ce qui explique cette vive animosité entre les deux hommes ? Décryptage de Clément Deshayes, anthropologue, chercheur sur le Soudan à l’Irsem. Il répond à Jean-Baptiste Marot.  RFI : Ces combats opposent depuis samedi 15 avril l'armée soudanaise, dirigée par le chef de la junte, le général al-Burhan, aux paramilitaires RSF (FSR) du général Hemeti. On dit que la rivalité entre ces deux généraux couvait depuis un moment. Qu’est-ce qui a mis le feu aux poudres ? Quelle goutte d'eau a fait déborder le vase ?  Clément Deshayes : D'abord, ce sont deux acteurs qui se connaissent vraiment très bien, puisqu'ils ont tous les deux opéré au Darfour pendant la guerre du Darfour dans les années 2005, 2010 et puis durant la guerre du Yémen. Donc, ces deux acteurs se connaissent particulièrement bien. Et ils sont en concurrence en fait depuis plusieurs années pour récupérer un certain nombre de réseaux de ressources depuis la révolution de 2019. Et ce qui a mis le feu aux poudres, là, dernièrement, c'est la question de la réforme des services de sécurité du pays dans le cadre d'un accord de transition du pouvoir vers les civils qui devaient être signé dans une semaine.  Ainsi que la question de l’intégration des RSF (FSR) à l’armée ?  Exactement. Cette réforme des forces de sécurité, la question centrale, c'est celle de l'intégration des forces FSR (Rapid Support Forces, acronyme RSF, en anglais) aux militaires. Les deux ont des positions qui sont antinomiques, puisque l'armée voulait une intégration très rapide dans une échéance d’un ou deux ans, alors que les FSR voulaient garder une autonomie jusqu'à une dizaine d'années. Et donc ce qui a mis le feu aux poudres, c'est cette question de la réforme de la sécurité qui est un enjeu central du transfert de pouvoir vers les civils et donc le cadre général, c’est cela.  Ce qui a vraiment déclenché la petite goutte d'eau qui a déclenché en fait, c'est une question de soutien de l'Égypte aux militaires et la prise de contrôle, la tentative de prise de contrôle par les RSF (FSR) d'un aéroport dans le nord du pays qui servait à acheminer de l'aide égyptienne vers l'armée.  Parmi les forces en présence, il y a donc l'armée régulière, mais il y a ces paramilitaires RSF (FSR). Quelle est précisément l'histoire de ce mouvement et finalement ? Quelle est sa puissance qu'il représente dans le pays, au Soudan ? Ont-ils de nombreux hommes, des bases militaires ?  C'est un groupe qui est né en 2013 dans une volonté d'institutionnaliser, dans une logique de concurrence au Darfour, les milices janjawid qui étaient, qui ont été responsables d'un certain nombre de crimes durant la guerre au Darfour et qui étaient devenues un petit peu incontrôlable. Il a donc a fallu les institutionnaliser pour, un petit peu, les « domestiquer » par le pouvoir central, ce qui n'a pas très bien réussi parce qu'on voit aujourd'hui qu'ils se sont complètement autonomisés.  C'est une force qui aurait un peu plus de 100 000 combattants qui sont plutôt aguerris. C'est autant que l'armée, voire un petit peu plus que l'armée. On estime que l'armée compte à peu près 102 000 soldats et que les RSF (FSR), seraient plutôt autour de 120 000. Mais la particularité, c’est qu'ils ont combattu au Yémen, ils ont combattu au Darfour, ils ont combattu en Libye, ils ont beaucoup d'hommes qui sont aguerris. Ils bénéficient d'un armement relativement lourd avec des véhicules blindés, de l'artillerie qui a été notamment livrée par les Émirats arabes unis. Mais l'armée a un avantage comparatif puisqu'ils ont une aviation et des tanks.  Ces RSF (FSR) sont disposés à peu près partout dans le pays, avec surtout une surreprésentation au Darfour, au Kordofan, donc dans tout l'ouest du pays, et à Khartoum. Ils sont un petit peu moins déployés dans l'est du pays et d'ailleurs, on l'a vu là ces derniers ces dernières heures, puisque l'armée a plutôt pris la main dans ces secteurs-là, mais des secteurs où, historiquement, les RSF (FSR) sont peu implantés.  Vous avez fait allusion à l'Égypte, aux Émirats arabes unis. Les deux camps en présence aujourd'hui au Soudan. Ils ont donc des soutiens extérieurs qui sont leurs parrains ?  Aujourd'hui, tout le monde appelle au calme. Vraiment. Parce que je crois que la situation a complètement dérapé, y compris de la part des parrains régionaux. Historiquement, l'armée, là depuis quelque temps, est soutenue de manière très forte par l'Égypte et un petit peu moins par l'Arabie saoudite. Et de l'autre côté, les parrains des RSF (FSR) sont plutôt les Émirats arabes unis et de manière un peu plus lointaine la Russie. Sachant que les liens des RSF (FSR) avec la Russie se sont un petit peu distendus ces derniers mois et le général Hemeti, le chef des RSF (FSR), est un petit peu isolé aujourd'hui et un peu plus isolé, même s'il continue d'avoir quelques soutiens dans le Golfe.
4/16/20235 minutes, 21 seconds
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Thierno Kouyaté, 50 ans d'histoire au service de l’Orchestra Baobab du Cap-Vert

Direction Praia, la capitale du Cap-Vert pour retrouver notre invité Afrique du jour. Thierno Kouyaté est venu en voisin. Le saxophoniste sénégalais est l’un des doyens de l’Orchestra Baobab, c’est lui qui porte aujourd’hui la parole, l’histoire et l’héritage de ce groupe mythique qui célèbre cette année ses 50 ans. Et l’orchestre s’est donc produit au Cap-Vert où se tenait cette semaine deux festivals : l’Atlantic Music Expo et le Kriol Jazz. En musique, avec des extraits du concert à Praia mixé par Eric Peycelon l’ingénieur du son de Cesaria Evora, le « Baobab » Thierno Kouyaté au micro de Guillaume Thibault. RFI : Cinquante ans d’histoire pour l’Orchestra Baobab et pour la première fois, un concert, ici, à Praia… Thierno Kouyaté : Déjà, c’est un grand plaisir d’arriver ici, parce que c’est la première fois que nous allons au Cap-Vert, un très beau pays que nous apprécions beaucoup. Et puis, vraiment, une population accueillante. Je crois que ça va faire un grand « boum » pendant le concert. Comment est-ce que l’orchestre se reconstruit après la pandémie ? On remercie Dieu, parce que nous avons vécu de longs mois très difficiles. Financièrement, ce n’était pas évident. On a commencé le travail, les gens se posaient la question : comment ça va se passer avec la jeune génération qui arrive ? Heureusement, ils se sont donnés et ça a très bien donné, ça promet. Comment on reconstruit un orchestre justement ? Comment on mélange les anciens et les jeunes qui arrivent ? Les anciens, ils apprennent aux jeunes. Vous savez,on a un style « baobab ».Comme je le dis à chaque fois, la musique est universelle, mais nous avons une particularité par rapport à ce que nous faisons. À chaque fois que nous faisons une répétition, tout le monde est là, chacun met son grain de sel, mais en donnant des idées aux enfants aussi pour qu’ils comprennent ce que nous voulons faire, où nous allons. Ce qui fait qu’ils se sont adaptés et ils vont se réadapter. C’est quoi les petits secrets du Baobab ? Comment on fabrique ce style, comme vous le dites, unique ? Nous n’avons pas de limites par rapport à la musique, on touche à tout, que ça soit du jazz, que ça soit du reggae. Plus ce que nous avons nous, ce que nous sentons par nos inspirations. Et ça fait qu’on arrive à créer quelque chose qui est assez particulier pour constituer le Baobab. Est-ce que l’héritage des anciens, je pense à Barthélémy Attisso, le guitariste, ces anciens qui sont partis ces dernières années, est-ce qu’ils restent présents dans la façon de transmettre la musique ? Évidemment, ils ont laissé leur empreinte. On est obligés de penser à eux et d’essayer de faire comme ils faisaient. Nous, nous n’avons plus le droit de faire d’erreurs. Donc nous essayons de nous adapter à leur ancien style, on continue, et ça je m’en félicite. Rentrons dans le détail : René, jeune guitariste du Bénin, a pris la succession de Barthélémy Attisso qui, lui, était Togolais. Il y a une filiation ? René, virtuose de la guitare, est sur les traces d’Attisso. Il a l’empreinte de Baobab sur ses doigts, et c’est important pour nous parce que nous voulons conserver le cachet Baobab. Si on rentre dans ce cachet, c’est quoi le Baobab ? C’est du velours ? C’est quelque chose de magique, parce que nous essayons de mettre les sons traditionnels que nous avons, et puis les options, que ce soit salsa, ou funk, ou jazz, on essaie de tout faire. Ça nous mène chaque fois à quelque chose de magique. Dans le répertoire, vous Thierno Kouyaté, est-ce qu’il y a une chanson qui vous touche plus particulièrement ? Comment elle s’appelle et qu’est-ce qu’elle raconte ? « On verra ça », c’est quelque chose qui me touche beaucoup, parce que Balla (Sidibé) a chanté « On verra ça » par rapport à l’avenir. Ils faisaient allusion à leurs épouses, pour l’avenir. Et ce qui me touche en plus, moi dans les années 67, j’ai fait partie de ceux qui ont composé ce morceau, « On verra ça », parce que les touches de saxophone, c’est moi qui les ai créées. C’est surtout pour penser à aller de l’avant à chaque fois, par rapport à la famille, par rapport au travail, aux choses de la vie. Quel message vous essayez de transmettre aux jeunes générations ? Comment, justement, réussir aujourd’hui ? C’est le sérieux, l’abnégation. Quand on aime quelque chose et qu’on y est, il faut le prendre au sérieux. Moi, je vais faire tout mon possible pour que ces jeunes-là aillent de l’avant. Même si je m’arrêtais, qu’ils puissent continuer à gérer les choses. Seul le travail paye. Quel regard vous avez aujourd’hui sur la situation au Sénégal ? Il y a beaucoup de tensions, il y a beaucoup de tensions économiques, il y a beaucoup de tensions politiques. Est-ce que la musique peut jouer un rôle d’apaisement à un moment ? Je le pense. Le Sénégal, c’est un pays de paix. Nous ne pouvons pas nous amuser avec ça. Il faut qu’on le prenne au sérieux pour essayer de faire plaisir à la population, essayer d’aller de l’avant, parce qu’on ne peut pas faire n’importe quoi. Le pays appartient au peuple, il faut qu’on écoute le peuple pour que peuple soit gai et puis, évoluer dans la paix et dans la dignité. Surtout que le Sénégal est un grand pays de paix.  
4/16/20235 minutes, 30 seconds
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Adolphe Muzito (RDC): «Pas de ralliement au candidat Tshisekedi, mon parti et moi nous irons aux élections»

Au Congo Kinshasa, le torchon brûle dans l'opposition entre Martin Fayulu et Adolphe Muzito. Leur alliance dans la coalition Lamuka, c'est terminé. Et tous deux annoncent qu'ils vont se présenter à la présidentielle à un seul tour programmée le 20 décembre prochain. Mais que répond l'ancien Premier ministre Adolphe Muzito à la rumeur propagée par les partisans de Martin Fayulu sur son éventuelle intention de rejoindre le camp du Président sortant, Félix Tshisekedi ? La réponse d’Adophe Muzito… RFI : Adolphe Muzito, depuis la présidentielle de 2018, vous étiez ensemble - Martin Fayulu et vous - au sein de la coalition d’opposition Lamuka. Aujourd’hui, c’est la rupture. Qu’est-ce qui vous sépare fondamentalement ? Adolphe Muzito : Ce qui nous sépare fondamentalement, c’est que lui pense que Lamuka, c’est pour lui. Moi, je pense que Lamuka ce n’est pas pour moi, ce n’est pas pour lui ; Lamuka, c’est pour nos deux partis, c’est pour la population. C’est une plateforme de résistance et non pas une plateforme électorale. En tant que plateforme de résistance, Lamuka est à la disposition de la population pour se mobiliser, exiger de bonnes élections, le respect du délai constitutionnel, de manière à que ce qu’il s’est passé en 2018 ne se répète pas en 2023. Donc, un espace de résistance, ça ne doit pas appartenir à une personne. Est-ce qu’au fond, ce divorce, entre Martin Fayulu et vous, n’est pas naturel puisque vous êtes tous les deux candidats à la présidentielle de décembre prochain ? Il est bien normal que chacun vole de ses propres ailes ? Oui, c’est tout à fait normal. Mais, à partir de ce moment-là, monsieur Martin Fayulu pouvait prendre l’initiative de quitter Lamuka ou d’organiser la séparation à l’amiable. Malheureusement, il a utilisé le mensonge pour m’exclure unilatéralement et frauduleusement et passer le flambeau de Lamuka, alors que c’était le tour de mon parti, à quelqu’un d’autre. Les partisans de Martin Fayulu vous soupçonnent de ne pas être un véritable opposant et de préparer un rapprochement avec le camp du président Tshisekedi… Ça, c’est du fétichisme. Ils ne peuvent pas, sur leurs propres inventions, sur la base d’un tel mensonge, m’exclure de Lamuka. Ça n’est pas vrai puisque nous aussi nous pensons qu’ils flirtent avec monsieur Kabila. Et d’ailleurs, pour moi ce n’est que de la supposition, mais pour lui [monsieur Fayulu], il a fait une alliance avec monsieur Kabila. Il a fait une alliance avec un proche de Kabila, Monsieur Matata, avec qui ils organisaient la marche il y a deux ou trois semaines. Pourriez-vous, éventuellement, renoncer à votre candidature ? Je ne renoncerai jamais à ma candidature. Mon parti et moi, nous irons aux élections à tous les niveaux. Pas de ralliement au candidat Tshisekedi ? Pas de ralliement au candidat Tshisekedi. Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Matata Ponyo, vous-même… les candidatures se multiplient dans l’opposition. Est-ce que vous n’êtes pas en train de vous fragiliser face à l’Union sacrée, le camp du président sortant Félix Tshisekedi ? La fragilisation ne viendrait pas de ce que les candidatures soient éclatées au niveau de l’opposition, elle vient du fait que l’opposition jusqu’ici n’a pas un programme, il n’y a pas de projet politique sur la table. Moi, je m’apprête à présenter mon offre politique et je m’attends à ce qu’il y ait un débat, et sur fond de débat, on peut faire des alliances en portant des projets, des visions, des solutions. Il faut une politique de grands travaux, il faut doubler ou tripler en dix ans la production nationale pour sortir les Congolais du seuil de pauvreté. Pour ce faire, il faut de grands travaux, il faut une planification. Dans une élection à un seul tour, comme aujourd’hui au Congo, plus il y a de candidats de l’opposition, plus cela fait le jeu du pouvoir, c’est mathématique… Le pouvoir est très faible. Regardez un peu la coalition, la charte des forces de l’Union sacrée, qu’est-ce que représentent les trois, ou quatre, ou cinq leaders politiques ? Ils représentent plus ou moins 25% de l’électorat. Si monsieur Tshisekedi pense qu’avec cette coalition il peut gagner, je crois qu’il devrait réfléchir à deux fois. Et peut-être qu’il va recourir lui aussi, comme monsieur Kabila, à la fraude. Mais quand vous recourez à la fraude, un bien mal acquis ne vous profite pas parce qu’in fine, on va vous lâcher, comme ils ont lâché Kabila. Vous dites que le pouvoir est très faible, mais l’Union sacrée vient tout de même de recevoir le renfort de deux poids lourds de la politique congolaise, Jean-Pierre Bemba et Vital Kamerhe… Mais la question est de savoir quel programme ils vont présenter au peuple. Assis sur quel bilan ? Et moi, je dis que ces poids lourds - je ne sais même pas si vous parlez de poids lourds physiquement ou de poids lourds politiquement – moi, je m’attends à ce qu’ils présentent d’abord leur bilan. Actuellement, il y a de la surchauffe. Le dollar est en train de monter, le pouvoir d’achat de la population est en baisse avec l’érosion du franc congolais dans le pays. Oui, mais tout de même, Jean-Pierre Bemba et Vital Kamerhe ont des militants, ils ont des partisans, et tous ceux-là vont voter Tshisekedi le 20 décembre prochain… Oui, mais des militants à qui ils doivent présenter le bilan. Tshisekedi a promis de réduire la pauvreté, je voudrais bien qu’aujourd’hui il présente son bilan, le nombre d’emplois qu’il a créés. Moi, je considère que lui, comme Kabila d’ailleurs, ont créé de nouveaux pauvres. À l’occasion des fêtes de Pâques, le cardinal archevêque monseigneur Ambongo a mis en garde les Congolais contre le projet de loi Tshiani sur la congolité, qui vise à écarter de la présidentielle tout candidat qui ne serait pas de mère et de père congolais. Tout le monde pense évidemment à Moïse Katumbi. Qu’est-ce que vous en pensez ?   Je considère que monsieur Katumbi a soutenu ces institutions, qu’il reconnait ce Parlement illégitime, il y siège à travers son parti. Eh bien, qu’ils aillent jusqu’au bout de la logique, c’est-à-dire que la loi passe si la majorité est pour la loi, et qu’elle ne passe pas si la majorité est contre la loi. Et vous-même, quelle est votre position personnelle sur ce projet de loi ? Je suis contre ce projet de loi, je voterais contre si j’étais dans ce parlement illégitime et parce que je trouve que le moment n’est pas opportun. Je demande à monsieur Katumbi, et aux autres qui sont contre cette loi, de jouer dans le Parlement, par respect envers les institutions qu’ils ont acceptées, pour que le Parlement tranche.
4/14/20239 minutes, 32 seconds
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Génocide au Rwanda: le général Jean Varret a tenté d'alerter le pouvoir mitterrandien «en vain»

On reparle du rôle que la France a joué au Rwanda avant le génocide, avec un livre d'entretiens qui a valeur de témoignage. Le général Jean Varret a occupé les fonctions de chef de la Mission militaire de coopération au Rwanda d’octobre 1990 à avril 1993. Il a tenté d'alerter le pouvoir mitterrandien sur les risques de massacres qui se dessinaient et de ralentir la coopération avec les futurs génocidaires, mais il n'a pas été entendu. L'ouvrage est intitulé « Souviens-toi ». Il a été réalisé par le journaliste français Laurent Larcher qui répond aux questions de Laurent Correau. RFI : Que nous apprend le témoignage du général Jean Varret sur les circuits de décision en France concernant le dossier rwandais, au début des années 1990 ? Laurent Larcher : Peut-être deux choses. La première : le pouvoir excessif, semble-t-il, du président qui s’entoure d’un exécutif totalement au service de sa propre vision, sans équilibre. À cela s’ajoute la constitution d’une hiérarchie parallèle qui vient de la tête de l’État, donc du président essentiellement, et de son chef d’état-major des armées particulier, avec qui ils vont décider de la politique à conduire au Rwanda, sous les radars des institutions françaises. Il y a dans ce livre de témoignages une scène terrible, dont il dit lui-même qu’elle est restée gravée dans sa mémoire. J’en rappelle brièvement le contexte : le 22 janvier 1991, le Front patriotique rwandais (FPR) a lancé une attaque sur Ruhengeri. Jean Varret vient au Rwanda et il participe à une réunion lors de laquelle le chef d’état-major de la gendarmerie, le colonel Rwagafilita, lui demande des armes, tout un arsenal d’armes… Oui, cette scène est saisissante. Le général Varret a en face de lui le chef d’état-major de la gendarmerie qui lui demande effectivement des armes. Mais des armes, c’est-à-dire ? Des munitions, des armes lourdes, mais aussi plus de militaires… Au fond, plus de soutien. Or, le soutien à cette époque-là est déjà important, pour le général Varret. Le dossier rwandais est l’un des dossiers les plus investis par la France déjà en 1990, du moins du point de vue de la coopération militaire. Donc, il est très étonné de cette demande, il trouve que ce qui est déjà apporté est totalement suffisant. Varret, Rwagafilita ne parviennent donc pas à se mettre d’accord. La réunion est levée, mais la discussion se poursuit, et cette fois-ci en tête-à-tête… Oui, le chef d’état-major de la gendarmerie rwandaise lui dit ceci : « Nous sommes entre officiers, je vais vous parler en confiance et sans détours. La gendarmerie va rejoindre l’armée pour résoudre le problème. » Alors Jean Varret lui dit : « Ah bon, mais quel problème ? » Le chef d’état-major de l’armée rwandaise lui répond : « Nous avons besoin de ces armes pour liquider tous les Tutsis. Les femmes, les enfants, les vieillards, dans tout le pays. Et vous savez, ce ne sera pas long car ils sont peu nombreux. » C’est mot pour mot ce qu’il vous a déclaré dans ce livre d’entretiens. Il est évidemment bouleversé après cette discussion… Il est sidéré par ce qu’il entend, bouleversé par ce qu’il pressent. Et à ce moment-là, il va voir son correspondant français au Rwanda, le colonel Galinié, qui lui dit sa conviction. Effectivement, le clan autour d’Agathe Habyarimana, l’épouse du président, s’apprête à commettre, dit Galinié, des massacres d’envergure. Il confirme donc ce qui est l’intuition de Jean Varret… Oui, Jean Varret lui dit : « Mais pourquoi vous ne me l’avez pas dit ? » et Galinié lui répond : « Mais vous ne m’auriez pas cru. Je vous ai laissé dans cet entretien pour que vous puissiez par vous-même entendre ce que les autorités rwandaises avaient à vous dire, et surtout, le plan qu’elles préparaient. » Jean Varret explique qu’il rédige un télégramme secret défense qui va rendre compte de cet entretien. Il prévient donc Paris… Il prévient l’ambassadeur de France, qui semble ne pas prendre la mesure de ce qu’il entend. Il demande à rencontrer le président Habyarimana pour lui dire : mais enfin, qu’est-ce qu’il se passe ? Le président Habyarimana le reçoit chez lui et lui dit : « Quel con, il vous a dit ça ? » et l’entretien se finit là-dessus. Ce qui est très ambigu finalement… Lui pense au début qu’il allait renvoyer son chef d’état-major de la gendarmerie, ce qui ne sera jamais fait. Et ensuite, il fait un télégramme qui rend compte de sa discussion avec le chef d’état-major de la gendarmerie rwandaise, et il alerte Paris de ce vers quoi le gouvernement rwandais se dirige avec le  soutien et l’aide de la France. Jean Varret a alerté sur les risques de massacres de grande ampleur. Il vous explique qu’il s’oppose, ayant conscience de cela, lors des réunions de cellules de crise, à tout développement de la coopération avec le pouvoir rwandais. Mais face à lui, il y a cette demande insistante d’accentuer la coopération… Oui, il se heurte à un mur. Tous ses interlocuteurs à Paris ne veulent pas l’entendre sur ce dossier-là. Autant il est très entendu sur d’autres dossiers - on est aussi dans la période où il y a des problèmes au Tchad, où la France est très engagée auprès d’Idriss Déby - là les recommandations que Jean Varret fait à ces réunions sont prises en compte. En revanche, pour le dossier rwandais, il a l’impression que ses interlocuteurs, surtout les politiques, ne prennent pas la mesure de ce qu’il est en train de dire. Ses propos contrarient la vision que l’Élysée, le ministère de la Défense, le ministère de la Coopération, le Quai d’Orsay ont du Rwanda, de sorte que les gens ne veulent pas l’entendre. Comment expliquer que ces différentes alertes n’aient pas été entendues ? Comment est-ce qu’il l’explique lui-même ? Il y a ceux qui veulent répondre à la demande du président et du noyau qui est autour de lui. Hannah Arendt le dit très bien dans ses écrits, notamment sur la politique américaine au Vietnam : quand les faits contredisent la vision, c’est toujours la vision qui l’emporte sur les faits, et on débouche sur des catastrophes. Il y a peut-être aussi l’aveuglement anti-américain. C’est-à-dire que pour l’Élysée, les États-Unis travaillent à affaiblir la France en Afrique en poussant des mouvements qui sont contraires aux intérêts de la France. Le Rwanda s’inscrit exactement dans cette perspective. Dans l’esprit de François Mitterrand et de son entourage, derrière le FPR, derrière Paul Kagame, il y a Washington qui pousse un pion – Kagame – pour chasser la France du Rwanda, de cette zone anglophone.
4/13/20238 minutes, 17 seconds
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Présidentielle à Madagascar: les conditions «pas réunies pour avoir une élection transparente»

À Madagascar, la présidentielle aura lieu dans sept mois. Même s'il ne s'est pas encore déclaré, tout laisse penser que le chef de l'État sortant, Ange Rajoelina, sera candidat. Et parmi ses adversaires, il y aura peut-être Serge Zafimahova. Jusqu'à présent, l'ancien directeur de cabinet du président Albert Zafy était plutôt un homme de l'ombre. Mais aujourd'hui, il prend la tête d'une plate-forme politique, le Diniké, et publie Madagascar, le défi de l'avenir aux éditions Ambozontany. Entretien.   Le gouvernement du président Rajoelina promet une élection présidentielle transparente à la fin de cette année. Est-ce que vous êtes confiant ? Serge Zafimahova : Pour l’instant, les conditions ne sont pas réunies pour avoir une élection transparente. Au moment où on parle, le vrai problème en fait se pose sur la non-fiabilité de la liste électorale, ainsi qu’un problème au niveau de l’état civil. Aujourd’hui donc, il y a 4 millions et demi de personnes en âge de voter qui n’ont pas leur état civil. Or, c’est cela qui sert de réserve de voix en cas de fraude. Ce qui représente 25 % de la population, c’est ça ? 25 % de la population en âge de voter, pour cette année 2023. Alors la preuve que la présidentielle sera transparente, disent les autorités, c’est que Madame la ministre de la Fonction publique a démissionné pour qu’il n’y ait pas de conflits d’intérêts, vu qu’elle est l’épouse du président de la Commission électorale. En fait, c’est un peu l’arbre qui cache la forêt. Parce qu’au sein de la Haute Cour Constitutionnelle, je prends juste un exemple, un membre de la Haute Cour Constitutionnelle a pour époux le secrétaire général du ministère du Tourisme. Et ainsi de suite. Donc il y a encore beaucoup de monde en fait, que ce soit au sein de la Haute Cour Constitutionnelle, ou au sein de la Commission électorale nationale indépendante, dont le conjoint ou la conjointe est membre des organes publics. C’est pour cela que les différentes entités, y compris d’ailleurs le rapport de l’Union européenne, ou bien de la SADC (Communauté de développement de l'Afrique australe), demandent à ce qu’on change entièrement les membres de la Haute Cour Constitutionnelle, et les membres de la Commission électorale nationale indépendante. Il y a quelques jours, le gouvernement a annoncé que toutes les manifestations à caractère politique dans un lieu public seront désormais interdites jusqu’à la présidentielle. Qu'en pensez-vous ? Disons que cette situation est assez aberrante, puisque les membres des organes publics ont le droit d’organiser des manifestations publiques dans les lieux publics, qu’ils soient couverts ou non couverts. D’un autre côté, les gens qui ont d’autres sensibilités politiques, qu’ils soient de l’opposition ou non, n’ont pas le droit. Donc c’est un peu une position schizophrène du régime. C’est-à-dire qu’il est quand même impensable qu’à la veille d’une élection, l’opposition, ou d’autres sensibilités, ne soient pas autorisées à participer à des meetings publics, alors que le régime organise régulièrement des meetings publics sur des lieux non couverts. Les autorités disent que c’est pour préserver l’ordre public, et précisent que les leaders politiques pourront quand même tenir des meetings dans des endroits clos, comme les stades. C’est faux, puisqu’il y a des candidats qui ont essayé de faire cela dans des endroits privés, clos, mais non fermés, et ils n’ont pas accepté. Donc la réalité de terrain est que l’opposition, particulièrement, est interdite en fin de compte de meetings publics sur les lieux dits publics. Même dans les lieux privés. Par exemple l’ancien président, il le fait dans l’enceinte de sa société Tiko. Il est interdit de meetings. Cela s’est passé plus d’une fois. L’ancien président Ravalomanana ? Voilà. Serge Zafimahova, vous avez été le directeur de cabinet du président Albert Zafy dans les années 90. Et dans votre dernier livre Madagascar, le défi de l'avenir, vous dites que le Plan Emergence Madagascar du président actuel Ange Rajoelina, c’est l’Arlésienne. C’est-à-dire un plan dont on entend beaucoup parler, mais qu’on ne voit jamais. Est-ce que vous n’êtes pas sévère ? Cela fait partie, malheureusement, de la réalité. L’Emergence Madagascar… Depuis que le président actuel est au pouvoir, il n’y a pas eu un seul investisseur direct étranger qui a investi à Madagascar. Pas un seul. Cela signifie que les investisseurs directs étrangers n’ont pas du tout confiance en l’environnement qui existe aujourd’hui sur le plan économique à Madagascar. C’est surtout la pratique des rétrocommissions qui, aujourd’hui, exaspère pas mal le monde économique en termes d’investissements. Vous parlez de rétrocommission, c’est de la corruption, ça ? C’est de la corruption. En fait, il y a eu des investissements qui étaient prévus en matière d’hydroélectricité. Et ces projets-là, on aurait déjà pu les entamer dès l’arrivée du nouveau pouvoir en 2019. Mais ce qu’il s’est passé, c’est qu’ils ont voulu renégocier les termes en disant que l’ancien régime, peut-être, s’était sucré là-dessus. Ce qui est discutable. Donc en fait, tout cela a retardé les investissements qui auraient dû se faire déjà depuis le début du mandat. Maintenant, on est en fin de mandat, donc maintenant, ils se pressent, en fait, à essayer de trouver des projets qui pourtant auraient déjà dû se faire depuis longtemps dans le secteur de l’hydroélectricité. Alors vous dites que seuls 15 % des Malgaches jouissent actuellement de l’électricité, et vous appelez à une profonde réforme de la fiscalité pour inspirer confiance aux investisseurs. Quelle nouvelle fiscalité ? En fait, il faudrait lier en fin de compte la nouvelle fiscalité avec le nouveau code minier qui est toujours en gestation. Un permis minier est négociable sur le marché financier international. Le permis minier en question, en fin de compte, change de main sur le marché financier international. Mais sur tout cela, Madagascar ne gagne aucun centime, aucun dollar. Tout simplement parce que nos textes, en fin de compte, ne sont pas adaptés aux nouveaux enjeux internationaux en matière de finance, ou bien en matière de fiscalité. Donc ce qui prouve la grande faiblesse aujourd’hui de la fiscalité à Madagascar. Dans votre livre, vous brisez un certain nombre de tabous. Et vous dites, par exemple, que l’attitude de jalousie d’un certain nombre de Malgaches face à la communauté des Karanes, d’origine indo-pakistanaise, cela cache mal, dites-vous, l’impuissance des Malgaches à se dépasser, à être créatifs, à être solidaires. En effet. D’un côté, on peut reprocher aux Indiens d’utiliser leur puissance financière pour corrompre l’administration civile et militaire à Madagascar. Mais de l’autre côté, les Indiens en fin de compte réinvestissent à Madagascar. Contrairement aux Malgaches, qui achètent des pierres, ou bien des maisons et des appartements, et tout cela à l’extérieur. Les Indiens, eux, réinvestissent à Madagascar. Dans votre livre, vous avez ce mot cruel : « Tant que nous serons un pays pauvre, nous ne récupérerons pas les îles Éparses, qui sont actuellement détenues par la France ». Oui. En fait, tant que l’économie malgache se trouve dans la situation dans laquelle nous sommes, il n’y a aucune chance que Madagascar puisse récupérer un jour les îles Éparses. C’est une fois que Madagascar aura une puissance économique au niveau régional, qu’on pourra discuter d’égal à égal par rapport à la coopération avec les îles autour de Madagascar, particulièrement avec La Réunion. C’est à partir de là que Madagascar aura une chance de retrouver les îles Éparses, et de discuter en partenaire d’égal à égal. Serge Zafimahova, vous plaidez pour une grande réconciliation nationale, comme le président Albert Zafy, dont vous avez été le directeur de cabinet il y a 30 ans. Cela veut-il dire que vous voulez suivre l’exemple du professeur Zafy, et que vous allez vous porter candidat à la prochaine élection présidentielle ? Disons que cela, être candidat ou non aux élections présidentielles, c’est une autre question. Mais si aujourd’hui, il y a la corruption à très haut niveau à Madagascar, c’est du fait qu’il y ait eu impunité jusqu’à ce jour par rapport aux gens qui ont détourné de l’argent public. C’est tout cela, en fin de compte, qui fait que la réconciliation est incontournable, parce que le vrai problème, c’est la mise en place de la décentralisation. Il n’y a jamais eu de décentralisation réelle à Madagascar, et c’est cela qui crée une grande frustration. Je veux prendre un exemple très simple, la compagnie d’électricité et d’eau à Madagascar. On aurait pu mettre en place, en fin de compte, de l’énergie dans à peu près toutes les régions de Madagascar. Le vrai problème qui existe aujourd’hui, c’est cette absence d’électricité, qui bloque le développement de plusieurs régions de Madagascar. C’est cette inégalité-là qui amène les gens à ne pas accepter ce qui est en train de se passer, cette centralisation des pouvoirs qui continue. Donc, la réconciliation nationale, il ne s’agit pas d’embrassades entre les anciens présidents et l’actuel président. Ce n’est pas cela. Cela, c’est juste pour les photos. Mais il y a une mauvaise répartition des avoirs économiques à Madagascar. Serge Zafimahova, vous n’êtes pas qu’un essayiste, vous êtes aussi à la tête d’une plateforme politique, Diniké. Cette présidentielle, vous y pensez ou pas ? Dans tous les cas, le Diniké ne va pas regarder au bord de la route les futures élections. Il est clair qu’on va prendre nos responsabilités. Mais est-ce qu’on aura notre candidat, ou est-ce qu’on va faire un jeu d’alliance, tout cela va dépendre de la conjoncture au moment voulu. ► À lire aussi : Madagascar: à sept mois de la présidentielle, le gouvernement restreint le droit de manifester
4/12/20238 minutes, 13 seconds
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Massacre du 28-Septembre en Guinée: «Alpha Condé ne voulait pas organiser ce procès»

En Guinée, les audiences du procès du massacre du 28 septembre 2009 doivent reprendre ce mardi 11 avril. Cela fait plusieurs semaines que les parties civiles passent à la barre et décrivent les violences qui se sont déroulées ce jour et les jours suivants. Parmi elles, le diplomate guinéen François Fall, qui était à l'époque chef d'un parti politique. Son témoignage a pris fin la semaine passée. Entretien. RFI : François Fall, vous avez été l’une des victimes des violences du 28 septembre 2009, puisque vous étiez dans le stade aux côtés d’autres leaders de l’opposition de l’époque. Vous avez longtemps souhaité que ce procès ait lieu, sans être entendu. Qu’est-ce que vous ressentez maintenant que vous avez comparu ? François Fall : Je ressens un grand soulagement, parce que, comme vous le dites, j’ai attendu treize années, comme toutes les victimes, pour que ce procès puisse se tenir. Vous avez été Secrétaire général de la présidence et ministre des Affaires étrangères sous Alpha Condé. Comment expliquez-vous que ce procès n’ait pas eu lieu pendant la présidence d’Alpha Condé ? Comme je l’ai dit devant le tribunal, et je le maintiens, il n’y avait pas de volontés politiques de la part du Président de la République, M. Alpha Condé, d’organiser le procès. C’est le président Alpha Condé lui-même qui a bloqué sur la tenue de ce procès ? La décision ne pouvait venir que de lui. Il a eu des ministres, dont Cheick Sako qui est venu accélérer le dossier. Et, comme vous le savez, ce dossier était un dossier de la Cour pénale internationale (CPI). Et la Guinée a demandé au titre de la complémentarité la délocalisation du procès en Guinée. Mais, malheureusement, il n’y a pas eu de volontés réelles de la part du Président de la République Alpha Condé d’organiser le procès. C’est ce qui a déterminé ce retard. Comment est-ce que vous expliquez cette absence de volonté politique ? Je pense que c'est certainement pour des raisons d’intérêts politiques. Je ne peux pas en dire plus, mais c’est évident que le Président Alpha ne voulait pas organiser ce procès. Vous êtes partie civile à ce procès. Quelles sont les deux ou trois points sur lesquels les audiences ont pu jusqu’ici apporter un peu plus de lumière ? Ce procès a commencé avec une série de dénégations de plusieurs acteurs, particulièrement le camp de ceux qui sont dans le box des accusés. On a voulu faire porter toute la responsabilité à l’ancien aide de camp de Moussa Dadis Camara, qui est Aboubacar Sidiki « Toumba ». Mais, en réalité, lorsque nous sommes venus, que ce soit Bah Oury, qui était le président de notre comité d’organisation aux Forces vives, et moi-même, on commence à mettre les pendules à l’heure. Des choses commencent à se clarifier. Nous avons identifié des responsables. Nous avons expliqué comment les crimes ont été commis. Un des acteurs clef, c’est Marcel, qui était très proche du capitaine Moussa Dadis Camara. Vous voulez parler de Marcel Guilavogui, le neveu de Moussa Dadis Camara, et son ancien garde du corps ? Oui, tout à fait, de Marcel Guilavogui, effectivement. Parce que pendant la première partie, lorsqu’il est passé au tribunal, il avait complètement nié, il a dit qu’il était malade, qu’il était à l’hôpital, alors que nous nous l’avons formellement identifié. Nous l’avons vu à plusieurs moments nous donner des coups violents, et menacer même de faire exploser une clinique avec une grenade. L’une des questions qui se pose sur ce massacre du 28 septembre 2009 c’est le rôle qu’ont pu jouer des miliciens pro-Dadis, formés dans ce qu’on appelle le camp de Kaleah. Est-ce qu’on en sait plus à ce point du procès ? Oui, effectivement, lors de ce massacre, nous avons formellement reconnu des officiers, des soldats de la garde présidentielle, des gendarmes, des policiers. Mais plusieurs témoins aussi identifiaient les miliciens du camp de Kaleah, qui étaient en formation non-loin de Conakry, qui ont été transportés et infiltrés au sein des manifestants qui ont massacré les populations. Et cette participation de Kaleah est évidente. Et les preuves ont été apportées. Et nous savions que c’était même une armée parallèle que le capitaine Moussa Dadis Camara était en train de préparer à Kaleah, parce qu’on parle de 9 000 hommes qui étaient en préparation. Mais il y a eu quand même deux bus de miliciens de Kaleah qui ont effectivement participé au massacre du 28 septembre. Quand vous vous êtes exprimés devant la Cour, vous avez évoqué un point qui avait été peu documenté jusqu’ici. Les militaires ont tué, ils ont violé, ça on le savait. Mais cette horreur avait masqué autre chose : ils ont aussi pratiqué l’humiliation de femmes, qui ont été déshabillées et renvoyées nues en ville. Les soldats se sont particulièrement acharnés contre les femmes : à défaut de les violer, les déshabiller, déchirer leur pantalon, leur robe, leur pagne. Et les obliger à sortir nues. Et ces femmes accouraient vers les familles riveraines du stade du 28-septembre pour chercher du secours. Et ce sont les femmes de ces familles-là qui sortaient avec les pagnes pour venir en aide à leurs sœurs. Cela, c’est une honte pour les soldats guinéens, et cela s’est produit à Conakry. Pourquoi, selon vous, cette volonté d’humiliation des femmes ? Vous savez, lorsqu’il y a des situations comme ça, les soldats utilisent l’arme du viol, et l’arme de l’humiliation. Comme pour dire aux femmes : puisque vous êtes venues ici, nous allons vous exposer. Et c’était ce qui a été pratiqué effectivement. C’étaient des mères de familles, souvent de grandes dames. Les chiffres qui font référence au sujet de ce massacre, c’est au moins 157 morts, et au moins 109 filles et femmes victimes de violences sexuelles. À la barre, vous avez estimé que dans les deux cas, ces chiffres étaient certainement bien plus élevés que cela ? Ceci est évident. Quand je prends seulement mon propre parti, je connais plusieurs femmes de mon parti qui ont été violées, qui ont été humiliées, et qui ne se sont pas faites enregistrées, parce qu’elles ont décidé de garder quand même le silence, derrière ce traumatisme-là qu’elles continuent à gérer. C’est la raison pour laquelle le nombre qui a été communiqué est bien en-deçà du nombre réel de femmes qui ont été humiliées et violées ce jour-là. Est-ce que vous diriez qu’il y a dans ce procès aussi une dimension de réconciliation qui va au-delà de ce qu’il s’est passé le 28 septembre 2009, et qui touche à l’histoire de la Guinée, une histoire marquée par plusieurs épisodes de violences politiques ? Oui, je crois que c’est la première fois qu’il y a un procès public contradictoire en Guinée pour des crimes de masse. Tout le monde connaît l’histoire tumultueuse de la Guinée, où il y a eu des violations massives des droits de l’homme. Et c’est la première fois donc qu’un procès public, qui est contradictoire, se tient, avec une pléiade d’avocats. Et je pense que cela doit servir pour l’avenir. Nous devons revisiter l’histoire de la Guinée. La Guinée doit passer par ce passage obligé pour réussir la réconciliation nécessaire dont ce pays a besoin, pour faire face à un avenir meilleur. Ce procès constitue pour moi une grande première qui aidera le pays à se réconcilier avec lui-même. ► À lire aussi : Massacre du 28-Septembre en Guinée: les six premiers mois d’un procès historique
4/11/20236 minutes, 15 seconds
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Assassinat de Dulcie September: «Pourquoi la France n'a rien fait, cela questionne»

Les réseaux français qui étaient présents en Afrique du Sud à la fin des années 1980 ont-ils conduit la France à être complice dans l'assassinat de Dulcie September, la représentante du Congrès national africain (ANC) à Paris ? L'ancien diplomate Gilbert Erouart se pose la question. Il était alors en poste à l'ambassade de France et s'apprête à signer une autobiographie, dans laquelle de nombreux noms ont été modifiés pour masquer l'identité des intéressés. L'ouvrage s'attarde longuement sur un personnage mystérieux au croisement des grandes entreprises françaises, des milieux du renseignement et de l'entourage de l'ancien mercenaire Bob Denard. Entretien. RFI : Gilbert Erouart, votre ouvrage commence par une scène qui se déroule en juillet 1986 dans l’annexe du palais de l’Élysée, la présidence française. Vous êtes avec Guy Penne, le conseiller spécial du Président de la République François Mitterrand pour les affaires africaines et malgaches. On vous envoie donc en Afrique du Sud pour essayer de vous approcher de Winnie Mandela, l’épouse de Nelson Mandela, qui est alors emprisonnée à Robben Island… Gilbert Erouart : On m’envoie en fait sur une double mission. Je vais être chargé des relations avec les milieux clandestins noirs, c’est-à-dire essentiellement l’ANC en Afrique du Sud et la Swapo qui est un mouvement indépendantiste en Namibie. Et deuxième mission, qui me surprend encore plus que la première, essayer d’approcher Winnie Mandela le jour où son mari sortirait. Dans ce texte, vous décrivez les connexions de personnalités politiques, affairistes, mafieuses, qui ont été bien réelles. Mais vous les appelez par des noms d’emprunt qu’on peut quand même démasquer avec quelques recherches. Vous nous parlez notamment d’un Français que vous nommez dans votre ouvrage « Arthur Gibon », un Arthur Gibon que vous voyez arriver un jour dans votre bureau… Je comprendrai assez vite en fait pourquoi il m’approche. Il insiste pour que je lui fasse rencontrer Winnie Mandela. Dans un premier temps, je refuse. Je finis par accepter, par organiser à la demande du Gibon en question un déjeuner. Et au cours de ce déjeuner, Gibon réussit à avoir une emprise sur elle. Et vous nous expliquez donc dans votre ouvrage que ce Gibon reste une énigme : il est influent, il a beaucoup de moyens. Il porte aussi les couleurs de grandes entreprises françaises. Ça pourrait même aller au-delà… Il est officiellement le représentant de quasiment toutes les entreprises françaises : entreprises évidemment d’armement, du nucléaire... Il a aussi des liens avec Elf. Il s’intéresse beaucoup aux mines namibiennes de diamant. C’est un go-between entre la France et l’Afrique australe. Et vous vous interrogez, à un moment donné, sur ses connexions avec les services, français et sud-africains ? Oui. À plusieurs reprises, c’est une interrogation qui nous taraude moi et mon ambassadeur… très régulièrement. Et vous avez obtenu le fin mot de cette histoire ? On apprend dans le livre que Mandela prendra comme conseiller spécial le Gibon en question. Ce sera extrêmement curieux. Il faudra attendre l’élection de Nelson Mandela à la tête de l’Afrique du Sud en 1994 pour que Paris envoie un signal écrit directement à Nelson Mandela pour affirmer que le Gibon en question n’a jamais fait partie des services secrets français. Un intérêt tardif qui, à mon avis, témoigne exactement du contraire. Quelles sont les connexions de Gibon avec les Comores et avec l’équipe de Bob Denard ? Au moment de l’assassinat de Dulcie September, la représentante de l’ANC à Paris -nous sommes en mars 1988-, une amie journaliste sud-africaine qui a fait une enquête poussée, m’apprend que Gibon a fait partie de l’équipe de Bob Denard aux Comores. Donc, on retrouve là un autre entrelacement assez bizarre : Bob Denard-Afrique du Sud-Gibon. Quelles sont les informations dont vous disposez sur l’état d’esprit dans lequel était Dulcie September avant son assassinat ? On dit qu’elle se sentait en danger… Dulcie September visiblement se sentait menacée. Elle en avait informé le ministère français de l’Intérieur dirigé par Charles Pasqua. Et par ailleurs, on sait que la CIA avait informé le gouvernement Suisse que Dulcie September risquait d’être assassinée. Les Suisses ont fait savoir à Charles Pasqua qu’ils avaient cette information de la CIA. Et donc, cela faisait une double alerte. Le ministère français de l’Intérieur ne fait rien… et cela, tout de même, c’est questionnant… (Silence) Pourquoi le ministère français n’a rien fait ? Hmm. (Silence) C’est questionnant. Vous écrivez dans votre ouvrage, dans une note de bas de page, que les services secrets français sont soupçonnés d’avoir aidé leurs homologues sud-africains dans la logistique de l’assassinat, qu’ils l’auraient fait afin de faciliter des tractations qui étaient alors en cours, des tractations de vente d’armement à l’Afrique du Sud ? Dulcie September a pu être assassinée parce que, effectivement, elle avait été informée que des ventes d’armes très importantes étaient en préparation entre la France et l’Afrique du Sud, et qu’elle s’apprêtait très probablement à le faire savoir… et que les services français avaient peut-être intérêt à ce que ça ne se sache pas. Mais, c’est juste une supputation. L’ouvrage de Gilbert Erouart, qui sera intitulé Mission Winnie Mandela doit être publié à la fin de ce mois d’avril aux éditions Temporis. Pour mieux comprendre les connexions décrites par Gilbert Erouart, on peut utilement consulter un autre ouvrage : Incorruptible  the story of the murders of Dulcie September, Anton Lubowski and Chris Hani d’Evelyn Groenink ► À écouter aussi : La marche du monde : Dulcie September, militante de l’ANC assassinée à Paris  
4/10/20234 minutes, 59 seconds
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Elgas, écrivain sénégalais: «Mon dernier livre milite pour qu'on assume nos identités plurielles»

Les Bons ressentiments. Essai sur le malaise post-colonial est le titre du nouvel ouvrage de l'écrivain et sociologue sénégalais Elgas, paru aux éditions Riveneuve. L'auteur explore la complexité des relations entre les écrivains africains et l'Occident. Il passe en revue plus d'un demi-siècle d'histoire intellectuelle et littéraire de l'Afrique - de Cheikh Anta Diop à Mohamed Mbougar Sarr, en passant par Léopold Sédar Senghor ou encore Yambo Ouologuem. Face au malaise persistant, à la radicalisation des discours et à la tentation de la surenchère identitaire, Elgas invite ses pairs à s'ouvrir davantage au pluralisme des idées, condition sine qua non à l'éclosion d'idées et initiatives nouvelles, porteuses d'avenir et de réussite pour le continent. ► À lire aussi : Renouer avec la candeur, avec Elgas
4/9/202312 minutes, 52 seconds
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Troisième candidature de Macky Sall à la présidentielle au Sénégal: on sera fixé lors des «parrainages»

Au Sénégal, le jeu reste très ouvert à dix mois de la présidentielle de février prochain. Dans la majorité, on ne sait toujours pas si le Président Macky Sall sera candidat ou s'il prépare discrètement un dauphin pour briguer sa succession. Dans l'opposition, on ne sait pas encore si Ousmane Sonko, Karim Wade et Khalifa Sall pourront compétir tous les trois. Mais attention, avec la nouvelle règle des parrainages, l'heure de vérité approche, nous dit Babacar Ndiaye, qui est directeur de recherche et de publication dans le think tank Wathi. En ligne de Dakar, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Quand le président affirme qu’il n’y a pas d’obstacles constitutionnels à un troisième mandat éventuel de sa part, qu’est-ce que vous en pensez ? Babacar Ndiaye : Écoutez, le Conseil constitutionnel devra trancher, mais il faudra voir ce que cette décision du président de la République par rapport à une éventuelle candidature, ou pas, pourra avoir comme conséquences, parce que, lorsqu’on écoute aujourd’hui l’opposition, elle affiche clairement une forme de radicalité quant à la question de cette troisième candidature. Et donc, dans la situation actuelle au Sénégal où il y a eu pas mal de tensions ces deux dernières années, il est évident que cette question du troisième mandat peut constituer un sujet de discorde entre l’opposition et le pouvoir. Beaucoup disent que, s’il n’était pas candidat à un troisième mandat, Macky Sall aurait déjà préparé un dauphin... Évidemment que s’il annonce qu’il n’est pas candidat, il faudra que son parti, sa coalition, Benno Bokk Yakaar, présente un candidat, et il y a des figures de premier plan justement au sein de cette coalition. Et donc de toute évidence, il est clair qu’un proche du président sera candidat de cette coalition.   Quels sont les dauphins possibles au sein de la coalition présidentielle ? Il y a des figures de premier plan. Notamment, il y a monsieur Idrissa Seck, qui a rejoint le président de la République dans la coalition Benno Bokk Yakaarà la suite de l’élection présidentielle de 2019, où il était arrivé deuxième. Aujourd’hui, il occupe le poste de président du Conseil économique, social et environnemental et c’est quelqu’un qui a toujours affiché une ambition, justement,  à occuper le poste présidentiel. Mais il y a aussi d’autres profils qui peuvent se dégager, le nom du Premier ministre Amadou Ba est cité. Nous avons aussi d’anciens ministres, par exemple Makhtar Cissé, l’ancien ministre en charge du pétrole. On peut aussi citer des ministres dans l’actuel gouvernement, par exemple Ali Ngouille Ndiaye, qui est ministre de l’Agriculture. Il faut attendre d’abord la décision du président de la République qui tranchera et dira ce qu’il compte faire par rapport à cette élection présidentielle. Pensez-vous qu’Idrissa Seck rêve secrètement d’être le dauphin de Macky Sall  pour la prochaine élection présidentielle ? Ou pensez-vous qu’il en a fait son deuil, et qu’il sera l’un des candidats de l’opposition, comme en 2019 ? Ça fait tellement d’années qu’il souhaite devenir président… Depuis 2007, il a toujours été candidat. Lors de l’élection présidentielle de 2019, il est arrivé deuxième, avec un score intéressant, et donc il a toujours affiché cette ambition d’être président du Sénégal. Du temps d’Abdoulaye Wade, Macky Sall et Karim Wade étaient dans le même parti, le PDS [Parti démocratique sénégalais, NDLR]. Est-ce qu’ils pourraient se réconcilier ? Sujet difficile. Karim Wade n’est pas au Sénégal, il est au Qatar. Même si ses partisans disent qu’il sera de retour à Dakar dans les prochaines semaines, il y a beaucoup d’incertitudes sur une collaboration future ou des retrouvailles, comme vous dites, parce qu’il y a un certain nombre de revendications qui sont portées justement par le PDS, et notamment la revendication de rouvrir le procès de Karim Wade. Depuis plusieurs années, l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, est dans l’opposition. Va-t-il y rester, ou pourrait-il changer de camp ? Il me semble que l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, montre vraiment une présence remarquée au sein de l’opposition, et surtout au sein de la coalition, Yewwi Askan Wi, dont il est l’un des principaux leaders, j’allais dire animateur. Et donc, ce qu’il montre clairement, c’est qu’il se prépare aussi pour cette élection présidentielle. Alors l’une des grandes questions est évidemment de savoir si la figure de l’opposition, Ousmane Sonko, pourra être candidat. Est-ce que les dernières décisions de justice vont dans ce sens ? Ousmane Sonko a été condamné à deux mois de prison avec sursis. Ce que ses partisans craignaient, c’est qu’à l’issue de ce procès justement, le jugement rendu le prive de ses droits civils et politiques, mais le jugement est tout autre, donc il reste éligible. Alors je ne sais pas si le plaignant a introduit un appel, s’il y a appel, évidemment il va y avoir un nouveau procès. Mais pour le moment, il reste éligible à cette élection présidentielle. S’il est éligible, pensez-vous qu’il part comme favori au sein de l’opposition ? En 2019, il a quand même fait un score de plus de 15% à l’élection présidentielle alors qu’il en était justement à sa première candidature. Et on a l’impression qu’après cette élection-là, il a montré une stature vraiment de chef de l’opposition. Maintenant, il faut savoir aussi qu’au sein de l’opposition, et notamment de la coalition Yewwi Askan Wi, il y a beaucoup de candidatures qui sont déclarées. Comme on l’a dit tout à l’heure, il y a Khalifa Sall, l’ancien maire de Dakar, il y a aussi monsieur Déthié Fall, monsieur Malick Gakou. Et donc, la stratégie est de dire que les leaders de la coalition soutiendront celui qui arrive au second tour et qui sera le mieux placé à ce moment-là. « Le moment venu, je ferai savoir ma position », a dit Macky Sall dans une interview à nos confrères de l’Express. Est-ce qu’il peut attendre la fin de l’année, le mois de décembre par exemple, pour annoncer sa décision ? Ou est-ce que ce sera trop tard ? Je pense qu’il devra annoncer sa décision un peu plus tôt parce que vous savez, au Sénégal, il y a maintenant la règle des parrainages, et donc les candidats devront se soumettre justement à cet exercice de récolter les parrainages, qui est l’un des critères pour présenter sa candidature au Conseil constitutionnel. Et il me semble que normalement l’exercice de collecte des parrainages aura lieu bien avant le mois de décembre, et donc nous aurons une réponse assez rapidement sur cette candidature ou pas.
4/7/20237 minutes, 24 seconds
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« Feux, fièvres, forêts » : regard de la romancière Marie Ranjanoro sur la colonisation à Madagascar

C'est un premier roman puissant que vient de signer la jeune autrice malgache Marie Ranjanoro. Il s'appelle « Feux, fièvres, forêts ». Le texte nous emmène en 1947, alors que Madagascar est en pleine insurrection contre le colonisateur français. Au fil des pages, on mesure le décalage de la présence coloniale avec la société malgache, la brutalité de cette présence. Tout cela au cœur d'une forêt qui avale l'humanité des deux parties. Marie Ranjanoro parle de son roman au micro de Laurent Correau.
4/6/20235 minutes, 7 seconds
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Ribio Nzeza: «Il est important d’avoir les archives pour pouvoir raconter le passé de l‘Afrique»

Une chaire « Les Archives au service des nations et des sociétés africaines » vient d'être créée à l’Unesco, une initiative d'échange et de coopération universitaire autour de la question des archives. Hébergé à la prestigieuse école française d'archivistes, l'école des Chartes, le projet est également porté par l'École de bibliothécaires, archivistes et documentalistes de Dakar ainsi que par l'Université Léopold Sédar Senghor à Alexandrie. À l'heure où les questions mémorielles sont devenues de vrais enjeux de société, de quel type d'archives les nations africaines ont-elles besoin ? Pour en parler, notre invité est Ribio Nzeza, le directeur du département culture de l'Université Senghor à Alexandrie. Il répond aux questions de Laurent Correau RFI : Quelle est la situation des archives de manière générale sur le continent africain à l’heure actuelle ? Ribio Nzeza : À l’heure actuelle, les archives sont peu prises en compte. C’est-à-dire qu’il n’y a pas sur le plan politique une sensibilité forte dans le domaine des archives. Et aussi, au niveau de la population générale, il y a une faible considération des archives. Quand on entre dans un bâtiment d’archives, on peut être surpris de voir des documents qui peuvent être entassés ou peut-être certains qui jonchent encore le sol. Les conditions de conservation ne permettent pas aux documents de résister à l’épreuve du temps. Et peut-être un personnel pas suffisamment motivé, alors que c’est le lieu où est conservée la mémoire de tout un pays et qui est destiné à pouvoir guider l’action de l’État. Quels sont les problèmes posés par cette absence de politique archivistique ? La première chose, c’est que les États ne sont pas en posture de pouvoir bien dialoguer avec les autres États lorsqu’il s’agit de régler les questions mémorielles – il y a l’exemple de la commission mixte qui a été mise sur pied pour l’histoire entre la France et le Cameroun, ou la commission qui a été mise sur pied en République démocratique du Congo pour la restitution des documents, des restes et d’autres bien culturels avec la Belgique. Le fait que les archives ne soient pas bien conservées, bien traitées, bien classées pose problème pour qu’il y ait un dialogue sur un pied d’égalité. Ça pose un problème aussi dans le domaine de l’administration de l’État : on prend des lois et des décisions, mais il faut que ça repose sur ce qui a été décidé antérieurement : il y a des traités, des conventions qui sont signés, parfois on remarque que les États signent plusieurs accords alors que ça entre en contradiction avec les précédents accords. On voit monter dans la jeunesse des revendications de plus en plus fortes en matière de souveraineté, de réinvestissement par les pays de leur récit historique. Quel lien est-ce qu’on peut établir entre ces revendications et les problèmes de gestion des archives dans les pays concernés ? Il y a un problème dans l’écriture de l’histoire, parce que les acteurs du Sudn’ont pas accès à toutes les données pour raconter leur propre histoire. Donc, c’est important d’avoir ces archives. S’il n’y a pas d’accès à toutes les archives, qu’est-ce qu’il sera raconté dans les écoles, dans les institutions sur le passé de l’Afrique ? Donc il y a un travail à faire… déjà pour les archives d’aujourd’hui -pour raconter l’Histoire d’aujourd’hui dans cinquante ans- mais il faut aussi chercher à accéder aux archives d’il y a un siècle, d’il y a trois siècles. Vraiment, c’est une question d’échanges sur le plan diplomatique et bilatéral : pouvoir ressouder l’Histoire et assurer la continuité dans le récit. Quelles sont les bonnes pratiques qui existent à l’heure actuelle sur le continent en matière de conservation d’archives ? Il y a deux bonnes pratiques qu’on peut noter en matière d’archives. Sur le plan législatif, on peut citer le Sénégal parmi les rares États qui ont une politique, une réelle loi sur la gestion des archives et des documents administratifs : la loi 2006-19 qui évoque tous les piliers pour la conservation et la communication des archives. Et sur le plan technique, on a Arquivo nacional de Angola [les archives nationales d’Angola], un nouveau bâtiment inauguré en 2020 par le président Lourenço, qui comporte cinq étages, trente-neuf salles d’expositions, deux laboratoires pour pouvoir bâtir le développement de cet État. En l’état actuel des choses, Ribio Nzeza, quels sont les besoins pour mettre en place des systèmes d’archives qui soient efficaces ? Les besoins sont multiples, mais vraiment les besoins les plus importants sont en matière de formation. Il faudrait qu’il y ait des spécialistes formés sur le continent africain. Compte tenu de la situation peu enviable des archives, les formations académiques et professionnelles ne sont pas nombreuses. Deuxièmement, il y a la sensibilisation, parce que s’il n’y a pas beaucoup de personnes qui veulent se former aux archives, c’est parce que les archives sont déconsidérées dans la société. Et le troisième besoin, ce sera l’accompagnement des États dans leur processus de dématérialisation des archives. Par exemple, en Afrique du Sud, il y a un projet qui est de pouvoir numériser tout ce qui est archives multimédias liées à la lutte contre l’Apartheid, le Mayibuye project à l’université de Western Cape. Une chaire Unesco est créée à l’école des Chartes, la prestigieuse école d’archivistes française. Cette chaire portera sur le thème « Les Archives au service des nations et des sociétés africaines » : qu’est-ce qu’elle peut apporter à la question des archives en Afrique ? Avec la création de cette chaire, qui est constituée par l’école nationale des Chartes, l’université Senghor à Alexandrie et l'École de bibliothécaires, archivistes et documentalistes de Dakar (Ébad), on va essayer de connecter les différents acteurs qui travaillent peut-être de manière éparse. Il y a les organisations internationales qui regroupent les professionnels, on a les États qui ont des besoins mais ils ne travaillent pas forcément en connexion. Il faut aussi aider les communautés. On va essayer de connecter les différents acteurs qui ne travaillent pas forcément en connexion pour le moment. ► À lire et à écouter aussi: Restitution d'œuvres d'art africaines: «Ce qui est important, c'est de créer un cadre juridique»
4/5/20234 minutes, 57 seconds
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Sadibou Marong (RSF): «Le Sahel est en train de devenir une zone de non-information»

« Le Sahel est en train de devenir une zone de non-information » : c’est ce qui ressort d’un rapport de Reporters sans frontières (RSF) publié lundi 3 avril. Une enquête intitulée « Dans la peau d’un journaliste au Sahel » qui porte sur les dix dernières années, auprès de journalistes et experts des pays de la région. Sadibou Marong, responsable du bureau Afrique de RSF basé à Dakar, est l’invité de Charlotte Idrac. RFI : qui sont « les ennemis de la presse », comme vous le dites, dans les pays ciblés ? Sadibou Marong : Les bandes armées d’abord. Ce sont elles qui détruisent les radios communautaires, que ce soit du Niger, du Burkina Faso ou bien du Mali. C’est également elles qui imposent leur agenda, pour écouter des prêches au lieu de la musique. Ce sont également les bandes armées qui enlèvent les journalistes, les animateurs des radios communautaires, notamment ceux et celles qui ne respecteraient pratiquement pas leurs consignes, ou bien en tout cas leurs messages clé. Il y a aussi des juntes, qui font de plus en plus d’actions assez hostiles pour la liberté de la presse, le droit à l’information. Aujourd’hui, la question du « traitement patriotique de l’information », théorisée dans un pays comme le Mali, commence manifestement à faire florès avec des injonctions : ce narratif pro-junte mixé à du narratif également pro-russe. Ce qui arrange un peu la junte, c’est qu’au lieu de parler du personnel de Wagner, ils préfèrent parler de « nos collaborateurs ». Donc il y a de groupes armés, les États, mais aussi de plus en plus des citoyens, notamment sur les réseaux sociaux ? Dans le cadre de notre enquête, nous avons assisté à ce qu’on appelle l’émergence des comités de défense des militaires : des citoyens ou souvent des militaires qui sont très proches des juntes et qui ont des moyens pour envahir les réseaux sociaux, critiquer les journalistes, et souvent même faire pression sur les autorités. On a vu, par exemple dans le cadre du Mali, que ces comités de défense des militaires sont allés jusqu’à demander l’expulsion d’un certain nombre de correspondants étrangers. Mais dans un contexte de guerres, de menaces contre l’intégrité territoriale, que pensez-vous des arguments des autorités qui font valoir la stabilité du pays, la lutte contre le terrorisme ? En réalité, dans ces contextes disons de riposte des armées républicaines aux attaques terroristes, il y a souvent beaucoup d’abus, beaucoup de violations des droits humains et elles ne veulent pas que ces exactions, souvent violentes, soient documentées par des médias indépendants. C’est le cas au Mali, c’est le cas récemment au Burkina Faso. Au Burkina Faso, justement, nos consœurs de Libération et du Monde ont été expulsées. Qu’en est-il des journalistes burkinabè sur le terrain ? Comment travaillent-ils au quotidien ? Il y a de la résilience chez les journalistes burkinabè qui tiennent à rester journalistes, malgré le contexte difficile - souvent, ce sont des convocations… Le souci qu’on peut avoir c’est : est-ce que ça ne va pas aussi développer de l’autocensure chez les confrères burkinabè ? Et puis, ne pas oublier aussi que pendant très longtemps, le Burkina a quand même été un pays où il y a eu une liberté de la presse vraiment foisonnante en Afrique pendant plusieurs années, c’est le pays de Norbert Zongo, c’est le pays où quand même ça bouillonnait. Vous faites le parallèle entre la situation actuelle au Burkina et celle qui prévaut au Mali ? Ce qu’il s’est passé au Mali est en train pratiquement de se reproduire au Burkina Faso, contre des médias internationaux, dont RFI et France 24… On dirait presque que le Burkina est en train d’apprendre des faits et gestes du Mali. Au Mali, toujours, le journaliste français Olivier Dubois a été libéré le 20 mars dernier. Mais il faut rappeler que d’autres journalistes maliens restent portés disparus là-bas… Oui, nous saluons la libération d’Olivier Dubois et nous pensons fort aux autres journalistes, Moussa M'Bana Dicko, Hamadoun Nialibouly. Nous pensons que ce sont des enlèvements, mais nous n’avons pas connaissance encore d’une revendication d’un quelconque groupe. Mais on sait déjà que l’un et l’autre avaient été menacés parce qu’ils travaillent dans des radios communautaires dans le centre du pays. Dans le cadre de leur travail, ils ont eu à parler un peu des groupes armés terroristes. Le rapport pointe aussi la restriction de l’espace de reportage, et vous prenez notamment l’exemple du Bénin, c’est ça ? La zone nord du pays ? Il y a eu des cas d’arrestations, des journalistes qui étaient en mission au nord. C’est une zone qui est frontalière avec des pays en proie à des conflits, et souvent on assiste à des incursions de groupes armés. Et les autorités béninoises ne souhaitent pas que les journalistes accèdent à ces zones, ne le motivent pas également et ne donnent pas les raisons officielles. Malgré ce tableau assez sombre, il y a des initiatives qui sont mises en place par des journalistes au Sahel. Quelles sont ses initiatives de résilience, comme vous les appelez ? Nous avons visité, par exemple, des studios comme Yafa à Ouagadougou, qui est en mesure d’entretenir beaucoup de partenaires dans des zones extrêmement reculées, en travaillant en collaboration avec des radios communautaires. Les studios Kalangou aussi au Niger. Au Mali, il y a Tamani. Il y a également des initiatives de lutte contre la désinformation, que ce soit Africa Check, Mali Check, que ce soit au Tchad des petites formations à l’attention des journalistes et également des activistes et des journalistes citoyens. Ça, cela nous semble important. ► À lire aussi : Reporters sans frontières alerte sur une liberté de la presse de plus en plus menacée au Sahel
4/4/20234 minutes, 57 seconds
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«Cults» au Nigeria: «Il n'y a jamais eu de volonté politique d'en venir à bout»

C'est une plongée passionnante autant que glaçante que propose le livre Mafia Africa qui vient de sortir. L'enquête, signée par nos confrères Joan Tilouine et Célia Lebur, propose une exploration de certains réseaux criminels nigérians, ceux qu'on appelle les « cults ». Dans cet ouvrage, on découvre leurs ramifications internationales, notamment en Europe. Mais aussi un monde de rituels sanglants, de victimes déshumanisées et de combats pour le contrôle de territoires criminels. Entretien avec Célia Lebur, co-auteure de l'enquête. RFI : Célia Lebur, qui sont les cults, ces confréries qui sont au cœur de votre enquête ? Célia Lebur : Les cults sont des organisations criminelles nigérianes qui sont nées à partir des années 1950 sur les campus des universités nigérianes dans le sud du pays et qui, au fil des décennies, se sont dévoyées en organisations criminelles. Aujourd’hui, les cults sont impliqués dans le trafic de drogue, dans les réseaux de proxénétisme, dans la traite d’êtres humains et dans la cybercriminalité notamment. Quel rôle joue la ville de Benin City, cette ville du sud du Nigeria, dans l’organisation des cults ? Benin City joue un rôle majeur à plusieurs égards. Déjà, c’est la ville principale de départ des femmes qui vont être prostituées en Europe. C’est vraiment l’endroit d’où l’immense majorité part. Par ailleurs, c’est aussi en fait la ville où sont nées deux des plus puissantes confraternités cultistes, Black Axe, et Maphite. Elles sont nées dans les années 1970 sur le campus de Benin City Uniben (« Université de Benin »). On découvre aussi avec vous que le quartier le plus chic de Benin City, la Government Reserve Area (GRA), est aussi l’endroit où converge l’argent des cults, où s’installent certains de leurs responsables… Il y a à la fois les politiciens, « la vieille aristocratie », l’élite traditionnelle de Benin City, qui vit dans la GRA comme on l’appelle. Et il y a par ailleurs aussi tous les nouveaux riches, ceux que les gens de Benin City appellent eux-mêmes les « nouveaux riches », c’est-à-dire les Yahoo Boys du nom du moteur de recherches Yahoo, qui vraiment pratiquent les escroqueries en ligne, les « Madames », les proxénètes, les grands chefs cultistes. Tout ce monde-là se retrouve dans la GRA et s’achète des maisons absolument somptueuses et vit le plus tranquillement du monde. On accompagne justement dans votre ouvrage certaines des victimes de ces cults, des jeunes femmes à qui on vend du rêve et qui finissent sur les trottoirs des grandes villes européennes. Il y a par exemple le visage d’Odion qui a osé ébranler le système des cults à Marseille. Qui est-elle, Odion ? Odion, c’est la première qui dénonce et qui raconte ce que font ces hommes, qui en fait sont en embuscade, qui sont là derrière ces réseaux. Leur ultra-violence, le sadisme absolu, avec lequel ils gouvernent et ils dominent les femmes. Et on constate leur emprise de plus en plus grande sur la ville de Marseille, à la fois sur les réseaux de prostitution, sur les territoires de prostitution selon les quartiers, mais aussi sur le trafic de drogue. On rencontre aussi dans votre ouvrage Purity, une jeune femme qui tente la traversée pour l’Europe, qui part du sud du Nigeria, et qui finalement échoue à traverser la Méditerranée. On suit l’épopée de Purity : elle part de Benin City, elle passe par Kano dans le nord du Nigeria, ensuite par Agadez au Niger, puis la Libye, où elle restera bloquée. Mais ce qui est vraiment très frappant dans l’histoire de Purity, c’est qu’on se rend compte qu’en fait les réseaux nigérians sont absolument partout le long de la route migratoire. Qu’ils contrôlent certains camps, où les migrants sont gardés. Qu’ils sont en lien avec les « Madames » et les autres cultistes en Europe. Donc tout cela est quand même extrêmement structuré et organisé. Et elles sont bien entre les mains de Nigérians ces victimes-là, tout le long de la route, et non pas d’étrangers. L’activité de ces réseaux est marquée par une violence omniprésente. Violence contre ceux qui sont transportés vers l’Europe, mais aussi violence entre cultistes eux-mêmes. Les trahisons se payent à l’arme à feu, on le voit bien en lisant votre ouvrage, et les différents cults se livrent donc à une guerre de territoire là où ils sont implantés. Entre cults, les guerres sont incessantes pour le contrôle de trafics, de territoires, etc. Entre Eiye et Vikings, entre Vikings et Black Axe, entre Black Axe et Eiye, etc. Ça, on le voit en permanence, et il y a aussi les guerres de territoires avec les autres groupes des territoires sur lesquels ils s’implantent. Comment ce système des cults a pu à ce point gangréner la société de l’État d’Edo, dans le Sud du Nigeria, et s’étendre ensuite à l’international. Comment est-ce possible ? C’est un sujet extrêmement tabou au Nigeria les cults, personne n’en parle jamais. C’est aussi parce que beaucoup de gens puissants et de politiciens en sont. Et dès le départ les cults ont été instrumentalisés par les militaires, au pouvoir à partir des années 1970. En fait, ils s’en sont servis contre la jeunesse qui menait la fronde populaire contre les dictatures. Donc ils ont instrumentalisé les cults, et depuis lors en fait les gouvernements successifs et les politiciens ont tous vu l’intérêt de se servir des cults d’une manière ou d’une autre pour leurs propres intérêts. Donc, il n’y a jamais eu de volontés politiques de venir à bout de ce phénomène au Nigeria. Jamais.
4/3/20235 minutes, 2 seconds
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Mali: «Le Gao rap est un rap révolutionnaire», dit Baba Konaté

Originaire de la ville de Gao, Baba Konaté alias « Babsy » est l’un des pionniers du rap dans la ville du nord du Mali. Au point d’avoir créé avec d’autres chanteurs un style : le « Gao rap », un mélange étonnant et détonant de sons traditionnels, de guitares électriques avec des rythmes de ragga et des nappes venus tout droit des séries de Bollywood. Pour la première fois, le label Sahel Sounds produit un album complet de « Babsy », Tounga, un retour sur quinze années de production de ce « Gao rap ». ► À écouter aussi : Iba One, un gladiateur devenu empereur
4/2/20236 minutes
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Catherine Liousse: «Il y aurait un million de morts par an liés à la pollution de l’air aux microparticules» en Afrique

La pollution de l’air s’est aggravée en 2022 en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique. C'est ce qui ressort du dernier rapport que vient de publier la société suisse IQAir, spécialisée dans ce type de pollution. Avec des concentrations de particules fines allant jusqu’à 89,7 microgrammes par mètre cube, Ndjamena serait la ville où la qualité de l’air est la pire au monde. Il existe plusieurs réseaux comme IQAir, tous les classements donnent des résultats différents mais tous font le même constat : la pollution de l'air des villes africaines est très préoccupante. Catherine Liousse est directrice de recherches au CNRS, au laboratoire d'aérologie de Toulouse. Elle se trouve à Abidjan en ce moment et répond aux questions de Carine Frenk.   RFI : Catherine Liousse, à en croire les résultats de ce rapport sur la pollution de l’air en Afrique, Ndjamena est la ville la plus touchée au monde par cette pollution aux microparticules, 17 fois plus que le seuil recommandé par l’OMS. C’est assez incroyable ? Catherine Liousse : Les chiffres paraissent incroyables, mais moi, ça ne m’étonne pas au-delà, parce que je l’ai montré ailleurs. Sur toute l’Afrique de l’Ouest, alors là avec des capteurs bien calibrés, on a montré  que les concentrations en particules fines étaient 3 à 15 fois supérieures à la norme de l’OMS [Organisation mondiale de la santé]. On a fait des mesures à Bamako, là Bamako n’apparaît pas. Bamako a des concentrations aussi importantes qu’à Dakar, qu’à Ouagadougou. On a fait des mesures au Cameroun. On a fait des mesures dans plusieurs villes qui ont toutes dépassé de 3 à 15 les normes OMS. Et ce n’est pas comme en Europe des pics de pollution. Ce sont des pollutions qui sont constantes, c’est du long terme. Et ce, pour plusieurs raisons. Quelles sont ces raisons ? Déjà, nous avons une démographie galopante ces dernières années. Par exemple, si on regarde à Dakar, on a augmenté d’un million la population de Dakar de 2007 à 2017. Donc qui dit augmentation de la population dans les villes dit forcément activités anthropiques qui sont développées. Pour n’en citer que quelques-unes, il y a le trafic qui est incontrôlé. Il y a des feux domestiques avec le charbon de bois, le bois, etc. Il y a les déchets urbains qui représentent une grande source de pollution, qui sont brûlés. Il y a les industries. Cela fait un cocktail de pollution urbaine. Mais associées à ça, la plupart des villes africaines sont sous les vents finalement du désert et des particules qui arrivent du désert, pour tout ce qui est Afrique de l’Ouest et centrale, et qui viennent se rajouter à la pollution anthropique, associée à des conditions physico-chimiques de température et d’ensoleillement qu’on connait, tout cela fait un cocktail de polluants qui est très important pour l’Afrique. On parle souvent des pots d’échappement, beaucoup moins de l’utilisation du charbon de bois dans les ménages. Ça, c’est un vrai problème ? Le charbon de bois et le bois sont des grands émetteurs de particules, et de particules fines. Effectivement, ils contribuent beaucoup à la pollution intérieure par exemple, sachant qu’en plus, souvent les cuisines sont peu ou pas ventilées. Donc, les habitants, surtout les femmes, respirent cette pollution toute la journée et cela a des conséquences sanitaires importantes. Justement, avec de tels dépassements, que faut-il craindre pour la santé des habitants ? Les particules fines pénètrent dans l’appareil respiratoire et elles vont donc avoir des impacts sur l’inflammation des cellules, et ensuite conduire vers des maladies. Nous, on a fait un calcul à l’échelle de l’Afrique : il y aurait un million de morts par an, liés à cette pollution, un million de morts avec des maladies respiratoires et des maladies cardiovasculaires, etc. Ouagadougou, Kinshasa, Abidjan et Dakar sont citées. Mais de nombreuses villes africaines ne sont pas citées dans un rapport comme celui-là. Faute de données, seulement 19 pays sur 54 disposent d’un système de surveillance de la qualité de l’air. Comment cela est-il encore possible ? Oui. Le manque de données effectivement sur l’Afrique est criant, et ça c’est évident. Un vrai réseau de qualité de l’air comme nous avons en Europe, ça il y en a très peu, il n’y en a même pas 19 sur 54, un vrai réseau avec des mesures comme nous avons en France avec  le réseau Ademe [Agence de la transition écologique à Paris, Ndlr]. On peut en citer un sur l’Afrique de l’Ouest uniquement, c’est celui de Dakar qui marche depuis 10 ans. Mais ça va plus loin que le manque de données sur la pollution de l’air. Ça va aussi sur par exemple compter le trafic, compter les activités domestiques, tout ce qui est en amont de la pollution, pour pouvoir réduire cette pollution. Pas de données, cela veut dire pour les gouvernants, pas de problèmes. Donc, pas de solution à chercher ? Plus il y aura de données, plus les gouvernements seront à même de vouloir proposer des solutions. Il faut multiplier les mesures, multiplier les coordinations de réseaux qui existent aujourd’hui et qui se développent pour pouvoir proposer des solutions de réduction de la pollution, parce qu’on voit que, si finalement on ne fait rien sur cette pollution, la pollution continuera d’augmenter. On peut imaginer qu’en 2030, elle sera multipliée par 4 sur l’Afrique si rien n’est fait avec 200 000 morts en plus sur les 1 million qu’on disait tout à l’heure. La population souffre et va souffrir de plus en plus de cette pollution aux particules fines dans les villes africaines.
3/31/20235 minutes
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Algérie: «Il y a un retour de la rhétorique de la peur»

En Algérie, c'est le 2 avril 2023 que l'on connaîtra le verdict dans le procès du journaliste Ihsane El Kadi, le fondateur du site d'informations Maghreb Emergent, contre qui le procureur a requis cinq ans de prison dimanche dernier. Pour beaucoup d’observateurs, Ihsane El Kadi est loin d’être le seul prisonnier d'opinion en Algérie. Pourquoi cette vague de répressions, trois ans après l'arrivée au pouvoir d'Abdelmadjid Tebboune ? Dalia Ghanem est analyste à l'European Union Institute for Security Studies (EUISS) et a publié, en anglais, L'autoritarisme compétitif en Algérie. Elle répond aux questions de Christophe Boisbouvier.   RFI : Dalia Ghanem, le procureur a requis cinq ans de prison contre le journaliste Ihsane El Kadi. Comment interprétez-vous ce réquisitoire ? Dalia Ghanem : C'est dans la continuité de cette escalade répressive qui remonte, je dirais, au confinement puisque les autorités algériennes avaient utilisé le confinement du Covid-19 pour étouffer le Hirak, et c'est dans la continuité de ces actes de répression.  Alors, notre confrère Ihsane El-Kadi a été arrêté en décembre dernier juste après avoir signé une analyse sur ce qu'il appelle « l'incapacité du président Tebboune d'ouvrir une perspective politique ».  Oui, tout à fait. Alors je pense que Ihsane, il est l'un parmi tant d'autres, étant de ses rares journalistes qui, encore indépendant, dit ce qu'il pense et bien sûr ça dérange le régime. Alors, il faut savoir que la liberté d'expression, oui, elle existe, mais elle existe encore sous certaines conditions. C'est-à-dire quand le régime décide ou juge que vous avez dépassé la ligne rouge, vous êtes jugé pour diffamation, parfois pour association avec le terrorisme. Donc, ils utilisent aussi l'appareil judiciaire pour pouvoir arriver à leurs fins. Et je pense que Ihsane, il n’est pas le seul, il y a aussi des chercheurs, des universitaires, qui ont été aussi inquiétés, parfois arrêtés pour des raisons complètement fausses, mais c'est aussi une manière pour le régime d'effrayer la population et d'arrêter toute velléité du Hirak de revenir.  Et visiblement le président Tebboune a été piqué au vif par cette analyse d'Ihsane El Kadi puisque deux mois plus tard, en février dernier, il a accusé publiquement Ihsane El Kadi d'être un « khabardji », c'est-à-dire un informateur comme du temps de la guerre pour l'indépendance.  Tout à fait. Alors c'est un classique, j'ai envie de dire, ce sont des insultes, entre guillemets : « Khabardji », ou alors harkis, ou alors complotistes, avec cette fameuse rhétorique de la main étrangère qui veut du mal à l'Algérie. Effectivement, il y a un retour vers une rhétorique de la peur. Il n’y a pas que Ihsane bien sûr, ils sont à peu près 280 à 300 personnes à être dans les geôles algériennes aujourd'hui. Et je pense qu'il faut aussi parler de toutes ces personnes qui sont peut-être moins connues, mais au-delà des grands noms et des procès très médiatisés, il y a quand même 300 personnes aujourd'hui qui sont des détenus politiques pour leurs opinions. Donc, je pense que ce processus d'escalade répressif va continuer dans les prochains mois jusqu'à ce que le régime soit, j'ai envie de dire, certain que le Hirak ne reviendra pas dans les rues.  Mais pourtant, on croyait que ce mouvement Hirak s'était essoufflé depuis le Covid et qu'il n'inquiétait plus le régime.  Alors il s'est essoufflé, oui, mais encore une fois on ne sait pas ce qu'il est : est-ce qu'il est mort, je dirais ? Les Algériens, en février 2019, ont prouvé leur capacité à se mobiliser et ont prouvé aussi leur capacité à bien se mobiliser. On se rappelle tous de cette mobilisation pacifique et civique. C'était à la même à l'époque que les « gilets jaunes » en France et je me rappelle que les analystes étaient assez impressionnés par le civisme de ce mouvement. Donc ça a pris le régime un peu au dépourvu, ils ne s'attendaient pas à ça. Et donc, ils se disent à un moment donné, effectivement, le Hirak pourrait revenir. Pour le moment, ils ont une manne économique qui est assez importante grâce à la guerre en Ukraine qui permet aussi d'acheter encore la paix sociale, mais ils se disent quand il y aura plus le moyen d'acheter la paix sociale et quand la taille de la carotte - parce que c'est toujours la carotte et le bâton - ne sera plus disponible il faudra utiliser un peu plus le bâton parce qu'ils ont encore cette crainte que le Hirak revienne sous une forme ou sous une autre.  Il y a trois ans au moment de l'arrivée au pouvoir d'Abdelmadjid Tebboune, il y a eu un vent d'espoir démocratique sur l'Algérie. Est-ce qu'aujourd'hui ce vent est totalement retombé ?  Il y a eu un vent d'espoir démocratique ? Je ne suis pas sûre. Ce qui arrive dans les régimes comme le régime algérien qui a un régime semi-autoritaire, dans les moments de transition, les études ont montré que il y a deux voies généralement : soit une ouverture et donc on a le nouveau leader qui veut parler à l'opposition et faire des concessions, ce qu'on avait pensé d'Abdelmadjid Tebboune au début, puisque on se rappelle que deux mois après son élection la télévision nationale avait annoncé la sortie de prison d'à peu près 76 activistes. Mais en fait, très vite, il s'est avéré que l'Algérie nouvelle dont il parlait était rhétorique. Dès l'élection de Tebboune, trois mois après, le retour vers un autoritarisme beaucoup plus dur est déjà en marche parce que le régime n'a pas de vision politique stratégique. La seule vision du régime, c'est de se maintenir.  Abdelaziz Bouteflika, Abdelmadjid Tebboune : peut-on dire que les présidents passent et que c'est l'armée qui reste au pouvoir ?  Tout à fait. D'ailleurs je l'explique bien dans mon livre, je dis : « Le centre, le cœur du pouvoir en Algérie reste l'armée, elle prend les décisions majeures, elle ne gouverne pas au jour le jour, mais c'est elle qui dirige le pays, c'est elle qui prend les décisions les plus importantes de politique étrangère, d'économie et cetera. » Donc, effectivement, les présidents se succèdent. Il ne faut pas oublier aussi que les présidents sont choisis quand même par l'armée. Le retour de Bouteflika en 1999 n'aurait pas été possible sans l'aval de l'état-major de l'armée et pareil pour Abdelmadjid Tebboune.  Le départ du gouvernement du ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, est-ce le signe d'une discorde au sein de l'appareil d'État et peut-être d'un vrai débat démocratique à venir, en vue de la prochaine élection ?  Un vrai débat démocratique, non, mais d'une discorde, oui, ce n'est pas la première. On a vu Ramtane Lamamra partir et revenir souvent. Alors, c'est un peu triste pour la diplomatie algérienne parce que c'est quand même l'un des poids lourds de la diplomatie algérienne, c'est monsieur Afrique, c'est quelqu'un qui connaît très bien le continent africain, c'est quelqu'un qui est bien connu dans les instances de l'ONU. Il est clairement aussi le signe d'un conflit entre le président et le ministre des Affaires étrangères. Et je pense que, en tout cas, les rumeurs veulent que monsieur Lamamra ait des ambitions présidentielles. Alors est-ce que c'est vrai ou pas ? Clairement, encore une fois, le régime fait attention à qui il place, où il les place. 
3/30/20236 minutes, 37 seconds
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Mamadou Diouf: au Sénégal, «cette tension est annonciatrice de violences qui pourraient être incroyables»

Au Sénégal, s'ouvre une nouvelle séquence politique à risques, à la veille du procès pour diffamation d’Ousmane Sonko, prévu jeudi 30 mars 2023. La principale coalition d’opposition a maintenu ses appels à des mobilisations à Dakar, ce mercredi et ce jeudi, malgré l’interdiction des autorités. Dans un climat crispé, à moins d’un an de l’élection présidentielle prévue en février 2024, notre invité ce matin est l'historien sénégalais Mamadou Diouf. Il a signé la semaine dernière, avec une centaine d'intellectuels, une pétition adressée au président Macky Sall : « Nous constatons une violation flagrante, répétée et disproportionnée des droits des citoyens », peut-on lire dans cette tribune intitulée « Appel à la raison ». Parmi les nombreux signataires, l’écrivain Boubacar Boris Diop, la sociologue sénégalaise Fatou Sow, la journaliste franco-tunisienne Sophie Bessis ou encore Mamadou Diouf donc. L'historien, professeur à l’université de Columbia à New-York, répond aux questions de Carine Frenk. RFI : Pourquoi cette démarche ? Pourquoi cette mobilisation aujourd’hui de la part des intellectuels ? Mamadou Diouf : Je pense que la mobilisation des intellectuels, qui s’intéressent et se préoccupent du Sénégal, est motivée par une seule chose, c’est cette tension qui est perceptible et qui est annonciatrice de violences qui pourraient être incroyables. Et donc l’idée c’est de dire : ce pays est en train d’aller à la dérive. Donc les deux buts de la pétition, c’est d’une part de dire qu’il faut revenir à de meilleurs sentiments et créer un environnement pacifique pour les élections à venir. La deuxième chose, c’est de dire qu’il faut veiller à ce que la démocratie sénégalaise non seulement ne soit pas écornée, mais qu’elle puisse se développer. RFI : Avant chaque présidentielle, on observe une montée des tensions. Qu’est-ce qui vous inquiète particulièrement en ce moment ? Mamadou Diouf : Je pense qu’avant chaque élection, on assiste effectivement à une montée de la tension. Mais aujourd’hui, ce qui est en train d’être remis en cause, et c’est ça probablement qui explique l’extrême mobilisation des partisans du pouvoir et de l’opposition, c’est que toute une partie des acquis sont en train d’être remis en cause. C’est-à-dire que ce qui est en train de se passer aujourd’hui, c’est un champ de bataille ouvert et des acteurs prêts à la confrontation. Et c’est ça qui a changé. RFI : Et quelles violations observez-vous ? Mamadou Diouf : Il y a toute une série de violations. La plus importante, c’est cette question du troisième mandat et en fait l’idée d’une candidature de l’actuel président. La deuxième chose, qui est beaucoup plus générale, c’est le non-respect des dispositions constitutionnelles, le droit de manifester, le droit à s’opposer. Et la troisième chose, c’est le recours à la répression, le recours à la police, le recours à la justice, pour éliminer les opposants et éliminer les principaux candidats à la présidence de la République. RFI : Vous insistez beaucoup sur l’instrumentalisation de la justice, ce n’est pas un phénomène nouveau pourtant ? Mamadou Diouf : Bien sûr, mais à ce point-là, c’est inédit. Ce qui est aussi inédit, c’est qu’aujourd’hui, les gens n’acceptent plus cela, c’est cela qui crée cette situation qui est une situation de tensions. RFI : Dans cette pétition, les signataires lancent au président Macky Sall un appel à la raison. Que lui demandez-vous précisément ? Mamadou Diouf : Ce que les pétitionnaires demandent, c’est tout simplement le respect de la Constitution, qui dit que le président Macky Sall ne peut pas se représenter, le respect du droit des opposants à s’opposer sans qu’on ne mobilise la justice pour, en fait, les éliminer. C’est tout ce que ça demande. Cette pétition dit qu’il faut revenir à la raison et arriver à créer un environnement d’une société ouverte, qui permette à toutes les ambitions de se développer, à toutes les opinions de s’exprimer, pour avoir un débat démocratique et pacifique. RFI : Mais le terme de troisième mandat ne figure pas dans votre texte ? Mamadou Diouf : Parce que ce mot n’a pas à y figurer. Cette pétition n’a pas pour fonction de trancher quelque chose qui est déjà tranché. Pourquoi va-t-on parler de quelque chose qui est réglé si on considère que c’est réglé ? RFI : L’opposition ne doit-elle pas elle aussi entendre votre appel à la raison ? Mamadou Diouf : Bien sûr, l’appel à la raison est un appel adressé au président de la République, mais c’est un appel à l’ensemble des acteurs sénégalais. Mais nous estimons que lui, il joue le rôle principal. Non seulement il joue un rôle dans la situation dans laquelle on se trouve, mais il est investi du pouvoir d’instaurer la paix au Sénégal. Et vous voyez, la pétition ne prend pas position. La pétition dit seulement : l’atmosphère est en train de pourrir, et on s’apprête à la violence. La violence, il faut la bannir parce que cette région est déjà une région qui est prise dans des secousses d’une violence inouïe. Tous ces gens qui ont signé ne partagent absolument pas les mêmes positions politiques, mais ils sont d’accord sur certaines choses : qu’il y ait des élections transparentes et non-violentes.
3/29/20235 minutes, 46 seconds
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Ousmane Diallo (AI): «Au Sahel, les organisations de défense des droits humains continuent de travailler dans un climat très hostile»

L’Afrique n’a pas échappé au phénomène : la situation des droits humains s’est dégradée dans toutes les régions du monde l’an dernier, souligne le dernier rapport d’Amnesty international. Ousmane Diallo est venu à Paris présenter la situation du Sahel. Chercheur au bureau régional d’Amnesty à Dakar, il répond aux questions de Claire Fages. ► À lire aussi : Droits humains dans le monde, en 2022, un deux poids, deux mesures plus flagrant que jamais
3/28/20235 minutes, 41 seconds
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Procès du 28-Septembre en Guinée: «Les dames qui sont passées à huis clos se sentent plus libérées»

Il y a six mois, le 28 septembre 2022, s'ouvrait un procès historique pour la Guinée. Le procès du massacre du stade de Conakry en 2009. Six mois plus tard, les onze accusés ont comparu, notamment l'ancien président Moussa Dadis Camara et son aide de camp Toumba Diakité. La Cour a également entendu à huis clos le témoignage de plusieurs femmes victimes de violences sexuelles... un moment particulièrement important pour Asmaou Diallo, présidente de l'association des victimes, parents et amis du 28-Septembre. Elle est l'invitée ce matin de Carine Frenk. RFI : Asmaou Diallo, six mois d’audience déjà pour ce procès historique. Quelle est l’image qui vous a le plus marquée ?  Asmaou Diallo : C’est surtout le jour où on a lancé l’ouverture de ce procès qu’on a attendu durant treize ans. Ça, c’était vraiment un bonheur pour nous, pour toutes les victimes, et je peux dire même pour la Guinée parce que c’est quelque chose au sujet duquel on se demandait : est-ce qu’on aura ce jour ? Et Dieu merci, c’est arrivé.    L’ex-président de la transition, le chef du CNDD [Le Conseil national pour la démocratie et le développement, Ndlr], le capitaine Moussa Dadis Camara, à la barre, c’est aussi une image très marquante ?   Oui, très marquante, parce que vous savez, le capitaine Dadis a toujours dit qu’il était prêt à venir devant la justice guinéenne, et ça, nous sommes vraiment très contents du fait qu’il ait accepté d’être là, ça aussi c’est très important pour la Guinée, c’est de faire comprendre aux Guinéens que personne n’est au-dessus de la loi.   Le voir sur le banc des accusés c’est une chose, mais est-ce que son témoignage, lui, est à la hauteur de vos attentes ?   Nous, victimes, on n’est pas satisfaites, jusqu’à présent on n’est pas du tout satisfaites, parce que jusque-là, d’abord lui il dit que c’est un complot de Sékouba Konaté, d’Alpha Condé, et de Toumba, qu’il n’en sait rien. Ceux qui sont avec lui aussi disent qu’ils ne le connaissent pas. Alors c’est ça maintenant le problème de ce procès, on se demande maintenant qui a été responsable, qui a donné l’ordre pour qu’on fasse ce massacre. Chacun dit : c’est l’autre, moi je ne connais pas, moi je ne sais pas. Et pourtant, il y a eu des tueries au stade, il y a eu des morts, il y a eu des violées, il y a eu des personnes disparues. Ces personnes disparues, on se demande, on se pose la question, ils n’ont qu’à le dire exactement où se trouvent les fosses communes s’il y a eu des fosses communes, et s’il n’y a pas de fosses communes, où se trouvent ces disparus. Et qui a commandité, qui a donné l’ordre, pour que ce carnage se fasse au stade ? C’est tellement sombre, jusque-là, ce n’est pas clair.  Mais tout de même, Toumba, l’ancien aide de camp de Dadis Camara, a parlé. Il a mis en cause Dadis Camara. Est-ce que son témoignage fait avancer la vérité ?   Je crois qu’il a éclairé la situation du 28-Septembre, tout ce qu’il s’est passé entre eux. Maintenant, quand lui il le dit, en tant qu’aide de camp de Dadis, Dadis n’a qu’à nous aider à voir la vérité. Peut-être le capitaine Dadis va finalement avoir vraiment la gentillesse de dire exactement ce qu’il en sait de ce qu’il s’est passé le 28 septembre. Il faut absolument que la vérité puisse sortir.   Et ce procès est retransmis à la télévision. Il est très suivi par la population. C’est quelque chose d’important pour vous ?   Oui, c’est très important. Vous savez, on avait demandé cela depuis le début, avant que le procès ne démarre, donc c’est très important et c’est très suivi, c’est très suivi au niveau national et international. Et le moment du huis clos, j’avoue que c’était compliqué pour les gens, on appelait souvent : quand est-ce que le huis clos va finir ? Parce que nous, on a envie de suivre le procès.   Les comparutions de Toumba ont cumulé plus d’un million de vues sur internet…  Oui, tout à fait. C’est Toumba qui a ouvert carrément les débats parce que lorsqu’il a témoigné, il y avait des choses que les Guinéens ne savaient pas.   Avez-vous observé des changements de comportement à l’égard des victimes qui ont beaucoup souffert de stigmatisation avant le procès ? Est-ce que les choses sont en train de changer ?   Oui, ça va les aider moralement. Tout le monde parle des victimes, donc les victimes sont vraiment très à l’aise de suivre le procès et de savoir que le procès est suivi. Il y a des victimes qui depuis le début jusqu’à aujourd’hui n’ont pas manqué un seul jour pour venir assister au procès.   Les parties civiles ont la parole actuellement, des victimes s’expriment à la barre. Ce procès les libère ?   Oui, ça les libère, je vous le dis, les dames qui sont passées à huis clos se sentent vraiment très ragaillardiesaujourd’hui parce qu’elles ont pu se libérer, parce qu’elles avaient ça dans le cœur durant treize ans. Je ne sais pas si vous avez suivi, il y en a une qui n’a pas voulu faire le huis clos, qui a vraiment eu le courage de témoigner à visage découvert. Je peux dire qu’elles ont eu vraiment mal au stade le 28 septembre, alors cette femme a su vraiment garder le cap. Il y a eu tellement de discrédit sur elle, mais elle a supporté, elle a expliqué exactement ce qu’elle a subi. Et je peux dire que ce sont des femmes qui sont braves, qui ont eu le courage d’être devant le tribunal, ça ça m’a beaucoup touché.
3/27/20234 minutes, 48 seconds
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Eugène Ebodé, écrivain camerounais: «J’ai essayé de toucher l’africanité qui rime avec immortalité»

Notre invité Afrique est l'écrivain camerounais Eugène Ebodé. Dans son onzième roman Habiller le ciel, édité dans la série Continents Noirs chez Gallimard, il sculpte une mosaïque africaine autour d'une Mama Africa qui n'est autre que sa mère : « celle qui m'invitait à habiller le ciel de prières pour détourner de mon chemin de furieux orages », écrit-il. Eugène Ebodé répond à Houda Ibrahim. RFI : La mémoire, le souvenir de votre mère, domine votre roman Habiller le ciel mais à travers Vilaria, votre mère, c’est enfin le portrat d’une famille camerounaise que vous esquissez ? Eugène Ébodé : C’est exact, c’est le portrait d’une famille endeuillée. Mais au-delà du portrait de la famille, c’est aussi une convocation d’un espace africain que j’ai essayé de restituer à travers des circonstances qui n’étaient pas favorables, c’est-à-dire la mort d’une mère. J’ai eu moi-même la première surprise de m’apercevoir que ce n’était pas un roman de la tristesse, c’était un roman du souvenir mais aussi du prolongement de celui-ci vers un horizon que j’appellerais le passé recomposé. Il y a les prémices d’une attitude à l’égard de la création, c’est-à-dire que le jeune homme que j’étais à l’époque de la convocation des premiers souvenirs, c’est celui qui tendait vers l’imagination combinée avec une possibilité de renverser un ordre qui n’était pas forcément favorable. « C’est un passé, comme vous dites, recomposé » que vous racontez. Est-ce pour donner à votre mère la vraie place que son être méritait ? Oui, je pense, à travers une mère et notamment la mienne qui a fait de moi ce que je suis, parce que si j’avais suivi mes instincts initiaux, j’étais plus porté vers le jeu, vers le football et non vers la littérature. Et donc elle a souhaité que j’aille à l’école puisqu’elle-même n’avait pas fréquenté les bancs de l’école. Elle était donc une analphabète mais elle avait une telle connaissance de la vie traditionnelle et de sa propre langue que c’était un régal de l’écouter et puis, elle a souhaité que je puisse avoir un autre destin. Donc, les diplômes en particulier, étaient pour elle l’occasion d’une fête, d’une fête à la maison et comme elle était danseuse, elle combinait la satisfaction d’avoir des enfants qui récoltaient des bonnes notes à la convocation de son propre souvenir d’artiste, de danseuse et elle dansait. Elle invitait les voisins à participer à cette symphonie collective. Vous écrivez : « Raconter cette mère disparue, c’est comme tresser une sépulture de paille, destinée à dévorer bien vite la montagne pour se disloquer dans les ravins de la mémoire ». Et vous l’appelez également Mama Africa, votre mère… Oui, je l’appelle Mama Africa d’abord parce qu’elle aimait beaucoup Myriam Makeba. Elle aimait aussi le continent, l’Afrique. Quand je suis allé au Tchad, c’était ma première expérience à l’étranger, elle a laissé faire et ensuite je sais que j’ai eu une autre expérience de la Côte d’Ivoire, cette fois dans le domaine sportif, elle n’était pas très heureuse de me voir sur les terrains de football mais elle a accepté que je puisse acquérir une expérience de l’ailleurs. Cette expérience de l’ailleurs a beaucoup compté dans mon imaginaire. Au long de ce roman, vous décrivez votre sentiment de culpabilité. Votre mère est partie alors que vous étiez absent. L’écriture vous a-t-elle guéri de cette culpabilité ? Bien sûr, elle fait beaucoup de choses et d’abord, des rattrapages. Et puis, vous pouvez faire votre mea culpa, reconnaitre vos torts. En écrivant, vous regardez aussi… et la première des leçons que l’on peut avoir, c’est aussi par soi-même. Pour mon absence à l’enterrement de ma mère, ce n’était pas forcément une manière de m’extraire de la procession qui l’accompagnait à sa dernière demeure, c’était des circonstances. Nous étions sous Covid et c’était aussi l’idée que Mère étant morte en septembre, c’est le mois de la rentrée des classes. Je pensais qu’elle serait très heureuse que je sois devant mes élèves et non autour de son cercueil. En écrivant, je me suis aperçu que l’occasion qui m’était donnée d’opérer une sorte d’introspection et de sentir le poids de la culpabilité, eh bien le poids des mots m’enlevait les mots désastreux pour que la fête soit celle de la connaissance. Et Mère, je suis sûr que d’ailleurs, elle le fait dans le dernier chapitre de ce livre qui correspond, je pense, au sentiment que nous avons eu et à la communication qui n’est pas rompue entre nous. Au dernier chapitre de votre roman, Mère, comme vous l’appelez, continue à vous écrire de l’au-delà. Elle continue aussi à vous raconter des histoires, des secrets. Est-ce une manière de dire que nos proches disparus continuent de vivre à travers nous ? Ce chapitre est important parce qu’il restitue aussi la spécificité des littératures africaines. Moi, j’en fais une mère qui continue, vous le voyez bien, par-delà les espaces et par-delà les frontières du vivant et de la mort, à me tenir la main, qui continue à m’alimenter en réflexion, en bonheur et en amour, et cet amour est une lumière perpétuelle, et là, avec ce livre, j’ai essayé de toucher à quelque chose qui s’appelle l’africanité et qui rime avec l’immortalité.  
3/26/20235 minutes, 50 seconds
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Abdoulaye Bathily, émissaire de l’ONU pour la Libye: «Je négocie avec des groupes armés pour sécuriser les élections»

Dans une interview à RFI et France 24, le Sénégalais Abdoulaye Bathily, représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU en Libye, regrette que le Parlement libyen – la Chambre des représentants, basée à l’Est, et le Haut Conseil d’État, basé à Tripoli, à l’Ouest – « traîne des pieds » pour aller aux élections. M.P. : Monsieur Abdoulaye Bathily, il y a un mois, vous avez présenté au Conseil de sécurité des Nations unies une nouvelle initiative pour tenter de sortir enfin de l’impasse libyenne. Cette initiative prévoit notamment des élections présidentielle et législatives d’ici la fin de cette année 2023. On se souvient qu’en 2021, des élections devaient se tenir, mais tout a été bloqué en raison des tensions entre le camp de l‘Est et celui de l‘Ouest. Or ces tensions n’ont pas disparu, loin de là. Expliquez-nous pourquoi vous espérez que cette fois, ça va marcher ? Abdoulaye Bathily : Je pense que, cette fois-ci, il faut le dire, la plupart des acteurs libyens sont décidés à aller aux élections, veulent aller aux élections. Et en réalité, il n’y a que quelques responsables en position institutionnelle qui ne veulent pas des élections, ou tout au moins qui traînent les pieds. Et il faut créer les conditions pour que la question électorale ne reste pas entre les mains de cette minorité qui bloque, mais que la question électorale concerne l’ensemble des segments de la société. Il y a l’institution législative, la Chambre des représentants et le Haut conseil d’État qui ont en charge la partie législative. Mais il faut dire que, depuis un an, ces deux chambres n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la base constitutionnelle et sur la base des lois électorales. Mais récemment, elles sont venues avec une proposition, c’est-à-dire l’amendement constitutionnel n°13,  sur lequel je n’ai pas d’objection majeure. Mais il faut le dire, il y a d’autres questions importantes qui restent à régler : la question par exemple des lois électorales, la question de l’éligibilité des candidats. Christophe Boisbouvier : Abdoulaye Bathily, arrêtons-nous sur ces deux assemblées législatives dont vous venez de parler et qui « trainent des pieds », comme vous dites. Elles sont rivales, l’une à l’Est, l’autre à l’Ouest. Mais elles sont toutes les deux d’accord sur un point en effet, elles ne veulent pas de votre plan. Elles vous accusent d’ingérence. Est-ce qu’elles ne cherchent pas surtout en réalité à « jouer la montre » pour empêcher toute élection afin que chaque député, chaque sénateur puisse garder son siège le plus longtemps possible ? A.B. : Il n’y a pas d’ingérence de notre part. Qu’est-ce qu’il y a de notre part ? Il y a un appel à la responsabilité, responsabilité politique, responsabilité morale, responsabilité aussi légale. Parce que ces deux chambres ont perdu leur légitimité dès lors qu’elles ont été élues respectivement en 2012 et 2014. Et depuis lors, aucune élection n’a mis en jeu leur mandat. Et par conséquent, la prolongation de cette situation intérimaire évidemment les arrange sans doute, mais n’arrange pas la majorité des Libyens qui veulent aujourd’hui, après s’être inscrits massivement sur les listes électorales, que des institutions légitimées par les urnes soient mises en place. Et aujourd’hui, il s’agit justement de faire en sorte que la question électorale soit étendue à d’autres segments de la société qui interviennent sur ce processus. C’est dans ce sens-là que, depuis quelques mois déjà, j’ai engagé les consultations et la négociation, non seulement avec les partis politiques, mais aussi les groupes de femmes, les groupes de jeunes, mais également les groupes sécuritaires. La situation sécuritaire en Libye est très préoccupante. Ce sont des institutions sécuritaires qui sont fragmentées : il y a les miliciens, il y a les groupes armés, il y a des mercenaires. Il y a toute une situation préoccupante qu’il faut aussi régler pour que les élections se tiennent. Or jusqu’ici, le débat électoral ne tient pas compte de cette dimension-là. J’ai déjà engagé, grâce au soutien du Comité militaire 5+5 [5 membres du gouvernement libyen légitime et 5 membres des forces de Khalifa Haftar, Ndlr], des pourparlers, des discussions, et même des négociations avec des groupes armés de l’Est et de l’Ouest qui sont d’accord pour participer à la sécurisation du processus électoral. Et je continue cette discussion-là. Dans les prochains jours, je vais également aller dans certains pays voisins de la Libye, à la frontière, au Soudan, au Tchad, au Niger. Un comité de liaison sous l’autorité du Comité militaire conjoint 5+5 a été mis en place. Il faudra discuter avec les autorités de ces pays également sur la question des mercenaires, sur la question des groupes armés, en particulier dans la région Sud. Donc, aujourd’hui, il s’agit de créer les conditions pour que la question électorale dépasse les rivalités, les débats internes à ces deux chambres qui ne veulent pas avancer. Il s’agit que la société libyenne, qui aujourd’hui en a marre de ces groupes de politiques qui veulent conserver leurs sièges, il s’agit que cette société libyenne puisse avoir l’occasion d’ouvrir une nouvelle perspective pour le pays. M.P. : Abdoulaye Bathily, parlons maintenant de l’exécutif. À Tripoli, le Premier ministre Abdel Hamid Dbeibah a plutôt bien accueilli votre initiative. Mais est-ce le cas de son rival Fathi Bachagha ? Et à Benghazi, est-ce que l’homme fort, le maréchal Khalifa Haftar est d’accord ? On le dit assez réservé ? A.B. : Ces derniers jours, j’ai pris contact avec tous ceux que vous venez de nommer : le Premier ministre Abdel Hamid Dbeibah à l’Ouest, le maréchal Khalifa Haftar. Et je suis en contact permanent avec ce dernier : il est pour les élections, il est pour mon initiative. J’ai pris contact avec Fathi Bachagha, l’autre Premier ministre qui est à l’Est également, il m’a dit très clairement qu’il est pour les élections. Donc, aujourd’hui, il faut le dire, la plupart des acteurs, y compris le conseil présidentiel qui a également apporté son soutien à cette initiative, vont dans le sens vraiment de sortir le pays de l’impasse. C’est ceux qui veulent perpétuer la situation actuelle, qui veulent bloquer. Mais, je dois dire que l’écrasante majorité de la population libyenne voudrait que les élections puissent se tenir et nous maintenons le cap dans ces conditions. C.B. : L’une des causes de l’annulation des élections de 2021, c’est la querelle, vous le savez bien, sur la question d’éligibilité à la présidentielle. Et pour dire les choses simplement, le camp de l’Ouest veut interdire la candidature d’un militaire et d’un binational. Or, il se trouve que l’homme fort de l’Est, le maréchal Haftar, est non seulement un militaire mais un binational, Libyen et Américain. Le Premier ministre de Tripoli, Abdel Hamid Dbeibah, vient de déclarer : « Il est inacceptable de voir revenir un régime militaire ». Est-ce qu’il n’y a pas un blocage de ce côté-là ? A.B. : Ce qui est clair, c’est que les Nations unies sont pour des élections inclusives. Dans l’état actuel de la Libye, il n’est pas acceptable que des candidats puissent être, pour des raisons politiques, écartés de l’élection présidentielle. Cela porterait un grave préjudice à l’unité territoriale du pays, cela porterait un grave préjudice à la société libyenne. Aujourd’hui, une telle prise de position nous amènerait à une situation non seulement de blocage, mais à une situation d’aggravation de la crise. Une crise qui déjà a des conséquences néfastes pour tous les pays frontaliers de la Libye. Je pense au Sahel, à tous les pays du Sahel qui subissent les conséquences de cette crise libyenne et du vide sécuritaire. La Libye est un marché d’armes à ciel ouvert, une sorte même de supermarché. M.P. : On sait que les Américains cherchent une solution en Libye. On sait que les Russes jouent aussi un rôle très important en Libye. Ils soutiennent notamment à l’Est le maréchal Haftar. Donc, en fait, pour trouver une solution, il faut quand même que les Américains et les Russes s’entendent. Or depuis un an, depuis la guerre en Ukraine, ils sont à couteaux tirés, c’est le moins qu’on puisse dire, est-ce que cela veut dire que vos efforts sont voués à l’échec, comme cela a été le cas pour tous vos prédécesseurs ? Jusqu’ici, je dois dire que le tour que j’ai fait, de tous les pays concernés par la crise libyenne, montre qu’en réalité, il y a une volonté exprimée des uns et des autres de participer à la solution de la crise. Je suis allé dans tous les pays voisins, aussi bien en Turquie, au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Égypte, en Algérie, au Maroc, et bien entendu en Tunisie, mais également dans tous les pays européens : l’Italie, la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Russie, je suis allé à Moscou. Et le message que j’ai donné à tous ces pays, c’est que oui, les uns et les autres sont concernés par ce qui se passe aujourd’hui en Libye, mais il est important qu’on donne la chance au peuple libyen de forger son destin à travers des élections libres, démocratiques et transparentes. Et ce qu’on m’a répondu, c’est que, effectivement, il y a un accord sur cela parce que la prolongation de cette crise porte en germe l’aggravation de la crise non seulement en Afrique, mais également dans toute la région de la Méditerranée. Et bien entendu, il faut mettre fin à cette situation avant que la crise ne prenne de nouvelles proportions internationales. Parce que je dis que, s’il y avait une Coupe du monde en politique, la Libye serait qualifiée automatiquement, parce que beaucoup de pays sont déjà en train de jouer sur ce terrain, il faut mettre fin à ce jeu. C.B. : Merci Abdoulaye Bathily de nous avoir accordé cet entretien.
3/24/202312 minutes, 6 seconds
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Présidentielle au Gabon: il y a «un recul démocratique», dénonce Alexandre Barro Chambrier

Cette semaine, le Premier ministre gabonais Alain-Claude Bilie-By-Nze a donné une interview à RFI et France 24 dans laquelle il évoquait notamment la présidentielle de cette année. La date n’est toujours pas fixée mais il promet la transparence. Pour lui répondre, une des figures de l’opposition gabonaise : Alexandre Barro Chambrier. Ancien ministre des Mines d’Ali Bongo, il avait claqué la porte du parti au pouvoir pour rejoindre Jean Ping et l’opposition en 2016. Entretien avec celui qui préside aujourd’hui le Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM). RFI : Alexandre Barro Chambrier, sur le naufrage de l’Esther Miracle, le Premier ministre Alain Claude Bilie-By-Nze, reconnaît des négligences de la marine marchande. Vous a-t-il convaincu ? Alexandre Barro Chambrier : Il est là pour tenter de donner des explications à quelque chose pour laquelle ils n’ont pas été à la hauteur. Comment expliquer que les secours ne soient arrivés que plus de 3 heures après les premières alertes pour un navire qui était à quelques encablures de Libreville ? C’est vraiment dramatique et accablant. Et ils cherchent à masquer le nombre de morts, parce qu’on nous parle de 28 morts alors qu’il y a près de 40 personnes qui sont disparues. Il faudrait plus de transparence pour dire la vérité aux familles. La date de la présidentielle n’est pas encore fixée. Mais on sait maintenant que le scrutin se jouera en un seul tour. Et vous dénoncez une manœuvre, pourquoi ? C’est une décision qui est regrettable et qui nous ramène en arrière et qui est un recul démocratique. Le pouvoir œuvre en sourdine pour la dispersion des voix entre de multiples candidats pour déclarer Ali Bongo vainqueur avec un faible score. Cette année, il n’y aura pas d’observateur de l’Union européenne. Le Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze explique qu’en 2016, « ils ont contribué à aggraver la situation par des déclarations intempestives qui ne tenaient pas compte des réalités », selon lui. Il peut raconter ce qu’il veut. Vouloir être en vase clos, c’est la preuve qu’on a des choses à cacher et qu’on n’est pas si serein que cela. Il assure que le scrutin sera transparent. Pourquoi en doutez-vous ? On ne lui fait pas confiance parce que nous ne savons toujours pas la date de cette élection. Les listes électorales ne sont pas mises à jour. Comment voulez-vous que les choses se déroulent dans un climat d’impartialité qui garantisse des élections apaisées ? Leur seule préoccupation, c’est de diviser l’opposition. Une partie de l’opposition, qui est à la leur solde, qui est entretenue par le régime, doit donner le sentiment qu’il y a une division apparente. Mais nous ne sommes pas dupes et nous n’allons pas laisser faire tout cela. Justement, dans le cadre d’un scrutin à un seul tour, le premier arrivé est élu. Cela veut dire qu’il va falloir un candidat unique soutenu par les principales forces d’opposition, cela n’a pas l’air d’en prendre vraiment le chemin en ce moment ? Il faut se méfier des apparences. Nous travaillons pour cela avec d’autres partenaires qui sont engagés en faveur du changement. Le retour au scrutin à un tour nous montre l’impérieuse nécessité du rassemblement autour d’une candidature crédible et consensuelle. Mais on voit une opposition qui n’arrive jamais à se mettre d’accord. Qu’est-ce qui peut changer ? Ce qui va changer, c’est qu’au fur et à mesure que nous allons nous rapprocher de ces élections, chacun devra prendre ses responsabilités, renoncer aux ambitions individuelles, taire les egos pour faire avancer le Gabon. Est-ce pour cela que vous n’avez pas encore officialisé votre candidature ? Nous sommes dans une logique de recherche d’une union. Donc, ce n’est pas mon avenir personnel qui est en cause. Le moment venu, nous nous prononcerons. Y a-t-il au moins un mécanisme de désignation qui est déjà prévu entre vous ? Non. Nous n’allons pas rentrer dans les détails qui pourraient créer encore d’autres réactions. C’est quelque chose que nous devons définir tous ensemble et qui soit accepté. Il faut être raisonnable et faire confiance aux femmes et aux hommes pour créer les conditions qui permettent effectivement à l’opposition non seulement de gagner, mais de faire en sorte que, contrairement au passé, que celui qui sera vainqueur puisse effectivement gouverner le pays. Tout est possible lorsqu’on a la volonté, la détermination et surtout lorsqu’on a le peuple avec nous. Et les Gabonais n’accepteront jamais que ce qui s’est passé en 2016 se reproduise en 2023. ► À écouter aussi : Alain-Claude Bilie-By-Nze, Premier ministre gabonais: «À l’élection de 2016, certains ont péché par excès de confiance»
3/24/20237 minutes, 32 seconds
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Alain-Claude Bilie-By-Nze, Premier ministre gabonais: «À l’élection de 2016, certains ont péché par excès de confiance»

De passage à Paris, le Premier ministre gabonais a donné une interview à RFI et France 24 dans laquelle il évoque - avec un petit regard autocritique - la précédente présidentielle. Et il promet la transparence pour celle à venir, cette année. Il explique également la position du Gabon sur le conflit russo-ukrainien, après le récent vote à l'ONU sur la condamnation de l'invasion russe.   Marc Perelman : Monsieur le Premier ministre, le 9 mars l'Esther Miracle, un ferry qui reliait Libreville à Port-Gentil, a fait naufrage. Le bilan est d’au moins 24 morts. Vous avez dénoncé, je vous cite, « la négligence, les petits arrangements » et promis des « décisions dures ». Votre ministre des Transports Brice Paillat a remis sa démission, mais beaucoup au Gabon estiment qu’il faut sanctionner d’autres membres de votre gouvernement, que ce n’est pas assez… Alain-Claude Bilie-By-Nze : Monsieur Brice Paillat a remis sa démission par responsabilité politique. Ce naufrage, que nous regrettons, avec des disparitions importantes, c’est un des plus importants que notre pays a connu, a choqué le Gabon. Brice Paillat n’est pas coupable, mais responsabilité politique oblige, il a rendu sa démission. En ce qui concerne les demandes sur les autres membres du gouvernement, c’est un peu excessif. Nous verrons ce que les enquêtes vont démontrer : y a-t-il eu une faille dans les secours ? On verra bien. Manifestement, dans la gestion de la question de la marine marchande au Gabon, se posent énormément de problèmes, de négligences et quelques problèmes de manque de suivi, de rigueur dans la délivrance de certains documents. Et ce sont les premiers éléments de l’enquête administrative, nous verrons ce qu’il en sera quand cette enquête sera bouclée. M.P.: Alors Ali Bongo n’a pas caché ses ambitions pour la prochaine présidentielle qui est prévue normalement au mois d’août. Vous allez sans doute jouer un rôle central dans cette campagne. En 2016, tout le monde est d’accord, l’élection s’est mal passée : il y a eu une grave controverse, il y a eu des dizaines de morts. Et là, pour cette élection de 2023, vous avez refusé que l’Union européenne envoie des observateurs. Évidemment, cela pose une question : est-ce que ça ne va pas entacher ce scrutin ? Est-ce qu’il ne va pas y avoir de nouveau des soupçons de manque de transparence ? D’abord, le chiffre de dizaines de morts, je ne le confirme pas. Il y a un chiffre officiel au Gabon. M.P.: C’est ce que disent plusieurs organisations… Oui. Mais elles n’ont pas apporté la preuve. On ne va pas reprendre ce que disent les organisations. L’Union européenne… nous avons discuté dans le cadre du dialogue politique intensifié et nous sommes tombés d’accord. Nous avons fait le constat que les observateurs de l’Union européenne ont contribué à aggraver la situation au Gabon par des déclarations intempestives, peu mesurées, et qui ne tenaient pas compte des réalités. Nous sommes tombés d’accord pour que cette année, il n’y ait pas d’observations de l’Union européenne. Et cela n’aggravera rien du tout, parce que nous allons organiser une élection transparente. Le vainqueur sera connu. Nous espérons que le vaincu acceptera et félicitera le vainqueur. Christophe Boisbouvier : Cette année, l’élection présidentielle sera à nouveau à un seul tour. Et à la différence de 2016, où toute l’opposition était derrière Jean Ping, cette année, l’opposition risque de partir en ordre dispersé. On se souvient qu’en 2016, l’équipe du candidat-président Ali Bongo avait pêché par excès de confiance. Cette année, est-ce que vous pensez que la victoire est assurée, parce que Jean Ping, Paulette Missambo et Alexandre Barro Chambrier n’auraient aucune chance ? D’abord, il ne me revient pas de me prononcer à la place de l’opposition. Ensuite, je crois que chacun a tiré les leçons de 2016, aussi bien dans la manière de mener la campagne, dans la manière de s’organiser, mais surtout de gérer le pays… C.B.: Excès de confiance en 2016 ? Je pense qu’en 2016, effectivement, certains ont pêché par excès de confiance. Beaucoup ont pensé que c’était plié d’avance, et ce qui a rendu peut-être plus difficile la question de l’élection. Mais cette élection a eu lieu. On en a tiré toutes les leçons. On va aller à cette campagne lorsqu’elle aura lieu de manière à peser, en proposant un projet crédible que nous mettrons en œuvre si le président est élu. M.P.: Alors se pose la question de certaines personnalités politiques et syndicales qui sont derrière les barreaux en ce moment. Il y a le Franco-Gabonais Brice Laccruche Alihanga, qui était directeur de cabinet du président Bongo, il serait très malade. Il y a aussi le leader syndical Jean-Rémi Yama. Est-ce qu’un geste de clémence envers eux, et peut-être quelques autres, ne serait pas une bonne chose justement pour apaiser le climat avant les élections ? Ou est-ce que vous dites : non, c’est hors de question ? D’abord, c’est le domaine de la justice, et vous le savez bien. Personne n’a idée en France de demander au président français ce qu’il pense de la situation de tel ou tel autre prisonnier. Brice Laccruche Alihanga, à ma connaissance, n’est pas un prisonnier d’opinion. S’il l’était, on saurait quelle est son opinion. Il me semble qu’il ne faut pas oublier les choses qui lui sont reprochées. Mais ce n’est pas de mon domaine de commenter ce qui relève de la justice. Quant au syndicaliste Jean-Rémi Yama, vous savez très bien qu’il y a des plaintes qui ont été déposées contre lui au pénal par des citoyens gabonais qui se sont plaints d’avoir été spoliés, escroqués. Donc, ce sont des domaines, des éléments qui relèvent de la justice. M.P.: Un geste humanitaire ? Dans ces conditions, c’est une démarche des avocats vis-à-vis de la justice gabonaise et la justice se prononcera. C.B. : En février 2023, lors du dernier vote aux Nations unies sur la guerre en Ukraine, le Gabon s’est abstenu de condamner l’agression de ce pays par la Russie. Est-à-dire qu’à vos yeux, la violation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine compte moins que votre partenariat stratégique avec la Russie ? D’abord, il est juste de rappeler que le Gabon a clairement condamné la violation du droit international et que, par la suite, le Gabon a estimé qu’il a aux Nations unies un rôle à jouer. Il a aussi des intérêts stratégiques à préserver. On ne va pas commencer à demander à chaque État de justifier son vote aux Nations unies. Personne ne le fait pour les pays occidentaux. Donc, permettez que les Africains fassent des choix en fonction de leurs propres ambitions.
3/21/202311 minutes, 16 seconds
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Libération d'Olivier Dubois: «Il avait toutes les qualités pour traverser ce genre d'épreuve»

Le journaliste enlevé à Gao dans le nord du Mali, en avril 2021, a passé presque deux années en captivité. Il est apparu souriant et libre hier, lundi 20 mars, en début d'après-midi à l'aéroport de Niamey, la capitale du Niger voisin. Amélie Tulet a pu joindre Marc De Boni, porte-parole du comité de soutien pour la libération du journaliste, quelques minutes après qu'il a appris la libération de celui-ci.  Marc de Boni : Je me sens entre deux mondes, c’est assez particulier parce que c’est une croisade dans laquelle on s’engage corps et âme sans perspective de fin, sans même la promesse d’une issue heureuse. Et on est tellement et intégralement tendus vers l’objectif du retour de la personne qui nous a été enlevée que, quand cela arrive, on perd ses moyens. Je ne vous cache pas que j’ai passé une bonne demi-heure d’abord à pleurer, puis à essayer de récupérer mes esprits. RFI : Qu’est-ce qu’il ressort de ces deux ans de « croisade », presque deux années ? L’immense force et l’immense courage de Déborah, qui est la compagne d’Olivier, la mère de ses enfants, qui a été un phare pour nous, qui a été une source d’inspiration et qui a accompli littéralement des miracles par amour pour Olivier. On a su à plusieurs reprises que tout ce qu’on a pu faire ici à Paris, Olivier en avait vent et que ça a changé des choses pour lui. J’espère qu’il pourra nous raconter plus avant tout ça. Pour ce genre de bataille absolument désespérée, on se sent totalement démunis. On ne sait pas du tout si les efforts portent. Et bien, oui, les efforts portent, les personnes en otage entendent, elles savent qu’on se mobilise pour eux. On sait que beaucoup de personnes sont malheureusement dans la même situation et qu’on n’en parle pas assez. J’espère que ça leur redonne un peu d’espoir. Est-ce que vous avez eu des moments d’abattement, de désespoir ? Il y a eu pas mal de moments d’abattement, il y a eu beaucoup de montagnes russes, plusieurs moments où on a cru que c’était sur le point de se faire. Il y a plein de choses qui seront racontées (…) et qu’il ne m’appartient pas forcément de dévoiler parce que c’est le secret de la diplomatie et de ce genre d’affaires compliquées. Mais oui, il y a eu des moments d’abattement. Et il faut aussi tenir sur le temps long. Au début, il y a 150-200 personnes qui sont très motivées et qui se mobilisent. Puis, à la fin, on est quelques-uns, dont certains qui n’ont jamais connu Olivier, ça c’est vraiment incroyable, c’est vraiment très beau aussi de voir comment toute une partie du comité [de soutien pour la libération de Olivier Dubois] sont des gens qui n’avaient aucun lien avec Olivier, qui ne l’ont jamais rencontré, et qui se sont donnés nuit et jour à Paris, à Metz, en Martinique pour porter ce combat et plaider sa cause. Et ça, c’est vraiment quelque chose de magnifique et que je retiendrai. Est-ce qu’il y a eu des signaux qui ont fait monter l’espoir ces derniers jours ou ces dernières semaines ? On a eu tellement de montagnes russes au cours de ces deux ans qu’on apprend à se blinder et aussi à se méfier des signaux faibles. Il y avait en effet des signaux faibles qui portaient à être optimistes. Maintenant, moi personnellement, j’étais surtout prudent. C’est une excellente nouvelle, à laquelle je ne m’attendais pas. Moi, j’étais dans l’idée de continuer le combat le temps qu’il faut et de n’arrêter que quand j’aurais la preuve sous les yeux, qu’Olivier va bien, qu’il nous revient. Je ne pensais pas que ce serait aujourd’hui pour être honnête. Vous avez donc beaucoup pensé à lui pendant ces deux ans. Qu’est-ce qui vous préoccupait le plus ? Ce qui me préoccupait le plus, c’était que la géopolitique écrase l’histoire personnelle et son cas individuel. Ce qui m’a inquiété, c’est effectivement tout ce qui s’est passé quand d’abord le Mali et la France ont rompu les communications. Ça a été un coup difficile, le départ aussi de la force française. Forcément, il y avait quelque chose de l’ordre du rassurant d’imaginer que nos soldats n’étaient pas trop loin en cas de besoin. Ça a été des passages plus difficiles.  Et là, vous avez vu les images d’Olivier Dubois à l’aéroport de Niamey ? Oui. Je les ai regardées en direct sur Twitter. Vos confrères de Radio France m’ont fait entendre ses premières paroles en direct. On a du mal à y croire. Je ne sais pas quoi vous dire, à part de c’est beau et que ça m’a fait longuement pleurer. Vous l’avez reconnu ? Il est comme avant ? Il a le même sourire. Je n’ai jamais douté qu’il a toutes les qualités pour traverser ce genre d’épreuves. C’est quelqu’un qui est plein d’énergie, qui est très humain, qui est toujours dans la proximité. On retrouve cette étincelle d’enfant dans son regard. Et ça m’a inquiété qu’elle puisse avoir été éteinte. ( …) Il nous racontera le détail. Je ne doute pas qu’il a su tirer son épingle du jeu et se faire bien accueillir malgré les conditions très particulières dans lesquelles il a été, survivre et nous revenir, avec un sourire.
3/21/20235 minutes, 29 seconds
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Ousmane Gaoual Diallo, ministre guinéen: «Le président Doumbouya ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle»

En Guinée, le colonel Doumbouya -qui a pris le pouvoir il y a 18 mois- promet de le rendre aux civils dans un peu moins de deux ans. Mais l’opposition est sceptique, car plusieurs de ses cadres sont en prison et ses deux leaders vivent en exil. N’est-ce pas en effet de mauvais augure pour la suite de la transition ? Ousmane Gaoual Diallo, porte-parole du gouvernement guinéen et ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique, de passage à Paris, est notre invité. RFI : Le 21 février, devant le Parlement de transition, le président de transition, le colonel Doumbouya, a annoncé qu’il quittera le pouvoir à la fin de la transition, c’est-à-dire à la fin de l’année prochaine. Est-ce à dire qu’il ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle ? Ousmane Gaoual Diallo : Non seulement il ne sera pas candidat, il l’a affirmé au moment de l’élaboration du chronogramme, mais il l’a répété aussi quand le besoin s’est fait sentir. C’est un engagement qu’il a pris devant la population guinéenne. Selon plusieurs sources, il y a eu au moins deux morts le 16 février à Conakry, à la suite de la répression brutale d’une manifestation par l’armée. N’est-ce pas de mauvais augure pour la suite de la transition et pour le retour des civils à la fin de l’année prochaine ? Le gouvernement déplore systématiquement les violences qui entrainent des victimes, mais prend aussi des dispositions, c’est quelque chose qu’il faut noter, pour que les auteurs de ces violences puissent être traduits devant les juridictions de ce pays. Il faut aussi rappeler que les premiers accusés d’assassinats de manifestants sont actuellement en procès devant les tribunaux de Conakry, et c’est déjà une première avancée. L’usage des armes de guerre dans les manifestations est prohibé et c’est pour cette raison que les auteurs de ces utilisations d’armes de guerre sont arrêtés et sont traduits devant les juridictions. Le 17 février dernier, monsieur le ministre, votre gouvernement a menacé d’interdire les principaux partis politiques du pays suite à un appel à une manifestation. Alors vous avez déjà interdit les manifestations, vous avez dissous le Front national pour la défense de la Constitution, le FNDC, est-ce qu’on peut encore parler de transition démocratique en Guinée ? La réalité, c’est que les manifestations ne sont pas interdites sur l’ensemble du territoire national. Elles sont interdites sur une partie du territoire, notamment sur les axes qui donnent lieu à beaucoup de violences. Pour le reste, les partis politiques continuent d’agir, continuent de maintenir leurs activités en critiquant l’actualité, en échangeant avec leurs membres, donc il n’y a pas eu de menace de dire qu’on va dissoudre les partis politiques. Cependant, les partis politiques, lorsqu’il y a des déviations par rapport à la loi, lorsqu’il y a violation de la Charte, il va sans dire qu’il y a des sanctions qui sont prévues. Alors, vous appelez au dialogue avec tous les partis, et notamment l’opposition, mais avec qui dialoguer si plusieurs figures de l’opposition et de la société civile sont en prison ? Je pense bien sûr à Foniké Menguè et à Ibrahima Diallo, du FNDC, le Front national pour la défense de la Constitution, et je pense à Saikou Yaya Barry, de l’UFR… Déjà, ils ne sont pas poursuivis pour des actions politiques qu’ils mènent. En tout état de cause, le dialogue n’est pas entre des individus et l’État, le dialogue est entre les institutions. Ce sont les organisations que les uns et les autres représentent qui sont invitées autour du dialogue. Donc on peut, bien entendu, avoir un certain nombre d’acteurs politiques qui ont maille à partir avec la justice, mais [faire en sorte] que le dialogue soit maintenu parce que les partis politiques, les organisations de la société civile, ne se limitent pas à des individus. Oui, mais voilà déjà près de huit mois que ces trois personnalités, Foniké Menguè, Ibrahima Diallo et Saikou Yaya Barry, sont en prison. Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux les libérer pour décrisper la situation et pour amorcer ce dialogue ? Le processus judiciaire se poursuit. Il me semble que le ministre de la Justice a été clair là-dessus. Toutes les dispositions sont prises pour que la justice puisse travailler dans la sérénité et rapidement pour juger ces personnes qui sont incriminées. Le dialogue avec les partis de l’opposition et les organisations de la société civile, c’est pour quand ? Le dialogue est en cours. Ils sont tous invités à prendre part au dialogue qui est soutenu et suivi par le Premier ministre, donc c’est une ouverture qui est là et que nous maintenons malgré tout. Mais concrètement, Cellou Dalein Diallo et Sydia Touré, les deux principales figures de l’opposition, ne sont plus dans votre pays actuellement, ils sont en exil. Est-ce qu’ils peuvent rentrer au pays sans être poursuivis ? Ils peuvent rentrer au pays sans aucun problème. D’ailleurs, Sydia [Touré] ne fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire dans le pays, donc je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas rentrer s’il le souhaite. Cellou [Dalein Diallo]est convoqué devant une juridiction, encore qu’il ne soit pas le seul responsable convoqué dans cette affaire, les autres protagonistes mis en examen dans ce dossier sont à Conakry et personne n’est incarcéré, donc je ne vois pas en quoi il pourrait refuser de rentrer au pays. Mais n’est-il pas difficile de dialoguer avec le numéro un de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, si celui-ci est poursuivi par la justice ? Peut-on, pour autant, garantir une certaine impunité simplement parce qu’on est le chef de file de l’opposition, ou bien on peut renforcer l’appareil judiciaire aux yeux de l’opinion guinéenne et que chacun se prête au jeu d’aller faire face à la justice, si ceci est nécessaire. Ne faut-il pas faire un geste à l’égard de Cellou Dalein Diallo pour que le dialogue reprenne ? Le dialogue doit pouvoir statuer sur ces questions. Suite à une rencontre, le 9 février dernier, entre les ministres des Affaires étrangères de la Guinée, du Mali et du Burkina Faso, a été émise l’idée de créer une fédération entre vos trois pays. Où en est-on de ce projet ? Il n’a pas été question dans le communiqué de créer une fédération, mais un renforcement de la coopération. Je pense qu’il est de la responsabilité aussi des gouvernants d’aller rechercher des formes de coopération avec les pays voisins, avec les pays tiers, et c’est ce qui est en train d’être fait par les autorités de la transition. En tout cas, la fédération, c’est le souhait exprimé publiquement par le Premier ministre burkinabè, Apollinaire Joachim Kyelem de Tambela… Je ne commente pas ces commentaires du Premier ministre burkinabè. Je sais que la Guinée allait chercher un renforcement de coopération avec ces pays, ce sera tant mieux pour nos économies.
3/20/202311 minutes, 23 seconds
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La nuit de Christophe Boltanski à l'Africa Museum: «Il faut expliquer au visiteur comment ces pièces ont été acquises»

Alors qu’un nouveau directeur, Bart Ouvry, vient d’être nommé à la tête de l’Africa Museum de Tervuren, près de Bruxelles, notre invité est Christophe Boltanski. Le journaliste et écrivain français a récemment publié un récit, King Kasaï, inspiré par sa nuit passée dans cet ancien musée du Congo belge totalement réaménagé.  RFI : Votre récit s’intitule King Kasaï, c’est le surnom de l’éléphant empaillé dans les années 50 qui trône toujours dans ce qui est devenu l’AfricaMuseum. Comment vous est venue l’envie de passer une nuit dans ce musée ? Christophe Boltanski : Ce musée, je l’avais découvert dix ans plus tôt, à l’occasion d’un autre livre intitulé Minerais de sang. Je m’étais rendu dans ce musée parce que les Belges, au moment de l’indépendance, ont tout emmené avec eux, toute la mémoire de ce pays, y compris les archives minières. Et j’avais découvert un lieu absolument stupéfiant, un musée colonial, qui n’avait quasiment pas changé depuis son inauguration en 1910. Et donc, quand j’ai appris que ce musée avait été fermé pour être officiellement décolonisé, je me suis demandé : mais comment on fait pour décoloniser un musée colonial ?  Je me suis retrouvé dans un lieu qui était plongé totalement dans l’obscurité, et la première chose que j’ai vu, c’était, avant même de rentrer dans ce musée, les tombes vides de sept Congolais morts en 1897 lors d’une exposition universelle. L’origine de ce musée, c’est d’abord ce zoo humain, des villages qui ont été recréés dans le parc. De très nombreux Congolais sont tombés malades et sept d’entre eux sont morts de pneumonie et ce sont leurs tombes que l’on voit adossées à cette église. Vous convoquez les récits de Joseph Conrad, mais aussi d’Hergé. Selon vous, il s’est particulièrement inspiré de ses visites au musée de Tervuren… Oui, d’abord Conrad, parce qu’il y a ce roman qui m’accompagnait dans cette nuit, qui s’appelle Au cœur des ténèbres, c’est un homme qui remonte le fleuve Congo à la recherche d’un chef de station qui est devenu fou, qui s’appelle Kurtz. Et moi, j’ai eu ce sentiment également de faire un voyage dans ce musée, je le raconte effectivement comme une sorte d’exploration dans les tréfonds de notre mémoire. Et également, quand vous rentrez dans ce musée, la première chose que vous découvrez, c'est un cimetière de statues. C’est-à-dire que le musée a essayé de déplacer les statues les plus choquantes, et parmi elles, il y a une statue qui s’appelle « L’homme-léopard », qui est particulièrement effrayante, et qui a inspiré Hergé pour son premier album, les Aventures de Tintin au Congo. Hergé ne s’est pas rendu au Congo, pas plus que le roi Léopold II qui est à l’origine de ce musée, mais il s’est rendu au musée de Tervuren. Il a donc dessiné les pirogues, les masques, les animaux, etc… En fait, cet album pourrait même s’appeler les Aventures de Tintin à Tervuren. J’ai compris, en voyant cette statue, que je ne visitais pas le Congo, évidemment, dans ce musée, mais que je visitais tous les stéréotypes et tous les clichés que l’on a accolés à cette partie du monde. Vous décrivez comment l’AfricaMuseum a été repensé, mais vous n'êtes pas convaincu par cette nouvelle mise en scène dans le musée. Est-ce qu'un musée bâti à la gloire de la colonisation peut réellement faire sa mue ? C’est presque impossible. Déjà, Léopold II est présent absolument partout dans ce musée. Son monogramme, qui est représenté par un double L, est gravé sur les murs, sur les plafonds, à 45 reprises. Et en plus, vous avez les statues les plus choquantes, qui sont des allégories représentant la Belgique apportant la civilisation et la foi chrétienne à de bons sauvages, et qui, parce que ces allégories sont situées dans des alvéoles, qu’elles font partie des murs et que le bâtiment est classé, ne pouvaient pas être déplacées. Donc on a essayé d’abord de faire contrepoids avec des œuvres contemporaines, puis on les a masquées par des voiles. Je trouve que c’est assez représentatif de toutes les gênes, de tous les dénis que l’on a à regarder cette histoire.  Au départ, les responsables du musée souhaitaient qu’il n’y ait même pas de salle historique sur le passé colonial de la Belgique. De nombreuses voix se sont élevées pour dire que ce n’était pas possible, qu’il fallait absolument qu’il y ait un espace qui lui soit dédié. Donc il y a une petite salle qui lui est impartie, mais qui est assez frustrante, parce que finalement, il n’y a pas grand-chose, et les pièces à conviction, parce qu’on parle quand même de crimes, on parle de ces sociétés concessionnaires qui ont obligé les populations à ramener du caoutchouc, et ceux qui ne pouvaient pas ramener leur quota étaient tués, et pour s’assurer que les balles avaient été bien utilisées, il fallait que les sentinelles coupent la main de leurs victimes. Et donc, on a ces photos qui ont été prises par une missionnaire anglaise qui sont absolument terrifiantes. Elles sont présentes, mais il faut vraiment les chercher. Il faut appuyer sur des écrans tactiles, elles apparaissent mais en tout petit, alors qu’elles devraient être au cœur de cette salle dans la mesure où des historiens estiment qu’il y avait sans doute vingt millions d’habitants en 1885, au moment de la colonisation, et que 25 ans plus tard, ils étaient moitié moins.   L’AfricaMuseum, ce sont aussi des dizaines de milliers de masques, statuettes, boucliers, objets rituels, dont beaucoup ont été pillés au Congo. Faut-il accélérer leur restitution aujourd’hui ?    La première chose qu’il faut faire d’abord, je pense, c’est expliquer aux visiteurs comment ces pièces ont été acquises. Quand moi, j’ai passé cette nuit, il y a une fameuse statue, ce qu’on appelle un fétiche à clous. Sur le cartel il était indiqué que ce fétiche à clous avait été collecté par un certain Alexandre Delcommune. Il s’agit d’un aventurier qui en fait ne l’a pas collecté : il a attaqué un village et il a compris que cette statue avait du pouvoir, et donc il s’est emparé de cette statue comme on prend un otage. Quand je suis retourné pour la sortie de ce livre, j’ai vu qu’ils avaient changé le cartel : maintenant le mot qui est utilisé, c'est « seized », donc ça a été « saisi ». On voit qu’il y a du progrès, mais on est encore loin de la réalité. Ensuite, la question de la restitution : je pense que les Belges sont beaucoup plus en avance que les Français. Il y a tout un travail justement pour identifier l’origine de ces pièces et les négociations qui sont très bien engagées avec la République démocratique du Congo. Je crois qu’en France, on est encore très très loin de cela, mais en tout cas cette question-là, on ne pourra pas y échapper.
3/19/20235 minutes, 45 seconds
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Terrorisme, relations avec les États-Unis et la France, Wagner : ce qu'en dit le ministre des Affaires étrangères du Niger

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken multiplie les visites sur le continent Africain. Jeudi 16 mars, il était à Niamey, au Niger, où il s'est entretenu avec le président Mohamed Bazoum. Il a été question de coopération économique et militaire dans ce pays du Sahel, région en proie à la violence jihadiste et où la Russie marque des points. Le ministre nigérien des Affaires étrangères Hassoumi Massaoudou est notre invité. Il est au micro d'Alexandra Brangeon.   RFI : Jeudi 16 mars, Antony Blinken était en visite au Niger, c’était la première visite d’un secrétaire d’État américain en plus de quarante ans dans votre pays. Comment vous l’interprétez ? Hassoumi Massaoudou : C’est vraiment un témoignage que nous recevons comme un témoignage de solidarité, d’amitié et de considération pour notre pays. Et cela prouve la qualité exceptionnelle de la relation que nous avons avec les États-Unis. Antony Blinken a d’ailleurs qualifié le Niger de modèle dans la région… Évidemment, nous sommes un pays qui est démocratique, stable, dans un environnement chaotique. Et nous faisons chaque jour preuve d’une grande résilience face à l’agression terroriste, à la dégradation de la situation sécuritaire dans le Sahel. Malheureusement, nous sommes les seuls et nous aurions souhaité ne pas être les seuls, ce qui nous donne des responsabilités supplémentaires, parce que nous devons prouverque seul le modèle démocratique est l’alternative crédible pour pouvoir vaincre le terrorisme. Il a été question, lors de cette rencontre, de coopération militaire justement, pour lutter contre le terrorisme. Les Américains sont déjà présents au Niger. Est-ce qu’il est prévu un renforcement de cette coopération militaire ? D’abord, nous avons cette coopération militaire de manière assez ancienne avec les États-Unis, mais elle est montée en puissance ces dernières années. Les États-Unis qui, effectivement, à travers leur implantation dans la base aérienne d’Agadez, nous donnent une aide importante en matière de renseignements, pas à nous seulement mais à tous nos partenaires de la région. Deuxièmement, les États-Unis forment nos bataillons des forces spéciales. C’est les premiers à avoir fait ce type de formations et à avoir donné l’exemple aux autres sur la nécessité de transformer notre armée par la multiplication des bataillons des forces spéciales qui ont fait leurs preuves sur le terrain. Et troisièmement, les Américains nous donnent des équipements sur le plan aérien – des C-30, des Cessna –, du renseignement, des moyens blindés, des véhicules blindés et tout ça. La participation des Américains à cette guerre est une aide inestimable pour nos soldats. Alors justement, est-ce qu’il est question de plus de moyens déployés par les Américains ? Oui, il est toujours question de plus de moyens bien sûr, aussi bien sur le plan militaire que sur le plan civil. Mais je voudrais signaler qu’à ce jour, l’engagement américain sur les trois dernières années dépasse les 1 000 milliards de francs CFA, et ça ne fait que monter en puissance. Donc, les Américains s’inscrivent dans la durée de la coopération avec notre pays, aussi bien sur le plan militaire que civil. Alors jusqu’à présent, la menace terroriste était concentrée à la frontière avec le Mali, elle s’est propagée à toute la frontière avec le Burkina Faso et le Bénin. Est-ce que cette coopération sécuritaire avec les Américains va s’étendre à cette nouvelle zone ? Mais la menace terroriste, nous savons très bien qu’elle va s’intensifier avec le départ des Français au nord Mali et, avec l’effondrement du front au niveau du Burkina Faso, il va de soit que cette menace est étendue, mais de manière moins importante à la frontière du Burkina. La coopération avec les États-Unis au-delà de la sécurité, elle se fait à notre demande, quelle que soit la zone, quel que soit l’endroit. Mais avec les États-Unis, nous avons une conception holistique de cette guerre, elle ne se limite pas à l’aspect militaire, il y a eu une montée en puissance de l’aide américaine à travers le retour d’abord de l’USAID et la montée des investissements. Tout cela participe en réalité de la volonté de renforcer la résilience de notre pays face au choc terroriste et au choc climatique.   ► À lire aussi : Sahel, Corne de l'Afrique...: comment la présence militaire américaine peut-elle évoluer? L’administration américaine a indiqué qu’elle souhaitait s’engager davantage sur le continent pour y contrer l’influence de la Russie. Est-ce que vous avez discuté avec Antony Blinken de l’avancée de la milice paramilitaire Wagner dans la sous-région ? Nous avons discuté de manière générale des questions du recul démocratique dans notre sous-région et, partageant ces mêmes valeurs avec les États-Unis, nous nous organisons pour que le soutien à l’expérience nigérienne fasse école et qu’elle soit un modèle et qu’elle se démultiplie en Afrique. Donc résister contre le recul démocratique dans notre région, c’est faire en sorte que, par notre exemple, nous puissions faire valoir le développement et l’avancée démocratique dans notre région et en Afrique. Depuis le putsch au Burkina Faso, plusieurs pays de la sous-région craignent l’arrivée de Wagner à Ouagadougou. Est-ce que vous en avez parlé avec votre homologue ? Nous considérons tous que Wagner est une organisation criminelle qui participe au recul de la démocratie dans notre pays, donc par conséquent, évidemment nous en avons parlé. En ce qui concerne le Burkina Faso, rien n’est prouvé jusqu’ici qu’ils ont eu un accord avec Wagner. Nous espérons qu’ils ne prendront pas cette trajectoire et qu’ils s’en tiendront au plan de sortie de la transition signé avec la Cédéao. Le président français, Emmanuel Macron, a indiqué qu’il fallait que la présence militaire française soit moins visible dans cette lutte antiterroriste. Est-ce que la France est toujours un allié solide, ou est-ce que les Américains sont en train de prendre la place des Français ? Les Américains et les Français ont toujours été nos alliés en même temps, ce sont des alliés importants, tout aussi indispensables et nécessaires les uns que les autres. Je vais vous dire une chose, c’est que cette guerre, c’est d’abord nous qui la menons. Qu’il s’agisse des Français ou des Américains, ils nous aident dans la guerre que nous menons, ils ne font pas la guerre à notre place. Ces différents partenaires, aussi essentiels soient-ils, ne sont qu’un appoint pour nous dans cette guerre. ►  À l'issue de cette rencontre Washington a annoncé une nouvelle aide humanitaire à la région, dont le Niger, d'un montant de 150 millions de dollars.
3/17/20235 minutes, 7 seconds
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Daniel Ona Ondo: «Une bonne gestion de nos devises peut nous dispenser de la garantie du Trésor français»

Les six pays de la zone CFA d'Afrique centrale sont désormais capables de se dispenser de la garantie du Trésor français et de rapatrier toutes leurs réserves de change, comme l'ont fait récemment les huit pays de la zone CFA d'Afrique de l'Ouest. C'est ce qu'affirme le Gabonais Ona Ondo Daniel, qui préside depuis plus de cinq ans la commission de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale). À la veille du sommet des six chefs d'États de la CEMAC, jeudi 16 mars à Yaoundé, l'ancien Premier ministre répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Ona Ondo Daniel, l’une des priorités de la Cemac, c’est de favoriser l’intégration économique entre vos six pays. De ce point de vue, quel est votre bilan ? Ona Ondo Daniel : Je crois que, dans la tradition de ma tribu, on ne fait jamais le bilan parce qu’on ne se glorifie pas. Mais qu’à cela ne tienne, la première réussite que nous avons, c’est la libre circulation des personnes et des biens. Vous savez qu’on disait qu’il y avait une réticence des pays à faire un passeport biométrique Cemac. Je peux vous dire qu’aujourd’hui les six pays ont des passeports biométriques Cemac. Nous avons ensuite essayé de relancer le programme économique et régional, ce qui a été fait. La bourse des valeurs a été modifiée. Vous savez, il y avait une bourse des valeurs à Libreville, et une à Douala. Aujourd’hui, les bourses sont unifiées. Donc je pense que ce sont des actions qui vont dans le cadre de l’intégration. La libre circulation est importante. C’est vrai que ce n’est pas le nirvana de circuler en Afrique centrale. Le commerce interafricain en Afrique centrale est encore faible – moins de 5% –, mais on a fait des efforts pour faire en sorte que la libre circulation soit effective dans les principaux corridors de notre région. Oui, mais que répondez-vous à ceux qui disent que rien n’a été fait sur le plan de l’interconnexion routière entre vos six pays ? Des efforts sont faits. Vous savez, Paris ne s’est pas fait en un jour. Il ne peut en être autrement pour l’Afrique centrale. Les infrastructures routières, dans le portefeuille des projets intégrateurs que nous avons faits à Paris, il y a des corridors qui ont eu des financements importants. Le corridor entre Yaoundé et N’Djamena et d’autres corridors entre le Cameroun et Brazzaville, un corridor entre Libreville et Brazzaville. Donc, on est en train de construire une intégration sous-régionale. On ne peut pas faire des routes en un claquement de doigts. Ce sont des choses qui se font avec du temps. Et l’interconnexion électrique entre vos six pays, ça ne marche pas encore… On est en train de faire l’interconnexion électrique. Vous savez, nous avons eu des financements importants de la Banque mondiale pour interconnecter le Cameroun et le Tchad. Et au niveau de l’Afrique centrale, entre le Gabon et la Guinée équatoriale, nous avons travaillé avec le pôle énergétique d’Afrique centrale, qui est l’interconnexion entre la Guinée équatoriale et le Gabon, entre Mongomo et Oyem, entre Ebebiyín et Bitam, et entre Akurenam et Médouneu. À l’heure actuelle, la monnaie commune de la Cemac, c’est le franc CFA. À la différence de la sous-région d’Afrique de l’Ouest, l’Uemoa, il y a toujours des réserves de change de francs CFA auprès de la Banque de France. Quand est-ce que vous allez réformer votre franc pour que ces réserves soient rapatriées dans la sous-région ? Les chefs d’État ont donné mandat à la commission de la Cemac et à la Banque des États d’Afrique centrale, donc au gouverneur, de faire des propositions sur les réformes de la coopération entre la France et les pays d’Afrique centrale. Nous avons fait des propositions qui ont été présentées aux chefs d’État, et à la prochaine conférence des chefs d’État, ceux-ci vont encore examiner ces propositions. Mais pour l’heure, le compte d’opérations effectivement est toujours au niveau du Trésor français. Mais, à terme, je crois que c’est parmi les points de réforme qui sont envisagés. Battre la monnaie est un problème de souveraineté, je crois qu’à terme, nous allons disposer de nos réserves comme nous le souhaitons. Est-ce que votre organisation monétaire est assez solide pour pouvoir rapatrier toutes les réserves de change dans la sous-région, et pouvoir vous passer de la Banque de France ?  Vous savez, c’est une bonne question. Il y a des pays qui sont plus petits qui ont une monnaie. Donc, je vous dis, battre la monnaie, c’est un problème de souveraineté, c’est à nous d’en décider. Si nous disons que nous voulons avoir nos réserves de change et nous passer de la Banque de France, on peut le faire. Mais il y a une chose que je veux vous dire : le compte d’opérations, c’est quoi ? C’est une garantie de la France. Cette garantie, d’après les économistes, n’a pas beaucoup joué. Donc, cela garantit que, si jamais le compte d’opérations est débiteur, la France nous donne la possibilité de pouvoir importer. Mais dans le cas d’espèce, cette garantie n’a pas beaucoup joué. Donc je pense que, si nous faisons une bonne gestion de nos devises, nous pouvons effectivement assumer cette responsabilité. C’est d’autant plus vrai qu’en Afrique de l’Ouest, ils gèrent leur devise et, à ma connaissance, il n’y a pas eu de problèmes jusqu’à présent. Depuis un an, la Centrafrique a adopté une nouvelle monnaie, le bitcoin, qui est une cryptomonnaie. Or, dans vos statuts, il est prévu que le franc CFA est la monnaie unique pour tous les États membres de la Cemac. Est-ce que la cohabitation est possible entre le bitcoin et le franc CFA ? Je peux vous dire une chose : ce dossier est inscrit à l’ordre du jour de la conférence des chefs d’État. C’est vrai que le problème de battre la monnaie, c’est un problème de souveraineté. La République centrafricaine, c’est un pays souverain. La République centrafricaine a décidé d’adopter la cryptomonnaie, c’est son droit le plus absolu. Mais la République centrafricaine fait partie d’une zone monétaire. Donc il est évident que les chefs d’État vont voir à ce que la seule monnaie qui a cours légal et pouvoir libératoire sur les six pays, c’est le franc CFA. Il appartient à un moment donné que la situation soit éclaircie au niveau des chefs d’État. Nous attendons la décision des chefs d’État. Mais n’est-ce pas un problème tout de même, monsieur le président, qu’un des six pays ne respecte pas les règles communes ? Jusqu’à présent, cela n’a posé aucun problème. Et je crois qu’aujourd’hui, le franc CFA continue de circuler à Bangui. Je reviens de Bangui et je n’ai pas vu de cryptomonnaie en circulation à Bangui. Le président actuel de la conférence des chefs d’État de la Cemac, c’est le Camerounais Paul Biya. Selon la règle et selon l’ordre alphabétique, après le Cameroun vient la Centrafrique. Est-ce à dire que le prochain président de la conférence des chefs d’État de la Cemac, ce sera le Centrafricain Faustin-Archange Touadéra ? C’est un problème qui sera débattu au niveau des chefs d’État. Je ne pense pas que ça pose problème que le président Touadéra soit le prochain président de la conférence des chefs d’État.
3/16/202310 minutes, 35 seconds
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Gabon: «Je vis un traumatisme qui ne dit pas son nom», raconte un rescapé de l'«Esther Miracle»

Au Gabon, le président Ali Bongo a décrété le 13 mars 2023 un deuil national de trois jours. Décision prise quatre jours après le naufrage du navire Esther Miracle. Tous les drapeaux seront mis en berne. Les activités festives et sportives sont suspendues. Le ferry reliait Libreville à Port-Gentil, lorsqu'il a sombré dans la nuit du 8 au 9 mars. 124 personnes ont été secourues. Mais le dernier bilan s'élève à 6 morts et 31 disparus. Des moyens importants sont toujours déployés pour tenter de retrouver ceux qui manquent à l'appel. Ce drame a choqué le Gabon. Une catastrophe racontée en détail par l'un des survivants du naufrage. Jean-Jacques Mendome Ayang est l'un des responsables de l'Académie Club de Libreville. Il devait se rendre avec son équipe de football à Port-Gentil. Il raconte le naufrage à Sébastien Németh.   RFI : Comment a commencé le naufrage de l’Esther Miracle ? Jean-Jacques Mendome Ayang : Autour de 3h30, le gendarme qui était à bord du bateau, qui servait de commandant de bord, il vient nous dire que le bateau a quelques soucis, donc nous sommes obligés d'aller doucement pour relier Port-Gentil. On a dit « bon y a, pas de souci », quelques temps après le monsieur est revenu pour nous annoncer que parmi les deux moteurs qui font tourner le bateau, il y a un qui s'est arrêté donc il est impossible d'avancer, c'est mieux de repartir sur Libreville. C’est à partir de ce moment que tout le monde était quand même inquiet. Quelque 5 ou 10 minutes plus tard, bon il y a une hôtesse qui est arrivé nous dire : « Bon, écoutez, on va vous montrer comment il faut porter des gilets de sauvetage. » C'est à ce moment-là qu'on a senti qu’il se passait quelque chose. Tout le monde s'est agité et le bateau allait d'un côté déjà. Là, c'était du sauve-qui-peut. J'avais une porte devant moi, je n'ai pas eu la force de la casser. On a soulevé les rideaux qu'on met autour du bateau, là, on s’est rendu compte qu’il y avait des baies vitrées, je suis sorti par là, et puis j’ai vu tout le mouvement que le bateau était en train de faire, il coulait vraiment à pas de tortue, ça penchait de plus en plus. En moi, il y avait quelque chose qui me disait de ne pas paniquer, il fallait affronter le danger. C’est juste après que le bateau s'est complètement renversé, le bas du bateau s'est retrouvé à la surface de l'eau. Dans quelles conditions avez-vous survécu une fois sorti du bateau ? Il y avait une vieille roue qui était attachée là, donc je m’étais accroché à cette vieille roue là, jusqu’à ce que le bateau s'est complètement renversé, il a laissé quand même une partie en surface, c’est sur cette partie-là que nous sommes allés. Nous sommes restés là à sept parce qu’il fallait sauver celui qui se noyait. On avait le président de notre équipe qui se noyait vraiment, il s’est beaucoup battu, parce qu’il a pris beaucoup de coups dans l'eau, mais il a tenu parce que nous lui avons demandé de tenir. Il était en train de crier « au secours ! ». Nous lui avons dit que nous étions là et qu'il fallait qu'il tienne. Et au moment où il était près de nous, on l'a tenu par les deux bras et il est venu sur le bas du bateau. Donc vous êtes restés comme cela en fait, sur la partie du bateau encore en surface ? Oui, il avait déjà coulé, mais il s’est avisé qu’en se stabilisant il a laissé une partie en surface. Le gendarme nous a dit qu’il fallait qu’on parte de là parce que le bateau va aller en profondeur, donc le manager de notre équipe a sauté, le gendarme aussi a plongé, mais moi j'ai dit à ceux qui sont restés avec moi de ne pas s'agiter et qu'il fallait qu'on reste là, qu’on trouve seulement un moyen pour que les gens nous viennent en aide. Et tout ça s'est passé dans le noir. Comment ça se passait pour les dizaines d'autres passagers qui étaient à bord ? Je ne saurais vous le dire avec exactitude parce que nous étions dans la nuit. Chacun cherchait à se sauver. La seule image que je retiens c’est que, effectivement, l'équipe du bateau, le commandant de bord et ces gens, ils ont balancé les bouées, les bouées de sauvetage. Et puis, les plus rapides, ils sont montés dans les bouées de sauvetage, donc je n'entendais que les cris des gens, je ne voyais que les eaux bouger. À ce moment-là, il y avait la panique dans l'air donc je ne peux pas décrire cette scène-là. Comment avez-vous été secouru finalement ? Les secours ont pu nous atteindre à travers mon téléphone. Pendant que le bateau coulait, moi, je communiquais avec mes parents, ils n'en revenaient pas, je leur disais effectivement : « Je vous appelle et le bateau est en train de couler. » Il y a un sac qui trainait, en surface là, on a ouvert le sac et a retrouvé les fumigènes. Donc on a balancé les fumigènes en pleine mer, on a balancé pour signaler qu'il y avait des gens qui étaient en détresse puis nous sommes restés là. Et les secours ont fini par arriver ? Quand je vous parlais de mon téléphone tout à l’heure, le président de notre club a usé de son carnet d'adresse, il a appelé ses connaissances pour dire qu'on était en détresse, qu'il fallait que les gens viennent. Juste après que deux navettes sont arrivées, deux navettes blanches, ça va ils nous ont rassurés, que de toute façon ils ont été alertés, ils sont venus pour nous chercher. Ils nous ont demandé de ne pas paniquer et de monter directement dans les navettes. Et comment vous sentez-vous aujourd'hui ? Je suis en train de vivre un traumatisme qui ne dit pas son nom parce que je dois toujours rester au contact des gens. Si je ne parle pas et que je pense à ce scénario-là tout de suite je commence à trembler et je commence à pleurer. Il y a des amis qui viennent à la maison, les amis et connaissances, ma femme est là, mes enfants sont là, et je fais tout pour être avec eux. On bavarde ou je prends un petit verre de gauche à droite. Donc, il faut vraiment que je sois actif, il faut que je sois là où il y a le mouvement pour oublier cette situation-là. Alors, il y a une polémique sur l'efficacité des secours. Qu'en pensez-vous ? Les secours ont été bien coordonnés. Déjà que ça se passait dans la nuit. C’est un accident. C’est quelque chose d'imprévisible, donc je ne vais pas dire que dans les cinq minutes qui suivaient il fallait que les gens soient là. Ce qui a été mis en place pour nous sauver, ça a suivi, parce que on a prêt de 150 survivants. J'estime que le sauvetage a été bien coordonné. Le gouvernement a demandé un audit de tous les navires de transport de passagers. Ça vous semble important ? Oui, je fais d’abord confiance au gouvernement de mon pays et nous, les passagers, nous ne pouvons demander qu'à nos gouvernants d'être un peu plus rigoureux sur ce genre de navire mais je sais qu’ils s’attèlent à le faire. Voilà, c’est un accident qui est arrivé, un accident c'est un événement imprévisible. Moi je pense, pour eux, ils en sont conscients, ils font leur travail. Votre équipe, votre entourage, tout le monde a survécu ? Nous étions à 17 joueurs plus quatre dirigeants, donc nous sommes tous sortis sains et saufs, on ne cherche personne. Ça doit être un soulagement, j'imagine ? Le soulagement est mitigé parce que même, ceux qui sont partis, si je ne les connaissais pas ce sont des Gabonais comme moi, ils sont des humains comme moi. Donc, je compatis à cette situation. Nous, nous en sommes sortis sains et saufs, j'aurais bien voulu que ça soit le cas pour tout le monde. ► À lire aussi : Gabon: au Port-Môle, la tristesse se mêle à la colère après le naufrage mortel
3/14/20235 minutes, 1 second
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Tchad: «Il faut avoir moins de France mais mieux de France», affirme Albert Pahimi Padacké

« En Afrique, il faut à la fois moins de France et mieux de France », affirme l’ancien Premier ministre tchadien Albert Pahimi Padacké, qui publie aux éditions L’Harmattan L’Afrique empoisonnée. Nommé au lendemain de la mort brutale du président Idriss Déby, en avril 2021, Albert Pahimi Padacké avait réussi à tenir 18 mois à ce poste difficile. Cinq mois après son départ de la primature, il prend ses distances avec le régime tchadien de transition et affirme que, lors des manifestations du 20 octobre dernier, la réaction des forces de l’ordre a été disproportionnée. De passage à Paris, le président du parti RNDT–Le Réveil répond à RFI. RFI : Albert Pahimi Padacké, au Tchad, 128 morts à l’issue de la répression sanglante des manifestations du 20 octobre, selon la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH). Comment a-t-on pu en arriver là ? Albert Pahimi Padacké : Il s’est trouvé que, le 20 octobre, des organisations ont projeté une marche. Dans cette marche, on a vu des jeunes armés de lance-pierres et parfois d’armes blanches, s’attaquant à des biens privés et publics parfois. En retour, on a vu une réaction des forces de l’ordre qui a amené un nombre important de morts et de blessés, ce qui, bien évidemment, n’épouse pas la proportionnalité requise en matière de maintien de l’ordre. Voulez-vous dire que la réaction des forces de l’ordre n’a pas été appropriée ? De mon point de vue, non. Et le nombre qui a été annoncé récemment par la CNDH… La Commission nationale des droits de l’homme… Par la Commission nationale des droits de l’homme, le nombre de 128 morts, c’est quand même un nombre énorme. Suite à cet événement tragique, que faut-il faire ? Dans un premier temps, il y a eu une commission internationale qui a été annoncée par le gouvernement. Nous attendons le résultat de la commission d’enquête internationale. Dans tous les cas, il faut que le gouvernement prenne les mesures idoines pour que les sanctions soient appliquées afin que cela ne se reproduise pas dans notre pays. Mais a-t-on jamais vu des responsables des forces de l’ordre sanctionnés au Tchad ? Mais les choses commencent toujours quelque part. Nous ne pouvons pas continuer avec l’impunité quand il s’agit de pertes en vies humaines. Beaucoup d’Africains reprochent à Emmanuel Macron de ne pas être cohérent, c’est-à-dire de condamner les coups d’État militaires au Mali, en Guinée et au Burkina Faso, et de valider le coup de force constitutionnel qui a eu lieu après la mort du président Idriss Déby en avril 2021. Est-ce que vous êtes d’accord avec cette opinion ?  Non. Je ne suis pas d’accord avec cette opinion, parce que, s’il y a eu, il est vrai, un changement non constitutionnel au Tchad, il est aussi vrai qu’il n’y a pas eu un coup d’État. Un coup d’État suppose une planification, une action d’un groupe d’hommes et de femmes pour renverser un pouvoir en place. Le maréchal Idriss Déby est mort face à une rébellion armée et ce n’est pas son armée qui a fait le coup d’État, même si, par la suite, le président de l’Assemblée nationale, qui constitutionnellement était intérimaire, a renoncé à ce droit constitutionnel et que l’armée s’est assumée pour éviter la déstabilisation du pays. C’est un changement non constitutionnel, mais ce n’est pas un coup d’État. La présence française en Afrique est fragilisée depuis deux ans par les décisions successives du Mali et du Burkina Faso de chasser les soldats français de leur territoire. Moyennant une présence moins visible, Emmanuel Macron souhaite que les militaires français puissent rester dans certains pays africains, dont le vôtre. Qu’en pensez-vous ? D’abord, il faut que les Africains et les Occidentaux comprennent que nous avons un défi commun : la lutte contre le terrorisme. Ce qu’il faut faire, de mon point de vue, ce n’est pas d’avoir à chasser l’armée française de nos pays. Il faut avoir moins de France, mais mieux de France. Ce n’est pas seulement une relation militaire. Il faut que les relations entre la France et les Africains quittent les labyrinthes des compromis entre dirigeants. Il faut prendre en compte les aspirations des peuples et notamment de la jeunesse, qui ne souhaite plus avoir le même type de coopération où un chef d’État africain, en problème avec sa jeunesse, est chaque matin sur le perron de l’Élysée avec le président français, bras dessus bras dessous. Une partie de la jeunesse africaine est séduite par la Russie. Est-ce qu’après la Centrafrique et le Mali, les soldats russes et les miliciens russes de Wagner peuvent s’installer demain au Burkina Faso ou dans votre pays, le  Tchad ? L’indépendance de l’Afrique ne consistera pas à baisser le drapeau d’une ancienne puissance et à hisser à la place le drapeau d’une nouvelle puissance. Il faut hisser les drapeaux africains. Wagner, c’est une milice privée qu’il faut payer. Est-ce que l’Afrique a les moyens aujourd’hui de s’autoriser les frais d’un mercenariat ? Nous avons besoin d’avoir une coopération militaire sérieuse avec des États, et non de traiter avec des mercenaires. Et de ce point de vue, vous, en tant qu’ancien Premier ministre tchadien, vous préférez ce partenariat avec quel pays du Nord ? D’abord, il n’y a pas de chasse gardée. [Avec la France], nous partageons la langue. Aujourd’hui, nous sommes en train de parler en français, cela crée un atout. Et donc, comme dans tout vieux couple, il y a des malentendus avec la France. Il faut les adresser de façon très claire, s’asseoir et redéfinir des nouvelles règles de coopération pour aller de l’avant. Et je trouve que la France a un atout préférentiel, compte tenu de l’histoire, compte tenu de la culture, compte tenu de la langue. Mais il faut que maintenant la France revienne vers les populations africaines et ne se contente pas des amitiés entre individus au sommet des États. Moins de France, mieux de France.
3/13/202319 minutes, 58 seconds